AGRI Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD
COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 mai 1998
[Traduction]
Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): La séance est ouverte. Bonjour, mesdames et messieurs.
Conformément à l'article 108(2) du règlement, nous poursuivons notre étude de la biotechnologie. Nous espérons apprendre ainsi à mieux connaître les futurs produits de la biotechnologie et leur incidence probable sur l'avenir de l'agriculture.
Le gouvernement du Canada se préoccupe également des débouchés et des défis relatifs à la biotechnologie. Il met donc à jour sa stratégie de 1983 en matière de biotechnologie afin que nous soyons tous au courant de l'évolution dans ce domaine.
La semaine dernière, nous avons entendu des témoins d'Industrie Canada nous décrire les consultations en cours au Canada à propos de cette stratégie. Ces consultations visent à dégager des principes évidents qui orienteront la stratégie. L'un des principaux thèmes de discussion est la création éventuelle d'un organisme consultatif public pour faciliter le débat public sur la biotechnologie. Notre étude arrive donc à point nommé. Nous espérons pouvoir apporter une contribution utile au processus consultatif du gouvernement du Canada.
Nous entendrons ce matin Murray McLaughlin, d'Ontario Agri-Food Technologies; Jeff Turner, de NEXIA; ainsi que Joyce Groote et Rick Walter, de BIOTECanada.
Bonjour à tous. Nous entendrons vos exposés puis nous vous interrogerons. Je crois que vous avez tous une déclaration à faire.
Joyce, voulez-vous commencer?
Mme Joyce Groote (présidente, BIOTECanada): Oui, merci.
Je voudrais d'abord vous remercier de nous donner la possibilité de nous exprimer devant vous. Même si elles ne portent peut-être pas précisément sur la SCB, la Stratégie canadienne en matière de biotechnologie, beaucoup de nos observations touchent à des aspects importants dont la stratégie doit tenir compte. J'aimerais exposer brièvement comment nous envisageons la biotechnologie au Canada. Puis, Murray McLaughlin, Rick Walter et Jeff Turner prendront la parole.
Je commencerai par faire appel à votre compréhension. Je suis rentrée d'Australie hier soir, vers minuit, et je souffre des effets d'un manque de sommeil et d'une surdose de caféine. Veuillez donc m'excuser s'il y a des trous çà et là.
Un beau côté de tout cela est que je peux me payer le luxe de voir le Canada de l'extérieur plutôt que de l'intérieur.
Je vais vous expliquer un peu pourquoi nous étions là-bas. Nous avons participé à une mission canadienne et nous cherchions des partenaires en Australie. Nous cherchions des occasions de recherche, des débouchés avec des sociétés complémentaires. Nous cherchions évidemment des moyens d'harmoniser notre système réglementaire avec celui des Australiens.
Ils sont en train de se demander comment ils structureront ce système. Ils en sont aux tous débuts, ce qui nous a permis de discuter avec eux des problèmes qui se posent. Nous pensons aussi que ces occasions d'exposer aux étrangers ce qui se fait au Canada sont une façon d'accroître notre accès à de nouveaux marchés. Voilà en gros les raisons pour lesquelles nous sommes allés là-bas.
Par cette mission, nous avons constaté que nous avons des possibilités énormes au Canada et que nous ne voulons pas les laisser passer. Nous nous sommes aperçus à quel point le Canada est en avance. Nous sommes reconnus comme un chef de file. Voilà pourquoi nous sommes allés là-bas. Nous sommes un chef de file en agriculture, et c'est de cela que nous vous entretiendrons. Nous sommes un chef de file en ce qui concerne l'utilisation que nous faisons de la biotechnologie dans les autres secteurs.
• 0915
Cette mission m'a montré à quel point notre système
réglementaire est respecté. Nous sommes considérés dans le monde
entier comme un pays qui possède un système sûr et de calibre
mondial.
La troisième chose qui m'a sauté aux yeux est à quel point nous saisissons la biotechnologie à bras-le-corps, dans le secteur agricole en particulier, pour en tirer des avantages économiques. Le Canada et les Canadiens en profitent. Nous avons réussi à conserver cet avantage chez nous.
Quatrièmement, pour moi, cette mission a fait ressortir une fois de plus l'importance de trouver un équilibre entre les réalités économiques et la dimension publique. La dimension publique est un aspect très important auquel nous sommes confrontés actuellement. On le sent dans la stratégie canadienne en matière de biotechnologie. Je pense qu'on peut trouver des solutions. Comment faire devient la grande question? Il ne s'agit plus de se demander si nous allons le faire. Nous n'en sommes plus là.
Nous prenons évidemment plusieurs mesures dans notre organisation pour tenir compte de cette dimension publique. Ainsi, nous sommes en train d'élaborer un code de conduite et un code d'éthique. En outre, des travaux ont été réalisés au Canada par des chercheurs en sciences humaines qui se sont penchés sur l'opinion publique et sur les leçons qu'on peut en tirer. Je vais aborder ces quatre sujets.
Le leadership du Canada est un facteur que je trouve vraiment remarquable dans les réunions sur la stratégie canadienne en matière de biotechnologie. J'ai participé à quatre d'entre elles dans différentes régions du pays. Il était étonnant de voir que bien des gens, dont de nombreux représentants de l'industrie, ne se rendaient pas compte que nous sommes un chef de file.
Nous arrivons au deuxième rang au monde en ce qui concerne le nombre de sociétés, le nombre de produits homologués et le nombre d'emplois dans ce secteur, pourtant le Canada passe inaperçu sur la scène mondiale. On ne cesse de faire des comparaisons entre les États-Unis et l'UE, mais on oublie le Canada. Le Canada est pourtant bien placé quand on le compare au plus grand pays de l'UE, la Grande-Bretagne. Le deuxième est l'Allemagne.
J'ai été personnellement étonnée par l'ambivalence canadienne face à l'excellence et au leadership. On se demande vraiment si nous devrions être un chef de file. Pour moi, la question qu'il faut se poser n'est pas tant si nous devrions être un chef de file—parce que nous en sommes un—mais si nous sommes capables de le rester.
Le président: C'est une attitude bien canadienne.
Mme Joyce Groote: En effet. C'est renversant.
Nous voyons certains des défis auxquels nous sommes confrontés. L'Allemagne, par exemple, qui traînait vraiment de l'arrière il y a quelques années, consacre désormais des milliards de dollars à l'utilisation de cette technologie pour être plus compétitive. Quant à l'UE, nous commençons à voir des défis à l'horizon, par l'entremise de l'OMC.
Franchement, un grand nombre de ces défis nous apparaissent comme une façon de ralentir le Canada pendant qu'ils se dépêchent de nous rattraper.
Puis, il y a l'Australie et les autres pays qui font de grands efforts. Tout à coup, ils se réveillent, ils reconnaissent que la biotechnologie peut les aider à devenir plus compétitifs. Ils essaient de comprendre comment saisir cet avantage. Alors, nous ne pouvons vraiment pas nous payer le luxe de ralentir. Je crois que nous devons travailler d'arrache-pied, parce que la course est lancée.
Plusieurs produits ont été homologués au Canada depuis 1983. L'insuline a été le premier. Nous pouvons maintenant offrir un grand nombre de produits dans les domaines de l'agriculture et de la santé, ainsi que des produits de diagnostic pour certains aspects de l'aquaculture.
En ce qui concerne notre système réglementaire, je sais que j'en ai beaucoup parlé dans des exposés précédents, mais il est clair aux yeux des gouvernements d'autres pays qui se penchent sur notre système que nous avons pris quelques mesures fondamentales très justes.
Nous avons adopté la voie des produits et de l'évaluation des risques. L'UE ne l'a pas fait. Nous avons réussi à mettre des produits en marché. Pas l'UE. Nous nous sommes attaqués aux lois existantes, ce qui nous a permis de continuer à progresser très rapidement et d'utiliser les compétences existantes. Nous avons maintenu cette orientation scientifique et avons toujours pu répondre à la question: «Est-ce sans danger?», pas «En avons-nous besoin?» mais bien «Est-ce sans danger?».
Ce système fonctionne. Je pense qu'il fonctionne pour l'industrie, parce que nous avons un cadre prévisible. Si un produit est considéré sans danger au Canada, nous savons que le reste du monde saisit clairement le message que c'est un bon produit. Nous avons la confiance du consommateur et nous sommes crédibles. Les autorités réglementaires peuvent déterminer l'innocuité de ces produits. Nous constituons un modèle. Permettez-moi de vous donner un exemple.
• 0920
Nous avons actuellement un partenariat entre BIOTECanada et
l'ACDI. Nous aidons le Chili et l'Argentine à mettre de l'ordre
dans leur cadre réglementaire. Nous prévoyons pouvoir faire la même
chose dans d'autres pays, comme l'Australie, parce que cela leur
permet de mettre leurs systèmes réglementaires à notre niveau et
que cela nous ouvre de nouveaux marchés.
Nous sommes un petit pays; nous ne pouvons pas nous permettre de mettre au point des produits vendus seulement au Canada, car ce ne sera jamais rentable. Nous devons nous assurer de pouvoir toujours percer de nouveaux marchés et nous avons évidemment la responsabilité de nous assurer que les pays en développement ont accès à notre savoir.
En ce qui concerne le troisième point, les retombées économiques, le Canada a vraiment misé sur la biotechnologie dans le secteur agricole; beaucoup plus que les États-Unis et l'UE. Environ 25 p. 100 de l'industrie de la biotechnologie au Canada se consacre à l'agriculture, comparativement à seulement 5 p. 100 aux États-Unis et à 13 % dans l'UE.
D'ailleurs, il y a deux semaines à peine, Steve Burrill, le gourou financier, je suppose, du capital de risque en biotechnologie, a annoncé la création d'un fonds de 100 millions de dollars. Il s'agit en réalité du premier fonds consacré à la biotechnologie agricole, à notre connaissance. Évidemment, le secteur agricole canadien espère en tirer avantage. L'autre aspect important est que nous avons réussi à conserver les retombées, financières et autres, au Canada.
Pour vous donner un exemple, en Australie, ils se servent de la multiplication des semences pour le coton Bt. Je pense que cela présente des avantages limités pour un grand nombre de producteurs australiens. Chez nous, par contre, nous avons réussi à engranger les profits, parce que lorsque nous vendons des semences à d'autres pays dans le monde, les retombées économiques restent au Canada. On constate que les taux d'adoption au Canada sont phénoménaux.
Le canola, par exemple, était cultivé sur 350 000 acres en 1996. En 1998, la superficie consacrée à cette culture est montée à 6,5 millions d'acres. Le maïs était cultivé sur 21 000 acres en 1996. La superficie est passée à 400 000 acres en 1998. Les agriculteurs y trouvent donc un avantage. Le contraste est marqué avec les mesures que prennent d'autres pays pour maintenir leur compétitivité.
La semaine dernière, j'ai entendu une émission de radio en Australie. Les éleveurs de porc se plaignaient du fait que le porc canadien était de bien meilleure qualité et se vendait à meilleur marché que ce que l'Australie peut espérer, et ils voulaient interdire les importations de porc canadien. C'était leur solution.
Notre solution au Canada consiste à trouver ce que nous pouvons faire pour rendre nos marchés plus concurrentiels. Alors, nous faisons appel à la biotechnologie. Je pense que cela démontre l'attitude progressiste qui existe chez nous.
Dernière remarque sur l'économie ou les avantages, nous nous demandons dans quels domaines les Canadiens peuvent tirer un avantage. Jusqu'ici, nous nous sommes concentrés surtout sur ce qu'on pourrait appeler les produits primaires, les produits axés sur le producteur, tels que les produits résistants aux herbicides et aux insectes. Nous passons maintenant à la prochaine génération de produits, aux produits de deuxième et de troisième génération.
Rick Walter en parlera un peu plus longuement, mais il s'agit du domaine de la nutraceutique, des aliments fonctionnels. Nous nous penchons actuellement sur des produits dont peuvent profiter les consommateurs.
Le dernier aspect que j'aimerais aborder est la question très importante de l'équilibre. Nous reconnaissons certainement dans l'industrie canadienne que la dimension publique est importante. Nous voulons nous attaquer aux problèmes sociaux et éthiques. Nous devons répondre au besoin d'information et de communication. Nous en sommes extrêmement conscients. Mais nous devons aussi nous assurer que, lorsque nous réfléchissons à ces problèmes, nous tenons compte également des réalités économiques. Nous devons le faire de manière à ne pas saper tous les fondements qui nous ont permis de réussir en biotechnologie.
Nous avons un système réglementaire scientifique de très haute qualité. Nous devons le maintenir et pouvoir toujours nous demander si le produit est sans danger. Nous devons certainement maintenir certaines des politiques publiques d'appui à la biotechnologie pour les chercheurs, les producteurs, les transformateurs, et le milieu financier.
• 0925
Nous avons encore un grand nombre de problèmes à régler, mais
ils ne sont pas uniquement le lot du Canada. Je crois vraiment que
la dimension publique et la façon dont nous l'abordons ainsi que la
façon dont la stratégie canadienne en matière de biotechnologie
aborde cette question reposeront sur les communications. Je pense
que nous devrons trouver une meilleure façon d'intégrer nos efforts
pour les coordonner et créer des partenariats. Je pense qu'il
faudra engager des ressources humaines et financières beaucoup plus
importantes.
Je ne pense pas seulement au gouvernement, l'industrie aussi devra faire sa part. Je crois que nous devons consacrer plus de temps à cerner le type d'information dont les gens ont besoin et qui en a besoin. Il est facile de lancer de l'information dans la nature, mais il y a souvent un trou noir. Trouvons d'abord qui a besoin de quoi.
Enfin, tout cela ne se fait pas en vase clos. Il y a eu d'innombrables activités de communication depuis dix ans au Canada. Je pense que nous devons maintenant examiner ces activités pour essayer de comprendre ce que nous avons fait correctement et où nous avons échoué, pour trouver les lacunes, en tirer des leçons et aller de l'avant.
Nous aimerions vraiment que la stratégie canadienne en matière de biotechnologie tienne compte de tout cela dans le volet relatif à la dimension publique. Je pense que cela résoudra ou atténuera le problème des communications.
En ce qui concerne les questions sociales et éthiques, je pense que créer, comme on le propose, un groupe d'experts qui donnerait des conseils aux ministres pourrait être très utile pour régler certains des problèmes les plus épineux. C'est quelque chose que l'on peut certainement isoler du système réglementaire.
Je tiens à déclarer publiquement que nous aimerions certainement participer aux discussions relatives à la SCB, mais je dois dire qu'elles sont parties sur un très mauvais pied. Le processus était loin d'être parfait. Nous avons participé à la dernière minute, après avoir reçu un préavis très court, qui nous a donné très peu de temps pour apporter une contribution réfléchie à l'ensemble du processus. Nous ne pourrons nous sentir comme des partenaires que si le processus est beaucoup mieux pensé et nous inclut à mesure qu'il progresse.
Voilà en gros ce que je voulais déclarer: Nous sommes des chefs de file. Je pense que nous devons en être fiers au Canada et trouver des moyens de rester en tête du peloton. Je pense que nous devons être fiers du fait que nous avons un système réglementaire de calibre mondial et que nous avons réussi à mettre tous les bons éléments en place pour tirer avantage de la biotechnologie au Canada.
Enfin, nos efforts dans des domaines comme la stratégie canadienne en matière de biotechnologie et le protocole sur la biosécurité doivent toujours tenir compte de la nécessité de trouver l'équilibre entre tous les facteurs.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, Joyce.
Monsieur McLaughlin.
M. Murray McLaughlin (président, Ontario Agri-Food Technologies): J'ai pensé me servir d'acétates, surtout pour éviter de digresser. Cela me permettra aussi de ne pas dépasser le temps qui m'est alloué et de faire quelques observations.
Je suis désolé, mais la seule acétate dont je n'ai pas fait de copies pour vous est celle-ci. Elle vise seulement à vous donner ma définition de la biotechnologie et du secteur agricole. Cela situe le contexte.
À mon avis, la biotechnologie désigne toute technique qui utilise des organismes vivants ou des substances provenant de ces organismes pour fabriquer ou modifier un produit, améliorer les plantes ou les animaux, ou mettre au point des micro-organismes à des fins particulières. C'est la définition que j'emploie depuis la fin des années 80. Elle a certainement été utile pour développer des collectivités comme Saskatoon et certaines collectivités avec lesquelles nous travaillons actuellement en Ontario.
Pour décrire brièvement les raisons qui devraient nous inciter à réfléchir à la biotechnologie, je citerai cette déclaration du Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale, un groupe qui travaille en étroite collaboration avec de nombreux pays en développement:
-
Tous les outils possibles qui peuvent contribuer au développement
durable de l'agriculture et à la sécurité alimentaire doivent être
mis à contribution. Si elle est déployée sagement, la
biotechnologie pourrait nous aider énormément à nourrir près de
trois milliards de personnes de plus.
• 0930
Je pense que cette déclaration en dit long sur l'avenir et les
défis à relever, parce que nous devons vraiment en tenir compte. Le
Canada est un important développeur de produits agricoles et un
grand exportateur de ces produits, et nous devons continuer de
jouer ce rôle à l'échelle mondiale. Comme l'indique la ligne rouge,
la population mondiale dépassera 10 milliards d'habitants en 2040.
Elle se stabilisera probablement à ce niveau. Mais il faut se
rappeler qu'en 1950, il y avait 2,5 milliards d'habitants sur la
planète et que nous sommes actuellement 5,8 milliards.
La population a un peu plus que doublé au cours des 50 dernières années, et elle doublera encore, passant de 5,8 milliards à 10 milliards d'ici 40 ans. Ce sera donc un défi de nourrir une population aussi importante avec des aliments de qualité, compte tenu des attentes qu'auront les gens à ce moment-là.
Il y a actuellement 800 millions de personnes sous-alimentées ou mourant de faim dans le monde, et le défi consiste à réduire ce nombre, à mesure que la population augmente. Nous ne voulons certainement pas que ces 800 millions de personnes sous-alimentées passent elles aussi du simple au double.
Si vous pensez que nous sommes les seuls à oeuvrer dans le secteur de la biotechnologie, voici une liste des pays qui, au cours des dix dernières années, ont fait des essais sur les cultures transgéniques. On constate que 45 pays ont mené des recherches dans ce domaine. Alors, même si le Canada est un chef de file, nous ne sommes sûrement pas seuls à chercher des moyens d'utiliser cette technologie pour améliorer notre production agricole.
Pour vous donner une petite idée dans un secteur en particulier, l'industrie des semences, voici les projections concernant les semences. En l'an 2000, les ventes mondiales de semences devraient se chiffrer à 2 milliards de dollars, en 2005, elles atteindront 6 milliards et, en 2010, dans douze ans, 20 milliards de dollars. La hausse est phénoménale. Le Canada est un grand producteur de semences pour plusieurs cultures. Nous avons donc la possibilité de saisir ce type de débouché agricole.
Ce que l'on constate et ce que nous avons évoqué, c'est que nous avons vécu plusieurs époques, comme tout le monde le sait, la mécanisation... Je ne devrais pas dire que nous les avons vécues. Nous les vivons encore, la mécanisation et l'agrochimie, et nous considérons maintenant la biotechnologie comme une troisième vague de technologie qui nous aidera à améliorer la production agricole.
Nous continuons de constater d'énormes transformations de la mécanisation. L'un des changements les plus importants dans l'Ouest canadien a probablement été celui qui a débuté vers la fin des années 80, ou plutôt à la fin des années 70, et qui s'est prolongé dans les années 80. Il s'agit de l'utilisation du semoir pneumatique. Cet appareil a transformé complètement la production agricole en une dizaine d'années. En 1980, il était exceptionnel de voir un semoir pneumatique. En 1990, ne pas en voir dans les champs était l'exception. Cet appareil a grandement contribué à la conservation des sols, par exemple.
Nous continuons de voir des améliorations dans le domaine de l'agrochimie et de la biotechnologie, et l'on s'attend désormais à améliorer la production pour pouvoir nourrir une population de plus en plus nombreuse, comme nous l'avons déjà indiqué. N'oubliez pas que, d'après les projections démographiques, nous aurons besoin d'une production alimentaire trois ou quatre fois plus importante que la production actuelle en 2040, parce que la demande alimentaire augmente à mesure que le revenu augmente. Alors, il ne s'agit pas simplement de doubler la production alimentaire, il faut la tripler voire la quadrupler.
Je ne m'attarderai pas sur ces questions, mais je veux au moins les évoquer brièvement. Joyce en a abordé quelques-unes, notamment celle de la biotechnologie agricole au Canada, et j'ai probablement dressé cette liste en 1990. Elles ne sont pas en ordre de priorité; il s'agit simplement de savoir à quel niveau elles sont rendues.
En ce qui concerne la réglementation, comme l'a indiqué Joyce, le Canada possède un excellent système réglementaire. Nous devons toujours chercher à le perfectionner et à l'améliorer, à le rendre plus efficient, mais nous sommes respectés à l'échelle internationale pour le système dont nous nous sommes dotés. Nous faisons l'envie de nombreux pays, et beaucoup d'entre eux, comme l'a indiqué Joyce, commencent à se demander comment ils peuvent collaborer avec nous pour élaborer un système semblable chez eux. C'est formidable, parce que ce système reposera sur des bases scientifiques solides, et c'est ainsi qu'il faudrait élaborer les règlements.
En ce qui concerne la sensibilisation du public, là encore c'est un sujet que Joyce a évoqué. Depuis dix ans, nous avons vu une nette augmentation de la sensibilisation du public, et la progression continue. Là aussi, la nouvelle stratégie canadienne peut contribuer à développer cet aspect.
Sur le plan financier, le financement permettant de faire passer la technologie du laboratoire de recherche aux tablettes des magasins est un vrai problème dans notre pays, encore que nous commencions à voir quelques changements.
• 0935
Joyce a mentionné Steven Burrill, et j'ai parlé à Steven
lorsque j'étais en Australie. Il est intéressant de constater que
nous étions tous les trois en Australie au cours des deux dernières
semaines. Mais je suis revenu un peu plus tôt que les autres parce
que j'avais des engagements ici.
Les droits de financement... Steven Burrill a recueilli 100 millions de dollars pour créer un fonds mondial de la biotechnologie consacré exclusivement à l'agriculture. Il s'agit du premier fonds consacré à ce secteur. La plus grande partie de cette somme sera affectée à la génomique agricole. Il ne faut pas oublier qu'on ne cesse de parler des Européens et du retard qu'ils accusent par rapport à tout le monde, mais sur ces 100 millions de dollars, 75 millions de dollars viennent de l'Europe. De grosses multinationales investissent dans ce fonds parce qu'elles sont conscientes de son importance future pour toute la planète.
Steven Burrill a pu réunir cette somme pour l'agriculture, et je crois qu'il s'agit simplement de la partie visible de l'iceberg. Je pense que nous verrons d'autres fonds naître dans un proche avenir et je sais qu'il est grandement question au Canada de créer des fonds pour l'agriculture.
L'appui à la recherche est un aspect auquel votre groupe doit accorder une grande attention. Nous avons une excellente base de recherche dans notre pays. Nous l'avons érodée graduellement en réduisant le financement. Nous y avons été obligés pour assainir nos finances, mais maintenant que nos budgets deviennent équilibrés, nous devons reconnaître qu'il faut investir dans la recherche fondamentale. Si nous ne le faisons pas, nous commencerons à perdre notre avantage concurrentiel.
Je crois que certains d'entre vous sont allés à Saskatoon. Ce qui a fait grandir Saskatoon, c'est cette capacité d'offrir cette solide base de recherche. La seule raison qui a incité les sociétés à s'établir à Saskatoon était la possibilité de tirer parti de cette capacité de recherche. Si elle disparaît, ces sociétés n'auront pas d'autre raison de rester à Saskatoon. Ce serait la même chose à Guelph, ou ailleurs au pays. Nous avons besoin d'une base de recherche qui incitera les entreprises à rester chez nous et à y développer des technologies jusqu'à l'étape de la commercialisation.
Nous entendrons parler de plus en plus de la propriété intellectuelle d'ici un an, car il est question de breveter des organismes vivants, entre autres. C'est un élément essentiel sur lequel nous devons nous pencher ici au Canada. Nous devons nous demander quelle est notre place dans le monde en ce qui concerne la propriété intellectuelle.
En ce qui concerne les ressources humaines, il y aura un grand besoin à l'avenir. Il y aura de grands besoins en éducation, et je pense que la structure universitaire commence à trouver des solutions. Là encore, je n'entre pas dans les détails. Mais nous y reviendrons, je l'espère, durant la période de questions.
Chaque fois qu'un problème se pose, il y a des côtés positifs. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je les signalerai simplement.
Une production améliorée est certainement une grande retombée positive que nous constatons actuellement à cause de la capacité de la biotechnologie. Les animaux sont en meilleure santé, grâce notamment à de meilleurs vaccins et à des aliments de meilleure qualité.
Parlons maintenant des exportations gérées et des industries agricoles viables... Je prends un instant pour vous expliquer que ce qu'entends par «exportations gérées». J'entends par là que, vu que le Canada est un grand pays exportateur, si nous pouvons aller dans un pays comme le Japon et discuter avec les Japonais pour cerner exactement leurs besoins, nous pourrons concevoir des produits qui répondent à ces besoins.
Ce n'est pas un exemple en biotechnologie, mais tout de même. En Ontario, les producteurs de soja ont collaboré avec les acheteurs japonais pour trouver une variété de soja destinée à la fabrication du tofu. Ils sont revenus chez nous et ont discuté avec les chercheurs, les Japonais sont venus et ont discuté avec les producteurs. De concert avec Agriculture Canada, les groupes de recherche et les Japonais, nous avons mis au point des variétés conçues spécialement pour le marché du tofu. Tout à coup, nous avons pu obtenir des contrats et obtenir des prix plus élevés pour ces variétés, parce qu'il ne s'agissait pas de variétés d'oléagineux normales mais plutôt de variétés conçues expressément pour les besoins des fabricants japonais de tofu. Certains producteurs ontariens en ont grandement profité.
En ce qui concerne les industries agricoles viables, je soutiens que la biotechnologie est une réalité et que si nous voulons avoir une industrie viable à l'avenir, nous devons nous assurer que la biotechnologie en fait partie intégrante.
Je fais remarquer également que mon domaine, c'est l'agriculture, ou l'agriculture et l'alimentation. La biotechnologie, c'est une série d'outils scientifiques qui nous permettent d'améliorer l'agriculture et l'alimentation. C'est vraiment de cela qu'il s'agit. Notre domaine, c'est l'agriculture. Quand on est en affaires, il faut toujours se demander comment on peut ajouter de la valeur. Je souhaite vraiment ajouter de la valeur à l'agriculture, et je considère la biotechnologie comme la science qui nous aidera à y parvenir. Elle nous aidera à obtenir une industrie agricole viable et à y ajouter de la valeur.
• 0940
J'ai choisi de ne pas parler de produits en particulier, parce
que je crois que nous commençons à peine à voir la partie visible
de l'iceberg. Les caractéristiques agronomiques, dont Joyce a
parlé, voilà ce que nous commençons à voir actuellement, mais nous
commencerons bientôt à voir des changements dans la transformation
des aliments, dans la santé et la nutrition, dans les produits
chimiques et les polymères, dans les biocarburants. Il y aura un
processus constant d'amélioration des produits et des technologies.
D'ici cinq à dix ans, presque toutes les nouvelles cultures qui
seront mises au point le seront à l'aide de la biotechnologie.
Je voulais vous parler brièvement—et la diapositive que je vous montre maintenant est probablement assez compliquée—des lacunes et de l'accès au capital. L'idée est la première étape. On passe ensuite à la validation de l'idée, et c'est à ce moment-là que le PARI et d'autres programmes apportent du financement, puis on passe à l'étape des capitaux de démarrage privés.
On peut obtenir un peu d'aide financière d'un ange, mais c'est habituellement à cette étape qu'il y a un vide. Au Canada, nous avons vraiment du mal à passer de la validation de l'idée aux capitaux de risque de démarrage. Il y a une lacune, un fossé plus ou moins grand selon le projet, mais il est encore difficile dans notre pays d'obtenir les fonds de démarrage permettant à la technologie de passer de la validation de l'idée à une réalité concrète.
Je pense que la situation est en train de changer. Je pense qu'on s'efforce davantage actuellement de trouver des moyens de réunir des capitaux de risque, mais c'est un problème auquel nous devons nous attaquer, je crois. Là encore, c'est peut-être un aspect que la stratégie sur la biotechnologie devrait examiner en cours de route.
Je voudrais évoquer brièvement le rôle du gouvernement. Je pense que l'appui à la R-D est crucial. Le gouvernement doit se demander comment il appuie la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Nous ne devons pas négliger la recherche fondamentale, parce qu'elle est cruciale pour les futurs produits, pas seulement en biotechnologie, mais aussi pour les autres technologies en aval de la biotechnologie et pour nous assurer d'avoir des compétences dans ces domaines.
En ce qui concerne la diffusion de l'information, je pense que, là aussi, les gouvernements peuvent nous aider, en particulier s'ils trouvent comment l'intégrer à la stratégie. La réglementation et la propriété intellectuelle vont de soi. Je crois qu'il y a aussi un rôle de financement, pas de subvention mais bien de financement, et je pense qu'il existe déjà un peu au Canada. Les crédits d'impôt pour la R-D en sont un élément clé, et nous devons nous assurer de les maintenir pour appuyer les nouvelles technologies. S'il y a des moyens d'améliorer ces encouragements, servons-nous en.
J'utilise toujours cette dernière diapositive, et tous ceux qui m'ont déjà entendu la connaissent, mais elle montre que les concurrents finissent toujours par dépasser les pays qui cessent de s'améliorer et d'innover. La biotechnologie est un outil qui nous aide à nous améliorer et à innover dans le secteur agricole. Il ne faut pas l'oublier. C'est vraiment de cela qu'il s'agit.
Si j'avais un message simple à vous communiquer, ce serait de rappeler que le consommateur veut des aliments plus sains, sans danger et plus nutritifs, il veut des aliments produits par des systèmes de production plus durables. Je crois que c'est le rôle que peut jouer la biotechnologie: elle peut nous assurer que nous aurons des produits de qualité, des produits plus sains, sans danger, plus nutritifs et une méthode de production plus durable. Je crois que nous ne devons pas l'oublier dans l'évolution de cette technologie au Canada.
Merci.
Le président: Merci, monsieur McLaughlin.
Nous avons deux autres exposés à entendre. Préférez-vous faire vos présentations maintenant ou passer tout de suite aux questions? C'est comme vous voulez.
Mme Joyce Groote: Il pourrait être utile de se faire d'abord une idée des différents aspects de cette question et nous pourrions toujours répondre à vos questions à la fin, si cela vous convient.
Le président: Nous devons libérer les lieux avant 11 heures, parce qu'un autre comité vient siéger ici. Faites en sorte que vos exposés soient concis pour que nous puissions vous poser des questions.
M. Rick Walter (vice-président, BIOTECanada): Merci. Je suis vice-président de BIOTECanada et je vous assure que ma présentation sera plus courte que les précédentes. Moi aussi je rentre d'Australie et mon horloge biologique me dit qu'il est presque minuit.
• 0945
Je vais vous parler d'une activité qui est liée aux produits
nutraceutiques et aux aliments fonctionnels. On nous a demandé de
vous faire quelques commentaires à propos du domaine en question.
Celui-ci est le résultat du recoupement ou plutôt de l'intégration
de deux domaines: celui, plus traditionnel, des aliments
fonctionnels en agriculture et celui de la santé humaine. Au point
d'intersection de ces secteurs, se trouve en effet une activité
biotechnologique particulièrement importante. C'est d'ailleurs une
des raisons pour lesquelles nous sommes venus vous faire cette
présentation.
Nous allons commencer par quelques définitions pour que vous compreniez mieux ce dont je vais vous parler. Il existe une multitude de définitions utilisées dans notre domaine: aliments fonctionnels ou nutraceutiques, compléments alimentaires, ingrédients alimentaires, suppléments minéraux, aliments non traditionnels ou nouveaux, produits probiotiques, herbes médicinales et produits botaniques. Comme on le voit, les définitions ne manquent pas.
Je me propose, cependant, de me concentrer sur deux produits. D'abord, les aliments fonctionnels que je définirais ainsi: aliments traditionnels présentant des avantages éprouvés pour la santé humaine. Deuxièmement, je vais vous parler de nutraceutiques, qui sont des produits dérivés de plantes ou d'aliments purifiés, ou qui sont des substances isolées de ces plantes et aliments et qui sont vendus en préparations médicinales. Les aliments fonctionnels sont identiques aux aliments courants, mais ils sont modifiés pour en faire ressortir les effets bénéfiques pour la santé. Les produits nutraceutiques se présentent sous la forme de capsules ou de produits purifiés liquides ou autres.
BIOTECanada s'est intéressée à ce genre de produit après avoir constaté l'existence de plusieurs créneaux intéressants. Tout d'abord, le secteur des produits nutraceutiques et des aliments fonctionnels était jusqu'ici desservi par un milieu fragmenté, mal organisé, et cette industrie ne s'était pas encore accommodée aux définitions proposées, ni même à l'approche réglementaire adoptée. Certains voulaient qu'on n'impose aucune restriction sur les produits alimentaires et sur les aliments qu'ils fabriquaient, alors que d'autres auraient voulu un contrôle réglementaire beaucoup plus serré, qui leur aurait permis d'indiquer sur leurs étiquettes la preuve que leurs produits sont efficaces.
En outre, nous sommes conscients que l'avenir des produits nutraceutiques passe par la biotechnologie, du moins en partie, et ces deux dimensions sont d'ailleurs inextricablement liées parce que nous croyons que les nutraceutiques et les aliments fonctionnels forment la base des produits alimentaires biotechnologiques de deuxième génération. Je vous en donnerai quelques exemples.
Troisièmement, la réglementation et les communications sont des volets très importants auxquels l'industrie nutraceutique va devoir s'intéresser de près; il s'agit de deux dimensions que BIOTECanada maîtrise parfaitement dans certains domaines, puisque nous avons joué un rôle de premier plan dans l'élaboration de la réglementation et dans les activités de communication au sein de l'industrie biotechnologique.
Afin de conduire nos activités dans ce domaine, nous avons dressé une série de profils d'entreprises des 50 principaux organismes au Canada évoluant dans le secteur des technologies nutraceutiques et des aliments fonctionnels. Nous vous en avons fait remettre un exemplaire. En outre, nous allons donner une série d'ateliers sur ce thème partout au Canada, à l'occasion desquels nous comptons rassembler tous les chercheurs, les universitaires et les représentants des gouvernements pour discuter des grandes questions auxquelles notre milieu est confronté.
Côté produits nutraceutiques et aliments fonctionnels, on retrouve des produits à haute teneur en fibres alimentaires, comme le son d'avoine—je suis sûr que vous avez entendu dire qu'il réduit les risques de cancer du colon et abaisse le taux de cholestérol—et d'autres produits, comme les herbes médicinales, le ginseng et l'échinacée pourpre—qu'on peut aisément acheter dans les magasins d'aliments diététiques—, ainsi que les vitamines C et E qui sont des antioxydants. On parle aussi de beta-carotène, selon la définition qu'on retient, pour cette dernière substance qui réduit les risques de maladie cardiaque et abaisse le taux de cholestérol. Il y a aussi la lycopène, isolée de la tomate, qui permet d'atténuer les risques de certains types de cancer. Voilà donc le genre de produits dont nous parlons en général.
Nous entendons également vous fournir un aperçu économique de notre industrie. Bien sûr, il est difficile pour une industrie comme la nôtre, qui articule son activité autour de tant de définitions, de dresser une évaluation solide de son chiffre d'affaires dans le monde. Bien que les estimations varient grandement, je crois qu'on peut affirmer que ce marché représente maintenant à peu près 50 milliards de dollars US par an. L'augmentation exponentielle qu'on lui prédit est tout à fait remarquable. En effet, dans une dizaine d'années, ce marché devrait être passé de 50 milliards à 500 milliards de dollars par an. Le Canada figure en bonne place sur la scène internationale, principalement en recherche et développement dans le secteur des plantes médicinales.
La croissance rapide de certains éléments de cette industrie est fort intéressante. Au cours de l'année dernière seulement, la valeur des actions des cinq plus grandes entreprises américaines de produits nutraceutiques a augmenté entre 65 p. 100 et 98 p. 100. Qui plus est, cette augmentation de 65 p. 100 de la valeur des actions ne concerne qu'une entreprise, les quatre autres se situant plutôt aux environs de 90 p. 100. Voilà un rendement qui n'est pas mal du tout.
M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Au contraire, ce pourrait être mal.
M. Rick Walter: C'est vrai, parce qu'on ne sait pas où cela va s'arrêter.
Il est certain qu'un tel rythme de croissance ne peut être maintenu, mais il montre bien l'évolution très rapide qu'est en train de connaître cette industrie. Fait intéressant, les compagnies canadiennes n'ont enregistré quasiment aucune croissance au cours de l'année dernière; ce fut le calme plat.
Il est aussi intéressant de remarquer que des géants américains de la vente au détail, comme Wal-Mart, ont décidé de se lancer en grand dans les produits nutraceutiques. Wal-Mart a maintenant ses propres lignes de produits nutraceutiques et d'autres produits de santé. L'année dernière, la chaîne a décidé de quadrupler sa surface d'exposition consacrée à ces produits, et c'est la première fois qu'elle fait plus que doubler la longueur d'étagère consacrée à une même famille de produits.
Par ailleurs, côté demande, un récent sondage Angus Reid montre que 42 p. 100 des Canadiens ont régulièrement recours à la médecine douce. Bien sûr, cela tient en partie au fait que les gens veulent davantage assumer la responsabilité de leur santé; je pense également qu'ils veulent exercer un plus grand contrôle sur leur santé, en travaillant leur forme physique, mais aussi en mieux contrôlant leur régime alimentaire.
Une autre donnée est intéressante. Cinquante-six pour cent des Canadiens ont consommé au moins une fois dans leur vie des produits nutraceutiques, ce qui est spectaculaire. Tout cela constitue un fantastique débouché commercial.
Malheureusement, tout n'est pas rose. L'industrie nutraceutique canadienne est désavantagée par rapport à celle d'autres pays, car elle ne peut inscrire d'allégations sur les étiquettes de ses produits, alors que cela est permis aux États-Unis et au Japon. Dans les deux domaines qui nous intéressent, nous pourrions nous passer des tracasseries réglementaires auxquelles nous nous heurtons au Canada.
Les consommateurs canadiens peuvent acheter ces produits à l'étranger, par catalogue ou par Internet. De plus, les produits étrangers sont en vente au détail, au Canada; dans ce cas, ils sont alors logés à la même enseigne que les produits canadiens sur le plan des règles d'étiquetage. Il faut mentionner, au passage, que les entreprises canadiennes écoulent une grande partie de leurs gammes de produits sur les marchés internationaux, et presque rien sur le marché canadien.
Nous sommes convaincus qu'il existe d'excellents débouchés pour les aliments fonctionnels et les produits nutraceutiques au Canada. En effet, nous bénéficions d'une très bonne base en recherche, nous possédons les connaissances voulues, le consommateur est avide de ce genre de produits et il existe déjà une industrie canadienne prête à conquérir ce marché. Pour y parvenir, nous devrons mettre en oeuvre des mécanismes réglementaires mieux adaptés à notre réalité, en de réaliser un équilibre entre sécurité et disponibilité des produits.
Nous sommes convaincus que les produits nutraceutiques ont tout ce qu'il faut pour devenir un important moteur de développement économique pour le Canada, et qu'il nous sera possible de mettre ce moteur économique sur pied en travaillant de concert avec le milieu de la biotechnologie.
Merci.
Le président: Merci. Les 56 p. 100 de consommateurs canadiens dont vous parliez, savent-ils qu'ils prennent des produits nutraceutiques?
M. Rick Walter: Oui, ils le savent. Ils achètent ces produits-là dans les magasins d'aliments diététiques ou d'aliments nouveaux.
Le président: Monsieur Turner.
M. Jeff Turner (agriculteur et éleveur de chèvres transgéniques, Nexia Biotechnologies Inc. (Québec)): Merci beaucoup. J'ai quelques transparents dont vous avez copies, je crois, qui exposent les détails du texte sur lequel je vais m'appuyer. Comme j'ai cru comprendre que nous avons un peu débordé de notre temps, je serai bref.
J'ai lancé la première entreprise canadienne d'animaux transgéniques il y a cinq ans. Ma compagnie, dont le siège est à Montréal, s'appelle Nexia Biotechnologies Inc. Nous évoluons donc dans le domaine de la manipulation génétique des animaux, surtout des animaux laitiers. Nous produisons des protéines recombinantes humaines et d'autres molécules, ainsi que certains types de molécules présentant un caractère ergonomique, comme celles qui permettent d'augmenter la production laitière chez l'animal ou la teneur en protéine du lait—deux éléments importants de la fabrication du fromage.
Je limiterai mes remarques à la production de médicaments. Mes propos toucheront d'ailleurs directement à ce que M. Murray vient de dire à propos de l'augmentation de la valeur des exportations agricoles canadiennes.
Aujourd'hui, au Canada, le lait se vend environ 54c. le litre au départ de l'exploitation. Or, le genre de produit que nous obtenons de nos chèvres après manipulation génétique, peut se vendre quelque 20 000 $ le litre. Nos biquettes sont donc de véritables poules aux oeufs d'or!
Les chèvres, les bovins et autres animaux génétiquement modifiés sont appelés animaux transgéniques. Je reviendrai un peu plus tard sur l'environnement réglementaire dans lequel nous évoluons. Pour l'instant, sachez qu'en ce qui concerne les produits transgéniques, on est juste en train d'entamer le processus des essais cliniques.
• 0955
L'énorme afflux de capitaux dans ce domaine et l'intensité des
recherches s'expliquent par l'importance des marchés. Aujourd'hui,
on vend plus de 9 à 10 milliards de dollars de produits du genre.
Il en existe déjà une quarantaine et l'on s'attend à ce que 280
autres produits biotechnologiques arrivent prochainement sur le
marché.
Cela étant, je me réjouis d'être au Canada, car
l'environnement réglementaire y est très rationnel en ce qui
concerne les molécules dont je vous parlais. Les produits en
question—dans ce cas des produits thérapeutiques destinés à
l'homme—, sont dérivés du lait animal.
Je tiens à préciser que le lait des animaux transgéniques ne
risque absolument pas de se retrouver dans le circuit du lait de
consommation courante. Les deux produits sont séparés. Dans le cas
qui nous intéresse, les animaux sont utilisés pour produire des
molécules pharmaceutiques qu'on récupère dans le lait.
Les organismes de réglementation traitent les molécules
pharmaceutiques que nous produisons comme étant des produits
biologiques normaux, ce qui est tout à fait raisonnable. Il s'agit
en effet de produits sûrs, parfaitement bien traités dans le cadre
réglementaire actuel.
Les chèvres transgéniques qui sont à la source du produit,
sont logées ou seront logées dans nos installations de
St-Télesphore au Québec. Santé Canada et l'ACIAA nous ont informés
qu'il ne sera pas nécessaire de conduire des évaluations
réglementaires à ce stade, car NEXIA dispose d'installations de
confinement de classe internationale pour ses produits génétiques.
Je dois vous dire qu'on n'a pas du tout affaire au même type
de contrôle des produits génétiques quand on travaille avec des
chèvres ou quand on travaille avec des tournesols ou avec des
truites arc-en-ciel. D'ailleurs, nous avons introduit plusieurs
techniques de confinement dans cette première installation
canadienne d'animaux transgéniques, comme je l'indique d'ailleurs
dans mon document.
Il est beaucoup question de la nécessité de se préoccuper de
questions comme la santé des animaux et les soins qu'on leur
apporte. C'est là un souci constant à Nexia. Nous avons
volontairement adhéré au CCPA et nous nous conformons au règlement
concernant les animaux transgéniques que le Conseil a publié en
1997. Nous avons un groupe chargé des questions de réglementation
qui est très proactif.
Certains aspects posent problème pour des compagnies comme la
mienne. Il y a d'abord la Loi canadienne sur les brevets en ce qui
concerne les organismes génétiquement modifiés, surtout les
animaux. Comme vous le savez tous, une pléthore de groupes
travaille sur cette question. Le Canada ne dispose pas de loi sur
la protection intellectuelle pour les animaux transgéniques
domestiqués. Cette situation aura, au Canada, des conséquences
directes particulièrement négatives sur le développement des
produits et sur la création d'emplois dans ce domaine. Nous avons
vu ce qui s'est passé en Europe: les emplois ont été créés
ailleurs.
Notre compagnie se heurte plus particulièrement au règlement
sur l'importation. Nous sommes aux prises avec un étrange paradoxe
à cause du genre de produits avec lesquels nous travaillons. D'un
côté, nous sommes une entreprise agricole; nous en savons beaucoup
sur les chèvres, nous savons notamment comment les traire. D'un
autre côté, nous fabriquons des molécules thérapeutiques. Il y a
des contradictions sur le plan réglementaire en ce qui concerne nos
deux vocations.
Je vais vous donner un exemple concernant deux maladies. La
première, que vous connaissez sans doute tous, est
l'encéphalopathie spongiforme transmissible, autrement dit la
maladie de la vache folle chez les bovidés ou encore la tremblante
du mouton. De toute évidence, nous ne voulons pas, avec les
produits pharmaceutiques que nous fabriquons, nous retrouver dans
des situations qu'on a connues ailleurs et où la santé humaine a
été mise en péril. Nous voulons travailler avec des animaux dont on
nous garantit qu'ils ne sont pas porteurs de maladie du genre.
Eh bien, en ce qui concerne les chèvres, il n'y a qu'un
endroit au monde où l'on peut trouver des animaux absolument sains,
c'est en Nouvelle-Zélande. Nexia veut pouvoir continuer, comme par
le passé, à acheter des chèvres néo-zélandaises parce qu'elles sont
garanties sans tremblante.
• 1000
Nous sommes donc aux prises avec un certain paradoxe. D'un
côté, nous voulons produire des drogues exemptes de PrP et voilà
que nous avons de la difficulté à importer des animaux qui n'en
sont pas porteurs. Encore une fois, on ne peut trouver ce genre
d'animal qu'en Nouvelle-Zélande, et voilà le genre d'obstacles
auxquels nous nous heurtons.
Je dois dire, au crédit des organismes réglementaires
concernés, qu'un gros travail a été réalisé pour supprimer de tels
obstacles. En ce qui nous concerne, la solution a consisté à
disposer d'une installation de première classe et d'appliquer des
procédures d'exploitation extraordinaires.
Notre document vous dépeint sans doute un sombre portrait de
ce que nous sommes, parce que les illustrations de la première
installation canadienne d'animaux transgéniques tirent plutôt sur
le noir. Je vous garantis que dans la réalité, elles sont plus
agréables à regarder.
Le président: De plus, il faut un miroir pour lire le texte.
M. Jeff Turner: Ah bon, vous ne pouvez pas lire les légendes?
Le président: Non, il nous faudrait un miroir pour cela.
M. Jeff Turner: Ah, je vois, c'est imprimé à l'envers. Eh
bien, je n'ai pas... Disons que tout le monde n'est pas parfait à
Ottawa. Ces photocopies ont été tirées ici, ce matin. Mais je peux
m'arranger pour vous en obtenir de meilleures, à moins que vous ne
lisiez celles-ci dans un miroir.
Je serais heureux de vous faire visiter notre installation,
qui va devenir un lieu historique au Canada, parce que c'est une
des trois ou quatre seules installations du genre dans le monde.
Cela nous porte à croire que nous pouvons jouer un rôle de chef de
file dans ce domaine.
Merci.
Le président: Merci beaucoup pour vos exposés. Comme il ne
nous reste qu'une heure pour les questions, nous allons sans tarder
laisser la parole à M. Hoeppner.
M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur
le président.
Bienvenue, mesdames et messieurs. La séance de ce matin a été
très intéressante, comme celle de l'autre jour d'ailleurs.
Si l'on considère l'ensemble du secteur de la biotechnologie
au Canada, nous nous plaçons sans doute au deuxième rang dans le
monde, et les Européens sont très loin derrière nous. Est-ce parce
que leurs écologistes les freinent ou font interférence?
Par ailleurs, madame Groote, vous disiez que 25 p. 100 de nos
recherches sont réalisées dans le domaine de la biotechnologie.
D'autres témoins, l'année dernière, je crois, sont venus nous
déclarer que le Canada traîne de l'arrière dans ses budgets de
recherche. Est-ce parce que notre R-D ne représente qu'une fraction
de celle conduite aux États-Unis et en Europe que nous ne
consacrons que 25 p. 100 de la recherche à la biotechnologie?
Voilà les deux questions que je voulais vous adresser, madame.
Mme Joyce Groote: Les 25 p. 100 que j'ai mentionné
représentent la proportion de compagnies évoluant dans le domaine
agricole, par rapport à celles qui travaillent en biotechnologie.
Un quart des compagnies touchant à la biotechnologie, qu'elles
fabriquent des produits pharmaceutiques, des produits agricoles ou
des produits environnementaux—peu importe—, travaille en
agriculture. C'est cela que je voulais dire, je ne voulais pas
parler de recherches et de développement dans l'absolu.
Quant au retard de l'Union européenne, il s'explique par le
fait que la dimension publique est relativement récente. Le système
de réglementation de ce genre de produits en Europe est beaucoup
plus compliqué qu'ici. En outre, les Européens ont opté pour une
législation axée sur les processus, autrement dit leur législation
concerne la biotechnologie, un point c'est tout. Cela étant, il
leur faut déterminer si la loi va s'appliquer à un virus, à un
animal, à une plante ou que sais-je encore. On en arrive à un
système excessivement lourd à gérer. Au Canada, les semences ou les
plantes sont visées par la Loi sur les semences. Un virus ou un
produit pharmaceutique est réglementé par Santé Canada.
M. Jake Hoeppner: Tous les dix ans, depuis que je me suis
lancé dans l'exploitation agricole dans les années 50, je me suis
fait dire que nous allions connaître une révolution, que les
agriculteurs allaient enfin récupérer leurs mises, que nos rêves
allaient se réaliser. Voilà qu'on me répète la même chose
aujourd'hui: qu'en l'an 2040, peut-être, nous serons 10 milliards
d'habitants sur cette planète et que les agriculteurs seront enfin
dûment compensés pour ce qu'ils produisent.
• 1005
M. Murray McLaughlin: Vous avez en partie raison, car
l'Ukraine et tous les pays de cette région vont redevenir des
producteurs agricoles qui exporteront dans le reste du monde. Et
c'est tant mieux, parce que nous allons devoir tripler voire
quadrupler la production alimentaire mondiale, et nous aurons
besoin de toutes les technologies possible pour cela.
En outre, je suis sûr que tous ces pays auront recours à la
biotechnologie pour appuyer leur développement dans ces nouveaux
domaines, parce que tous peuvent compter sur une solide base
scientifique. Il est intéressant de constater qu'un grand nombre de
scientifiques russes se retrouvent maintenant au Canada et aux
États-Unis où ils obtiennent un excellent soutien de la part des
laboratoires dans lesquels ils travaillent.
Personnellement, je dirais que plus la production est élevée
et mieux cela sera. D'un autre côté, nous ne devons pas oublier que
nous sommes actuellement des chefs de file mondiaux et que nous
voulons le demeurer. Nous ne voulons pas perdre de terrain.
Ce matin, dans le Globe and Mail, je lisais ce qui se passe
dans le mid-west américain où plusieurs producteurs de blé déposent
leur bilan à cause des faibles prix du grain et de la sécheresse
qui s'annonce au printemps.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Ils n'ont pas
de commission des grains?
M. Murray McLaughlin: Non. Mon propos n'est pas de commenter
le bien fondé de commissions du genre; je voulais simplement dire
que ce sont des outils comme la biotechnologie qui permettront à
certains de ces producteurs de demeurer en affaires.
Par exemple, on pourrait augmenter la tolérance à la
sécheresse de cultures comme le blé. Cela aidera sans doute
beaucoup les producteurs des prairies dans quelques années. La
biotechnologie peut nous permettre d'y parvenir et c'est grâce à
elle que nous conserverons notre avance.
Les agriculteurs ne gagneront pas forcément plus grâce à la
biotechnologie, mais celle-ci leur permettra de rester en affaires.
M. Jake Hoeppner: C'est discutable.
Revenons-en aux agriculteurs américains qui font faillite.
Vous connaissez leur Green Plan? Ils perçoivent environ 45 $ l'acre
en subventions gouvernementales, et pourtant ils font faillite.
Cela vous donne une idée de la situation de nos agriculteurs
canadiens.
Je viens tout juste de prendre connaissance d'une étude sur
l'ouverture de méga-porcheries au Manitoba, réalisée par deux
professeurs pour le compte de la Banque Royale et aussi—je crois—pour un
conglomérat asiatique. Ils y indiquent que le prix des
aliments pour animaux au Manitoba et en Saskatchewan sont les plus
bas du monde, mais que nos coûts sont plus élevés qu'aux États-Unis
à cause de la faiblesse relative de notre dollar, étant donné qu'il
nous faut importer la totalité de nos machineries de là-bas, ainsi
qu'un grand nombre de nos autres intrants agricoles.
À quel point la biotechnologie va-t-elle nous sortir de ce
mauvais pas, comme vous le disiez, et nous permettre de demeurer en
affaires? La situation est plutôt sombre.
M. Murray McLaughlin: C'est vrai, Jake; nous importons une
grande partie de nos intrants: machinerie agricole, produits
chimiques et tout le reste. Malheureusement, nous ne disposions pas
jusqu'ici des systèmes qui nous auraient permis de fabriquer au
Canada tout ce dont nous avions besoin et d'être exportateurs
plutôt qu'importateurs. Mais voilà, c'est l'inverse qui s'est
produit et cela a provoqué une augmentation de nos coûts, notamment
à cause de l'écart entre la devise américaine et la devise
canadienne.
La biotechnologie, elle, nous garantit que nous allons
disposer, ici, de la technologie nécessaire, d'une technologie que
nous pourrons exporter. En fin de compte, cela va nous aider.
M. Jake Hoeppner: J'ai une autre question. Me reste-t-il un
peu de temps, monsieur le président?
Le président: Oui, pour une question.
Mme Joyce Groote: J'aimerais réagir à ce qui vient d'être dit,
parce que je ne crois pas, moi non plus, que nous soyons en train
de vendre un rêve biotechnologique. La biotechnologie est un
instrument parmi d'autres qui va nous permettre de hausser notre
compétitivité dans différents secteurs. Je ne crois pas que nous
soyons en train de la promouvoir comme étant la solution miracle de
l'avenir. Elle est simplement un outil important dont il convient
de tenir compte.
Le président: Lors de notre passage à Saskatoon, on nous a dit
qu'un plus grand nombre d'agriculteurs allaient faire pousser des
cultures spécifiques aux prairies, et qu'au lieu d'une dépopulation
plus de gens allaient continuer à travailler la terre et à
diversifier leur exploitation. L'objectif principal qu'on vise dans
cette province est de soutenir le producteur. Nous nous retrouvons
donc avec deux versions différentes. Personne ne fait de promesse
dans ce cas.
Mme Joyce Groote: Je n'ai rien à dire en fonction du contexte
que vous venez d'énoncer.
M. Murray McLaughlin: J'aimerais réagir brièvement à ce que
vous venez de dire, parce que je fais partie de ceux qui ont été à
l'origine de ce qui se passe maintenant à Saskatoon.
Le grand changement par rapport aux cinq dernières années
tient à ce que les producteurs se diversifient et se lancent dans
des produits à valeur ajoutée. C'est cela qui va sauver un grand
nombre d'exploitants, parce qu'ils vont progressivement renoncer au
blé pour se lancer dans une agriculture plus diversifiée. La
biotechnologie est un des véhicules qui leur permettra d'y
parvenir.
M. Jake Hoeppner: Ainsi, la Commission du blé va disparaître,
que cela nous plaise ou pas?
M. Larry McCormick: Il appartient aux agriculteurs de
maîtriser leur avenir.
M. Murray McLaughlin: Sauf si la Commission du blé décide
d'adhérer à la biotechnologie.
[Français]
Mme Hélène Alarie (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le
président, j'ai une remarque à faire. J'apprécierais
beaucoup que les textes soient en français quand il y a
des témoins. M. Turner dit qu'il va me faire parvenir
ses textes. Pour les autres, ça va; j'ai la
traduction.
Il y a un conférencier qui a commencé sa
conférence la semaine dernière en disant qu'il y avait deux
peuples qui survivraient sur terre: les Chinois parce
qu'ils sont nombreux et les Québécois francophones
parce qu'ils sont vraiment entêtés. Alors, s'il vous
plaît, veuillez nous fournir les textes en
français.
Voici ma question. Vous parlez de réglementation
et de certification, mais il y a une chose dont
je n'entends jamais parler et qui m'intrigue
beaucoup. C'est l'espionnage scientifique.
Cela m'inquiète parce que je visite des
laboratoires et j'ai l'impression qu'on peut entrer
facilement dans certains laboratoires. Hier soir, je
lisais un article de journal où on disait que, dans
certains pays, il y avait une farce
internationale:
on n'a pas besoin d'investir en recherche et
développement; on n'a qu'à aller au Canada et on a
l'information qu'il nous faut. J'aimerais que vous me
fassiez des commentaires sur cela, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Jeff Turner: Avec plaisir.
Je vais commencer par présenter mes excuses au Comité. Comme
je représente une entreprise installée au Québec, je suis plutôt
gêné de ne pas m'être présenté avec un texte traduit. Ce n'est pas
parce que nous ne travaillons pas en français et en anglais, mais
c'est parce que j'ai été convoqué à peu de préavis et que j'aurais
eu besoin de plus de temps pour finir ma préparation. Cependant, je
vais faire préparer la version française de ce document que je
ferai envoyer au responsable du Comité. Je vous prie de m'en
excuser.
Nous prenons l'espionnage très au sérieux, tant à nos
installations de R et D, actuellement situées au sein de l'usine de
Spar Aerospace dans l'ouest de Montréal, que dans nos installations
de production, dans l'ouest du Québec. Dans toutes nos
installations, qui sont bouclées, l'accès se fait par carte et une
surveillance est assurée 24 heures sur 24.
Dans nos installations agricoles, il est surtout question de
garder nos animaux à l'intérieur et d'empêcher les animaux du
dehors—éventuellement porteurs de maladie—de pénétrer dans les
enclos, lesquels nous permettent aussi de nous protéger contre
d'éventuels intrus. C'est essentiellement ainsi que nous protégeons
nos installations.
Bien sûr, la protection de la propriété intellectuelle est
intéressante dans des pays où elle est reconnue et là où les
entreprises canadiennes cherchent à faire protéger la propriété
intellectuelle de leurs produits. Cependant, cela ne les intéresse
pas dans les nombreux pays où, comme vous le disiez, on peut très
bien prendre connaissance de vos brevets et en tirer profit après
avoir pris note des enseignements qu'ils renferment. En revanche,
les producteurs de ces pays qui se livrent à de telles manoeuvres
ne peuvent pas pénétrer des marchés plus importants, ni nos marchés
nationaux.
M. Murray McLaughlin: Moi aussi, je vais faire un petit
commentaire à ce sujet. Pour une entreprise comme celle de Jeff, le
plus important est de pouvoir protéger la propriété intellectuelle.
Nous devons encourager nos universités scientifiques à respecter
scrupuleusement le processus établi et à déposer des brevets pour
les technologies sur lesquelles elles travaillent avant de
commencer à publier. Il n'est pas rare, en effet, que nous nous
fassions voler une technologie par un autre pays, parce que nous
avons négligé de déposer un brevet. Si nous dépensons l'argent du
contribuable pour faire effectuer cette recherche par une
université et dans des laboratoires d'État, veillons au moins à la
protéger par un brevet avant de publier des articles qui en vantent
les mérites.
[Français]
Mme Hélène Alarie: Remarquez que ce n'est pas une
marotte chez moi, mais j'ai lu plusieurs articles où on
dit qu'on investit beaucoup dans un projet et
que tout à coup, comme
vous le dites, les résultats sont divulgués sans qu'on
ait protégé la propriété intellectuelle de cette
recherche. Finalement, c'est un peu comme si on avait
travaillé pour rien. L'article d'hier soir m'a encore
réveillée à ce sujet, car je savais que je vous
rencontrerais
ce matin.
Mon autre question porte sur les produits
nutriceutiques. Qu'est-ce qui peut amener une
meilleure réglementation pour ce genre de produit?
J'ai visité des installations et j'ai été étonnée de
voir que dans un pays aussi réglementé que le nôtre, on
puisse mettre aussi facilement
sur le marché des produits à base d'échinacée ou de
toutes sortes d'autres plantes. On vend des comprimés avec
des noms suggestifs qui indiquent que c'est pour
dormir ou pour se réveiller. Vous arrivez d'Australie;
ce serait peut-être pour se réveiller. Mais ça
commence et ça finit là. Il n'y a rien d'autre.
Je n'en revenais pas. Ce sont de petites compagnies.
Je les prenais en
pitié à mon arrivée, mais je
me prenais en pitié à ma sortie. Elles ont des chiffres
d'affaires de plusieurs millions de dollars
et elles ne sont pas réglementées.
[Traduction]
M. Rick Walter: Je vais commencer par réagir à ce que vous
venez de dire et qui est plus une affirmation qu'une question.
La réglementation dans le domaine des produits nutraceutiques
est très complexe. Je vais vous en donner un exemple, celui d'un
nutraceutique plutôt courant: la vitamine C encore appelée acide
ascorbique.
Quand ce produit entre dans la composition d'un jus de fruit,
par exemple—il est à l'état naturel dans le jus d'orange—, notre
régime réglementaire le considère comme un aliment et les choses
s'arrêtent là. Il n'est pas nécessaire de se battre avec l'appareil
réglementaire pour vendre la vitamine C sous cette forme.
Cependant, si vous précisez que votre produit est une source
de vitamine C, comme ce qu'on indique sur les boîtes de jus de
pomme par la mention «Vitamine C ajoutée», le produit est alors
réglementé en tant que complément alimentaire, parce que vous
précisez que c'est une source de vitamines.
Au Canada, si vous utilisez le même acide ascorbique pour
nettoyer du matériel médical, comme des scalpels et autres, on le
considère comme un dispositif médical et il est réglementé à ce
titre.
Si vous allez jusqu'à dire que l'acide ascorbique contenu dans
votre produit est bon prévenir le cancer, celui-ci devient un
aliment fonctionnel et vous êtes réglementé en vertu de la nouvelle
Loi sur les aliments et drogues. Utilisé en tant que conservant
alimentaire, par exemple dans la confiture de fraises, il devient
un additif alimentaire et vous tombez sous le coup d'un autre
règlement. Enfin, si vous l'utilisez pour traiter la maladie des
gencives, on le considérera comme étant un médicament spécifique,
et Santé Canada y appliquera la Loi sur les aliments et drogues.
Je veux dire que le même produit est soumis à un système
réglementaire très alambiqué, selon l'utilisation projetée.
Dans certains cas, comme avec l'échinacée, par exemple—qui
est sans doute l'herbe la plus largement utilisée au Canada à
l'heure actuelle—, les petites entreprises de traitement ne
veulent pas être soumises à des approbations réglementaires et
elles désirent simplement mettre leur produit sur le marché, sans
allégation, en partant du principe que les gens savent qu'il est
bon pour leur santé et qu'ils l'achèteront.
D'un autre côté, il y a des entreprises qui adhèrent aux
différentes exigences réglementaires parce qu'elles veulent
inscrire une mention particulière sur leurs étiquettes. Elles
veulent pouvoir affirmer que leur produit sert à telle ou telle
fin, et elles sont prêtes pour cela à entreprendre une course
d'obstacles réglementaire. Encore une fois, les obstacles
réglementaires en question dépendent de l'utilisation ultime du
produit.
Tout cela est fort complexe et nous espérons qu'on en viendra
à conclure qu'il faut discuter davantage de ce sujet et qu'on
s'entendra bientôt sur la façon de traiter ces produits dans le
cadre du processus réglementaire.
Mme Joyce Groote: J'aimerais ajouter quelque chose. Un autre
élément contribue à cette complexité: tout le monde dans le public
ne réclame pas le même degré d'intervention réglementaire. Certains
consomment du ginseng, par exemple, qu'ils achètent dans des
magasins d'aliments diététiques et auquel ils veulent continuer
d'avoir accès. Ils estiment ainsi prendre leur santé en main et ne
veulent pas que ces produits soient réglementés. S'ils désirent
pouvoir accéder facilement à ces substances, d'autres diront: «Un
instant, assurons-nous que les produits sont sans danger et
veillons à ce que quelqu'un se charge de cela». Voilà une autre
difficulté: tout le monde ne veut pas la même chose. Au sein de
l'industrie même, les avis sont partagés quant à l'ampleur de
l'intervention réglementaire.
Vous devez donc tenir compte du fait que les avis dans le
public ne sont pas homogènes, pas plus que dans l'industrie. Comme
Rick le faisait remarquer, il faut voir comment on réglemente ces
produits et en vertu de quelle loi? Il est très difficile de s'y
reconnaître.
Le président: Merci beaucoup.
Comme vous étiez en Australie, vous n'avez peut être pas pris
connaissance d'un article paru dans le Citizen d'hier, en première
page, sous le titre «Chaque jour une patate conserve son homme». Il
est en effet possible d'immuniser les gens grâce à des pommes de
terre génétiquement modifiées. On annonce cela comme étant un grand
bienfait pour traiter la diarrhée dans les pays du tiers monde. Il
y a tout un article là dessus.
On fait également pousser du maïs qui permet de dériver des
médicaments contre le cancer. Apparemment tout cela fonctionne. On
peut s'immuniser grâce à des légumes manipulés génétiquement. Ces
produits ont été mis au point par l'Université Cornell.
Cela étant, comment, compte tenu de notre système
réglementaire, le Canada pourra-t-il se doter de ces techniques ou
accéder à cette technologie?
M. Jeff Turner: Je peux vous répondre en partie. S'il s'agit
de l'Université Cornell—cela nous ramène à une question précédente
sur la propriété intellectuelle—, il faut se dire que c'est une
université de renom et qu'elle a sans doute breveté le fruit de ses
recherches. Ainsi, si une entreprise canadienne voulait acquérir
cette technologie, elle devrait sans doute obtenir une licence de
Cornell.
Dans le cas qui nous intéresse, il est question d'introduire
le gène d'une protéine virale dans une plante qui, à partir de là,
produira la protéine recherchée par simple multiplication. On
pourrait considérer que c'est un médicament, bien qu'au départ le
produit soit biologique. Tout cela est très nouveau.
Dans les pays industrialisés, nous avons tendance à nous
croire immunisés contre toutes les maladies virales, grâce à la
vaccination des enfants. Or, il faut savoir que la majorité de la
population mondiale ignore complètement la vaccination contre les
maladies virales les plus communes. Ce genre d'aliment pourrait
être très efficace pour «vacciner» les populations des pays en
développement.
Mme Joyce Groote: Il y aurait un côté «environnemental» qui
viendrait se rattacher à cela aussi, car le Système canadien de
l'inspection des aliments interviendrait pour déterminer dans
quelles conditions cette pomme de terre—ou n'importe quelle autre
culture en l'espèce—devrait être cultivée. Je pense qu'on
imposerait des restrictions à cet égard pour éviter que cette
culture soit mélangée avec d'autres cultures traditionnelles.
Le président: Cela va donc créer d'autres problèmes.
Mme Joyce Groote: Pas forcément, mais il faudrait s'assurer
que cette culture se pratique dans un milieu fermé, restreint.
Le président: Très bien. M. Assadourian, puis M. McCormick.
M. Sarkis Assadourian: Merci beaucoup.
À plusieurs reprises, vous avez parlé de brevet. Êtes-vous
satisfait de la façon dont le projet de loi C-91 traite de cet
aspect? Confère-t-il une protection suffisante? Dans la négative,
quel aspect faudrait-il améliorer?
Deuxièmement, au cours des dernières années j'ai vu plusieurs
fois des documentaires à la télévision sur les légumes qu'on fait
pousser dans des réservoirs d'eau où l'on met des produits
chimiques. On nous dit que c'est la culture de l'avenir et qu'on
pourrait transporter cette technique dans le désert pour nourrir
sans problème les populations. Que se passe-t-il de ce côté-là?
Qu'attendez-vous de cette technologie?
Troisièmement, quel genre de relation entretenez-vous avec
l'ACDI relativement à l'exportation de technologies à l'étranger,
vers les pays pauvres, pour permettre à ces gens-là de se nourrir
grâce à nos techniques? Êtes-vous partie à un programme du genre?
Mme Joyce Groote: Je commencerai par répondre à votre question
au sujet du projet de loi C-91. Il s'agit certainement d'une
intéressante solution «canadienne». Nous sommes au moins parvenus
à harmoniser la durée de protection des brevets, qui est maintenant
de 20 ans. Cela nous confère suffisamment de temps, bien que ce
soit limite, pour rentabiliser nos investissements.
• 1025
Hormis cela, je pense que le règlement, qui fait le pont entre
l'avis de conformité et l'expiration du délai, est raisonnable et
présente certains avantages tant pour les fabricants de produits
génériques que pour les fabricants de produits de marque.
M. Rick Walter: Si je puis me permettre... il convient de
reconnaître que le projet de loi C-91 ne s'applique qu'aux produits
pharmaceutiques, qu'il ne concerne pas l'agriculture, sauf pour la
production de plantes à des fins pharmaceutiques, par exemple.
Au Canada, les brevets concernant des formes de vie supérieure
ne couvrent qu'en partie la propriété intellectuelle et je suis sûr
que le Parlement devra très prochainement, dans les quelques
prochaines années certainement—du moins, je l'espère—, se pencher
sur cette question pour établir ce que les Canadiens considèrent
comme étant une protection valable dans le cadre de brevets
concernant des formes de vie supérieure. Deuxièmement, les droits
des producteurs de plantes sont protégés pour plusieurs variétés,
bien que ce ne soit pas systématiquement par le biais des
dispositions de la Loi sur les brevets.
Pour ce qui est des cultures hydroponiques—parce que c'est de
cela dont vous vouliez parler tout à l'heure—,on en trouve des
applications un peu partout dans les épiceries. Une grande partie
des petites laitues, des carottes et des produits du genre, qu'on
peut maintenant se procurer en épicerie, sont des produits
hydroponiques. C'est un type de culture qui est relativement bien
établi à présent.
Quant à votre dernière question, à propos de l'ACDI, vous
vouliez certainement parler de l'exportation des technologies vers
les pays en développement. Je dois préciser que la biotechnologie
est très présente dans les applications agricoles sur lesquelles
travaille l'ACDI de même que le CRDI. Par exemple, l'ACDI s'est
engagée dans une multitude de projets comportant des transferts de
technologie, dans le domaine de l'aquaculture et dans celui de la
production de bananes-vaccins destinée à combattre la diarrhée chez
les jeunes enfants. Le CRDI aussi, participe à des projets
agricoles et environnementaux assortis de transferts technologiques
vers les pays en développement.
Soit dit en passant, BIOTECanada vient juste de signer un
contrat avec l'ACDI pour coordonner ce qui se fait en matière de
biosécurité et formuler des règlements destinés à améliorer la
biosécurité au Chili et en Argentine. Nous serons très actifs dans
ce domaine au cours des 18 prochains mois. En outre, durant les
quatre derniers mois, nous avons travaillé au développement de tous
les secteurs de biotechnologie agricole et environnementale à Cuba,
en Colombie, en Argentine, au Chili et au Mexique. Il s'agit d'un
programme permanent, et une partie de notre personnel est
exclusivement affectée aux projets conduits dans ces différents
pays.
M. Sarkis Assadourian: J'aimerais poser une deuxième question
au sujet des cultures aquatiques... Comment avez-vous dit déjà?
M. Rick Walter: Les cultures hydroponiques.
M. Sarkis Assadourian: C'est ça, hydroponiques! Pourquoi ne
pouvons-nous pas exporter cette technologie vers d'autres pays?
M. Murray McLaughlin: Au Canada, comme Rick le disait, on s'en
sert surtout pour faire pousser des laitues toute l'année durant,
dans des serres. Cette technologie est trop coûteuse pour
l'étranger. On la retrouve dans certains pays comme le Japon et
Singapour, et aussi un peu à Hong Kong, où les gens ont
suffisamment d'argent pour se payer ce genre de production, mais
dans tous les cas c'est un système qui est très coûteux pour
l'instant. De plus, il faut avoir accès à l'eau.
Le président: Merci beaucoup.
Est-ce que Mme Ur prend votre...
M. Larry McCormick: Oui. J'en appelle au règlement, monsieur
le président. J'aurais beaucoup aimé poser quelques questions à nos
témoins, mais je dois aller rencontrer une délégation italienne
dans la salle d'à-côté, et je vais certainement pouvoir aller
vanter la valeur de la biotechnologie canadienne aux gens de DRH.
Je cède donc mon temps à ma collègue qui siège également au Comité
permanent de la santé et qui ne sera donc pas dépaysée. Merci.
Le président: Merci, Larry.
Rose-Marie.
Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci,
monsieur le président. Excusez-moi d'être en retard. Il y a plein
de réunions de comité qui se déroulent en même temps aujourd'hui.
Je siège au Comité de la santé. Nous sommes en train d'étudier
les produits à base d'herbes médicinales, sujet très intéressant—
sans compter que je suis moi-même consommatrice—, et nous avons un
grand débat sur ce que les Canadiens et les Canadiennes veulent. Il
y a bien sûr ceux qui réclament un accès aux produits qu'ils
consomment, mais il y a tous les autres, comme vous le disiez plus
tôt, qui aimeraient que les produits soient identifiés pour
s'assurer qu'ils correspondent effectivement à ce qu'ils
recherchent.
• 1030
M. Rick Walter: Il y a deux points de vue à cette question.
D'abord, le point de vue des entreprises ou de l'industrie. Dans ce
cas, c'est bien sûr la haute direction qui prend la décision. Elle
décide en fonction de ce qui lui donnera le meilleur rendement.
Elle tient compte de ses possibilités, de ses compétences et des
débouchés commerciaux pour orienter son programme de recherche et
de développement.
Mme Rose-Marie Ur: C'est donc une question d'investissement,
et pas nécessairement de ce qu'il convient de produire pour
accroître les volumes.
M. Rick Walter: Je dirais que la plupart des entreprises
veulent surtout rentabiliser leurs investissements. Pour elles,
c'est essentiel. Elles veulent faire de l'argent d'une façon ou
d'une autre.
Certes, elles font également de l'excellent travail pour le
public. Il y a donc un équilibre. Mais il est certain qu'elles
veulent surtout obtenir le meilleur rendement pour chaque dollar
qu'elles investissent.
Mme Rose-Marie Ur: C'est raisonnable.
M. Rick Walter: Je l'espère.
M. Murray McLaughlin: Par ailleurs, si vous ne répondez pas
aux besoins des consommateurs, vous ne rentabiliserez jamais votre
investissement.
Mme Rose-Marie Ur: Enchaînons donc sur cela et parlons des
besoins du public et de l'information de ce dernier. On en a
certainement parlé ici, à propos de la STbr. On ne peut pas dire
que le public ait été bien informé à ce propos. Soudain, il y a eu
une levée de boucliers et tout le monde est devenu très hésitant.
Toute cette affaire a porté un dur coup à plusieurs Canadiens
qui se sont demandés où la biotechnologie allait les entraîner. Je
n'affirmerai sûrement pas que, dans ce cas, la population a été
bien informée ou que l'information a été bien articulée, et c'est
à cause de ce genre d'incident que nous avons maintenant de la
difficulté à faire accepter la biotechnologie.
Qu'en pensez-vous?
M. Rick Walter: J'aurai deux ou trois choses à dire. Avant de
répondre à cette question, parlons d'abord du second élément de
votre dernière question qui touche à la recherche publique qui
permet de recueillir des informations à communiquer à la
population, pour le bien public.
Les décisions à ce propos tendent à être prises par chaque
chercheur de même que par un groupe de pairs au sein des organismes
ou des conseils de financement, comme le Conseil des recherches
médicales et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en
génie. Tout ce processus est donc sujet à examen par des pairs.
Le président: Monsieur Turner, vous vouliez faire une
remarque?
M. Jeff Turner: Oui, à propos de la somatotropine. D'après
moi, le consommateur a mal accepté ce produit parce qu'il n'allait
pas en bénéficier directement.
Vous vous demandiez comment le secteur industriel choisit ses
produits. Chez nous, le facteur qui prime est celui du besoin: le
public veut-il de ce produit? L'existence d'un besoin et d'un désir
du public constitue un excellent indicateur pour nous.
Deuxièmement, nous nous demandons si nous avons les
compétences voulues. Troisièmement, nous cherchons à déterminer
s'il y a des problèmes de propriété intellectuelle afin d'éviter
que d'autres ne nous imitent—au cas où nous nous lancerions dans
ce produit—, ou encore pour ne pas nous-mêmes empiéter sur le
brevet de quelqu'un d'autre.
Dans le cas de la STbr, le consommateur n'a pas vraiment
constaté une amélioration de la qualité du produit. Le lait restait
du lait. Il n'y avait pas de changement sur ce plan.
En revanche, le genre de modifications dont Murray parlait,
c'est-à-dire les semences et le type de modifications que nous
apportons, comporte des avantages directs pour le consommateur, des
avantages très clairs, perceptibles.
Mme Joyce Groote: J'aimerais, moi aussi, faire une remarque.
La STbr a été un dossier très difficile. D'abord, c'est le
premier cas dont on ait vraiment entendu parler. Par ailleurs, les
communications ont été compliquées par le fait que la compagnie
était encore sous examen et qu'elle ne pouvait pas trop en dire.
Elle s'est donc retrouvée dans une impasse.
Je tiens à préciser, par ailleurs, que nous n'en sommes plus
là. Nous avons développé environ 33 produits biotechnologiques, du
canola au lin en passant par la pomme de terre et la tomate. En
fait, la chymosine est employée dans le fromage depuis 1990.
Si nous avons évolué à partir de la STbr, je vous concède que
nous n'avons pas suffisamment fait pour communiquer. Nous nous
sommes astreints à cerner nos publics cibles. Nous nous posons
certaines: Qui doit être informé? Quel genre d'information faut-il
fournir? Comment faire circuler cette information? Qui le public
va-t-il croire? Nous cherchons maintenant à améliorer la façon dont
on pourra faire circuler cette information auprès des gens qui s'y
intéressent, dans le public.
Mme Rose-Marie Ur: Comme vous le disiez, la transparence est
vitale. Les gens peuvent tirer les mauvaises conclusions s'ils
n'ont pas l'impression que tout est fait au grand jour.
Comme je le disais à un autre groupe, la semaine dernière, au
sujet de la biotechnologie—et je parlais alors très sérieusement:
il est difficile de faire accepter la biotechnologie, que ce soit
pour des applications sanitaires, alimentaires ou animales. Je
suppose que vous devez trouver un produit que tout le monde puisse
palper et pas une simple modification génétique chez l'animal ou
chez la plante, qu'on affirme sans danger pour l'être l'humain ou
l'animal. Si vous êtes les premiers à proposer une telle idée et
que vous agissez de façon tout à fait transparente, je suis sûre
que vous pourrez amener un grand nombre de gens à adhérer à la
biotechnologie et que vous pourrez, ensuite, faire adopter votre
produit en douce. Vous savez doute plus que moi que vous devez
proposer quelque chose de relativement simple mais qui apporte un
grand changement bénéfique pour le public; après cela, tout le
monde acceptera plus facilement la biotechnologie.
Mme Joyce Groote: Si vous me permettez de réagir à ce sujet,
je dirais d'abord que vous avez tout à fait raison.
Nous nous sommes rendu compte qu'on ne peut faire accepter la
science. C'est très difficile et la façon dont la science est
appliquée diffère d'un produit à l'autre ou d'un domaine à l'autre.
Nous avons constaté qu'il est beaucoup plus facile de présenter un
produit réel, un produit final aux gens, et de leur expliquer ce
qu'il va faire pour eux. Cependant, nous ne cessons d'apprendre au
fur et à mesure et j'espère que nous pourrons appliquer certaines
des choses que nous avons découvertes parce que nous aurons affaire
à une nouvelle génération.
Mme Rose-Marie Ur: À ce propos, c'est précisément pour cela
qu'on intervient dans les universités et ailleurs, mais je crois
que vous devriez aller plus loin et visiter les écoles
élémentaires. Les jeunes enfants sont certainement plus réceptifs
à cette façon de penser et ils peuvent être d'excellents relais
entre vous et les parents. Voilà une autre façon, sans doute,
d'obtenir d'assez bons résultats dans l'introduction de la
biotechnologie.
M. Jeff Turner: Je crois que vous avez tout à fait raison.
Nous nous rendons compte, dans les échanges que nous avons avec des
enfants de l'élémentaire—j'en ai trois moi-même—qu'ils
comprennent tout cela très bien. Ils nous demandent: Cela a-t-il
meilleur goût? Est-ce que cela va m'empêcher de tomber malade? Est-
ce que je vais aller bien ou est-ce que je vais être malade? Si
nous pouvions appliquer des attributs aussi fondamentaux que ceux-
là, je crois que nous nous en sortirions très bien.
Mme Rose-Marie Ur: C'est certain.
Le président: Merci beaucoup.
M. Borotsik, M. Hoeppner puis M. Bonwick.
M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le
président.
D'abord... Mais il est parti, malheureusement. Nous étions en
train de parler de culture hydroponique. Il y a une énorme
industrie hydroponique au Manitoba, surtout à Winnipeg, où l'on
fait pousser de la marijuana avec un certain succès. Quoi qu'il en
soit, on est en train d'essayer de fermer cette installation. Les
choses ont bien fonctionné pour ces gens-là, mais ce n'est pas
forcément le genre de technologie que nous voulons exporter, du
moins je ne le pense pas.
Une voix: Ce n'était pas à Brandon?
M. Rick Borotsik: Non, c'était à Winnipeg. À Brandon, nous ne
faisons pas ce genre de choses.
Joyce, vous avez parlé de la dimension publique sur laquelle
je veux revenir, dans la foulée de ce que Rose-Marie a demandé.
D'abord, je tiens à vous préciser que je suis gagné à la cause de
la biotechnologie. Je ne doute absolument pas que l'avenir passe
par la biotechnologie dans de nombreux domaines, et plus
particulièrement en agriculture. Cela dit, elle est source d'un
grand scepticisme dans la population.
Jeff, vous avez dit que c'est ce que le public veut, que c'est
ce dont il a besoin et que nous devons satisfaire le public. Ce
n'est pas forcément vrai. Je ne crois pas que le public sache
nécessairement ce qu'il veut ni ce dont il a besoin. Je ne suis pas
certain qu'il ait besoin de plus grosses tomates, même si elles
sont plus juteuses.
Nous avons affaire ici à une dimension publique: à
l'éducation, je suppose, plus qu'à n'importe quoi d'autre. On a
parlé de STbr. Eh bien, tout est parti du mauvais pied à cet égard,
à cause des aspects négatifs associés à ce produit—même s'ils
n'étaient peut-être pas aussi nombreux que cela.
Il faut savoir qu'il y a plusieurs organisations ou groupes
qui ne sont pas aussi enthousiastes que moi vis-à-vis de la
biotechnologie. Je n'ai pas besoin de vous le rappeler. Je suis
certain que vous vous êtes heurtés à eux à plus d'une reprise.
Il est donc très important d'éduquer, d'informer le public.
J'en suis intimement convaincu. En revanche, comment désamorcer la
désinformation que continuent de pratiquer ces organisations à
propos d'un grand nombre d'excellents produits biotechnologiques?
Comment contrer cette désinformation? Comment manoeuvrez-vous pour
faire passer votre message, Joyce, afin de promouvoir les bons
aspects de la biotechnologie?
Mme Joyce Groote: Voilà une question difficile.
M. Rick Borotsik: C'est pour cela que je vous l'ai posée. Vous
êtes grassement payés. J'ai vu votre liste. Il n'y a pas à dire,
vous faites beaucoup d'argent.
Mme Joyce Groote: Comment s'attaquer à la désinformation? Les
gens qui sont opposés à la biotechnologie jouent sur une corde dont
nous sommes privés: l'émotion, l'émotion à l'état brut; c'est une
corde dont nous ne jouons pas. Les communicateurs spécialistes du
risque vous diront que pour combattre ou neutraliser une seule
information négative, vous devez en produire trois de positives.
Nous sommes donc tout à fait conscients de cela et nous nous
efforçons d'être proactifs pour diffuser l'information à propos de
tout ce que nous faisons. Je pense que nous nous sommes améliorés.
Nous communiquons nos renseignements aux associations de
consommateurs, aux nutritionnistes, aux diététistes et aux
médecins. Nous commençons à cibler les différents groupes vers
lesquels la population est susceptible de se tourner pour obtenir
des informations, afin que ces gens-là disposent de renseignements
documentés.
M. Rick Borotsik: Prenons un cas vécu. Y a-t-il intérêt ou
peut-on retirer un avantage à recommander une loi agressive, qui
pourrait mettre un terme au dénigrement pratiqué par ces
organisations et groupes?
Mme Joyce Groote: Vous êtes au courant de quelque chose?
Personnellement, j'estime que plusieurs de ces groupes ont aussi un
rôle à jouer. Je les considère comme étant notre conscience. Je
trouve qu'ils posent de bonnes questions et que si nous n'arrivons
pas à y répondre, nous devrions aussi bien repenser ce que nous
faisons. D'ailleurs, je crois que nous pouvons donner d'excellentes
réponses aux questions qu'ils posent, ce qui nous met d'autant plus
à l'aise parce que cela nous redonne confiance en nous et nous
permet d'accroître notre crédibilité.
D'après ce que nous disent les sondages, le consommateur moyen
veut surtout savoir si ces produits sont sûrs. Or, nous sommes
capables de répondre à ce genre de question parce que nous pouvons
nous appuyer sur le système réglementaire, raison pour laquelle
celui-ci est d'ailleurs tellement fondamental pour notre industrie.
M. Rick Borotsik: Je veux poser une question à Jeff. Vous avez
raison. Je ne crois pas qu'à 23 000 $ le litre, vous allez noyer le
marché canadien du lait de chèvre. Je crois que les producteurs de
lait de chèvre n'ont rien à craindre.
Vous avez dit, je crois, qu'il n'est pas possible de protéger
la propriété intellectuelle dans le cas des animaux domestiques.
C'est le terme que vous avez employé, si je ne m'abuse. Pourriez-
vous préciser votre pensée et nous dire s'il existe autre chose qui
puisse remplacer la protection de la propriété intellectuelle.
Pouvez-vous nous dire où l'on en est sur ce plan?
M. Jeff Turner: Je parlais en fait d'un sous-ensemble de
formes supérieures de vie génétiquement modifiées.
Mon entreprise travaille plus précisément sur des animaux
domestiqués, surtout des animaux producteurs de lait, que nous ne
pouvons actuellement pas faire breveter au Canada. Nous pouvons
toujours obtenir une marque déposée; c'est d'ailleurs ce que Nexia
a fait dans le cas d'une chèvre naine, à peu près grande comme
cela, que nous avons appelé «BELE», pour «breed early/lactate early»,
qu'on pourrait traduire par «fécondation précoce/lactation précoce».
C'est déjà bien de pouvoir faire cela. En revanche, si nous
modifiions génétiquement cet animal pour produire un médicament
d'importance vitale, nous ne pourrions pas avoir le brevet qui nous
permettrait de récupérer nos frais de développement.
M. Rick Borotsik: Vous avez quelque chose en cours?
M. Jeff Turner: Oui, depuis quelque temps déjà. Tout tourne
autour d'une drôle de petite souris appelée la souris oncologique
de Harvard.
Toute cette question est chargée d'émotivité et jusqu'à
présent ce dossier n'a pas eu très bonne presse au Canada,
contrairement à d'autres pays. La question est de savoir si ce
genre de réaction nous porte tort. Certes, cela ne nous fait pas du
bien, mais il y a toujours façon de s'en sortir.
Par exemple, le gène que nous inoculons à ces animaux est
brevetable. La méthode de production des animaux transgéniques est
brevetable et nous avons donc une certaine protection; il est très
difficile de protéger notre...
M. Rick Borotsik: J'ai une autre question à poser à Rick à
propos des nutraceutiques, si vous me le permettez. Vous nous avez
dit, ce qui est vrai, que les étiquettes des produits venant de
l'étranger peuvent porter des allégations—comme on peut le voir
sur les étagères—, mais vous, vous ne pouvez pas faire de telles
allégations sauf si vous suivez tout le protocole et vous pliez à
tous les critères d'attribution de licence de la FDA. Faudrait-il
changer ce règlement?
Certes, tout est question de sécurité car c'est ce qui
intéresse surtout les gens. Si vous voulez faire une allégation
sanitaire, vous devrez pouvoir l'étayer.
Tout d'abord, estimez-vous que ces produits qui portent une
allégation sans y être autorisés constituent une concurrence
déloyale? Comment, selon vous, les choses vont-elles évoluer au
sein de l'industrie, ici au Canada? Enfin, comment faudrait-il s'y
prendre?
M. Rick Walter: Une précision d'abord. Aucun produit vendu sur
les étagères, pas plus canadien qu'étranger, ne porte d'allégation
sur l'étiquette. Ce ne sont que les produits vendus sur catalogue
ou par Internet, et qu'on peut faire venir par courrier, qui
portent des allégations sur les étiquettes.
Dans tous les cas, j'estime que nous évoluons dans un secteur
qui connaît une expansion rapide et nous allons devoir prendre un
grand nombre de décisions délicates. Je crois que le Canada
devrait, pour le moins, être concurrentiel par rapport aux autres
pays de tête dans ce domaine et j'estime que nous avons la
possibilité d'être les meilleurs au monde en matière de processus
réglementaire.
Si nous pouvions convaincre le ministère de la Santé et le
ministère de l'Agriculture de chercher à hausser le Canada parmi
les meilleurs pays du monde dans ce domaine, et si nous pouvions
mobiliser nos ressources pour définir le meilleur système qui soit-
-tant pour garantir la sécurité et la santé humaine que pour nous
permettre d'accéder au marché—et si nous parvenions à mettre sur
pied un processus réglementaire répondant à ces deux objectifs, je
suis sûr que nous pourrions devenir le chef de file mondial.
Nous venons juste de commencer tout cela. Un comité
consultatif sur les aliments de santé naturels vient d'être mis sur
pied. Il y a aussi un Comité consultatif d'experts de même que le
Comité permanent sur la santé qui se penchent maintenant sur ces
différentes questions.
• 1045
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Hoeppner.
M. Jake Hoeppner: Je veux revenir au cas de l'agriculteur et
je veux savoir jusqu'à quel point il doit se lancer dans ce genre
de produits. Par exemple, je me demandais, en écoutant ce que
disait M. Turner, combien les agriculteurs pourront se payer de
chèvres produisant du lait vendu à 20 000 $ le litre.
M. Jeff Turner: Votre question est très importante. Quand on
envisage tout cela sous l'angle de modifications agricoles à grande
échelle, l'incidence des animaux servant à fabriquer des produits
thérapeutiques sera relativement modeste. Cela tient au fait—je
vais vous replacer un peu en contexte—que 10 ou 20 chèvres
pourraient suffire à répondre à la demande mondiale de produits
biologiques de pointe. À elles seules, ces 10 à 20 chèvres
produiraient pour environ 500 millions de dollars de molécules que
vous pourriez transporter dans votre mallette. Nous avons donc
affaire à un produit de très haute valeur pour un volume très
faible.
J'ai l'impression que la biotechnologie aura un effet positif
sur l'agriculture canadienne, surtout dans le secteur laitier,
parce que nous pouvons, par exemple, augmenter le pourcentage de
caséine dans le lait. Ceux qui adopteront ce type de technologie
bénéficieront d'un énorme avantage sur le plan de la rentabilité,
en ce qui concerne la production d'un lait propre à la fabrication
de fromage.
Il y a deux côtés à toute cette question. D'une part, ma
compagnie et, de l'autre, toute cette technologie, au sens large du
terme, qui permet de relever les caractères agronomiques
fondamentaux des animaux laitiers. C'est déjà ce qui se passe dans
d'autres pays. La technologie va conférer, à ceux qui l'utilisent,
un avantage technologique qui sera insurmontable pour les autres.
M. Jake Hoeppner: Donc, pour quelques-unes de ces inventions
ou quelques-uns de ces produits biotechnologiques, vous envisagez
les choses un peu comme dans le cas de l'urine de jument gravide.
Vous savez ce dont je veux parler. À certains égards, l'urine de
jument gravide a été très bénéfique, mais elle a aussi ses limites.
M. Jeff Turner: C'est évident.
M. Rick Borotsik: Je ne sais si vous le savez, monsieur le
président, mais c'est uniquement à Brandon, au Manitoba, qu'on
trouve une certaine plante entrant dans la préparation de prémarine
et d'oestrogènes. Il fallait que je le place. C'est le seul endroit
où on trouve cette plante.
M. Jeff Turner: Eh bien il y a un parallèle avec le genre de
travail que nous faisons, à cela près que la technologie que nous
employons va se retrouver dans les caractères agronomiques généraux
de l'industrie laitière. Elle pourrait conférer au secteur laitier
canadien un avantage insurmontable.
M. Jake Hoeppner: Je perçois peut-être un autre conflit—je ne
devrais peut-être pas parler de conflit, d'ailleurs—entre produits
nutraceutiques et produits pharmaceutiques. Dans la plupart des
lettres que je reçois de fabricants de produits nutraceutiques, les
gens me disent qu'ils ne veulent pas davantage de réglementation,
qu'ils en ont assez des règlements fédéraux.
Vos deux industries vont-elles garder leurs distances l'une
par rapport à l'autre? Personnellement, je dirais qu'il y aura soit
une fusion entre vous deux, soit une mise à mort.
M. Rick Walter: Je ne dirais pas que ces deux secteurs gardent
leurs distances et je ne pense pas non plus que cela soit
nécessaire. La biotechnologie est un secteur à technologies
multiples appliquées à toute une gamme d'industries ou de secteurs
industriels. Ainsi, la biotechnologie sera appliquée à la
production de nutraceutiques et d'aliments fonctionnels, tout comme
en agriculture et dans bien d'autres secteurs, dont l'aquaculture,
l'environnement, la santé, etc.
En tant qu'outil, on va l'utiliser exactement pour ce qu'elle
est—c'est-à-dire un outil—afin d'accroître la compétitivité des
divers secteurs industriels qui s'en serviront. Une chose est sûre,
elle permettra la diversification.
Prenons, par exemple, le peroxydase de raifort. Soit dit en
passant, ce produit aussi vient du Manitoba. On a d'abord produit
un nouveau type de raifort duquel on a extrait le peroxydase; il
s'agit autant d'un produit biotechnologique que d'un produit
nutraceutique. Donc, la biotechnologie est un instrument plutôt
qu'un secteur d'activités où nous serions placés en régime de
concurrence.
Le président: Nous devons passer à M. Bonwick.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Ma question s'adresse à
M. Walter. Je veux revenir sur certaines choses que vous avez
dites. Je suis un simple membre du gouvernement qui voudrait bien
éliminer les dédoublements au niveau de la bureaucratie ou des
appareils réglementaires pouvant être chargés de contrôler les
substances dont nous parlons.
Vous avez utilisé l'exemple de la vitamine C. La diversité ou
la complexité des paliers réglementaires et des lois d'application
susceptibles d'intervenir dans le contrôle des substances en
question et ce que vous venez de déclarer me portent à croire que
tout cela est peut-être trop complexe ou trop mobilisateur, et
qu'il y a beaucoup trop d'organismes réglementaires pour une seule
substance. Pourtant, quand j'examine ce système, je me dis que
c'est exactement ainsi que je l'aurais souhaité.
• 1050
M. Rick Walter: Je voulais faire ressortir le fait que nous
évoluons dans un domaine très complexe, tant du point de vue
réglementaire que du point de vue industriel. Il est peu probable
qu'une seule entreprise, à l'exception peut-être d'une grande
multinationale, veuille exploiter la totalité des nombreuses
applications de la vitamine C.
Normalement, elle s'attarderait à une ou deux applications.
Elle pourrait choisir d'exploiter la vitamine C en tant que source
de vitamine, en tant que conservant alimentaire ou encore pour le
traitement du cancer, mais certainement pas pour les trois choses
à la fois. Ainsi, le système réglementaire, axé sur chaque produit,
traiterait chacun de ces aspects un peu comme vous et moi pourrions
naturellement l'imaginer.
Certes, il peut y avoir des hiatus, surtout dans le cas de
nouveaux produits arrivant sur le marché. C'est cela qui préoccupe
l'industrie nutraceutique, parce qu'on considère que ces produits
sont soit des aliments, soit des médicaments, et l'on voit bien la
zone grise qui se dessine à cet égard. Nous devons donc nous
attaquer à ce problème du point de vue réglementaire.
M. Paul Bonwick: J'y vois une façon dont le gouvernement
pourrait sans doute aider l'industrie.
Étant donné le peu de temps dont nous disposons, je vous
invite à consigner par écrit certaines de vos suggestions sur la
façon dont le gouvernement pourrait aider votre industrie en
faisant du nettoyage dans les règlements ou en ajoutant quelques
dispositions. Je vous demanderais de m'envoyer cela par
l'intermédiaire du président.
M. Rick Walter: Très certainement. Nous fournirons également
ces remarques au Comité permanent de la santé.
Le président: Je vais revenir sur une chose dont a parlé
M. McLaughlin un peu plus tôt, c'est-à-dire la relation bénéfique
entre la recherche et le développement et les avantages fiscaux.
Quand nous étions à Saskatoon, nous avons rencontré John Cross.
J'imagine que vous le connaissez tous: il est président de Philom
Bios. Eh bien, il nous a dit que s'il est possible d'obtenir des
dégrèvements fiscaux pour la recherche pure, tel n'est pas le cas
pour la recherche appliquée. Il a rajouté que ce dernier type de
recherche est d'ailleurs plus coûteux que l'autre.
Pensez-vous que nous devrions recommander au gouvernement
d'étendre les dégrèvements ou les avantages fiscaux à la recherche
appliquée?
M. Murray McLaughlin: C'est très certainement un aspect sur
lequel il devrait se pencher. Reste à savoir de quelle étape John
Cross parle effectivement. Certes, il est nécessaire d'accorder des
crédits fiscaux de R-D à la recherche appliquée, à certaines
étapes. Mais à ce stade, on passe de la recherche et du
développement à la démonstration pure. Les sites de démonstration
sont en fait des sites de mise en marché. Il y a donc un pas entre
les deux et vous devrez décider si vous voulez le franchir.
Personnellement, je ne vois pas exactement ce à quoi John faisait
allusion dans ses remarques, car je sais que certains essais sur le
terrain peuvent bénéficier de crédits fiscaux au titre de la R-D.
Le président: Il parlait aussi de travail sur le terrain à
l'extérieur du pays.
M. Murray McLaughlin: Il n'en est pas question pour des
travaux réalisés à l'extérieur du pays, parce que la recherche doit
bénéficier au Canada.
Le président: Fort bien. Mais on pourrait parler d'un avantage
pour le Canada si l'on pouvait appliquer ici les résultats d'une
recherche effectuée dans un autre pays, comme le Mexique.
M. Murray McLaughlin: J'ai eu beaucoup d'échanges de vue avec
des représentants d'entreprises de semences. J'ai appris que toutes
nos entreprises du genre arrivent à comprimer deux années de
recherche en une seule en allant en Australie, au Chili ou ailleurs
pendant les mois d'hiver. Le genre de travail qu'elles réalisent
ainsi à l'étranger, et qui profitera au Canada, ne leur donne pas
droit à des crédits fiscaux au titre de la R-D.
Certes, certaines compagnies aimeraient que cela leur procure
un avantage fiscal, mais il faut d'abord déterminer dans quelle
mesure leurs recherches à l'étranger bénéficient au Canada. Peut-
être devrions-nous traiter cela d'une façon un peu différente sur
le plan des crédits fiscaux de R-D.
Le président: Revenons-en un instant sur la question de la
propriété intellectuelle. Certains ont dit craindre que les grandes
compagnies, les multinationales, en viennent à contrôler une grande
partie des producteurs de semences. Dans ces coupures de la presse
agricole, on peut lire que Monsanto éprouve quelques inquiétudes à
propos de ses semences transgéniques. La compagnie déclare que les
agriculteurs ne pourront s'en servir qu'une seule fois sous peine
de rétorsions. L'article se poursuit en indiquant que Monsanto va
montrer les dents: la compagnie a engagé des détectives privés pour
vérifier les allégations d'utilisation secondaire des semences, et
elle a commencé à poursuivie quelques exploitants.
Vous allez donc vous retrouver dans la situation suivante:
plus il y aura de semences transgéniques, plus les entreprises qui
les produiront contrôleront l'approvisionnement, parce que la
plupart d'entre elles sont de grandes entreprises ayant développé
ce genre de semences. Et elles ne vont pas faciliter les choses.
Les agriculteurs pourront toujours produire leurs propres
semences naturelles, mais dès qu'ils donneront dans les produits
transgéniques, ils se feront passer la bride au cou et subiront
d'autres tribulations.
À ce comité, nous représentons les agriculteurs. Nous voulons
savoir ce vers quoi ils s'acheminent ou ce vers quoi nous allons
les conduire à cause d'une application aussi rigoureuse de la loi.
M. Murray McLaughlin: Je vais d'abord réagir brièvement à ce
que vous venez de dire, et d'autres pourront m'imiter ensuite.
Tout cela, selon moi, est lié à la propriété intellectuelle.
Les entreprises dont vous parlez possèdent certains droits sur leur
produit parce qu'elles l'ont développé à coup de millions de
dollars. Il faut donc qu'elles récupèrent leur investissement.
Quant à l'agriculteur, s'il estime ne pas pouvoir retirer
d'avantages nets du produit, il ne l'achètera pas. En général, les
exploitants agricoles estiment que ce genre de technologie, qu'il
s'agisse de plantes résistant aux herbicides ou aux insectes, comme
le maïs Bt, leur donne un rendement de 10 à 20 $ l'acre environ,
selon la gravité de leur problème au départ. Ce n'est pas beaucoup,
mais c'est en plus de leur investissement additionnel.
L'avantage, pour nous au Canada, c'est que nous mettons au
point une grande quantité de ce type de semences, que nous avons
des compagnies qui investissent ici, et qui vont nous permettre de
récupérer une partie de cet investissement total. Les Australiens
nous ont dit que les planteurs de coton sont passés au maïs Bt,
mais que le pays a perdu 100 millions de dollars d'investissement,
parce que la semence qu'ils achètent est développée à l'étranger;
malgré tout cela les agriculteurs s'y retrouvent.
On peut donc envisager la chose de deux façons, mais il faut
que l'agriculteur estime pouvoir y trouver son compte. Rien d'autre
ne l'incitera à acheter ce genre de technologie.
Le président: Joyce, vous vouliez...?
Mme Joyce Groote: Non, je ne pense pas devoir ajouter quoi que
ce soit à ce que vient de dire Murray. Nous avons constaté que les
producteurs bénéficient bel et bien de ce genre de technologie sans
quoi, comme Murray le disait, ils ne seraient pas acheteurs. La
semaine dernière, je crois, Margaret Gadsby a dit avoir vu des
agriculteurs bénéficier d'un incroyable avantage économique grâce
à certaines cultures.
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres questions? Il nous reste trois minutes.
M. Jake Hoeppner: J'ai une brève question à poser.
Le président: Parfait, Jake.
M. Jake Hoeppner: J'ai toujours eu beaucoup de respect pour
l'ex-ministre de l'Agriculture, Eugene Whelan, et je vais le citer.
La première fois qu'il a comparu devant ce comité en qualité de
témoin, il nous a déclaré:
N'est-ce pas un peu le chemin que nous prenons avec la
biotechnologie, où les semences et les produits chimiques sont
contrôlés par quelques-uns et où les agriculteurs deviennent les
otages des grandes sociétés et parviennent à peine à survivre?
M. Murray McLaughlin: Je ne pense pas que nous nous
acheminions vraiment dans cette direction. Au cours des 10
prochaines années, nous allons assister à d'énormes changements
dans le monde agricole et il faut se demander si nous allons
contribuer au progrès ou rester sur la touche. Nous devons nous
demander comment exploiter les principales composantes de cette
nouvelle activité, au profit du monde agricole canadien et donc de
nos agriculteurs.
M. Jake Hoeppner: Donc, vous tenez compte des préoccupations
des agriculteurs quand vous prenez ce genre de décisions?
M. Murray McLaughlin: Très certainement.
M. Jake Hoeppner: C'est bon à entendre.
Mme Joyce Groote: Puis-je ajouter une chose? Le changement,
l'évolution, se produira avec ou sans la biotechnologie. Rien
n'empêchera ce mouvement. La biotechnologie n'y contribue pas et
elle ne provoque rien.
Le président: Merci à vous tous.
Monsieur Turner, nous allons peut-être accepter votre
invitation d'aller visiter l'installation Nexia qui semble être une
opération très intéressante.
M. Jeff Turner: Vous y serez les bienvenus. Il convient que
vous sachiez où se produit le changement, et je peux vous dire que
Nexia est un de ces lieux.
Le président: Merci beaucoup à vous tous.
La séance est levée.
Il est malheureux qu'aucun de ces produits n'ait été
cliniquement testé au Canada. Nous en avons deux qui ont passé
cette étape aux États-Unis, deux médicaments d'importance vitale.
Ceux que je cite dans mes documents, ici, sont l'anti-thrombine III
destinée à traiter les maladies cardio-vasculaires, et
l'a
Mais voilà... sur le plan agricole, l'importation des chèvres
néo-zélandaises au Canada fait l'objet de certaines restrictions.
Nous avons en effet un règlement concernant un parasite que nous
jugeons extrêmement dangereux pour nos gibiers, pour notre faune:
l'E. cervi, qui s'attaque surtout au chevreuil.
J'ai parcouru le monde et j'ai vu les changements qui se sont
produits dans le domaine agricole en Europe. Avant, on disait que
l'Ukraine était le grenier à blé du monde. Aujourd'hui, ce pays
arrive difficilement à produire ce dont il a besoin. Quoi qu'il en
soit, j'ai parcouru la Russie, je suis allé jusqu'en Sibérie et
j'ai vu le potentiel agricole que présente cette région. Je sais
que les Européens, surtout les Allemands, investissent des
milliards de dollars là-bas pour remettre l'industrie alimentaire
sur ses pieds. Est-ce que cela ne va pas un peu tempérer la demande
de produits biotechnologiques et donc infléchir votre croissance?
Ces pays-là peuvent, à partir des ressources dont ils disposent,
produire de façon plus économique que nous, malgré toute notre
haute technologie.
Un aspect n'a pas été harmonisé, même si nous aurions aimé
obtenir réponse à son sujet, je veux parler de toute la question de
la restauration ou de la prolongation des brevets. Ce que je veux
dire, c'est que les autres pays accordent aux détenteurs de brevet
une période de protection supplémentaire de cinq ans, quand le
processus réglementaire exige du temps pour évaluer la sécurité
d'un médicament. Cela n'est pas possible au Canada, pourtant nous
aimerions pouvoir bénéficier de cette protection supplémentaire
pour rentabiliser nos investissements.
On vous a peut-être déjà poser la question, mais dites-moi,
qui décide des priorités ou des thèmes à étudier pour un produit
particulier? Vous conformez-vous à une liste directrice pour les
produits biotechnologiques? Chacun décide-t-il du domaine dans
lequel il va investir? Comment les priorités sont-elles établies,
et qui les décide?
En outre, je suis sûr qu'il y aura des négociations entre
l'industrie, les groupes de consommateurs et les composantes
culturelles de notre société qui veulent avoir accès à ces
produits.
Peut-être pourriez-vous commencer par réagir à cela, puis, je
vous poserai une question complémentaire.
Nous sommes passés d'un système démocratique, corporatiste et
capitaliste à un système antidémocratique, corporatiste et tsariste
où une minorité contrôle tout.