AGRI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 avril 1998
[Traduction]
Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): Nous allons ouvrir la séance de ce matin.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à un examen de la biotechnologie. Comme vous le savez, nous avons décidé, il y a quelque temps, de faire notre propre étude de la biotechnologie et de l'orientation que nous aimerions lui voir prendre afin d'avoir notre mot à dire sur la stratégie en matière de biotechnologie.
La brochure d'information de la Bibliothèque du Parlement que vous avez tous reçue est divisée en quatre parties dont chacune correspond à nos quatre prochaines réunions. Aujourd'hui nous examinons, à la page 2, les orientations des politiques publiques pour la biotechnologie.
Nous accueillons ce matin le président de l'Université Acadia, M. Kelvin Ogilvie.
Vous êtes le bienvenu.
C'est lui qui va lancer notre étude. Je crois qu'il s'intéresse à ces questions depuis la création.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Il y a bien des années, il s'occupait d'études moléculaires et de l'ADN.
Pouvez-vous prendre la suite, monsieur Ogilvie?
Dr Kelvin Ogilvie (président, Université Acadia): Merci, monsieur le président.
Si vous le permettez, je vais me servir de quelques diapositives pour illustrer mon propos.
Le président: Certainement.
Dr Kelvin Ogilvie: En entendant que ce soit prêt, je peux dire à ceux d'entre vous qui représentez ici la classe politique que si vous voulez relever un véritable défi politique, venez vous joindre à nous dans les universités. C'est là que la politique est vraiment vicieuse. Votre expérience actuelle vous y aura déjà un peu préparés, mais...
Une voix: Nous en avons eu un avant-goût cette semaine.
Dr Kelvin Ogilvie: Si vous lisez le Globe and Mail de ce matin, vous comprendrez ce que je veux dire.
Ce que j'aimerais faire, monsieur le président et membres du comité, c'est vous donner un aperçu général du contexte de la biotechnologie, vous parler peut-être de la biotechnologie moderne et vous préparer un peu à recevoir ce que les autres experts vous présenteront.
• 0850
Vous avez ici, sur l'écran, quelques définitions. Tout
d'abord, la technologie est l'application de la science à la
production de biens et services. La biotechnologie est un domaine
subsidiaire de la technologie. C'est l'application des sciences
de la vie ou des systèmes vivants à la production de biens et
services. En fait, c'est quelque chose de relativement simple.
Vous avez là la photographie d'un bas relief qui se trouve sur un tombeau de l'Égypte ancienne. Ce bas relief a été sculpté vers 2500 av. J.-C. Le haut de la sculpture représente la récolte et la mouture du grain. Au milieu, il s'agit de la transformation de ce grain en blé et le bas de la sculpture représente la fabrication d'un alcool fermenté, de la bière, à partir du grain.
Je vous montre cela simplement pour souligner que les organismes vivants servent depuis des milliers d'années à produire des biens et services. La levure sert à fabriquer du pain et des alcools fermentés. C'est un organisme vivant.
Les organismes vivants servent à produire des biens et services depuis des milliers d'années. Si c'est le cas, pourquoi se passionner ainsi aujourd'hui pour la biotechnologie? Autrement dit, si la biotechnologie existe depuis des centaines d'années, pourquoi cet intérêt soudain? C'est en raison de notre capacité à provoquer des changements relativement rapides chez les organismes vivants et je vais vous en présenter quelques exemples.
Ceci est le schéma d'une cellule vivante. J'ai pris ici quelques libertés, mais c'est là un schéma fondamental montrant une cellule vivante, disons une cellule bactérienne. Je n'ai représenté qu'une partie des gènes. Chaque organisme comporte une série de gènes qui lui indique ce qu'il doit faire. Ce cercle vert représente une série de gènes, ceux de l'ADN, qui portent l'information qui dicte à la cellule ce qu'elle doit faire. Chacun de ces segments est porteur de données qui indiquent à la cellule de faire une certaine chose ou de fabriquer un certain produit.
Dans ce cas, l'information est copiée sous la forme de ce fil noir que vous voyez au milieu. C'est une copie, disons une photocopie de l'information que portent les gènes de l'ADN. C'est ce qu'on appelle un ARN messager. Il prend un message du gène et va s'installer sur l'établi de la cellule. Les cellules ont des établis où se fait le travail de la cellule. Dans notre jargon, nous les appelons des ribosomes, mais en fait il s'agit des établis de la cellule.
Ce message dit à la cellule ce qu'elle doit faire. Il lui dit surtout de fabriquer certaines protéines, celles qui protégeront la cellule, qui la maintiendront en vie, qui l'aideront à se reproduire, comme toutes nos cellules. Les principales molécules qui s'occupent de nous dans nos cellules sont des protéines et les protéines sont les produits de l'expression génétique des organismes vivants.
L'enthousiasme ou, si vous préférez, l'intérêt que tout cela suscite vient de ce que les chercheurs ont appris comment la nature transforme ses propres cellules, sa propre composition génétique. Ils ont appris comment se servir des mécanismes de la cellule pour ouvrir ces gènes et introduire un nouveau gène présentant une caractéristique que la cellule n'avait pas jusque-là. Vous voyez ici une cellule dont les gènes sont ouverts et où l'on a introduit un nouveau gène, le gène rouge.
Les chercheurs peuvent le faire en se servant des instruments de dissection que la nature offre. La nature le fait elle-même. Les chercheurs ont appris comment la nature le faisait et comment se servir du même mécanisme pour ouvrir une cellule à un endroit précis afin d'y introduire un nouveau gène. Vous aurez, dans ce gène, un ARN messager qui transmettra un message indiquant à la cellule qu'elle doit fabriquer la protéine correspondant au gène que vous avez introduit.
• 0855
Voyons quel gène vous pourriez introduire—l'insuline
humaine. Avant l'avènement de la technologie, toute personne qui
souffrait de diabète insulino-dépendant devait se faire injecter
de l'insuline extraite de cadavres humains pour rester en vie.
Aujourd'hui, les chercheurs ont appris à introduire le gène de
l'insuline humaine dans des gènes de cellules bactériennes et à
faire fabriquer de l'insuline humaine par ces cellules
bactériennes. En fait, en Amérique du Nord, la seule insuline
humaine dont l'utilisation est autorisée est l'humuline qui est
fabriquée grâce à la biotechnologie. En effet, lorsqu'on
extrayait l'insuline du pancréas de cadavres, on risquait
d'extraire d'autres maladies. C'est donc une façon très
spécifique de produire de l'insuline humaine pure.
C'est là un exemple de biotechnologie et voilà le genre de choses qui ont été réalisées au début des années 80 et qui ont suscité ce vif enthousiasme pour la biotechnologie.
Vous avez peut-être entendu de la technologie de l'ADN recombinant, ce qui est un terme qui semble très technique. En réalité, cela désigne simplement l'introduction d'un gène, quelle que soit sa source, autrement dit, qu'il soit synthétique ou obtenu d'une autre source naturelle, dans un organisme vivant.
Ceci est une photographie d'une bactérie E. coli. C'est là une production massive de ces cellules que je vous ai décrites tout à l'heure de façon schématique. Si l'une de ces cellules est une cellule bactérienne et si vous la reproduisiez par fermentation, vous obtiendriez toute une masse de ces cellules. Vous auriez tout un bac de fermentation qui produirait de l'insuline humaine. Par conséquent, les petites cellules bactériennes sont en fait des usines de protéines qui, après une modification génétique fabriquent maintenant de l'insuline humaine.
Voici deux enfants. Celui de gauche a deux ans de plus que celui de droite. Celui de gauche souffre d'une déficience d'hormones de croissance, un grave problème qui touche un pourcentage important de la population humaine. Sans intervention, cet enfant n'aura pas une espérance de vie normale.
Voici Tom Pouce, sans doute l'un des nains les plus célèbres exhibés par P.T. Barnum. Le squelette ne se développe pas comme il faut, les organes non plus et le problème ne se limite à la petitesse de la taille. L'espérance de vie est d'environ 40 ans. Si ces enfants reçoivent des injections d'hormones de croissance humaine dès un très jeune âge, ils peuvent avoir une espérance de croissance presque normale. Leur structure osseuse et leurs organes vont bien se développer et ils auront une espérance de vie normale.
Où obtenez-vous l'hormone de croissance? Là encore, il fallait la prélever sur des cadavres humains. Par conséquent, jusqu'à l'avènement de la biotechnologie, la seule source d'hormones de croissance humaines était des hypophyses extraites de cadavres humains.
Grâce à la technologie que je viens de décrire, vous introduisez le gène de l'hormone de croissance humaine dans une cellule bactérienne d'E. coli, vous faites croître cette cellule dans un bac de fermentation et vous produisez ainsi des hormones de croissance. Et c'est ainsi que l'on obtient aujourd'hui cette hormone.
C'est là l'un des domaines dans lesquelles l'hormone de croissance humaine est utilisée comme traitement. Voici quelques-unes des premières utilisations de la technologie de l'ADN recombinant. L'hormone de croissance, l'interféron, l'insuline et les vaccins contre la fièvre aphteuse et la diarrhée du porcelet, en agriculture.
Je vais me vanter un peu. Voici la revue Maclean's du 16 juin 1980. Elle a publié un article sur la biotechnologie qui commençait à faire son apparition et, bien entendu, l'un de ses principaux intérêts est qu'elle permettait de produire des gènes humains. Et comme il fallait pouvoir en produire rapidement, vous aviez besoin d'une machine que l'on a baptisée du nom de «machine à gènes». Voici l'article en question et la photo de la première machine à gènes qui a réussi à produire de l'ADN dans le sous-sol de l'Université McGill, en 1980.
M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): Vous avez drôlement changé!
Dr Kelvin Ogilvie: J'ai gagné en maturité.
M. John Harvard: Est-ce révélateur quant à l'état de vos gènes?
Des voix: Oh, oh!
Dr Kelvin Ogilvie: Je réserve ma réponse pour plus tard.
• 0900
Voici la machine qui a été le premier synthétiseur d'ADN et
d'ARN, une machine à gènes fabriquée par une société canadienne,
la société Biologicals, en 1980-1981. C'était le précurseur des
machines utilisées aujourd'hui dans tous les laboratoires du
monde.
Intéressons-nous d'un peu plus près à l'agriculture. Voici les cellules d'un plant de pomme de terre. Vous pouvez prendre n'importe quelle partie de la plante et décomposer sa structure jusqu'à la cellule. Chacune de ces cellules contient tout le matériel génétique nécessaire pour fabriquer une plante complète.
À partir d'une de ces cellules, vous pouvez faire pousser un plant de pomme de terre qui sera en tous points identique au premier. Il vous suffit de prendre la cellule qui figure en haut de la diapositive et d'y ajouter quelques nutriments qui donnent à la cellule l'ordre de commencer à se reproduire.
En bas, en rouge, vous avez toute une série de cellules de pomme terre qui se sont reproduites à partir de l'original. À ce stade, elles ne sont pas différenciées, autrement dit elles ne savent pas quelle partie du plant de pommes de terre elles constituent. Elles possèdent simplement toute l'information voulue pour produire un plan entier. Pour obtenir un plant de pommes de terre à partir d'une masse de cellules non différenciées, vous devez indiquer à certaines d'entre elles qu'elles doivent devenir des tiges et à d'autres, des racines.
Vous ajoutez donc des nutriments aux cellules non différenciées ce qui vous permet d'obtenir la tige et les feuilles. Vous ajoutez ensuite davantage de nutriments afin que d'autres cellules forment la structure radiculaire, après quoi vous n'avez plus qu'à planter pour faire pousser votre plant de pomme de terre.
Dans ces diapositives, ces plants de pomme de terre ont été reproduits, toutes les trois rangées, à partir de cellules provenant d'un même plant. Vous pouvez vous demander quel avantage cela présente. Si vous trouvez, dans votre jardin, un plant de pomme de terre exceptionnel, vous ne voulez pas attendre des années jusqu'à ce que vous ayez assez de semences pour produire une récolte commerciale. De nos jours, il suffit d'en prélever une feuille pour pouvoir produire, de cette façon, cette même plante en plusieurs milliers d'exemplaires au cours d'une seule saison de culture.
Cette diapositive représente un travail réalisé à Saskatoon. Le manioc est une plante extrêmement importante dans le monde. C'est un exemple de l'utilisation de la technique que je viens de décrire.
Toutes les plantes qui se trouvent dans la nature sont exposées aux maladies. La plante de gauche est, de toute évidence, malade. L'extrémité de la plante qui croît le plus rapidement... et l'exemple le plus simple est sans doute celui du fraisier. À certaines périodes de l'année, le fraisier se développe à un rythme phénoménal. Vous pouvez pratiquement le voir grandir à vue d'oeil.
Les cellules de l'extrémité qui croissent le plus rapidement sont généralement exemptes de maladie. Par conséquent, si vous prélevez certaines cellules de cette partie et si vous les reproduisez, vous obtenez une plante exempte de maladie.
La plante de droite paraît saine et, croyez-le ou non, elle a été obtenue à partir de la plante de gauche, grâce à cette technologie. M. Kartha, à Saskatoon, comme la plupart d'entre vous le savez, a réalisé certaines des recherches les plus poussées au monde en agronomie et nous avons tout lieu d'en être extrêmement fiers.
Voici tout simplement des plants de manioc parvenus à pleine maturité. Leurs tubercules servent à fabriquer de l'amidon, leur structure est utilisée pour fabriquer des matériaux de construction et leur feuillage est un aliment pour le bétail.
Je sais que ce n'est pas très visible, mais de quel genre de plante pensez-vous qu'il s'agit? Cela ressemble à un peuplier, n'est-ce pas? Voici une vue un peu plus rapprochée. Ce n'est pas un peuplier, mais un pommier McIntosh.
Comme vous le voyez, la nature produit constamment des mutations. L'un des mutants découverts dans l'un des vergers poussait pratiquement tout droit. Grâce au clonage que je viens de vous décrire, ce pommier a pu être multiplié de façon extrêmement rapide et vous pouvez vous imaginer quel intérêt cela présente. C'est presque aussi précieux pour le grand public que pour les pomiculteurs étant donné que vous pouvez faire pousser des arbres comme haie dans votre jardin au lieu d'utiliser beaucoup d'espace pour créer votre propre verger.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): J'ai une question à vous poser. Vous avez modifié la chaîne d'ADN dans cette plante afin que l'arbre pousse comme un crayon. Qu'en est-il de la structure de la pomme comme telle? Est-elle la même?
Dr Kelvin Ogilvie: C'est une excellente question. Je tiens tout d'abord à vous dire que c'est la nature qui a changé cette plante. Ce ne sont pas les chercheurs. Il s'agissait d'une mutation naturelle.
D'autre part, il ne faut pas oublier que la nature évolue constamment. Elle produit toujours des mutations. Comme on a estimé que cette mutation-ci avait une valeur commerciale, on a cloné ce plant, autrement dit, on l'a multiplié grâce à la technologie que je vous ai montrée. Mais les chercheurs n'ont pas créé cette plante en modifiant les gènes. C'est la nature qui s'en est chargée.
D'après ce qu'on a pu déterminer, les pommes sont exactement les mêmes que celles qui poussent sur n'importe quel pommier McIntosh. C'est seulement la structure de l'arbre qui est différente.
Cela répond-il à votre question?
M. Murray Calder: Oui, quand nous passerons aux questions, j'approfondirai un peu plus.
Dr Kelvin Ogilvie: Pour ce qui est de l'endroit où les chercheurs auraient pu opérer cette mutation, voici une cellule. Au milieu vous avez une cellule d'un plant de tabac au bout d'une pipette, et à gauche, une seringue qu'un chercheur s'apprête à utiliser pour injecter dans le noyau de cette cellule un gène que le plant de tabac ne possède pas déjà. Les chercheurs font pousser une plante à partir de cette cellule unique. Ils espèrent que cette plante présentera les caractéristiques génétiques du gène qu'ils ont injecté. Les chercheurs ont appris à le faire en observant la nature.
En bas à droite se trouve une cellule bactérienne. Ces choses alignées sur la surface qui ressemble à des bouteilles sont des particules de virus qui injectent dans la cellule bactérienne leur propre ADN ou ARN. Cela va amener la cellule bactérienne à reproduire ces virus. Par conséquent, la nature sait comment injecter du matériel génétique d'un organisme dans un autre.
Voici un autre exemple du monde végétal. C'est là une bactérie dont vous avez sans doute déjà entendu parler, l'agrobacterium tumefacient. Elle porte une série de gènes... Vous voyez, je ne vous racontais pas de bobards quand je parlais de gènes ronds. À droite de cette cellule bactérienne figure une série de gènes disposés en faisceau. Cette bactérie est capable d'injecter l'un de ces gènes dans des cellules végétales et, quand elle le fait, elle provoque une croissance rapide de ces cellules.
Vous avez tous vu des cancers. La galle ou les grosses bosses qui se trouvent sur un arbre sont une forme de cancer causée par ce genre d'organisme qui transfère ces gènes dans une autre plante. C'est la nature qui le fait. Voilà comment les chercheurs ont appris à introduire du matériel génétique dans des organismes. C'est la nature qui leur a appris à le faire.
N'oubliez pas ce que j'ai dit tout à l'heure. Voici le genre de plante dont le monde entier a besoin. C'est un plant de tabac qui brille dans le noir. Il est certain que c'est ce dont le monde a absolument besoin.
Dans l'expérience que je viens de décrire, pour prouver que les chercheurs pouvaient introduire du matériel génétique dans les plantes, ils ont injecté les gênes de la luciférase. Vous savez tous ce qu'est la luciférase; vous avez tous vu des lucioles. Les lucioles contiennent ce gène. Lorsqu'il est en présence d'une substance chimique appelée luciférine, il se produit une réaction chimique. Quand cette réaction chimique se produit, elle libère de l'énergie sous la forme de chaleur ou de lumière. Dans ce cas, c'est sous forme de lumière et vous pouvez voir la luciole briller dans la nuit. Lorsqu'elle brille, elle essaie d'attirer une luciole du sexe opposé, mais c'est une réaction chimique.
Les chercheurs ont introduit le gène de la luciférase dans la cellule de la plante, ils ont fait pousser une plante complète, ils l'ont aspergée de luciférine et la plante s'est mise à luire dans le noir. Cela voulait dire que la luciférase, son gène figurait dans toutes les cellules de ce plant de tabac. Cela prouvait que les chercheurs pouvaient le faire et qu'il était possible d'introduire d'autres gènes dans d'autres plantes.
Par exemple, si vous pouviez introduire le gène de la résistance à la sécheresse et au gel dans des plantes commerciales très utiles, cela présenterait un avantage énorme pour l'agriculture. Les chercheurs ont appris à le faire. Vous pouvez produire des plantes telles que des fraisiers qui résistent mieux au gel en y introduisant les bons gènes. Ce sont des questions dont les autres témoins vous parleront sans doute davantage.
Voici une petite peste qui provoque d'énormes pertes pour les agriculteurs. C'est le sphinx de la Caroline qui s'attaque au tabac. Cette petite peste ignore qu'avant qu'on la place sur cette feuille de tabac, on a arrosé la feuille d'une bactérie dont vous avez tous entendu parler, le bacillus thuringiensis ou Bt. La petite peste est morte très rapidement parce que le Bt est toxique pour les insectes de type chenille. C'est parce qu'il porte un gène qui produit une protéine toxique pour ces insectes. Si vous pouviez prendre ce gène et l'introduire dans la plante, la plante deviendrait toxique pour l'insecte et vous n'auriez plus à l'arroser d'herbicide.
• 0910
Voici un exemple des dégâts que la tordeuse du bourgeon de
l'épinette cause aux épinettes au Canada. Vous êtes tous au
courant de l'énormité de la dévastation et vous savez combien
cela nous coûte. Le Bt tuera la tordeuse. Si vous pouviez
transformer les épinettes en y introduisant cette toxine, elles
résisteraient à ce vers.
En voici la preuve. Vous avez là deux plants de tomate. Celui de droite a été cultivé à partir d'une cellule dans laquelle on a injecté le gène de la toxine du Bt tandis que celui de gauche est normal. Les deux ont été infestés de chenilles. Celui de gauche a été détruit. Pour ce qui est de celui de droite, les chenilles sont montés jusqu'à la deuxième feuille et sont reparties. Elles ont abandonné le plant. Il n'est donc pas nécessaire de pulvériser des insecticides; le plant est déjà résistant à ce genre d'insecte grâce à la biotechnologie.
Vous direz que cela suscite des inquiétudes. Voici l'une des célèbres personnalités de la Nouvelle-Écosse, Howard Dill. Howard Dill est connu pour ses citrouilles géantes. Howard n'a pas trouvé cette citrouille par hasard dans son jardin, pourtant, je suis sûr qu'un grand nombre d'entre vous et que la plupart de nos concitoyens se sont réjouis des réalisations de Howard Dill. Howard Dill a transféré des gènes de plants sélectionnés dans d'autres plantes. Il a prélevé le pollen de certaines plantes et l'a transféré sélectivement dans d'autres plantes afin d'obtenir le matériel génétique qu'il voulait pour produire des citrouilles de plus en plus grosses.
La seule différence entre ce que fait Howard Dill et ce que je viens de vous décrire est que Howard Dill transfère des milliers de caractéristiques génétiques tandis que dans les exemples que je viens de vous donner, c'est une seule caractéristique génétique spécifique qui est transférée. C'est là une particularité très importante à ne pas oublier. La biotechnologie vous permet de contrôler entièrement la caractéristique génétique que vous transférez.
Aujourd'hui, vous pouvez introduire des gènes dans des animaux. Dans le cas des vaches, vous pouvez leur faire produire dans leur lait des protéines qui guériront des maladies humaines et qu'il n'est tout simplement pas possible de produire autrement. Il y a des molécules protéiniques si grosses que la science ne peut pas les fabriquer de façon rentable. Si vous pouvez transférer des gènes dans une vache ou une chèvre, la chèvre ou la vache produira ces protéines dans son lait et à partir de ce lait, vous pourrez extraire les produits qui guériront des maladies humaines.
Vous pouvez faire la même chose aujourd'hui avec des plantes et peut-être va-t-on également vous en parler davantage. Les plantes deviennent très utiles pour produire des protéines très importantes ou des médicaments, souvent avec des hydrates de carbone très concentrés.
Au début des années 80, on a craint que cette technologie aille trop loin et que les phytogénéticiens produisent des carottes géantes qui serviraient, bien entendu, à nourrir les lapins géants que produiraient les spécialistes de la biotechnologie animale. Bien sûr, nous savons que ce n'est pas arrivé.
Il s'est produit des choses intéressantes. Voici une mouchèvre, le produit de la fusion d'une cellule fécondée d'un mouton et d'une chèvre. Cela donne à l'animal qui n'est pas produit naturellement dans la nature et qui est incapable de se reproduire, mais qui présente les caractéristiques de ces deux animaux. Cela pourrait offrir des débouchés très intéressants pour le marché de l'alimentation. Voilà un exemple de choses qu'il est possible de faire pour l'agriculture.
Le Canada est un chef de file mondial dans bien des domaines de la biotechnologie agricole. Voici un exemple d'un autre aspect de la biotechnologie qui a valu aux producteurs de l'Alberta une réputation internationale. C'est la capacité d'améliorer la qualité de tout un troupeau bovin en une seule saison en provoquant une surovulation chez une supervache. J'entends par là une vache présentant les caractéristiques que vous voulez reproduire. Vous fertilisez ensuite l'animal artificiellement avec la semence d'un supertaureau, vous enlevez les ovules fécondés de la mère et vous les transplantez dans des vaches porteuses inférieures. La vache porteuse amène à terme un animal qui est le produit de la mère et du père biologiques.
• 0915
En haut à gauche vous voyez une mère qui a produit tous ces
veaux en une seule saison. Bien entendu, elle n'a pas été aussi
occupée elle-même, mais ses ovules fécondés ont été enlevés et
transplantés dans des vaches porteuses qui ont produit des veaux
pratiquement identiques. Comme vous pouvez le voir, il est
possible de prélever des ovules, de les congeler et les
transférer dans le monde entier pour produire des troupeaux de
qualité supérieure et cela très rapidement.
La biotechnologie est une chose qui exige de la prudence et certaines connaissances. Même dans ces domaines, il y a certaines choses qui sont nécessaires, mais il y en a aussi d'autres qui ne sont tout simplement pas possibles aujourd'hui.
Sur ce, je crois que je vais m'arrêter là et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Ogilvie, à titre d'éclaircissement, vous dites qu'étant donné que la nature opère ces mutations de façon naturelle et que nous faisons ce genre de choses depuis des milliers d'années avec les organismes vivants, il n'y a pas d'inconvénients à le faire mécaniquement au moyen de la biotechnologie. C'est plus rapide, mais ce n'est pas différent de ce que nous faisons depuis des milliers d'années.
Dr M. Kelvin Ogilvie: En principe, c'est exactement ce que j'ai dit. La nature a transféré des gènes d'un organisme à un autre, sans doute depuis que le monde est mode. Les chercheurs ont appris comment la nature procédait et ont acquis les techniques voulues pour faire la même chose en laboratoire. Cela résume exactement ce que vous avez dit.
Le président: D'accord. Est-ce une technologie sans limite?
Dr Kelvin Ogilvie: Pas pour le moment. Nous nous contentons de transférer un seul gène ou quelques gènes sélectionnés d'un organisme à un autre ou, à l'autre extrême, de fusionner des espèces en transférant un organisme entier. Les chercheurs ne peuvent pas encore transférer plus qu'un petit nombre de gènes connus, de façon délibérée et les intégrer pour produire l'effet recherché. Je m'attends à ce qu'au fil des ans les humains finissent par être en mesure de réaliser tout ce qu'ils peuvent imaginer aujourd'hui.
Le président: Une question sur laquelle le comité va devoir se pencher est celle de l'éthique. Comme vous le savez, bien des gens ne sont pas du tout d'accord avec la biotechnologie. Certains pays s'y opposent. Les Européens sont tout à fait contre la biotechnologie ou ses produits. Voilà pourquoi nous posons ces questions. Nous devrons les examiner au cours de nos délibérations et je me demande jusqu'où nous pouvons aller sans trop alarmer le public.
La STbr, par exemple, qui reproduit artificiellement ce que la vache produit elle-même a déclenché toute une levée de boucliers au Canada. Vous savez ce que nous avons traversé. Son utilisation n'est pas encore autorisée au Canada. Tout cela est tout à fait passionnant, mais comment pouvons-nous procéder de façon à ce que les gens comprennent les choses comme vous le faites?
Dr Kelvin Ogilvie: Je pense que c'est là le défi que notre société doit relever. Il faut que nous puissions profiter des progrès de la science sans que cela nous conduise à des choses qui pourraient être très destructives.
• 0920
N'oubliez pas qu'en ce qui concerne la biotechnologie, par
opposition à d'autres découvertes du dernier siècle telles que
l'énergie nucléaire et le reste, la communauté scientifique a
commencé par établir des règles avant de pouvoir faire certaines
choses pour régir la façon dont la technologie sera utilisée.
Dans ce cas, non seulement l'ensemble de la société a intérêt à surveiller la façon dont la biotechnologie est utilisée, mais la communauté scientifique s'entend pour établir des règles permettant d'utiliser la technologie uniquement dans des conditions très contrôlées afin qu'à chaque étape on comprenne au maximum quelles seront les conséquences avant que la technologie ne puisse être utilisée à grande échelle. Cela a commencé à la fin des années 70. La fameuse conférence d'Asilomar a donné naissance aux règles que la plupart des pays ont finalement adoptées comme politique nationale pour ce qui est de l'utilisation de la technologie.
Le président: De quelles règles parlez-vous?
Dr Kelvin Ogilvie: Il existe une série de lignes directrices quant à la façon dont les manipulations génétiques, si vous voulez utiliser ce terme, peuvent être utilisées dans un laboratoire dans des conditions rigoureusement contrôlées jusqu'à ce qu'elles soient parfaitement comprises. On peut ensuite passer du laboratoire à des terrains d'expérimentation sérieusement contrôlés après quoi, au bout d'un long parcours, il peut y avoir transfert dans l'environnement, mais uniquement après toute une série de tests et d'examens extrêmement stricts. Telles sont les règles qui régissent l'expérimentation scientifique au Canada, aux États-Unis et dans la plupart des pays.
Le président: Merci.
Avant que nous n'allions plus loin, Margaret, je m'excuse de ne pas vous avoir présentée. Margaret Gadsby est la directrice des Affaires réglementaires de Biotechnologie, Amérique du Nord et la présidente de BIOTECanada. Vous êtes également la bienvenue et je m'excuse de ne pas vous avoir présentée plus tôt.
Nous allons maintenant passer à M. Hoeppner.
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président. Messieurs, vous êtes les bienvenus. C'est très intéressant.
J'ai fait de l'agriculture pendant 35 ans avant de me lancer dans cette nouvelle vie. Je voudrais parler un peu du canola. J'ai été un des premiers producteurs de canola qui ont utilisé le MCPA pour éliminer la moutarde dans le canola et cela avec succès. Vous savez sans doute comment se comporte le canola spontané. Comme vous le savez pour avoir parlé à l'un des sénateurs hier... vous ne pouvez sans doute pas geler le canola. Le gel ne l'endommagera pas jusqu'à un certain point, mais pour les semences, il faut que le gel soit très léger.
Cette plante manifeste-t-elle des propriétés comme celles que vous avez montrées... cette mutilation ou injection naturelle? Cela rend-il la plante résistante au gel? Il y a également du canola spontané dans les céréales. Il est très difficile de s'en débarrasser. Cette plante résiste aux pulvérisations. Y a-t-il un rapport ou pourquoi cette plante se comporte-t-elle de cette façon?
Dr Kelvin Ogilvie: Je ne pense pas être qualifié pour vous répondre. Vous avez ici un autre expert qui connaît sans doute mieux que moi ce genre de détails. Peut-être pourrais-je parler de l'aspect général de la question, après quoi Margaret pourra entrer dans les détails.
Bien entendu, il existe des différences importantes entre la façon dont la semence se comporte lors de l'ensemencement et de la germination et la façon dont la plante survivra à diverses conditions une fois parvenue à maturité. Certaines plantes ont des caractéristiques génétiques qui les rendent résistantes au gel et à la sécheresse, par exemple. Ces caractéristiques peuvent être transférées d'une espèce à une autre pour améliorer cette dernière.
Quant à savoir comment se débarrasser des mauvaises herbes—et un plant de canola dont vous ne voulez pas est une mauvaise herbe—la biotechnologie commence à s'attaquer au problème en introduisant des gènes dans le blé, par exemple. Je vous parle de l'aspect purement théorique et, comme je l'ai dit, vous obtiendrez des exemples précis. Les chercheurs peuvent introduire dans un plan de blé un gène qui le rendra résistant à un herbicide, lequel tuera la mauvaise herbe. Vous pouvez ensuite pulvériser vos cultures d'une quantité bien moindre d'herbicide et vous tuerez ainsi uniquement la mauvaise herbe sans endommager à votre plante. Ou pour les mauvaises herbes très résistantes, vous pouvez augmenter les pulvérisations d'herbicide de façon à les éliminer en sachant que cela n'affectera pas la plante que vous cultivez.
• 0925
Le génie génétique transfère donc des gènes dans des plantes
pour les rendre résistantes aux herbicides.
M. Jake Hoeppner: D'accord, je comprends. Les Européens éprouvent des inquiétudes, à tort ou à raison, mais quel est le degré de toxicité transféré dans la semence? Disons que pour un plant de canola, vous pouvez produire un plant résistant à la puce de terre ou aux insectes de ce genre. Cette toxicité doit être transférée dans la semence qui produira le plant de l'année suivante.
Dr Kelvin Ogilvie: Monsieur le président, je connais la réponse générale à cela, mais nous avons une véritable spécialiste de ces questions et je me demande si vous ne pourriez pas inviter Margaret à répondre.
M. Jake Hoeppner: Avec plaisir.
Mme Margaret Gadsby (directrice, Affaires réglementaire, Biotechnologie, Amérique du Nord et présidente, BIOTECanada; AgrEvo Canada Inc.): Vous entendrez, beaucoup plus tard, le point de vue des spécialistes de la réglementation et lorsque vous entrerez dans les détails avec eux, vous constaterez sans doute que les questions que vous soulevez posent des problèmes bien réels qui font partie intégrante de l'analyse de l'innocuité.
Ce sont donc là des préoccupations légitimes, logiques et scientifiques. Si vous pulvérisez un pesticide sur une plante qui a été modifiée d'une certaine façon, il faut savoir quelle est la teneur chimique de cette plante, le contenu chimique naturel et celui qui résulte d'une exposition à un pesticide.
C'est précisément le genre de chose que nous examinons et tant que notre industrie ne peut pas prouver qu'un produit est sûr pour le consommateur, ce produit n'est pas homologué. Nous devons répondre à ces questions et je pense que cela en dit long sur le système canadien qui est très intégré afin qu'on sache bien qui est responsable des divers éléments d'un système très complexe d'évaluation de l'innocuité.
L'un des défis auxquels l'Europe se trouve actuellement confrontée vient de ce qu'elle n'a pas intégré aussi bien les éléments de son système d'évaluation. Selon moi, c'est pour cette raison que les médias posent davantage de questions et que cela suscite plus d'inquiétudes. Mais en fait, les évaluations européennes font la même chose, couvrent les mêmes aspects et sont aussi strictes que les nôtres.
M. Jake Hoeppner: Pour passer à une autre question, mon frère est médecin et nous avons ensemble des discussions animées au sujet de la biotechnologie. Il prétend que maintenant que nous pouvons transférer les gènes pour améliorer ou modifier une plante ou un animal, nous risquons de transférer involontairement d'autres gènes qui seront très difficiles à détecter.
Mme Margaret Gadsby: Encore une fois, cela pose un problème bien réel et l'une des choses que M. Ogilvie a clairement souligné est que, grâce à la biotechnologie, on peut identifier le changement que vous apportez à son point d'origine. Il a présenté les choses en les simplifiant, mais vous pouvez imaginer qu'il est assez compliqué, du point de vue technique, de prouver que ce que vous avez n'a rien d'autre qui y est associé.
Dans notre jargon, c'est ce que nous appelons une bibliothèque génétique. Si vous allez dans une vraie bibliothèque pour lire un paragraphe d'information, si vous êtes comme moi, vous finirez par lire un petit passage avant et un petit passage après si bien que vous aurez intégré dans votre cerveau un peu plus que ce que vous vouliez. En fait, en biotechnologie, quand nous avons examiné la série de pages que nous avons extraites de la bibliothèque, nous nous assurons d'avoir inclus uniquement le paragraphe qui nous intéressait et nous vérifions si nous n'avons pas inséré accidentellement d'autres données.
• 0930
C'est un problème bien réel, mais il existe des techniques
bien précises pour s'assurer que l'on n'a rien fait de plus que
ce que l'on voulait faire.
M. Jake Hoeppner: Comme vous le savez, les multinationales font beaucoup de recherche en coopération avec les universités ou les organismes gouvernementaux.
Au cours du débat sur la STbr on s'est demandé à quel point les renseignements que nous obtenions étaient exacts. Que suggérez-vous pour ce qui est de publier ce genre de renseignements? Au lieu de révéler au public seulement la moitié des faits, il faudrait lui dire toute la vérité afin qu'il puisse faire une analyse sérieuse et objective de la situation. Nous avons entendu des témoignages assez variables quant à la transparence de ces expériences et ce qu'on en révèle au public étant donné que certaines d'entre elles se font en secret ou sont protégées pendant 30 ou 40 ans.
Dr Kelvin Ogilvie: La question de la réglementation devra être réglée par les organismes de réglementation, mais nous possédons énormément d'expérience au Canada, comme dans tous les autres pays industrialisés, pour ce qui est de la réglementation de l'industrie pharmaceutique. Lorsqu'un produit pharmaceutique est mis en marché, l'industrie doit fournir des détails complets quant à la façon dont le médicament est fabriqué, les essais cliniques qui ont été réalisés et leurs résultats, afin de convaincre les autorités que le produit doit être commercialisé.
En ce qui me concerne, je ne vois aucune raison de ne pas exiger le même genre d'examen pour un produit qui doit être lancé dans le secteur agricole, qui doit entrer dans la chaîne alimentaire, par exemple. Autrement dit, je ne vois pas pourquoi le processus de réglementation n'exigerait pas que le produit soit présenté dans tous les détails aux autorités avant que sa mise en marché ne soit autorisée.
M. Jake Hoeppner: Merci beaucoup.
Le président: Madame Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Bienvenue. J'ai bien apprécié le côté vulgarisation de votre exposé. Je suis une personne qui bénéficie chaque jour de ces petites usines bactériologiques qui font l'insuline. Je suis donc en mesure d'apprécier les biotechnologies.
Cela m'amène à vous poser une question. Comment se fait-il qu'on accepte facilement dans le monde médical, pour les humains, toute l'évolution de la biotechnologie, tandis qu'on accepte plus difficilement ses bienfaits dans le domaine des plantes et du monde animal et qu'on n'est pas capable de vendre ça à la population? Il y a une crainte maladive. Est-ce la crainte de l'erreur? Je n'arrive pas à l'expliquer. Peut-être ne faisons-nous pas notre devoir dans l'explication ou la vulgarisation des procédés.
Dr Kelvin Ogilvie: C'est une très bonne question. Je pense qu'il y a une différence lorsqu'on fait face à problème médical puisque...
Mme Hélène Alarie: On n'a pas le choix.
Dr Kelvin Ogilvie: On n'a pas le choix et on s'intéresse spécifiquement à un traitement immédiat. On peut songer à toutes les maladies dont on peut souffrir au cours d'une vie, mais dans le cas de la nourriture, c'est un peu différent. On a besoin de nourriture et, au cours d'une journée ou même d'une vie, on a le temps de déterminer ce qu'on va consommer. La décision n'est pas immédiate, à moins que l'on soit affamé. Le besoin n'étant pas immédiat, on ne ressent pas autant la nécessité d'avoir recours à la biotechnologie pour se nourrir. S'il y avait un vrai manque de nourriture dans une société, on se tournerait beaucoup plus vers la technologie pour obtenir la nourriture nécessaire.
Mme Hélène Alarie: Bien qu'on vive dans un pays d'abondance, la sécurité alimentaire n'est pas assurée dans le monde entier. Il y a donc des pays où on manque de nourriture, comme vous le dites. On a toujours cette espèce de dichotomie: on a des moyens technologiques, de par la biotechnologie, mais on n'arrive pas à faire le lien. Vous avez sûrement déjà pensé à ces questions-là. Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire?
Dr Kelvin Ogilvie: Je n'ai pas la réponse absolue. C'est une question de progression. À mon avis, il faut commencer par mettre sur pied un système et une réglementation qui donnent à la population l'assurance que la technologie est sécuritaire et qu'elle apporte des bénéfices extraordinaires, non seulement au niveau de notre nourriture, mais aussi au niveau de notre économie, de notre style de vie et de l'avenir de notre pays. Si la réglementation est bien définie, nous pourrons faire une progression vers la technologie, et l'expérience donnera à la population l'assurance des nombreux bénéfices de la biotechnologie.
Mme Hélène Alarie: Merci.
[Traduction]
Le président: Margaret, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Margaret Gadsby: Je voudrais faire un commentaire, car je crois que c'est une excellente observation. Il y a peut-être une chose que nous n'avons pas mentionnée ici. Je ne pense pas que le public canadien comprenne comment les produits alimentaires traditionnels sont produits, comment on juge de leur innocuité et quels sont les efforts déployés pour effectuer cette évaluation. Ils ne savent pas vraiment comment ils peuvent faire confiance au sandwich au thon qu'ils ont mangé hier. Il est toutefois un peu plus difficile de dire que j'ai fait à ce sandwich au thon quelque chose que les gens ne comprennent pas entièrement parce que c'est très technique, mais qu'ils doivent quand même me faire confiance parce que c'est acceptable.
Je crois que nous avons un gros effort à faire sur le plan des communications dans le domaine de la production alimentaire. La plupart d'entre nous ne savent plus trop d'où viennent nos aliments. Nous ne comprenons pas comment on établit qu'ils sont sans danger. C'est très bien d'offrir des possibilités très techniques et enthousiasmantes grâce à la biotechnologie, mais nous devons éduquer les gens. Il faut commencer par ce qui est traditionnel. Je ne pense pas que vous pouvez commencer par la haute technologie.
Le président: Murray Calder.
M. Murray Calder: Kelvin et Margaret, vous venez d'aborder l'une de mes bêtes noires en ce qui concerne l'éducation. Imaginez un peu la façon dont le grand public perçoit actuellement les moins de 3 p. 100 de Canadiens qui sont actifs en agriculture et qui font pousser des aliments. Ils considèrent Jack et moi, par exemple, comme des êtres rustiques qui se promènent sur un tracteur avec un chapeau de paille et un brin de foin entre les dents. C'est comme ça qu'ils voient l'agriculteur.
Voilà que tout à coup le secteur agricole commence à dire qu'il est peut-être en mesure de cloner une centaine de Jack.
M. Jake Hoeppner: J'espère que non.
M. Murray Calder: Le Parti réformiste en serait peut-être ravi, mais cela nous pose un problème.
La conception que le public se fait du secteur agricole se trouve tout à coup réduite à néant et les gens ont peur. C'est une chose à laquelle ils sont confrontés trois fois par jour: le matin, le midi et le soir. Ils veulent savoir ce qu'il en est. Certains jeunes d'aujourd'hui pensent que le lait, les oeufs, le poulet et le reste viennent tout simplement de l'épicerie.
Je voudrais savoir de quels moyens nous disposons actuellement pour pouvoir participer à ce processus d'éducation et informer le public? De toute évidence, il n'est pas au courant. D'autre part, quel moyen faudrait-il songer à mettre en place pour résoudre un problème qui va devenir de plus en plus énorme avec la croissance démographique? La biotechnologie n'est pas un phénomène passager.
• 0940
Quand j'ai obtenu mon diplôme d'études secondaires, en 1970,
nous nous demandions comment nous allions nourrir les 5 milliards
d'habitants qui peupleraient la planète d'ici 1995. Nous sommes
maintenant 6 milliards. Nous nous demandons comment nous allons
nourrir 9 milliards de gens d'ici l'an 2030. La biotechnologie va
certainement faire partie de la solution. C'est ce qui nous a
conduits jusqu'ici et c'est ce qui nous mènera jusqu'à l'étape
suivante. Comment éduquer le public et quels moyens utiliser pour
l'informer de ce que nous faisons et lui faire savoir que la
nourriture est sans danger?
Dr Kelvin Ogilvie: Il n'est pas facile de répondre à votre question, vous le savez certainement.
Une des choses qui me déçoivent le plus est que, depuis que je suis au monde, le Canada a sans doute été l'un des chefs de file mondiaux de la recherche agricole, mais que nous sommes très discrets quant à nos succès. Nous ne nous en sommes pas vantés. Nous n'en avons pas vu l'intérêt.
Ces progrès sont le résultat de la recherche et en grande partie d'une recherche parrainée par le gouvernement fédéral qui a été effectuée dans les centres de recherche agricole du pays. Dans ma propre province, la Nouvelle-Écosse, nous avons produit plusieurs des principales variétés mondiales de fraisiers, à Kentville. Notre pays n'en a pas retiré un sou, car nous n'avions pas de droit ou de brevet sur les matériaux phytogénétiques. Par conséquent, la société canadienne n'a jamais pu prendre conscience de la valeur énorme des progrès de l'agriculture et des effets de la recherche sur ces progrès. Par conséquent, il faut faire comprendre que la recherche scientifique entraîne des changements dans l'agriculture qui présentent des avantages énormes.
De nombreux Canadiens savent plus ou moins que nous avons fait quelque chose d'extraordinaire pour le canola, mais ils ne savent pas exactement quoi. Nous avons perdu une excellente occasion de renforcer l'éducation pour faire comprendre que la recherche agricole est bien autre chose qu'un type juché sur un tracteur un brin de paille entre les dents. C'est quelque chose de très sérieux qui se fait chez nous depuis 40 ans ou 50 ans.
Nous devons commencer à reconnaître que les produits agricoles mis au point grâce à la recherche présentent énormément d'intérêt pour notre pays, à bien des égards y compris du point de vue économique et qu'il faut les protéger. Les droits des sélectionneurs sont maintenant réglementés au Canada, mais j'estime que cette réglementation ne va pas assez loin et n'est certainement pas aussi utile qu'un brevet sur le matériel phytogénétique.
Nous devons comprendre les répercussions que cela a sur l'économie. Nous devrons ensuite établir, pour la biotechnologie agricole, une réglementation appropriée, qui sera bien expliquée à la population et dont on montrera clairement les effets positifs pour ce qui est des applications pratiques de la biotechnologie. Il nous faut ensuite bien informer le public quant au rôle continu que l'agriculture joue pour la population et pour l'économie ainsi que l'amélioration de la qualité de la vie qu'apporte la recherche agricole, y compris le génie génétique.
Je ne prétends pas que les choses changeront du jour au lendemain, car je ne pense pas que ce soit possible. Mais il faut reconnaître que ce sont là des facteurs essentiels et il faut agir sur tous les fronts.
M. Murray Calder: Cela dit, je peux vous donner un exemple montrant que la solution doit venir en partie de la communauté scientifique. Ce printemps, les agriculteurs sont allés ensemencer leurs champs. Tout le monde a vu les tracteurs dans les champs et c'était normal. Mais si je disais aux gens qu'à l'heure actuelle la plupart des producteurs agricoles se servent du système de positionnement global et si je leur expliquais en quoi cela consiste, les gens demanderaient: «Depuis quand est-ce arrivé?»
• 0945
La perception que le public se fait de l'agriculture ne
correspond donc pas à la réalité. Il s'agit de voir comment
informer le public sans trop le traumatiser.
Dr Kelvin Ogilvie: Comme vous l'avez reconnu, il faut bien se dire qu'il faut éduquer la population. Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard. J'ai l'impression que la plupart des gens seraient enthousiasmés d'apprendre que les agriculteurs se servent du système de positionnement global non seulement pour savoir quand planter, mais aussi quand utiliser diverses applications des engrais et des pesticides. C'est pour accroître leur productivité, mais aussi pour réduire les dangers qu'un usage excessif de pesticides, d'herbicides et d'engrais présente pour l'environnement. En effet, un grand nombre de ces personnes se servent de ce système dans leurs bateaux de pêche lorsqu'ils vont pêcher sur le lac, n'est-ce pas?
M. Murray Calder: Je suis entièrement d'accord. Je vous ai cité cet exemple pour une bonne raison, car c'est le côté positif. Pour ce qui est du côté négatif, si je dis aux gens que je peux injecter une hormone dans les vaches pour accroître leur production laitière ils me demanderont quels en seront les effets sur leur lait. Si je leur dis que nous avons changé la structure génétique du plant de pomme de terre pour tuer le doryphore, ils me diront: «Quel effet cela a-t-il eu sur ma pomme de terre?». L'opinion publique penche donc dans un sens ou dans l'autre.
Dr Kelvin Ogilvie: L'industrie n'est pas unifiée, d'ailleurs la loi ne le permettrait pas. Mais je crois que si j'avais suivi un plan directeur, je n'aurais pas introduit la biotechnologie dans l'agriculture par l'entremise de certains des produits qui ont suscité le plus de problèmes. J'ai toujours pensé que si l'électricité avait été introduite par l'entremise de la chaise électrique, nous n'aurions pas tout ce réseau de fils électriques qui dessert le monde entier, car les gens l'auraient vue sous un jour très différent. Si la première démonstration de l'électricité avait été une électrocution sur la chaise électrique, la situation serait sans doute très différente.
Si nous n'avions pas eu l'hormone du lait, la BST et d'autres innovations du même genre, si nous avions plutôt proposé de transformer les plantes afin de les rendre plus résistantes aux insectes afin de ne pas avoir à pulvériser le pays de pesticides, la population aurait probablement eu une opinion tout à fait différente de la biotechnologie. Si cela avait été son premier contact avec elle, on aurait pu la lui expliquer entièrement d'un point de vue constructif, sans que cela ne soulève ces autres problèmes.
De plus, comme j'essayais de l'expliquer un peu plus tôt, mais peut-être pas très bien vu ma capacité limitée à m'exprimer en français, je crois que plus nous allons opter librement pour certaines solutions, plus nous allons assurer que notre choix est absolument sans danger.
M. Murray Calder: En fait, avec la croissance démographique, l'agriculture va devenir de plus en plus intensive. On ne fabrique pas de nouvelles terres.
Le président: Merci, Murray.
Pour revenir sur ce qu'a dit Murray, on nous a dit hier que le but du ministère était de doubler la valeur de nos industries agricoles pour la faire passer de 20 à 40 milliards de dollars d'ici l'an 2005. Toute notre terre arable est utilisée; en fait, nous en perdons une partie chaque année au profit de l'expansion urbaine. Nous allons pourtant doubler notre production et la valeur de nos produits. La seule façon d'y parvenir est de faire pousser davantage de pommes de terre.
Larry, la parole est à vous.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci, monsieur le président et je remercie nos témoins. Je suis sûr que nous allons vous revoir ici tous les deux, ainsi que bien d'autres personnes.
Monsieur Ogilvie, quand j'entends les gens exprimer des inquiétudes au sujet de la biotechnologie, leur peur de l'inconnu, je voudrais pouvoir jouer un très petit rôle en leur expliquant ce qu'il en est et en dissipant certaines de leurs craintes, des craintes qui ne sont peut-être pas justifiées.
• 0950
Bien entendu, nous entendons beaucoup parler actuellement de
la STbr. Nous avons utilisé la biotechnologie avec tellement de
succès depuis 50 ans qu'elle se retrouve dans tous les aspects de
notre vie.
Vous m'en avez peut-être déjà donné un, mais pourriez-vous me citer un exemple simple et direct de biotechnologie consistant à transférer un gène? On me l'a assez bien expliqué un jour, à Saskatoon, et j'ai été convaincu que c'est une technologie que nous contrôlons bien. Mais comment puis-je donner au public un exemple simple et direct de produit qui lui donnera confiance.
Dr Kelvin Ogilvie: Je ne pense pas que ce soit facile à faire, mais si l'on y est déterminé et qu'on y consacre suffisamment de ressources et d'énergie, c'est possible.
Margaret a indiqué qu'il existait des instruments analytiques scientifiques qui pouvaient servir à démontrer très clairement, du point de vue scientifique, que seules les données recherchées ont été intégrées et aucune autre. Mais même sur le plan scientifique, c'est pas facile à faire.
Si l'on suit toutefois les diverses étapes scientifiques, depuis la plante originale que l'on transforme génétiquement par les moyens dont je vous ai parlé ce matin dans les grandes lignes, en analysant le produit de cette transformation et en suivant la plante au cours de ses divers cycles de vie, c'est-à-dire dans ce cas avant qu'elle ne se soit introduite dans l'environnement, il y a toute sorte de choses que l'on peut faire pour informer le public sur chacune des transformations de la plante. Le processus peut être parfaitement décrit au public, surtout si ce dernier s'intéresse au produit que vous transformez.
Qu'il s'agisse de plants de tomate résistant aux insectes qui infectent les jardins ou d'autres choses du même genre, vous devez prendre comme exemple, un produit que le Canadien moyen reconnaîtra très rapidement. Ce n'est pas le cas pour la STbr. Je regrette, mais en tant que chercheur et en tant que citoyen, je ne crois pas que le genre d'argument invoqué nous permettra de gagner facilement sur ce plan-là.
Pour aider la société à comprendre cette technologie et ses effets de la façon que vous avez décrite, nous devons choisir des espèces végétales que le consommateur connaît bien et pour lesquelles nous pouvons clairement expliquer les étapes suivies afin de montrer que le produit final est aussi sûr et aussi sain que n'importe quel autre et qu'on n'a pas à s'inquiéter non plus de changements à long terme dans l'environnement.
M. Larry McCormick: Oui. Merci.
Et juste au cas où la présidence me couperait la parole, j'ai une question à poser à Margaret ou plutôt une observation à faire. Je ne m'attends pas à ce qu'elle sache tout, mais elle est extrêmement bien informée, ainsi que vous, monsieur Ogilvie.
Pour ce qui est de la STbr, puisque le sujet a été abordé, je me demande ce qui se passe aux États-Unis. Comment les consommateurs acceptent-ils ce produit? J'ai entendu dire que vous pouviez légalement édicter un produit aux États-Unis pour indiquer qu'il était sans STbr. L'efficacité de cet étiquetage est douteuse. Peut-on même s'attendre à ce qu'IC ou qui que ce soit d'autre puisse faire cet étiquetage si ce genre de produit arrive au Canada?
J'en resterai là pour le moment. Merci.
Mme Margaret Gadsby: Je répondrai simplement qu'aux États-Unis, la STbr est bien acceptée. Au départ, on a craint que la consommation de lait diminue. Mais cela ne s'est pas vérifié. À ma connaissance le marché des produits étiquetés sans STbr est très limité.
• 0955
La politique d'étiquetage canadienne nous permet d'étiqueter
n'importe quoi de façon volontaire à la condition de pouvoir
prouver que vos affirmations sont exactes. Pour de nombreux
produits en vrac, cela pose un sérieux défi. Étant donné la façon
dont les systèmes de collecte des produits alimentaires sont
conçus de façon à offrir à un public diversifié des produits
alimentaires de haute qualité et à bas prix, nous ne pouvons pas
facilement séparer certains produits du gros de la production
sans que cela ne représente des frais supplémentaires.
En général, si vous parlez aux consommateurs, vous constaterez qu'un tas de choses les intéresse. Si vous leur demandez s'ils sont prêts à payer plus, ils vous répondront souvent par l'affirmative, mais quand vous leur offrez un produit qui coûte réellement plus cher, ils ne démontrent pas de suite dans les idées quand vient le moment de passer à la caisse. Il ne faut donc pas oublier qu'il y a parfois une dichotomie entre ce que nous disons et ce que nous sommes prêts à sortir de notre portefeuille.
Le président: Nous manquons de temps, Larry. Nous devons passer à madame...
M. Larry McCormick: Monsieur Ogilvie, il est peut-être très injuste de vous poser la question, mais nous avons parlé autour de cette table de la recherche sur certains produits comme la STbr et le fait qu'une grande partie de cette recherche est effectuée par des sociétés qui peuvent en tirer énormément de profits. Est-ce là un gros défi pour l'industrie? Cela se passe-t-il généralement de façon assez équitable? Est-ce une situation qui se produit ou qui ne se produit pas souvent?
Dr Kelvin Ogilvie: L'industrie est l'une des principales sources de soutien de la recherche fondamentale sur la plupart des produits qui peuvent avoir un grand potentiel économique, dans n'importe quel domaine de la technologie et c'est certainement vrai pour la biotechnologie. Je ne pense pas un instant qu'il faille soupçonner pour autant la majorité de la recherche industrielle.
Encore une fois, nous sommes les victimes de certains exemples précis. À cause de l'industrie du tabac, le public est très sensibilisé aux problèmes potentiels que suscite l'utilisation de données de recherche. Encore une fois, je pourrais vous répondre qu'il n'y a pas de problème et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais nous devons être certains que, pour autoriser tout produit résultant de la biotechnologie, il faut suivre une réglementation appropriée et il faut que la décision définitive puisse être examinée du début à la fin comme c'est le cas dans l'industrie pharmaceutique.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Ur.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.
Étant donné que la prochaine série de négociations de l'OMC est pour bientôt et que nos collègues européens ont émis des inquiétudes, comment allons-nous faire face au défi que représente leur attitude vis-à-vis de la biotechnologie? Également en ce qui concerne le tabac—je ne connais pas la bonne terminologie—je pense avoir lu quelque part que le tabac semble constituer une base solide pour la recherche en biotechnologie. Ai-je raison ou est-ce que je me trompe?
Dr Kelvin Ogilvie: Ce qu'il y a d'intéressant c'est qu'un grand nombre des choses que nous aimons sont celles que nous connaissons le mieux, soit parce qu'elles sont jugées mauvaises et que la société s'y intéresse beaucoup, soit pour une autre raison. Bien entendu, le tabac est un produit commercial important depuis longtemps et nous avons consacré énormément de recherche à mieux connaître les plants de tabac. C'est donc un point de référence extrêmement utile pour effectuer de la recherche fondamentale. Voilà pourquoi j'ai pris cet exemple. Nous possédons beaucoup de connaissances sur cette plante.
C'est la raison pour laquelle on se sert de la souris pour de nombreuses expériences animales. Ce n'est pas que nous ayons besoin d'une souris plus grosse. C'est parce que la souris est un système animal que l'on connaît très bien et qu'il est donc plus facile aux chercheurs de savoir très rapidement quels sont les effets de tout changement qu'ils apportent dans la structure génétique et quelles en seront les conséquences.
Je ne pense donc pas qu'il y ait lieu de s'inquiéter à cet égard, si c'était l'un des aspects de...
Mme Rose-Marie Ur: Cela ne m'inquiète pas non plus. En tant qu'ancienne productrice, je...
Dr Kelvin Ogilvie: D'accord. C'est un modèle idéal du moment que nous comprenons qu'il sert seulement de modèle.
Mme Rose-Marie Ur: Exactement.
Dr Kelvin Ogilvie: La question des Européens est très intéressante. Lorsque je me suis occupé de biotechnologie—et j'ai l'impression que ce n'est qu'un début—les Européens sont passés par plusieurs phases en ce qui concerne leur façon de voir l'octroi des permis, des brevets et des homologations des produits de la biotechnologie tant dans le domaine de la santé que dans celui de l'agriculture.
Je crois pouvoir dire qu'aujourd'hui, le système d'homologation agricole que nous avons au Canada est généralement supérieur au système européen. Dans le domaine pharmaceutique, nous sommes en retard. Ce qui m'intéresse c'est que, dans le secteur pharmaceutique, les Européens sont très avancés en ce qui concerne les produits qu'ils sont prêts à approuver. Cela me ramène à une question antérieure concernant les attitudes. En agriculture, nous nous sommes attelés à des problèmes beaucoup plus précis.
Compte tenu des répercussions économiques énormes de certains matériaux végétaux avancés, surtout dans l'économie néerlandaise et même certains secteurs de l'économie allemande, par exemple, les Européens vont finalement adopter une approche très pragmatique à l'égard des produits de la biotechnologie. En fait, ils ont une grande avance sur nous pour ce qui est de la protection prévue pour les nouvelles espèces végétales.
Comme ce n'est pas mon rayon, vous en savez beaucoup plus que moi sur les aspects politiques de ces questions et ce que seront les stratégies de négociations internationales et le reste. Je suis un peu plus optimiste quant à l'orientation que cela prend en général.
J'allais dire à Margaret qu'elle doit connaître le problème du point de vue de l'industrie.
Mme Margaret Gadsby: Je répondrai seulement qu'ils vont sans doute perdre devant l'OMC. Ils n'ont pas de base scientifique. Ils ajoutent constamment des données scientifiques supplémentaires. Mais chaque fois qu'ils le font, les experts ratifient les décisions déjà rendues en Amérique du Nord et au Japon en faveur de ces produits. S'ils ont dressé un tas d'obstacles politiques, je pense que c'est en partie pour une question de protectionnisme économique. Certaines considérations environnementales entrent en jeu de même que l'inquiétude des consommateurs. Je ne pense pas que les Européens pourront vraiment défendre leur point de vue devant l'OMC.
Mme Rose-Marie Ur: C'est vraiment important. C'est peut-être une bonne stratégie pour la biotechnologie—et je le dis sérieusement—et cela pourrait rallier le public derrière la biotechnologie.
On constate des phénomènes intéressants. J'en parlais tout à l'heure avec mon collègue. Si vous pouviez faire quelque chose pour l'herbe, la saison commence. Vous pourriez faire quelque chose pour nous éviter d'avoir à tondre la pelouse. Où en sommes-nous sur ce plan-là? Cette façon d'aborder la question vous permettrait de faire comprendre aux gens que la biotechnologie n'est pas si mauvaise. Vous pourriez procéder de cette façon.
Dr Kelvin Ogilvie: C'est un excellent exemple. Il y a certainement des changements de ce côté-là. Une merveilleuse entreprise de l'Alberta a lancé un produit sur le marché, il y a quelques années mais il a eu une vie très courte. Je connais bien le sujet car j'ai travaillé comme consultant pour une entreprise qui a failli acheter des droits sur cette herbe, laquelle a été mise au point à l'Université de l'Alberta. Elle était très verte et ne dépassait jamais une certaine hauteur. La nature produit ce type d'herbe si bien que cela intéresse l'industrie. Je pense que certains de ces produits sont près d'être mis en marché et que vous allez bientôt pouvoir les trouver.
Mme Rose-Marie Ur: Bien.
Le président: Merci beaucoup, Rose-Marie.
Pour conclure, je voudrais votre opinion au sujet d'un article publié dans le Citizen d'Ottawa d'hier au sujet de la révolution du canola. Le titre de cet article annonçait que des cultures spécialisées allaient lancer l'agro-technologie locale. Un certain M. Hardy est en train d'organiser des agriculteurs de Winchester pour qu'ils produisent des cultures spécialisées de canola. L'article ajoute que M. Hardy n'est pas le seul à avoir vu l'avenir du canola. Cette organisation intéresse également une entreprise multinationale de biotechnologie qui est prête à fournir aux agriculteurs de la semence de canola ainsi qu'une multinationale de produits chimiques agricoles qui est prête à moudre le canola pour produire cette huile modifiée.
• 1005
Un certain nombre d'articles ont été publiés récemment sur
le fait que les multinationales sont en train de prendre le
contrôle de l'industrie alimentaire par l'entremise de la
biotechnologie. Pensez-vous qu'il faudrait que nous prenions
cette question au sérieux et que les multinationales sont
effectivement désireuses ou capables de le faire?
Mme Margaret Gadsby: On pourrait sans doute faire une thèse de MBA sur la restructuration de l'industrie et quant à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose.
Il y a effectivement une réorganisation actuellement dans la chaîne de production alimentaire. Pourquoi? C'est sans doute parce que nous insistons pour obtenir des produits alimentaires à bon marché. C'est pourquoi à chaque maillon de la chaîne de production la marge bénéficiaire est très mince par rapport à ce qu'il est possible de gagner dans le secteur bancaire ou dans un tas d'autres industries qui reposent sur les ressources naturelles. Les profits y sont beaucoup plus élevés. Un regroupement est donc inévitable, car si votre marge de profit est très mince, c'est la seule façon de l'augmenter.
Le président: Mais si un petit nombre d'entreprises ont la haute main sur les semences, leurs prix augmentent. Les produits alimentaires seront peut-être bon marché, mais pas les semences.
Mme Margaret Gadsby: Tout le problème est là. Si vous voulez que le produit final, c'est-à-dire le produit alimentaire soit bon marché, il faut contrôler de très près le prix de tous les intrants afin qu'il reste quelque chose à l'agriculteur, au transformateur et à tous les maillons de la chaîne de distribution. L'intégration est inévitable étant donné les marges bénéficiaires.
Est-ce une mauvaise chose que les multinationales s'intéressent à la biotechnologie? Comme je parle au nom d'une multinationale, il est certain que je n'en crois rien. Les gens ne se rendent pas toujours compte que c'est le résultat naturel de ce qui s'est passé.
Au cours des divers témoignages que vous entendrez, on vous dira à quel point la réglementation canadienne est rigoureuse. Je pense qu'en tant que contribuables nous pouvons en être fiers, mais c'est également assez exigeant. Cela revient cher sur le plan de l'évaluation des risques. C'est très intense et très coûteux. Pour surmonter les obstacles qui ont été créés et que l'on a jugés nécessaires, il faut de gros moyens financiers. Vous avez besoin d'une solide expérience sur le plan d'évaluation des risques.
Pourquoi les fabricants de produits chimiques et les multinationales obtiennent-ils de bons résultats dans ce domaine? Parce que nous avons l'habitude de vivre dans un environnement réglementé. Nous sommes habitués à faire une évaluation des risques. Nous savons comment le faire de façon rentable. La petite entreprise de semences qui compte seulement cinq employés a beaucoup de difficulté à faire face à toute la réglementation qui lui a été imposée.
Je ne dis pas que ce soit une mauvais chose, mais c'est le résultat du système que nous avons créé. Je pense donc que ceux qui réussiront à court terme sont ceux qui auront les appuis financiers voulus pour surmonter ces obstacles assez imposants. Je ne dis pas que ces obstacles ne devraient pas être là, mais cela aura des conséquences.
Le président: Merci, monsieur Ogilvie, d'être venu ce matin et de nous avoir aidés à lancer notre enquête.
Margaret, allez-vous rester avec nous?
Mme Margaret Gadsby: Oui, j'avais un exposé à vous présenter, mais je ne sais pas où nous en sommes au point de vue temps.
Le président: M. Atkinson en avait un également. Qui désire commencer? Margaret, voulez-vous être la première?
Mme Margaret Gadsby: De combien de temps disposons-nous?
Le président: Nous disposons de 40 minutes. Un autre comité doit occuper cette salle à 11 heures et nous devrons donc être rapides. Nous avons commencé une demi-heure plus tôt, mais nous sommes quand même en retard.
Mme Margaret Gadsby: J'avais l'intention de vous donner un aperçu général de la société AgrEvo et de ses antécédents. Et je pourrais peut-être vous présenter, dans une optique différente, certains débouchés qui s'offrent dans la biotechnologie agricole en ce qui concerne certains des problèmes auxquels vous vous heurtez constamment, plutôt que certaines réussites.
• 1010
Je vais essayer de mettre en lumière certains faits qui
différeront peut-être un peu de ce que les autres sociétés vous
ont déjà dit.
AgrEvo est une coentreprise réunissant deux grandes sociétés pharmaceutiques et agricoles allemandes. Ce qu'il y a d'intéressant c'est qu'AgrEvo est une entreprise européenne. La plupart de nos innovations biotechnologiques proviennent de laboratoires européens, mais comme la réglementation européenne ne nous a pas été favorable, nous avons dès le début transplanté ces produits en Amérique du Nord et c'est ici qu'ils ont été développés et commercialisés en premier.
C'est donc une situation assez étrange. Vous pouvez imaginer le résultat dans notre salle du conseil d'administration étant donné que le succès se situe ici plutôt qu'en Allemagne.
Je vais essayer de vous faire comprendre ce que cela représente en dollars canadiens et en emplois pour les Canadiens. C'est le genre de situation qui permet de réaliser quels sont les débouchés qui s'offrent à nous pour l'avenir.
Le genre de produits que nous examinons aujourd'hui ont des caractéristiques agronomiques. Vous avez des cultures tolérant les herbicides et des programmes de stérilité pollinique qui nous permettent de créer, pour la toute première fois, des hybrides pour certaines cultures. Si vous êtes producteur de maïs, vous savez qu'il existe des plants de maïs hybrides depuis plus de 20 ans et que cela a augmenté énormément le rendement des récoltes.
La biotechnologie nous a apporté, pour la toute première fois, des plants de canola hybrides. Nous envisageons donc très rapidement une hausse de rendement de 10 à 15 p. 100 et probablement même de plus de 20 à 25 p. 100. Notre objectif est de surpasser le seuil de 40 p. 100 d'augmentation du rendement pour le canola. C'est grâce aux hybrides produits par la biotechnologie.
Vous avez entendu parler du Bt. Chacun sait que le Bt est l'un des insecticides très utiles dans l'arsenal dont nous disposons et qu'en introduisant certains de ces insecticides dans la plante au lieu de les pulvériser dans l'environnement, nous pouvons être plus sélectifs. Nous avons également des Bt qui proviennent de diverses régions du monde, de divers types de bactéries et qui ont des modes d'action très différents. Encore une fois, en jouant avec divers types de Bt, nous pouvons disposer d'outils supplémentaires et augmenter les possibilités de rotation. Et les possibilités de rotation permettent d'éviter une augmentation de la résistance et la perte de certains de ces instruments. Nous avons également plusieurs mécanismes de résistance aux mycoses.
Certains résultats que l'on obtient se situent davantage du côté de ce que nous appelons des caractéristiques à valeur ajoutée. C'est très bien d'entendre les grandes idées que tout le monde a et nous allons tous, régulièrement, dans des bars où l'on a toutes sortes d'idées merveilleuses quant aux grands produits que nous pourrions être les premiers à inventer. Mais nous savons tous que la R-D dépend un peu du hasard et aussi qu'elle doit progresser petit à petit, étape par étape, avant de pouvoir franchir de gros obstacles.
Oui, il serait merveilleux d'avoir de l'herbe à pelouse ayant une capacité de croissance limitée afin que nous n'ayons pas à tondre le gazon aussi souvent. Mais il y a sans doute plus de 35 caractéristiques que nous voulons tous retrouver dans cette herbe. Cela représente beaucoup de changements. Nous discutons déjà beaucoup quant à savoir si l'ajout de une à cinq caractéristiques est une bonne chose, une mauvaise chose, quelque chose de gérable et de non risqué.
Par conséquent, ce que nous constatons dans beaucoup de produits aujourd'hui, c'est la présence de caractéristiques qui sont le fruit du hasard. La tolérance aux herbicides est l'une des caractéristiques les plus faciles à obtenir. C'est une caractéristique unique et dominante. Elle est facile à repérer. Ce sont des choses que vous pouvez introduire sans danger, à un coût relativement limité, et envoyer dans le monde entier.
• 1015
Mais prenons l'herbe à pelouse qui présente 35
caractéristiques. Puis il y a le brocoli qui contient davantage
d'anti-oxydants et qui combat encore mieux le cancer. Il comporte
plus de vitamines, il résiste aux insectes et il tolère le gel.
Comme vous pouvez l'imaginer, nous devons répondre à davantage
d'attentes. Voilà les choses que notre industrie tient à
réaliser. Cela peut nous rapporter de l'argent, mais nous devons
progresser lentement.
L'une des choses que nous avons faites a rendu un mauvais service à nous-mêmes comme à la biotechnologie. Nous centrons parfois tellement notre attention sur l'avenir que les gens ne veulent pas les produits d'aujourd'hui, mais ceux qui existeront dans 15 ans. Malheureusement, si nous n'avons pas les produits d'aujourd'hui, nous n'y arriverons jamais. Nous devons procéder étape par étape.
Pour ce qui est des caractéristiques à valeur ajoutée, elles vont améliorer beaucoup de choses: les huiles dans les oléagineux, les facteurs nutritifs, les agents de lutte contre le cancer, les propriétés nutraceutiques dont on va vous parler plus tard. Cela permettrait également aux transformateurs de tirer des récoltes ce qu'ils cherchent à en tirer. Ainsi, ils n'auront pas à se servir des processus chimiques qu'ils doivent parfois utiliser pour créer les produits alimentaires que réclament les consommateurs.
Comme je l'ai dit, si nous voulons modifier la valeur nutritive ou le contenu en fibre ou obtenir des choses bonnes pour la santé des consommateurs, il faut faire des combinaisons de gènes très complexes. C'est certainement dans cette voie que se dirige notre industrie, mais nous n'en sommes pas encore là aujourd'hui.
Pour gagner du temps, je vais me contenter d'un survol afin que nous puissions nous attarder un peu plus sur les conclusions plutôt que sur les principes de fonctionnement.
Encore une fois, qui est AgrEvo? Qui suis-je? D'où me viennent mes opinions? Comme je l'ai dit, les produits d'AgrEvo sont venus d'Allemagne en 1989. Ils ont été transplantés ici, dans notre centre de recherche d'Ottawa. Nous avons travaillé dans le cadre d'une entente de coopération.
Autrement dit, jusqu'en 1989, AgrEvo/PGS n'avait aucun employé au Canada. Notre premier employé était un Allemand que nous avons fait venir dans le cadre de la politique d'immigration. Puis nous avons commencé à embaucher des techniciens pour l'aider dans son travail ici, à Ottawa.
Lorsque le projet du canola a démarré, nous avons déménagé notre équipe à Saskatoon où notre chercheur a dû collaborer avec les sélectionneurs spécialisés dans le canola. Nous avons recruté davantage de gens. Nous avons recruté des phytogénéticiens et des techniciens. Nous avons également affecté du personnel supplémentaire à d'autres projets de recherche portant aussi sur le canola.
En bref, nous avons aujourd'hui plus de 55 personnes qui occupent des emplois de haute technologie et nous avons des postes libres. Cela fait plus de 18 mois que nous recherchons un directeur de laboratoire pour notre centre de R-D. Nous avons cherché à l'étranger. Je crois que nous sommes sur le point d'aboutir, mais ce sont là des emplois de haute technologie dans un secteur en plein essor et c'est sans l'une des causes de l'enthousiasme que vous avez constaté à Saskatoon.
Le canola que nous avons aussi homologué en 1995 était le premier produit agricole de la biotechnologie homologué au Canada. C'était également une première pour AgrEvo. C'était le premier produit AgrEvo commercialisé dans le monde entier. Le canola est l'un des domaines dans lequel AgrEvo/PGS a l'intention de dominer le marché. Si telle est notre intention, nous comptons bien être les premiers au Canada.
C'est à Regina que se situe notre siège social pour l'Amérique du Nord. Nous avons là plus de six Canadiens qui assument des responsabilités à l'échelle de l'Amérique du Nord. Je suis chargée des homologations aux États-Unis et au Mexique en plus du Canada.
Ceci a été préparé en vue d'une présentation à Washington. Il n'est pas vraiment nécessaire que vous sachiez ce que nous mettons au point pour la Californie, mais nous sommes actifs dans le monde entier. Personnellement, je me suis occupée très activement d'obtenir des autorisations pour le Japon étant donné que l'on exporte le canola. Comme vous le savez, environ 50 p. 100 de notre canola est exporté chaque année et à peu près 85 p. 100 à 97 p. 100 de ces exportations sont à destination du Japon. Nous avons réalisé de gros progrès en ce qui concerne la réglementation japonaise. Nous jouons un rôle très actif dans d'autres régions du monde industrialisé et en développement.
• 1020
Je voudrais vous apporter une précision en ce qui concerne
ce dernier point. Ceci a été préparé pour une autre présentation,
mais c'est une question que l'on pose souvent au sujet des
multinationales. On se demande comment se fait le partage des
bénéfices avec les autres pays qui ne sont pas dans la même
situation financière que le Canada, qui n'ont pas des ressources
alimentaires abondantes et à bas prix. Il y a une association qui
porte le nom de International Service for the Acquisition of
Agri-Biotech Applications. C'est une association internationale.
En fait, elle joue le rôle de maison de courtage. Elle fait la
liaison entre les besoins des pays en développement et les
détenteurs de la technologie mondiale.
Je peux dire qu'AgrEvo, Monsanto et Novardis jouent un rôle très actif au sein de l'ISAAA. Nous avons tous des projets qui consistent à offrir, pour une fraction du coût, pour une somme nominale, des droits de licence ou de brevet pour certains genres de projets destinés aux pays en développement. Il y a donc des produits pour lesquels il faudrait acheter une licence coûtant plusieurs millions de dollars si on voulait les vendre aux États-Unis et que l'on peut obtenir ailleurs dans le monde à un coût très réduit. AgrEvo réalise des projets de ce genre au Viêt-nam et participe également à l'élaboration d'un système de réglementation.
Par conséquent, je sais qu'un certain nombre de gens accolent toutes sortes d'épithètes peu flatteurs au mot «multinationales». Toutefois, la plupart d'entre nous sommes conscients de nos responsabilités. Si cela vous intéresse, peut-être pourriez-vous demander ce que nous faisons au lieu de supposer que nous ne faisons rien.
J'aimerais passer simplement en revue certaines des leçons que nous avons apprises. Comme vous pouvez le voir ici, nous avons été très actifs au Canada dans le secteur de la biotechnologie depuis 1989 et nous avons étendu nos activités au monde entier. J'étais à Francfort où je parlais de l'opinion publique et du fait qu'il fallait améliorer la stratégie de communications. Nous avons appris certaines leçons.
Par exemple, et l'on pourrait écrire une thèse là-dessus, rien ne surpasse la biotechnologie agricole. La rapidité d'application de cette technologie dépasse tous les records. AgrEvo aurait sans doute pu vendre de quoi ensemencer cinq millions d'acres chaque année. Nous n'avons pas cinq millions d'acres de semence. Cependant, si vous considérez l'utilisation que l'on fait au Canada de la biotechnologie agricole, elle est minuscule par rapport aux États-Unis. Il n'est même pas possible de placer les deux sur le même graphique, car la place du Canada est insignifiante.
L'une des choses qui nous inquiète toujours lorsqu'on se lance dans ce système de production de haute technologie, c'est qu'on se demande si les agriculteurs ne vont pas devoir gérer des situations compliquées qu'ils ne seront pas vraiment en mesure de gérer. Le fait que la technologie soit utilisée et que les résultats soient très positifs... Il est clair que nous avons su communiquer avec les agriculteurs. Ce ne sont plus des gars en combinaison de travail, ce sont des techniciens bien informés. La plupart d'entre eux sont des hommes d'affaires avisés. Si vous leur expliquez ce qu'un système de production agricole réalise, comment il fonctionne, ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils ne doivent pas faire, ils prendront des notes et ils le feront.
M. Murray Calder: En tant qu'agriculteur, je suis d'accord.
Le président: Margaret, nous devons conclure bientôt.
Mme Margaret Gadsby: D'accord. Ce que nous devons faire, comme on l'a déjà dit, c'est améliorer le dialogue avec les consommateurs. En Amérique du Nord, ce dialogue s'est beaucoup mieux déroulé que dans le reste du monde. Nous pouvons nous vanter des résultats obtenus, mais nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers. Il nous reste du travail à faire. Comme je l'ai dit, le problème est dû en grande partie à ce que nous ne comprenons pas très bien en quoi consiste la production traditionnelle de produits alimentaires. C'est un assez gros obstacle.
• 1025
Nous devons nous attaquer aux problèmes de la rapidité et du
volume de la réglementation, car de nombreux produits vont
arriver sur le marché. Ce que nous avons aujourd'hui ne
représente que la pointe de l'iceberg. Les systèmes de
réglementation ne disposent pas de ressources suffisantes pour
faire face à un tel volume. Nous devons donc nous montrer
pragmatiques et veiller à disposer de suffisamment de personnel
ou trouver des moyens de partager le travail avec nos collègues
des autres pays. Nous l'avons déjà fait dans le domaine de
l'examen toxicologique des pesticides. Si nous pouvons donc
conclure de bonnes ententes pour le partage du travail et une
reconnaissance mutuelle, nous pourrons atteindre notre but.
L'un des problèmes qui se posent actuellement est que la durée de vie de certaines variétés agricoles est très courte, que la concurrence est très forte, mais qu'il faut trop de temps pour obtenir le feu vert des organismes de réglementation des divers pays. Nous avons un excellent système au Canada. Si nous disposons de toutes les données, il nous faut de six à neuf mois pour obtenir une autorisation. Mais dans certains pays, il faut trois ans. Lorsque vous commercialisez des produits sur le marché international, cela limite énormément les possibilités commerciales.
Ce que nous avons notamment constaté, en nous promenant dans le monde entier et comme l'ont fait divers experts de divers pays ayant des points de vue et des perspectives différentes, c'est que tout le monde doit prendre à tour de rôle les mêmes décisions. C'est un bon exercice, mais il faut y mettre un terme et trouver un moyen d'éviter ces dédoublements.
Pour résumer, de nombreuses possibilités s'offrent à notre industrie. Nous sommes très enthousiasmés et nous essayons de contribuer à l'amélioration de la stratégie canadienne en matière de biotechnologie, car notre succès ou notre perte en dépend. Pour le moment, nous sommes des chefs de file mondiaux. Ce n'est pas une chose à laquelle nous sommes habitués au Canada, mais c'est le cas. Il ne s'agit pas seulement d'une possibilité d'avenir; nous y sommes déjà et nous nous classons parmi les trois premiers. Comme ce n'est pas souvent que cela arrive, nous avons lieu d'en être fiers. Nous ne l'avons pas fait en brûlant les étapes; nous y sommes parvenus grâce à un système de réglementation très rigoureux. Nous avons exercé une bonne surveillance et voilà pourquoi le monde compte sur nous.
Toutefois, il est temps de progresser et de reconnaître que nous devons continuer à gagner. On laisse parfois entendre que si vous gagnez dans une compétition mondiale, vous avez perdu votre âme, vous avez dû faire quelque chose de mal ou prendre des raccourcis. Nous ne l'avons pas fait. Nous sommes arrivés au but. Nous devons conserver notre avance et cela veut dire que nous devons miser sur des choses comme la stratégie canadienne en matière de biotechnologie.
Le président: Nous allons maintenant passer à M. Roy Atkinson, directeur exécutif, Biotechnologie canadienne, Groupe de travail sur la stratégie. Vous avez une documentation très épaisse, mais il nous reste seulement 30 minutes. Alors si vous voulez nous laisser le temps de poser des questions, c'est à vous de décider comment procéder.
M. Roy Atkinson (directeur exécutif, Biotechnologie canadienne, Groupe de travail sur la stratégie): Merci, monsieur le président. On nous a dit que vous aimeriez une présentation. Vous pouvez constater l'épaisseur de la documentation, mais nous avons appris hier que vous n'auriez qu'à peu près cinq minutes à nous accorder. Nous avons déjà précisé notre tir, mais nous avons quand même apporté toute la documentation afin que vous puissiez combler les lacunes. Je vais simplement passer en revue certains faits saillants.
Je sais que vous tenez des audiences depuis un certain temps et que vous aimeriez donc entendre un peu parler de ce que nous avons entendu au cours de nos consultations étant donné que nous avons participé à un processus de consultation très intensif. Donc, si vous êtes d'accord, je peux au moins vous dire où nous allons ou ce que nous essayons de faire. Je pourrais ensuite vous faire part de certaines opinions que nous avons entendues en sillonnant le pays. Je ferai de mon mieux pour me limiter à moins de 10 minutes, peut-être même cinq.
Vous vous penchez sur la question depuis un certain temps et il était intéressant d'entendre Mme Gadsby car en présentant sa dernière diapositive, elle parlait de l'intendance internationale que nous assurons tout en étant un chef de file mondial. Tel est effectivement le défi que nous avons dû relever. Comment marier ces deux rôles efficacement de façon à assurer cette intendance tout en profitant des avantages économiques? C'est en grande partie en quoi consiste le renouvellement de la stratégie. J'essaie simplement de tracer la voie à suivre en montrant que nous ne tournons pas en rond comme certains le croient.
• 1030
Nous passons certainement beaucoup de temps à examiner la
question des partenariats. Qui doit travailler ensemble? Si on y
réfléchit un peu, il est évident qu'un groupe ne peut agir seul.
Tel est donc le défi à relever.
Il y a un certain nombre de choses que nous essaierons d'obtenir de la stratégie. Il nous faut notamment un autre cadre politique qui répondra aux objectifs et à certains principes directeurs. Lors de nos discussions aux quatre coins du pays, on nous a suggéré des améliorations que vous trouverez en annexe et auxquelles nous avons souscrit. Il s'agit de réviser la politique et à l'établir de façon à ce qu'elle conduise à des étapes plus facilement reconnaissables.
Nous avons pour instruction de revenir dire ce que nous pensons d'un nouvel organisme consultatif qui ferait rapport aux ministres fédéraux et nous cherchons des moyens d'améliorer l'information du public, sa participation et son éducation, un thème que vous avez déjà entendu, je crois, dans les deux présentations précédentes.
Un élément de notre mandat est une chose qui peut seulement réjouir le coeur des bureaucrates à savoir qu'il s'agit de chercher, à l'intérieur du système fédéral, des moyens de renforcer la façon dont le gouvernement gère ce qui constitue un dossier horizontal. Cela touche l'agriculture, la santé, l'environnement, la pêche et les forêts. Il s'agit d'une technologie habilitante et nous devons trouver un moyen d'améliorer un peu la situation.
Le «calendrier de la biotechnologie» est la rubrique dont nous nous servons pour réfléchir aux prochaines étapes. Nous avons recueilli des idées quant aux principales choses à faire. J'en reviens encore au partenariat. Quelles sont les prochaines étapes à franchir ensemble?
Voici une brève liste des principaux groupes de gens avec qui nous avons travaillé dans le cadre des tables rondes. C'est à peu près tout le monde. Il y a 21 ministères et organismes qui ont participé au processus. Nous avons travaillé avec les gouvernements provinciaux lors des tables rondes, la partie dont j'ai assumé la responsabilité. Nous les avons rencontrés séparément et ils ont participé à toutes les consultations sectorielles. Bien entendu, l'industrie était également là, de même que les groupes de consommateurs, les ONG, les universités et nous nous sommes efforcés d'obtenir la participation de représentants de ce que nous appelons la collectivité, ce qui va des groupes de consommateurs traditionnels aux divers groupes qui s'intéressent à la santé, en passant par le secteur de l'environnement. La participation peut donc être très large.
Nous avons divisé nos consultations en deux séries de réunions qui se sont déroulées vers mars et avril. Nous avions des tables rondes où nous avons examiné les grandes questions stratégiques et le rôle du futur organisme consultatif, après quoi nous avons tenu des consultations sectorielles et une réunion sur la R-D. Les provinces ont participé à toutes ces consultations.
Nous avons également essayé d'assurer le maximum de transparence grâce à un site Web qui présente tous les documents de consultations et nous produirons également des rapports. Si quelqu'un, parmi vous, s'intéresse particulièrement disons à ce qui s'est passé lors des consultations sur la R-D, il y aura des rapports publics à ce sujet. C'est un processus assez transparent. Nous essayons de le rendre le plus ouvert possible.
Je voudrais vous donner un petit aperçu des principaux commentaires que nous avons entendus lors des tables rondes. Nous nous sommes penchés sur le cadre politique, l'organisme de consultation et certaines questions concernant les communications avec le public. Nous avons organisé cinq tables rondes à Halifax, Montréal, Toronto, Saskatoon et Vancouver; 140 groupes différents y ont participé.
Lorsque nous avons envoyé des invitations, nous avons essayé de diviser la liste d'invités en trois grandes parties. Il y avait d'une part les experts sur certains sujets en rapport avec le thème de nos consultations. Il y en avait un autre représentant l'industrie, ce qui comprenait tout le cycle de la production soit les agriculteurs, les groupes agricoles, les sociétés de semences, en fait toute la chaîne agricole, la chaîne sanitaire et la chaîne environnementale ainsi que les personnes actives du côté de la production. Le troisième groupe était celui de la collectivité en général, la société civile et représentait en parties à peu près égales les groupes s'intéressant à la santé et à l'agriculture.
L'opinion unanime était que ces consultations arrivaient à point nommé. Peu importe d'où venait le message, on s'entendrait à dire que c'était là une bonne occasion de réfléchir sérieusement à la direction que nous étions en train de prendre. Nous travaillons dans ce domaine depuis 1983. Il y a eu beaucoup de changements et de progrès et le moment est venu de faire une pause pour réfléchir à la façon dont nous allons progresser au cours de la prochaine décennie.
L'impression générale était que les gens voulaient y participer. Mme Gadsby vous a déjà parlé, je crois, de la rapidité avec laquelle les choses progressent. Que ce soit l'industrie, les écologistes ou les groupes qui veillent sur les intérêts des Canadiens handicapés, les gens veulent avoir voix au chapitre. Et voilà une bonne occasion de le faire. Certains voient le côté négatif, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure et les gens veulent être certains qu'on respecte un juste équilibre.
• 1035
Nous avons reçu un message vraiment intéressant à savoir
qu'on avait l'impression qu'on se précipitait et on se demandait
pourquoi nous étions tellement pressés. En même temps, on voulait
qu'on agisse étant donné qu'il y avait déjà eu beaucoup de
consultations par le passé. Il y a donc cette dynamique très
intéressante en ce sens que nous essayons d'agir rapidement et
qu'on veut en même temps qu'on établisse des plans d'action.
Lorsque vous essayez de créer des partenariats, cela pose un défi
intéressant pour nous.
On peut dire, je crois, qu'on s'attend à ce que nous travaillions avec nos partenaires pour essayer d'établir des plans d'action, des initiatives stratégiques et de mettre ces programmes en place pour l'ensemble du Canada afin qu'il y ait une bonne coordination entre ce qui se passe au niveau du gouvernement fédéral, des provinces et de l'industrie et à ce que les divers éléments soient mis en place de façon telle que tout le monde se sentira à l'aise et le résultat sera positif.
Pour ce qui est des détails contenus dans le document de consultation, je pense qu'on s'entend de façon générale quant aux objectifs et aux principes tels qu'ils sont énoncés. Ils sont contenus dans l'annexe.
Cela ne veut pas dire que le débat n'a pas été très animé. Il l'a certainement été. Mais pour ce qui est des sujets abordés, personne n'a je crois essayé d'éliminer certains sujets, certaines questions ou les principes fondamentaux qui ont été avancés.
On a suggéré de modifier le contenu. On s'est demandé s'il fallait insister sur la qualité de la vie et la biotechnologie comme un moyen de parvenir à cette fin ou concevoir peut-être tout cela comme une stratégie concernant la biotechnologie et dont pourraient découler certaines autres choses. Voilà le genre de débat que nous avons eu.
Nous avons également discuté de la question du contexte international.
Je vous ai écouté avec intérêt lorsque vous avez parlé des responsabilités que vous assumez à l'égard des pays en développement. Il y a certainement des membres de la collectivité qui croient important que nous essayions de les aider là où c'est possible en veillant à ne pas créer des produits en endommageant accidentellement leur environnement.
Nous avons été convaincus qu'il était souhaitable, sur le plan commercial, d'assumer nos responsabilités sur le plan de l'intendance et que si les Canadiens le faisaient comme on s'attend qu'ils le fassent ce serait également bon pour le commerce. C'est curieux, mais je suis certain que les Américains ne verraient jamais leur industrie se rallier derrière la notion de responsabilité et pourtant je constate que c'est une notion qui fait sans doute l'unanimité.
On nous a dit qu'il faudrait certainement se préoccuper des ressources humaines dans ces domaines au fur et à mesure que nous irions de l'avant. En fait, c'est ce qu'on vous a dit ici aujourd'hui. Que ce soit à des fins scientifiques ou industrielles, nous devons faire en sorte de résoudre la question des ressources humaines.
Pour ce qui est de l'organisme consultatif, encore une fois, il y a eu un consensus sur certains points, mais pas sans discussion. Néanmoins, la plupart des gens s'entendaient à dire que cet organisme devrait faire rapport aux ministres. Notez bien que j'emploie le mot au pluriel. C'est inhabituel, du moins dans le système fédéral. Généralement, les organismes consultatifs ministériels font rapport à un ministre. Encore une fois, étant donné le caractère habilitant de cette technologie, on a estimé que cet organisme devrait faire rapport à plus d'un ministre.
Qui composerait cette structure? Il a été question de trois grandes catégories d'intervenants: les parties prenantes ou ceux qui ont un intérêt immédiat évident; les experts, qui ne parleraient pas au nom d'un groupe d'intervenant précis, mais qui seraient là en raison de leurs connaissances et les simples citoyens. Comme cet organisme représenterait les citoyens, je crois que les conférences de consultation seraient l'instrument le plus souhaitable. Les experts et les parties prenantes viendraient présenter leur point de vue.
Après d'assez longues discussions sur le sujet, on s'est entendu pour que les membres de cet organisme soient des experts et qu'ils ne soient pas là pour défendre les intérêts d'un groupe particulier. Il faut toutefois qu'ils aient de bons contacts, car les gens étaient tout à fait convaincus qu'ils devaient agir de façon transparente. Le nouvel organisme devra travailler avec les diverses collectivités sur les questions importantes aux yeux du grand public. Il faudrait qu'il se serve d'une panoplie d'instruments suffisamment vastes pour qu'il puisse tenir des consultations détaillées sur les diverses questions qui lui seront soumises.
Les gens étaient convaincus que cet organisme devrait être tourné vers l'avenir au lieu de s'occuper des problèmes d'hier. Il fallait qu'il se penche sur les questions complexes qu'il faut régler maintenant ou pour se préparer à ce qui nous attend.
Je tiens à insister sur l'ouverture et la transparence, car on a jugé vraiment important que le processus soit public. C'est déjà ce que nous faisons en grande partie dans le cadre de notre travail actuel, car nous essayons d'être le plus ouverts possible. Nos rapports sont tous du domaine public.
• 1040
L'engagement et la participation du public étaient
pratiquement une condition sine qua non. Tout le monde
s'entendait à dire qu'il fallait éduquer le public et que c'est
actuellement un phénomène de société. Il va prendre de l'ampleur
et il est important que les gens sachent ce qu'est la
biotechnologie et comment elle fonctionne. Nous devons avoir des
programmes de communications plus proactifs et mettre en place un
programme coordonné pour éduquer et informer la population. Nos
discussions avec les provinces ont porté très souvent sur la
question de l'éducation depuis les programmes scolaires jusqu'à
l'université. En fait, Mme Gadsby vous a parlé également
aujourd'hui de la nécessité d'informer les consommateurs.
Les provinces ont très clairement laissé entendre qu'elles souhaitaient s'engager dans un dialogue avec le gouvernement fédéral au niveau stratégique. Dans le cadre des activités dont j'assume la responsabilité, nous ne cherchons pas à remplacer le dialogue qui se déroule entre les ministères de l'Agriculture ou de la Santé ou de l'Environnement. Nous essayons, de façon tout à fait délibérée, d'adopter une optique globale et de voir comment coordonner les divers éléments de la stratégie. Nous avons eu nettement l'impression que les provinces souhaitaient travailler avec nous. Si nous réussissons à le faire ici, elles veulent y contribuer avec nous.
Pour ce qui est des partenariats, si nous pouvons trouver les moyens de travailler de façon constructive avec tous nos partenaires, nous pourrons passer d'une stratégie fédérale à une véritable stratégie canadienne dans l'intérêt de tout le monde.
Encore une fois, on s'est énergiquement prononcé pour un juste équilibre entre le développement économique et nos responsabilités sur le plan de l'intendance. C'est sans doute ce que vous entendez dire où que vous alliez et je ne pense pas que qui que ce soit le conteste. Certaines personnes ont fait valoir qu'il faudrait peut-être marquer un temps d'arrêt et ralentir le rythme des choses. D'autres ont dit simplement qu'il fallait aller plus loin. Pour ce qui est de nos responsabilités, il faudrait peut-être augmenter les ressources, le temps et l'énergie que nous y consacrons. Je ne sais pas comment vous interpréteriez le message que Mme Gadsby vous a adressé aujourd'hui pour ce qui est de s'assurer que le système de réglementation dispose du personnel et des outils nécessaires pour s'acquitter efficacement et rapidement de sa mission, mais cela pourrait être l'une des choses à retenir.
Les provinces ont émis les opinions auxquelles on pouvait s'attendre en ce qui concerne les différences régionales. Elles ne sont pas toutes identiques et n'ont pas toutes les mêmes problèmes et toute stratégie nationale devrait donc refléter ces différences. En même temps, il faudrait reconnaître l'importance de la masse critique. Si vous voulez progresser du côté de la biotechnologie, il vous faut une masse critique. Je crois que Saskatoon est le plus bel exemple que nous ayons au Canada de grappes vraiment efficaces. C'est là une initiative vraiment impressionnante: nous avons constaté qu'une coopération importante entre l'industrie, les provinces et le gouvernement fédéral.
Quelle est la prochaine étape? Nous sommes en train de produire des rapports sur ce que nous avons entendu. Nous en avons déjà placé trois sur cinq dans notre site Web et nous sommes en train d'en faire autant pour chacune des consultations sectorielles. Le travail n'est pas entièrement terminé. C'est fait pour ce qui est de l'agriculture et de la R-D et nous nous attendons à ce que ces rapports soient disponibles très bientôt. Nous disposons d'un mois environ pour intégrer le cadre politique, l'organisme consultatif, les recommandations concernant l'information du public et le calendrier de la biotechnologie et soumettre le tout au gouvernement avant que le Parlement ne s'ajourne pour l'été.
Il reste un dernier point. Il s'agit d'un processus permanent et, même si j'en ai déjà beaucoup parlé, je crois important de le souligner. Nous sommes en train de réfléchir à l'étape suivante, mais il est clair qu'il s'agit d'un processus permanent. La biotechnologie est une technologie fondamentale qui connaît un essor rapide. Elle change si rapidement et elle aura des effets tellement profonds sur notre façon de vivre qu'il n'est pas possible de couler une stratégie dans le béton. Nous ne sommes pas en train de construire des ponts. Il faut que ce soit un processus dynamique et quelles que soient les recommandations que nous formulerons quant à la façon dont le gouvernement gérera ces affaires, il faudra que ce soit souple et adaptable. Ce sera un processus permanent et non pas un effort ponctuel.
J'ai été un peu plus long que prévu; désolé.
Le président: Je vous remercie tous les deux de vos présentations. Comme il nous reste seulement 15 minutes, nous allons passer directement aux questions.
M. Jake Hoeppner: Merci, monsieur le président et je vous souhaite encore une fois la bienvenue, monsieur Atkinson.
Je voudrais revenir sur le mot «partenariat». Tout le monde veut un partenariat avec les agriculteurs. Je tiens à vous dire que la situation financière des agriculteurs est pire qu'elle ne l'était il y a cinq ou six ans et c'est surtout vrai pour les céréaliculteurs. Tout le monde semble tirer sa part de ce partenariat, sauf les producteurs. On nous a dit qu'il nous faudrait nourrir 5 milliards d'habitants d'ici l'an 2000 ou 2001 et que nous devions porter le montant de nos exportations à 20 milliards de dollars. Nous avons surpassé ce chiffre, mais notre situation reste lamentable.
• 1045
Pendant combien de temps pensez-vous que cette tendance se
poursuivra? Chaque fois qu'on publie un article sur la
biotechnologie parlant du traitement des semences, je reçois
aussitôt des appels téléphoniques et des lettres. À cause du
brevet sur ces semences les gens ne pourront plus les produire
l'année prochaine. Vous serez handicapés si vous utilisez vos
propres semences. Vous devrez acheter ces semences spécialement
traitées. La situation semble être la même partout.
J'ai reçu il y a environ une semaine un article—que tous les autres députés ont sans doute reçu aussi—indiquant quel pourcentage de l'industrie de la volaille, des oeufs et du lait les producteurs obtenaient. J'ai été sidéré. Prenez un petit déjeuner. Le maximum que le producteur obtienne est 35 ¢.
Sur quelle base le partenariat sera-t-il établi afin que les agriculteurs puissent survivre? J'ai entendu Mme Gadsby dire qu'on donnait cette technologie aux pays sous-développés à un prix plus bas que celui que nous payons. Les agriculteurs paient-ils pour que cette technologie permette de développer les pays du Tiers monde pendant qu'eux-mêmes meurent de faim?
Mme Margaret Gadsby: J'hésiterais à faire le lien comme vous l'avez fait vous-même. L'industrie agricole du Canada sait parfaitement qu'elle doit laisser leur part aux agriculteurs.
J'ai fait une présentation à EuropaBio aux Pays-Bas, l'année dernière. Nous avons beaucoup parlé de compétitivité. J'ai résumé le problème en disant que d'après nos renseignements, notre système de production coûte plus cher pour certains intrants, mais qu'étant donné que d'autres intrants sont devenus moins nécessaires et que le rendement a augmenté, l'agriculteur se retrouve avec 68 $ de plus l'acre dans sa poche et voilà pourquoi il a intérêt à opter pour certains intrants plus coûteux et à se débarrasser de certains autres.
Je crois donc qu'il faut examiner l'ensemble du système de production et le résultat final plutôt que la hausse ou la baisse du prix d'un intrant donné. Je pense que l'industrie en est parfaitement consciente. Je partage votre découragement pour ce qui est de la marge bénéficiaire des producteurs, mais je crois que nous avons, au Canada, une politique axée vers la production d'aliments à bon marché. Je ne sais pas comment concilier les deux de façon à permettre aux bons agriculteurs de poursuivre leurs activités.
M. Jake Hoeppner: Nous essayons de déréglementer le producteur. Nous avons éliminé les subventions au transport. Nous avons abandonné le programme RARB et toute la protection dont bénéficiaient les agriculteurs.
Le producteur dont vous parlez peut utiliser ses 68 $ supplémentaires pour produire plus de grain, mais il n'est pas sûr d'avoir une récolte. Il n'a plus d'assurance pour le couvrir. Le producteur est davantage déréglementé, tandis que l'industrie est plus réglementée afin qu'elle puisse rentrer dans ses frais. Cela ne peut pas marcher.
Le président: Merci, Jake.
M. Hoeppner essaie de dire, je crois, que le comité s'intéresse avant tout au producteur primaire. Nous voulons savoir où il s'insère dans toute cette stratégie.
Sur ce, nous allons passer à Mme Alarie.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Dans le rapport du Comité consultatif national sur la biotechnologie de 1998, qui a été mis sur pied par le ministère de l'Industrie, il y avait cinq recommandations. L'une d'elles proposait de tripler, d'ici l'an 2003, les budgets de 1993-1994 des conseils subventionnaires fédéraux. Le discours du budget qu'on a entendu est loin d'appuyer cette recommandation-là. Il devient difficile de croire que le ministère de l'Industrie veut aller de l'avant dans ce domaine-là, alors que dans le discours du budget, on présente cette année les mêmes budgets qu'en 1994. On est vraiment très loin de l'objectif qu'on vise.
D'autre part, je lisais dans un des textes qu'on a préparés à notre intention que la proportion des placements de capitaux entre le biomédical et l'agriculture était, en 1995, de 10 pour 1. J'ai sursauté parce qu'en 1996, la proportion était de 70 pour 1.
• 1050
Même si on souhaite un partenariat dans tous
les projets de recherche, les partenaires ne
sont intéressés que s'il y a des gains à court terme.
Dans les propositions que vous formulerez à la suite des consultations, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de porter une attention spéciale à l'agriculture parce que, d'une part, on n'a pas les budgets nécessaires aux conseils subventionnaires et que, d'autre part, il ne m'apparaît pas que l'industrie soit d'emblée aussi généreuse pour ce domaine-là? Je vous invite à nous donner des suggestions puisque nous devons aussi faire notre effort.
[Traduction]
M. Roy Atkinson: Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, parlez-vous du rapport du Comité consultatif national de la biotechnologie? D'accord.
Ce rapport a été préparé par le Comité consultatif national de la biotechnologie qui conseille le ministre de l'Industrie. Il a été soumis au ministre et je crois que ce dernier demandera au Comité de l'industrie de l'examiner et de faire des recommandations. Cela contribue au processus qui se déroule pour le renouvellement de la stratégie canadienne en matière de biotechnologie.
Deuxièmement, pour ce qui est de l'agriculture et de son rôle, non seulement nous avons tenu cette série de consultations horizontales, mais nous avons également tenu une série de consultations sectorielles, notamment en ce qui concerne l'agriculture. Il est entendu que l'agriculture diffère de la santé et que les problèmes et les possibilités ne sont pas les mêmes.
Si vous regardez la situation globalement, le Canada est solide. Je suppose que nous n'imposerons jamais notre domination en termes absolus. Peut-être que Mme Gadsby a raison pour ce qui est du canola, mais il sera difficile de dominer l'agriculture à l'échelle mondiale. Toutefois, notre pays consacre à cela davantage de ressources scientifiques et nous avons davantage de sociétés dans ce domaine.
Je crois que vous allez rencontrer plus tard Margaret Kenny, du ministère de l'Agriculture. Elle a dirigé les consultations sur l'agriculture et sera peut-être en mesure de mieux vous dire ce qui s'est dégagé de ce dossier. Je n'y ai pas participé directement.
[Français]
Mme Hélène Alarie: La réaction que j'ai toujours face à cela, c'est qu'en agriculture, il faut des mesures spéciales, qui ne sont pas les mêmes que dans l'industrie en général. C'est une industrie où les rendements ne sont pas à court terme. Le roulement de l'argent n'est pas le même que dans le reste de l'industrie. Dans ces recommandations-là, on ne sent pas qu'il y a une mise entre parenthèses ou un effort particulier pour l'agriculture.
[Traduction]
M. Roy Atkinson: Nous reconnaissons qu'il existe des différences importantes entre la santé, l'agriculture, l'environnement et les forêts. Ce sont là des secteurs très différents pour lesquels les défis et les possibilités diffèrent également.
Ce que nous allons faire consiste à établir non seulement des politiques horizontales susceptibles de résoudre un certain nombre de ces problèmes, mais également, sur le plan sectoriel, à voir comment se prévaloir au maximum de tout cela dans un contexte sectoriel. Vous pouvez avoir une stratégie reconnaissant les différences qui existent d'un secteur à l'autre. Telle est notre intention.
Mme Margaret Gadsby: Dans l'industrie, nous croyons que c'est précisément ce qu'il faut intégrer dans la stratégie. L'agriculture a des défis uniques à relever étant donné que nous exportons vers les marchés mondiaux. Il nous faut un environnement international qui acceptera ces produits de la biotechnologie, et cela en temps voulu afin que nos agriculteurs puissent commercialiser ces produits sans courir de risque financier et sans perdre leur part du marché.
Il s'agit certainement d'un des messages que le secteur agricole adresse vis-à-vis de la stratégie canadienne en matière de biotechnologie. Il faut qu'on tienne compte de ces besoins internationaux particuliers. La politique de biotechnologie ne peut pas s'arrêter aux frontières de notre pays. Elle doit inclure le reste du monde.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur McCormick.
M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président.
Margaret, vous avez dit que sur les deux graphiques les États-Unis se trouvaient tout en haut et le Canada tout en bas pour ce qui est de l'utilisation, de la production ou de la superficie. Pourriez-vous revenir sur cette question? Je demande seulement...
Mme Margaret Gadsby: Ce graphique indique la superficie totale. C'est en partie parce qu'aux États-Unis le maïs a été l'une des premières cultures à bénéficier de la biotechnologie. L'utilisation a donc été énorme pour le maïs et la superficie de cultures de maïs est assez élevée. Au Canada, cela touche surtout pour le moment des cultures spécialisées comme le canola et la pomme de terre. Si nous en arrivons au point où le blé ou l'orge bénéficieront de la biotechnologie, vous verrez ces courbes remonter énormément. Mais pour le moment, nos applications ne visent pas les principales cultures du pays.
M. Larry McCormick: Le Canada se sert-il beaucoup de la biotechnologie pour ce qui est du maïs par rapport aux États-unis?
Mme Margaret Gadsby: Pas tellement. Nous avons un certain retard. La plupart des variétés de maïs commercialisées aux États-Unis ne se prêtent pas aux degrés-jours de croissance que nous avons dans le sud de l'Ontario et il nous faut à peu près deux ans de plus pour introduire les mêmes caractéristiques dans les variétés qui conviennent pour le sud de l'Ontario. Nous y arriverons, mais comme je l'ai dit, il y a un certain retard.
M. Larry McCormick: Bien entendu, la question des degrés-jours de croissance et de la nécessité d'assurer l'approvisionnement en produits alimentaires pour l'avenir et même maintenant me fait penser au nord de l'Ontario. Je ne peux pas m'attendre à ce que vous fassiez uniquement des recherches pour les plaines argileuses du Clay Belt, mais je traverse cette région plusieurs fois par an et j'ai l'impression que les trois quarts de ce secteur n'ont encore jamais été défrichés et que nous avons là des possibilités pour l'avenir. Je ne dirai rien quant au fait que le centre d'agronomie de New Liskeard est assez stagnant, mais cette zone argileuse nous offre d'énormes possibilités.
Mme Margaret Gadsby: L'une des choses que l'industrie espérait voir intégrées dans la stratégie pour ce qui est du secteur de la R-D est qu'il y a au Canada certains systèmes de production agricole trop petits pour susciter un intérêt commercial. Pour cette raison, les Canadiens doivent décider s'il y a lieu d'utiliser les deniers publics pour les soutenir par l'entremise du réseau de recherche que nous avons déjà en place et, si c'est le cas, veiller à ce que le financement soit suffisant. Si nous voulons mettre au point une variété transgénique ou autre qui convient à la production dans les régions plus septentrionales, il faudra obtenir des autorisations au niveau international s'il s'agit d'une denrée destinée à l'exportation.
Pour le moment, certains de nos groupes de recherche ont des difficultés, car ils doivent essayer d'entamer le processus de commercialisation sans avoir les moyens d'amener ce processus jusqu'au niveau international. Et c'est ce dont nous avons vraiment besoin.
M. Larry McCormick: Merci. Monsieur le président, je quitte M. Atkinson pour aller au Comité du développement des ressources humaines qui examine un projet de loi sur le Code canadien du travail qui doit permettre d'assurer le transport de ces produits. Cela touche donc tous les ministères ou la plupart d'entre eux. Merci.
Le président: Madame Ur, avez-vous une question, ou quelqu'un d'autre?
Mme Rose-Marie Ur: Si j'en ai le temps, j'aurais une ou deux questions à poser. Vous avez dit que vous avez tenu toutes ces tables rondes et nous avons certainement posé de nombreuses questions là-dessus, mais quels sont les aspects sectoriels qui ont suscité les discussions les plus animées?
M. Roy Atkinson: Les questions sectorielles n'ont pas été abordées au cours des tables rondes auxquelles j'ai participé, car nous examinions les choses dans une optique plus globale. Il s'agissait surtout de veiller à disposer des instruments et des méthodes nécessaires pour assumer nos responsabilités sur le plan de la santé, de la sécurité et de l'environnement. Il s'agissait de voir si ces méthodes fonctionnaient, si les Canadiens croyaient qu'elles fonctionnaient et comment procéder. Nous nous sommes demandé si les questions sociales et éthiques devaient être intégrées dans une politique globale et comment il fallait procéder.
Pour ce qui est de l'organisme consultatif, la question des parties prenantes a suscité un débat intéressant. Faut-il un organisme constitué des parties prenantes ou plutôt du grand public ou d'experts, et comment procéder? D'après les résultats du sondage, environ la moitié de la population fait confiance aux experts et la moitié ne leur fait aucune confiance. L'opinion publique est très divisée. L'expérience nous a appris que si vous avez un organisme composé de parties prenantes, souvent, chacun se cantonne dans son coin et il est très difficile d'obtenir un consensus.
• 1100
En fait, l'opinion assez générale—non pas unanime
évidemment—est qu'il fallait sans doute opter pour un comité
d'experts, mais fortement relié au public. Il faut également que
cet organisme soit ouvert et transparent afin que les gens qui
font confiance aux experts puissent voir ce qui se passe et que
ceux qui ne leur font pas confiance voient aussi ce qui se passe
et aient leur mot à dire.
J'ai trouvé l'expérience vraiment intéressante. À certains endroits, l'atmosphère était chargée d'électricité. Nous avons assisté à un phénomène très positif. Les gens venaient de points de vue très différents, mais à quelques exceptions près, tout le monde était là pour travailler ensemble.
Je crois donc que c'est la voie de l'avenir et qu'ils soient pour ou qu'ils aient certaines réserves, les gens veulent être là pour participer.
Mme Rose-Marie Ur: Vous aviez des partenaires. Vous avez mentionné plusieurs groupes d'industries et de consommateurs, les ONG et les universités. Mais je pense que vous avez omis un aspect fondamental en ce qui concerne l'ère de l'informatique. Vous pouvez convaincre les jeunes d'utiliser des ordinateurs plus que les gens de mon âge avancé.
Je crois que vous avez raté une bonne occasion. Vous devriez vous tourner vers les écoles primaires pour éduquer les gens au sujet de la biotechnologie dès leur plus jeune âge. Il est peut-être plus facile de comprendre certaines choses quand on est jeune que lorsqu'on fait partie de la vieille génération.
M. Roy Atkinson: Vous avez raison. En fait, nos tables rondes comprenaient des représentants du groupe Pugwash qui est entièrement constitué d'étudiants, même si c'est au niveau universitaire. Ils avaient d'excellentes idées. Au cours de nos discussions avec les provinces, elles ont souvent abordé la question des enfants d'âge scolaire et de ce qui pouvait être fait de leur côté. La discussion portait généralement au départ sur les communications et déviait très rapidement vers l'éducation.
Il y a là d'excellentes possibilités de partenariat. L'éducation étant de la compétence des provinces, il y a des choses que nous pouvons faire. Ce qui ressortait clairement sur le plan des communications c'est que nous avons un système de réglementation, qui est reconnu, mais qu'il est sidérant de voir combien les gens sont peu informés de ce qui est fait.
On me l'a clairement démontré dans un laboratoire de Saskatoon qui est ouvert au public dans le cadre du programme de communications. La jeune femme qui dirige ce laboratoire m'a dit que les gens qui venaient ne savaient pas que leurs aliments étaient inspectés. Ils ne savent rien de la réglementation environnementale. Elle m'a dit qu'elle avait beaucoup de difficulté à expliquer aux gens ce qui se passe jusqu'à ce que l'Agence canadienne d'inspection des aliments produise une trousse d'information. Elle l'a accrochée au mur afin que les gens qui veulent savoir comment on procède aux essais sur le terrain et comment les aliments sont inspectés disposent de toute cette documentation.
Il s'agit d'une addition relativement récente à la trousse de communications. On s'est dit que le gouvernement fédéral devait mieux informer le public de ce qu'il faisait. Si nous faisons bien les choses, pourquoi ne pas le dire aux gens? C'est bon pour le public et pour l'industrie étant donné que cela peut réduire les inquiétudes de la population.
Sur la scène internationale, nos autorités de réglementation pourraient également discuter avec leurs homologues des autres pays. Nous sommes des chefs de file, surtout dans le domaine de l'agriculture. Si nos spécialistes qui se soucient de l'intendance, de la terre et de la sécurité des aliments trouvent des solutions, ils devraient les partager car si nous voulons vendre certains de ces produits à l'étranger, nos organismes de réglementation peuvent travailler avec ceux des autres pays. Ils ont une bonne crédibilité étant donné que tel est leur rôle. Nous pouvons peut-être faciliter également les choses de cette façon.
Le président: Merci beaucoup.
Dans combien de temps devez-vous présenter votre rapport aux ministres?
M. Roy Atkinson: Nous devons le faire avant l'ajournement de la Chambre.
Le président: Au début de juin. Dans ce cas, nous aurons le temps de contribuer un peu à votre rapport.
M. Roy Atkinson: Le plus tôt sera le mieux. Nous avons sept ministres différents qui vont devoir signer ce rapport. Il y a donc tout un processus de gestion à suivre. Lors des consultations publiques, nous avons demandé à tous les intéressés de nous faire part de leurs idées d'ici le 30 avril.
Le président: Rose-Marie va donc devoir faire des heures supplémentaires.
M. Roy Atkinson: Je regrette, mais c'est parce que nous voulons faire vite. Nous essayons d'agir rapidement. Le plus tôt sera le mieux.
Quoi qu'il en soit, nous l'apprécierions beaucoup. Si vous avez des idées dont vous désirez nous faire part, cela nous aidera énormément.
Le président: D'accord.
Merci beaucoup. Je sais que nous avions très peu de temps, mais c'était très intéressant. Merci à vous deux.
La séance est levée.