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Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 février 1999

• 1316

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.)): J'aimerais maintenant déclarer ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien.

Je suis très heureux de vous accueillir au nom des membres du comité pour cette séance de Moncton.

Les derniers jours ont été des plus fructueux, puisque nous avons rencontré de nombreuses parties intéressées.

C'est une façon intéressante de procéder, car ces tables rondes sont plus petites et favorisent davantage la discussion. Je crois que c'est vraiment le but recherché et j'espère que nos réunions sont effectivement des tables rondes. Nous avons essayé au fur et à mesure de susciter le dialogue ainsi qu'une discussion authentique au lieu d'écouter des exposés, même si je sais qu'il est tentant pour la plupart des gens qui se présentent devant des comités fédéraux de faire des exposés.

Nous serons heureux de recevoir vos exposés par écrit et vous invitons à les remettre au greffier, le cas échéant. Si vous tenez absolument à présenter votre exposé, nous vous demanderons alors de le résumer et d'en faire ressortir les points saillants en l'espace de quatre ou cinq minutes de manière à ne pas utiliser beaucoup plus que la première des deux heures dont nous disposons et afin de pouvoir avoir une bonne discussion le reste du temps, soit, je l'espère, 60 p. 100 de ces deux heures.

Nous allons également ouvrir la discussion et inviter les auditeurs à y participer. C'est ce que nous avons fait les deux derniers jours et cela a très bien fonctionné.

Peut-être pourrions-nous commencer par les présentations. Dites-nous qui vous êtes et qui vous représentez, après quoi nous pourrons commencer.

[Français]

Le greffier du comité: Je m'appelle Norm Radford et je suis le greffier du comité.

[Traduction]

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Je m'appelle Joe Jordan et je suis député fédéral de Leeds-Grenville, qui se trouve dans l'est de l'Ontario. Je suis par ailleurs membre du comité permanent.

M. Christopher Severance (directeur exécutif, Prince Edward Island Museum and Heritage Foundation): Bon après-midi, je m'appelle Chris Severance et je suis directeur exécutif de la Prince Edward Island Museum and Heritage Foundation.

M. Barry King (directeur exécutif, Community Museums Association of Prince Edward Island): Je m'appelle Barry King et je suis directeur exécutif de la Community Museum Association of Prince Edward Island.

[Français]

Mme Jeanne Mance Cormier (présidente, Association des musées du Nouveau-Brunswick): Je m'appelle Jeanne Mance Cormier et je suis présidente de l'Association des musées du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

M. J. Pat Donelan (gérant général, CJMO-FM Altantic Stereo Ltd.): Je m'appelle Pat Donelan et je suis gérant général de la station radio C-103 à Moncton.

[Français]

Mme Raymonde Boulay-LeBlanc (directrice générale, Conseil provincial des sociétés culturelles): Raymonde Boulay-LeBlanc, directrice générale du Conseil provincial des sociétés culturelles, au Nouveau-Brunswick.

Mme Jeanne Farrah (directrice générale, Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick): Jeanne Farrah, directrice générale de l'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

M. Curtis Barlow (directeur exécutif et président-directeur général, Centre des arts de la Confédération): Je m'appelle Curtis Barlow et je suis directeur exécutif du Centre des arts de la Confédération, à Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, soit l'édifice commémoratif des Pères de la Confédération.

[Français]

M. Jean-Philippe Tabet (directeur général, Conseil des ressources humaines du secteur culturel): Je m'appelle Jean-Philippe Tabet. Je suis le directeur général du Conseil des ressources humaines du secteur culturel.

[Traduction]

M. Peter Thomas (Conseil des ressources humaines du secteur culturel et Commission de mise en valeur de la main-d'oeuvre du Nouveau-Brunswick): Je m'appelle Peter Thomas et je suis membre du Conseil des ressources humaines du secteur culturel et également membre de la Commission de mise en valeur de la main-d'oeuvre du Nouveau-Brunswick.

M. Richard Hornsby (membre, Conseil des arts du Nouveau- Brunswick): Je m'appelle Richard Hornsby, je suis éducateur et musicien, ainsi que représentant des musiciens au Conseil des arts du Nouveau-Brunswick et également au Conseil des ressources humaines du secteur culturel.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je m'appelle Suzanne Tremblay et je suis députée du Bloc québécois. Je représente la circonscription de Rimouski—Mitis et je suis porte-parole du Bloc québécois en matière de Patrimoine canadien.

• 1320

[Traduction]

M. Darrel N. Butler (conservateur en chef, Kings Landing Historical Settlement): Je m'appelle Darrel Butler et je suis conservateur en chef de Kings Landing Settlement où l'on raconte l'histoire de la Confédération; je suis également vice-président de l'Atlantic Association of Historians.

[Français]

M. René Légère (secrétaire général, Société nationale de l'Acadie; président, Association des radios communautaires acadiennes du Nouveau-Brunswick): Bonjour. Je m'appelle René Légère. Je suis secrétaire général de la Société nationale de l'Acadie et aussi président de l'Association des radios communautaires acadiennes du Nouveau-Brunswick. Il me fait plaisir de vous accueillir en Acadie. Comme vous le savez, l'Acadie accueillera cette année le Sommet de la Francophonie. Nous sommes donc heureux d'être présents à cette rencontre et de participer à cette discussion.

M. Gaston Blais (attaché de recherche auprès du comité): Gaston Blais, délégué à la recherche pour le comité.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Je m'appelle Inky Mark et je suis député réformiste du Manitoba ainsi que porte-parole de l'Opposition en matière de Patrimoine canadien.

Vous avez tous reçu un document de travail sur les séances que tient notre comité. Essentiellement, cinq questions sont posées, mais nous pouvons les ramener à trois.

La première traite de l'éventail des mesures fédérales de soutien de la culture actuelles ou passées et nous espérons que vous nous direz celles qui ont bien ou mal fonctionné, à votre avis.

Les trois questions suivantes traitent des répercussions majeures de la technologie, du commerce et de l'évolution démographique sur votre industrie ou le secteur que vous représentez.

La principale question posée est la suivante: quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer à l'avenir pour soutenir les industries ou le secteur culturels? Devrait-il jouer les rôles de législateur, instance de réglementation, propriétaire et exploitant d'institutions nationales, partenaire de financement, mécène des arts, promoteur d'entreprises ou autres? Je crois que nous devons vous demander ce que vous en pensez, puisque vous êtes les principales personnes intéressées par la culture.

Nous pourrions peut-être commencer par Christopher.

M. Christopher Severance: Merci beaucoup.

Pendant toutes ces années au cours desquelles j'ai travaillé dans le secteur culturel, notamment le patrimoine et les musées, il me semble que grâce à ses mesures de soutien de la culture, le gouvernement fédéral a été la principale source de financement de l'amélioration des immobilisations, pour beaucoup d'entre nous. Les premières années, sans nul doute—et je parle des années 60, 70 et du début des années 80—le gouvernement fédéral, par le truchement de ses divers programmes, représentait le principal appui des opérations qui, souvent, étaient des projets spéciaux.

Cela a considérablement changé ces 10 dernières années, si bien que nous avons dans tout le pays—et certainement à l'Île-du- Prince-Édouard—une infrastructure en matière de personnel et d'édifices, de collections et d'espérances—si tant est qu'une infrastructure d'espérances soit possible—qui n'est plus appuyée de façon adéquate par le gouvernement fédéral—je crois que cela s'applique à tout le pays—ni par les diverses compétences provinciales.

Ayant créé ce que nous sommes, dans une large mesure, la mode a changé et j'espère que dans le cadre de l'examen de la politique, la responsabilité des fondateurs, des gouvernements précédents—provinciaux et fédéraux—va être prise en compte et qu'une aide réelle va être apportée—notamment aux musées, au programme d'aide aux musées, lequel est essentiel à notre survie.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je dois dire, Christopher, que vous êtes le plus rapide de nos interlocuteurs jusqu'à présent. C'est très bien, vous aurez l'occasion d'intervenir par la suite. Je vous félicite pour votre brièveté.

• 1325

M. Barry King: J'aimerais reprendre certains des propos de Chris. Il existe un besoin criant au sujet duquel rien n'est fait pour l'instant. J'ai la chance de travailler dans les musées depuis plus de 25 ans et d'y avoir occupé de nombreux postes. Le soutien apporté à nos associations et à d'autres genres d'organismes a toujours été là, j'imagine. À l'heure actuelle, les associations cherchent à se regrouper pour essayer de définir leur position.

Le rôle que nous jouons est vraiment important puisque nous appuyons les musées dans toutes les provinces. Nous relions également les provinces à d'autres musées provinciaux. Nous jouons donc un rôle de défense des intérêts en assurant le lien entre le pays et les provinces, et vice versa. C'est à mon sens un rôle très important, puisqu'il permet de construire un pays et d'en favoriser l'unité, car nous pouvons nous faire le porte-parole d'une province ainsi que celui du pays. Le patrimoine est un élément essentiel de ce qui nous définit.

Il est également très important de souligner, je crois, les rôles joués par ces associations. Le programme PAM, programme d'aide aux musées, est une source significative de financement des musées de notre pays. Il a subi de nombreux changements et nous ne savons toujours pas vraiment où il se situe ni ce qu'il va devenir. Tout ce que nous savons, c'est que son orientation a été modifiée en profondeur.

Un de ces changements est intervenu au niveau de la formation. Il ne s'agit plus d'une préoccupation du PAM fédéral et les provinces n'y ont plus accès. Par conséquent, les associations qui ont été créées essentiellement comme organismes de formation se demandent maintenant comment assurer la formation des employés des musées et utiliser les heures des bénévoles de manière productive.

Notre petite province compte près de 30 musées dont environ 18 sont des musées communautaires. C'est grâce à plus de 20 000 heures de bénévoles par an que ces musées fonctionnent. La formation est l'une des façons qui nous permettent de nous assurer qu'il s'agit d'heures concentrées et de temps productif. C'est donc un problème important qu'il faut aborder, que ce soit au palier provincial ou au niveau national. À mon avis, les deux paliers de gouvernement sont responsables de la formation des personnes qui travaillent dans le secteur culturel et ils doivent continuer à leur offrir des possibilités à cet égard.

Par ailleurs, je crois que le public, les Canadiens, ont confié la responsabilité du patrimoine au gouvernement. Un aspect de cette réalité est important. C'est ce qui explique l'existence des musées nationaux ainsi que la tenue de cette réunion. C'est une responsabilité fondamentale qui nous a été confiée parce que nous travaillons dans les musées, mais aussi parce que nous avons décidé de préserver le patrimoine—non seulement pour le vendre et le partager aujourd'hui, ce qui est important, mais aussi pour faire en sorte qu'il soit toujours là dans 100 ans. Si nous ne faisons pas attention, nous allons le consommer. Il est donc très important de bien comprendre cet aspect de la responsabilité que le public nous a confiée.

C'est probablement tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup, Barry. Nous passons maintenant à Jeanne Mance.

[Français]

Mme Jeanne Mance Cormier: Je vais traiter d'une étude d'adaptation industrielle que le secteur du patrimoine du Nouveau-Brunswick a effectuée en 1996, en identifiant les défis que notre communauté muséale et patrimoniale doit relever. Il y a évidemment des défis budgétaires, entre autres les réductions des subventions gouvernementales, l'accent que le gouvernement met sur les économies et l'absence de hausse de revenus. Également, beaucoup de gouvernements municipaux ne sont pas nécessairement sensibilisés aux musées régionaux et non régionaux.

• 1330

La communauté muséale fait également face à des défis réglementaires. Il y a entre autres les droits d'auteur, la Loi sur les armes à feu, la Loi sur les biens culturels, le statut de l'artiste et les normes et politiques du gouvernement relatives aux musées.

Il y a également des défis technologiques, qui sont principalement les coûts et les changements assez rapides auxquels on assiste.

Il y a les défis de programmation et de langue. L'Association des musées du Nouveau-Brunswick est une association bilingue qui offre de la formation et du développement professionnel dans les deux langues.

Il y a aussi la culture et la démographie qui, il ne faut pas se le cacher, évolue assez rapidement. D'ici une dizaine d'années, la communauté muséale du Nouveau-Brunswick va changer, entre autres parce que la plupart des gens qui sont actuellement impliqués dans nos musées régionaux ne seront plus là. Donc, il faut assurer la relève.

Il y a également les attitudes du public. Je crois qu'on se dirige vers un changement de société très intéressant. Il y a notamment un potentiel du côté touristique. Ensuite, les gens vont chercher à s'éduquer de plus en plus. Il faut connaître ce public et savoir quoi lui offrir.

Il y a les défis en matière de ressources humaines. Il s'agit surtout des bénévoles qui vont changer. Nous allons voir très rapidement une hausse du nombre de bénévoles. Les gens auront beaucoup plus de potentiel qu'auparavant. Donc, il faut que nos musées soient prêts à faire face à cela.

Il n'y a pas beaucoup de mouvement. Les gens du Nouveau-Brunswick ont tendance à demeurer là où ils sont. Ils ne sortent pas nécessairement des villes. Pourquoi aller dans les petits musées régionaux, se disent-ils?

En terminant, je voudrais mentionner le programme d'aide aux musées, qui est vital pour une association provinciale bilingue. Il nous permet de continuer à former nos membres. C'est surprenant, mais au fil des années, la demande en matière de formation ne diminue pas; bien au contraire, elle augmente. Les gens cherchent de plus en plus à suivre des cours afin de pouvoir mieux travailler dans notre communauté.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Nous passons maintenant à Pat.

M. Pat Donelan: Voyons si je peux être plus bref que Chris. L'industrie canadienne de la radiodiffusion privée connaît aujourd'hui de graves problèmes, monsieur le président, essentiellement à cause des nouvelles technologies qui produisent une fragmentation beaucoup plus grande de nos auditeurs. Bien que certaines décisions aient été prises il y a quelques années sous prétexte que le secteur privé de la radiodiffusion relève de l'industrie de la musique, je crois quÂen tant que radiodiffuseur local et membre de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, je dois bien faire comprendre que nous dépendons de nos auditeurs. Nous nous servons dans une grande mesure de la musique pour atteindre ces auditeurs, mais ce sont eux qui assurent notre viabilité financière dans nos rapports avec les publicitaires.

Nous n'avons pas vraiment à nous plaindre de la directive du Conseil relative aux 35 p. 100 de contenu canadien à compter de janvier. Cependant, tout en étant heureux de nous y soumettre, nous pensons avoir véritablement besoin d'un appui pour faire connaître ces artistes et les amener à un niveau et à une qualité afin de continuer à attirer les auditeurs, de vendre le produit et de réaliser un bénéfice et ainsi, de continuer à avoir le personnel nécessaire pour établir le contact avec la collectivité et le maintenir, à l'avantage culturel de tous. Je crois que c'est essentiellement le coeur de nos problèmes à l'aube du prochain millénaire.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Raymonde.

• 1335

[Français]

Mme Raymonde Boulay-LeBlanc: On a entendu parler les gens des musées et de la radio. Pour vous situer, j'aimerais dire que le Conseil provincial des sociétés culturelles est un organisme qui chapeaute des associations de différentes régions du Nouveau-Brunswick dont le mandat est de faire du développement culturel, d'assurer un développement culturel francophone, notamment dans les régions où les francophones sont en minorité.

J'aimerais revenir à ce que l'un des messieurs a dit tout à l'heure. On dit que dans les années 1970 et 1980, on a créé des structures qui, aujourd'hui, fonctionnent toujours, mais tant bien que mal étant donné le peu de ressources financières et humaines dont elles disposent. On s'appuie beaucoup sur le travail des bénévoles pour assurer la survie de ces organismes.

Je ne répéterai pas tout ce que les autres personnes ont dit parce que les problématiques se répètent. Il y a cependant deux points que j'aimerais soulever, notamment le soutien à la diffusion de nos produits culturels.

On a chez nous des artistes qui créent et qui n'ont pas d'infrastructure pour diffuser leurs produits ailleurs qu'au Nouveau-Brunswick. Je pense qu'on n'est pas la seule région à voir les choses de cette façon. Nos artistes devraient être capables de diffuser ou d'exporter leurs produits dans tout le Canada.

Il y a aussi le soutien à une technologie adéquate pour permettre à ces organismes de fonctionner. On parle d'inforoute et de produits francophones sur l'Internet, mais une grande majorité de ces organismes n'ont même pas accès à la technologie dont on parle aujourd'hui. Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Jeanne.

[Français]

Mme Jeanne Farrah: J'aimerais tout d'abord dire que nous sommes une association à but non lucratif qui représente près de 200 artistes professionnels de différentes disciplines. Notre travail se fait surtout au niveau de la représentation et du développement.

L'année dernière, on a annoncé une injection de 25 millions de dollars de plus du Conseil des arts du Canada, ce qui a été bien accueilli par les artistes. Cependant, il y avait certainement une préoccupation par rapport à la façon dont ces fonds seraient octroyés dans les régions. Si on fait l'analyse statistique des fonds octroyés par le Conseil des arts au Canada à l'extérieur des grands centres depuis quelques années, on constate que la situation est très préoccupante. Donc, au niveau du soutien à la création artistique, il faudrait s'assurer que les fonds du Conseil des arts du Canada soient distribués adéquatement dans les régions.

Il y a le programme PIC de Patrimoine Canada qui, depuis environ trois ans, n'a plus qu'un seul volet fonctionnel, celui des festivals. C'est très malheureux. Lors de sa fondation, notre association, comme plusieurs autres associations culturelles, je crois, avait reçu un appui pour se doter d'outils de communication, de bureaux, de logistique et tout ça. Depuis trois ou quatre ans, ce programme n'existe plus. Quand on ne connaît pas la situation au niveau provincial, au Nouveau-Brunswick, on a beaucoup de difficulté à obtenir du financement pour les arts et la culture. Donc, l'apport du fédéral est important.

On se doit de continuer d'appuyer les organismes de services aux arts et les organismes artistiques qui font de la création au niveau théâtral ou au niveau littéraire. On a investi beaucoup d'argent dans la création de ces organismes et on a décidé tout à coup de couper les programmes et de laisser ces organismes s'organiser seuls pour survivre. La majorité des organismes, partout au Canada, ont beaucoup de difficulté à survivre. Ce sont des organismes qui jouent un rôle très important au niveau du développement de nos régions et de nos communautés par le biais des arts et de la culture. Il est important qu'on réexamine les programmes de financement de ces organismes. C'est tout pour cette question.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Curtis.

M. Curtis Barlow: J'essaie d'avoir une vue d'ensemble.

Je n'ai pas préparé d'exposé particulier, car on m'a dit que ce n'était pas nécessaire et il m'a semblé intéressant de voir comment l'après-midi allait se dérouler et connaître la teneur des interventions.

• 1340

J'aimerais revenir sur quelques points soulevés par mes collègues de l'Île-du-Prince-Édouard, car nous connaissons tous le même genre de situation. Je vais me servir de ma propre association comme exemple pour répondre directement à la question posée.

Le mandat de l'institution que je dirige—fondée il y a 35 ans—est d'envergure nationale. On retrouve à cet endroit un théâtre de 1 100 places ainsi que le plus grand complexe de galerie d'art et de musée au Canada, à l'est de Montréal. C'est une institution dont le budget annuel s'élève à six millions de dollars et qui se trouve dans une ville de 35 000 habitants, dans une province de 137 000 habitants au total.

La réponse à votre question sur le rôle que devrait jouer le gouvernement fédéral—on m'a accusé il y a quelques instants d'être dépassé—c'est que, même si c'est véritablement dépassé, je dois dire que tout revient à une question d'argent.

Depuis 20 ou 25 ans que je suis dans ce domaine, il me semble que les gouvernements ont proposé plusieurs plans et programmes fort judicieux en matière de soutien des arts, alors qu'en fait, nous avons surtout besoin, dans le Canada atlantique notamment, de fonds nous permettant de continuer, non seulement à survivre, mais aussi à assumer, améliorer, promouvoir les responsabilités— législatives dans mon cas particulier—qui nous ont été confiées.

Le Centre des arts de la Confédération n'est pas une institution née de la dernière pluie. C'est une institution qui a été créée par les divers paliers de gouvernement il y a 35 ans comme symbole de l'unité nationale et de la vitalité canadienne. Je dirais aujourd'hui que si cela était jugé important il y a 35 ans, cela doit l'être encore plus aujourd'hui.

On ne cesse de parler de partenariat par les temps qui courent. Il en est beaucoup question à l'Île-du-Prince-Edouard, tant au palier provincial que fédéral, et dans de nombreuses provinces du pays, on essaye d'encourager le secteur artistique à rechercher plus assidûment de l'aide financière auprès des entreprises et du secteur privé.

Cela me semble normal jusqu'à un certain point, mais il ne faut pas oublier que tous les participants à cette table ronde viennent du Canada atlantique, qui est une région très peu peuplée si bien qu'il est très difficile de rechercher une aide financière auprès des entreprises et du secteur privé. Il ne s'agit pas seulement de faire concurrence aux soins de santé et à d'autres formes d'activités traditionnelles de bienfaisance dans lesquelles le gouvernement intervient plus activement qu'auparavant; il ne faut pas oublier non plus que nous avons toujours été—et pardonnez-moi de le dire et que tous ceux qui pourraient s'en offusquer veuillent bien m'en excuser à l'avance—les provinces moins bien nanties du Canada.

Il est juste de dire que tous les intervenants du secteur culturel et du secteur des affaires n'ont pas ménagé leurs efforts ces dernières années pour surmonter ce problème et je crois que le professionnalisme avec lequel nous faisons marcher nos institutions est comparable à ce qui se fait de mieux ailleurs au Canada.

Le fait est que nous ne sommes pas à Toronto, nous ne sommes pas à Vancouver, nous ne sommes pas à Calgary, nous ne sommes même pas à Halifax. Il n'y a pas beaucoup de sièges sociaux à Charlottetown, Île-du-Prince-Edouard, et je ne sais pas trop ce qu'il en est de Moncton, Nouveau-Brunswick, mais j'imagine que c'est la même chose. Au bout du compte, s'il est toujours prioritaire et important pour le gouvernement fédéral d'offrir des services et des produits artistiques et culturels aux Canadiens, il faut simplement qu'il finance ses priorités.

Je vais également prendre quelques risques et dire que le Canada atlantique mérite peut-être un plus grand pourcentage ou une plus grande part du gâteau, proportionnellement parlant, à cause des sombres réalités de la région dans laquelle nous nous trouvons. Le marché local est très restreint et il nous est difficile d'aller demander de l'argent aux entreprises et au secteur privé.

Par ailleurs, tous ceux qui oeuvrent dans le domaine des arts de la scène tiennent à ce que les places de théâtre ne soient pas trop chères. J'ai toujours dit que les subventions de l'État dans le domaine des arts ne subventionnent pas seulement l'artiste ou l'institution artistique, mais aussi les membres du public, puisque le prix des places reste bas, ce qui permet à toutes les couches de la société, indépendamment du niveau du revenu, d'avoir accès à des spectacles de niveau professionnel. Cela doit sûrement pris en compte.

Le Conseil des arts du Canada s'est donc accaparé les fonds directement affectés au ministère de Patrimoine canadien. D'autres ministères ont essayé d'être plus judicieux, mais tout se résume à une question d'argent. C'est ce que je veux dire et même si je ne peux pas parler au nom de mes collègues, c'est certainement le message que le Centre des arts de la Confédération tient à vous transmettre.

• 1345

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Jean-Philippe.

M. Jean-Philippe Tabet: Je ne suis pas de l'Île-du-Prince- Édouard, mais je crois que le Canada est imprégné de culture. Je ne suis pas de Moncton, mais je suis pas mal sûr que l'expérience de Moncton ou du Nouveau-Brunswick se rapproche beaucoup de celle de nombreux organismes culturels, travailleurs culturels et artistes au Canada.

[Français]

Nous sommes près de 650 000 travailleurs culturels au Canada, ce qui représente presque 5 p. 100 de la population active canadienne. L'impact, direct et indirect, du secteur culturel sur le produit intérieur brut a été estimé, en 1995, à 30 milliards de dollars.

Le Cirque du Soleil est une entreprise de 200 millions de dollars. Ce n'est pas une entreprise montréalaise. Ce n'est pas une entreprise québécoise. Ce n'est pas une entreprise canadienne. C'est une entreprise internationale qui met les vedettes du Canada et les talents canadiens, que ce soit dans les arts, dans la gestion des affaires culturelles ou dans les liens avec la communauté, au devant de la scène internationale.

Notre but aujourd'hui, du moins du point de vue du Conseil des ressources humaines du secteur culturel, n'est pas seulement de vous demander de porter plus d'attention à la manière dont les fonds fédéraux sont distribués—c'est très important, naturellement—, mais surtout de vous inviter à regarder ce que nous avons bâti dans notre secteur culturel, à vous intéresser à la manière dont nous avons réglé nos affaires dans des contextes extrêmement compliqués et à nous aider et à nous encourager à continuer de travailler de la manière dont nous l'avons fait jusqu'à présent. Je vais vous donner quelques exemples.

Nous estimons que la moitié des 650 000 travailleurs culturels sont partiellement ou totalement des travailleurs autonomes. Ces gens n'ont pas accès aux bénéfices réguliers offerts par le filet de sécurité canadien créé dans les années 1950. Vous avez affaire à une population active extrêmement entrepreneuriale qui a dû créer ses propres infrastructures et ses propres ressources pour se débrouiller.

Nous faisons appel non seulement à vos connaissances en matière culturelle, mais surtout à vos connaissances dans d'autres secteurs. Nous vous demandons de comparer les investissements qui ont été faits et réalisés pour d'autres secteurs et les investissements qui ont été réalisés dans le secteur culturel. Nous sommes tout à fait prêts à nous comparer, en termes de succès et de réalisations, à bien d'autres secteurs, d'autant que les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas celles de la plupart des travailleurs canadiens. Mais je dois dire que ces conditions-là deviennent de plus en plus celles de bien des travailleurs du Canada.

Comme vous le savez, les conditions d'accès à l'assurance-emploi, par exemple, sont devenues de plus en plus restrictives. Il y a une grande partie des travailleurs canadiens qui ont investi dans notre système d'assurance-emploi, mais qui ne peuvent pas en retirer de bénéfices. Le secteur culturel en fait partie. C'est pourquoi le gouvernement fédéral avait établi, à un moment donné, des initiatives visant à aider le perfectionnement et le développement des ressources dans le secteur culturel. C'est particulièrement important pour la relève.

Nous avons parlé des investissements dans les infrastructures, mais nous pensons, au Conseil des ressources humaines du secteur culturel, qu'investir dans le développement des ressources humaines culturelles devient une priorité extrêmement urgente aujourd'hui. À cause de la démographie, une grande partie de notre population active va se retirer. Il faut préparer la relève. J'ai fait des suggestions à cet égard au nom du Conseil des ressources humaines du secteur culturel dans notre mémoire, mais je vais m'arrêter là pour inviter la discussion. J'aimerais qu'on porte attention au développement, à la promotion et au perfectionnement, non seulement des jeunes qui entrent dans la carrière, mais aussi des artistes qui sont dans la carrière, des autres travailleurs culturels et des industries. Il y a ici des personnes des industries de la télédiffusion et de la radio.

• 1350

Il y a des enjeux considérables qui doivent mobiliser nos énergies. Le secteur culturel s'en occupe et a préparé des stratégies. Nous aimerions vous y intéresser et pouvoir vous rencontrer pour en discuter davantage. Merci.

[Traduction]

J'aimerais que Peter intervienne.

M. Peter Thomas: Si je suis ici, c'est surtout pour appuyer le mémoire de Jean-Philippe, mais j'aimerais faire quelques observations.

Pour la plupart de ceux d'entre nous qui travaillons dans ce secteur, la culture est facilement reconnue comme étant la clé de nature et de l'identité de n'importe quel peuple. De façon plus générale, elle permet de comprendre—si l'on étudie la culture du peuple—les politiques sociales et pratiques du pays. C'est pour cette raison qu'il est important que tous les paliers de gouvernement appuient la culture. Toutefois, je pense qu'il est tout aussi important de noter que les politiques et les politiciens qui les conçoivent sont plus enclins à prétendre à l'identité culturelle lorsqu'ils ressentent la nécessité d'encourager l'identité et l'esprit national d'un peuple.

Au Canada, la politique de la culture est largement axée sur les groupes minoritaires et la plupart d'entre eux, à quelques exceptions près, ont disposé de très peu d'argent lorsqu'ils ont ressenti le besoin de créer cette identité.

Je suis né au Canada et je suis revenu au pays au début des années 70, mais entre la fin des années 60 et le milieu des années 80, nous avons eu la chance de travailler à l'intérieur d'un système fédéral qui jugeait important d'appuyer l'identité des minorités afin de créer un esprit national. Nous ne pouvons qu'en être reconnaissants. En général toutefois, cela signifiait que le financement était essentiellement fédéral.

Ces quelques dernières années, comme nous le savons tous parfaitement bien, la politique de l'esprit national vise essentiellement à accroître le pouvoir des provinces et, bien sûr, la dévolution est intervenue dans de nombreux domaines et pas seulement dans celui de la formation. Cela signifie que le financement est maintenant entre les mains des provinces. La plupart d'entre elles sont assez satisfaites de l'identité qu'elles ont acquise grâce au transfert des pouvoirs dont elles ont profité, pouvoirs qui ont peu de choses à voir avec la culture. Elles ont donc jugé qu'il n'était pas vraiment nécessaire d'appuyer la culture.

Cela n'est pas vrai pour chaque province, bien sûr, mais je dirais que si la culture est appuyée à l'échelle provinciale dans ces provinces et régions, c'est parce que l'on a ressenti le besoin de créer un fort sentiment d'identité.

Les arts se retrouvent essentiellement déficitaires; ils obtiennent de moins en moins d'appui au niveau provincial et n'en obtiennent pratiquement pas au niveau fédéral. Je dois dire cependant que certains secteurs continuent de bénéficier d'un tel appui ou peuvent toujours être financés, ce dont nous devrions être reconnaissants.

Nous nous heurtons toutefois constamment à deux problèmes. Le premier qui est écrasant, c'est que la plupart des programmes manquent de souplesse à moins que l'on ne soit prêt à adopter un langage très alambiqué. Le deuxième problème est plus générique et se retrouve certainement aux paliers provincial ainsi que fédéral. Les programmes, indépendamment de leurs bonnes intentions, sont presque tous sans exception mis en oeuvre par des politiciens et des bureaucrates et implantés dans une collectivité dont la réalité est complètement différente de celle que connaissent ces politiciens et bureaucrates. Il y a très peu de consultations à la base avant l'élaboration de telles politiques. C'est ce qui va ressortir de la plupart des observations que vous allez entendre aujourd'hui.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci, Peter.

Richard.

• 1355

M. Richard Hornsby: Merci.

Prendre la parole aux deux tiers du débat entre des intervenants comme ceux-ci pose un problème, puisque tous ceux qui m'ont précédé ont déjà dit ce que je voulais dire. D'une certaine façon, cette observation est particulièrement à propos, puisque même si nous appartenons à des milieux fort divers—Peter, par exemple, qui essaye de passer le plus de temps possible devant son tour de potier, d'autres qui font partie de très grandes organisations dotées de budgets très importants—lorsque nous commençons à parler des arts et de la culture, nous parlons presque à l'unanimité de problèmes similaires qui se posent à chacun de nous. Je vais peut-être mettre en lumière certains d'entre eux qui, je crois, ont déjà été abordés.

Je veux parler tout d'abord de la mobilité qui, à mon avis, a d'importantes ramifications. D'une certaine façon, cela n'a pas l'air de grand-chose, mais lorsque l'on commence à parler de la culture nationale et de ce qui constitue cette culture, il devient très difficile d'essayer de la définir, dans notre pays, dans tous les cas. Il est encore plus difficile de le faire alors que nous avons beaucoup de mal à parler entre nous de la diversité de nos cultures.

Le problème s'explique en partie par l'accès aux programmes de formation, ce dont il a déjà été question. Des organismes comme celui de Jean-Philippe Tabet font beaucoup de travail. Étant donné la dévolution des fonds de formation de la sphère fédérale à la sphère provinciale, certains secteurs artistiques ne peuvent jamais être financés dans des régions peu peuplées, comme le disait Curtis. Nous n'aurons jamais d'école de théâtre au Nouveau- Brunswick ou à l'Île-du-Prince-Édouard. La population n'est tout simplement pas suffisante. Par conséquent, des institutions nationales comme l'École nationale de théâtre sont très importantes pour nous, puisqu'elles offrent la possibilité aux jeunes qui s'intéressent au théâtre—et à pratiquement n'importe quelle autre discipline artistique—d'atteindre leur plein potentiel.

Il y a à peine quelques jours, nous avons tenu une réunion du Conseil des ressources humaines du secteur culturel à Fredericton. Une dame est intervenue pour nous dire qu'une de ses étudiantes du secondaire souhaitait faire du théâtre tout en restant dans le système scolaire; selon elle et d'après de nombreuses personnes, le Nouveau-Brunswick ne peut pas lui donner la formation nécessaire pour qu'elle atteigne le niveau requis d'entrée dans une école nationale de théâtre. Elle voulait faire entrer cette étudiante dans un système scolaire qui encouragerait ses intérêts dans le domaine du théâtre. Elle voulait l'envoyer en Ontario, mais s'est rendu compte que cela coûterait 7 000 $ par an.

Il n'y a donc pas d'accessibilité ni de mobilité. C'est ce qui nous empêche de nous raconter et qui bloque les jeunes des régions comme la nôtre, puisqu'on ne peut pas leur offrir sur place toutes ces possibilités qui leur donneraient accès à ce genre de formation.

J'aimerais parler d'un autre élément, la mobilité. Je sais que les personnes qui travaillent dans les musées s'y intéressent, mais là encore, c'est quelque chose de général. Je crois que nous ne pouvons pas en ce moment faire connaître nos produits culturels dans le reste du pays. Dans mon domaine particulier, la musique—je suis musicien classique—l'accès à la SRC/CBC est ce qui me relie au reste du pays; mes compatriotes peuvent ainsi se rendre compte qu'il y a des choses qui se passent ici dans le domaine de la musique classique.

Nous avons actuellement des représentants régionaux à Halifax et je dois faire preuve de beaucoup de persuasion pour les amener à Fredericton, soit un voyage de six heures en camion, pour repérer un spectacle qui, on l'espère, pourra être offert à l'échelle du pays. Si ce bureau devait fermer, je n'aurais pas accès au reste du pays. De toute évidence, beaucoup de musiciens se trouvent dans la même situation.

Il faut de l'aide pour amener des expositions d'arts visuels du Nouveau-Brunswick dans d'autres provinces. Il est extrêmement important de pouvoir faire connaître ces produits ainsi que toutes sortes d'autres produits culturels au reste du pays, de manière que nos compatriotes sachent ce qui se passe ici—tout comme j'aimerais savoir ce qui se passe au Yukon, en Colombie-Britannique, en Alberta et ailleurs.

• 1400

J'ai été très heureux d'entendre hier soir lors d'une autre séance que l'orchestre du Centre national des arts envisage de faire une tournée dans les provinces de l'est cet automne, pour la première fois, je crois, en l'espace de 12 à 14 ans. Je ne me souviens pas exactement de la date. C'est encourageant. On a l'impression que le climat fiscal et peut-être aussi le climat politique évoluent. J'espère que nous pourrons tirer profit de cette amorce de changement qui semble se manifester. Il faudrait que nous puissions nous parler les uns aux autres et envoyer nos produits dans tout le pays; nous avons besoin d'aide pour ce faire.

J'aimerais enfin parler rapidement du soutien—Curtis et d'autres en ont déjà parlé—apporté aux organisations sous forme d'argent à l'état brut. Un des problèmes que nous connaissons tous—nous qui travaillons ici dans des organismes culturels—c'est le manque de soutien organisationnel; bien sûr, nous avons des gens merveilleux, des bénévoles, qui sont prêts à donner de leur temps et nous avons d'excellentes idées en matière de programmes, mais il reste que nous avons besoin soit d'un appui direct apporté aux artistes soit d'un appui pour faire connaître nos produits, ne serait-ce que dans notre province. Si nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un bureau ou d'embaucher un ou deux employés pour réaliser ces projets, ils ne se réaliseront pas.

Dans de nombreuses organisations, je crois que l'on se rend compte que de plus en plus de travail retombe sur les épaules de nos formidables bénévoles qui finissent par connaître un épuisement total. Nous leur en demandons trop; ils sont bien sûr prêts à nous aider, mais ce n'est pas à eux de régler certaines questions techniques, pour ainsi dire. Nous avons véritablement besoin d'aide en matière de soutien organisationnel de base. Nous avons véritablement besoin d'une infrastructure de base qui nous permette d'en faire bien davantage, de nous occuper de ce que normalement la province ou le gouvernement fédéral devrait prendre en charge. Peu importe l'origine du financement, il nous permettra de prendre de l'ampleur et de promouvoir nos activités dans l'intérêt de notre région et de notre pays. Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci, Richard.

Nous passons maintenant à Darrel.

M. Darrel Butler: La culture est une expression de notre expérience et de nos valeurs collectives en tant que société. Elle nous apprend qui nous sommes en tant que peuple. Notre histoire fait partie intégrante de notre culture et de notre identité en tant que Canadiens. Alors que beaucoup de personnes, d'entreprises, de réseaux, etc., explorent notre histoire, seulement deux institutions de notre société encouragent activement l'étude et l'interprétation professionnelles de la culture: les musées et les universités. Depuis que l'on sait que l'histoire de la culture matérielle est une ressource importante qui permet de retrouver des segments de notre passé qui n'ont pas laissé de trace écrite ou documentaire—je parle ici des pauvres, des femmes, des artisans—les musées et les universités travaillent souvent de concert, ce dont je peux témoigner en parlant de ma propre institution, ainsi que d'autres situées dans le Canada atlantique.

En tant que protecteur de notre nation et de notre identité nationale, le gouvernement fédéral a un rôle vital à jouer; il doit encourager cette étude et cette expression de la nation dans son ensemble. C'est pour cela que Kings Landing appuie les recommandations présentées par l'Association des musées canadiens dans le mémoire qu'elle a présenté à votre comité en avril 1997. Nous les appuyons toutes, mais j'aimerais m'attarder sur deux d'entre elles.

Tout d'abord, les musées supplient le Comité permanent du patrimoine canadien de recommander le rétablissement du financement du programme d'aide aux musées, conformément à la politique fédérale de 1990 en matière de musées. C'est essentiel. L'autre recommandation, sur au moins 11 présentées par l'AMC, c'est que les dons de biens à valeur accrue faits aux musées et à d'autres oeuvres de charité de bonne foi soient complètement exonérés de l'impôt sur les gains en capital.

• 1405

Lorsqu'un donateur fait don d'un artefact à Kings Landing, nous pouvons présenter une demande à la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels pour que cet artefact soit désigné bien culturel canadien et exonéré de l'impôt sur les gains en capital. Cela encouragerait considérablement ceux qui veulent faire des dons de manière à sauvegarder notre culture matérielle en contribuant à notre identité canadienne.

Je ne sais pas si je devrais le souligner, mais selon le régime fiscal en place, il est possible de déduire pratiquement à 100 p. 100 de l'impôt sur le revenu tous les dons versés à des partis politiques. Ce n'est par contre pas ce qui se passe dans le cas de dons au pays par l'entremise de l'une de ces organisations culturelles. Mesdames et messieurs, je ne veux nullement dénigrer ceux qui appuient nos partis politiques. Être politicien est, je crois, une profession honorable, même malgré le cynisme des années 90. Cependant, je crois que si je choisis de faire un don à une institution culturelle, je devrais bénéficier du même avantage.

J'aimerais également faire remarquer au comité que nous avons beaucoup de choses au Canada dont nous pouvons tirer fierté. Le gouvernement fédéral a fait un travail remarquable en tant que protecteur de notre culture. Pour ce qui est des musées, nous faisons l'envie du monde à de nombreux égards. Nous avons créé des institutions comme l'Institut canadien de conservation, qui est considéré comme probablement l'une des meilleures institutions du monde dans le domaine de la conservation et de la restauration d'artefacts. Nous avons le Réseau canadien d'information sur le patrimoine que des représentants des musées des États-Unis viennent examiner au Canada, car il fait l'envie des Américains et de nombreuses autres institutions du monde. Nous avons la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels qui surveille l'exportation de biens culturels. Il est difficile d'exporter les biens qui ont suffisamment de valeur, ce qui est important. Il s'agit de très bons organismes dont les employés travaillent très fort. Appuyez-les. Nous avons lieu d'en être fiers.

J'aimerais faire deux dernières observations. Le Kings Landing Historical Settlement et l'Association of Atlantic Historians s'inquiètent du déclin de l'enseignement de l'histoire du Canada et de la perte progressive d'une identité nationale solide. Alors que nous avons encouragé dans nos écoles l'étude des sciences et des technologies, nos enfants n'apprennent rien au sujet de sir John A. Macdonald, de sir Wilfrid Laurier, du courage des soldats canadiens sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, des artistes marquants comme Thomas Nesbitt, le Groupe des Sept et Karen Kain. Si nous perdons conscience de notre histoire nationale, nous allons perdre le sens de notre identité nationale. Même si le gouvernement fédéral ne s'occupe pas activement du système scolaire, il a un rôle essentiel à jouer en ce qui concerne l'étude de notre histoire, notre identité nationale et son expression dans les arts.

D'un point de vue personnel, je rappellerais au gouvernement fédéral qu'il est le protecteur de l'une des expressions les plus importantes de notre identité nationale; je veux parler de la CBC/SRC. Je suis en faveur des radiodiffuseurs privés, etc., mais je crois que la CBC/SRC a un rôle national à jouer. C'est un réseau très important qui est, à mon avis, essentiel pour le genre de mobilité dont il a été question aujourd'hui. C'est une institution capitale qui exprime notre culture, nos valeurs et nos idées dans tout le pays. Encouragez et maintenez ce lien précieux entre Canadiens de toutes les régions.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci, Darrel.

Nous allons maintenant écouter René.

[Français]

M. René Légère: Merci, monsieur le président. Premièrement, j'aimerais remercier le comité de permettre à l'Association des radios communautaires acadiennes du Nouveau-Brunswick d'exprimer sa position sur un sujet aussi important.

• 1410

Il y a à peu près une dizaine d'années que je me promène entre Ottawa et les provinces de l'Atlantique pour faire valoir le point de vue de la minorité acadienne et son existence au sein de la Confédération canadienne. En règle générale, on a l'impression de se retrouver seuls, d'être les seuls à exprimer des critiques et des inquiétudes face à toute cette question.

J'ai le plaisir aujourd'hui d'être assis avec des collègues de la communauté anglophone des provinces de l'Atlantique et de me rendre compte que nous ne sommes pas les seuls à nous apercevoir qu'il est grand temps d'agir dans plusieurs domaines, y compris dans celui de la culture, et que le gouvernement fédéral a une responsabilité générale face aux questions relatives au patrimoine et à la culture. Je me sens donc moins seul aujourd'hui à cause de cet élément-là.

La première partie de mon intervention touchera plus précisément les radios communautaires et fera état de l'expérience qui a été vécue en Acadie, au Nouveau-Brunswick.

Les radios communautaires existent ici depuis une dizaine d'années. Leur implantation a été réalisée grâce à la participation du gouvernement fédéral, qui a créé un programme d'aide qui visait l'achat d'équipement et la mise en place de la radio. Cependant, une fois ces premières étapes réalisées, le gouvernement fédéral s'est retiré et les radios communautaires sont devenues responsables de leur propre exploitation.

Les succès qu'ont obtenus les radios communautaires au fil des ans est incroyable, et j'aimerais souligner l'excellence de l'engagement du gouvernement fédéral dans ces outils de développement et de promotion de la culture.

Par exemple, en 1989 ou 1990, si je me souviens bien, lorsqu'on a ouvert la première radio communautaire au Canada, les radios n'ont reçu que six albums d'artistes acadiens, sans doute six productions qui venaient des artistes les plus connus à l'époque, dont Edith Butler, Angèle Arsenault et le groupe 1755. Cette année, Radio Beauséjour a reçu 62 disques compacts d'artistes acadiens, ce qui démontre bien l'évolution qui a eu cours. Je crois que la possibilité pour ces artistes de se faire entendre est au centre de cette grande réussite. Jusqu'au début des années 1990, il n'y avait que très peu de diffuseurs francophones. Il y avait la Société Radio-Canada, qui avait son propre programme qui visait la diffusion de la culture québécoise au sein des institutions nationales. Il n'y avait à peu près pas de place pour les productions acadiennes. On invoquait toujours le même prétexte: elles ne sont pas de qualité et on ne saurait les comparer à ce qui se fait au Québec. Je ne voudrais pas ici faire du Quebec bashing, mais c'était ce qui se passait en réalité. Les décideurs étaient en très grande majorité des Québécois et ils se faisaient donc les promoteurs de leur culture, ce que je comprends bien. C'était à nous de nous organiser et c'est ce que nous avons fait. Notre première réalisation importante, au cours des dernières années, a été l'arrivée de ces radios communautaires.

Ce qui est inquiétant, au moment où l'on se parle, c'est que le gouvernement fédéral semble vouloir réduire graduellement son implication et son appui aux radios communautaires, et particulièrement aux artistes. Après avoir produit leur oeuvre, les artistes se retrouvent trop souvent sans moyens et ont de la difficulté à survivre et à continuer. Au fil des ans, on perd beaucoup de ces artistes qui ne sont plus en mesure de survivre s'ils ne se dirigent pas vers d'autres vocations.

• 1415

Les radios communautaires ont aussi contribué à créer au sein des communautés un sentiment d'appartenance à leur communauté et à leur culture. Il est intéressant de noter qu'à l'heure actuelle, les radios communautaires du Nouveau-Brunswick—il y en a sept en ondes et une en voie d'être implantée—embauchent 80 personnes de façon permanente. De plus, 500 bénévoles de la communauté acceptent chaque semaine de donner de leur temps et de leur expertise dans le domaine des communications.

Les radios sont un outil indispensable pour resserrer les liens entre les communautés acadiennes, partout où elles se trouvent dans les provinces de l'Atlantique. Je souhaite que le gouvernement fédéral les appuie davantage en leur fournissant des outils de développement et qu'indirectement, il appuie davantage la communauté artistique ou les artistes qui sont au coeur même du fonctionnement de ces outils. Sans les artistes, nos radios ne fonctionneraient pas; ils sont le coeur de la production.

Permettez-moi de souligner qu'un sondage complété cette année démontre que Radio Beauséjour, une radio communautaire du sud-est du Nouveau-Brunswick, où on retrouve à peu près 100 000 Acadiens, a à l'heure actuelle une cote d'écoute de 62 p. 100. De plus, 95 p. 100 de ses auditeurs n'avaient pas l'habitude d'écouter la radio de langue française. Ils écoutaient plutôt la radio de langue anglaise et, par conséquent, les produits culturels anglais.

L'arrivée des radios a vraiment permis un déblocage. Je crois qu'il faut maintenant donner un coup de pouce supplémentaire afin de poursuivre cette aventure qui bonifie toute l'identité canadienne. L'Acadie s'inscrit de façon importante dans cette culture; elle est un élément important de la culture canadienne, une addition qu'il faut absolument continuer à appuyer.

Je vais m'arrêter ici et mettre fin à ma première remarque.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Nous allons maintenant céder la parole à nos députés, en commençant par Suzanne.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je suis très contente de me retrouver parmi vous cet après-midi. Je voudrais d'abord faire deux petites mises au point.

Chers collègues ici, à côté, je vous suggérerais de prendre un autre exemple que celui des déductions accordées pour des cotisations aux partis politiques. Vous n'irez pas loin avec ça: la somme maximale qu'on peut retirer lorsqu'on fait un don à un parti politique est de 450 $ par année. C'est le gros maximum. Même si vous donnez 20 000 $ à un parti politique, on ne vous attribuera qu'une déduction maximale de 1 100 $. Le reste sera un cadeau tout à fait gratuit au parti politique. Donc, prenez un autre exemple que celui-là parce que vous n'aurez pas beaucoup de dons.

J'aimerais aussi faire une correction à l'intention de Jean-Philippe. Jean-Philippe, le Cirque du Soleil est bel et bien une entreprise québécoise qui a débuté à Baie-Saint-Paul et dont le siège social est toujours au Québec, bien qu'il donne des spectacles absolument extraordinaires au plan international dont nous pouvons tous et toutes êtres fiers.

J'ajouterai même une anecdote. Walt Disney, en Floride, à Orlando, voulait avoir le Cirque du Soleil, mais il ne l'a eu qu'aux conditions du Cirque du Soleil, c'est-à-dire sans qu'on y amène Mickey Mouse. Je pense qu'on peut être fiers d'eux. Ils se sont tenus debout afin de pouvoir donner une projection de la culture qu'ils voulaient plutôt que d'y intégrer Mickey Mouse, comme le voulaient les Américains. C'était à prendre ou à laisser. Ils allaient à Orlando sans Mickey Mouse ou ils n'y allaient pas. Si on était tous et toutes capables de faire la même chose, les Américains n'essaieraient pas de nous bouffer comme ils essaient de le faire présentement.

• 1420

Cela dit, j'éprouve beaucoup d'ambivalence. Nous sommes déjà allés à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Nous sommes aujourd'hui au Nouveau-Brunswick et demain nous serons à Montréal, après quoi nous nous rendrons à Toronto pendant que l'autre groupe se rendra jusqu'à Whitehorse.

Je reconnais l'importance des institutions nationales et je comprends l'exemple que vous avez donné au sujet de l'école de théâtre et le fait qu'on ne peut pas en avoir dans toutes les provinces. Il faut cependant assurer l'accessibilité. Partout, on nous dit que le Conseil des arts est très utile. Vous nous avez donné une idée, une piste à explorer: on devrait se demander dans quelle mesure on réussit à aider les régions avec le Conseil des arts. Je ne vous cacherai pas le fait que je suis un peu inquiète de l'évolution de nos institutions nationales.

Il y a eu un rapport qui recommande de démanteler encore davantage l'Office national du film, alors que s'il y a un fleuron culturel dont on peut être fier, c'est bien l'Office national du film, qui a obtenu 10 Oscar à Hollywood. Ce n'est pas rien. Il est encore en nomination cette année pour un des films qu'il a réalisés. Et pourtant, on voudrait réduire davantage son budget et lui demander de réaliser davantage d'émissions. C'est une institution qu'il faut défendre.

Je suis un peu inquiète de la tournure des événements à la Société Radio-Canada, qu'on veut transformer d'une société publique en une société gouvernementale. Encore aujourd'hui, les journaux sont pleins de ce qu'on veut faire de Radio-Canada. Il faudra que nous surveillions ce qui s'y passe afin de nous assurer que cette société d'État demeure tout à fait indépendante des régimes politiques, lesquels peuvent varier à Ottawa. Déjà, lorsque les gouvernements changent, la couleur de la pizza change du bleu au rouge ou du rouge au bleu. Si jamais le Parti réformiste prenait le pouvoir, comme il aspire à le faire, la tarte deviendrait peut-être verte. C'est un peu ridicule que la couleur d'une compagnie d'une société d'État puisse changer en fonction de la couleur du gouvernement.

On reconnaît partout, dans tous les textes gouvernementaux, depuis 1993, en tout cas dans tous ceux qui me sont passés entre les mains, qu'il y a au Canada un seul peuple, les Canadiens, et une seule culture, la culture canadienne. N'y a-t-il pas un danger à mettre tous nos oeufs dans le même panier lorsqu'il s'agit de la culture, qui est de compétence provinciale et non pas fédérale? On demande au fédéral de s'accaparer la culture canadienne. Ne craint-on pas que le Canada devienne un melting pot, comme les États-Unis, et qu'il n'y ait plus de différence entre un Américain et un Canadien? À l'heure actuelle, les Canadiens se définissent ainsi: on est Canadiens parce qu'on n'est pas Américains. Une étude a déjà été présentée aux membres de notre comité. J'aimerais que nos témoins anglophones et francophones, qu'ils proviennent de l'Île-du-Prince-Édouard, de Moncton ou du Nouveau-Brunswick, nous disent ce qu'ils ressentent face à l'idée de confier tout notre avenir culturel à des gens qui pourraient s'en servir à des fins de propagande plutôt que d'identité.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Qui veut intervenir?

M. Christopher Severance: J'aimerais saisir l'occasion de m'exprimer à ce sujet.

Votre observation à propos des programmes fédéraux actuels est quelque peu fondée, madame Tremblay. En même temps, je sais qu'elle est vraie en ce qui concerne le programme PAM actuel. On cherche à promouvoir la culture canadienne comme si les Canadiens étaient tous identiques. Je crois qu'il est évident pour les habitants des provinces maritimes que ce n'est pas le cas. Une des choses que j'ai appris en étudiant l'histoire du Canada et l'histoire de la Nouvelle-Écosse, c'est que, à de nombreux égards, les Néo-Écossais, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard et certainement, les Terre-Neuviens, présentent des caractéristiques propres à une nation, tout comme les Québécois. Toutefois, je crois que l'on peut dire beaucoup de bien de la mosaïque canadienne qui jouissait d'une certaine popularité il y a quelques années. La force de la nation canadienne se retrouve dans cette mosaïque ainsi que dans le respect mutuel et le travail de tous.

• 1425

Le gouvernement fédéral a certainement un rôle à jouer non seulement pour favoriser la culture canadienne, mais aussi pour soutenir ces éléments, le caractère provincial—si vous voulez, le caractère national—de l'Île-du-Prince-Édouard, ainsi que le caractère national, si je peux parler de mes racines, du Cap- Breton. Ce sont des éléments très importants qu'il faut préserver.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Allez-y, Peter.

M. Peter Thomas: J'aimerais faire une petite observation en réponse à Mme Tremblay. De toute évidence, le multiculturalisme du Canada est quelque chose qui me tient à coeur. Je suis né à Montréal dans les années 40 dans une famille engagée dans ce qui était alors le CCF. Je ne vais pas brandir de drapeau politique, si ce n'est pour dire que je suis convaincu que c'est ce qui s'est passé à la fin des années 30 et au début des années 40 en Saskatchewan et à Montréal, ainsi qu'au Coady International Institute, qui a modelé la politique sociale telle qu'elle existe aujourd'hui. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous devrions appuyer la culture.

Toujours au sujet de l'intervention de Mme Tremblay, j'aimerais dire qu'il se pose un problème dans le secteur des arts: la différence entre le financement offert par le truchement de subventions, comme par exemple celles du Conseil des arts, et le financement offert par le truchement de la Commission provinciale des arts, financement accordé à des fins de formation. C'est une énorme différence. Les subventions sont habituellement accordées dans un ordre hiérarchique. Dans le cas du Conseil des arts, il faut faire une demande de subvention et, chaque année, seulement une ou deux personnes obtiennent une subvention.

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. Peter Thomas: Où en sommes-nous? J'ai complètement oublié ce que je voulais dire.

Il y a véritablement un problème et je crois qu'il s'agit d'un problème public. Si je fais une demande de subvention auprès du Conseil des arts, c'est une subvention élitiste—au meilleur sens du terme—c'est une subvention liée à un projet et très peu d'entre nous vont l'obtenir.

Si je fais une demande de financement à des fins de formation, à laquelle je suis pratiquement inadmissible, car je travaille essentiellement à mon compte et parce que je suis enseignant nommé pour une période déterminée—je suis vieux, comme l'a dit Richard—la situation est fort différente. Si je suis admissible à l'assurance-emploi, j'ai plus de chances d'obtenir une formation, dans la mesure où ma demande est valable, dans la mesure où cette formation sera utile à ma collectivité et dans la mesure où les formateurs sont acceptés.

Au moins 50 p. 100 des artistes, si pas plus, sont inadmissibles à une telle formation et même s'ils l'étaient, ils se heurteraient à un autre problème: dans la plupart des cas, la formation—et cela s'applique à presque toutes les petites provinces du Canada—ne relève pas de la compétence provinciale. En d'autres termes, si nous souhaitons améliorer nos compétences, si nous souhaitons faire avancer nos intérêts—et Jean-Philippe en a parlé, de même que Richard—nous n'avons simplement aucune possibilité, dans le système provincial, d'obtenir une formation à l'extérieur de la province, à moins de réunir nos propres fonds. C'est quelque chose de très difficile dans un secteur où le revenu moyen se situe dans les 15 000 $ par an; pourtant il est impossible de recevoir une aide du gouvernement fédéral à cause de la dévolution. Même si nous arrivons à réunir les fonds, nous nous heurtons à des obstacles interprovinciaux.

Je tenais à mentionner un autre point, car aucun des porte- parole des musées n'en a parlé, soit les exportations de biens culturels. Voilà un autre problème qui ne peut se régler au niveau provincial. Il relève de la compétence fédérale. C'est une question très préoccupante, car nous sommes en train de perdre une grande partie de notre patrimoine culturel.

• 1430

Voilà qui met fin à ce que j'avais à dire.

Le vice-président (M. Inky Mark): Suzanne, vous avez la parole, après quoi ce sera au tour de René.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Si notre collègue Wendy était ici, elle en profiterait pour demander où est passé l'argent. Je crois que nous avons en Jean-Philippe une personne qui peut informer le comité de la situation qui a précédé et de celle qui a suivi la réforme de l'assurance-emploi en matière de formation. Je sais, Jean-Philippe, que vous en avez long à nous dire là-dessus. J'apprécierais toutefois que vous soyez concis parce qu'on a beaucoup de questions à vous poser. Il est important que nous ayons de tels renseignements. Je crois d'ailleurs que vous aviez prévu nous remettre un document à ce sujet.

M. Jean-Philippe Tabet: Naturellement, le Cirque du Soleil est une entreprise québécoise. La partie la plus difficile dans ce domaine-là, mesdames et messieurs les députés, c'est que vous nous avez demandé de répondre à des questions qui relèvent du patrimoine, qui est votre mandat. Nous avons voulu démontrer que les artistes ne sont pas seulement cantonnés à la partie patrimoniale, artistique ou caricaturale, mais que les artistes que vous avez en face de vous, les gens qui travaillent dans ces milieux, sont des gens comme vous et moi. Ce sont des travailleurs comme les autres, des contribuables qui se demandent, avec beaucoup de raison et beaucoup de sagesse, quels investissements les différents paliers de gouvernements sont prêts à faire pour ces contribuables comme les autres. J'ai essayé de démontrer que la contribution du secteur culturel au produit intérieur brut était considérable: c'est l'un des quatre premiers secteurs qui contribuent au produit intérieur brut.

Je ne voudrais pas m'étendre à n'en plus finir sur ce sujet, mais il y a un fil conducteur qui revient: c'est l'argent. Le Conseil des ressources humaines du secteur culturel a concentré ses efforts sur un dossier très, très pointu en essayant de démontrer que la contribution des artistes et travailleurs culturels, des entreprises culturelles et des entreprises comme la vôtre aussi, était relativement importante, mais que les programmes et les services qui étaient mis de l'avant pour essayer de répondre à leurs besoins ne correspondaient pas aux caractéristiques de cette population active.

Je sais que votre comité n'a pas le mandat de se pencher sur la réforme de l'assurance-chômage et sur les encouragements fiscaux. Néanmoins, on ne peut pas ne pas vous en parler parce que ça fait fondamentalement partie de la vie des artistes et des travailleurs culturels au Canada. Il y a en quelque sorte un lien qui doit être fait.

Monsieur Butler, vous avez parlé du problème de l'éducation artistique, de la difficulté qu'il y a aujourd'hui dans les écoles à essayer de parler des métiers de la culture et du patrimoine. Lorsque nous avons fait nos consultations en région, nous avons été, comme vous, frappés par le besoin criant de faire connaître aux jeunes d'aujourd'hui les métiers du secteur culturel et leurs réalités. Personne ne leur en parle.

Curtis a parlé brièvement de la relève. Il est important que le programme jeunesse que vous êtes en train de développer au niveau fédéral sache servir le secteur culture. Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais ce n'est pas à nous d'en juger. Nous songeons par exemple à des programmes comme Mentoring Cultural Youth. Il est très important d'aider nos jeunes, notre relève, à s'intégrer sur le marché du travail. Voilà un deuxième élément de notre stratégie, au sein du Conseil des ressources humaines du secteur culturel: aider les jeunes à mieux connaître les réalités des métiers culturels; aider les jeunes à mieux s'insérer professionnellement; et aider les maisons de formation culturelle, dont le financement peut être extrêmement délicat, à être plus assurées. Ces rôles n'appartiennent pas qu'au gouvernement fédéral, bien sûr, mais ce sont des domaines dans lesquels le gouvernement fédéral a joué un rôle considérable au fil des ans.

• 1435

L'institut de conservation n'est qu'un institut parmi un réseau d'institutions nationales de formation au Canada. Vous avez aussi parlé de l'École nationale de théâtre, de l'École nationale de cirque, de l'École nationale de ballet, du Canadian Film Centre et du National Training Institute. Ce sont des institutions de renom international qui font du Canada un des pays où on peut faire du business dans la formation, si je puis avoir recours à une formulation un peu abrupte; vous m'en excuserez.

Dans le cadre du processus de dévolution, il est bon de faire attention à la manière dont nos institutions nationales sont financées à long terme. Pourquoi? Ce n'est pas parce que nous pensons que le gouvernement fédéral devrait tout faire; le gouvernement fédéral ne peut pas tout faire. Mais nous pensons que le gouvernement fédéral peut focaliser son attention pour assurer, par exemple, l'accessibilité ou la mobilité. Il est vrai qu'il y a au Canada une multiplicité de cultures. Bien que nous n'ayons pas ici de représentants autochtones, nous aurions certainement été heureux de faire venir aujourd'hui auprès de votre comité des représentants des communautés autochtones de cette région du Canada. Nous pensons que ces deux thèmes sauront aider le gouvernement fédéral.

Pour en revenir à la question de Mme Tremblay, qui est une question fondamentale qui ne relève pas seulement de ce comité-ci, si la population active canadienne compte de plus en plus de travailleurs autonomes, non seulement dans le secteur culturel mais aussi dans bien d'autres secteurs, n'est-il pas temps d'essayer de promouvoir de nouvelles stratégies ou de nouvelles politiques afin d'aider cette nouvelle catégorie de la population active?

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie beaucoup.

C'est maintenant au tour de René, suivi de Richard, après quoi nous reviendrons à Joe.

[Français]

M. René Légère: Merci. J'aimerais intervenir au sujet de la question que posait Mme Tremblay puisque je crois qu'elle est vraiment au coeur de la discussion. Moi aussi, je suis très inquiet vis-à-vis du financement actuel et du maintien des institutions nationales. Bien que j'aie fait allusion à Radio-Canada, il n'y pas juste Radio-Canada. Une foule d'autres institutions sont à l'heure actuelle menacées.

C'est sûr qu'ici, en Acadie, on ne se pose pas de questions sur notre identité. En 1881, nous nous dotions d'un organisme qui s'appelle la Société nationale de l'Acadie. En 1984, on se dotait d'un drapeau. D'ailleurs, dans le cadre du Sommet de la Francophonie, il y a actuellement un débat à savoir si le drapeau acadien devrait être déployé avec les autres drapeaux de la Francophonie internationale. Vous remarquerez l'ampleur qu'a prise ce débat dans les médias de communication francophones de l'Acadie ainsi que la réaction du peuple acadien. À ce que je sache, le peuple acadien est profondément fédéraliste, mais cela ne veut pas dire qu'on céderait notre identité pour une identité unique, qui serait l'identité canadienne.

Nous avons beaucoup de difficulté à accepter qu'à l'heure actuelle, le gouvernement fédéral semble être dans une position où il doit toujours trouver des moyens de satisfaire son public ou un des partenaires de la Confédération, c'est-à-dire les Québécois et les Québécoises. Dans ce débat ou dans cette conjoncture, les communautés acadiennes et les communautés francophones du reste du pays se retrouvent toujours prises dans ce défi qu'affronte le gouvernement fédéral. Qui écope en bout de ligne? Ce sont évidemment les communautés acadiennes et les communautés francophones.

En ma qualité de secrétaire général de la Société nationale de l'Acadie, je me retrouve constamment à défendre l'identité acadienne, à faire valoir les besoins de cette communauté et à m'assurer qu'elle ait une place au sein des institutions nationales. C'est une tâche extrêmement difficile.

La naissance des radios communautaires est un peu le résultat de l'échec de Radio-Canada, qui n'a pas su bien servir cette communauté. Bien que je n'aie pas en main les chiffres du dernier sondage—M. Donelan les a peut-être—, je crois me souvenir que Radio-Canada n'a une cote d'écoute que de 5 p. 100 de la population francophone de la région du sud-est du Nouveau-Brunswick. Comment se fait-il qu'après 25 ou 30 ans d'implantation dans le milieu, on n'ait pas réussi à aller chercher un auditoire qui soit raisonnable, tandis qu'en quatre ans, une nouvelle radio communautaire a été capable d'aller chercher 62 p. 100 de l'écoute francophone? Cela démontre que les gens ne s'étaient pas identifiés du tout au produit qui était mis en ondes. Il y a donc un problème à ce niveau et il faut le régler. Pour ce faire, le gouvernement fédéral pourrait donner un coup de pouce supplémentaire aux réalités régionales et leur permettre de s'exprimer davantage dans nos institutions. Je crois qu'a ce niveau-là, il y a eu un échec flagrant.

• 1440

Je pourrais vous donner l'exemple du phénomène qu'on constate à l'heure actuelle en France. Il y a une demande encore jamais vue pour le produit culturel acadien. Le groupe acadien Barachois de l'Île-du-Prince-Édouard—que M. Barlow doit bien connaître puisqu'il l'a appuyé de façon considérable—est très en demande et il fait présentement des tournées au Danemark, en Norvège, en Allemagne, en France, en Écosse et en Angleterre. À la Société nationale de l'Acadie, on reçoit des demandes pour des groupes comme Barachois, les Méchants Maquereaux, Blou et Amérythmes, des groupes acadiens de très haute qualité. Il est un peu ridicule que le voyage des groupes Grand Dérangement et Blou de la Nouvelle-Écosse, que j'enverrai participer à un festival en France l'été prochain, soit financé par l'Office franco-québécois pour la jeunesse. On a réussi à conclure une entente avec l'Office franco-québécois pour la jeunesse afin d'envoyer nos artistes là-bas. À moins que votre nom soit Céline Dion ou Roch Voisine ou que vous soyez une des grandes vedettes de la scène québécoise, il est impossible d'avoir un cent des programmes fédéraux. À mon avis, il y a un problème important.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie beaucoup.

Souhaitez-vous répondre?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je n'ai peut-être pas été assez explicite plus tôt. Il faut toujours faire un peu attention et parfois mettre des gants blancs pour dire certaines choses, mais je vais essayer d'être un peu plus directe.

Contrairement à vous, nous avons l'impression, au Québec, que le gouvernement canadien fait actuellement tout ce qu'il peut pour nous déplaire. Il ne reconnaît qu'un peuple, le peuple canadien. Il ne veut pas reconnaître le peuple québécois. Il ne reconnaît qu'une culture, la culture canadienne. Il ne veut pas reconnaître la culture québécoise. Je ne crois donc pas qu'il fait tout pour nous plaire. J'ai l'impression qu'à l'heure actuelle, le gouvernement canadien s'entête à vouloir faire de nous tous des Canadians et à emporter les francophones hors Québec dans la mouvance de cette tempête.

Les Terre-Neuviens que nous avons rencontrés se sentent Terre-Neuviens avant de se sentir Canadiens. Ils ont une culture qu'ils ne veulent pas perdre et ils nous l'ont dit clairement. Ils ne voient pas d'objection à ce que la culture canadienne soit là et qu'ils en bénéficient, mais ils ne veulent pas perdre leur culture terre-neuvienne. C'est plus facile de la garder parce qu'ils sont anglophones. Mais les francophones de partout au Canada se retrouvent dans une position plus vulnérable puisqu'il n'y a qu'une culture canadienne. Ma question était dans ce sens-là: comment se sent-on étant donné qu'on est dans un bastion quand même francophone? Selon moi, le peuple acadien existe autant que le peuple québécois. J'espère que vous ne perdrez jamais votre identité et, de fait, il n'y a pas de crainte à cet égard. J'espère que votre drapeau, comme le drapeau québécois, sera hissé lors du Sommet de la Francophonie. Mais comment vous sentez-vous? Comment vivez-vous ça, sans faire, comme vous le dites, du Quebec bashing? On a les mêmes problèmes. Ce qu'on dit du Québec dans le reste du Canada n'est pas tout à fait ce que le Québec dit ou vit. Il faut faire attention à cela.

M. René Légère: J'aimerais revenir sur la notion de peuple. Je crois qu'on exprime bien, dans les textes qu'on reçoit du gouvernement fédéral et du Sommet de la Francophonie, qu'il y a un peuple qui s'appelle le peuple acadien et qu'il y a aussi un peuple qui s'appelle le peuple québécois. J'ai vu cela écrit dans les documents du Sommet de la Francophonie.

Mme Suzanne Tremblay: C'est parce qu'ils y sont obligés; quand ils ont signé l'entente pour la Francophonie, cela existait. Mais c'est bien le seul texte où cela existe.

• 1445

M. René Légère: En tout cas, pour ma part, je n'ai jamais eu de difficulté. Dans tous les textes et dans toutes nos communications avec le gouvernement fédéral, on a toujours utilisé l'expression «peuple acadien», et personne n'a jamais remis cela en question.

D'ailleurs, nous parlons de francophones hors Acadie parce qu'on ne s'exprime pas par rapport au Québec, mais en tant qu'Acadiens par rapport à l'ensemble de la population. On a l'impression qu'en raison de leur nombre, les Québécois ont une force indéniable au sein des institutions fédérales. C'est de bonne guerre quelque part, mais ils réussissent dans leur stratégie—je ne sais pas si elle est concertée ou non—à créer ce sentiment de crainte au sein du Canada dans son ensemble et cette préoccupation de bien servir le Québec. Si on sert mal les Acadiens, qu'est-ce que ça change? Ils ne sont que 300 000.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie beaucoup.

Barry, souhaitez-vous intervenir?

M. Barry King: Puisqu'il est question de patrimoine et de culture, je tiens à souligner qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons plusieurs groupes culturels—des Libanais, par exemple—qui ont tous conservé une forte identité. Nous avons mis un peu plus de temps que les autres à entrer dans la Confédération. Nous avons pris notre temps et nous y avons réfléchi afin de savoir si nous tenions vraiment à être Canadiens.

Nous sommes effectivement devenus des Canadiens. À l'Île-du- Prince-Édouard, il existe une très forte culture insulaire. Nous nous percevons à la fois comme des Prince-Édouardiens et comme des Canadiens qui participent à une vie collective extrêmement diversifiée. En fait, notre diversité peut être source de force.

Je ne dis pas que la culture québécoise est sans importance ou qu'elle n'a pas de mérite. Certes, le fait que j'aie ces écouteurs sur la tête, que j'aimerais pouvoir parler français ou en avoir l'occasion en témoigne. La culture québécoise est très riche. Tout le pays y gagne, mais nous avons aussi une autre grande richesse. Nous sommes très loin du creuset américain.

Autant il existe différents genres d'oiseaux, que nous appelons tous des oiseaux, autant il existe différents genres de personnes, que nous qualifions toutes de personnes. Nous sommes des Canadiens, mais nous ne sommes pas tous de la même couleur et nous ne vivons pas tous de la même façon.

Le vice-président (M. Inky Mark): Barry, je vous remercie.

Avez-vous quelque chose à dire?

M. Christopher Severance: J'en reviens au mémoire présenté il y a deux ans par l'Association des musées canadiens dans lequel elle exhortait le gouvernement fédéral à se doter d'une politique culturelle holistique.

J'aimerais que l'on aborde la question de la culture en tant qu'activité économique. Ceux d'entre nous qui travaillent dans les provinces atlantiques sont très conscients des diverses activités économiques en cours dans la région. Les entreprises culturelles y connaissent beaucoup de succès et elles font un apport important, du moins à l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard.

À titre indicatif, je mentionne que, d'après Statistique Canada, le secteur culturel de l'Île-du-Prince-Édouard représente 3 300 emplois directs et indirects. C'est beaucoup pour une population de quelque 135 000 ou de 137 000—quelle qu'elle soit, cette année, Curtis.

L'une des choses que nous essayons de faire valoir au sein du milieu culturel de l'Île-du-Prince-Édouard et auprès de nos collègues du tourisme, car ils sont parfaitement disposés à mettre nos produits en marché, mais ils ne sont pas prêts à en faciliter le développement... En toute franchise, quand je m'arrête à certains projets dont je suis responsable, qu'il s'agisse d'Orwell Corner ou du centre national d'exposition de Summerside, je pense en fonction des gens qui y viendront et du touriste culturel.

• 1450

Les touristes culturels sont des consommateurs avertis. Ils ont parcouru tout le pays. Ils ont visité des musées à Londres, à Rome, à Toronto et à Ottawa. Quand ils paient 5, 10 ou 20 $ d'admission au Centre de la Confédération ou au Centre national d'exposition de l'Île-du-Prince-Édouard, à Summerside, ils s'attendent à un produit culturel d'une qualité comparable à ce qu'ils ont vu en Ontario ou à Londres.

Votre comité pourrait encourager ses collègues de Tourisme Canada à débloquer des fonds pour le développement de produits. J'en reviens peut-être à nouveau à la question d'infrastructure dont j'ai parlé tout à l'heure, mais nous commençons à avoir l'air un peu miteux, et je sais que nous ne sommes pas les seuls dans la région atlantique du Canada.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le vice-président (M. Inky Mark): Richard, je ne vous ai pas oublié. Votre tour viendra.

La parole est maintenant à Darrel, suivi de Jean-Philippe.

M. Darrel Butler: Merci.

Je tenais en réalité à renchérir sur ce qu'a dit Chris. En un certain sens, il a lancé la discussion, ce dont je lui suis vraiment reconnaissant. Nous vivons dans une province officiellement bilingue. Il existe de nombreuses cultures fondatrices ici au Nouveau-Brunswick, y compris deux cultures autochtones, et l'une des plus fortes est la culture acadienne. Le Nouveau-Brunswick a beaucoup de chance, selon moi, d'avoir une série de musées qui soutiennent ces cultures, qui en explorent la diversité et qui les font connaître au monde entier. C'est très important.

Je ne tiens pas à vous détourner du sujet actuel, mais Peter a mentionné les exportations de biens culturels, et je n'étais pas vraiment très sûr de ce qu'il entendait par là. Il a dit craindre de les perdre et, à certains égards, je tiens peut-être à faire mienne sa préoccupation. L'Association des musées canadiens a aussi laissé entendre que le rôle du gouvernement fédéral comprend de favoriser les exportations de biens culturels, mais peut-être pas les biens culturels. Je serais d'accord avec ce que vous avez dit. Je sais que cette question préoccupe beaucoup tous les Canadiens.

Pour m'être adressé à la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels en vue de faire rapatrier certains biens culturels canadiens, je puis affirmer que cet organisme est extrêmement coopératif dans les limites de son mandat et de ses règles de fonctionnement. Il a beaucoup aidé à sauver des biens culturels canadiens. À nouveau, je vous prie instamment de renforcer les pouvoirs de la Commission, de l'aider; elle a un rôle très important à jouer au pays.

Le vice-président (M. Inky Mark): Jean-Philippe, avez-vous quelque chose à ajouter suite à la question de Mme Tremblay?

M. Jean-Philippe Tabet: Tout d'abord, je tiens à donner plus de précisions au sujet de ce que Mme Tremblay m'a demandé de vous fournir, parce que la question a son importance.

L'entente de transfert des responsabilités concerne essentiellement la gestion du fonds prévu dans la Loi sur l'assurance-emploi. Toutes les provinces canadiennes, à l'exception de l'Ontario, ont signé une entente de cession des responsabilités. Cette entente n'aura pas beaucoup de répercussions sur le secteur culturel parce que, comme je vous l'ai déjà mentionné, la moitié de nos travailleurs sont des travailleurs autonomes, de sorte qu'ils ne seront pas vraiment visés par le programme lié à la cession des responsabilités. Toutefois, l'autre moitié de nos travailleurs cotise à l'assurance-emploi. Nous voulions donc savoir si, dans cette entente, des mesures avaient été prévues pour faire en sorte que les programmes soient adaptés à la nature de l'emploi dans le secteur culturel.

Jusqu'ici, nous avions beaucoup de difficulté à comprendre comment cela s'était produit. Nous avons donc commandé une étude, intitulée «The Cultural Human Resource Development Post- Devolution», dont j'aimerais partager le contenu avec vous.

• 1455

Vous nous avez demandé ce qu'il faudrait que fasse le gouvernement fédéral et quel rôle il devrait jouer. Le gouvernement fédéral est assurément, maintenant, de plus en plus conscient qu'il faut réellement concentrer l'investissement des deniers publics dans des activités que l'industrie ou le secteur est vraiment disposé à mener. J'entends par-là qu'il faut qu'il y ait un changement d'attitude. Le secteur tente de s'organiser en dépit de conditions alarmantes. Essentiellement, les travailleurs autonomes le font depuis plusieurs années déjà.

Ce que nous demandons, non seulement au gouvernement fédéral—auquel nous nous adressons actuellement—, mais également aux gouvernements provinciaux, c'est d'essayer de voir ce qui marche dans le secteur culturel et de faire en sorte que l'infrastructure en place soit soutenue et encouragée.

J'aimerais vous donner un exemple d'un de ces programmes. Il s'agit du PAM, qui n'a rien à voir avec l'aide aux musées. Il s'agit en fait d'un programme d'aide à la mobilité. Il a été créé en réaction à un problème bien précis. Le nombre de musiciens professionnels travaillant dans des orchestres canadiens au Canada était très bas. Le pourcentage était de 10 ou de 20 p. 100 peut- être. Pourquoi? La raison tient à la nature même du pays, à sa grande diversité géographique. Si l'Orchestre symphonique de Vancouver cherchait un musicien, les musiciens canadiens d'Halifax, de Moncton, de Saint John, de Montréal ou de Toronto n'avaient pas les moyens de se rendre à Vancouver pour l'audition, contrairement aux musiciens de Seattle. Depuis que le programme est en place, le nombre de musiciens canadiens travaillant dans des orchestres canadiens a considérablement augmenté partout au pays.

Il s'agit d'un tout petit programme qui n'exige pas beaucoup d'investissement, mais qui donne un sérieux coup de main à nos travailleurs. C'est le genre de situation où le gouvernement fédéral peut prendre des mesures qui, sans nuire au gouvernement provincial, coïncident vraiment avec son rôle—aider au bon fonctionnement du pays.

[Français]

Je suis désolé, mais je m'exprime peut-être mal en anglais. Comme on dit en Acadie, le français vient plus vite pour moi. Il est très important de noter que le gouvernement fédéral peut focaliser son action sur des interventions qui ne nuisent à personne, mais qui facilitent grandement la vie des travailleurs culturels aujourd'hui. Ce n'est qu'un exemple. J'en ai bien d'autres dans ma sacoche.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Il est maintenant 15 heures. Si vous le souhaitez, nous pouvons étirer cela jusqu'à 15 h 30. Ce que nous ferons, c'est que nous céderons la parole à Richard et à Joe, que je n'ai toujours pas oublié, et, avec un peu de chance, dans 10 ou 15 minutes, nous pourrons entendre des membres du public.

Curtis, souhaitez-vous répondre à cela?

M. Curtis Barlow: Tout d'abord, en ce qui concerne Jean-Philippe et les deux membres de la Commission présents, j'ai eu le plaisir de m'entretenir avec lui hier soir du travail qu'ils font et j'aimerais dire, au nom du centre, à quel point nous appuyons ce qui se fait en matière de formation, plus particulièrement les initiatives destinées aux jeunes. Je tenais à vous faire savoir que le Centre de la Confédération espère pouvoir collaborer un peu plus avec le conseil au sujet de très importants projets de formation.

• 1500

Toutefois, j'aimerais en revenir à ce débat culturel que nous avions. Jean-Philippe a dit, il y a quelques minutes, que le gouvernement fédéral ne peut pas tout faire. Comme c'est vrai! J'ai déjà parlé de la dimension financière. Toutefois, une chose que le gouvernement fédéral ne devrait pas faire, c'est de décider quelles formes d'expression culturelle seront subventionnées. Il ne faudrait pas non plus que ces subventions aux arts servent des intérêts politiques.

C'est à la base qu'il revient de décider des formes d'expression culturelle à subventionner. Les artistes du Québec, de Terre-Neuve, de l'Îlle-du-Prince-Édouard, les francophones, les anglophones, les Acadiens, les Autochtones devraient tous pouvoir exprimer eux-mêmes leurs points de vue, et les décisions concernant les subventions devraient reposer sur des critères d'excellence artistique plutôt que des intérêts politiques. C'est pourquoi la seule manière vraiment efficace pour le gouvernement fédéral de subventionner les arts a été de passer par un organisme autonome sans lien de dépendance—le Conseil des arts du Canada.

Il existe d'autres formes d'aide financière; je ne le nie pas. Cependant, si la classe politique souhaite, comme il se doit, maintenir une distance pour ne pas influencer l'orientation de la culture, il faudrait que l'on passe par une agence autonome sans lien de dépendance. Ce genre d'organisme protège non seulement les artistes, mais également les élus. Bien qu'un élu puisse peut-être être très fier d'avoir financé quelque chose comme le Cirque du Soleil et qu'il en ait le crédit, dès qu'un membre du Cirque du Soleil se présente nu sur la scène ou qu'il lance de l'eau au visage d'un spectateur, cet élu se réfugie derrière le Conseil des arts du Québec ou le Conseil des arts du Canada.

C'est donc là un élément important. Cependant, je tiens à dire qu'en dépit de tout cela, le gouvernement fédéral a été très respectueux, si vous me passez l'expression, des diverses formes d'expression culturelle, non seulement des formes de nos deux peuples fondateurs—l'expression non seulement linguistique mais également culturelle de nos deux peuples fondateurs, si vous préférez—, mais également de toutes les autres formes d'expression culturelle qui représentent actuellement l'identité canadienne.

À titre d'exemple, je vous renvoie à la liste des projets, à la première série de projets retenue par le bureau du millénaire. Onze de ces seize projets sont très directement liés à ce que j'estime être des projets multiculturels.

Toutefois, il y a toujours une exception à la règle. Qu'elle soit justifiée ou pas, dans les faits, la règle veut que le gouvernement fédéral ne poursuive pas des objectifs politiques dans l'aide qu'il verse aux arts. Or, au point 3 de l'ordre du jour, que nous n'avons pas encore tout à fait abordé, il est question du programme des relations culturelles internationales et du commerce international dans l'optique des industries des arts et de la culture.

Pendant 10 ans, j'ai dirigé le programme des relations culturelles internationales du Canada à Londres et à Washington. Le programme existe effectivement et il a pour objectif premier de se servir des arts pour faciliter l'atteinte des objectifs de la politique étrangère du Canada. Le fait que des artistes canadiens et des entreprises artistiques canadiennes en profitent est très important et crucial. Toutefois, ce n'est qu'un effet secondaire du programme. L'objectif demeure de faire progresser les intérêts de la politique étrangère du Canada grâce aux arts.

Je ne suis pas disposé à dire si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais j'aimerais faire une autre recommandation, qui a trait au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Il y a plusieurs années, il a établi comme troisième pilier de sa politique étrangère l'industrie des arts et de la culture, le premier pilier étant d'ordre politique et le deuxième, d'ordre commercial. Toutefois, il n'y a jamais vraiment consacré des fonds. Par conséquent, les attachés et les conseillers culturels à l'étranger sont obligés de lutter pour exécuter leur mandat parce qu'ils n'ont simplement pas les ressources financières voulues.

Je recommanderais donc à votre comité qu'il se penche attentivement sur la culture en tant que troisième pilier de la politique étrangère du Canada et qu'il recommande que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international affecte les montants voulus pour concrétiser la décision prise sur le plan politique.

Le vice-président (M. Inky Mark): Curtis, je vous remercie.

Nous céderons maintenant la parole à Richard, puis à Joe et, enfin, à notre nouvelle invitée, Mme Foulem.

M. Richard Hornsby: Merci.

Certaines de mes observations s'adressent à Mme Tremblay, mais j'aimerais que tous se sentent libres d'intervenir.

Ce genre de débat culturel me rend très nerveux, car je soupçonne que vous entendrez, à Vancouver, les mêmes doléances de la part de la collectivité asiatique. Il faut prendre garde à mon avis, lorsqu'on soutient un aspect de notre culture, de ne pas ignorer tous les autres. De plus, les différents aspects de la culture vont continuer d'évoluer au cours du prochain siècle. La culture n'est pas statique, et nous ignorons quel virage elle prendra. Le visage culturel du Canada pourrait changer du tout au tout. Dans dix ans, la mosaïque pourrait être complètement différente.

• 1505

Ce qui nous rassemble et qui explique que nous avons tant accompli ensemble est beaucoup plus grand. C'est une conviction profonde qui reflète vraiment ce que nous croyons comme artistes et ce qu'est l'art pour nous. Il déborde largement du cadre linguistique. C'est sans rapport avec le fait que vous vivez dans une région où sévit une récession économique ou que vous vivez au centre-ville de Toronto, à Thornhill ou ailleurs.

J'espère que tout ce que nous disons et la façon dont vous l'interprétez s'inscrivent toujours dans ce tableau plus général, que nous souhaitons vivre ensemble et qu'il ne faudrait pas chercher... Je vous donne un exemple précis dont a parlé brièvement Mme Tremblay lorsqu'elle décrivait la situation de l'Office national du film.

C'était intéressant, parce que quand j'ai entendu dire que l'Office national du film n'était pas soutenu par certaines composantes de notre—par «notre», il faut comprendre le Nouveau- Brunswick—milieu cinématographique, j'ai été intrigué. Je me suis fait la réflexion que, si ce sont des cinématographes, pourquoi n'appuient-ils pas l'Office national du film? Dans une large mesure, je crois que le problème vient du fait qu'il n'y a pas suffisamment d'argent pour tout le monde. Les producteurs se disent que tout cet argent va à l'Office national, qu'en tant que producteurs privés ou petits producteurs de la région, ils devraient avoir droit à leur part. Ils n'appuient donc pas l'Office parce qu'ils estiment que cet organisme obtient des fonds qui devraient leur revenir.

Il est vraiment malheureux que l'on voit ainsi la réalité. Je crois que nul ici ne contesterait la valeur du travail effectué à l'ONF. Je ne pense pas que l'on considère l'argent qui lui est versé comme une dépense inutile.

Il ne faudrait pas faire des comparaisons, y compris dans le cas de la SRC par rapport aux stations de radio privées. Les deux ont leur rôle à jour, et il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.

Quand on examine l'aide en général et ce qui peut venir du gouvernement fédéral, on privilégie les organismes nationaux qui représentent effectivement des intérêts plus grands. À nouveau, avec un peu de chance, je sais ce qui se passe au sein de la collectivité asiatique de Vancouver grâce à cette façon de communiquer. Mais je fais aussi partie d'une plus petite collectivité, c'est-à-dire du Nouveau-Brunswick, qui a sa propre diversité. Il faut donc tenir compte de cette dualité et des différentes catégories quand nous examinons notre développement culturel.

Le vice-président (M. Inky Mark): Joe, c'est à nouveau votre tour.

M. Joe Jordan: Je suis d'accord avec vous, Richard. Je crois que le niveau d'aide est tel que nous dressons un groupe contre l'autre. En réalité, cela rejoint quelque chose qu'a dit Curtis, que c'est un symptôme du problème, et que le problème, c'est le manque d'argent.

Je souligne—et je vais raconter l'anecdote très rapidement, parce qu'elle ajoute quelque chose—, que j'en suis venu à apprécier la culture tard dans la vie. J'enseignais dans un collège et j'ai commencé à travailler à l'étranger. J'ai passé trois ans en Hongrie, séjour que je qualifie d'expérience d'immersion culturelle. Je n'ai pas essayé de la définir davantage. Cependant, j'ai vraiment eu l'impression qu'il manquait quelque chose dans notre société, que l'on sous-évaluait tout ce qu'elle représente.

J'aimerais m'attaquer à cette question avec plus de pragmatisme. C'est probablement symptomatique du fait que je représente le gouvernement et que je suis dans la salle. Mais je suis également un converti. Cependant, j'éprouve aussi des déchirements idéologiques, parce que je suis un homme politique. Je suis un nouvel élu, et la culture est nouvelle pour moi, de sorte que je me débrouille mal dans les deux.

Je ne me lancerai pas dans une description des guerres de chiffres, mais essentiellement, ce qui est arrivé, c'est que le gouvernement fédéral est redescendu au premier niveau de la pyramide de Maslow, qu'il est en train de remonter la pente. Les débats au sein du Comité de la défense sont tout aussi passionnés. Il faut comprendre. Je crois que, lorsque des arguments solides et logiques tombent dans l'oreille de sourds, il faut se demander pourquoi la communication est coupée. Il faut se doter d'une certaine stratégie, ce qui a déjà été mentionné.

J'ai entendu certains points très intéressants dont je pourrais me servir pour défendre mes convictions. Par contre, je sais également que, si je me lève dans une salle du caucus et que je me lance dans un discours éloquent au sujet de mon immersion culturelle en Hongrie, la réaction sera de me laisser sur la liste du parti, mais de ne plus me donner l'occasion de parler. C'est simplement mon opinion personnelle quant à la façon d'avoir un débat utile qui aboutisse à quelque chose.

• 1510

Une des définitions que j'ai retenues a été donnée par quelqu'un de Saint John. Cette personne a défini la culture comme étant l'estime de soi d'une société. Tout comme les personnes saines se connaissent et se comprennent, ce qui les rend beaucoup plus productives à plusieurs niveaux, une société a également besoin d'estime de soi. Et cette estime, on la puise dans son patrimoine et sa culture.

Je crois que vous avez une idée de la raison pour laquelle nous le faisons, pourquoi c'est important. C'est certes beaucoup plus grand que tout cela, mais j'essaie uniquement de ramener la définition à sa plus simple expression, parce que je sais que c'est ce dont on a besoin dans le monde politique. Mais cela ne suffit pas.

Quelqu'un a mentionné la confiance du public. C'est un bon point. On le fait par principe, parce qu'on veut essayer d'expliquer l'indifférence que l'on perçoit chez la plupart des Canadiens. Ils pensent peut-être qu'on le fait pour cette raison, je ne sais pas. Voilà une autre question sur laquelle nous devons nous pencher.

L'argument économique est valable, mais ce sont tous des éléments qui doivent être pris en compte collectivement, pas séparément.

Christopher a mentionné le secteur du tourisme, et je peux dire la même chose du secteur de l'environnement. L'écotourisme est considéré comme un moyen d'injecter de l'argent dans... Bon, d'accord, mais l'industrie du tourisme a un rôle à jouer. On se sert des techniques de marketing pour donner aux gens ce qu'ils veulent. On ne peut pas assimiler cela à la culture, à l'expression artistique. Le marketing peut avoir un rôle à jouer, mais il ne faut pas croire qu'on va résoudre le problème de financement en les transformant en entreprises. Et croyez-moi, la pression est là. Hier soir, j'ai commis l'erreur de présenter la chose comme s'il s'agissait de mon propre point de vue, et je me suis fait attaquer de toutes parts. Je ne commettrai pas la même erreur aujourd'hui.

Alors, de quoi avons-nous besoin? Nous nous entendons sur le pourquoi, mais nous devons accepter le fait qu'il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec nous. Comme nous sommes minoritaires, c'est à nous de les amener à accepter notre point de vue. Il nous faut une politique culturelle très claire. Nous n'en avons pas vraiment parlé, mais nous devons rapatrier les industries culturelles parce qu'elles ne nous appartiennent plus. Tout se fait sans qu'on le sache, dans une large mesure, et les accords commerciaux y sont pour quelque chose. Mais peu importe la raison—et la situation continue de se détériorer—nous ne les appuyons pas, elles ne sont pas présentes dans notre existence. Et comme nous ne souffrons pas de leur absence, il est difficile de convaincre les autres de les appuyer. Donc, je crois que le gouvernement doit intervenir de façon active, mais il devra faire preuve de courage et de leadership, ce qui m'amène à mon troisième point.

Les politiciens, d'une manière très cynique—mais il y a un fond de vérité dans tout cela—pensent en termes d'emplois, d'argent et de votes. Il doit donc être question d'emplois, d'argent et de votes dans votre message. Autrement, vous allez vous attendre à des changements énormes qui ne peuvent se produire sans stratégie. C'est une question extrêmement importante, parce que ce que nous disons, essentiellement...

On entend toutes sortes de choses positives, c'est vrai. Nous avons des infrastructures qui fonctionnent bien, mais qui manquent de fonds, et nous en avons d'autres qui ne fonctionnent pas du tout. On a entendu dire qu'à Terre-Neuve, par exemple, le gouvernement fédéral avait octroyé des fonds pour construire une réplique d'un petit village isolé, mais qu'il n'y avait pas d'argent pour réparer un village existant. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Nous avons entendu parler de ce musée national qui fait payer les gens qui vont voir des artefacts témoignant de la présence de Vikings à Terre-Neuve, alors qu'en Finlande, cette exposition est gratuite.

Il y a des cas où l'on pourrait faire un meilleur usage de notre argent, et c'est bon à savoir. Il faut pour cela tenir des consultations, mais de façon générale. Mais je crois qu'il faut également que le gouvernement affirme clairement qu'il est essentiel de protéger la culture canadienne et qu'il va le faire.

Le projet de loi sur le tirage partagé est très important, du fait qu'il va permettre de déterminer si nous sommes capables ou non de nous tenir debout en tant que pays. Je dois toutefois vous dire autre chose: je n'ai encore reçu aucun appel en faveur de ce projet de loi. J'ai eu quelques appels de gens d'affaires qui ont déclaré que nous devons faire preuve de prudence, que le projet n'est pas une bonne chose.

Donc, je suppose qu'il y a toute une série de facteurs qui entrent en ligne de compte. Comment pouvons-nous—et je connais le milieu des affaires puisque nous parlons de stratégie de pression et de stratégie d'aspiration—créer un auditoire?

• 1515

Curtis a soulevé un autre point intéressant, à savoir que, lorsqu'on parraine un événement ou un groupement artistique en subventionnant le prix des billets, on attire un plus grand nombre de spectateurs. Si vous pensez que toute cette expérience est valable, alors tant mieux. Mais, malheureusement, l'argent est un levier très puissant et vous devez être en mesure de défendre ce genre d'argument économique.

Encore une fois, il nous faut des faits concrets. Je ne veux pas m'en prendre à Darrel, mais il a parlé de la déduction fiscale, et c'est un sujet sur lequel nous nous sommes penchés. Si j'avais le temps, je vous expliquerais pourquoi cette déduction est ainsi conçue. Mais inclure ce sujet dans le débat équivaudrait à jeter le bébé avec l'eau du bain, comme l'a dit quelqu'un. Ils vont démolir toute votre argumentation parce qu'elle repose sur des faits qui sont inexacts ou qui, même si vous avez réussi à attirer l'attention sur la question, ne résistent à aucun examen.

Prenons, par exemple, les athlètes professionnels. Pourquoi permettons-nous à ces athlètes d'étaler leur revenu sur trois ans, alors que les artistes, eux, ne peuvent le faire? C'est un meilleur exemple. Je ne dis pas que l'argument concernant le régime fiscal n'est pas valable, mais ce n'est pas aussi simple que vous le laissez entendre, et les politiciens se sentiraient un peu sur la défensive si on les autorisait à le faire.

Je présume que, l'important, c'est de savoir comment on se rend du point A au point B. Nous avons des défis à relever et le moment est critique, mais de là à réclamer plus de fonds pour le secteur, voilà un argument très difficile à défendre au sein du cabinet. Il nous faut une stratégie qui bénéficie de l'appui général de l'industrie. C'est une lutte que nous devrons livrer et gagner si nous voulons continuer d'exister en tant que pays. J'en suis convaincu.

Nous sommes minoritaires, et si nous n'invoquons pas l'argument des emplois, de l'argent et des votes, nous pouvons difficilement attirer l'attention des politiciens sur cette question. Nous devons donc nous concentrer sur certaines de ces initiatives et trouver un moyen d'amener les gens à reconnaître...

Comme je l'ai dit, je n'ai encore reçu aucun appel en faveur du projet de loi sur le tirage partagé. Personne n'a communiqué avec moi pour me dire que nous avons besoin de fonds additionnels pour les arts. La plupart des députés ne sont pas au courant de la situation. Or, comment pouvons-nous les amener à écouter nos arguments? Le défi est de taille, mais c'est un défi aussi qui peut se transformer en échec si nous n'adoptons pas une approche coordonnée et logique qui tient compte de la façon dont ces décisions sont prises.

J'aimerais soulever un dernier point, parce que je ne veux pas donner l'impression d'être trop pessimiste. J'en ai parlé hier soir. Le premier ministre de l'Ontario s'est prononcé contre l'enregistrement des armes à feu, et il continue de livrer bataille à ce chapitre parce qu'il est intervenu devant la Cour d'appel de l'Alberta. À tort ou à raison, que le projet de loi soit bon ou mauvais—cela n'a rien à voir avec le sujet—il s'est porté à la défense du droit des personnes de porter des armes, en se fondant sur une interprétation erronée de la constitution américaine. Or, il vient d'interdire la chasse à l'ours de printemps en Ontario. Donc, quand quelqu'un fait un virage complet comme celui-là, vous devez rester sur vos gardes. Comment une telle chose a-t-elle pu se produire? Ils ont montré, dans des circonscriptions clés, des vidéos qui ont marqué les gens, et les électeurs ont appelé leurs députés en très grand nombre. Il a pris la décision en deux jours, sans même consulter le ministre responsable.

Les problèmes offrent aussi des occasions. Les défis que vous devez relever pour lancer la discussion, même si le processus n'est pas toujours clair et logique, offrent des occasions qu'il faut saisir. C'est le genre de choses dont il faut tenir compte.

Je fais partie de quatre comités, et celui-ci est l'un des plus neutres. Nous avons Wendy Lill, notre auteur dramatique. Nous avons un réformiste qui assure la présidence. Certains comités n'envisageraient même pas une telle chose. Il y a Mme Tremblay. Je viens de lui dire que, «J'ai parfois l'impression que le Canada anglais critique le Québec parce qu'il fait exactement ce que nous devrions faire en tant que Canadiens. Si le Québec veut se séparer du Canada, qu'il le fasse, mais qu'il nous amène avec lui.»

Nous sommes donc prêts à livrer bataille, mais nous devons le faire de façon coordonnée. Nous devons essayer de mettre au point une stratégie de concert avec ceux qui vont prendre les décisions. C'est ainsi que les choses se passent au sein du caucus. Comme je me plais à le dire, vous récoltez ce que vous semez. Cela fait un an et demi qu'on est à l'oeuvre, mais je crois qu'on peut prendre des mesures pour faire avancer le dossier, un dossier que je juge très important. Voilà.

• 1520

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup, Joe. Nous avons attendu longtemps, mais ça en valait la peine.

Je vais donner la parole à Mme Foulem, et ensuite nous allons écouter d'autres intervenants.

[Français]

Mme Ghislaine Foulem (présidente, Association des acadiens): Un instant, je vous prie. J'écoute les interprètes parce que j'aime bien comprendre ce dont on discute à la table.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): J'aimerais maintenant entendre des commentaires de l'auditoire. Si vous voulez prendre la parole, veuillez vous présenter au micro et nous allons entendre vos questions et commentaires sur la discussion d'aujourd'hui.

Veuillez s'il vous plaît vous présenter.

Mme Charlotte Glencross (témoignage à titre personnel): Je suis Charlotte Glencross. Je suis membre du Conseil des arts du Nouveau-Brunswick. J'aimerais vous parler du genre d'intervention politique qui s'impose. Les organismes ont besoin d'un niveau minimum de financement pour faire leur travail. Or, ce niveau minimum de financement pose problème. Ils n'y ont pas accès.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

S'il y a quelqu'un d'autre qui souhaite faire un commentaire, allez-y, je vous en prie.

Mme Kathleen MacLellan (témoignage à titre personnel): Bonjour et bonsoir. Voilà comment on s'exprime en français en Colombie- Britannique. Je suis l'épouse et la mère d'agriculteurs de l'Île- du-Prince-Édouard. Je m'intéresse à la culture et au patrimoine depuis très longtemps, depuis que j'ai appris à réciter des vers comme: «Sur la vaste lande la pluie tombait drue, et dans l'immense je ne sais quoi, un lutin est apparu.» Ça vient de Vancouver. J'ai suivi aussi des cours à l'école des beaux-arts de Banff.

Je ne me suis pas encore présentée, n'est-ce pas? Je m'excuse. Je m'appelle Kathleen MacLellan, née Glennon, et c'est un nom que vous allez voir sur les placards publicitaires de l'aréna St. Louis, où nous vous avons suivi le match de hockey l'autre soir parce qu'on ne pouvait le capter de Montréal ou de Toronto. C'est le nom de jeune fille que je portais avant de venir habiter sur l'Île.

Combien de temps m'accordez-vous?

D'abord, cette fiche signalétique, ou je ne sais comment vous appeler cela, du Comité permanent du patrimoine canadien parle des mesures fédérales de soutien culturel. Plus loin... et j'ai déjà parlé à M. Barlow et je connais la P.E.I. Museum and Heritage Foundation parce qu'il m'est déjà arrivé de faire partie de son conseil d'administration. Quoi qu'il en soit, il est question, au point 5, d'institutions nationales, de partenaire de financement, de protecteur des arts.

Ce qui m'intéresse surtout, c'est le rôle d'organisateur d'entreprises et de promoteur. Qui assure la promotion du patrimoine et de la culture, et pourquoi laisse-t-on ce rôle—et c'est ce qui se passe sur l'Île—au ministère du Tourisme?

Cela me choque beaucoup d'apprendre que, quand il a été question d'organiser un concert, dans notre cas, à l'église St. Mary's, à Indian River, ils ont reçu des fonds du ministère du Tourisme, des Ressources humaines et de l'APECA, et qu'ils ont profané l'église et la chapelle pour aménager deux salles de bain afin d'accueillir quelques groupes de musiciens. On a mentionné le nom du groupe Barachois, mais ils n'étaient pas là. C'était un autre groupe de musiciens, d'autres chanteurs de l'UPEI. Quoi qu'il en soit, ce qui me dérange, c'est qu'ils ont obtenu de l'argent pour cela. Ils ont profané la chapelle avant même qu'on ait retiré les stations du chemin de croix et le tabernacle. J'ai des photos pour le prouver. Donc, si c'est le genre de culture que vous voulez promouvoir, eh bien, cela ne fait pas partie de notre patrimoine. Nous sommes en train de le détruire.

Les autres points que j'aimerais aborder concernant le patrimoine... En passant, savez-vous combien nous devons débourser pour traverser cette montagne de ciment, qui a coûté des milliards de dollars, et venir jusqu'ici? Nous devons débourser 35,50 $. Je ne sais pas si ces autres messieurs sont venus seuls ou s'ils ont fait le voyage ensemble dans une voiture. C'est donc presque 100 $ que nous avons été obligés de débourser pour venir ici.

• 1525

Quoi qu'il en soit, l'autre point qui me préoccupe, ce sont les nouvelles abréviations qu'on utilise pour identifier les provinces. Dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, on utilise PE, dans le cas de l'Alberta, AB. Je ne sais pas, au diable les ordinateurs et le bogue de l'an 2000.

Mon mari a été obligé de partir. Il est allé se chercher quelque chose à manger, puisque l'hôtel ne fournit même pas de craquelins.

Les produits culturels que nous exportons—savez-vous où se trouve notre Abegweit, notre cher traversier qu'on appelait «Abby»? Sur un quai, à Chicago. Je ne sais pas si le club qui en est maintenant propriétaire l'a payé 1 $. Les gens me regardent et se demandent s'il y a un lien entre cela et notre patrimoine, notre culture. Pour moi, il y en a un, parce qu'ils nous l'ont enlevé.

Où sont les politiques nationales sur le transport, les chemins de fer, les bureaux de poste, les aéroports et même les ports de pêche, qui sont maintenant plus ou moins privatisés...? Toutes ces choses faisaient partie de notre histoire. Elles font toujours partie de notre patrimoine. Vendredi, à Charlottetown, ils vont tenir une cérémonie au cours de laquelle l'aéroport va être cédé à une administration aéroportuaire locale.

Je vous ai dit que j'étais membre du CFA, mais quoi qu'il en soit, j'aimerais qu'on accorde un peu plus d'importance au fait que, en tant que Dominion du Canada, nous faisons toujours partie du Commonwealth. Le Commonwealth britannique regroupe toutes sortes de langues et de cultures et ils continuent, après tout, d'avoir des discussions, de se quereller, comme une famille.

Quelqu'un a dit que, d'après Statistique Canada, l'industrie du tourisme fournissait de l'emploi à 3 300 personnes sur l'Île. Or, nous sommes des agriculteurs. Notre industrie, c'est l'agriculture, même si on continue de réduire la superficie de terres arables pour en faire des terrains de golf.

Mais j'en ai peut-être assez dit. J'espère avoir abordé certaines des questions qui nous préoccupent.

Ah oui, vous devriez inviter à la table les contribuables, M. et Mme Tout-le-monde. Ils font aussi partie de la culture ou du patrimoine, et c'est pourquoi... C'est ce matin seulement que j'ai entendu parler de cette réunion. C'était à la radio. J'ai fait de nombreux appels pour savoir où elle avait lieu, si les membres du comité allaient se rendre à l'Île-du-Prince-Édouard. Ils ne peuvent peut-être pas se permettre de payer 35,50 $ pour faire le voyage.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Mme Kathleen MacLellan: Je ne connais pas le prix du billet d'avion, mais de toute façon, merci beaucoup, monsieur Mark.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup pour vos commentaires.

Il est 15 h 30. Avant de clore la réunion, je vais donner le dernier mot à Joe, parce qu'il doit quitter Moncton aujourd'hui afin de rentrer chez lui.

Au nom du comité, j'aimerais remercier tous les participants à la réunion. La discussion a été fort intéressante, et nous allons certainement examiner tout cela quand nous serons de retour à Ottawa.

Jeanne, allez-y.

[Français]

Mme Jeanne Farrah: Je n'ai pas l'impression que nous avons abordé toutes les questions cet après-midi. M. Jordan a toutefois parlé d'une chose qui m'a paru cruciale, soit l'importance de mettre sur la table des chiffres et des arguments économiques. Ça fait des années qu'on apporte des arguments économiques et qu'on nous demande de faire de la planification stratégique. On le fait tout le temps et on présente toujours des chiffres à l'appui. D'ailleurs, Jean-Philippe a apporté certains chiffres à la table et il y a en a encore beaucoup plus. La première chose dont il faut tenir compte, c'est la volonté politique du gouvernement fédéral d'investir dans les arts et la culture. Imaginez une seule journée sans art; plus jamais personne ne se posera de questions. Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup. Votre enthousiasme a grandement facilité mon travail.

Joe, vous avez le dernier mot.

• 1530

M. Joe Jordan: J'aimerais faire quelques commentaires. La question qu'on se pose toujours est la suivante: quelle est la prochaine étape? En tant que membre du comité, il m'est impossible d'imaginer qu'on puisse parler de tout cela sans penser... On peut toujours dire qu'on aurait dû inviter d'autres personnes, mais quand on siège pendant sept ou huit jours, qu'on tient trois ou quatre séances par jour avec 12 ou 13 groupes, il y a des points communs qui finissent par se dégager.

Cela nous place dans une certaine position. Pour moi, la politique culturelle ou la réglementation sont deux choses différentes. Ces discussions ont été très utiles. Vous savez beaucoup de choses sur un sujet particulier, mais vous savez aussi ce qui va fonctionner, quels modèles vont être efficaces, ce dont nous avons besoin, ainsi de suite.

Je tiens vraiment à remercier les participants d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Leur point de vue est très utile. La tâche n'est pas facile, mais ce sont là les problèmes auxquels vous devez faire face au sein de votre industrie. Je tiens tout simplement à vous féliciter et à vous remercier.

Le vice-président (M. Inky Mark): Avant de lever la séance, nous allons entendre un autre intervenant.

[Français]

Mme Paulette Thériault (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Paulette Thériault et je suis la directrice du Centre culturel Aberdeen ici, à Moncton.

M. Jordan et Mme Farrah ont parlé plus tôt de stratégie. On devrait peut-être se pencher sur la possibilité de se doter d'une politique culturelle nationale. Comme vous le savez sans doute, le Québec a une excellente politique culturelle. Par contre, dans les autre provinces, il y en a très peu. Ce serait peut-être un bon exercice qui nous permettrait de mieux coordonner nos efforts.

Vous avez utilisé les mots «jobs, money and votes». Ce que Jean-Philippe est en train de faire dans le cadre de son projet touche exactement cette stratégie. Je crois qu'on a des ressources et qu'il nous suffit de coordonner nos efforts. Une bonne politique culturelle nationale pourrait peut-être nous aider. Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Peter, vous souhaitez faire un commentaire?

M. Peter Thomas: Jean-Philippe a demandé ce qui se passerait si nous étions privés d'art pendant une journée. Je tiens à dire qu'une telle chose est absolument impossible.

Pour répondre au commentaire de Joe selon lequel le milieu artistique n'aime pas qu'on parle de lui en termes économiques, mais je dois dire, en toute honnêteté, que l'économie de notre pays dépend, entre autres, de la production de tissus, de vêtements, de lunettes, de chaussures, ainsi de suite. L'art doit être perçu comme un élément vital de notre économie, et le patrimoine en fait partie.

Il y a un autre point que j'aurais dû soulever plus tôt. Suzanne a parlé un peu de la façon dont les choses se déroulaient avant la dévolution. Nous avions un programme d'initiatives, et Jean-Philippe peut vous donner, plus tard, des précisions là- dessus. Mais j'ai dit, au début, que bon nombre des programmes fédéraux et provinciaux, aussi louables soient-ils, finissent par devenir inefficaces.

La gestion du programme d'initiatives a été confiée au secteur qu'il puisse l'administrer au nom du gouvernement. Cette démarche a permis au gouvernement d'économiser beaucoup d'argent et de créer de nouveaux programmes dans d'autres domaines, allant de la conservation, comme l'on fait de nombreux pays d'Europe, à l'organisation de spectacles ou d'expositions lors de rencontres internationales, pour le compte de l'industrie. C'est ce qui a été fait en Europe, et le programme d'initiatives peut servir à créer, à juger, à financer ce genre d'activités.

Enfin, Jean-Philippe a soulevé la question de l'aide à la mobilité. Il a dit, si je ne m'abuse, que 15 p. 100 des fonds consacrés aux salaires des musiciens restaient au Canada en 1985, et que ce pourcentage atteignait 80 p. 100 en 1991. Si nous devons avoir recours à des incitatifs, alors les arguments en faveur d'une telle démarche ne manquent pas.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci encore d'être venus nous rencontrer, et j'espère que le voyage, au retour, se passera bien.

La séance est levée.