FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 4 décembre 1997
[Traduction]
Le président (M. Bill Graham (Toronto Centre-Rosedale, Lib)): La séance est ouverte. Nous recevons aujourd'hui Mme Diane Marleau, ministre de la coopération internationale. Bonjour, madame la ministre. Soyez la bienvenue au comité. Elle est accompagnée de Mme Huguette Labelle, présidente de l'ACDI et l'un de nos visiteurs les plus réguliers ici au comité, ainsi que de M. John Robinson, vice-président, Direction générale des politiques, que la plupart des membres du comité connaissent pour l'avoir déjà rencontré ici.
Une question d'intendance d'abord. M. Robinson nous a prévenus qu'il souhaite déposer une motion concernant le financement de l'ACDI à la fin de la séance. Nous allons donc réserver quelques minutes pour cela.
• 0935
Madame la ministre, c'est sans doute vous qui avez convaincu
M. Robinson de déposer cette motion, n'est-ce pas? C'est une
manigance à vous deux, n'est-ce pas?
L'honorable Diane Marleau (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Je pensais que c'était mon M. Robinson à moi qui était dans la connivence.
Le président: Chapeau! Vous avez réussi à court-circuiter tous les membres du comité.
Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le président, nous allons, nous aussi, avoir une motion à déposer auprès du comité.
Le président: Oui.
M. Daniel Turp: À 10 h 30 nous aurons le texte de la motion qui porte sur l'Algérie.
Le président: D'accord. Mais j'informe les membres de ce comité qu'un autre comité siégera ici à 11 heures. Il faut donc que nous quittions la salle à 11 heures. Donc, tout dépend de ce que nous déciderons par rapport à nos visiteurs. Nous pouvons peut-être leur laisser 15 minutes pour débattre de ces deux motions.
En plus, M. Robinson nous a dit qu'il aimerait convoquer comme témoin.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Le nouvel ambassadeur en Birmanie.
Le président: Peut-être pourrait-on en discuter à la prochaine réunion du Sous-comité du programme et de la procédure.
M. Svend Robinson: Il y a une réunion de prévue?
Le président: D'accord.
M. Daniel Turp:
[Note de la rédaction: Inaudible].
Le président: Aussitôt que possible.
M. Daniel Turp: Cela s'impose.
[Traduction]
Le président: «Quand allons-nous nous retrouver tous les trois? Sous le tonnerre, les éclairs ou la pluie?» Comme le disent les sorcières dans Macbeth.
Très bien. Madame la ministre, auriez-vous l'amabilité de commencer. Auparavant, toutefois, je tiens à vous féliciter vous-même ainsi que l'agence à propos de votre rapport sur le rendement. C'est un document beaucoup plus complet que par le passé. Même s'il y a toujours des questions lorsque l'on a affaire à un document comme celui-là—on peut peut-être contester des chiffres ou certaines orientations—, il reste que pour bien comprendre l'activité du ministère, j'ai trouvé le document très utile. Je vous remercie beaucoup. Les autres membres du comité sont sans doute du même avis que moi.
[Français]
Mme Diane Marleau: Merci, monsieur le président et bonjour, mesdames et messieurs.
Je suis vraiment heureuse de me trouver parmi vous aujourd'hui pour parler de l'ACDI et de toutes les bonnes choses qu'elle fait un peu partout dans le monde. D'ailleurs, je me plais à croire que le rôle de l'ACDI, dans plusieurs pays, a facilité un peu la tâche. On sait ce qui vient de se passer ici à Ottawa: 125 pays, je crois, ont signé l'accord en vue de se débarrasser des mines antipersonnel. Alors, je pense que c'est un beau succès remporté par tous les Canadiens et Canadiennes.
Je crois qu'on vous a distribué certaines notes. Si vous le voulez bien, je vais suivre le même plan.
Mesdames et messieurs, vous savez que l'action de l'ACDI sur le plan international est d'abord dictée par les valeurs canadiennes, c'est-à-dire par le souci du bien-être d'autrui et aussi par le contexte mondial d'interdépendance qui lie notre prospérité aux marchés des pays en développement et qui menace notre sécurité par le biais de la pauvreté, de la dégradation environnementale et de la violation des droits de l'homme, qui sont justement les problèmes auxquels s'attaque l'assistance internationale.
Avant d'aborder la question du budget, j'aimerais expliquer brièvement pourquoi le programme d'aide est important pour le Canada et les Canadiens, comment il s'insère dans le cadre de la politique étrangère du Canada et quels bénéfices ce programme rapporte au pays.
L'interaction entre les questions intérieures et internationales s'accroît. Les maladies, les problèmes environnementaux, la pauvreté et ses conséquences sont tous des questions qui transcendent les frontières et qui touchent tous les membres de la communauté internationale.
Le Canada ne fait pas exception. De plus en plus, notre bien-être repose sur notre capacité de régler les problèmes ici au Canada et à l'étranger. Cela signifie que nous devons pouvoir jouer un rôle dynamique dans les pays en développement, où vit la grande majorité de la population mondiale. Voici quelques exemples de défis à relever.
Comme vous pouvez le constater en lisant les pages 2 à la page 9 de notre présentation, les défis de développement sont énormes. Permettez-moi d'en mentionner trois.
• 0940
Premièrement, il y a la pauvreté. Plus de 1,3 milliard
d'êtres humains vivent dans une pauvreté abjecte avec
un revenu de moins de un dollar par jour.
Deuxièmement, il y a la surpopulation. La population mondiale croît à un rythme rapide et 95 p. 100 de cette croissance a lieu dans les pays en développement.
Troisièmement, il y a l'environnement. L'industrialisation des pays en développement aura un impact énorme sur les changements climatiques.
Comme vous le verrez plus loin dans mon exposé, le programme d'aide est l'un des moyens par lesquels le gouvernement tente de régler ce problème dans les pays en développement. Si vous voulez aller un peu plus vite, passons maintenant à la page 10.
La coopération pour le développement est une initiative complexe qui englobe une multitude d'enjeux et de défis. Le Canada adopte une approche souple face aux enjeux et aux défis du développement et met à profit les aptitudes et compétences de nombreux partenaires, tant à l'échelle nationale qu'internationale.
Ces partenaires sont des organisations non gouvernementales, des entreprises, des universités et des collèges, des administrations fédérales, provinciales ou municipales canadiennes et les nombreux partenaires sur la scène internationale et dans les pays en développement.
Le Canada modifie son approche en fonction des besoins des pays en développement. Pour ce faire, il doit mettre en oeuvre une diversité de programmes novateurs et souvent complexes.
En dépit de ces défis, il y a eu beaucoup de progrès. À la page 11, on indique les progrès accomplis dans les secteurs importants: l'espérance de vie, la mortalité infantile, l'alphabétisation et l'économie.
Le programme de coopération du Canada a été l'un des éléments de ce succès et nous continuons à bâtir sur les expériences acquises. À titre d'exemple, prenons les micronutriments. La carence en vitamine A chez les enfants les rend vulnérables aux infections et diminue leurs chances de vivre au-delà de cinq ans. L'apport en suppléments vitaminiques peut réduire ces taux de près de 25 p. 100. De récentes études révèlent que l'apport de vitamine A avant la naissance permet de réduire le nombre de décès liés à la grossesse. On en dénombre près de 600 000 par année. L'ACDI et le Canada sont des chefs de file dans la promotion de l'emploi de la vitamine A.
Le Canada joue un rôle clé dans les initiatives mondiales visant à réduire la carence en iode. Celle-ci entraîne des troubles mentaux et physiques graves chez les enfants. Pourtant, on peut facilement la prévenir par l'ajout d'iode au sel de table, au coût minime de 1,37 $ par enfant. L'Initiative pour les micronutriments, siégeant à Ottawa et financée par l'ACDI, est un des organismes agissant comme chef de file dans le combat de la carence en iode. L'UNICEF estime qu'en 1995, la contribution du Canada à cet égard a permis d'éviter à plus de sept millions d'enfants les troubles mentaux associés à la carence en iode. Notre engagement et nos investissements précoces de 20 millions de dollars ont permis d'attirer d'autres donateurs et de lever des fonds additionnels pour cette importante initiative. Les investissements mondiaux consentis depuis 1986 pour lutter contre la carence en iode atteignent un milliard de dollars.
Les activités illicites et la corruption constituent des obstacles majeurs à l'avancement de nombreux pays. Elles nuisent au processus de développement et entraînent le gaspillage de ressources déjà limitées.
Récemment, au Mozambique, j'ai assisté à une conférence sur la corruption qu'avaient organisée la Coalition mondiale pour l'Afrique et Transparency International. J'ai été très impressionnée par le détermination des Africains à résoudre le problème.
Compte tenu de son expérience au niveau de la gestion des affaires publiques, du secteur privé et de la réforme juridique, le Canada peut jouer un rôle majeur dans ce dossier.
• 0945
Pour sa part, l'ACDI cherche des moyens d'aider les
pays en développement à lutter contre la corruption
grâce à ses programmes, avec la collaboration
d'organisations oeuvrant dans le domaine et celle
d'autres ministères.
[Traduction]
À la page 12, vous voyez que le programme d'aide internationale profite au Canada et appuie nos trois objectifs de politique étrangère: la prospérité, la sécurité et nos valeurs.
Tout d'abord, les menaces contre la sécurité humaine, la paix et la stabilité sont de plus en plus attribuables à la pauvreté, la maladie, la dégradation du milieu et la violation des droits de l'homme. Le programme d'aide est un outil de lutte contre ces fléaux. C'est une façon de protéger la sécurité du Canada.
Les pages 13 à 16 illustrent les bienfaits économiques du programme d'aide. Les retombées directes sont importantes et comprennent des emplois ainsi que la vente de produits et de services canadiens. Le potentiel le plus important se trouve dans l'activité commerciale qui découle du programme. En effet, le programme d'aide donne aux entreprises canadiennes l'occasion d'établir le contact avec les marchés en plein essor des pays en développement.
Vous trouverez à la page 13 des exemples de l'ampleur de ces avantages. Ces contacts, qui sont souvent les premiers, profitent à l'entreprise canadienne à la grandeur du territoire. Ne vous y trompez pas non plus, les pays en développement en profitent aussi, grâce au transfert de compétences et de technologies et aux investissements.
Les deux pages suivantes, 14 et 15, énumèrent des exemples de partout au pays. Toutes les régions et un large éventail de secteurs y sont représentés, mais je voudrais en mettre deux en évidence.
Le premier est un exemple de coopération qui profite à l'économie canadienne et qui nous aide dans le dossier des changements climatiques. L'ACDI finance un projet pilote de combustion propre du charbon dans une centrale électrique en Chine. La société Babcock and Wilcox de Cambridge en Ontario réalise les travaux. Il faut savoir qu'il y a au moins un millier de centrales fonctionnant au charbon en Chine. Cela représente donc un potentiel de retombées énormes pour le Canada ainsi que d'éventuels travaux de suivi. Ce projet pourrait également permettre au Canada de contribuer à la lutte contre les changements climatiques parce que le Canada dépend énormément de la combustion de charbon polluant pour répondre à ses besoins en énergie. Cette expérience pourrait littéralement être répétée un millier de fois et être reprise dans d'autres pays.
Le deuxième... à la page 16, montre quelle conséquence un contrat de l'ACDI peut avoir pour une entreprise canadienne concurrentielle, novatrice et désireuse de prendre des risques. En 1992, l'ACDI a passé un marché avec Agriteam pour exécuter un projet d'une valeur de 9,9 millions de dollars en Chine. Il s'agit de production de viande de porc maigre.
Au bas de la page, vous pourrez constater vous-mêmes le nombre de marchés concurrentiels que Agriteam a enlevés depuis. Ce succès tient pour beaucoup à l'excellence de la société. Vous pouvez le voir sur le graphique de la page 16. Il est impressionnant de voir combien de contrats ont pu être décrochés à la suite d'un premier contact.
Le diagramme de la page 16 a en fait été préparé par Agriteam et présenté à l'ACDI lors d'une rencontre avec l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, tenue en Colombie-Britannique au début de l'année. L'entreprise a reconnu que l'aide de l'ACDI avait été déterminante et que c'est ce qui lui avait permis de prendre pied dans ce marché. C'est toute une réussite, comme vous pouvez le voir. Beaucoup d'autres sociétés comme Agriteam ont connu le même succès dans les marchés des pays en développement.
Ces initiatives financées par l'ACDI aident aussi nos jeunes à se préparer pour l'avenir. À la page 17, le thème est «investir dans la jeunesse». En 1996-1997, environ 2 000 jeunes Canadiens ont travaillé à l'étranger dans le cadre des programmes soutenus par l'ACDI, ce qui leur a permis d'acquérir des connaissances et des compétences prisées par les employeurs canadiens. La participation aux activités soutenues par l'ACDI leur permet de mieux comprendre le monde en développement, qui sera au centre de l'économie mondiale dans le siècle prochain. L'évaluation d'un de ces programmes pour jeunes a révélé que 96 p. 100 des anciens participants avaient trouvé un emploi.
• 0950
À la page 18, le thème est «investir dans l'influence
internationale». Le programme d'aide rehausse notre influence dans
le monde. Il nous vaut une réputation enviable dans la communauté
internationale, ce qui nous ouvre des portes et nous donne une voix
plus influente. C'est le lien principal du Canada avec 50 pays et
un élément de premier ordre dans nos rapports avec beaucoup
d'autres.
M. Svend Robinson: Excusez mon interruption, monsieur le président, mais nous avons ici un document très utile dont la ministre est en train de nous donner lecture. Comme le temps presse et que nous voulons poser le plus de questions possible, je me demandais si...
Mme Diane Marleau: Nous avons presque terminé.
Le président: J'ai remarqué qu'elle approchait de la fin.
Mme Diane Marleau: Oui.
M. Svend Robinson: Entendu.
Le président: D'autant plus que c'est très intéressant.
M. Svend Robinson: Fascinant.
Mme Diane Marleau: Vous ne voulez pas entendre parler de toutes les belles choses que nous faisons?
Cela donne au Canada plus de voix dans les organisations internationales comme la Banque mondiale et l'ONU, et cette influence nous aide dans d'autres dossiers de politique étrangère.
Le programme d'aide ajoute aussi à notre influence dans le domaine des droits de l'homme. C'est l'un des meilleurs outils dont le gouvernement dispose pour en faire la promotion à l'étranger. Cela nous permet de favoriser l'évolution et c'est un secteur où l'ACDI consacre depuis peu une plus grande proportion de ses moyens. Par exemple, nous avons aidé Haïti à se doter d'un appareil judiciaire, et un groupe de femmes en Chine à mieux comprendre leurs droits. Nous avons aussi dépêché plus de 60 missions d'observation et d'aide au processus électoral dans plus de 40 pays au cours des cinq dernières années.
À la page 19, il est question des valeurs canadiennes que nous avons en commun.
À la page 20, on voit l'appui vigoureux que les Canadiens accordent au programme d'aide: 80 p. 100 des Canadiens sont en faveur de notre programme d'aide, proportion qui passe à 86 p. 100 s'ils sont mieux renseignés; 65 p. 100 de ces derniers appuient fermement le programme.
Comme tous les ministères, l'ACDI a mis l'épaule à la roue et contribué à remettre l'ordre dans les finances publiques. Comme l'illustre le tableau de la page 21, cet apport a été considérable.
Le tableau de la page 22 montre l'effet que ces réductions ont eu sur le ratio APD/PIB.
[Français]
En terminant, j'aimerais souligner l'importance pour le Canada du programme d'aide et de nos relations avec les pays en développement. Le programme d'aide permet de créer des liens avec le monde en développement et nous permet ainsi de nous pencher sur des enjeux qui sont de plus en plus importants pour le Canada, d'accroître notre influence et de jouer un rôle prépondérant dans la création du monde dans lequel vivront les futures générations.
La Conférence sur les mines terrestres et la convention signée hier illustrent comment la réputation du Canada, attribuable en partie au programme d'aide, nous fournit l'occasion de jouer un rôle de leader dans des questions de première importance.
Grâce à cette réputation, notre rôle dans ce dossier s'est avéré déterminant. Notre leadership au sujet des mines terrestres nous démontre également que les Canadiens et Canadiennes ont la volonté de bien faire dans le monde. Notre pays n'a jamais été un champ de mines. Nous n'avons pas subi les horreurs de la guerre à l'intérieur de nos frontières depuis le dernier siècle. Notre préoccupation concernant les mines terrestres ne reflète que notre souci d'aider les autres et d'assurer leur bien-être.
L'engagement à améliorer le bien-être de l'humanité dans le monde entier est une importante tradition de la politique étrangère canadienne. C'est un élément fondamental de l'image qu'ont les Canadiens d'eux-mêmes et c'est au coeur même de l'appui qu'apportent les Canadiens au programme d'aide.
Les Canadiens s'attendent à jouer un rôle de premier plan en matière de coopération internationale et à partager leur bonne fortune avec les autres. Les besoins des pays en développement sont clairs. Il est également clair que nos possibilités sont nombreuses en matière de développement et que notre participation est très recherchée.
Maintenant, il me fera plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, madame la ministre. M. Robinson verra sans doute dans les minutes supplémentaires que vous avez prises, un argument de plus en faveur de sa motion, qu'il défendra tout à l'heure. Nous allons donc retrancher de son temps de parole celui que vous avez pris.
C'est une juste façon de partager le travail au comité.
Monsieur Grewal.
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à la ministre, à la présidente et au vice-président. J'aurais aimé que le rapport de l'ACDI nous parvienne plus tôt, ce qui nous aurait permis d'examiner minutieusement cet excellent rapport.
J'ai quelques brèves questions à poser. Je demande à la ministre d'être brève elle aussi, de manière à ce que je puisse poser toutes mes questions dans le temps qui m'est donné.
Monsieur le président, à deux reprises la ministre a déclaré que le programme de vaccination serait remplacé. J'ai beau passer en revue les postes du budget, je n'arrive pas à trouver le poste en question. Où sont les crédits affectés au programme de vaccination?
Mme Diane Marleau: Les crédits sont là. Cela fait partie de nos attributions courantes. Les employés de l'ACDI sont en train de mettre sur pied d'autres programmes. Certains existent déjà. Il y en a dans le reste de l'Afrique et un autre assez important avec l'organisation Rotary International. Nous finançons cette ONG qui fait beaucoup de travail.
Pendant dix ans, nous avons financé un très grand programme de vaccination, mais l'objectif était de le rendre durable. Aujourd'hui, il l'est dans les pays où il existait.
Il faut maintenant voir où sont les faiblesses. C'est ce que l'ACDI fait maintenant, et lorsque nous saurons où il vaut mieux investir, c'est ce que nous ferons.
M. Gurmant Grewal: J'ai bien cherché, mais je n'ai rien trouvé. Pouvez-vous me dire combien coûtera le programme de remplacement?
Mme Diane Marleau: Nous n'avons pas encore décidé combien nous allions investir dans ce programme. Cela va se trouver dans le Budget des dépenses supplémentaire, que vous allez obtenir. Cela fera partie du budget. Ce sera décidé.
M. Gurmant Grewal: Ce programme de remplacement sera réalisé en 1997-1998, mais il ne figure pas dans le budget?
Mme Diane Marleau: Pas forcément, puisque nous sommes maintenant à la fin de 1997. Les représentants de l'ACDI ne m'ont pas encore présenté les nouvelles propositions. Il se peut que le nouveau programme ne soit pas mis à exécution avant le prochain exercice financier.
M. Gurmant Grewal: Madame la ministre, le troisième volet du programme permettrait de s'assurer que l'opération de vaccination est menée à bon terme. Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de troisième volet, ce qui inquiète aussi les organisations non gouvernementales.
Comment pouvons-nous terminer l'opération s'il n'y a pas de troisième volet, la phase la plus importante et la plus cruciale du programme?
Mme Diane Marleau: N'oubliez pas que nous avons beaucoup de programmes de santé dans le monde. Nous travaillons étroitement avec les pays en cause. Il est très important de s'occuper de leurs priorités à eux. Nous collaborons aussi avec beaucoup d'organisations non gouvernementales, comme l'UNICEF qui s'occupe aussi beaucoup de vaccination.
Nous allons continuer d'examiner l'usage que l'on peut faire des fonds que nous avons, probablement dans le but d'obtenir, par effet de levier, des sommes supplémentaires venant d'ONG ou du secteur privé, de façon à maximiser notre effort. Prenez le cas de la polio. La question de l'heure est de savoir quelle somme nous pourrons attribuer à l'élimination de la polio.
M. Gurmant Grewal: Madame la ministre, depuis de nombreuses années, les ONG et la population en générale ont du mal à obtenir que l'ACDI rende des comptes. Dans le rapport de 1994 sur le rendement de l'ACDI, la haute direction de l'agence a demandé la création d'un comité consultatif chargé de veiller à l'efficacité du régime d'octroi des marchés, de l'aide et de la bonne coordination des divers intervenants dans l'exécution de programmes d'aide. Vous avez dit qu'un comité sur l'efficacité de l'aide ne peut pas être créé. En réponse à ma question, le secrétaire parlementaire a déclaré que les compressions budgétaires et d'autres priorités—j'ignore quelles sont ces autres priorités, mais c'est l'une des raisons qu'on m'a données pour ne pas créer le comité consultatif sur l'efficacité de l'aide.
• 1000
La haute direction de l'ACDI savait qu'il devait y avoir des
compressions budgétaires en 1995, 1996, 1997, 1998 et dans
l'avenir. La privez-vous d'un instrument dont elle veut pour
améliorer l'efficacité et mieux justifier son action.
Mme Diane Marleau: Les gens de l'ACDI sont tout à fait capables de présenter quantité de projets et je les écoute avec attention. N'oubliez pas qu'en 1994, ils savaient peut-être qu'il y aurait des compressions, mais ils ne pouvaient pas imaginer qu'on leur demanderait d'amputer 30 p. 100 de leur budget. Ces compressions massives imprévues les ont obligés à revoir leurs façons de faire. Il y a d'autres comités consultatifs, me dit-on, qui arrivent aux mêmes résultats par d'autres moyens. N'oubliez pas que cela remonte à 1994, bien avant ces événements; depuis, ils ont préparé d'autres projets. J'imagine que leurs idées sont tout aussi bonnes que l'auraient été celles d'un comité consultatif.
Pour moi, cela aurait été un échelon de plus dans la bureaucratie. Honnêtement, après les compressions de 30 p. 100, ce n'est pas d'une bureaucratie plus lourde dont l'ACDI avait besoin. Elle devait faire mieux avec ce dont elle disposait—augmenter de toute aide de l'extérieur—et je pense qu'elle peut y arriver.
M. Gurmant Grewal: Mais les compressions budgétaires sont un argument de plus en faveur d'un comité consultatif sur l'efficacité de l'aide. Un comité comme celui-là, dont les membres viendraient de l'intérieur et de l'extérieur, améliorerait l'efficacité et suivrait de près l'adjudication des marchés, autour de laquelle, il y a déjà beaucoup d'interrogations. Ce serait une façon efficace de composer avec les compressions budgétaires. Comme la haute direction de l'ACDI l'a demandé, je pense que ce serait un bon outil.
Mme Diane Marleau: Comme je vous l'ai déjà dit, ces mesures ont été prises, mais cela ne porte pas le nom de comité consultatif supérieur. Actuellement, ils font une évaluation de leurs projets en fonction des résultats. Ils ont recours à des vérificateurs de l'extérieur qui font rapport au Parlement. Ils essaient de faire mieux avec les moyens qu'ils ont. Si la haute direction de l'ACDI avait cru que c'était la solution, il est certain qu'elle l'aurait proposée. Depuis, elle a changé son fusil d'épaule et a trouvé d'autres moyens de parvenir au même résultat. C'est souvent ce qui arrive dans les grandes organisations.
M. Gurmant Grewal: Brièvement...
Le président: Vos dix minutes sont écoulées. La liste est longue. Je vous redonnerai peut-être la parole.
M. Gurmant Grewal: Combien de temps reste-t-il?
Le président: Plus rien. Vous avez eu vos dix minutes.
M. Gurmant Grewal: Les réponses sont trop longues.
Le président: Je sais. Dix minutes, cela passe vite. J'espère pouvoir vous redonner la parole mais vous disposez de dix minutes au premier tour et de cinq au deuxième.
M. Turp, M. Robinson, puis M. Assadourian.
[Français]
M. Daniel Turp: Avant de faire mes observations et mes commentaires, j'aimerais remercier M. Lee de l'information sur les dates qu'il nous a préparée. Je la trouve très bien faite. Les questions que vous nous suggérez de poser sont tout à fait pertinentes et vous tenez compte de tout ce qui a été déjà fait par ce comité depuis le début des travaux de la Chambre. Je veux, au nom du Bloc québécois, vous remercier pour la qualité de ce travail. Vous allez voir que certaines des questions que vous proposez m'inspireront dans mes propres observations et questions.
Madame la ministre, madame la présidente, monsieur le vice-président, vous savez que le Bloc québécois s'intéresse et est tout à fait favorable à la façon dont votre ministère ou votre agence, à tout le moins, s'acquitte de ses responsabilités et met en oeuvre la politique d'aide au développement du Canada. Nous sommes toujours heureux d'appuyer les initiatives et les politiques qui, à notre avis, mettent en cause des valeurs communes au Canada et au Québec et que le Bloc québécois va continuer de promouvoir.
• 1005
J'ai trois séries de questions à
vous poser. La première en est une qui porte sur le
niveau d'aide au développement. Bien sûr, c'est une
question qui sera débattue dans ce comité en raison de
la motion que nous présente notre collègue, M.
Robinson.
Madame la ministre, que faites-vous pour que le déclin de l'aide publique en développement cesse? Et que proposez-vous à vos collègues du Conseil des ministres pour que nous atteignions à nouveau rapidement, le plus rapidement possible, l'objectif de 0,7 p. 100?
Je vous pose la question parce qu'il y a des autorités britanniques... J'ai parlé à Mme Short il y a quelques jours, puisqu'elle est présente ici à Ottawa. Elle m'a dit qu'elle se battait et qu'elle continuerait de se battre au sein de son gouvernement pour que cet objectif soit atteint. Elle m'a dit aussi qu'elle avait des mesures très concrètes, très précises à proposer à son gouvernement à cette fin.
C'est là ma première question.
Voici la deuxième. Je voudrais savoir où vous en êtes dans votre réflexion sur le lien entre l'aide, les droits de la personne, la démocratie et le bon gouvernement, qui est une de vos priorités stratégiques, si j'ai bien compris. Où en est votre réflexion et où en sont les mesures que vous prenez en ce qui concerne les États qui violent de façon systématique et flagrante les droits de la personne? Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples récents de mesures punitives? Ce ne sont pas les seules. Ce ne sont sans doute pas les meilleures, mais elles doivent s'imposer à l'occasion.
De telles mesures ont-elles été appliquées? Est-ce qu'il y a eu suspension de l'aide dans certains cas à cause de violations systématiques et flagrantes des droits de la personne?
Ma dernière question découle aussi de ma discussion avec Mme Short, de la lecture du document qu'elle a préparé pour son gouvernement, Eliminating World Poverty, et surtout de ce qu'elle fait pour convaincre l'opinion publique britannique de l'importance de l'aide au développement. Où en est l'opinion publique canadienne et québécoise sur l'aide publique au développement? Comment faites-vous et quelles mesures prenez-vous pour vous assurer de ce soutien de l'opinion publique, dont on dit qu'il est indispensable pour nous assurer que le niveau d'aide ne diminue plus mais augmente?
Voilà mes trois questions.
Mme Diane Marleau: Trois très bonnes questions, faut-il dire.
Premièrement, j'ai préparé un plan d'attaque avec le Cabinet. J'ai fait déjà plusieurs présentations afin de les convaincre d'arrêter le déclin de l'aide et j'espère qu'on m'a écoutée.
Le premier défi, c'est d'arrêter la coupure qui aura lieu l'année prochaine, qui est de 150 millions de dollars. Pour moi, c'est la première chose à faire. Si on pouvait au moins bloquer cela pour l'année qui vient, ce serait une grande victoire. J'espère qu'au moins on aura réussi à calmer un peu l'envie d'imposer de telles coupures. On est en grandes discussions, comme vous l'avez lu dans les journaux. Il y a donc toutes sortes de choses qui se passent. Je suis certaine que vous allez en constater les résultats dans le premier budget.
La tâche se poursuit et j'apprécie beaucoup l'appui des partis d'opposition à cette démarche-là. C'est bien important pour moi. J'apprécie aussi le soutien de mes collègues, et j'en ai plusieurs au sein du Parti libéral comme au Cabinet des ministres. J'espère qu'on atteindra une certaine réussite, mais ce n'est pas encore fait.
M. Daniel Turp: Le ministre des Finances est-il de votre côté?
Mme Diane Marleau: Le ministre des Finances est toujours bien gentil. Il dit toujours de bien belles choses, mais il en faut plus pour déterminer ce qui va se passer au moment de la présentation du budget. Comme je vous le dis, les décisions n'ont pas encore été prises et nous allons continuer. Nous avons bon espoir de gagner certaines victoires, mais ce n'est pas encore fait.
M. Daniel Turp: Est-ce que je peux vous demander à quel moment seront prises les décisions, afin que nous, les partis politiques, puissions exercer les pressions qui s'imposent en temps voulu?
Mme Diane Marleau: Je dirais qu'au cours du prochain mois certainement, ou même au cours des deux prochaines semaines, les décisions vont s'amorcer pour se confirmer au début de janvier; elles seront complètement arrêtées pour la mi-janvier.
M. Daniel Turp: Merci.
Mme Diane Marleau: En ce qui a trait au programme d'aide et aux droits de la personne, surtout dans certains pays, nous insistons sur la programmation dans ces domaines-là. Vous me demandez si nous avons pris des actions punitives. Oui, nous en avons pris. J'oserai citer le cas du Niger. Nous avons complètement coupé notre aide au Niger lorsqu'il y a eu des problèmes sérieux. Dernièrement, nous avons recommencé à négocier avec le Niger en vue de reprendre un certaine partie de la programmation parce que le Niger a fait des efforts considérables en vue d'instaurer un bon gouvernement et la démocratie.
Nous avons coupé tous nos programmes au Nigeria. Il y a plusieurs pays où nous avons pris la décision de ne plus appliquer du tout la programmation de l'ACDI. Dans d'autres pays, tels la Chine et le Vietnam, nous travaillons de très près dans certains domaines, par exemple la formation des juges et l'installation d'un programme d'aide juridique. Aussi, nous avons eu un programme pour apprendre aux femmes chinoises comment utiliser leurs droits.
Au Vietnam, comme exemple, nous avons appliqué un programme à l'intention des femmes qui se présentaient aux élections. Pour tout vous dire, le Vietnam n'est pas un pays où la femme est très avancée, mais le programme a été tellement efficace que les hommes en ont été même un peu contrariés, car les femmes ont gagné 35 p. 100 des postes, je crois. C'était très surprenant pour les gens du Vietnam. On nous a même reproché de ne pas avoir appliqué de programme à l'intention des hommes. Ils étaient un peu jaloux. Donc, nous avons certains programmes, comme celui-là, qui réussissent très bien.
Vous savez, les montants d'argent qu'on a à consacrer à ces tâches ne sont pas énormes et on essaie de faire des percées dans certains domaines. Nous avons beaucoup de succès, je peux vous le dire, surtout dans ces domaines-là.
On donne aussi souvent une formation aux journalistes. Du Vietnam, on en a amené au Canada qui ont pu faire une sorte de stage auprès de journalistes canadiens. Ce sont pour nous des façons d'encourager une certaine ouverture. Cela ne fait pas plusieurs années qu'on a des programmes en Chine ou au Vietnam. Ce n'est qu'un début.
J'ai rencontré le ministre de la Justice lors de la dernière visite du président, et nous sommes en train de préparer un autre programme dans le domaine judiciaire, qui me donne grand espoir. Ils ont l'air d'être bien ouverts à l'idée de travailler avec nous et d'apprendre comment s'y prendre.
• 1015
Alors, il faut continuer, j'en suis convaincue, parce
que c'est la seule façon de
provoquer une ouverture d'esprit dans certains pays.
Maintenant, dans le troisième volet de votre question, vous parlez de convaincre l'opinion publique. Vous savez, lorsque l'ACDI a appris qu'elle devait subir des coupures vraiment extraordinaires de 30 p. 100 de son budget, la première réaction a été de continuer à aider les plus pauvres.
En effet, elle avait presque décidé que ces programmes-là n'étaient pas aussi importants. Je peux vous dire que, pour moi, ils sont très importants et que nous allons mettre l'accent dans ce domaine-là. Je pense que les Canadiens ont besoin de connaître le beau travail de l'ACDI. C'est de cette seule façon qu'il sera possible de conserver le soutien des Canadiens et des Canadiennes partout. Si on ne leur dit pas les bonnes choses qu'on fait, ils ne continueront pas à vouloir nous soutenir.
Alors, nous allons faire davantage. Mais il faut dire que c'est un retour à des pratiques qui existaient auparavant. Nous allons examiner de quelle façon nous pouvons nous servir de nos dollars pour compter sur l'opinion publique.
Vous avez vu dans ma présentation qu'on a fait un sondage et que les Canadiens, lorsqu'on le leur demande, ont vraiment une ouverture d'esprit remarquable. On a dit que 80 p. 100 des Canadiens soutenaient notre programme d'aide. Lorsqu'on modifiait un peu la question, le pourcentage montait à 86 p. 100, et 65 p. 100 des Canadiens appuyaient fortement les programmes d'aide.
Mais on peut toujours faire davantage.
Le président: Merci, madame la ministre.
Le temps qui vous est alloué est terminé maintenant, monsieur Turp. Je m'en excuse. C'est maintenant au tour de M. Robinson.
[Traduction]
M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. Je vais moi aussi souhaiter la bienvenue à la ministre et aux représentants de l'ACDI.
J'ai des questions sur trois points. Tout d'abord, je veux revenir sur la question essentielle de l'ampleur de l'effort du Canada. La ministre dit mener une chaude lutte au conseil des ministres pour abroger la compression proposée de 8 p. 100 et, j'espère, pour renverser la vapeur de manière à nous acheminer vers l'objectif de 0,07 p. 100 que le Canada s'est donné et qu'il a confirmé à de nombreuses reprises.
Cela me réjouis. J'espère que les collègues de son parti ainsi que tous les députés de l'opposition prêteront main-forte au ministre et diront haut et fort au comité que cette promesse est capitale. Il faut absolument abroger ces compressions.
Si jamais elle devait aller de l'avant, je crois savoir que le Canada passera du 11e au 15e rang des pays donateurs d'aide étrangère. Il y a quelques années, nous étions au 5e rang. Nous sommes passés au 11e et maintenant ce sera le 15e. C'est une baisse honteuse de notre effort. Je ne pense sincèrement pas que cela corresponde aux voeux des Canadiens.
Je voudrais poser une ou deux questions sur l'aide proprement dite puis passer à deux points précis. La première question porte sur la proportion de l'aide qui est affectée aux pays les moins avancés, les plus pauvres de la planète.
Le CCCI a fait remarquer que la proportion de l'aide canadienne affectée aux pays les plus démunis est passée de 0,14 p. 100 du PIB en 1992-1993 à seulement 0,08 p. 100 en 1995-1996.
J'aimerais que la ministre s'engage à examiner et, j'espère, à renverser cette tendance que je trouve très troublante. Nous devrions au contraire augmenter notre aide aux pays les plus pauvres pour qu'elle atteigne l'objectif de l'ONU de 0,15 p. 100 du PIB.
Je vais poser toutes mes questions d'une traite, puis la ministre pourra y répondre.
Quelles mesures prend la ministre pour atteindre l'objectif de 0,15 p. 100 du PIB pour les pays les moins avancés, objectif de l'ONU?
Deuxièmement, se pose ensuite la proportion de notre APD affectée à la satisfaction des besoins fondamentaux. D'après le rapport sur le rendement, le chiffre serait d'environ 38 p. 100.
• 1020
L'aide d'urgence et peut-être aussi l'aide alimentaire ne
devraient pas faire partie des besoins fondamentaux. On parle ici
de besoins fondamentaux à long terme. J'aimerais que la ministre
nous dise quelles mesures sont prises pour consacrer davantage de
crédits à la satisfaction des besoins fondamentaux, à l'exclusion
de l'aide d'urgence.
J'ai des questions sur deux autres points. Il y a d'abord notre effort à l'échelle mondiale pour la lutte contre le sida. Dans sa déclaration au comité ce matin, la ministre a parlé des ravages de la maladie, en particulier dans le Sahel.
À l'époque où elle était ministre de la santé, elle-même a assisté à la signature de la déclaration de Paris à l'occasion du sommet sur le sida en décembre 1994.
Pourtant, l'évaluation indépendante de la stratégie nationale sur le sida, phase II, s'est montrée très critique à l'endroit de l'ACDI. Je veux le signaler tout particulièrement à la ministre; Mme Labelle le saura sans doute également.
Il est dit dans l'évaluation que le gouvernement fédéral a joué un rôle relativement faible dans l'amélioration de la situation du VIH-sida. On dit également que l'ACDI, qui participe directement aux efforts internationaux, semble agir tout à fait indépendamment du reste de la stratégie.
J'aimerais que la ministre nous assure que l'ACDI va réagir à ces inquiétudes dans le cadre de la phase III de la stratégie nationale sur le sida. L'ACDI jouera un rôle beaucoup plus actif et visible et, surtout, accroîtra les fonds destinés aux ONG canadiennes qui travaillent dans le domaine.
La coalition interagence sida et développement a vu son financement entièrement supprimé en 1996, selon mes renseignements. J'aimerais que la ministre fasse preuve de leadership dans ce domaine.
Enfin, j'aimerais savoir quelle est la politique de l'ACDI en ce qui concerne la participation au barrage des Trois-Gorges en Chine.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): C'est le meilleur projet au monde.
M. Svend Robinson: Pour les besoins du compte rendu, je précise que c'est M. Reed qui vient de parler.
Allez-y, madame la ministre.
M. Julian Reed: Je n'ai pas à m'excuser d'avoir dit cela.
Le président: Laissez la ministre répondre à la question.
Mme Diane Marleau: Tout d'abord, 72 p. 100 de notre aide bilatérale va aux pays les plus démunis. Voilà qui répond à votre première question.
M. Svend Robinson: Je parlais du pourcentage, de la proportion.
Mme Diane Marleau: Je n'ai pas ce chiffre. Je pourrais vous le faire parvenir.
C'est une comparaison avec le produit intérieur brut qui, comme vous le savez, est en train de baisser. Comme celui-ci baisse, il y aura forcément aussi une baisse de l'aide, quelle que soit l'unité de mesure.
C'est ce que vous m'avez posé comme question.
M. Svend Robinson: Non, j'ai dit que la proportion du PIB affectée aux pays les plus démunis avait baissé.
Mme Diane Marleau: C'est vrai, comme tout le reste de l'argent, par rapport à notre PIB. L'un ne va pas sans l'autre. Notre aide a diminué, nous allons donc forcément, dans l'ensemble...
M. Svend Robinson: Mais la proportion de l'aide qui va aux pays les plus démunis a baissé.
Mme Diane Marleau: Je ne suis pas certaine que ce soit effectivement le cas, parce que nous avons essayé de maintenir notre aide aux pays les plus démunis. De fait, certains de ces pays sont dans un état de transition. Nous nous retirons graduellement de ce genre de programmes lorsque les pays semblent commencer à surnager parce qu'il faut continuer à aider les plus pauvres d'entre tous.
Vous avez dit que la proportion de l'aide affectée aux besoins fondamentaux est de 38 p. 100, mais cela comprend évidemment l'aide d'urgence.
Notre objectif est d'arriver à 30 p. 100 pour l'Afrique. C'est l'Afrique qui est la région la plus pauvre de la planète. Nous travaillons donc en ce sens. Si possible, nous allons y arriver dans les prochaines années.
En ce qui concerne le sida, je suis d'accord avec vous. Dans notre empressement à sabrer dans les budgets, on a tendance à oublier que le sida est un problème de plus en plus grave, surtout dans le Sahel.
J'étais à Harare au Zimbabwe... et le nombre de jeunes orphelins. J'ai visité un cimetière où il y avait des centaines de sépultures et tous avaient entre 20 et 30 ans. Comme vous le savez, le sida en Afrique frappe les hommes et les femmes. Beaucoup d'enfants en bas âge se retrouvent sans père ni mère. Les grands-parents s'occupent de leurs petits-enfants parce qu'aucun de leurs propres enfants n'ont survécu. Il faut absolument faire davantage et nous augmenterons notre aide dans ce domaine parce qu'il n'y a aucune raison...
M. Svend Robinson: Y compris à l'intention des ONG qui travaillent dans la région?
Mme Diane Marleau: Oui, y compris l'aide qui va à l'ACSP. Il le faut. Ce qui a été dur pour l'ACDI, c'est de composer avec ces compressions massives et d'équilibrer l'essentiel et le reste. Souvent, nous avons aussi essayé de nous servir de nos propres fonds pour en obtenir davantage.
C'est une des choses qui est très importante.
M. Svend Robinson: Et le barrage des Trois-Gorges?
Mme Diane Marleau: Nous n'avons rien à voir avec le barrage des Trois-Gorges.
M. Svend Robinson: Et pourquoi?
Mme Diane Marleau: Tout ce que je peux vous dire c'est que ce n'est pas un projet auquel nous avons participé. Je ne peux pas vous dire pourquoi. Je vous dirai seulement que nous n'y participons pas et que nous n'y avons jamais participé.
M. Svend Robinson: Madame Labelle.
Mme Huguette Labelle (présidente, Agence canadienne de développement international (ACDI)): Certains d'entre vous étaient peut-être ici il y a de nombreuses années, avant nous sans doute— vous vous souviendrez peut-être qu'il y a de nombreuses années l'ACDI avait financé l'évaluation environnementale du projet des Trois-Gorges, mais elle n'y participe plus depuis et elle n'y participe pas maintenant.
M. Svend Robinson: Ce sera ma dernière question et elle sera courte. La ministre a parlé de l'importance de la cohérence de la politique du gouvernement canadien. La ministre a-t-elle une opinion concernant le fait que d'une part, l'ACDI refuse de participer au barrage des Trois-Gorges et que, d'autre part, un autre élément du gouvernement, la SEE, est tout disposé à financer ce projet?
Mme Diane Marleau: Je n'ai pas eu d'entretien avec les représentants de la SEE et il va sans dire que cela ne relève pas de moi. Vous n'hésiterez sûrement pas à faire connaître vos vues à la SEE comme vous l'avez sans doute déjà fait.
M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président.
Le président: J'imagine, madame la ministre, que M. Robinson ne laisse pas entendre que l'ACDI devrait faire en tout point ce que fait la SEE. Le désir d'un grand nombre de partis à la Chambre était de s'assurer que l'ACDI remplisse un vide que ne comblaient pas d'autres organismes.
M. Svend Robinson: Je laissais entendre que la sagesse de l'ACDI pourrait s'appliquer à la SEE.
Le président: Je ne vois donc pas l'incohérence.
Monsieur Assadourian.
M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Bienvenue à nouveau, madame la ministre.
J'ai deux questions. La semaine dernière, nous avons pris connaissance d'un document d'où il ressortait que l'apport de chaque pays donateur, y compris le nôtre, fléchissait. Pour tirer le meilleur parti possible de nos dépenses, nous devrions peut-être concentrer nos ressources et nous spécialiser dans notre façon de venir en aide au reste du monde.
Nous sommes partout en train d'essayer de tout faire. Fort bien, mais si nous faisions porter notre attention sur le mouvement démocratique, par exemple, ou sur la médecine ou l'alimentation... Pourrions-nous dépenser moins tout en faisant davantage? En concentrant les ressources financières, en focalisant les efforts, peut-être que nous pourrions mieux aider les gens que nous le faisons à l'heure actuelle. Voilà donc une proposition.
En deuxième lieu, à la page 13, au premier point, on dit que chaque dollar réinvesti dans le PCI de l'ACDI nous rapporte 5,34 $ et rapporte 10,50 $ au pays bénéficiaire. Comment calculez-vous un tel résultat? Le même rapport s'applique-t-il à l'apport des ONG au Canada, ou est-ce le gouvernement qui fournit les 5,34 $ par dollar? Comment faites-vous le calcul à ce moment-là? S'il en est ainsi, si nous investissons un milliard de dollars dans les programmes de l'ACDI, cela va nous rapporter 5,34 milliards de dollars. Or, chaque milliard de dollars crée 11 000 emplois, de sorte que nous aurons 60 000 emplois. Cela fait beaucoup d'emplois.
Mme Diane Marleau: En effet, c'est vrai.
M. Sarkis Assadourian: Voilà mes deux questions, pouvez-vous les commenter?
Mme Diane Marleau: Tout d'abord, nous tentons de concentrer notre aide dans certains domaines, selon le pays. Nous ne pouvons tout faire. Nous le savons. Nous nous efforçons d'affecter nos dollars de façon stratégique. Par ailleurs, nous sommes très appréciés du fait que nous prenons la peine de déterminer avec les responsables des pays bénéficiaires comment nous pouvons leur être le plus utile. À cause de cela, bon nombre de nos initiatives sont des réussites. Nous ne tentons pas de nous imposer, puisque ce n'est pas la manière d'obtenir le meilleur résultat.
Voilà un aspect qui a beaucoup d'importance pour moi. J'ai passé toute ma vie dans les localités minières du nord de l'Ontario et j'ai vécu à Sudbury durant presque 35 ans, où j'ai fait partie du conseil municipal. Les responsables à Toronto avaient l'habitude de venir nous tirer d'affaires à Sudbury du fait que notre sort était lié au prix du nickel. Lorsque le prix baissait, nous subissions un chômage terrible—de l'ordre de 28 p. 100 ou 30 p. 100. Ces gens-là nous imposaient des programmes qui fonctionnaient bien dans leur contexte, à Toronto, à Ottawa ou dans un grand centre urbain, mais les résultats de tels programmes n'étaient jamais très bons pour nous. L'aide était parfois utile durant certain temps, mais jamais à long terme.
Vers la fin des années 70 ou au début des années 80, les gens de Sudbury ont décidé qu'ils n'accepteraient plus cette situation, qu'ils allaient faire appel à leurs propres moyens et décider de ce qui était important. Ils allaient décider quelles allaient être les bases de leur avenir et tenir à des programmes qui viendraient épauler les secteurs de base. Cette approche a beaucoup mieux réussi et aujourd'hui Sudbury se tire assez bien d'affaires. La population n'a pas baissé, mais le secteur des mines, qui employait quelque 26 000 personnes, en emploie moins de 5 000 aujourd'hui. De plus, le taux de chômage est à peu près comparable à l'heure actuelle à la moyenne nationale.
Ainsi, d'après mon expérience personnelle, lorsque l'on investit des programmes, il vaut beaucoup mieux de le faire en collaboration avec le pays bénéficiaire, en laissant à ses représentants l'occasion de proposer des solutions valables. Voilà l'approche que préconise l'ACDI, et c'est l'une des raisons qui expliquent la grande estime dont jouit le Canada. C'est l'approche qui caractérise une bonne partie de nos programmes à l'étranger, et je crois que nous voulons poursuivre dans cette voie.
Cela dit, nous allons investir dans certains domaines. En Chine, nous avons déclaré que nous aiderions les Chinois à réduire la pollution dans l'exploitation du charbon. Il s'agit pour nous d'un investissement fort intéressant puisque, d'une part, l'environnement représente l'une de nos priorités et que, d'autre part, les sociétés participantes y trouvent leur compte. Ces dernières ont accès à des contrats qui peuvent être financés par les pays eux-mêmes, par la Banque mondiale, ou par l'une des banques de développement régional.
Et ici les chiffres dont nous parlions, qui ont rapport au programme de coopération industrielle de l'ACDI, prennent tout leur sens. Les retombées d'un petit investissement sont tout à fait incroyables, aussi bien pour le Canada, sur le plan de la croissance économique à long terme, que pour les pays visés. Le programme étant assez nouveau, nous avons pu le suivre d'assez près. Je pense par exemple aux efforts d'un groupe de sociétés du secteur agricole qui arrivent à obtenir des contrats dans divers pays et à les faire financer par d'autres sources. Nous bénéficions des retombées aussi bien que les pays visés. Les ONG jouent un rôle important à cet égard. Le programme est une très grande réussite. Ces résultats sont multiples. Il est avantageux pour les pays bénéficiaires aussi bien que pour nous.
M. Sarkis Assadourian: Merci.
Le président: Voulez-vous intervenir assez brièvement, madame Augustine? Il reste trois minutes au bloc de dix minutes.
• 1035
Monsieur Reed, votre intervention sera-t-elle assez brève?
M. Julian Reed: Je suis capable d'être assez bref, monsieur le président.
Le président: Bien.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): J'aimerais avoir mes dix minutes.
Le président: Nous avons passé à cinq minutes.
M. Julian Reed: Je comprends bien que le projet des Trois- Gorges n'est pas à l'ordre du jour ce matin, mais je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure sur un ton de frustration. J'estime que le projet des Trois-Gorges est l'un des grands projets du genre, étant donné que le déplacement de 1,5 millions de personnes en Chine n'a rien de comparable au déplacement de 95 millions de personnes qu'entraînerait dans ce pays l'élévation d'un mètre de plus du niveau des océans. Je tenais à le dire.
Il est vrai que le gouvernement a imposé des compressions considérables à l'une des organisations les plus valables que nous ayons au Canada, mais j'ose croire que si le gouvernement ne l'avait pas fait et n'avait pas effectué d'importantes compressions partout dans le secteur public, l'ACDI n'existerait vraisemblablement plus aujourd'hui. Nous avons donc dû composer avec une situation extrêmement difficile, qui a d'ailleurs sans doute eu ses bons côtés. Elle a obligé les gens à être plus inventifs et astucieux au lieu de supposer qu'ils avaient accès à des sources de financement inépuisables.
J'ai remarqué que le mémoire est muet sur la planification démographique. Or, notre population est censée augmenter de 700 millions de personnes au cours de la période qui vient, dit-on. Je suppose que ces personnes seront parmi les plus défavorisées sur le plan économique. J'aimerais donc savoir si nous prenons des mesures pour éduquer la population mondiale en matière de planification démographique.
À titre de deuxième question, j'aimerais demander, et j'ai déjà annoncé la question à la ministre, comment l'ACDI collabore avec d'autres ministères pour ce qui est d'exploiter ensemble de nouvelles technologies mises au point au Canada, dans le cadre de projets qui pourraient être en quelque sorte des porte-étendards du Canada?
Je me souviens d'une expérience tentée en 1980 à Ste-Lucie où une usine de transformation du poisson construite par l'ACDI avait été alimentée en énergie par des moteurs diesel. La décision était tout à fait bizarre, à mon avis. À l'époque, le Canada était un chef de file en matière d'énergie solaire et on aurait donc pu concevoir des unités de refroidissement ou d'autres systèmes alimentés à l'énergie solaire.
J'espère donc que nous n'en sommes plus là et que l'ACDI et d'autres gouvernements se concertent désormais et s'interrogent sur les nouvelles technologies qui pourraient être appliquées à des projets. Voilà mes deux questions.
Mme Diane Marleau: En réponse à votre première question, je dirais que nous investissons des sommes considérables dans l'enseignement de base destiné aux jeunes filles. L'une des techniques de planification démographique les plus éprouvées consiste à instruire les jeunes filles et les femmes. Il est prouvé que plus les jeunes filles sont scolarisées, moins elles ont d'enfants. Nous considérons qu'il est très important d'aborder le problème de cette façon. Pour nous, c'est d'une importance primordiale. Dans tous les pays où nous sommes présents, nous favorisons la scolarisation des filles.
En Afrique, l'éducation de base est le fondement de toute notre action. En Inde et au Bangladesh, il faut instruire les filles puisque ce sont elles qui ont le moins de chance d'être scolarisées. C'est là une façon d'attaquer le problème et j'ai bien confiance que nous faisons de grands progrès dans ces domaines.
• 1040
Dans certains des États de l'Inde, les autorités ont elles-
mêmes pris les choses en main, s'étant rendu compte que c'était là
la meilleure façon de garantir une diminution de la taille des
familles.
Nous allons poursuivre nos efforts en ce sens. Pour nous, c'est une tâche essentielle.
Certains de nos programmes visent également à réduire la pauvreté. Les plus pauvres parmi les pauvres ont tendance à être ceux qui ont davantage d'enfants, notamment à cause de la mortalité qui frappe bon nombre de leurs enfants. Il leur faut des enfants pour pouvoir s'alimenter. Il leur faut une grande famille pour que les travaux se fassent. Certains de nos programmes visent donc à favoriser la santé de la mère et de l'enfant, de sorte que la famille n'aura pas besoin d'un si grand nombre d'enfants—étant donné qu'ils ne mourront pas en si bas âge. Nous allons poursuivre nos efforts à cet égard. Pour nous, c'est la meilleure chose à faire.
Le président: Merci, madame la ministre.
Permettez-moi de passer à quelqu'un d'autre, monsieur Reed. En effet, votre question a dépassé largement les trois minutes. Le problème est vaste.
M. Julian Reed: Mes excuses, monsieur le président.
Le président: Vous n'avez pas à vous excuser. Il s'agit d'une question importante. Par contre, je dois passer la parole à quelqu'un d'autre. Ce sera le tour de M. Mills. Nous tentons de limiter les interventions à cinq minutes.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Je veux tout d'abord souhaiter la bienvenue à la ministre, ainsi qu'à Mme Labelle et M. Robinson.
Si vous voulez bien donner de courtes réponses, je poserai de courtes questions.
Tout d'abord, Haïti. Le premier ministre a démissionné. Le Cabinet en a fait autant. Il n'y a plus d'emplois. Il n'y a plus d'enseignement. La criminalité est à la hausse dans les milieux policiers. Le système judiciaire ne fonctionne pas.
Un certain nombre de projets de l'ACDI se déroulent là-bas. Nos troupes quittent le pays en ce moment. Comment envisagez-vous la possibilité de poursuivre les projets en cours à Haïti?
Mme Diane Marleau: La situation est très complexe et difficile. Nous allons augmenter le nombre de nos policiers. Comme vous le savez, les Nations unies ont accepté de maintenir une force policière internationale de quelque 300 agents pour venir en aide à Haïti, à la demande même de ce pays. Nous participons à l'effort. En tout, nous aurons une cinquantaine d'agents sur le terrain. Nous continuons d'oeuvrer dans bon nombre des secteurs dont vous avez parlé. À court terme, la question de la sécurité se pose très nettement.
Nous oeuvrons également sur le plan institutionnel et donc, à moyen terme, à soutenir les institutions du gouvernement, de manière à encourager les autorités dans la mesure du possible à revenir à la démocratie et à créer un système judiciaire susceptible de fonctionner. À plus long terme, nous tentons de participer au développement économique de manière à favoriser la création d'emplois.
Il y a tellement à faire à Haïti.
Nous collaborons également dans le domaine de l'environnement, étant donné que les ravages du déboisement sont considérables.
Nous allons donc, dans la mesure du possible, nous efforcer de collaborer avec les Haïtiens, avec le corps policier des Nations unies, à gérer la situation sur le terrain à Haïti, tout en la suivant de très près.
M. Bob Mills: D'accord. Pour ce qui est de l'annonce d'hier sur les mines antipersonnel—nous allons dépenser 100 millions de dollars pour leur élimination, ce qui, bien entendu, ne représente qu'une goutte dans l'océan. Le financement viendra-t-il du budget de l'ACDI, ou d'une autre source?
Mme Diane Marleau: Il s'agit, nous a-t-on dit, d'argent frais, et il n'a donc pas encore été décidé tout à fait...
M. Bob Mills: Il y aurait donc un contribuable frais.
Mme Diane Marleau: La décision sera prise bientôt, je suppose, à savoir quels sont les ministères qui dépenseront l'essentiel du montant. L'argent servira en bonne partie au déminage et à l'aide aux victimes, des programmes qui sont tout à fait dans les cordes de l'ACDI.
M. Bob Mills: Si le financement vient de l'ACDI, cela vous limitera certainement dans d'autres domaines. Nous pourrons aborder cet aspect plus à fond.
En troisième lieu, nous avons un comité qui se penche sur le phénomène de l'enlèvement d'enfants. Sera-t-il possible d'utiliser l'aide au développement destiné à certains pays comme moyen de pression pour faire en sorte que certains de ces enfants reviennent au Canada?
Mme Diane Marleau: La chose est possible, je suppose, mais les pays qui posent les plus graves problèmes pour nous ne sont pas des pays visés par nos programmes d'aide. C'est ce qui...
M. Bob Mills: La France pose le principal problème.
Mme Diane Marleau: Nous y travaillons. Il s'agit d'un problème d'ordre diplomatique. Nous n'avons pas de programme d'aide qui vise la France, par exemple.
M. Bob Mills: Non.
Mme Diane Marleau: Encore une fois, ce serait envisageable, mais je ne crois pas que ce soit une bonne façon de résoudre le problème. Les pays où ce genre de problème existe sont rarement ceux où nos programmes sont de grande envergure.
M. Bob Mills: Il y en a certains, mais...
Mme Diane Marleau: Ils ont tendance à être...
M. Bob Mills: En quatrième lieu—et si je précède le président—
Le président: Vous me précédez toujours, monsieur Mills. La chose est parfois hasardeuse.
M. Bob Mills: Il s'agit de la coordination des efforts d'aide dans les pays où nous avons des ONG. Lorsque je suis allé en Bosnie, j'ai constaté que les divers organismes qui cherchaient à faire le même travail finissaient par jouer des coudes. Quels efforts déployez-vous—et ici Mme Labelle saura que j'ai déjà posé la même question—pour coordonner ces activités?
Mme Diane Marleau: C'est véritablement ce que nous souhaitons, et nous nous efforçons d'y arriver de toutes les manières possibles. La Bosnie est un bon exemple. Le ministère de la Défense nationale y collabore avec les Japonais et les Britanniques pour éviter le chevauchement de nos efforts. Cependant, nos seuls efforts ne suffisent pas toujours à assurer la coordination.
J'ai participé à des rencontres en Afrique où les Africains eux-mêmes demandaient aux pays donateurs de s'efforcer à travailler ensemble. Il est ridicule qu'ils doivent adresser leurs demandes à chacun des pays, à chacun des organismes, mais certains pays donateurs interviennent en fonction d'un objectif précis. Ils aident le pays, effectivement, mais ils le font en fonction de certains objectifs qui leur sont propres. Ce n'est pas toujours là une façon constructive d'assurer la coordination. Je vous prie cependant de croire que nous faisons de grands efforts de coordination et que, de plus en plus, nos efforts sont couronnés de succès.
D'ailleurs, c'est un aspect que nous allons certainement surveiller et mettre de l'avant en matière de mines antipersonnel. Pour nous, c'est extrêmement important, du fait que divers ONG, divers gouvernements, divers groupes effectuent des activités de déminage et viennent en aide aux victimes, tout cela d'une façon quelque peu fragmentaire. Si nous réussissons à mobiliser tous les intéressés et à élaborer une stratégie par pays, avec la collaboration du pays, je crois que nous pourrons éliminer les mines d'une façon beaucoup plus efficace, tout en aidant les personnes touchées.
Voilà mon objectif. J'ajouterais même que je vais prononcer un discours ce midi au sujet des moyens par lesquels l'ensemble des ONG et des pays donateurs peuvent travailler de concert avec les pays touchés pour faire en sorte que toutes les ressources financières que nous pouvons réunir servent davantage à aider les gens qu'à favoriser l'interfinancement.
Votre question est extrêmement valable. À l'heure actuelle, je crois que tous les pays estiment qu'il s'agit là d'une bonne idée. Nous allons battre le fer pendant qu'il est chaud.
Le président: Merci.
Je tiens à signaler un problème de procédure à l'intention des membres du comité. Deux motions nous ont été soumises. Deux députés doivent encore prendre la parole. Mme Augustine aussi bien que Mme Guay attendent depuis longtemps. J'aimerais leur donner l'occasion de prendre la parole. Ainsi, madame la ministre, il serait avantageux d'abréger...
Je crois que nous avons réussi à en arriver à une entente selon laquelle M. Robinson consent à une légère modification de sa motion, de sorte qu'elle recevrait l'assentiment de tous les membres du comité ici présents. Nous pouvons donc régler la question assez rapidement, après quoi, nous passerons à l'autre. Voilà ce que j'ai en tête.
Permettez-moi d'attirer l'attention sur le fait que nous avons l'avantage d'avoir parmi nous ce matin certains collègues parlementaires du Parlement européen, à savoir M. Michael Wood et M. Tony Cunningham. Nous accueillons également le secrétaire général de l'Assemblée nationale du Togo.
Soyez les bienvenus à nos délibérations. J'espère que vous ne les trouverez pas trop difficiles à suivre.
Madame Augustine, il vous revient maintenant d'illuminer de toutes vos lumières nos délibérations pour qu'elles soient agréables à nos hôtes de l'étranger.
Mme Jean Augustine: Je vais m'efforcer d'être concise.
Madame la ministre, je suis d'accord pour qu'on annule les réductions prévues en 1998 et je souhaite faire tout en mon pouvoir pour appuyer mes collègues à cet égard.
Ceux parmi nous qui sont à l'écoute de leurs électeurs—je pense par exemple aux représentants de Partnership Africa, d'OXFAM, de Vision mondiale, de CARE, de Partners in Rural Development, et d'autres organisations que je pourrais nommer—sont sensibilisés à divers enjeux. J'aimerais en soumettre quelques-uns à vos commentaires.
Je parlerai tout d'abord du fonds pour l'édification de la paix, qui relève du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Il y a également la question de la formation de la police haïtienne par la GRC; celle du financement de Radio-Canada international, les activités de déminage, etc. Tout vient s'ajouter au budget de l'ACDI.
Comment cela se répercute-t-il sur le budget de base de l'ACDI et comment cela a-t-il réduit les sommes dont vous disposez? Également, êtes-vous d'accord avec ceux qui soutiennent que l'argent semble être destiné à d'autres secteurs que celui des besoins humains fondamentaux?
Mme Diane Marleau: Je vous donnerai une réponse très brève. Je ne pense pas que c'est en créant des fonds distincts qu'on peut le mieux dépenser les sommes dont nous disposons. J'espère bien que notre budget ne fera pas l'objet de demandes additionnelles.
Il faut bien dire que les activités dont vous parlez ont fortement grevé notre budget. Il faut dire que la formation de la police à Haïti nous concerne. Dans tous les pays où nous sommes présents, nous cherchons à contribuer à la bonne marche des institutions des gouvernements. La formation de la police fait évidemment partie d'une telle démarche.
Elle cadre donc bien. Il ne s'agit pas d'une activité distincte. Les activités de déminage nous concernent également.
Tout cela cadre avec nos activités. Pour ce qui est des autres activités, nous les menons de toute manière. Il n'est certainement pas nécessaire de prévoir des fonds distincts à cet égard.
Mme Jean Augustine: On a également critiqué l'ACDI, et ce publiquement, du fait qu'elle n'élargit pas—ou réduit peut-être même—le bassin de ses compétences à l'interne. Dans un discours qui a eu de larges échos, on a reproché à l'ACDI d'embaucher des experts de l'extérieur, c'était je crois à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, et de n'être tout simplement pas en mesure de prendre certaines initiatives du fait qu'elle manquait de compétences à l'interne.
Avant de vous demander de répondre, je vous soumettrai une dernière question. Il s'agit des orientations du Livre blanc du Royaume-Uni publié récemment, qui s'intitule Éliminer la pauvreté dans le monde. On y présente un train de réformes, pour ce qui est notamment de respecter certains objectifs à l'échelle de la planète, de construire des partenariats, d'assurer la cohérence des politiques, d'affecter des ressources en vue d'atteindre 0,7 p. 100 du PIB, etc., et de mettre fin à l'appariement de l'aide au développement et des intérêts commerciaux.
J'aimerais savoir si nos orientations sont les mêmes et dans quelle mesure ce document reflète des intentions qui sont les vôtres.
Le président: Je m'excuse d'interrompre, madame la ministre, mais il nous reste six minutes. On me dit que nous devons quitter la salle. Normalement, un dépassement de dix minutes ne devrait poser aucun problème, mais la greffière m'informe du fait que nous devons partir.
Nous devons maintenant traiter de notre motion—
M. Svend Robinson: J'invoque le Règlement—et je sais fort bien que la ministre voudra répondre de façon succincte, tout comme je sais que Mme Guay a également des questions—j'ai avisé le comité de cette motion il y a de cela un certain temps déjà—
Le président: Je le sais fort bien.
M. Svend Robinson: —et je vous demanderais maintenant que nous passions à l'étude de la motion.
Le président: À ma connaissance, tous sont maintenant d'accord sur la motion. Je pense que nous pouvons l'examiner.
• 1055
J'aimerais donner à Mme Guay l'occasion de poser une question.
J'aimerais recommander, madame Augustine, si vous êtes d'accord, que la ministre réponde à vos questions par écrit.
Mme Jean Augustine: Certainement.
[Français]
Le président: Madame Guay, si vous pouviez aussi poser vos questions, le ministre pourrait y répondre par écrit et nous pourrions revenir immédiatement à la motion.
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Madame la ministre, j'aimerais avoir une réponse assez rapide.
Je vais poser mes questions très rapidement. J'aimerais connaître le pourcentage du budget de l'ACDI qui est consacré aux ONG et au secteur privé, en détail. On en avait déjà fait la demande à M. Robinson et on n'a pas eu de réponse. Je n'ai pas eu les documents. Monsieur Robinson, c'est dernièrement que nous avons fait cette demande. Il y a ce point-là.
Mon deuxième point, c'est que vous avez parlé d'un plan d'attaque face au ministre des Finances pour les 150 millions de dollars. Ne serait-il pas préférable que vous fassiez une sortie publique pour justement faire pression sur le ministre? De notre côté nous continuerions à exercer nos pressions afin de nous assurer d'obtenir les fonds nécessaires.
J'aimerais savoir s'il y a eu des coupures dans l'aide à l'Algérie, puisqu'on sait que sur les 4 millions de dollars octroyés, seulement 270 000 $ sont pour les droits de la personne. Donc, cela est à vérifier parce que là-bas la situation est critique devant les massacres qui se produisent.
Ensuite, est-ce qu'une révision des programmes de l'ACDI est prévue, à laquelle les parlementaires pourraient participer? Je sais que cela ne s'est jamais fait auparavant, mais si c'était possible, nous aimerions y participer.
Avez-vous l'intention de réinstaurer les vaccins contre la tuberculose? Dans une discussion que j'ai eue avec un médecin, ce dernier me mentionnait que même au Canada, on avait recommencé à avoir des cas de tuberculose et que nos médicaments n'étaient pas capables d'y faire face. Donc, c'est de la prévention et c'est un programme qui est, je pense, de toute importance en ce moment.
Le président: Merci.
Mme Monique Guay: Est-ce que c'est assez court?
Mme Diane Marleau: Oui. Nous vous répondrons le plus tôt possible. Nous pourrons même en parler plus tard en sortant, si vous le voulez. Cela pourrait vous aider.
Le président: Merci, mais une réponse écrite serait valable pour tout le reste du comité, parce que ce sont des questions qui intéressent tout le monde, et cela apparaîtrait à notre procès-verbal.
[Traduction]
Je veux maintenant donner l'occasion à monsieur Robinson d'expliquer sa motion.
M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président.
Puisque le temps file, je serai bref. Je crois que nous avons déjà discuté de la pertinence de cette motion.
Voici la motion:
-
Attendu que les réductions constantes de l'aide publique au
développement consentie par le Canada ont fait en sorte que notre
pays se retrouve au milieu de la liste des donneurs d'aide de
l'OCDE (passant de la cinquième place en 1995 à la onzième place
sur 21 en 1997);
—et je tiens à signaler également que nous perdrions encore plus de terrain si les réductions en question avaient lieu—
-
Et attendu que ces réductions importantes ont élargi l'écart entre
les pays riches et les pays pauvres et ont diminué la capacité des
ONG canadiennes d'offrir des programmes répondant aux besoins
fondamentaux des personnes démunies;
-
Qu'il soit résolu que ce comité exhorte le ministre des Finances à
revoir la réduction de 8 p. 100 qui devait être effectuée cette
année dans l'aide au développement étranger.
Je propose, monsieur le président, que pour des raisons qui ont été formulées avec beaucoup d'éloquence par la ministre aussi bien que par d'autres membres du comité, la motion soit acceptée. J'espère que nous serons ainsi en mesure de dire bien clairement au ministre des Finances que notre comité l'exhorte à revoir cette réduction.
Le président: Monsieur McWhinney.
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Je me fais un plaisir d'appuyer la motion. Je vais le transmettre directement au ministre aujourd'hui même.
Le président: Merci. Le ministre vous aidera certainement tous deux à porter vos bagages.
Monsieur Mills.
M. Bob Mills: Je ne souhaite pas m'étendre sur la question—mais je suis en mesure de le faire, si vous le souhaitez.
Le président: Eh bien, je vous dirai que le président du comité qui nous suit voudra nous éliminer tous si nous ne cédons pas la place.
M. Bob Mills: Il convient de rappeler que nous sommes endettés à la hauteur de 600 milliards de dollars. Nos paiements d'intérêts totalisent 50 milliards de dollars. Nos impôts sont les plus élevés du G7. Par conséquent, nous devrions limiter nos discussions à des ressources dont nous disposons. Ainsi, nous devons nous opposer à la motion.
[Français]
Le président: Monsieur Turp.
M. Daniel Turp: Monsieur le président, les représentants du Bloc québécois sont fiers d'appuyer la motion de M. Robinson.
[Traduction]
Le président: Je mets la motion aux voix.
(La motion est adoptée)
Le président: Merci beaucoup.
M. Turp a également une résolution au sujet de l'Algérie que nous ne pourrons évidemment pas aborder maintenant. Nous allons la mettre à l'ordre du jour pour mardi.
La greffière me fait savoir que nous disposons d'une journée pour traiter du rapport sur l'AMI, que M. Speller aura terminé à ce moment-là.
M. Svend Robinson: Y aura-t-il également une réunion du comité de direction?
Le président: C'est ce que nous allons tenter de faire—
[Français]
M. Daniel Turp: Oui, c'est ce que je voulais demander, monsieur le président. J'aimerais qu'on ait une réunion de notre comité directeur pour faire le bilan, parler de l'Algérie et avoir des informations sur les suites à donner à la réponse que j'ai reçue de M. Kilgour, à la Chambre des communes, à la délégation des parlementaires en Algérie.
Le président: Nous en parlerons au Sous-comité du programme et de la procédure, je crois, parce que la situation est assez complexe.
Madame la ministre, merci beaucoup d'être venue ce matin et bonne chance dans vos travaux.
[Traduction]
La séance du comité est levée jusqu'à mardi.