FAIT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 16 mars 1998
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Mills (Red Deer, Réf.)): La séance est ouverte.
Monsieur Giroux, je tiens à vous féliciter de votre nomination. Nous sommes heureux de vous accueillir ici aujourd'hui, et c'est avec plaisir que nous allons vous écouter.
Monsieur Giroux, si vous pouviez nous faire un bref exposé, nous pourrons ensuite passer aux questions des membres du comité.
M. Bernard Giroux (ambassadeur du Canada auprès de l'Union de Myanmar): Merci, monsieur le président. Mon propos portera sur la situation en Birmanie et sur les diverses décisions prises par le Canada en guise de mise en situation. Je me ferai ensuite un plaisir de répondre à vos questions.
Je comparais devant le comité permanent en ma qualité d'ambassadeur désigné du Canada auprès de l'Union de Myanmar. J'ai été nommé à ce poste par décret du conseil en date du 30 octobre 1997.
Je suis également accrédité de façon concomitante comme ambassadeur du Canada auprès du Royaume de Thaïlande et de la République démocratique populaire du Laos. Je n'ai pas encore eu l'occasion de présenter mes lettres de créance à Yangon, même si nous avons demandé une audience. Je suis l'un des 10 ambassadeurs résidents à Bangkok, mais accrédités auprès du Myanmar, qui attendent de présenter leurs lettres de créance. Celui qui attend depuis le plus de temps attend depuis un an.
D'entrée de jeu, je voudrais apporter une précision. Par souci d'uniformité et pour éviter la confusion, tout au long de mon exposé je désignerai le Myanmar par son nom courant, la Birmanie. Même si le gouvernement militaire a arbitrairement changé le nom du pays en 1989 en faveur de Myanmar, l'usage en français est d'appeler le pays «Birmanie» et en anglais «Burma».
Le Canada a reconnu la Birmanie au moment de son indépendance en 1948 et a établi des relations diplomatiques en 1958. Tout au long de ces 40 années de rapports bilatéraux, le Canada n'a jamais eu de représentants diplomatiques résidents à Rangoon. Pour sa part, la Birmanie a ouvert une ambassade au Canada en 1966, l'a fermée en 1978 et l'a rouverte en 1986.
• 1530
Je n'ai pas encore eu l'occasion de me rendre en Birmanie,
mais mon prédécesseur s'y est rendu neuf fois pendant son
affectation de trois ans. À chaque visite, il a demandé—mais
généralement en vain—une audience avec les dirigeants du
gouvernement militaire. Il a également rencontré les dirigeants du
mouvement démocratique, même si ces rencontres sont devenues de
plus en plus difficiles à ménager, puisque des restrictions
supplémentaires ont été imposées aux contacts avec eux.
Le représentant politique de mon ambassade chargé de la Birmanie s'y rend en moyenne tous les trois mois.
Le commerce bilatéral du Canada avec la Birmanie a été modeste au cours des dernières années, et le reste. En 1997, nos exportations étaient de 3,5 millions de dollars et nos importations de 19,9 millions de dollars. Les principaux partenaires commerciaux de la Birmanie en 1997 étaient le Japon, Singapour, la Thaïlande et la Chine.
Pendant la plus grande partie des 40 dernières années, le Canada et la Birmanie ont eu des rapports limités en raison à l'origine de l'isolement que la Birmanie s'est imposé puis, par la suite, des préoccupations du Canada au sujet des droits de l'homme.
Malgré les abondantes richesses naturelles du pays, la stagnation économique des années 70 a amené un déclin considérable de l'économie dans les années 80, ce qui s'est soldé par des manifestations étudiantes en faveur de la démocratie. En juillet 1988, le gouvernement a ordonné aux soldats de tirer sur la foule des manifestants. Des milliers ont été tués ou blessés.
Un civil a brièvement dirigé le pays, mais les protestations ininterrompues ont amené les militaires à le déloger et à confier tous les pouvoirs au Conseil d'État pour la restauration de la loi et de l'ordre, connu sous son sigle menaçant, le SLORC, un conseil militaire de 33 membres. L'un des premiers actes du SLORC a été de démanteler la structure unipartite socialiste et de promettre la tenue d'élections nationales.
Les élections qui se sont déroulées en 1990 ont consacré la victoire écrasante de la Ligue nationale pour la démocratie et de sa secrétaire générale, Mme Aung San Suu Kyi, victoire d'autant plus remarquable qu'elle se trouvait assignée à sa résidence en 1989.
Le SLORC a refusé de reconnaître les résultats des élections de 1990 et de confier le pouvoir à la LND, alléguant que les élections avaient été tenues pour créer une assemblée constituante.
Après six d'assignation à résidence, la lauréate du prix Nobel, Aung San Suu Kyi, a finalement été relâchée en 1995. Le gouvernement militaire a refusé sa demande de dialogue politique et a refusé toute rencontre directe.
L'optimisme qui avait accueilli sa libération a diminué. Sous le SLORC, la Birmanie est l'un des pires pays d'Asie pour ce qui est des droits de l'homme et du développement démocratique. Les militaires conservent le contrôle par tout un appareil de sécurité très puissant et abusif.
Le SLORC est resté au pouvoir jusqu'en novembre dernier, où il s'est rebaptisé le Conseil pour la paix et le développement de l'État, dont le sigle est SPDC. Bien que le nom et certains visages aient changé, il s'agit toujours d'un conseil militaire qui n'a pas vraiment modifié sa politique.
Autre facteur important, la situation des groupes ethniques. La Birmanie est une société multiculturelle qui compte plus de 130 groupes ethniques reconnus. Les Birmans représentent 69 p. 100 de la population; les Shans, 8,2 p. 100; les Karens, 6,2 p. 100; les Arakaneses, 4,5 p. 100; et les autres groupes, 12 p. 100.
Depuis l'indépendance, les relations interethniques n'ont pas été faciles. Certains des groupes ethniques les plus importants ont rassemblé leurs propres armées et se sont battus contre le gouvernement central pour tenter d'obtenir plus d'autonomie ou l'indépendance.
En 1991, le SLORC a commencé à conclure des accords de cessez- le-feu avec ces groupes, et, jusqu'ici, 15 des 16 groupes principaux ont signé. La principale exception sont les Karens, qui vivent dans l'Est. Les combats entre l'armée gouvernementale et l'armée karene ont entraîné le déplacement de centaines de milliers de personnes en Birmanie et la fuite de beaucoup de gens qui sont allés trouver refuge en Thaïlande.
À l'heure actuelle, il y a plus de 115 000 Birmans qui vivent dans des camps le long de la frontière thaïlandaise. De plus, il y a jusqu'à un million de Birmans qui vivent et travaillent illégalement en Thaïlande. La crise économique qui sévit en Thaïlande a suscité de nouvelles inquiétudes.
Un autre problème sérieux pour la communauté internationale est le contrôle de la drogue venant de Birmanie. Beaucoup de Canadiens meurent chaque année de surdose d'héroïne, et plus de 60 p. 100 de l'héroïne entrant au Canada vient de Birmanie. Jusqu'ici, le gouvernement birman n'a pas manifesté qu'il tenait vraiment à lutter contre la production et le trafic de la drogue.
Les chefs militaires birmans n'ont fait aucun effort pour améliorer la situation actuelle et n'ont jamais réussi à répondre à la tentative de la communauté internationale visant l'ouverture de canaux de communication.
Cet échec fut à nouveau répété l'année dernière lorsque l'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, a eu une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, Ohn Gyaw, à qui il a présenté une liste de huit mesures que le gouvernement canadien proposait au régime militaire pour améliorer la situation relative aux droits de l'homme. Ces mesures étaient les suivantes: entamer un dialogue sérieux avec Aung San Suu Kyi sur l'évolution politique et constitutionnelle de la Birmanie; libérer les prisonniers politiques comme condition préalable à tout dialogue politique libre et transparent; adopter un calendrier précis pour le processus constitutionnel; ramener en Birmanie le Comité international de la Croix-Rouge; accepter la visite du rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, en coopérant pleinement avec lui afin de faciliter son travail; pour suite réelle du dialogue avec le secrétaire général de l'ONU; mesure concrète de la part du SLORC afin de réduire la production et le trafic de drogues illicites et l'engagement à participer activement aux efforts internationaux et régionaux de lutte contre la drogue; enfin, mise au point d'un ensemble d'activités bilatérales canado-birmaniennes visant les droits de l'homme, notamment la mise sur pied d'un comité mixte des droits de l'homme. Le SLORC n'a donné suite à aucune de ces propositions.
• 1535
Comment le Canada a-t-il réagi à l'évolution de la situation
en Birmanie? À la suite des mesures de répression brutales prises
contre les manifestants en 1988, le Canada a suspendu toute aide
bilatérale à la Birmanie. Aucune vente d'armements n'est autorisée,
et le Canada ne participe pas à l'assistance multilatérale à la
Birmanie dans le cadre des institutions financières
internationales.
Le Canada partage les inquiétudes internationales quant à la détérioration de la situation politique et humaine en Birmanie. Nous avons constamment condamné toutes les actions du régime militaire birman qui sont contraires aux droits de l'homme, notamment en ce qui concerne la liberté de réunion et d'expression. Le Canada a coparrainé des résolutions sévères à l'endroit de la Birmanie, adoptées par consensus à la fois par la Commission des droits de l'homme et par l'Assemblée générale de l'ONU pour déplorer les violations répétées des droits de l'homme en Birmanie.
En août dernier, après la réunion stérile entre M. Axworthy et le ministre des Affaires étrangères birman, dont je viens de parler, M. Axworthy a annoncé d'autres mesures, y compris l'abolition du tarif préférentiel général de la Birmanie et l'inscription du pays sur la liste des pays visés par contrôle. Cette dernière mesure entraîne l'obligation d'obtenir une licence d'exportation pour les produits à destination de la Birmanie. On autorise les licences, au cas par cas, en général pour des produits à vocation humanitaire, mais rien d'autre. En outre, la Birmanie n'a accès à aucun programme d'exportation du gouvernement canadien, y compris le programme d'expansion des marchés d'exportation.
En annonçant ces mesures économiques, M. Axworthy a également exhorté le milieu des affaires canadien à éviter de conclure d'autres ententes d'investissement ou d'entreprises commerciales tant que la Birmanie n'aura pas fait de progrès évidents.
En prenant ces mesures, le Canada s'est joint à l'Union européenne et aux États-Unis pour protester contre la détérioration des droits de la personne en Birmanie. Au mois de mars 1997, l'Union européenne a retiré à la Birmanie son admissibilité à des exemptions tarifaires aux termes du système général de préférences, et en avril de la même année les États-Unis annonçaient une interdiction des nouveaux investissements en Birmanie.
Bien que le Canada n'offre aucun programme d'aide bilatérale à ce pays, nous avons offert de l'aide par l'entremise d'organismes multilatéraux et d'ONG afin d'aider les réfugiés birmans qui se sont rendus en Thaïlande ou au Bangladesh. Depuis 1992, le Canada a versé 685 000 $ en aide aux réfugiés birmans en Thaïlande. Ces sommes ont surtout servi à acheter des aliments et des médicaments à l'intention des réfugiés, mais nous avons également financé de petits projets d'autonomie grâce à un fonds canadien administré par notre ambassade à Bangkok.
Le 11 mars 1998, les forces militaires birmanes, appuyées par un groupe d'alliés karens, ont détruit le camp de réfugiés Huay Kalok, en Thaïlande. C'était la deuxième attaque contre un camp de réfugiés au cours des 15 derniers mois. D'après les derniers rapports, quatre personnes auraient été tuées, 39 blessées, et des milliers de réfugiés se sont retrouvés sans abri. Le Canada a été horrifié par cette attaque transfrontalière contre les réfugiés birmans en Thaïlande, un rappel criant des abus du gouvernement birman contre ses citoyens. Outre la transgression de frontières internationales, cette attaque représente une autre violation inacceptable des droits fondamentaux de la personne.
Le Canada a également versé 8,4 millions de dollars en secours aux réfugiés birmans au Bangladesh. Il s'agit de réfugiés musulmans, les Rohingyas, qui vivent le long de la frontière occidentale de la Birmanie.
Le Canada a adopté une approche régionale face au problème de la production de drogue dans le Triangle d'or dans le cadre du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues. Il s'agit d'un programme qui offre de l'aide aux pays de la région pour l'élaboration de programmes de contrôle de la drogue. Le Canada a versé 500 000 $ au PNUCID l'an dernier.
Pour conclure, le Canada a utilisé les moyens dont il disposait directement pour encourager des changements pour le mieux en Birmanie. Au cours de la visite d'Équipe Canada à Bangkok en 1997, le premier ministre, M. Chrétien, a exhorté l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est à utiliser son influence auprès du régime militaire birman afin d'encourager la tenue de négociations avec Aung San Suu Kyi et le mouvement démocratique.
Au Forum régional sur la sécurité de l'ANASE, M. Axworthy a fait état, au cours des deux dernières années, de toute la gamme de nos préoccupations en ce qui concerne la Birmanie. À l'instigation du Canada, les ministres des Affaires étrangères du P-8, à leur réunion à Denver en juin 1997, ont publié une déclaration exhortant fortement le régime militaire birman à amorcer un véritable dialogue avec les dirigeants de l'opposition démocratique, et exhortant les pays membres de l'ANASE à utiliser leur influence pour encourager un retour à la démocratie dans ce pays.
• 1540
Dans ce communiqué, on soulignait aussi le fait que la
communauté internationale tient le régime birman responsable de la
sécurité d'Aung San Suu Kyi. Nous avons transmis ce message
directement à tous les membres de l'ANASE et nous avons travaillé
en collaboration avec d'autres nations intéressées, aux Nations
Unies, à New York, afin d'appuyer les efforts du secrétaire général
en vue d'ouvrir un dialogue avec le régime militaire birman. Le
Canada continuera à saisir toutes les occasions pour encourager les
réformes et un retour à la démocratie en Birmanie.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le vice-président (M. Bob Mills): Merci beaucoup.
Pouvons-nous commencer avec M. Grewal?
M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.
Monsieur l'ambassadeur, je vous souhaite la bienvenue devant le comité. Je sais que vous avez très bien traité ces différentes questions. Elles se posent chaque fois que l'on parle de la Birmanie; il faut reparler des droits de la personne, comme vous l'avez très bien expliqué, et du point de vue du gouvernement canadien. De toute évidence, vous avez une compréhension parfaite de cette problématique. Nous nous préoccupons également du point de vue d'Aung San Suu Kyi et de la Ligue nationale pour la démocratie en matière de droits de la personne.
Je m'inquiète quelque peu de l'adhésion de la Birmanie à l'ANASE. Depuis mars 1997, nous considérons avec les États-Unis qu'il faut interdire tout nouvel investissement dans ce pays, mais en juillet 1997 la Birmanie a été accueillie au sein de l'ANASE.
Par ailleurs, au sommet des huit, à Denver, nous avons adressé une sérieuse mise en garde au Myanmar sur cette question. Qu'en pensez-vous? À quelle date allez-vous en parler avec le gouvernement?
J'aimerais également parler du trafic de la drogue à la frontière birmane; c'est l'une des principales sources d'approvisionnement du marché nord-américain de la drogue. À quel moment avez-vous l'intention d'en parler avec le gouvernement, de façon à l'inciter à prendre la question au sérieux?
M. Bernard Giroux: Sur la première question, l'ambassade se rend en Birmanie pour rencontrer des représentants du gouvernement birman. Ce sont des rencontres à un niveau inférieur, car je n'ai pas encore été en mesure de présenter mes lettres de créance au général Than Shwe, ni de rencontrer des membres du cabinet ou des dirigeants du conseil militaire. La situation est difficile, mais la plupart des ambassadeurs qui résidaient à Bangkok ont dû attendre près d'un an avant d'être invités à se rendre à Rangoon pour présenter leurs lettres de créance et pour rencontrer les principaux dirigeants de l'armée et les membres du Cabinet pour évoquer les questions dont j'ai parlé.
J'ai présenté ma demande officielle à la fin du mois de décembre. J'espère ne pas avoir 12 mois à attendre, mais il se pourrait que je doive attendre un an avant de me rendre sur place. Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne fassions pas notre travail. Des fonctionnaires interviennent à des niveaux différents, mais de toute évidence le message de nos préoccupations concernant la situation en Birmanie ne peut pas être porté à l'attention des dirigeants birmans.
En ce qui concerne les drogues, le Canada collabore au programme pluriannuel de contrôle de la drogue des Nations Unies. Ainsi, dans différentes régions de la Birmanie nous essayons de proposer d'autres cultures qui soient plus avantageuses que le pavot. Lors de ma dernière rencontre avec le directeur du PNUCID, on m'a expliqué ce programme de cinq ans. Il s'agit d'un programme à très long terme, mais je ne peux pas vous dire à quelle date ce problème sera résolu, ou même abordé sérieusement.
M. Gurmant Grewal: Pouvez-vous dire au comité ce que vous pensez de la restitution rémunérée ou des privilèges rémunérés dans le cadre du système général des préférences, ainsi que de l'interdiction des nouveaux investissements?
M. Bernard Giroux: En ce qui concerne le régime général du traitement préférentiel, le gouvernement a pris la décision de ne plus accorder ce privilège à la Birmanie. Il reste encore une grande quantité d'exportations birmanes vers le Canada qui en bénéficient, mais en principe nous avons supprimé cet avantage. La Birmanie ne pourra plus s'en prévaloir au cours des années à venir.
En ce qui concerne l'investissement, je voudrais dire que le gouvernement canadien n'a pas pour politique d'interdire l'investissement en Birmanie à l'heure actuelle. Notre ministre des Affaires étrangères a demandé aux sociétés canadiennes d'éviter de faire des affaires en Birmanie, mais il n'y a pas à l'heure actuelle d'interdiction de l'investissement.
M. Gurmant Grewal: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Bob Mills): Madame Debien.
[Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bonjour, monsieur Giroux, et bienvenue au comité.
Monsieur Giroux, en dressant le portrait de la situation en Birmanie, vous disiez que ce pays possédait l'un des pires dossiers en termes de violation des droits de la personne, en plus d'être un pays exportateur d'héroïne. Vous nous avez dit qu'il était très difficile pour les représentants du Canada, entre autres ceux qui résidaient à Bangkok avant votre nomination, de rencontrer les autorités du SLORC.
Comme vous le souligniez et comme nous le savons, toutes les tentatives du Canada pour faire entendre raison à la Birmanie ont échoué. La seule question que je me pose porte sur la nature de votre mandat en Birmanie. Est-ce qu'une représentation diplomatique n'est pas une façon de cautionner la Birmanie ou le régime qui y règne? Parallèlement, je me demande s'il est nécessaire pour le Canada de se mettre à genoux devant la Birmanie pour se faire accréditer. C'est le sens de mes questions; je cherche à comprendre les raisons qui amènent le Canada à avoir une représentation en Birmanie. On sait très bien que depuis que la Birmanie a été acceptée à l'ONU, en 1961, et a donc été cautionnée également par la communauté internationale, le SLORC fait la pluie et le beau temps.
M. Bernard Giroux: La nature de mon mandat est de continuer les efforts que le Canada a amorcés il y a des années afin d'apporter certains changements. C'est un travail qui est parfois très ingrat et qui ne montre pas toujours de résultats à court ou moyen terme et, dans le cas du SLORC, à long terme.
Cela dit, je pense qu'il est dans la nature de la politique du Canada de continuer à travailler sur ces dossiers. Malgré l'absence de résultats, je pense qu'il est important que nous continuions. Nous avons une responsabilité comme membre du G-7. D'autres pays qui ont des ambassadeurs à Yangon ou à Bangkok qui ont la responsabilité de couvrir la Birmanie continuent à faire ce travail de persuasion en vue de convaincre le leadership du pays que des changements importants sont nécessaires.
La nature de mon mandat est semblable à celle du mandat de mes prédécesseurs. J'espère que mes efforts seront couronnés d'un certain succès, mais je suis pleinement conscient que je pourrai travailler pendant les trois ou quatre prochaines années du mieux que je le pourrai et qu'au bout de cette période de temps, il y aura eu peu de changements. Mais c'est la nature même du travail diplomatique.
Est-ce que représenter signifie cautionner? Je pense que ce n'est pas du tout le cas. Nous avons des relations avec des États et nous avons reconnu l'État de la Birmanie. Notre gouvernement est accrédité pour des relations avec ce pays et, jusqu'à présent, il a décidé de maintenir ses relations diplomatiques avec ce pays. Tant que c'est cette politique qui prévaut, l'ambassadeur qui réside à Bangkok est responsable de la conduite des relations diplomatiques avec cet État.
Quant à la question de se mettre à genoux, que je sache, aucun des pays qui ont demandé l'accréditation de leurs ambassadeurs n'a fait de compromis. Dans mon cas, je peux vous assurer que nous n'avons fait aucun compromis. Nous suivons les procédures diplomatiques normales. J'ai reçu mes lettres de créance du gouverneur général et des copies ont été transmises au bureau du général Than Shwe, qui est en charge du comité et à qui je dois présenter ces lettres-là. Aucune mesure, aucune initiative ou aucune action n'a été entreprise, et vous pouvez être assurée qu'on ne pensera même pas à faire quelque compromis que ce soit pour que je puisse présenter mes lettres de créance à Yangon.
Mme Maud Debien: Je voudrais faire juste une petite rectification sur le plan historique, monsieur Giroux. Vous dites que le Canada a reconnu l'indépendance de la Birmanie de la Grande-Bretagne en 1948. Mais depuis, il s'est passé beaucoup de choses et beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. On sait très bien que ce n'est pas une autorité légitime qui est en place actuellement. Alors, il y a une nuance à apporter.
• 1550
Le gouvernement a accepté l'indépendance du
pays en 1948, mais depuis, c'est un gouvernement
illégitime, une junte militaire qui y règne.
Alors, il ne faut pas faire de parallèle entre les deux.
Il existe une nuance importante, en tout cas pour moi,
entre la reconnaissance d'un gouvernement
légitime en 1948 et la reconnaissance
de celui qui règne actuellement.
M. Bernard Giroux: Ce que je disais, madame Debien, c'est que le gouvernement reconnaît l'État...
Mme Maud Debien: C'est ça.
M. Bernard Giroux: ...qu'est la Birmanie.
Mme Maud Debien: D'accord, c'est très important.
M. Bernard Giroux: Ce n'est pas comme dire que c'est un bon gouvernement, je suis d'accord avec vous.
Mme Maud Debien: Absolument.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Sauf qu'il y a là une reconnaissance de gouvernement.
Mme Maud Debien: Il y a une reconnaissance de gouvernement également.
M. Daniel Turp: Le maintien de relations diplomatiques signifie qu'il y a une reconnaissance de gouvernement.
M. Bernard Giroux: Mais la politique du Canada, c'est de reconnaître l'État. On peut décider d'entretenir des relations diplomatiques avec différents gouvernements qui peuvent porter différentes bannières, mais le fondement de notre relation, c'est la reconnaissance de l'État de la Birmanie.
M. Daniel Turp: Je reviendrai là-dessus tout à l'heure.
Mme Maud Debien: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Laliberte.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Bonjour, monsieur Giroux.
Depuis votre nomination en octobre dernier, avez-vous eu l'occasion de vous rendre dans le camp de réfugiés birmans dont vous avez dit qu'il avait subi récemment une attaque qui avait fait quatre morts et 39 blessés parmi les réfugiés? Est-ce que vous êtes allé dans ce camp pour constater...?
M. Bernard Giroux: Je ne me suis pas encore rendu personnellement dans des camps de réfugiés.
M. Rick Laliberte: Pendant que le gouvernement birman, reconnu ou non, étudie vos lettres de créance, est-ce que vous avez eu l'occasion d'élaborer une stratégie avec d'autres États ou d'autres ambassadeurs, éventuellement à Bangkok, pour essayer d'établir avec l'actuel gouvernement birman un dialogue permettant d'aborder les questions de droits de la personne et de démocratie dans ce pays?
M. Bernard Giroux: Sur le premier point, le gouvernement birman a accepté mes lettres de créance. Personne ne se demande si je serai ambassadeur ou non. Les démarches se sont déroulées sur plusieurs mois en 1997, mais les autorités birmanes ont accepté ma nomination en tant qu'ambassadeur du Canada en Birmanie. Ce qu'il me reste à faire, c'est de me rendre en personne à Rangoon pour présenter mes lettres de créance au chef du gouvernement.
Je tiens à préciser que ma nomination en tant qu'ambassadeur n'est pas remise en question. C'est un problème de temps. Il s'agit de savoir quand je serai autorisé à me rendre en Birmanie.
Sur la deuxième question, je m'entretiens régulièrement avec des ambassadeurs accrédités qui ont présenté à Rangoon leurs lettres de créance indiquant les actions prises ou envisagées par les pays qu'ils représentent. En ce qui concerne une éventuelle stratégie, le gouvernement canadien a pris des mesures économiques contre la Birmanie en août 1997. Certaines d'entre elles sont semblables aux mesures adoptées par l'Union européenne. Elles diffèrent de la politique américaine, car les États-Unis ont interdit tout nouvel investissement dès avril 1997.
J'ai eu des entretiens avec certains ambassadeurs, mais je n'ai encore rencontré aucun ambassadeur en poste à Rangoon qui rencontre quotidiennement le gouvernement birman. Sur le plan stratégique, je travaille en fonction des politiques approuvées par le gouvernement, mais comme je l'ai indiqué en réponse à une question précédente, je n'ai pas encore pu rencontrer en personne les dirigeants ni les ministres du gouvernement birman.
M. Rick Laliberte: Pour autant que nous le sachions, le gouvernement canadien n'a pas accordé d'aide financière directe au mouvement démocratique birman. Compte tenu de l'interdiction des investissements imposée par les Américains, et dans la mesure où une liste d'entreprises en coparticipation indique que certaines sociétés canadiennes ont engagé des activités de grande envergure dans l'industrie minière de cette région, se pourrait-il qu'après avoir analysé la situation vous recommandiez une interdiction de l'investissement dans ce pays? Si vous constatez qu'une telle mesure s'impose, seriez-vous en mesure de l'exiger en tant qu'ambassadeur?
M. Bernard Giroux: En tant qu'ambassadeur, je suis invité à faire des recommandations au gouvernement canadien. Et je pourrais faire une recommandation en ce sens.
M. Rick Laliberte: Merci.
Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur l'ambassadeur, nous avons tous une grande admiration pour la mission impossible que vous avez entreprise. Pour quiconque occupe un tel poste, la plus grande qualité est sans doute la patience dont il faut faire preuve pendant toute la durée du mandat.
• 1555
Savez-vous dans quelle mesure l'économie birmane dépend du
commerce de la drogue? Est-il possible de le savoir ou de s'en
faire une idée estimative?
M. Bernard Giroux: Je n'ai pas d'éléments scientifiques... Je suis économiste de formation, et je dois donc me montrer très prudent dans mon évaluation avant de vous donner une réponse.
Les chiffres que j'ai vus indiquent que la valeur marchande du commerce de la drogue est d'environ 600 millions de dollars américains. Mais il s'agit là des quantités négociées en Birmanie, et non pas de la valeur au détail de la drogue d'origine birmane écoulée sur les marchés du monde entier. J'ai vu ce chiffre dans l'une des études du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, où l'on essayait d'évaluer ce trafic pour déterminer les mesures susceptibles de remplacer les revenus qu'il procure.
Mais il s'agit d'une approximation de grandeur. Ce n'est pas une analyse très bien fondée qui me permettrait de déterminer l'importance du problème et d'en déterminer la valeur.
M. Julian Reed: D'accord.
Je n'avais qu'une autre question. Elle a rapport à la possibilité de visiter Aung San Suu Kyi. Y a-t-il moyen de visiter cette personne et d'entrer en rapport avec son mouvement?
M. Bernard Giroux: Cela peut être fait de diverses façons. Par exemple, mon prédécesseur l'a rencontrée, bien que cela soit plus difficile depuis un an. Lorsque M. Von Nostitz, mon prédécesseur, s'est rendu à Yangon en mars 1997, il l'a rencontrée pour la première fois. Il devait la revoir, mais on l'a empêché. Il est revenu en mai et a tenté à nouveau de la rencontrer. Encore là, la route menant à sa maison était bloquée, et il n'a donc pas pu la rencontrer.
Elle a parfois l'autorisation de participer à certaines activités officielles. C'est bien connu. Certains déjeuners et certains dîners organisés à Yangon donnent à des diplomates et d'autres personnes l'occasion de rencontrer Aung San Suu Kyi. Toutefois, il est de plus en plus difficile de la rencontrer en se rendant à ses quartiers.
M. Julian Reed: Connaissez-vous l'ampleur de son mouvement, de l'appui démocratique dont elle jouit?
M. Bernard Giroux: Le fait qu'elle ait remporté les élections en 1990 donne une bonne idée de l'importance du soutien dont elle jouit un peu partout dans le pays. Compte tenu de l'ampleur des mesures prises par le SLORC, maintenant le SPDC, pour l'empêcher de se déplacer à travers le pays, j'estime qu'elle jouit d'un soutien très considérable dans l'ensemble du pays.
M. Julian Reed: Pardonnez-moi mon ignorance de la question, mais quel était l'ordre de grandeur de la majorité dont elle disposait? On a parlé de 85 p. 100.
M. Bernard Giroux: Je ne connais pas le pourcentage. Je pourrais vérifier et vous en informer plus tard.
M. Julian Reed: Derrière moi, quelqu'un parle de 85 p. 100, ce qui est très considérable.
[Français]
Mme Maud Debien: C'est assez important effectivement.
[Traduction]
M. Julian Reed: Je n'ai pas d'autres questions. Je tiens tout simplement à vous souhaiter beaucoup de succès dans ce que vous entreprenez, étant donné que vous vous apprêtez à assumer l'une des missions les plus difficiles dont un ambassadeur peut être appelé à s'acquitter.
Le vice-président (M. Bob Mills): Puis-je vous poser une question? Pour revenir sur cette question de l'accès, si les gens d'affaires veulent investir et faire des affaires, ils doivent évidemment pouvoir entrer dans le pays et en sortir. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure il est facile d'entrer dans le pays et d'en sortir?
M. Bernard Giroux: J'aimerais tout d'abord faire une mise au point. Le gouvernement canadien ne traite pas avec le gouvernement de la Birmanie et ne favorise pas les relations d'affaires avec ce gouvernement. Les agents commerciaux qui relèvent de moi à l'ambassade de Bangkok ne sont pas accrédités pour la Birmanie. Ils ne fournissent ni conseils, ni aide. Aucun financement n'est disponible.
Cela dit, toute personne du Canada ou d'ailleurs qui veut faire des affaires avec la Birmanie doit demander un visa de visiteur aux autorités du pays. Je connais un certain nombre de personnes qui se rendent en Birmanie pour des raisons d'affaires.
Le vice-président (M. Bob Mills): N'avons-nous pas participé à la construction du pipeline vers la Thaïlande?
M. Bernard Giroux: Non, le Canada ne participe pas à la construction. Il y a bien une société canadienne qui a conclu en Thaïlande un contrat...
Le vice-président (M. Bob Mills): Oui, en effet, c'est de cela que je veux parler.
M. Bernard Giroux: ...visant l'approvisionnement en gaz naturel d'une centrale en Thaïlande, mais nous n'avons pas financé l'activité.
Le vice-président (M. Bob Mills): Non, ce n'est pas de cela que je voulais parler, mais certaines ressources humaines et financières du Canada sont mises à contribution.
M. Bernard Giroux: Il y a bien une société qui a conclu un contrat de gestion visant un segment du pipeline en Thaïlande.
Le vice-président (M. Bob Mills): C'est cela.
Qu'en est-il des relations entre la Thaïlande et la Birmanie? Quel genre de relations ces deux pays entretiennent-ils?
M. Bernard Giroux: Ce sont des relations assez tendues. Ces deux pays partagent une longue frontière. Les Thaïlandais ont toujours été préoccupés par la sécurité le long de cette frontière.
En ce qui concerne le commerce, la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie a été fermée en décembre 1997; on présume que c'est en raison de changements que le gouvernement birman est à apporter à son régime de tarif. Comme vous pouvez vous l'imaginer, cette frontière est loin d'être étanche; il y a encore de nombreux échanges commerciaux qui se font dans la clandestinité, mais les postes frontaliers officiels ont été fermés et le demeurent.
Les échanges commerciaux se poursuivent néanmoins. La Thaïlande a signé un important contrat d'achat de gaz naturel, ce qui est une bonne indication de l'état des liens économiques entre ces deux pays. Certains biens de consommation provenant de la Thaïlande se retrouvent aussi en Birmanie. Des bijoux, certaines ressources naturelles et de produits miniers passent aussi la frontière vers la Thaïlande. Les échanges commerciaux entre les deux pays restent donc relativement importants.
L'armée thaïlandaise reste inquiète. De nombreuses troupes sont déployées le long de la frontière. Une exploitation forestière illégale de grande envergure se fait des deux côtés de la frontière, ce qui provoque des affrontements entre les deux pays. Néanmoins, tous les trois mois, le chef de l'armée thaïlandaise va en Birmanie pour rencontrer son homologue et discuter, je présume, d'enjeux militaires, et peut-être d'autres questions. Il y a moins de hauts fonctionnaires birmans qui vont en Thaïlande qu'il n'y a de visiteurs thaïlandais en Birmanie. J'ai l'impression que cette tendance s'accentuera par suite de l'adhésion de la Birmanie à l'ANASE.
Compte tenu des relations économiques entre ces deux pays, je suis convaincu que la Thaïlande contribuera aux changements. Les pressions que la Thaïlande peut exercer sont toutefois limitées, et les pays de l'ANASE ont toujours refusé de s'ingérer dans ce qu'ils considèrent comme les affaires internes de chaque pays. La démarcation est ténue, mais le nouveau gouvernement du premier ministre Chuan est dirigé par des démocrates qui ont déclaré publiquement qu'ils veulent s'engager dans de grandes discussions avec les dirigeants birmans dans l'espoir d'amener des changements.
Le vice-président (M. Bob Mills): L'effondrement économique qui s'est produit en Asie, surtout en Thaïlande, a-t-il eu des conséquences? Il me semble que cela a dû changer les relations entre ces pays.
M. Bernard Giroux: Oui, la valeur du kyat a chuté, tout comme celle du baht thaïlandais. Depuis, le baht a repris de la valeur, mais je n'ai pas d'informations récentes sur la valeur du kyat birman. Mais il ne fait aucun doute que la valeur du kyat est fonction de celle du baht.
• 1605
La question la plus délicate dans les relations entre la
Thaïlande et la Birmanie est celle des travailleurs illégaux. Il y
a environ un million de travailleurs illégaux birmans qui
travaillaient surtout dans le bâtiment. Il y avait de nombreux
chantiers de construction; les activités ont cessé sur bon nombre
de ces chantiers en Thaïlande, mais les emplois mal rémunérés et
les plus exigeants étaient occupés par des Birmans gagnant de 5 $
à 6 $ par jour. Étant donné que la construction a plus ou moins
cessé pour l'instant en Thaïlande, ces Birmans sont maintenant sans
travail, ce qui représente un grave problème. Le gouvernement
thaïlandais tente de les encourager à retourner en Birmanie, mais
la plupart ne veulent pas, les conditions économiques en Birmanie
étant bien pires. Ils sont mieux en Thaïlande, même si leur
situation est difficile.
Le vice-président (M. Bob Mills): Merci beaucoup.
Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur l'ambassadeur, vous êtes un diplomate d'expérience, un diplomate de carrière. Pourquoi, à cette période de l'histoire, nomme-t-on un ambassadeur en Birmanie? C'est ce qui me surprend beaucoup. Il n'y en a jamais eu, et la répression est plus importante que jamais. Pourquoi, à ce moment-ci, faut-il nommer un ambassadeur, ou en tout cas l'accréditer auprès de la Birmanie? C'est ma première question. Quelle est la stratégie derrière cette accréditation?
M. Bernard Giroux: Il y a un ambassadeur accrédité en Birmanie depuis 1978. Il y a toujours eu un ambassadeur depuis lors. Il n'y a jamais eu d'ambassadeur résidant et je ne résiderai pas à Yangon. Je réside à Bangkok. Je suis ambassadeur auprès du royaume de la Thaïlande et du Laos, et j'ai une troisième accréditation auprès de la Birmanie.
Au début des 20 dernières années, c'était l'ambassadeur en Malaisie qui était accrédité auprès de la Birmanie. Après cela, ce fut celui de Bangkok, puis celui du Bangladesh. En 1994, la responsabilité de la Birmanie a été de nouveau transférée à Bangkok. Nous n'avons donc jamais eu d'ambassadeur résidant en Birmanie, bien que depuis une vingtaine d'années, un ambassadeur canadien soit accrédité en Birmanie.
M. Daniel Turp: Dans cette perspective, est-ce que dans un régime comme celui-là, qui n'évolue pas dans le sens voulu par le Canada, l'idée du maintien d'une accréditation est souhaitable?
M. Bernard Giroux: Comme je le disais un peu plus tôt en réponse à une autre question, notre travail est parfois difficile et ingrat. Mais la politique du Canada vise à continuer de déployer des efforts. Si le jugement est que le travail que je fais et celui que mes prédécesseurs ont fait n'apportent pas de résultats, c'est un constat qui est sévère, bien que tout à fait juste. Mais la politique du gouvernement, c'est de continuer à travailler. Nous espérons qu'à un moment donné, nous parviendrons à faire certains progrès et à apporter certains changements.
Nous ne sommes pas les seuls. Si...
M. Daniel Turp: Combien y a-t-il d'ambassadeurs accrédités?
M. Bernard Giroux: Je ne saurais vous le dire. Je pourrais vous rapporter ce fait, mais je n'en connais pas le chiffre exact pour l'instant.
M. Daniel Turp: Est-ce que les États occidentaux ont tous des ambassadeurs accrédités à Yangon?
M. Bernard Giroux: Oui, à peu près tous. Je connais ceux qui attendent pour présenter leurs lettres de créance et ceux qui y sont représentés. Tous les pays du G-7 ont un ambassadeur résidant à Yangon. La plupart des pays de l'Union européenne ont des ambassadeurs à Bangkok qui sont responsables de la Birmanie. Les pays de l'ASEAN ont des ambassadeurs, parce qu'une règle veut qu'ils aient tous des ambassadeurs dans leurs pays.
M. Daniel Turp: Est-ce qu'il y a des exceptions à la règle? Est-ce qu'il y a des États qui n'ont pas d'ambassadeur ou pas d'ambassadeur accrédité?
M. Bernard Giroux: Je pense tout haut. Il peut y en avoir, dont la République tchèque ou certains des pays qui sont représentés à Bangkok. Mais la plupart de mes collègues à Bangkok qui ne sont pas des membres de l'ASEAN ou des membres du G-7 sont accrédités en Birmanie. On discute régulièrement de la situation quand quelqu'un revient. L'ambassadeur de l'Union européenne est accrédité. Il était là, il reste près de chez moi et nous avons fait le point sur ce qui se passait. Il m'a dit ne pas avoir réussi à voir Aung San Suu Kyi et m'a expliqué pourquoi. Alors, c'est un sujet de discussion peut-être pas quotidien, mais sûrement hebdomadaire.
M. Daniel Turp: Ma deuxième question porte sur les rapports économiques. On constate quand même que la balance commerciale est très déficitaire; on importe beaucoup de Birmanie, mais les exportations, sans paraître nombreuses, viennent d'un certain nombre de compagnies. J'aimerais que vous puissiez me confirmer ou non si ces compagnies continuent leurs exportations. La nature des exportations de l'une devrait nous préoccuper.
On note que plus qu'une demi-douzaines de compagnies, dont Leeward Capital, l'International Panorama Resource Ltd., Mindoro Resources Ltd., Indochina Goldfieldd et First Dynasty Mines, ont des joint-ventures avec le gouvernement, le SLORC et Nortel. Là où le bât blesse un peu, c'est que Nortel vend de l'équipement de communication, bien qu'il soit illégal en Birmanie d'être propriétaire d'un télécopieur ou d'un modem sans le consentement du gouvernement. Est-ce qu'il n'y a pas là un problème? Est-ce qu'il n'y a pas là une indication qu'un gouvernement devrait intervenir pour que ces compagnies canadiennes ne fassent pas affaire avec ce gouvernement?
M. Bernard Giroux: Si Nortel veut exporter de l'équipement, il devra préalablement obtenir un permis d'exportation. Comme je l'indiquais lors de mes remarques initiales, ce permis ne sera pas accordé. Telle est la position que prendrait le gouvernement. Ces ventes n'auraient donc pas lieu.
Quant aux autres compagnies que vous avez mentionnées, il est vrai qu'une mine est développés dans le nord-est de la Birmanie. Dans le contexte actuel, une compagnie canadienne qui veut faire affaire en Birmanie et y investir des capitaux peut le faire. Il n'y a pas d'interdiction d'investir en Birmanie, comme je l'ai dit précédemment, à ce stade-ci. Alors, la compagnie peut le faire. Par contre, si cette compagnie canadienne du secteur des mines veut développer la mine et acheter de l'équipement canadien, elle devra se soumettre au processus d'approbation des permis d'exportation et la même règle s'appliquera.
Évidemment, si une compagnie canadienne dispose de capitaux qu'elle a obtenus sur les marchés étrangers et qu'elle achète de l'équipement dans un autre pays qui n'a pas de restrictions, il pourra être possible que ce projet-là aille de l'avant et qu'elle puisse investir en Birmanie, mais ce, sans aucun financement de la Société pour l'expansion des exportations, sans aucune assurance quant aux risques politiques et sans aucun appui de la part de l'ambassade du Canada à Bangkok, qui est responsable pour la Birmanie.
M. Daniel Turp: À votre connaissance, est-ce que Nortel fait des exportations et a obtenu des permis à cette fin au cours des dernières années?
M. Bernard Giroux: Avant l'entrée en vigueur de ces mesures, le 7 août 1997, on n'avait pas besoin de permis d'exportation. Que je sache, depuis le 7 août 1997, aucun permis n'a été émis.
M. Daniel Turp: D'accord.
M. Bernard Giroux: Permettez-moi d'apporter une correction. Il est possible que de tels permis pour l'exportation de produits pharmaceutiques ou médicinaux aient été émis.
M. Daniel Turp: Mais Nortel n'exporte pas ça?
M. Bernard Giroux: Non.
M. Daniel Turp: Est-ce que votre ambassade à Bangkok peut mettre à la disposition de la ligue démocratique ou d'autres organisations internationales de défense des droits de l'homme un appui et est-ce qu'elle le fait?
M. Bernard Giroux: Non, présentement, nous ne le faisons pas. L'appui que l'ambassade donne est au niveau de l'aide aux réfugiés qui sont en Thaïlande.
M. Daniel Turp: Elles n'ont pas d'aide ou une force d'opposition directe ou indirecte?
M. Bernard Giroux: Non.
M. Daniel Turp: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur McWhinney.
[Français]
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur l'ambassadeur, le délai lors de l'acceptation ou de la présentation de vos lettres d'accréditation au président de la Birmanie n'a pas été en soi un empêchement aux activités diplomatiques en Birmanie, n'est-ce pas?
M. Bernard Giroux: Oui, c'est un empêchement.
M. Ted McWhinney: Pourquoi?
M. Bernard Giroux: Parce que je ne peux pas aller en Birmanie pour rencontrer les membres du leadership du SLORC ou du SPDC, ou les membres du Cabinet pour soulever les questions de démocratie, du traitement des Birmans et des droits de la personne. Je ne peux pas voyager en Birmanie tant que je n'ai pas présenté mes lettres de créance.
M. Ted McWhinney: Mais de tels délais ne sont-ils pas normaux en diplomatie, même à Ottawa?
M. Bernard Giroux: Non, ce n'est pas normal. Je vais vous donner un exemple. Je suis ambassadeur dans trois pays. Je suis arrivé à Bangkok à la fin du mois d'août 1997 et j'ai présenté mes lettres de créance au président du Laos le 1er octobre et au roi de Thaïlande le 27 octobre. Cela s'est fait dans un délai de deux mois. Normalement, il faut attendre deux à trois mois avant de pouvoir présenter ses lettres de créance et commencer à travailler pleinement, sans aucune restrictions, comme ambassadeur.
Le fait que je pourrais facilement attendre un an cause des problèmes. Ce ne sera pas nécessairement aussi long, mais je peux vous dire que l'ambassadeur qui attend le plus longtemps présentement, c'est l'ambassadeur de la Suède, qui attend depuis 12 mois pour présenter ses lettres de créance en Birmanie.
M. Ted McWhinney: Il y a néanmoins des histoires comme ça dans la diplomatie. C'est un délai excessif si on le compare à délais normaux.
M. Bernard Giroux: Oui, c'est un délai excessif. Pourquoi? Les deux derniers ambassadeurs qui ont présenté leurs lettres de créance peu avant mon départ de Bangkok, il y a deux semaines, attendaient l'un depuis 13 mois, et l'autre depuis 14 mois.
M. Ted McWhinney: Est-ce que nous n'avons jamais eu un ambassadeur à plein temps en Birmanie?
M. Bernard Giroux: Non, jamais.
M. Ted McWhinney: Jamais. Vous vous souvenez que c'est une leçon qu'il faut tirer de l'expérience des Américains avec l'ancienne Union soviétique: l'absence de représentation diplomatique directe empêche une compréhension de notre pays et même la possibilité d'influencer des événements là-bas. Est-ce que, même quand U Thant était le secrétaire général des Nations unies, on n'a jamais songé à la possibilité d'y nommer un ambassadeur à plein temps?
M. Bernard Giroux: Je ne le sais pas, mais je crois qu'il faut comprendre que la Birmanie s'est isolée après la prise du pouvoir par Ne Win en 1963. Il y a eu une fermeture de la Birmanie, qui a vraiment limité ses relations internationales. Très peu de pays y ont ouvert des ambassades. À ce que je sache, le Canada n'a jamais pensé à ouvrir une ambassade à Yangon.
M. Ted McWhinney: Nous avons néanmoins eu de bonnes relations pendant les années 1960, quand U Thant était secrétaire général des Nations unies, n'est-ce pas?
M. Bernard Giroux: À partir de la prise de pouvoir de Ne Win, même si U Thant était le secrétaire général des Nations unies, je ne pense pas que les relations aient été importantes, chaleureuses et efficaces, à cause de cette politique d'isolationnisme du régime qui a pris le pouvoir en 1963.
M. Ted McWhinney: L'absence d'un commerce efficace avec la Birmanie est une conséquence certaine de l'absence de représentation diplomatique directe et permanente, mais c'en est aussi une cause. D'une certaine façon, n'est-on pas dans une espèce de cercle vicieux dans ces circonstances?
M. Bernard Giroux: L'ouverture d'une ambassade ne se traduit pas automatiquement par des relations commerciales plus favorables. Il faut aussi considérer une autre série de facteurs. Ce n'est pas simplement la dimension économique qui détermine le fait qu'une ambassade devrait être ouverte ou pas.
M. Ted McWhinney: Inutile de poser des questions. Est-ce qu'il existe un code régissant le commerce en vue d'assurer la protection des investissements étrangers?
M. Bernard Giroux: Non, aucun instrument n'est en place pour aider les compagnies canadiennes à faire des affaires.
M. Ted McWhinney: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Cannis, vous avez la parole.
M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur l'ambassadeur.
Quelle est la durée de votre mandat? Trois ans?
M. Bernard Giroux: J'ai été nommé par décret, à titre inamovible.
M. John Cannis: À titre inamovible. Par conséquent, il serait possible que, dans trois ans, vous reveniez témoigner devant notre comité sans avoir rencontré les représentants birmans, ou même leur avoir présenté vos lettres de créance.
J'ai jeté un coup d'oeil sur le document que vous nous avez apporté, et j'y ai vu une remarque sur l'aide qu'on accorde aux entreprises qui font des affaires en Birmanie. Vous avez dit qu'on ne leur accorde aucune aide, mais il semble y avoir néanmoins passablement d'activités. Je présume que ces entreprises canadiennes qui font des affaires en Birmanie sont prêtes à le faire à leurs propres risques.
M. Bernard Giroux: Oui, je connais au moins une entreprise qui dirige un projet en Birmanie à ses propres risques. Lorsque vous parlez d'investissements, toutefois, je présume que vous parlez de ressources.
M. John Cannis: Est-ce que vous et d'autres dans des postes semblables avez du mal à rencontrer les dirigeants birmans et à présenter vos lettres de créance, notamment en raison de l'absence de tout système de soutien, d'activités de promotion du commerce?
Vous nous avez donné des chiffres sur les échanges commerciaux et vous nous avez dit qu'ils étaient restés essentiellement au même niveau au cours des dernières années. Toutefois, ce document-ci, les statistiques sur le commerce entre le Canada et la Birmanie, indique que, comme vous l'avez dit, les importations n'ont pas bougé de 1990 à 1992, mais en 1993 elles ont été six fois plus grandes, en 1994 elles ont encore doublé, et en 1995 elles ont baissé légèrement, même si les exportations sont restées au même niveau. On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas eu de mouvement.
M. Bernard Giroux: Oui, mais c'est minime, puisqu'il s'agit d'un ou de deux millions de dollars; même des exportations d'une valeur de 20 millions de dollars ne sont pas considérables.
Quand il n'y avait pas de restrictions, les sociétés devaient tenir compte des conditions dans lesquelles elles devaient fonctionner en Birmanie, et je suis certain que bien des entreprises ont préféré ne pas faire affaire avec ce pays en raison des conditions qui y prévalent depuis plusieurs années. Elles ont préféré se diriger vers d'autres marchés où elles avaient de meilleures chances non seulement d'obtenir des commandes, mais aussi d'être payées. J'attribuerais cet état de choses essentiellement aux conditions qui prévalent en Birmanie.
M. John Cannis: Vous dites donc qu'il ne s'agit pas de se faire payer, mais plutôt des conditions dans lesquelles les entreprises doivent fonctionner.
M. Bernard Giroux: Les deux facteurs entrent en jeu, car les conditions économiques en Birmanie sont plutôt mauvaises.
M. John Cannis: Mais il y a quand même une population de...
M. Bernard Giroux: Une population de 45 millions d'habitants.
M. John Cannis: ...plus de 45 millions d'habitants. C'est certainement un marché attirant.
Une dernière chose: croyez-vous qu'en encourageant les échanges commerciaux avec la Birmanie, le gouvernement canadien pourrait contribuer à prévenir les violations des droits de la personne et à faire avancer cette cause?
M. Bernard Giroux: Non, je crois que notre gouvernement a plutôt comme politique d'exercer des pressions directement sur le gouvernement birman. Si ce gouvernement apportait des changements importants, nous pourrions peut-être revoir notre position. C'est une question hypothétique, mais je crois que c'est ce qui est prévu. Les dirigeants birmans devront d'abord améliorer considérablement leur bilan à ce chapitre avant que nous n'envisagions...
M. John Cannis: Je pensais seulement à une remarque que certains ont faite—je ne vous les nommerai pas—au sujet de Cuba, par exemple: si nous collaborons avec Cuba et que nous améliorons nos échanges commerciaux avec ce pays, nous pourrons aider les Cubains à gagner leur cause et prévenir les violations des droits de la personne. Nous avons déjà dit dans le passé que les échanges commerciaux permettent d'éliminer certains problèmes. Pourquoi cette philosophie ne s'applique-t-elle pas dans le cas de la Birmanie?
M. Bernard Giroux: Vous devez tenir compte de l'évolution des conditions en Birmanie, de la dégradation de ces conditions et du fait que nous avons imposé des sanctions économiques. Nous devons donc continuer d'exercer de la pression ainsi et voir si cela porte fruit. Dans un avenir prévisible, je crois que cela restera la politique du gouvernement canadien.
M. John Cannis: Je vous souhaite bonne chance.
M. Bernard Giroux: Merci.
Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp: Monsieur Giroux, juste une autre question. Nous avons été très surpris, et nous ne sommes pas les seuls, face à l'attitude du Canada à l'égard de la Chine et au rapport qu'on établit entre le commerce et les droits de la personne en Chine et, au-delà de cela, face à l'attitude qu'a prise le gouvernement aux Nations unies. On regarde les résolutions qui concernent justement la Chine et les droits de la personne. J'aimerais savoir quel est, à votre avis, l'attitude que devrait prendre le Canada en ce qui concerne les questions relatives au rapport entre les droits de la personne et le commerce, ainsi que l'attitude que devrait avoir le Canada à l'égard des résolutions de la Commission des droits de l'homme sur la situation en Birmanie.
M. Bernard Giroux: Le Canada a toujours appuyé des résolutions assez dures à l'égard de la Birmanie, sauf l'année dernière, lorsque le langage a été modifié pour refléter le fait qu'Aung San Suu Kyi ait pu tenir son congrès à la fin du mois de septembre et qu'elle ait pu quelquefois quitter la résidence où elle était confinée, ce qui représentait un progrès important. Le Canada ne considère évidemment pas que c'est un progrès suffisant.
• 1625
Nous n'avons pas appuyé la résolution parce que le
gouvernement canadien jugeait que les progrès étaient
nettement insuffisants. Alors, sauf à cette occasion,
nous avons toujours appuyé des résolutions assez
dures à cet égard.
M. Daniel Turp: Savez-vous quelle résolution sera étudiée par la commission cette année au sujet de la Birmanie?
M. Bernard Giroux: Puisque j'ai voyagé partout au Canada au cours de la dernière semaine, je n'ai pas l'information la plus récente à ce sujet. Compte tenu de la politique que nous avons adoptée l'année dernière, si on adoptait une résolution qui tente de féliciter le gouvernement birman pour certaines ouvertures, dont le fait que Khin Nyunt a parlé à certains dirigeants de la National League for Democracy, ce qui est un progrès important, je pense que la position canadienne demeurerait la même et que nous n'appuierions pas une telle résolution.
En ce qui concerne la Chine, je dois souligner que mes responsabilités se limitent à la Birmanie, à la Thaïlande et au Laos. Je vais tenter de répondre de mon mieux à toutes ces questions, bien que je préfère m'en tenir à la Birmanie. Il m'est difficile de vous dire ce qu'on devrait faire en Chine puisque ce n'est pas mon domaine d'expertise. Je sais que c'est un dossier extrêmement complexe et je n'en connais pas tous les éléments.
M. Daniel Turp: Une réponse de diplomate!
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Mills): Nous devrons mettre fin à la séance très bientôt, mais je vais demander à M. Laliberte d'être assez bref.
Je rappelle aux membres du comité que nous rencontrerons à la fin du mois un certain nombre de parlementaires birmans en exil. Nous aurons donc l'occasion de discuter de nouveau de ces questions.
Monsieur Laliberte.
M. Rick Laliberte: Dans un certain nombre d'observations que l'on a faites, il subsiste de l'incertitude... Peut-être simplement pour préciser les choses dans mon esprit... vous avez mentionné une entité appelée Conseil d'État pour la restauration de la loi et de l'ordre, dont le sigle est SLORC, et un organisme élu reconnu appelé la Ligue nationale pour la démocratie, dont la dirigeante est Aung San Suu Kyi. Qui est à la tête du SLORC? Y a-t-il un chef historique, ou bien est-ce justement le problème? Est-ce quelqu'un qui impose sa volonté militairement...
M. Bernard Giroux: Than Shwe est le chef du régime militaire. Ainsi, le SLORC a simplement changé de nom et s'appelle maintenant le SPDC; la bouteille est différente, mais le vin qu'elle contient est le même. Than Shwe est le général le plus haut gradé...
M. Rick Laliberte: Il l'a toujours été?
M. Bernard Giroux: Oui, c'est lui qui dirigeait sous le SLORC, et il est encore le chef sous le SPDC. Il fait partie de la junte militaire qui dirige la Birmanie.
M. Rick Laliberte: À des fins diplomatiques, pourquoi ne le mettez-vous pas en pleine lumière, pour ainsi dire, en le dénonçant comme principal coupable, au lieu d'un organisme qui est une junte militaire? Pourquoi ne pas mettre son nom? Dans tous ces documents, je n'ai pas pu trouver son nom, et j'ai dû vous le demander. C'est pourquoi je pose la question.
M. Bernard Giroux: Il est aussi le chef de l'État. Le chef de ce qui s'appelle le SPDC est le chef de l'État et du gouvernement de Birmanie, et je suis accrédité auprès de cette personne, du chef de l'État. C'est pourquoi je dois présenter mes lettres de créance à ce chef d'État.
M. Rick Laliberte: Merci.
Le vice-président (M. Bob Mills): Mme Debien m'a imploré de lui permettre de poser une toute petite question.
[Français]
Mme Maud Debien: La crise asiatique qui sévit actuellement a-t-elle eu des répercussions en Birmanie? On pense à la Thaïlande, où ça a explosé. Puisque la Birmanie est située assez près, est-ce que la crise asiatique y a eu des répercussions aussi graves que dans les autres pays du sud-est asiatique?
M. Daniel Turp: C'est une bonne question pour un économiste.
Mme Maud Debien: Oui.
M. Bernard Giroux: Je vais répondre parce que ça touche la Birmanie, et il faut que je sois au courant. Je pense qu'il faut être conscient que le commerce extérieur de la Birmanie est très limité; les emprunts étrangers de la Birmanie sont quasi inexistants.
• 1630
Une des raisons importantes des problèmes
que connaissent la Thaïlande, l'Indonésie et la Corée en
particulier, ce sont les emprunts irresponsables qui
ont été faits pendant un certain nombre d'années, sans
couverture de change. À un moment donné, il faut
passer à la caisse.
À ce niveau-là, la Birmanie n'est pas vulnérable
comme le sont la plupart des autres économies de
l'ANASE.
Évidemment, il y a quand même certaines exportations.
Il y a un commerce avec les pays limitrophes et il y
aura assurément quand même un impact au niveau des
exportations, même si elles sont limitées. Mais
l'ampleur de la crise en Birmanie ne peut pas être
celle qu'a connue la Thaïlande,
laquelle commence à sortir du trou, comme on le dit en bon
québécois. La Birmanie n'a pas connu le bas, mais elle
n'a jamais connu le haut non plus en termes de
croissance, comme la plupart des pays de
l'ANASE.
Mme Maud Debien: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Giroux, au nom des membres du comité, je vous remercie d'avoir comparu devant nous. Nous vous souhaitons tous la meilleure des chances. Envoyez-nous de vos nouvelles. Merci beaucoup.
M. Bernard Giroux: Merci.
Le vice-président (M. Bob Mills): La séance est levée.