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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 novembre 1997

• 1544

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.

Il s'agit de la 53e séance du comité des finances. Nous étudions le projet de loi C-2, loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.

Autour de cette table, nous accueillons le professeur Tom Courchene, économiste, École d'études politiques, Université Queen's; et Dale Richmond, président et directeur général de la Commission du régime de retraite des employés municipaux.

Soyez les bienvenus. À l'occasion de cette table ronde, vous disposerez chacun de 10 à 15 minutes pour présenter votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions.

• 1545

Nous allons commencer par le professeur Courchene.

M. Tom Courchene (École d'études politiques, Université Queen's): Merci. C'est avec plaisir que je retrouve la salle de votre comité. Il y a assez longtemps que je ne l'avais pas revue. Je vois cependant qu'il y a encore des visages que je connais. Je salue avec plaisir les ressortissants de ma province d'origine, la Saskatchewan.

Je vais m'attaquer aujourd'hui à certaines caractéristiques de la proposition s'appliquant au Régime de pensions du Canada. J'aime en partie ce qui a trait au préfinancement ainsi que l'élément qui se rapporte à la capitalisation, mais je vais mettre l'accent sur la question de l'équité entre les générations. Mon document s'intitule: «Génération X c. Génération excès». La Génération X est la nouvelle génération, et la Génération excès, c'est la nôtre, et nous repassons le fardeau aux jeunes. Je m'en tiendrai aux 10 minutes imparties.

Alors que nous semblons sur le point de réduire le fardeau de la dette s'imposant aux générations futures, du moins en termes de rapport entre la dette et le PNB, il semble bien que les Canadiens s'apprêtent à imposer aux jeunes des frais d'utilisation et des taux d'imposition d'un niveau anormalement élevé. L'accent est mis aujourd'hui sur les cotisations au RPC, mais le problème ne se limite pas aux pensions publiques. Les frais de scolarité dans les établissements postsecondaires grimpent rapidement et devraient encore augmenter si l'on applique aux frais de scolarité des barèmes de remboursement en fonction des revenus.

De plus, avec trois tranches d'impôt sur le revenu fédéral s'établissant à 17 p. 100, 26 p. 100 et 29 p. 100, la tranche intermédiaire est non seulement trop élevée, le seuil d'intervention est en outre bien trop bas, soit autour de 30 000 $. Si l'on ajoute le taux d'imposition provincial, qui est en moyenne de 50 p. 100, le taux marginal d'un étudiant diplômé qui gagne 30 000 $ se situe aux alentours de 40 p. 100. Ajoutez les surtaxes fédérales et provinciales ainsi que les différentes charges sociales, et vous arrivez probablement à un taux d'imposition marginal de plus de 50 p. 100.

La génération des gens établis et des Canadiens plus âgés, soit la génération excès, fait preuve d'un grand égoïsme en se retournant contre la génération X, une cohorte qui est loin de bénéficier des perspectives d'emplois et de revenus qui étaient les nôtres lorsque nous étions jeunes. En plus du problème d'équité entre les générations que cela pose, le résultat va être très coûteux pour le Canada, étant donné qu'à mon avis les plus qualifiés parmi les jeunes vont émigrer et offrir leur capital humain à des pays offrant un environnement économique plus généreux. S'ils reviennent, ce sera pour tirer parti de notre ensemble de prestations plus généreuses pour les personnes âgées.

Tout cela se retrouve dans les propositions d'augmentation des cotisations au RPC. Il m'apparaît qu'il y a un bien meilleur moyen, d'un point de vue social et économique, d'aborder la réforme du RPC que ne l'ont fait Ottawa et les provinces. Je reconnais qu'il est difficile de modifier ce projet de loi, tout simplement parce que l'on a déjà entériné un fait accompli. Néanmoins, je tiens à faire connaître mon point de vue à ce sujet.

Tout d'abord, s'il est exact que le passif non capitalisé se situe dans une fourchette de 500 à 600 milliards de dollars, il est tout aussi vrai que l'on a accumulé dans les RPA et dans les REER un montant d'actif déjà capitalisé encore plus important—probablement 700 milliards de dollars. Les deux facteurs vont entrer en jeu à mesure que la population va vieillir. L'information dont nous avons besoin et que le ministère des Finances ne nous a jamais fournie, alors qu'il devrait le faire, c'est une comptabilité prospective nous indiquant quelles sont les répercussions sur les recettes globales du vieillissement de la prochaine génération de personnes âgées.

Plus précisément, quelles sont les répercussions au niveau des recettes de cette réserve de plus de 700 milliards de dollars dans les RPA et les REER? Elles sont certainement énormes. Pourquoi ne pas affecter une partie de ces impôts futurs à des dépôts dans le fonds d'investissement indépendant qui est proposé au sein du RPC afin d'alléger les cotisations demandées à la génération X et aux suivantes? Après tout, la décision de sous-financer le RPC a été prise consciemment par notre société au début du programme.

Il est vrai que les erreurs de prévision associées aux relèvements des prestations qui ont eu lieu par la suite ont aggravé les effets du sous-financement prévu à l'origine, mais les principaux bénéficiaires de tout cela sont les membres de la génération excès et non pas ceux de la prochaine génération. En effet, le sous-financement du RPC est aux yeux d'un économiste un coût non récupérable, ce qui en fait par conséquent une question de transfert fiscal généralisé et ne justifie certainement pas que l'on impose aux jeunes et aux générations futures un rendement négatif sur leurs cotisations du RPC—négatif au sens où ce rendement sera moindre que s'ils avaient placé leur argent au taux du marché. C'est le premier point.

• 1550

Le deuxième point, c'est que nous continuons de permettre aux membres de la génération excès d'accumuler des fonds en franchise dans leur régime de pension au-delà de 65 ans. C'est une politique sociale illogique étant donné que ces fonds sont un moyen d'épargner en vue de la retraite et non pas de placer de l'argent avec un dégrèvement fiscal. Pourquoi ne pas ramener la limite d'âge, pour concéder cette franchise fiscale, des 69 ans actuels à 65 ans, et ne pas réinjecter les recettes correspondantes dans le fonds, là encore pour contribuer à réduire les cotisations payées par les jeunes?

Troisièmement, étant donné le montant incroyable des éléments d'actif ainsi accumulés, nous devons nous assurer qu'ils finiront par être assujettis à l'impôt, surtout compte tenu du fait qu'ils ont bénéficié d'une aide fiscale généreuse. On pourrait penser à une certaine forme d'impôt sur l'héritage ou de droit successoral, dont les recettes seraient là encore tout indiquées pour être reversées dans la réserve du RPC. Même si ce n'était qu'un impôt modeste, sur le modèle de ce que l'on trouve dans d'autres juridictions, ce serait un engagement symbolique important entre les générations pour l'avenir du RPC.

Quatrièmement—et c'est l'élément le plus intéressant—une fois que la nouvelle prestation aux personnes âgées sera en place, chaque dollar de prestation versée au titre du RPC permettra probablement au gouvernement fédéral d'économiser 50¢, parce qu'il sera compensé par une baisse du super SRG entrant dans la composition de la nouvelle prestation pour les personnes âgées. Signalons que dans le système actuel, avant l'introduction de la prestation pour personnes âgées, les provinces percevaient elles aussi une partie de l'impôt sur les prestations du RPC, parce qu'elles n'étaient pas compensées par la prestation pour les personnes âgées. Dans le nouveau système, Ottawa va percevoir la totalité.

Nous continuons à parler d'un passif non capitalisé de 500 à 600 milliards de dollars, alors qu'Ottawa va en fait empocher 40 ou 45 p. 100 de cette somme. Pourquoi demandons-nous aux jeunes de rembourser un passif non capitalisé de 600 milliards de dollars avant impôt pour que le gouvernement fédéral puisse empocher quelque 250 milliards de dollars? Je ne pense pas que ce soit juste pour les jeunes, et je ne pense pas que l'on se soit suffisamment penché sur cette dimension du RPC.

Là encore, il est logique qu'Ottawa prélève une partie des recettes qui vont être perçues sur les prestations existantes du RPC, les transfère dans le fonds, fasse en sorte que celui-ci augmente, et réduise les augmentations des cotisations à l'avenir.

Je considère néanmoins qu'il faut que la prochaine génération paie sa juste part du RPC, mais pas davantage. Cela représenterait, selon des calculs approximatifs que j'ai vus, et après avoir réglé une partie des problèmes internes du RPC, des taux d'environ 7,5 ou 8 p. 100 dans les conditions du marché, et non pas les cotisations élevées qui sont envisagées aujourd'hui. Selon les conséquences des propositions que j'ai faites sur les points qui précèdent, il se pourrait même que l'on puisse fixer ces taux à un niveau encore plus bas, parce que j'estime que le RPC correspond à ce que les économistes considèrent comme un «bien social», et je reste résolument partisan de tout ce qui a trait à l'équité entre les générations dans le cadre du RPC.

Le sixième point est difficile à faire passer d'un point de vue politique, comme la plupart des autres peut-être, mais c'est encore plus net pour celui-ci. Si l'augmentation des cotisations doit être échelonnée pour la plus jeune génération—la génération X—il faudrait par principe appliquer immédiatement l'intégralité de l'augmentation des cotisations pour tous ceux qui appartiennent à ma tranche d'âge, parce que c'est maintenant qu'il faut le faire avant que nous prenions notre retraite, et nous allons retirer d'énormes avantages du RPC.

Bien sûr, je sais bien que les politiciens ne vont jamais mettre en oeuvre un échelonnement des cotisations en fonction de l'âge, mais c'est un point intéressant à soulever, parce qu'il nous fait comprendre qu'il y a ici un problème de génération. Nous faisons supporter les coûts par les jeunes alors que nombre des avantages vont être retirés par les personnes âgées actuelles ou celles qui vont l'être bientôt.

Septièmement, et c'est un argument que vous allez entendre souvent, il est totalement absurde qu'Ottawa perçoive environ 7 milliards de dollars en primes d'assurance-emploi, tant d'un point de vue du programme que de la législation actuelle en matière d'assurance-emploi. Il faudrait au strict minimum que l'on réduise les primes d'assurance-emploi parallèlement aux augmentations du RPC jusqu'à ce que ce fonds soit épuisé. Je suis sûr que certaines mesures de cet ordre seront prises.

Huitièmement, dans le cadre de la réforme fiscale, les RPA et les REER ont continué à bénéficier d'une déduction au milieu des années 80 alors que le RPC a été transformé en une contribution au taux d'imposition le plus faible. Cela s'est traduit par un transfert direct de fonds effectués par les cotisants du RPC dans les coffres fédéraux et provinciaux. Pourquoi? Ottawa pourrait rendre aux contributions leur statut de déduction, ce qui enlèverait par conséquent une partie des pressions découlant de l'augmentation des cotisations.

Neuvièmement, outre les mesures liées au RPC, le dividende financier, lorsqu'il se matérialiserait, devrait servir en partie à abaisser, disons à 24 p. 100, la tranche d'imposition intermédiaire des revenus fixés actuellement à 26 p. 100, et à augmenter par ailleurs le seuil à partir duquel elle s'applique. Souvenons-nous que c'était l'intention du gouvernement conservateur au milieu des années 80. Les nouveaux taux d'imposition fédéraux qui ont été introduits à l'époque faisaient partie d'une première étape de la réforme fiscale. Il était prévu de se servir d'une partie du produit de la deuxième étape, celle de la TPS, pour abaisser le taux d'imposition intermédiaire. Cela ne s'est pas matérialisé.

Il est temps désormais de prendre une telle initiative. Cela fait partie intégrante de la thèse générale qui veut que l'on résolve les problèmes que pose le RPC d'une manière qui n'incite pas les jeunes Canadiens très scolarisés à aller faire fructifier ailleurs leur capital humain subventionné par l'impôt. Nous entrons de plus en plus dans l'ère de l'information, c'est ce capital qui compte le plus et, dans le cadre des changements proposés au RPC, il deviendra de plus en plus mobile.

• 1555

Le dixième point n'est pas consigné dans notre document, mais je soumets le calcul suivant aux membres du comité. Je me souviens qu'il y a cinq ans environ, alors que je faisais l'étude du RPC, j'ai pu constater qu'un Ontarien ayant cotisé au RPC à concurrence de la moitié du maximum pendant toute sa vie—la pension équivalente se montait à la moitié du RPC, ou entre la moitié et les trois quarts—ne touchait à la retraite qu'un montant dont la valeur équivalait à zéro étant donné que la moitié lui était retirée par le SRG et l'autre moitié par le RRAG. Ce n'est pas nécessairement un problème lié au RPC, mais il met bien en valeur ce que je cherche à faire comprendre.

Si vous replacez le RPC dans un contexte plus général, vous obligez finalement les catégories de revenus les plus basses à payer des cotisations de 9,9 p. 100. L'intégralité va aller aux catégories de revenus les plus basses, parce que cela va leur être transféré finalement, et avec quel résultat? Pour certains, sans aucun résultat au bout du compte. C'est un impôt sur l'emploi et un impôt sur les revenus actuels, et j'estime que c'est tout à fait injuste.

Pour résumer, Ottawa et les provinces se trompent lourdement en cherchant à résoudre les difficultés du RPC en agissant uniquement sur les paramètres du RPC. Le passif non capitalisé dépasse le RPC en ce sens que c'est un coût de société irrécupérable auquel on doit remédier dans le cadre d'un transfert fiscal plus large et mieux adapté. Essayer de résoudre un problème de société en mettant le fardeau de la non-capitalisation sur les épaules de la génération X est une mauvaise politique sociale et, à mon avis, une politique d'équilibre entre les générations plus mauvaise encore. De plus, cela risque d'être une politique économique catastrophique.

La génération X ne va pas se détourner directement du RPC. Elle va se détourner du Canada et emporter avec elle notre investissement dans son capital humain, ce qui va par conséquent remettre sérieusement en cause les perspectives économiques du Canada, sans parler de celles du RPC.

Je me demande pourquoi nous agissons ainsi envers les jeunes Canadiens. Nous n'agissons pas ainsi envers les personnes âgées. Nous avons modifié le régime pour les personnes âgées, nous avons remplacé les prestations existantes par des prestations pour personnes âgées. Nous leur avons donné le choix pour que personne n'y perde. Pourtant, nous ne le faisons pas pour les jeunes. Leurs intérêts ne sont pas défendus dans le cadre du RPC.

Je le répète, je crois bien n'avoir aucune chance d'influencer le comité. Je le savais avant de venir ici, mais je pense néanmoins qu'il est bon d'examiner le RPC dans le cadre plus large de l'équilibre entre les générations. Nous devons nous rendre compte que c'est le capital humain que représentent nos jeunes qui fera la grandeur du Canada à l'avenir, et que nous les forçons à quitter le pays en leur imposant des cotisations aussi élevées.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, professeur Courchene.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Dale Richmond.

M. Dale Richmond (président et directeur général, Commission du régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Je ferais quelques observations d'ordre général et je parlerai ensuite de la position du RREMO vis-à-vis du Régime de pensions du Canada. Enfin, je me référerai brièvement aux amendements.

Je tiens tout d'abord à appuyer toutes les recommandations qui sont faites dans le projet de loi C-2. Je suis tout particulièrement satisfait du processus de consultation qui a été adopté et de la diligence dont a fait preuve le ministre pour présenter ces changements.

À l'intérieur du régime des pensions du Canada, le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario a abordé les consultations de deux manières. La commission elle-même, qui bien entendu administre personnellement un gros régime de pension, a engagé le débat sur les documents de consultation et a effectivement remis un ensemble de recommandations au secrétariat chargé de la consultation. En plus, monsieur le président, la commission s'est chargée de distribuer la documentation à nos 260 000 membres. Nous ne leur avons pas conseillé ce qu'il fallait dire, mais nous leur avons demandé de nous faire part de leur opinion s'ils en avaient une. Nous trouvons normal que de nombreux membres du RREMO n'aient pas contacté le secrétariat.

Pour que les membres du comité sachent exactement où je veux en venir et quels sont mes partis pris, le RREMO est un régime de pension pleinement capitalisé. C'est un régime de pension dont les prestations sont bien définies, et qui est intégré au Régime de pensions du Canada—je reviendrai plus tard sur la signification de cette intégration. Il est financé à part égale par les cotisations des employeurs et des employés. Nous avons 260 000 membres, comme je l'ai indiqué, environ 30 milliards de dollars d'investissement, et notre fonds de pension est en activité depuis 35 ans, depuis sa création en 1963.

• 1600

Lorsque la commission du RREMO a examiné les documents de consultation et a délibéré pour savoir quelle position elle devait adopter au sujet du Régime de pensions du Canada, elle en est arrivée à un certain nombre de conclusions. La première, bien entendu, était qu'elle appuyait le maintien du Régime de pensions du Canada en tant que régime universel, dépendant des gains et avec des prestations bien définies. Elle a conclu qu'il devait être préservé pour l'essentiel. Lors des discussions, elle a en fait rejeté par ailleurs la nécessité d'apporter des changements radicaux au système, tout en favorisant le changement.

Bien entendu, la commission du RREMO, en raison de sa propre expérience d'un régime pleinement capitalisé, était en faveur d'un assainissement financier du Régime de pensions du Canada. Elle a souhaité cependant appliquer un certain nombre de principes, qui ont été communiqués au secrétariat: il fallait que les changements soient progressifs et raisonnables; il ne fallait pas transférer indûment les coûts—et nous venons juste d'avoir une petite discussion au sujet de la répartition des coûts suivant les générations; il ne fallait pas que l'ampleur de l'augmentation des cotisations empêche les gens de cotiser à d'autres régimes de pension—j'y reviendrai en quelques mots; enfin, il ne fallait pas remettre en cause la compétitivité des entreprises canadiennes.

Pour ce qui est des modifications effectivement apportées au projet de loi C-2 au sujet du financement, il est certain que le RREMO appuie sans réserve la création d'un office d'investissement du RPC. Nous avons une longue expérience des offices d'investissement et vous savez bien entendu que, bien souvent, les pensions sont payées soit par les cotisations, soit par le rendement des investissements. Il n'est pas question pour nous de recourir à l'impôt.

Nous savions que les cotisations devaient augmenter, mais nous voulions nous assurer par ailleurs que si elles augmentaient, ce serait à un taux uniforme au-dessous du niveau de 10 p. 100. Cela vient du fait que nous étions préoccupés par ce que j'appelle la saturation des gens appelés à cotiser davantage au Régime de pensions du Canada et n'ayant plus la volonté, par conséquent, de cotiser autant au titre du régime de pension de leur employeur ou dans le cadre de leur propre régime d'épargne personnel.

Pour ce qui est de limiter l'exemption annuelle de base à 3 500 $, nous considérons que les effets vont être progressifs mais, comme les calculs l'ont montré, c'est important dans l'équation de financement elle-même. La commission est donc favorable à cette mesure.

Pour en revenir à l'augmentation des cotisations, je le répète, nous avions peur que cela ait des répercussions sur les cotisations dans notre régime.

En ce qui concerne la modification des prestations, la formule qui établit une moyenne sur cinq ans et non plus sur trois ans peut être examinée ou défendue de deux manières. La nouvelle formule est certainement moins onéreuse, et je pense qu'elle est plus conforme aux normes de calcul prévoyant des prestations bien définies. La moyenne calculée sur cinq ans est la plus couramment employée, surtout parce qu'elle est légèrement moins onéreuse.

Toutefois, étant donné que le RREMO est un régime intégré qui prend en compte le Régime de pensions du Canada, tant au niveau des cotisations exigées que des paiements et des prestations versées en fonction de la disposition bien précise qui va être appliquée, et ainsi que l'a déclaré Tom Courchene, la nouvelle génération et les futurs contribuables vont payer un petit peu plus et recevoir un petit peu moins. S'ils reçoivent moins, vers qui vont-ils se tourner pour maintenir le même niveau de prestations? Vont-ils s'adresser à des régimes de pension des employeurs comme le RREMO ou vont-ils faire appel à leur épargne personnelle S'ils se tournent vers le RREMO, de fortes pressions s'exerceront sur notre régime afin d'améliorer la structure des prestations alors que les sommes versées par le Régime de pensions du Canada diminueront dans une certaine mesure.

• 1605

Nous nous sommes beaucoup préoccupés des prestations d'invalidité en parlant des pensions, parce que si les prestations d'invalidité finissent par remettre en cause les prestations de pension, il faut alors que les deux choses soient séparées. Néanmoins, les différents types de changements évoqués dans les modifications législatives peuvent indéniablement être appliqués pendant un certain temps avant qu'il soit besoin de les réexaminer en profondeur.

Enfin, toutes les mesures favorisant l'administration et obligeant à rendre des comptes dans le régime sont parfaitement logiques et conformes à ce qui se fait de mieux dans le domaine, ce qui était effectivement nécessaire compte tenu de la façon dont le régime était administré et dont les fonds étaient investis.

Par conséquent, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, nous considérons que tous comptes faits il s'agit là d'une mesure raisonnable, responsable et adoptée en temps utile, et nous espérons de tout coeur que ce projet de loi sera adopté rapidement et que les modifications seront apportées.

Le président: Merci, monsieur Richmond.

Nous allons maintenant entendre M. David Stark, qui représente l'Association des entreprises en placement et gestion de personnel du Canada.

M. David Stark (directeur des Affaires publiques, Association des entreprises en placement et gestion de personnel du Canada): Merci.

C'est un plaisir pour moi d'être ici et de siéger au côté du professeur Courchene. Je suis un élève de l'Université Queen's, et le professeur Courchene jouit d'une grande renommée à Queen's et dans tout le Canada. Je me fais un plaisir de vous présenter cet exposé aujourd'hui.

Nous sommes ici pour représenter les entreprises en placement et gestion de personnel. Je suis le directeur des affaires publiques de l'Association des entreprises en placement et gestion du personnel du Canada. Nous avons plus de 100 membres qui, ensemble, gèrent plus de 500 bureaux du Canada, et qui dispensent des services d'aide temporaire, de gestion des installations, de dotation en personnel à long terme, de paie et de placement.

Nous sommes un gros employeur. Nous estimons qu'en 1996, le total des salaires versés aux employés temporaires au Canada s'est élevé à 1,8 milliards de dollars environ. Nous contribuons fortement et de manière positive à la bonne marche de l'économie canadienne.

Dans l'ensemble, nous appuyons le projet qu'a le gouvernement du Canada d'apporter les changements nécessaires au Régime de pensions du Canada. Nous appuyons dans une large mesure les changements proposés. Même si les cotisations vont augmenter régulièrement au cours des six prochaines années, nous nous réjouissons de savoir que le RPC va rester intact au profit des futures générations de travailleurs canadiens.

Nous sommes aussi en faveur du projet qu'a le gouvernement du Canada de régler d'autres questions importantes au cours des deux prochaines années, tel que le fait de procurer des pensions partielles aux Canadiens qui font une transition progressive du monde du travail à la retraite. Je dois dire que parmi la main-d'oeuvre temporaire, il y a des Canadiens retraités ou en semi-retraite pour lesquels un emploi temporaire offre un mode de vie intéressant.

Nous sommes ici, cependant, parce que nous nous opposons au projet d'augmentation des cotisations de l'année 1997, qui passeraient de 5,85 p. 100 à 6 p. 100, avec une application rétroactive au 1er janvier 1997. Cette augmentation rétroactive de 0,15 p. 100, dont la moitié sera défrayée par les employeurs, aura une influence significative sur la rentabilité des entreprises de placement et entraînera une baisse de leur marge d'autofinancement.

La raison en est simple. Le gouvernement du Canada a annoncé à l'automne 1996 que le taux de cotisation pour 1997 serait de 5,85 p. 100, de sorte que nos membres ont facturé leurs clients en fonction du taux qui était ainsi confirmé. Vous devez comprendre que les sociétés d'aide temporaire sont les employeurs inscrits et qu'à ce titre ils répondent aux critères habituels définissant un employeur en common law. Elles sont responsables du paiement des salaires de leurs employés temporaires et du versement des retenues sur les salaires qui sont prévues par la loi. Nos membres paient la part de l'employeur en ce qui a trait à l'assurance-emploi, au RPC et au RRQ; ils paient les primes d'accident du travail et l'impôt santé des employeurs.

• 1610

Vous comprenez bien que le montant de ces charges sociales doit être connu à l'avance pour que, lorsque nos sociétés membres signent des contrats avec leurs clients, elles sachent quels vont être leurs coûts l'année suivante afin de faire payer leurs services en conséquence.

Ce qui se passe ici, j'imagine, c'est que le gouvernement du Canada voulait, avec la collaboration des provinces, faire en sorte que ce projet de loi soit effectivement adopté par la Chambre il y a un an. Ça n'a pas été possible; ils n'ont pu se mettre d'accord. Par conséquent, à la mi-février, le ministre des Finances a annoncé qu'il y aurait une augmentation rétroactive du taux. Oui, mais certains de nos membres avaient déjà entamé leurs activités en 1997 ou déjà signé des contrats en se fondant sur le taux de 5,85 p. 100, et ils doivent encourir aujourd'hui des coûts significatifs.

Je dois ajouter que plus on retarde... Nous en sommes maintenant à la fin de l'année 1997, et les coûts s'accumulent, en supposant que ce projet de loi soit adopté sans lui apporter un amendement clé qui consisterait à maintenir à 5,85 p. 100 le taux pour 1997.

Quels sont les coûts? Nous estimons que le coût pour notre industrie de l'augmentation rétroactive qui est proposée au titre du Régime de pensions du Canada s'élèvera à 1,2 millions de dollars. C'est une grosse charge pour les employeurs. Nous estimons que le coût pour les employeurs du Canada, à l'exception du Québec où le taux pour 1997 est actuellement de 6 p. 100, s'élèvera à 201 millions de dollars.

Nous calculons ce chiffre de la manière suivante. Nous prenons le total de la main-d'oeuvre salariée au Canada, à l'exception du Québec, soit 10,7 millions de personnes selon les chiffres fournis par Statistique Canada. On multiplie ce chiffre par 25 000 $, qui correspond à la moyenne des gains annuels tirés d'un emploi au Canada moins l'exemption de base annuelle de 3 500 $ au titre du RPC, et l'on obtient le montant de 268,7 milliards de dollars, qui correspond au revenu brut total de l'ensemble des Canadiens, sauf les Québécois, en 1996. En supposant que tous ces facteurs soient les mêmes en 1997, on prend ce revenu total de 268,7 milliards de dollars en 1996 et on le multiplie par 0,0075, chiffre qui représente la part de l'augmentation rétroactive correspondant aux employeurs, et l'on obtient le chiffre de 201 millions de dollars que vont devoir payer les employeurs.

Pour résoudre ce problème, notre recommandation part de plusieurs éléments clés. Je me penche sur ces questions depuis des années, et je ne me souviens pas qu'un gouvernement ait déjà imposé une augmentation rétroactive d'une charge sociale. Nous estimons que les augmentations des charges sociales pour 1998 devraient être annoncées à l'automne. Les entreprises pourraient ainsi prévoir à l'avance les conséquences des augmentations avant de passer des contrats avec leurs clients.

L'élément qui va suivre revêt une importance fondamentale pour ce projet de loi. Bien évidemment, si l'on maintient à 5,85 p. 100 le taux de cotisation en 1997, les prévisions de recettes au titre du RPC vont en être affectées et le barème de cotisation proposé va en être bouleversé. Nous estimons qu'il faudrait relever légèrement les cotisations prévues pour les années qui vont suivre afin de compenser le manque à gagner en 1997.

Une bonne partie de cet argent, du fait de cette augmentation rétroactive, ne peut être récupérée par nos membres ou d'autres entreprises du secteur des services dispensés sous contrat, tels que nettoyeurs sous contrat, entreprises de services alimentaires ou entrepreneurs d'entretien des bâtiments, lorsque la part de la main-d'oeuvre est élevée—lorsqu'en fait les frais de main-d'oeuvre sont les principaux coûts d'exploitation de l'entreprise. Dans notre secteur et dans ceux que je viens juste de mentionner, ils s'élèvent à environ 75 ou 85 p. 100. Vous pouvez donc comprendre que notre secteur va être durement touché et je vous avoue bien franchement que cela va se répercuter sur les marges d'autofinancement et la rentabilité de nos sociétés membres.

Jeremy et Meredith, qui sont membres de notre organisation, ont quelques mots à ajouter.

Jeremy ou Meredith, vous pourriez peut-être commenter les répercussions de cette mesure sur le gouvernement fédéral.

M. Jeremy Ingle (Association des entreprises en placement et gestion de personnel du Canada): J'ai parlé à certains responsables du secteur des achats et des services sous contrat du gouvernement fédéral, et ils sont absolument horrifiés, parce que la plupart des contrats du gouvernement sont rédigés de telle sorte qu'en cas de modification de la législation, le fournisseur du gouvernement est fondé à réclamer l'augmentation de coût.

• 1615

Dans les circonstances normales, ce n'est pas difficile. Ce n'est pas une grosse contrainte. C'est une gêne qui peut se produire. Toutefois, lorsqu'on procède rétroactivement, le chaos va être total parce que, tout d'abord, il y a des centaines de milliers de factures qui ont été émises en 1997 qui devront être vérifiées et recalculées. La quantité de travail devant permettre de déterminer comment recalculer ces factures est disproportionnée, tout simplement parce qu'il s'agit du prix de vente d'un service au gouvernement alors qu'il faut calculer l'effet de ce prix de vente sur la part correspondant à la main-d'oeuvre. Nous allons donc avoir une armée d'employés du gouvernement procédant à la réévaluation de toutes les factures qui leur sont envoyées.

Les responsables des approvisionnements ont été horrifiés lorsqu'ils ont appris cela. Ils ont déclaré que cela allait leur imposer un travail énorme.

Les entreprises de notre secteur seront en mesure de réclamer ces sommes au gouvernement, mais le coût de cette opération sera pour lui comme pour nous énorme. Nous affirmons que si l'on évite la rétroactivité, les coûts seront minimes et le travail sera bien moindre pour les deux parties, et si on relève le taux l'année prochaine, le coût sera moindre pour les deux parties. On évitera les tracas administratifs—et croyez-moi, c'est un cauchemar pour les deux parties—tout en récupérant quand même l'argent. Nous ne voyons donc pas vraiment la raison pour laquelle on ne pourrait pas percevoir l'argent l'année prochaine plutôt que de procéder rétroactivement.

En réalité, la solution qui consiste pour le gouvernement à percevoir l'argent l'année prochaine présente certains avantages, parce que la masse salariale canadienne aura augmenté l'année prochaine par rapport à 1997, ce qui fait que l'on appliquera ce pourcentage à un plus gros montant et que l'on en tirera en fait davantage de recettes. Vous allez me dire que cela ne va pas compenser les intérêts perdus, mais j'imagine que si. Si quelqu'un faisait les calculs, si l'on appliquait le même taux rétroactif et si on l'ajoutait à 1998, en plus du fait que la masse salariale sur laquelle s'applique le paiement aura augmenté, on s'apercevrait que l'on est en fait gagnant tout en épargnant bien des difficultés à tout le monde.

Il faut aussi bien voir que nous devons agir très rapidement parce que vous n'ignorez pas qu'un très fort pourcentage des entreprises canadiennes sont informatisées et que lorsque nous sortirons nos feuilles de paie le 1er janvier, il faudra que ces chiffres soient consignés. Si nous n'avons pas le nouveau chiffre, si vous ne l'avez pas annoncé et si nous n'avons pas dit aux sociétés informatiques de faire leurs calculs en conséquence, nous allons nous retrouver devant un problème encore plus grave, parce qu'il va nous falloir alors commencer l'année avec un chiffre que l'on ne connaît pas. Les sociétés informatiques n'en sauront rien non plus et elles ne pourront pas programmer leur logiciel de manière à avertir suffisamment à temps leurs clients pour que nos listes de paie tombent justes.

Par conséquent, si nous maintenons cette rétroactivité, nous allons vers un véritable chaos administratif. Je sais qu'il y a bien des gens qui ne se sont pas véritablement penchés sur le problème et qui estiment que c'est ainsi que l'on doit procéder, mais qu'est-ce que cela va donner? J'essaie de vous faire comprendre en quelques mots les tracas que cela va causer à tout le monde.

Le président: Merci, monsieur Ingle.

Monsieur Egan, voulez-vous ajouter quelques mots?

M. Meredith Egan (Association des entreprises en placement et gestion de personnel du Canada): Simplement pour souligner ce qui vient d'être dit concernant les coûts que vont entraîner pour les entreprises et le gouvernement fédéral la perception de cet argent et la nécessité pour nous de refacturer tous les contrats individuels.

Le président: Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

Monsieur Crête, avez-vous une question?

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur Courchene, il faut vous féliciter pour votre document dans lequel vous nous exposez une approche plus large qui ne se limite pas au Régime de pensions du Canada. J'ai deux questions précises.

À la page 3, vous dites qu'il faudrait imposer immédiatement aux gens plus âgés des augmentations pour essayer de créer un équilibre par rapport aux générations plus jeunes, afin qu'elles n'aient pas à payer autant pour quelque chose dont elles ne bénéficieront pas. J'aimerais que vous explicitiez de quelle façon pratique on pourrait mettre en place un tel système.

• 1620

Deuxièmement, vous suggérez que le surplus de 7,1 millions de dollars de cotisations à l'assurance-emploi devrait être remis entre les mains de ceux qui y ont cotisé étant donné qu'on a déjà atteint le surplus visé et que ça s'ajoute. Avez-vous calculé l'impact d'une telle mesure sur le taux de cotisation?

[Traduction]

M. Tom Courchene: Sur la première question qui a trait au calcul des cotisations en fonction de l'âge, j'ai déclaré que ce n'était probablement pas une mesure que les politiciens allaient accueillir à bras ouverts, mais elle est logique du point de vue de l'équilibre entre les générations dont j'ai parlé.

Pendant la plus grande partie de ma vie active, j'ai payé 3,6 p. 100 de cotisations au titre du RPC—1,8 p. 100 pour l'employeur, 3,6 p. 100 pour moi—et aujourd'hui c'est environ 5 p. 100. Toutefois, vous ne me rattraperez pas, quoi que vous fassiez. Je vais quand même m'en sortir à mon avantage en ce qui a trait au RPC comparativement à mes petits-enfants. Si vous voulez me rattraper, si vous décidez de porter progressivement ces cotisations à 9,9 p. 100 en 2001, il serait alors logique et équitable de faire en sorte de m'appliquer immédiatement ces 9,9 p. 100. Vous auriez ainsi réussi, dans cinq ou six ans, à me faire cotiser.

Il vous faudra cependant faire attention. Ma part de cotisation devra être portée au point d'équilibre de 9,9 p. 100, mais pas celle de mon employeur, à mon avis. La part de l'employeur devrait être augmentée progressivement. Sinon, les employeurs auraient intérêt à engager des employés plus vieux ou plus jeunes. Ce n'est pas ce que je veux.

Ce n'est pas tant l'influence de cet argument sur votre action mais le fait qu'il met en valeur les questions de générations qui m'intéressent ici.

Je dois avouer que je n'ai pas bien compris votre deuxième point. Parliez-vous des cotisations à l'assurance-emploi?

[Français]

M. Paul Crête: Oui. Je parlais des cotisations à l'assurance-emploi auxquelles vous faites allusion à la page 4. Vous dites que le surplus de 7,1 milliards de dollars devrait être remis aux cotisants. J'ai cru comprendre que vous affirmiez que le surplus souhaité était déjà atteint et qu'il y avait un surplus supplémentaire. Si on remettait l'argent aux cotisants, quel effet est-ce que cela aurait sur la baisse du taux de cotisation?

[Traduction]

M. Tom Courchene: D'après les calculs que j'ai vus, le taux d'équilibre pour l'assurance-emploi était de 2,20 $ pour un particulier contre 2,80 $ et 5,90 $ à l'heure actuelle.

Supposons que ce soit 2,90 $. C'est 70¢ pour un particulier. Les sociétés paient 1,4 p. 100. Il y a probablement 1 $ environ de plus, de sorte qu'il nous reste 1,70 $ de fonds supplémentaires. Si l'on part à 5 p. 100, on peut aller à 6,7 p. 100 sans aucune augmentation des charges sociales globales.

Dans le cadre de mon analyse, il y a non seulement un problème d'équilibre entre les générations, mais aussi la nécessité d'éviter que les États-Unis deviennent un Eldorado pour les jeunes Canadiens. Combien de sociétés comme Microsoft vont-elles venir se percher sur les murs de l'Université de Waterloo et d'autres universités pour essayer d'acheter nos étudiants?

Je suis tout à fait d'accord pour qu'on laisse la liberté de choix aux étudiants, mais nous devrions au moins essayer de ne pas les obliger à partir en raison d'une fiscalité trop lourde. Nous avons énormément investi d'argent à leur sujet. S'ils nous quittent, le coût sera vraiment prohibitif. Le RPC s'en ira à vau-l'eau si l'on ne perçoit plus leurs cotisations.

Je crois que ça va être de plus en plus difficile pour le ministre des Finances Martin. Il a déjà réalisé tous les gains dont il parlait et je suis sûr que c'est une hypothèse assez raisonnable que d'autres que moi aurons faites.

[Français]

M. Paul Crête: Lors d'une autre séance de comité ce matin, on disait qu'une légère baisse des taxes sur la masse salariale n'aurait pas nécessairement un effet direct sur l'emploi et que ce sont surtout les hausses de taxes sur la masse salariale qui ont un impact négatif sur l'emploi.

• 1625

Est-ce que vous avez un modèle économétrique ou de information qui nous permettrait de savoir plus exactement quel est l'impact d'une telle hausse sur l'emploi?

[Traduction]

M. Tom Courchene: J'ai chez moi dans mon bureau, je ne l'ai malheureusement pas sur moi, une étude de Dale Orr. C'est peut-être Dale Orr qui était là ce matin.

Quoi qu'il en soit, Dale a passé en revue les études qui ont été faites et a estimé l'effet probable d'un maintien à 2,85 $ ou à 2,90 $ les cotisations d'assurance-chômage plutôt que de les ramener à 2,20 $. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais je crois que c'est entre 100 000 et 200 000 emplois. Toutefois, les effets disparaissent au bout de six ans environ et l'on en revient à l'équilibre parce que tout cela est répercuté sur les employés. Ils finissent par absorber l'intégralité du coût de cette mesure parce que lorsque les capitaux sont mobiles alors que la main-d'oeuvre ne l'est pas... Nous pouvons parler d'un partage d'une charge sociale de 9,9 p. 100 entre les employeurs et les employés, mais la théorie économique nous enseigne qu'au bout de cinq ou six ans le fardeau est en fait intégralement supporté par les employés, parce que les capitaux sont mobiles et doivent être bien rémunérés.

Je peux vous faire parvenir cette étude, monsieur Crête. Elle se trouve dans mon bureau et elle présente toute une gamme d'estimations. Je ne peux pas vous donner plus de précisions pour l'instant.

[Français]

M. Paul Crête: Merci.

[Traduction]

M. Lorne Nystrom (Qu'Appelle, NPD): Je veux poser deux questions au professeur Courchene mais, auparavant, je voudrais poser une question au groupe que vous représentez, monsieur Stark, et en particulier à M. Ingle.

Quand avez-vous besoin de savoir si le ministère fédéral des Finances accepte ou non votre proposition pour que vous puissiez organiser vos logiciels et prendre d'autres dispositions? Compte tenu du temps quÂil nous reste en l'espèce, il y a...

M. Jeremy Ingle: Il y a deux choses ici. La première, c'est que si nous sachions qu'il n'y aura pas d'augmentation rétroactive, je pense le 1er janvier... Je ne peux pas parler au nom des sociétés de logiciels qui rédigent la plupart des programmes de paie au Canada, mais nous recevons normalement le nôtre environ une semaine avant. Elles sont généralement très bousculées. J'imagine qu'elles auraient probablement besoin de deux ou trois semaines pour transformer leurs programmes et les distribuer avec les nouveaux taux. Il faudrait probablement qu'elles le sachent avant Noël.

D'un autre côté, si nous savons avant le dernier jour du mois de décembre qu'il n'y aura pas d'augmentation rétroactive, il n'y a plus de pression. Ce n'est plus un gros problème.

M. Lorne Nystrom: Si je comprends bien votre proposition, vous parlez de percevoir à peu près le même montant d'argent, et même un peu plus parce qu'il y aura davantage de main-d'oeuvre à compter du 1er janvier 1998.

M. Jeremy Ingle: Oui.

M. Lorne Nystrom: Je ne veux pas me faire ici l'avocat du diable, mais j'aurais simplement une question à vous poser. Je ne suis pas sûr qu'on pourrait alors parler de rétroactivité, parce que Jim aura peut-être travaillé en 1997 et ne travaillera plus en 1998, de sorte que dans certains cas vous allez percevoir cet argent chez d'autres personnes. N'est-ce pas le cas?

M. Jeremy Ingle: Ce serait le cas, mais il n'y aurait là aucune différence par rapport à n'importe quelle législation qui ne serait pas rétroactive. La législation s'applique à compter du jour... Donc, oui, vous avez tout à fait raison.

M. Lorne Nystrom: Je suis sûr que le président va prendre l'initiative de vérifier auprès du ministère des Finances pour savoir s'il va ou non faire quelque chose de ce point de vue.

Le président: J'en ai pris bonne note, monsieur Nystrom. Bien sûr.

M. Lorne Nystrom: Je voudrais maintenant poser une question à M. Courchene. Vous avez vraiment piqué ma curiosité avec votre étude sur le conflit entre la génération X et ce que vous appelez la «génération excès» et avec la crainte que vous éprouvez de voir les jeunes chassés de notre pays. Avez-vous des informations récentes qui nous permettraient de savoir s'il y a effectivement eu une augmentation du nombre de jeunes quittant le Canada?

Je suis par ailleurs tout à fait d'accord avec vous au sujet des tranches d'imposition. Il y a plusieurs années, les tranches d'imposition étaient nombreuses mais, aujourd'hui, il n'y en a plus que trois. La tranche intermédiaire est trop élevée et je suis heureux que vous nous l'ayez rappelé. Pensez-vous qu'en plus de ramener la tranche intermédiaire de 26 p. 100 à 24 p. 100, il conviendrait de rajouter une ou deux tranches d'imposition? Serait-ce un moyen de répartir le fardeau de manière plus équitable?

Ma dernière observation—car je crois qu'il ne me reste pas beaucoup de temps—concerne le souhait que vous avez émis de voir le ministère des Finances entreprendre une étude des revenus. Cela m'intéresse en effet car les finances ne nous ont guère livré d'informations sur les effets que cela aura sur le revenu des personnes âgées à l'horizon de l'an 2030. Cela nous serait vraiment très utile au niveau des REER et des changements qu'il est notamment prévu d'apporter aux prestations à l'intention des personnes âgées.

Cela fait trois sujets de discussion.

• 1630

M. Tom Courchene: En ce qui concerne le dernier sujet que vous avez évoqué, il serait tout à fait intéressant, en effet, d'avoir des données sur cela et de les étudier dans le contexte des diverses générations en question. Le vieillissement de la population va entraîner une augmentation des prestations de l'assurance-santé. Cela va poser à la société un problème de taille qui aura des répercussions sur le RPC. Ce qui m'inquiète, c'est que nous tentons d'obvier, dans le seul cadre du RPC, au fait que les engagements de celui-ci n'ont pas été capitalisés.

Or, il y a aussi tous les autres programmes intergénérations. Nous devrions être en mesure d'opérer des transferts de l'un à l'autre, car si nous tentons de régler le problème intergénérations dans le seul cadre du RPC, nous allons être forcés d'imposer aux jeunes des cotisations qui seront trop élevées. Pourquoi ne pas passer à un régime privé, si l'on ne veut pas accorder un traitement social au problème de la non-capitalisation des prestations de retraite? Si vous voulez que la population assume intégralement le coût de ce programme, privatisez-le. Passez à un REER. Sur ce point-là, les Réformistes prônent ce qui me paraît être un excellent programme.

Mais si, comme moi, vous estimez que le problème relève en partie d'un traitement social, eh bien traitez-le dans le contexte qui est le sien. Il s'agit bien d'un problème intergénérations. On peut donc recourir au dividende financier et à toutes sortes d'autres moyens pour tenter de réduire le montant des cotisations et de répartir plus équitablement le fardeau entre les diverses générations. Après tout, les avantages accordés aux premières cohortes étaient financés par les jeunes et cela a été pour eux un réel avantage.

Maintenant, c'est l'inverse et certains d'entre nous, de la «génération excès», vont devoir consentir un effort dans l'autre sens et aider une partie des jeunes dès aujourd'hui afin d'assurer la pérennité de ce programme. Le problème de l'exode des jeunes est donc intimement lié à la question du taux d'imposition.

D'après moi, donc, le taux marginal d'imposition—je crois que le taux de 26 p. 100 s'applique aux revenus d'environ 29 000 $—est très bas par rapport aux taux les plus élevés constatés en Amérique du Nord. Il n'en serait pas ainsi si nous vivions en France, mais ce n'est pas en France que nous vivons. Nos voisins ne sont pas les Allemands mais les Américains. Or, il nous faut reconnaître que la main-d'oeuvre est à la fois très spécialisée et très mobile.

On nous a présenté, à la même conférence, une excellente étude de Clément Gignac, d'un cabinet comptable du Québec. Peut-être est-il, en fait, chez Lévesque Beaubien, un cabinet de courtage. Il a plaidé, avec de solides arguments à l'appui, pour une baisse des taux marginaux d'imposition au Canada. C'était, justement, parce que les jeunes Québécois quittent le Canada. Je veux simplement dire que c'est lié au RPC.

J'estime, essentiellement, qu'il y a ce fonds qui me semble excellent et que nous finançons, ce qui me paraît bien. Or, il existe d'autres sources de revenu que nous pourrions investir dans ce fonds et qui permettraient peut-être de ramener à huit pour cent le taux uniforme de cotisation. S'agissant d'investir le dividende financier, un de mes choix consisterait à investir dans l'avenir de notre pays, c'est-à-dire la génération suivante, ou génération X.

Je pense avoir dit un mot sur chacune des questions que vous avez posées, mais je ne pense pas y avoir apporté de réponse.

M. Lorne Nystrom: La seule que vous n'avez pas évoquée est celle-ci: Avons-nous des chiffres récents sur le nombre de jeunes quittant le Canada? Le problème est-il en train de s'aggraver? Le phénomène s'est-il stabilisé? Il nous serait utile d'avoir des chiffres sur cela. Cela dit, je ne vous en voudrais pas de ne pas les avoir.

M. Tom Courchene: D'après moi, le problème va en s'aggravant, mais un début de solution provient du fait que, en raison du régime fiscal mis en place par l'actuel ministre des Finances, M. Martin, le Canada tourne enfin bien et les perspectives d'emploi s'améliorent. Cela dit, les États-Unis ont pu, eux, créer un nombre proprement prodigieux d'emplois et il faut tout faire pour accorder aux jeunes Canadiens des occasions comparables.

J'arriverai bien à trouver quelqu'un qui a ces chiffres sous la main. Je tiens de mes collègues toutes sortes d'exemples de jeunes diplômés d'universités canadiennes qui travaillent aux États-Unis. Peut-être reviendront-ils. C'est tout ce que je peux en dire pour l'instant.

Le président: Monsieur Courchene, permettez-moi d'évoquer, dans la foulée de ce que disait M. Nystrom, la fuite des cerveaux qui, bien sûr, est un problème qui intéresse l'ensemble du pays. Il y a aussi un problème dont on ne parle jamais mais qui intéresse les jeunes professionnels d'autres pays qui viennent s'installer au Canada. Il s'agit, essentiellement, de la fuite des cerveaux des autres pays. Or, cela se produit également au Canada.

M. Tom Courchene: Oui, bien sûr.

Le président: Je tenais simplement à le rappeler.

M. Tom Courchene: Il s'agit effectivement de quelque chose de très important. Il y a dans tout cela quelque chose d'injuste étant donné que nous nous rendons dans divers pays afin d'y recruter des personnes de talent, et ces départs pèsent sur leur pays d'origine, comme il nous en coûte de voir nos jeunes aller travailler ailleurs. C'est en fin de compte le contribuable qui assume les frais de leur formation.

• 1635

Sans doute faudra-t-il un jour convoquer une conférence internationale afin de faire le point sur les incidences économiques de la fuite des cerveaux mais je ne pense pas que le moment soit venu pour cela.

Le président: Vous conviendrez, monsieur le professeur, que lorsqu'on se penche sur le problème de la fuite des cerveaux, on insiste toujours sur ceux qui quittent le Canada. Dans les articles qu'il m'a été donné de lire, je n'ai jamais vu évoquer la question de ceux qui quittent leur pays pour venir s'installer au Canada et nous faire profiter de leur éducation et d'une formation très poussée et qui viennent enrichir les divers projets que nous pouvons entreprendre ici. Cet aspect de la question n'est jamais évoqué et je pense qu'il est également important, surtout si l'on songe à la mondialisation du marché.

M. Tom Courchene: Je suis d'accord.

M. Jim Jones (Markham, PC): J'aime l'idée dont vous faites état à la page 3, et selon laquelle, d'après vous, les membres de la génération excès devraient contribuer jusqu'à 9,9 p. 100.

M. Tom Courchene: Je ne pense pas avoir défendu cet argument, mais cela devrait être d'un bon rendement.

M. Jim Jones: Eh bien, je pense que vous avez dit qu'ils devraient passer au taux supérieur. Les plus âgés...

M. Tom Courchene: Ah bon. Oui, quel que soit par ailleurs le taux supérieur que nous adopterons.

M. Jim Jones: C'est bien cela. Quel que soit ce taux.

Puis, nous avons, dans le cadre de l'assurance-emploi, un excédent de six milliards de dollars qui est versé au Trésor, et, parmi les personnes auditionnées par le comité, nombreuses sont celles qui pensent qu'on pourrait peut-être compenser l'augmentation des primes du RPC par une baisse des primes d'assurance-emploi.

M. Tom Courchene: En effet.

M. Jim Jones: À supposer que nous passions immédiatement au taux maximum, quel qu'il soit, et que nous compensions cela par une baisse des primes d'assurance-emploi, pensez-vous que cela influencerait la création d'emplois au Canada? Je ne pense pas qu'il nous faille adopter un taux de 9,9 p. 100; je pense qu'il nous faudra rester un peu en deçà de cela, mais j'estime que chacun devrait faire sa part. Je ne dis pas cela seulement pour la génération à venir. J'aimerais savoir l'impact que le passage à un taux supérieur pourrait avoir sur la création d'emplois.

M. Tom Courchene: Il me faut vous répondre comme j'ai répondu à M. Côté. Je pourrais vous obtenir le document pour demain. Je n'ai pas les données sous la main.

À court terme, l'impact serait sensible. À plus longue échéance, étant donné que les charges sociales sont, en fin de compte, toujours à la charge des travailleurs, les choses s'égalisent un peu et retrouvent une sorte d'équilibre. C'est à court et à moyen terme que l'impact est le plus sensible.

M. David Stark: D'après les études que j'ai pu consulter—la Banque du Canada a, l'année dernière, je crois, publié une étude excellente et je crois que l'OCDE s'est récemment penchée sur la question—les charges sociales, d'après moi, tuent l'emploi. Si les charges sociales sont trop élevées, elles découragent l'embauche. Cela dit, nous reconnaissons que, sans augmentation des primes du RPC, notre régime de pension ne pourra pas être maintenu.

J'estime, par contre, que les six milliards de dollars de l'assurance-emploi devraient effectivement permettre de réduire les primes. Dans le milieu des affaires, plusieurs organisations y sont favorables.

M. Jim Jones: On parle de ce dividende financier. Eh bien les cinq à six premiers milliards de dollars de ce surplus fiscal, de ce dividende financier vont provenir de l'assurance-emploi. Cette somme sera versée au Trésor. Je pense donc qu'il y aurait lieu, à concurrence des six premiers milliards, de réduire les primes d'assurance-emploi. Cela aurait probablement pour effet d'absorber, pendant la première année environ, l'augmentation des primes du régime de pensions. Ce qu'il conviendrait donc peut-être de faire, au lieu de tenter d'étaler cela sur une période de six ans, serait de passer, aussi rapidement que possible, au taux accru, disons dans un ou deux ans—mais seulement si nous ne comptons pas sur les primes d'assurance-emploi pour alimenter le Trésor et financer la création de nouveaux programmes—au lieu de se dire que l'assurance-emploi est une charge sociale, comme le Régime de pensions du Canada, et que les ajustements doivent se faire entre ces deux fonds-là.

• 1640

Pensez-vous que nous devrions répartir l'effort sur six ans, ou plutôt, après avoir fait les ajustements nécessaires à l'assurance-emploi, essayer de passer au taux supérieur, agir dans l'intérêt des générations à venir et faire payer les générations actuelles?

M. Tom Courchene: Eh bien, je pense que Dale Richmond, de le RREMO, serait probablement mieux à même de vous répondre.

Ce qui est clair c'est que plus vous entamez tôt le financement préalable, plus les versements seront faibles, du simple fait que le financement préalable occasionnera des rentrées.

J'estime, pour ma part, qu'il serait un peu brutal de passer de cinq pour cent à dix pour cent.

M. Jim Jones: Cela ne sera peut-être pas nécessaire.

M. Tom Courchene: Cela ne serait pas nécessaire si l'on réduisait les primes d'assurance-emploi. C'est un moyen de faciliter l'augmentation des taux. Mais, d'après moi, ce taux de 9,9 p. 100 est trop élevé et nous devrions trouver d'autres moyens d'alimenter ce fonds d'investissement afin de maintenir les primes à un taux encore plus bas.

Le président: Monsieur Richmond, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Dale Richmond: Partant de ce que j'ai pu constater au niveau de notre propre fonds. Nous finançons un régime de pension. Les contributions atteignent un niveau plutôt satisfaisant, puisque 70 à 80 p. 100 des sommes versées au titre d'une pension proviennent de nos investissements. Il s'agit donc d'un régime de pension entièrement capitalisé. Il n'est pas question d'en arriver à cela avec le Régime de pensions du Canada, mais je dis cela simplement pour montrer la puissance de l'équation.

Le président: Merci, monsieur Richmond.

Monsieur Jones, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Jim Jones: Non, pas pour l'instant.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je vous remercie. J'ai quelques questions à poser à M. Courchene et aussi à David Stark.

Monsieur Courchene, dans votre exposé, ainsi que dans le compte rendu écrit de votre intervention, vous dressez un tableau assez sombre de la situation, évoquant un revenu imposable de 30 000 $, et en y ajoutant le coût réel du RPC et de l'assurance-emploi ce qui, surprise, nous donne ce que vous avez appelé une spoliation fiscale de plus de 50 p. 100 du revenu. C'est très lourd. Puis vous avez présenté le reste de votre exposé avant de conclure que ce taux d'imposition de 50 p. 100 va provoquer chez les jeunes une fuite massive des cerveaux.

Or, cela correspond-il vraiment à la réalité? J'aimerais revoir avec vous, très rapidement, la déclaration d'impôt d'une personne gagnant 30 000 $: 17 p. 100 au titre de l'impôt fédéral, soit 5 136 $; le taux non remboursable...

M. Tom Courchene: Je parle bien du taux marginal d'imposition, et non du taux moyen.

M. Paul Szabo: Un instant, je vous prie. Pour que personne ne s'y trompe, selon l'hypothèse retenue, un revenu de 30 000 $... Laissez-moi fixer le point de départ. Sur 30 000 $, l'impôt fédéral est de 5 136 $. Puis, viennent les crédits d'impôt non remboursables, l'exemption ou crédit d'impôt personnel, les cotisations à l'assurance-emploi et au RPC, tout cela donnant droit à un crédit d'impôt de 17 p. 100. Cela fait donc 2 170 $, ce qui vous ramène à 2 966 $. La surtaxe de trois pour cent donne 90 $, ce qui ramène le chiffre à 3 056 $.

Si nous postulons un taux d'impôt provincial égal à 50 p. 100 des impôts versés au gouvernement fédéral, cela donne 4 584 $. La personne qui touche un revenu de 30 000 $ est donc soumise à un taux d'imposition de 15,28 p. 100.

Ajoutez à cela les primes du RPC et de l'assurance-emploi, soit 1 325 $ et 900 $ respectivement, et cela donne 6 809 $, c'est-à-dire 22,7 p. 100 sur un revenu de 30 000 $.

Ah, je comprends maintenant... Et c'est un peu par un tour de passe-passe que l'on prétend ici qu'il s'agit de taux marginaux, car il faut également comprendre que les primes d'assurance-emploi et les versements au RPC sont plafonnés à un certain niveau de revenu. Selon ce que vous nous disiez tout à l'heure—et j'ai effectué le calcul—il faut retenir l'hypothèse du taux marginal le plus élevé pour chaque dollar supplémentaire d'un revenu situé entre 30 000 et 35 000 $ par an. Vous partez de l'hypothèse d'un travailleur indépendant qui assume aussi bien les contributions au RPC que les primes d'assurance-emploi, plus une surprime de trois pour cent, ce qui vous donne un taux de près de 50 p. 100. Mais cela ne correspond pas à la réalité.

• 1645

En fait, nos jeunes ne sont pas contraints à l'exil par nos taux d'imposition. Je précise que dans l'hypothèse de la personne gagnant 30 000 $ par an, la différence entre les cotisations au RPC telles qu'elles sont actuellement et les taux qui sont envisagés, serait de 586 $ par an.

C'est déjà quelque chose, mais je peux vous dire que cela ne suffit pas à convaincre nos jeunes diplômés d'aller vivre aux États-Unis étant donné les différences entre les deux pays au niveau de la protection sociale.

Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce point.

M. Tom Courchene: Les économistes travaillent à la marge. Je ne me suis jamais même penché sur la question du taux moyen d'imposition. Pour moi, cela ne veut rien dire. Ce qui agit sur la motivation des gens se sont les taux marginaux d'imposition.

Je ne prétends pas qu'il pourrait y avoir un exode massif, mais, à la marge, nos taux d'imposition tendent vers un niveau qui est dangereusement élevé d'après moi. Nous allons perdre une partie de notre capital.

Vous avez parfaitement raison de dire que le taux moyen d'imposition des personnes ayant un tel revenu est loin d'atteindre le chiffre que je vous ai cité. Mais, considérez le taux moyen d'imposition et voyez un peu quel est le pourcentage du revenu faisant retour aux divers paliers de gouvernement. N'est-il pas d'environ 45 p. 100? Le taux moyen d'imposition pour l'ensemble de la population correspond donc à ce chiffre.

M. Paul Szabo: Mais...

M. Tom Courchene: Oui—mais.

M. Paul Szabo: Vous conviendrez que pour le Canadien moyen, ce qui compte vraiment c'est bien le prélèvement. Et là, il s'agit bien du taux moyen et non du taux marginal.

En fait j'aimerais m'adresser à David.

Vous êtes bien le fils de Jack?

M. David Stark: Oui.

M. Paul Szabo: Et votre mère s'appelait bien Rosemary?

M. David Stark: En effet.

M. Paul Szabo: Toutes mes condoléances. C'était une femme merveilleuse.

Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, vous et votre collègue Jeremy, dans le cadre de votre exposé. J'ai passé de nombreuses années en milieu d'entreprise, en tant que trésorier, par exemple, où j'ai eu à m'occuper de la paie. C'est un véritable cauchemar, même sans avoir à calculer les versements rétroactifs. Compte tenu des répercussions et des dividendes, il est très difficile de modifier le système.

Votre idée me paraît judicieuse et j'entends la reprendre à mon compte. Vous êtes les premiers à l'avoir évoquée. Je vous en félicite. Nous devons, me semble-t-il, nous pencher sur les répercussions pour apprécier l'effet général d'une telle mesure et ne pas simplement s'en tenir au calcul du résultat immédiat d'un léger changement de pourcentage. Ça, nous pouvons le faire. Nous avons tous beaucoup d'autres tâches qui nous appellent. Je suis donc d'accord avec vous sur ce point.

En ce qui concerne l'assurance-emploi, cependant—et il s'agit là d'un aspect qui a déjà été évoqué—j'aimerais savoir ce que vous pensez du fait qu'en finançant une partie des engagements non capitalisés ou des prestations, ou une baisse des cotisations à partir des excédents de l'assurance-emploi, on obtiendra une augmentation du déficit fédéral. Autrement dit, il faudra bien finir par payer car il s'agit, d'une manière ou d'une autre, de compenser la dépense. Il n'y a pas à en sortir.

D'après moi—et j'aimerais savoir ce que vous en pensez—si je considère le RPC dans l'abstrait, je peux lui adresser toutes sortes de critiques et dire, par exemple, que ce régime n'est pas juste sur tel ou tel point, mais si j'adopte un point de vue plus large, je m'aperçois que l'équation comprend une foule d'autres éléments qui opèrent dans le cadre d'une sorte de processus d'arbitrage et, au bout du compte, quel que soit le nombre de paliers de gouvernement, tout revient toujours au contribuable et en modifiant tel ou tel aspect du régime, vous déclenchez des répercussions sur le reste du système. C'est la loi de Newton appliquée au domaine financier.

Il sera peut-être plus difficile en fin de compte de corriger les effets pervers d'une augmentation du déficit. Cela pourrait entraîner des conséquences qui vous paraîtront plus graves encore.

Que pensez-vous de l'idée d'utiliser les primes d'assurance-emploi pour subventionner le RPC?

M. David Stark: Dans le court terme, je ne suis pas tellement attaché à l'idée car je sais bien que nous ne sommes pas encore sortis de l'auberge. Il faut attendre que ce dividende financier se concrétise vraiment et c'est alors que, d'après moi, il y aura effectivement lieu de se demander à quoi l'affecter.

On pourrait effectivement, baisser les primes d'assurance-emploi, ou bien autoriser une augmentation des versements au titre des REER. On pourrait également envisager une baisse de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Je vois bien ce que vous voulez dire. Dans le court terme, je ne prône pas vraiment cette solution, mais je pense qu'à plus long terme, lorsque nous aurons ce dividende financier entre les mains, il y aura lieu de réfléchir aux solutions que je viens d'évoquer et de voir ce qu'il convient de faire.

Le président: Merci, monsieur Szabo et merci monsieur Stark.

M. Crête.

• 1650

[Français]

M. Paul Crête: J'aimerais mieux comprendre. Les cotisations d'assurance-emploi sont perçues auprès des gens qui gagnent annuellement 39 000 $ ou moins. Donc, s'il y a une baisse des cotisations à l'assurance-emploi pour ces gens qui gagnent 39 000 $ ou moins, cela avantagerait les jeunes parce qu'une majorité de jeunes se retrouve à cet échelon. Contrairement à ce que M. Szabo dit, ce n'est pas toujours le même contribuable qui paie: c'est celui qui gagne 39 000 $ ou moins qui contribue à l'assurance-emploi. Tous ceux dont le salaire est supérieur à 39 000 $ ne contribuent pas par cette voie à la lutte au déficit. Dans ce contexte, est-ce que cela ne pourrait pas avoir un effet égalisateur?

[Traduction]

M. Tom Courchene: J'ai compris à peu près 90 p. 100 de ce qui a été dit, mais je n'ai pas d'écouteurs.

Le président: Pourriez-vous répéter la question? Mais, avant cela, pourrions-nous...

[Français]

M. Paul Crête: Ma question s'adresse autant à M. Stark qu'à M. Courchene.

M. Szabo disait que c'est toujours le même contribuable qui paie, mais en pratique, si on baisse les cotisations à l'assurance-emploi, c'est la personne qui gagne plus de 39 000 $ qui n'aura pas d'avantages. En réduisant les cotisations, ne contribuerions-nous pas à une meilleure égalité entre les générations parce que le salaire de la plupart des jeunes est inférieur à 39 000 $? Ne serait-ce pas une façon de faire en sorte que les hauts salariés continuent à contribuer et n'aient pas le bénéfice de cette diminution?

M. Stark affirmait que ce n'était pas nécessairement un bon moyen. Mais l'hypothèse de base voulant que ça vient toujours du même contribuable ne correspond pas à la réalité. L'assurance-emploi vient des gens qui gagnent un salaire inférieur à 39 000 $; ceux qui gagnent plus ne cotisent plus, même s'ils ont un revenu supplémentaire. À ce moment-là, on fait payer les gens qui ont moins de revenus.

[Traduction]

M. Tom Courchene: Il est vrai que les taux de cotisation, aussi bien à l'assurance-emploi qu'au Régime de pensions du Canada, sont liés au revenu. Étant donné le plafonnement prévu dans le cadre du RPC, le taux moyen augmente progressivement pour atteindre le taux actuel, disons de 5,5 p. 100, puis commence à baisser progressivement et à tendre vers zéro.

Mais à la marge—pour revenir à cela—si le taux marginal est de 5,5 p. 100, vous allez payer 5,5 p. 100 jusqu'au point limite, puis, à la marge, vous paierez zéro pour cent. Mais, si vous le voulez, vous pouvez tout de même calculer le taux moyen dont vous êtes redevable pour l'ensemble du revenu.

Nous avons donc ce système et beaucoup de recommandations ont été formulées à cet égard... Dans plusieurs des études qui ont été citées au départ au sujet du RPC, certains défendent l'idée d'un relèvement sensible du plafond des gains soumis au versement. Certains estiment même qu'il y aurait lieu de réduire le taux mais de l'appliquer à l'ensemble du revenu.

Le problème existe effectivement et fait que le système est un peu plus régressif que si l'on appliquait à l'ensemble du revenu un taux uniforme. Je crois que les Canadiens acceptent cela dans l'ensemble, mais il est clair qu'il s'agit d'un système plus régressif que celui qui appliquerait à l'ensemble des revenus un taux moins élevé.

Pour s'attaquer au caractère régressif du système actuel, il faudrait se pencher sur l'effet que cela peut avoir au niveau des prestations. Je disais qu'il y a quelques années les personnes ayant un revenu équivalent à la moitié des prestations du Régime de pensions du Canada finissaient par ne toucher aucun complément de revenu lorsqu'elles prenaient leur retraite à l'âge de 65 ans, étant donné que tout était reversé à l'Ontario par le biais du SRG, qui correspond à un taux d'imposition de 50 p. 100, le RRAC correspondant, lui aussi, à un taux d'imposition de 50 p. 100. Peut-être s'agit-il simplement d'un problème lié au système ontarien, mais ce genre de chose a un effet certain. La moyenne des taux marginaux va dépendre du revenu.

• 1655

Le président: Merci. Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Merci, monsieur le président.

J'aimerais poser à nouveau la question que M. Szabo a posée tout à l'heure au sujet des taux de l'assurance-emploi. À l'heure actuelle, six milliards de dollars sont versés au Trésor. L'excédent servira probablement à financer de nouveaux programmes. Serait-il, d'après vous, préférable de consacrer ces six milliards de dollars au financement de nouveaux programmes ou à une baisse des primes du RPC? Vous disiez tout à l'heure que le problème ne vous paraissait pas important.

M. David Stark: Je dis simplement qu'à court terme, je ne vais pas en défendre le principe, étant donné que nous ne connaissons pas encore l'ampleur du dividende financier.

M. Jim Jones: Les six premiers milliards de ce dividende financier proviendront de l'assurance-emploi. Les six premiers milliards représenteront l'excédent de l'assurance-emploi.

M. David Stark: Mais il faut également songer à ce qu'il se produira lorsque le pays se trouvera à nouveau en récession.

M. Jim Jones: Mais êtes-vous d'accord que l'assurance-emploi devrait faire l'objet d'un financement autonome—et devrait à ce titre contribuer à l'emploi au lieu de contribuer au financement d'autres programmes? L'on peut donc réduire les primes d'assurance-emploi lorsqu'elles atteignent un niveau suffisant, et les augmenter à nouveau selon les besoins.

M. David Stark: Oui, le régime d'assurance-emploi devrait bénéficier d'un financement autonome, mais soyons certains que le fonds est suffisamment alimenté pour parer à toute éventualité.

M. Jim Jones: Ça ne vous gêne donc pas de voir ce fonds utilisé pour financer de nouveaux programmes n'ayant rien à voir avec l'emploi.

M. David Stark: N'hésitez pas à intervenir.

L'emploi comporte d'autres aspects. Il y a également les programmes de formation qui sont, me semble-t-il, financés par l'argent de l'assurance-emploi.

M. Jeremy Ingle: Le principe me semble être que si vous prélevez de l'argent afin de financer des activités ayant trait à l'emploi, il ne faut pas l'utiliser pour autre chose.

M. Jim Jones: Merci, je suis d'accord.

M. Jeremy Ingle: Cela est vrai de toutes sortes d'autres taxes affectées à un objet précis et que l'on déciderait d'affecter à autre chose. Pour dire vrai, je ne vois guère de différence.

Lorsque j'habitais la Grande-Bretagne, il y avait une taxe sur les véhicules automobiles. Le fonds avait accumulé un énorme surplus et des gouvernements dépensiers l'affectaient à toutes sortes de choses n'ayant rien à voir avec l'entretien du réseau routier. Le même principe s'applique, me semble-t-il, à tous les types d'impôt. Si vous imposez telle ou telle activité, il convient d'affecter l'argent recueilli à ce domaine précis et non pas à autre chose car, sans cela, vous extorquez le contribuable.

Le président: En cas de déficit—car au cours de la récession dont nous avons souffert, le compte de l'assurance-emploi était déficitaire—est-il loisible au gouvernement d'accorder une subvention? Je vous demande votre avis sur ce point.

M. Jeremy Ingle: Je vous réponds, non pas au nom du secteur que je représente, mais en mon nom personnel. Je ne peux pas vous répondre au nom de mon secteur car nous n'avons pas arrêté de position sur ce point.

Le président: Permettez-moi de m'exprimer autrement. Si le fonds ne suffit pas, y a-t-il lieu, comme le dernier gouvernement l'a fait au cours de la récession, d'augmenter le montant des cotisations? Ne pensez-vous pas que nous devrions stabiliser les cotisations, voire les subventionner en cas de récession afin de ne pas imposer aux entreprises un fardeau fiscal supplémentaire?

M. Jeremy Ingle: Oui, je le pense effectivement. Je pense également que si, à une époque donnée, vous empruntez à un secteur d'activité afin d'être en mesure de faire face à tel ou tel problème, il faut, après cela, rembourser ce qui a été emprunté. C'est bien ce que vous dites. Lorsque l'assurance-emploi était déficitaire, nous avons emprunté à un autre fonds, et maintenant nous allons rembourser cet argent. Cela me semble être un sain principe économique.

Le président: J'ai participé à la réforme de la Loi sur l'assurance-chômage lorsque nous l'avons transformée en Loi sur l'assurance-emploi, M. Crête. Il faut continuellement moderniser la structure afin de l'adapter aux changements de l'économie et, je dois vous le dire, la chose n'est pas facile.

• 1700

Cela dit, ce que certains ont affirmé ici en faisant valoir qu'il ne faut pas utiliser l'argent d'une chose pour subventionner une autre activité me paraît inacceptable car personne n'a critiqué le financement de la dette de l'assurance-emploi... Il faut bien s'entendre sur les principes. Il faut être conséquent.

Oui, monsieur Courchene. Je savais bien que cela vous inciterait à intervenir.

M. Tom Courchene: Je me rends à votre argument. C'était une mauvaise idée d'augmenter les primes d'assurance-emploi—il s'agissait à l'époque d'assurance-chômage—au cours de la récession des années 90. C'est pour cela que la plupart des Canadiens ne reprochent pas au ministre des Finances d'utiliser, pendant un certain temps, les primes d'assurance-emploi afin de constituer un fonds—il s'agit d'un fonds virtuel, mais néanmoins d'un fonds—permettant d'éviter, dans l'hypothèse d'une autre récession, d'avoir à augmenter les primes. Nous disons simplement qu'à l'heure actuelle, il a dépassé l'objectif qu'il s'était fixé et que le fonds en question est maintenant excédentaire.

Le président: Il s'agit bien, selon un calcul actuariel, de 15 milliards de dollars?

M. Tom Courchene: En 1995, on a commencé par citer le chiffre de cinq milliards de dollars.

Le président: L'année dernière, je crois que, dans le cadre d'un rapport actuariel, on a parlé de 15 milliards de dollars. Nous ne sommes pas encore arrivés à ce point-là, ou plutôt, devrais-je dire, le gouvernement n'y est pas encore.

M. Tom Courchene: Eh bien, nous nous en approchons.

[Français]

M. Paul Crête: Nous n'avons pas d'études actuarielles sur l'assurance-emploi. Le vérificateur général demandait encore, il y a deux semaines, qu'il y ait un compte distinct pour qu'on puisse l'évaluer. Ce matin, au Comité du développement des ressources humaines, la majorité a refusé de recommander qu'il y ait ce type de compte distinct. La question d'honneur, c'est l'apparence de justice; c'est de savoir quel est le maximum acceptable. Personne ne met en doute la nécessité d'un surplus dans la caisse pour nous permettre de faire face à une récession prochaine ou à d'autres événements, mais comment en détermine-t-on le montant? On en parle ici alors qu'on étudie une loi sur le Régime de pensions du Canada parce que cela est directement relié à l'emploi; il y a un lien.

L'ensemble des taxes sur la masse salariale a un effet quelque part en bout de ligne. Présentement, on n'a pas les données qui nous permettraient de dire quel sera à l'avenir, dans une situation de surplus, le montant acceptable de ce surplus pour qu'on puisse faire les ajustements en fonction des autres hausses qui se présentent.

[Traduction]

Le président: Quelqu'un veut-il réagir à cela? Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): En fait, je voulais poser à M. Courchene la même question que celle que vous lui avez vous-même posée, mais je ne le ferai pas. J'ai noté, en haut de votre mémoire, que vous jugez immoral de prélever des fonds sur les excédents d'autres caisses, mais je crois que le sujet a été exorcisé et je ne le soulèverai pas de nouveau.

J'ai assez aimé votre suggestion de piocher dans les 700 milliards de dollars auxquels vous estimez les actifs cumulés des REER, économisés par les baby-boomers—je pense que c'est sans doute une bonne façon de décrire le phénomène—, et donc d'utiliser les revenus accumulés dans ces fonds particuliers en tant qu'instruments fiscaux en vue de réduire le fardeau collectif des 600 milliards de dollars que nous transmettrions autrement à la génération plus jeune, disons à ceux et celles qui sont dans la trentaine aujourd'hui.

Ce que vous pensez à ce sujet va tout à fait dans le sens, par exemple, des recherches effectuées par David Foot relativement à la croissance démographique pour cette catégorie d'âge dont les membres, au cours des dix prochaines années, prendront massivement leur retraite et puiseront dans leurs bas de laine.

Si un gouvernement pouvait envisager d'adopter des instruments fiscaux afin de déplacer une partie de cet argent... Je pense que c'est une bonne suggestion pour régler le problème du passif. Mais ne pourrait-on pas affirmer, par ailleurs, que tous ces gens qui ont vu augmenter le rendement de leurs fonds mutuels et des instruments de ce genre, surtout au cours des trois dernières années, représentent une importante proportion des Canadiennes et des Canadiens qui prendront leur retraite au cours des dix prochaines années et qui pourront alors compter sur ces fonds et sur leurs fonds mutuels—puisque cela fait maintenant partie de la grande famille—, ce qui fera d'eux des retraités beaucoup plus à l'aise que les retraités actuels? Cela étant, on pourrait officiellement réduire les prestations qui leur seront destinées pour alléger le passif de la caisse.

• 1705

Ainsi, plutôt que d'ajouter une taxe, pourquoi ne pas les encourager à continuer à économiser en vue de leur retraite, ce qu'ils sont parvenus à faire au cours des dernières années? Pourquoi ne leur dirions-nous pas: Puisque vous allez obtenir ces sommes à votre retraite grâce à votre REER, dans 10, 12 ou 15 ans... Pourquoi passer à un autre instrument fiscal? Pourquoi ne pas dire simplement: Voilà, maintenant que vous disposez de tel ou tel revenu, nous sommes heureux pour vous et nous applaudissons à cela, mais nous allons réduire les montants que l'État devrait vous payer, ce qui nous permettra de ne pas augmenter le niveau d'endettement que nous devrions alors transmettre aux générations à venir? Autrement dit, pourquoi ne pas se prévaloir de la seconde option, plutôt que de la première?

M. Tom Courchene: Je n'ai rien contre la seconde option. En fait, je suis sûr que nous tous autour de cette table, espérons que la plupart d'entre nous pourront économiser suffisamment pour prendre leur retraite et que c'est très bien si la bourse a augmenté, du moins jusqu'à la semaine dernière. Il est vrai que plus les Canadiens seront riches quand ils atteindront l'âge de la retraite, moins il y aura de prestations à verser aux personnes âgées et plus Ottawa s'y retrouvera.

Tout cela semble parfait, certes, mais j'avancerai quelque chose d'un peu différent. Personnellement, j'estime qu'on dispose de 700 milliards de dollars 1997, qu'il faudra verser à ces gens quand ils prendront leur retraite. Ottawa récupérera une partie de cet argent par le biais du système normal d'imposition des revenus. Il existe un passif non capitalisé de 600 milliards de dollars, mais il demeure que, pour chaque dollar de prestation versé par Ottawa au titre du RPC, l'État récupère quelque chose comme 45 ou 50c. Donc, le RPC ne coûte que 40 ou 50 p. 100 de ce passif non capitalisé.

Je suggère que nous prélevions ces impôts normaux, mais que nous jetions un coup d'oeil sur ce compte. Les montants en jeu pourraient être énormes. On ne le sait pas vraiment. Nous ne disposons pas des projections pour la prochaine décennie, quand ce phénomène se produira. Tout ce que je disais, c'est que les recettes perçues par Ottawa pourraient être injectées dans la caisse du RPC pour qu'on n'ait pas à augmenter les primes autant qu'on le devrait autrement. Je ne mise pas sur un changement des taux d'imposition; tout ce que je dis, c'est qu'une partie des impôts recueillis par Ottawa pourrait être injectée dans ce fonds pour contribuer au remboursement du passif non capitalisé, afin de ne pas le communiquer à la prochaine génération.

M. David Iftody: Si nous utilisions différemment l'argent déjà comptabilisé selon nos pratiques comptables actuelles, sans augmentation d'impôt sur les REER...

M. Tom Courchene: Pas d'augmentation d'impôt.

M. David Iftody: C'est cela, aucune augmentation d'impôt! Eh bien, à supposer que toutes choses demeurent égales par ailleurs, comment comblerions-nous les pertes fiscales? Vous dites qu'elles seraient d'environ 250 milliards de dollars. Un peu plus tôt, vous avez jonglé avec quelques chiffres. Eh bien, si nous prenions cet argent maintenant, ces recettes fiscales, pour les affecter au remboursement du passif non capitalisé de 600 milliards de dollars, mais qu'est-ce que le gouvernement devrait faire à ce moment-là dans le cas du fonds général consolidé, du déficit et du reste?

M. Tom Courchene: Ce que je dis, en fait, c'est qu'il faut prélever une partie des dividendes fiscaux pour les injecter dans le Fonds. C'est, indirectement, ce que je veux dire.

Je dis également que nous ne savons pas à quoi tout cela correspondra. Nous ne savons pas à combien ces sommes se chiffreront, parce que nous ne disposons pas, maintenant, d'un cadre comptable nous permettant d'effectuer des projections à 10 ou 15 ans.

Ce que je semble être le seul à affirmer, c'est que chaque dollar que nous accumulons... La valeur actuelle de ce passif non capitalisé que les primes sont censées réduire dans le temps... Ottawa continuera de récupérer 50c. sur les revenus des bas salaires, pour chaque dollar de prestation versée. Comme le gouvernement fédéral a transformé son programme de fiscalisation dans le cas des personnes âgées en impôt négatif sur le revenu, Ottawa va récupérer énormément d'argent à la suite de cette augmentation des pensions. Tout ce que je dis c'est que tout cela est fort bien, mais qu'il faut prendre une partie de cet argent que vous allez récupérer pour le réinjecter dans la caisse du RPC.

Le président: Toute cette notion d'égalité intergénérationnelle m'intrigue beaucoup. On en parle toujours en termes monétaires, mais quand on songe à la génération qui a beaucoup bénéficié du RPC, il ne faut pas oublier qu'elle est composée de gens ayant connu la Première guerre mondiale, la Seconde guerre mondiale...

M. Tom Courchene: Exactement.

Le président: ... la Grande dépression...

M. Tom Courchene: Oui.

Le président: ... et c'est la même génération qui n'a pas eu accès à ce que je considère comme étant le meilleur système d'éducation du monde, même si certains vous diront le contraire. Quoi qu'il en soit, la génération précédente n'a jamais vraiment profité des universités, des collèges et de toute cette richesse parce que, arrêtons de nous leurrer, nous sommes un pays riche. Ils n'ont pas profité de l'infrastructure que nous avons bâtie au fil des ans. Alors, je me dis que si on limite la question de l'équité intergénérationnelle aux seuls rendements financiers, on limite quelque peu la portée du problème parce qu'on néglige la question du temps.

• 1710

M. Tom Courchene: Je crois que ce problème est incroyablement vaste. Je pense qu'il englobe absolument tout.

Je n'en ai pas parlé avant, mais depuis 1973, la dette canadienne est passée de 20 p. 100 du PIB à 100 p. 100 du PIB, quand on ajoute toutes les provinces, et c'est notre génération qui en profite. Il s'agit d'une dette qu'il faudra rembourser à un moment donné. Dieu merci, les finances fédérales se portent beaucoup mieux et nous allons pouvoir abaisser, si ce n'est la dette elle-même, du moins le ratio dette-PIB. Je félicite au passage la clairvoyance de M. Martin à cet égard.

Mais l'autre problème intergénérationnel auquel les jeunes vont se trouver confronter, c'est la dot négative que nous allons leur léguer. Je veux parler de la dette fédérale qui se traduira par des droits d'inscription beaucoup plus élevés et par des primes RPC beaucoup plus élevées également. Nous pouvons toujours penser que tout cela est bien et l'on pourra toujours trouver des arguments pour appuyer cet état de fait. Tout ce que je dis, c'est que les gens de notre génération sont un peu trop égoïstes, qu'ils ont un peu trop tendance à se décharger sur les jeunes, et qu'à un moment donné cela va se retourner contre nous.

Le président: Comme je ne suis pas économiste, professeur, j'aimerais savoir à quoi correspondra cet énorme transfert de fortune qui va se produire dans les vingt ou trente prochaines années?

M. Paul Szabo: À mille dollars au cours des dix prochaines années.

Le président: Et qui bénéficiera de cet argent?

M. Tom Courchene: Eh bien je pense que ce seront les gens dont les parents ont accumulé de tels biens.

M. David Iftody: Pourquoi est-ce que vous me montrez du doigt?

M. Tom Courchene: Je n'allais certainement pas me désigner, moi.

M. David Stark: Monsieur le président, si vous me le permettez, j'ai un train à prendre pour rentrer à Toronto dans une vingtaine de minutes.

Le président: Parfait.

M. Tom Courchene: J'ai le même problème, monsieur le président.

Le président: Eh bien, au nom du comité, je vous remercie.

[Français]

M. David Stark: Au nom de mes collègues, je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Très bien, nous suspendons la séance. Merci à tout le monde.

• 1712




• 1720

Le président: Nous reprenons la séance.

Vous avez cinq ou dix minutes pour nous livrer votre exposé, et nous devrons avoir terminé à 17 h 40 pour aller voter à 17 h 45. Ça va? Vous pouvez commencer.

M. Ian Markham (président, Comité des pensions et bénéfices, Toronto Board of Trade): Merci de nous avoir permis de passer avec le ministre des Finances tout le temps qu'il a bien voulu nous accorder, c'est-à-dire une heure et quart.

Le président: Cela met-il un terme à votre présentation?

Des voix: Ah, ah!

M. Ian Markham: Pas tout à fait.

Je pense que vous avez reçu copie de notre lettre. En fait, celle-ci s'articule autour de deux points. D'abord, nous félicitons les parties concernées d'être parvenu à redresser un peu la situation du Régime de pensions du Canada. Il est toujours très bien, de temps en temps, de féliciter les gens plutôt que de les critiquer. Le gouvernement fédéral et les provinces ont collaboré à la production d'une formule exploitable qui constitue une bonne solution quant à l'avenir du régime de pensions.

Nous n'avons jamais été très à l'aise avec l'idée d'une augmentation des contributions au RPC de 14 p. 100. En revanche, il ne nous dérange pas qu'à long terme les cotisations soient haussées de 9,9 p. 100. Nous sommes satisfaits de la façon dont on envisage de structurer l'Office d'investissement du RPC. Nous estimons qu'il sera une structure efficace, indépendante du gouvernement. Nous sommes heureux qu'on reconnaisse, dans le projet de loi, la nécessité de compter à ce conseil plusieurs administrateurs ayant des compétences établies dans le domaine financier ou une expérience de travail pertinente. Cela est impératif et convient beaucoup mieux que de simples nominations politiques. Comme on le sait, on a déjà commencé à chercher ce genre de personnes.

Nous nous réjouissons que le conseil d'investissement doive adhérer à ce qu'on pourrait appeler la «règle de la personne prudente», grâce à laquelle ce régime fonctionnera suivant les mêmes principes que ceux régissant les régimes de pensions privés. Nous sommes heureux que l'office ait pour principal objectif de maximiser les taux de rendement.

Les Canadiens et les Canadiennes en viendront à considérer que les contributions plus élevées et cet actif commun comme étant leur argent. Dans le passé, ils ne savaient pas vraiment comment le Régime de pensions du Canada était administré, mais comme ils vont devoir verser des contributions plus élevées au cours des prochaines années, ils estimeront que le Fonds leur appartient vraiment et ils regarderont ce que fait l'Office d'investissement pour s'assurer que celui-ci administre prudemment leur argent.

Cette situation changera également la perception des gens qui sont plutôt timorés dans la gestion de leur argent. Pour la première fois, leur argent, et celui de tant d'autres, va être administré par un conseil de 12 personnes. Ils les suivront de près et je suis certain que cela influera sur leurs propres décisions en matière d'investissement dans leurs REER, même si les objectifs poursuivis ne sont pas les mêmes.

Cela étant dit, je suis heureux de la façon dont ce système a été envisagé et, puisqu'il est prévu de l'examiner dans trois ans, nous avons pensé prendre un peu d'avance pour nous pencher tout de suite sur certains des problèmes soulevés.

Prenons, par exemple, le cas des pensions partielles. Nous sommes favorables à l'idée de verser des pensions partielles pendant la période de transition entre le travail et la retraite, mais nous voulons nous assurer que les gens comprennent bien à quoi cela correspond. Bien des gens ont de la difficulté à comprendre le système des pensions. Eh bien, ce qu'ils doivent bien comprendre, c'est que s'ils se prévalent d'une pension partielle parce que leur revenu d'emploi aura baissé, c'est de l'argent qu'ils n'auront pas par la suite. Il faut qu'ils comprennent ces règles. Mais en général, nous sommes d'accord avec ce principe.

Il semble que le partage à part égale des crédits de pension entre conjoints, au moment de la rupture du mariage, soit assez peu pratiqué. Si l'on peut attribuer cela au fait que les gens ne sont pas au courant de cette disposition, il est aussi possible que beaucoup ne désirent simplement pas s'en prévaloir. Alors, nous ne voulons pas qu'au moment où vous vous livrerez à un examen de la loi, dans trois ans, vous supposiez a priori que tout le monde veut de cette disposition.

Troisièmement, nous ne sommes absolument pas d'accord avec un élargissement de la couverture des échelles salariales par le biais d'une augmentation de la limite des gains ouvrant droit à pension, autrement dit le MGADP. Cela ne ferait qu'exacerber le problème que nous connaissons déjà dans le cas du RPC et nous devrions, ensuite, augmenter davantage les charges sociales et les contributions des employés.

Enfin, nous sommes favorables à l'idée d'examiner la relation entre les prestations de RPC et les prestations d'assurance-chômage, dans le cas d'une personne percevant les deux.

• 1725

Il y a d'autres questions qu'on n'aborde pas dans le document intitulé Préserver le Régime de pensions du Canada, publié en février de cette année. Nous souhaiterions qu'on les examine lors de la prochaine série de consultations.

Nous souhaiterions qu'on étudie la possibilité de passer à une indexation partielle des pensions, parce qu'il est ici question d'équité intergénérationnelle. Nous nous demandons comment parvenir à protéger nos enfants pour qu'ils n'aient pas à verser des contributions faramineuses afin que nos parents et nous-mêmes, c'est-à-dire les baby-boomers, puissions recevoir une pension. L'adoption de l'indexation partielle contribuerait grandement à régler ce problème.

Nous estimons également qu'il sera peut être nécessaire de reculer à 65 ans l'âge ouvrant droit à la perception des prestations du RPC, parce que la longévité augmente et que la dynamique du marché du travail change, sans oublier les tendances constatées dans les autres pays.

Nous sommes d'accord avec le fait que, si l'Office parvient à obtenir des taux de rendement supérieurs que ceux envisagés par l'actuaire du gouvernement, et qui sont à l'origine de l'augmentation à long terme des contributions de 9,9 p. 100, les excédents dégagés ne servent pas à augmenter les prestations mais plutôt à diminuer le taux de contribution, parce que nous voulons que cette opération soit plus rentable pour nos enfants. Nous voulons qu'ils bénéficient de meilleurs taux de rendement sur les contributions versées, ce que permettrait de réduire les taux de contribution dans un avenir éloigné, grâce aux excédents dégagés.

Enfin, nous croyons que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada voudra sûrement s'affranchir de la limite de 20 p. 100 imposée sur les biens étrangers à l'investissement, pour de nombreuses raisons que d'autres que moi, j'en suis sûr, ont mentionnées.

Voilà pour mon exposé.

Le président: Merci, monsieur Markham et madame Van Riesen.

Je comprends qu'on puisse recommander d'exempter le RPC de la règle de 20 p. 100 sur les biens étrangers. Mais quelle est la raison invoquée par ceux qui s'y opposent?

Mme Gretchen Van Riesen (directrice générale adjointe, Pensions et bénéfices, Division des ressources humaines, Toronto Board of Trade): Tout cela, je pense, vient de l'idée fausse selon laquelle les investissements à l'étranger nous enlèvent des emplois au Canada, bien qu'on parle ici d'investissement d'un fonds de retraite. Un éminent spécialise de notre secteur réfute entièrement cet argument dans un article qu'il a écrit, et démontre que la diversification favorise la valeur des fonds. Les revenus reviennent dans le pays et, dès lors, ils augmentent les possibilités d'investissement, des investissements qui sont mêmes réalisés dans d'autres secteurs porteurs, au Canada. Ce plafond n'a donc aucune raison d'être. J'attribue cette réaction à une méprise de la part de ceux qui disent y voir énormément de difficultés.

Le président: J'ai déjà entendu cet argument de la bouche de plusieurs personnes favorables à l'exemption de la règle de 20 p. 100 sur les biens étrangers, mais le RPC n'en est même pas à ce niveau là pour l'instant. Je crois qu'on en est à 13 ou 14 p. 100, c'est cela?

Mme Gretchen Van Riesen: Il y a des fonds qui sont déjà à 20 p. 100 et qui aimeraient qu'on repousse ce plafond. C'est surtout le cas des grandes caisses de retraite qui sont beaucoup plus en mesure que les autres de diversifier leurs actifs et qui pourraient bénéficier d'une telle disposition.

Le président: Donc, il y aurait déjà des caisses qui sont à la limite de 20 p. 100.

Mme Gretchen Van Riesen: Tout à fait.

Le président: Mais la moyenne est de 13 p. 100?

Mme Gretchen Van Riesen: La moyenne est peut-être inférieure à cela, parce qu'il y a des petites caisses et des grandes caisses et qu'on travaille avec des moyennes; en fait, il y a beaucoup de fonds. Et puis, les petits fonds perdent; ils ne sont peut être pas aussi conscients que les grandes caisses de ce qu'ils perdent en n'optimisant pas la diversification de leur portefeuille en le poussant aux 20 p. 100 actuellement permis. On ne manque pas de preuve démontrant que l'on perd de l'argent en ne pouvant pas diversifier les portefeuilles au-delà des 20 p. 100 actuels.

M. Ian Markham: Je serai heureux de vous laisser cet article, si vous le désirez. Il y est question de la limite de 20 p. 100 des biens étrangers imposée aux régimes de retraite. Il donne les raisons pour lesquelles nous estimons qu'il faudrait augmenter la limite de 20 p. 100 pour les régimes de retraite et donc pour l'Office d'investissement.

• 1730

Je serais heureux de vous remettre cet article. Il ne s'agit pas d'un article du Board of Trade, que nous représentons; cet article a été publié la semaine dernière par l'Association of Canadian Pension Management.

Mme Gretchen Van Riesen: Monsieur le président, nous vous avions dit d'ailleurs que nous vous en laisserions une copie. J'ai comparu devant ce comité pour présenter le point de vue de l'ACPM. Et nous vous avions dit que nous vous en ferions remettre des copies. Mais celles-ci ne sont pas prêtes et je ne puis donc le faire maintenant. Cet article parle d'autres choses que de la limitation des biens étrangers.

Le président: Il s'agira sans doute de plusieurs centaines de milliards de dollars quand l'office d'investissement du RPC sera mis sur pied et commencera à investir.

Mme Gretchen Van Riesen: Oui.

Le président: Est-ce qu'en fait notre pays sera en mesure d'absorber ce genre d'investissement?

Mme Gretchen Van Riesen: Eh bien, c'est toute la question de savoir si les marchés financiers pourront absorber de tels montants. D'aucuns croient qu'on pourra le faire à condition de procéder lentement et avec prudence, mais il est certain que la limite de 20 p. 100 imposée aux biens étrangers ne fera qu'exacerber ce problème. Cela tient au fait que les marchés financiers canadiens ne seront pas forcément en mesure d'absorber ce genre de montant.

Le président: Des questions? Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): J'en ai une.

Les gens qui se sont intéressés à l'Office d'investissement du RPC nous ont dit craindre la chose suivante: plutôt que de faire au mieux pour ceux et celles qui contribuent au fonds, l'office ne risque-t-il pas de céder à des groupes d'intérêts désireux d'influencer les investissements. Dites-moi, dispose-t-on des protections nécessaires pour que cela ne risque pas de se produire?

M. Ian Markham: D'après ce que nous avons constaté et ce que d'autres ont également constaté au comité du Board of Trade que nous représentons, vous disposez des meilleures protections que vous pouviez souhaiter. Très honnêtement, nous trouverions très inquiétant que des tiers, notamment le gouvernement, aient la possibilité d'infléchir le principe d'optimisation des taux de rendement à long terme et d'investissements prudents.

Ces prises de position sont un peu fortes. Dans la mesure où les administrateurs siégeant à l'office sont des investisseurs compétents, nous n'aurons aucune crainte.

Mme Gretchen Van Riesen: J'ajouterai que la structure proposée par le gouvernement, et sur laquelle certains travaillent à l'heure où l'on se parle, est déterminante. Elle favorise l'adoption d'une philosophie allant dans le meilleur intérêt des bénéficiaires. Dans cette situation, on se sent obligé d'abandonner ses intérêts au vestiaire. Je crois que c'est important. Il faudrait que ce soit précisé dans le rôle du comité.

M. Ian Markham: Finalement, si j'ai bien compris l'intention, il est question d'obliger l'Office à communiquer aux Canadiens et aux Canadiennes la situation du fonds, si bien que ces derniers risquent de réagir très violemment s'ils se rendent compte qu'on est intervenu malicieusement dans la façon d'administrer la caisse et de gérer les taux de rendement.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Une dernière question avant que je laisse la parole à M. Pillitteri: Voyez-vous un rôle que pourrait jouer le vérificateur général?

M. Ian Markham: Oui, tout à fait. Je crois que le vérificateur général devrait examiner tous les régimes de pensions du secteur public, notamment le Régime de pensions du Canada. Il va s'agir d'actifs communs. Peu importe que les vérifications soient faites par le vérificateur général ou par d'autres, il faudra absolument contrôler les actifs pour s'assurer qu'ils ont été investis conformément aux intentions poursuivies dans le projet de loi.

Le président: Pour vous, peu importe que ce soit le vérificateur général ou une firme comptable.

M. Ian Markham: Je ne...

Mme Gretchen Van Riesen: À condition que tout cela soit transparent, comme le disait Ian.

M. Ian Markham: C'est cela.

Le président: C'est une question que quelqu'un m'a posée aujourd'hui. Voilà pourquoi je vous la pose, pour obtenir votre avis d'expert.

M. Ian Markham: Vous vouliez parler d'une vérification par le vérificateur général ou par des tiers?

Le président: C'est cela. En fait, il est question de l'argent du contribuable.

Mme Gretchen Van Riesen: Effectivement.

Le président: Et le vérificateur général devrait donc avoir accès à ces données.

M. Ian Markham: Il est certain que le vérificateur général devrait avoir accès à ces données, mais tout cela paraîtrait mieux si une firme extérieure était également appelée à effectuer la vérification.

Le président: Très bien. Et cela sans lien de dépendance.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je commencerai par une remarque. J'ai l'impression que tout le monde embouche la trompette de l'annulation de la règle des 20 p. 100. Presque tous les témoins nous ont dit craindre que si l'on n'augmentait pas ce plafond, l'économie canadienne pourrait ne pas absorber tous les capitaux générés par ce fonds ou par d'autres caisses fonctionnant déjà au Canada.

• 1735

Alors, je m'interroge à propos de tout cet engouement pour une augmentation de la limite imposée aux biens étrangers. Il y a des devises étrangères, des devises très fortes comme le deutschmark, dans un des pays du G-7—et également le franc, qui est très fort, mais je n'en parlerai même pas... Bref, dans ce pays, on n'envisagerait même pas d'investir à l'extérieur. Peut-être que nous sommes en train d'attacher la charrue avant les boeufs en disant craindre que l'économie canadienne ne pourrait pas absorber tous ces fonds. Les caisses américaines ne s'approchent même pas du plafond permis pour les investissements hors des États-Unis.

Mme Gretchen Van Riesen: Mais leur limite est supérieure.

M. Gary Pillitteri: Certes, leur limite est supérieure...

Mme Gretchen Van Riesen: Nettement supérieure.

M. Gary Pillitteri: Mais d'un autre côté, les caisses américaines n'arrivent pas à cette limite.

Mme Gretchen Van Riesen: C'est un fait.

M. Gary Pillitteri: Leur investissement à l'étranger est minime. Peut-être sont-ils plus patriotes que nous ou peut-être que leur économie est davantage en mesure d'absorber...

Mme Gretchen Van Riesen: D'après ce que je crois savoir, ils en sont à 30 p. 100.

M. Gary Pillitteri: Certes, mais ils sont très loin d'atteindre ce plafond.

Mme Gretchen Van Riesen: Non, ils y sont déjà. Il n'y a pas de limite, mais ils sont déjà à...

M. Gary Pillitteri: Ils sont à 30 p. 100.

Mme Gretchen Van Riesen: ... leurs investissements à l'étranger sont d'environ 30 p. 100. Les investissements ont été stabilisés à ce niveau, mais...

M. Ian Markham: Le Royaume-Uni a stabilisé les siens à 30 p. 100.

M. Gary Pillitteri: D'un autre côté, est-ce que vous ne pensez pas qu'avant d'envisager d'augmenter ce plafond...? En tant que Canadien, je vois là la possibilité d'injecter plus d'argent dans notre économie. Ce serait plus facile s'il ne fallait pas financer la dette et le reste. Les caisses de retraite seraient forcées d'investir au Canada, sous la forme de prêts aux entreprises, et je crois que cela serait un bien meilleur stimulant que de leur donner la possibilité d'évacuer les capitaux et d'aller paître dans les prairies bien grasses, puisqu'on aime à penser que l'herbe est toujours plus verte hors du Canada.

Voulez-vous réagir à cela?

Mme Gretchen Van Riesen: J'aimerais bien.

La question est de savoir où, en fin de compte, se situent les meilleurs intérêts des bénéficiaires du Régime. Quels investissements produiront les rendements les plus élevés, pour qu'on puisse garantir du mieux possible les prestations promises?

Comme je le disais, les recherches effectuées jusqu'ici, les théories, montrent de façon non équivoque qu'une augmentation de la diversification des portefeuilles permet d'accroître les rendements. Cela étant, si l'intérêt est de garantir les prestations versées par le Régime de pensions du Canada aux Canadiennes et aux Canadiens, le meilleur intérêt de ces gens-là se trouve satisfait par une hausse ou par la suppression du plafond. Il est beaucoup plus discutable de savoir si une telle façon de procéder serait bonne pour les entreprises canadiennes—qui peuvent ou non être des entreprises valables dans lesquelles investir l'argent des fonds de retraite—, mais s'il est une chose qui ne fait aucun doute dans notre esprit, c'est qu'un accroissement de la diversification présente des avantages véritables, tangibles.

M. Ian Markham: Nous avons estimé que le plafond des biens étrangers occasionne une diminution de 3 à 4 p. 100 des prestations, ce qui est une perte considérable à long terme. Autrement dit, si l'on supprimait ce plafond, à long terme, les prestations de pension versées au Canada—tant par les régimes de pensions privés que par le Régime de pensions du Canada—pourraient être augmentées de 3 à 4 p. 100, ou encore on pourrait réduire les cotisations de 3 à 4 p. 100.

M. Gary Pillitteri: Je ne veux pas argumenter pour argumenter, mais puisqu'il est prévu d'effectuer un examen plus tard, pourquoi ne pas attendre pour voir si cette disposition a une telle incidence sur notre économie, pour savoir si ce n'est pas excessif pour elle? On pourrait toujours changer cette disposition plus tard, mais essayer, tout de suite...

Mme Gretchen Van Riesen: À condition qu'on ne soit pas obligé d'effectuer des investissements risqués uniquement pour respecter les plafonds.

M. Gary Pillitteri: Regardez ce qui s'est passé à l'étranger, en Corée du Sud, par exemple, où le gouvernement a demandé qu'on investisse autant de capital... Où en est-on? Le Canada regarde ce qui se passe en Corée du Sud, au Japon et en Chine. Tous ces pays ont pris ce genre de décisions, ont contraint les banques et les institutions de prêts à investir énormément d'argent de cette façon. Et que faisons-nous, nous les Canadiens? Évidemment, aujourd'hui, l'herbe peut nous paraître plus verte de l'autre côté de la barrière, mais d'un autre côté, nous devons nous demander ce qu'il advient dans ces pays où l'on a pris ce genre de décision. Où se retrouve-t-on quand on voit ce qui s'est passé avec le yen et le won, et toutes ces autres devises, qui ont dévalué de plus de 10 p. 100? Où se situe-t-on par rapport à tout cela?

Mme Gretchen Van Riesen: Les exemples ne manquent pas pour illustrer le phénomène inverse.

M. Ian Markham: Nous allons vous laisser cet article. Vous devez partir.

• 1740

Le président: Attendez, j'ai un dernier mot à dire.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier de votre exposé. Personnellement, je suis très intéressé par ce que vous avez dit à propos de la limitation de 20 p. 100 des biens étrangers. J'aurais tendance à analyser le pour et le contre de la suppression de ce plafond, mais je pense que l'objectif ultime des gens de l'industrie de l'investissement est d'obtenir le meilleur rendement possible pour leurs clients. Les marchés mondiaux étant tellement interreliés, on peut s'attendre à ce qu'en fin de compte ce genre de barrières s'écroulent. Cela ne fait aucun doute.

Quoi qu'il en soit, nous devons nous arrêter là pour aller voter.

La séance est levée.