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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 21 avril 1999

• 1525

[Traduction]

La présidente (Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)): Nous allons commencer. J'invite tout le monde à s'asseoir.

Avant de céder la parole à nos témoins, j'ai quelques brefs messages à vous adresser. À la demande générale, nous discuterons mardi du rapport Sims plutôt que de donner suite à la séance d'aujourd'hui. Je vois des visages déçus autour de la table. Je sais que vous êtes déçus.

De même, Mme Girard-Bujold aimerait nous faire part très rapidement d'une motion, et je demande à nos témoins d'être patients.

[Français]

Voulez-vous la présenter?

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Madame la présidente, je vous remercie de me permettre de présenter mes deux avis de motion, qui proposent que le comité invite à comparaître, dans le cadre de son étude du dossier PATA, M. Doug Young, et dans le cadre de son étude plus générale sur les travailleurs âgés, le ministre du Développement des ressources humaines.

La présidente: Vous serez heureuse d'apprendre que le nom de M. Doug Young figure déjà sur notre liste.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: On s'entend bien là-dessus.

La présidente: Nous avons déjà invité le ministre à comparaître devant notre comité et je crois que nous étions tous d'accord à cet égard.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Madame la présidente, j'aimerais savoir si vous pourriez reporter à vendredi la date limite pour vous soumettre des noms de témoins. Avant le congé de Pâques, nous avions communiqué avec certaines personnes que nous aurions voulu convoquer et elles nous ont rappelés au cours de la semaine dernière pour nous demander quelques jours de plus avant de nous donner une réponse définitive.

La présidente: Oui, nous pouvons attendre jusqu'à vendredi. Je vous invite à soumettre les noms à la greffière afin qu'elle puisse les ajouter à la liste.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: C'est très gentil. Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Coderre.

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Sans arrière-pensée, j'aimerais savoir quel est le statut d'un ex-ministre vis-à-vis des commissions parlementaires. N'existe-t-il pas un droit de réserve?

La greffière du comité: Je vais vérifier et vous le dire.

M. Denis Coderre: D'accord, c'était juste pour ma gouverne.

La présidente: Merci.

[Traduction]

Donc, sans plus tarder—je ne veux pas faire attendre nos témoins, qui ont été très patients jusqu'à présent—nous allons aujourd'hui entreprendre notre étude sur la crise de plus en plus aiguë que vivent ces millions de travailleurs canadiens piégés dans des emplois non spécialisés qui n'existeront plus dans quelques années. Il s'agit généralement de travailleurs âgés qui doivent faire vivre leur famille, et qui ne peuvent pas quitter le marché du travail pour retourner à l'école.

Les programmes que nous avons aujourd'hui s'occupent beaucoup de ces travailleurs lorsqu'ils finissent par perdre leur emploi et dont les seules perspectives sont des mois de chômage, d'incertitude et de difficultés financières, alors que leur espoir de trouver un nouvel emploi est limité. Notre comité est en fait à la recherche de moyens qui permettraient à ces nombreux travailleurs d'éviter cette crise.

Nous attendons de nos témoins aujourd'hui qu'ils nous disent quelle est la meilleure façon d'aider ces travailleurs à rehausser leur compétence à l'heure où ils ont encore un emploi et le revenu qu'il faut pour faire vivre leur famille. J'ai donc la certitude que vous nous donnerez de nombreux conseils fort utiles.

Permettez-moi de vous présenter Jean-Pierre Voyer, responsable de la Direction générale de la recherche appliquée, Politique stratégique; Glynnis French, directrice générale, Politique du marché du travail, Politique stratégique, et Serge Bertrand, directeur, Évaluation et développement des données, Politique stratégique. Donc, bienvenue à tous, et sans plus tarder je vous prie de commencer.

Mme Glynnis French (directrice générale, Politique du marché du travail, Politique stratégique, ministère du Développement des ressources humaines): Merci, madame la présidente, membres du comité. Je suis heureuse d'être des vôtres, aujourd'hui, pour discuter de la question des travailleurs âgés.

• 1530

Comme vous le savez, DRHC ne ménage ni son temps ni ses efforts pour assurer la réintégration des gens au marché du travail. Dans cette optique, nous produisons et diffusons des renseignements sur le marché du travail et mettons en oeuvre des programmes d'intervention directe sur le marché du travail et des programmes ciblant expressément des personnes ayant des besoins spéciaux—par exemple, Stratégie emploi jeunesse, qui vise les jeunes gens, et les programmes destinés aux personnes handicapées.

Nous tenons à donner suite aujourd'hui à votre demande de renseignements généraux concernant les travailleurs âgés. Nous avons pensé procéder de la manière suivante. Tout d'abord, mon collègue, Jean-Pierre Voyer, qui est de la Direction générale de la recherche appliquée, vous parlera de la situation des travailleurs âgés sur le marché du travail et des facteurs qui y contribuent. En s'appuyant sur la documentation dont nous disposons en matière d'évaluation, Serge Bertrand, d'Évaluation et développement des données, traitera des leçons qu'on a tirées d'anciens programmes articulés autour des travailleurs âgés, par exemple les programmes mis en oeuvre ailleurs dans le monde. Quant à moi, je vous ferai part de certaines conclusions.

Sans plus attendre, je cède le microphone à Jean-Pierre Voyer.

M. Jean-Pierre Voyer (directeur général, Direction générale de la recherche appliquée, Politique stratégique, ministère du Développement des ressources humaines): Merci, Glynnis.

Pour que vous puissiez entreprendre votre étude à partir d'un ensemble commun d'informations, je vais tâcher de vous communiquer certains faits essentiels. Je ne prétends pas avoir compris tous les problèmes dont nous faisons état dans notre exposé, mais je vais à tout le moins vous indiquer certaines grandes tendances.

La première question est de savoir si la technologie marche ou non. La première chose qu'il faut savoir, c'est que les travailleurs âgés, comme groupe, présentent encore un rendement sur le marché du travail qui est comparable, ou même supérieur, à celui d'autres groupes d'âges. Il existe une sorte de mythe qui nous amène à penser que les travailleurs d'âge mûr ne se débrouillent pas très bien.

Si vous regardez ce tableau strictement du point de vue du taux d'emploi, la ligne rouge indique le taux d'emploi du groupe d'âge de 50 à 64 ans. Vous pouvez voir qu'il se compare favorablement à d'autres groupes d'âges primaires, et que le taux d'emploi est beaucoup plus bas que pour les jeunes travailleurs.

Cependant, les données du taux d'emploi relatives aux travailleurs d'âge mûr masquent le fait que bon nombre d'entre eux ont tendance à quitter le marché du travail. Ils se découragent tout simplement ou partent volontairement ou involontairement... mais j'y reviendrai plus tard. On constate une sorte de comportement non participatif. Comme le montre la ligne noire—et je parle des 55 ans et plus—leur taux d'emploi, à savoir le nombre de travailleurs âgés employés par rapport au reste de la population, diminue sans cesse depuis les 20 dernières années. Et cela ne s'est pas produit dans les autres groupes.

Pour ce qui est de l'étude de votre comité, j'imagine que vous portez votre attention essentiellement sur les 55 ans et plus. Dans bon nombre de textes sur la question, les 45 ans et plus sont considérés également comme des travailleurs d'âge mûr, mais je pense que le consensus se situe autour des 55 ans et plus.

Pour ce qui est des gains, les hommes ont rattrapé de beaucoup les autres groupes. C'est la ligne bleue. Comme vous pouvez le voir, il y avait un écart dans la mesure où les 45 à 54 ans se tiraient mieux d'affaire que tous les autres groupes, et les 55 ans et plus les rattrapent.

[Français]

Cette situation ne prévaut pas chez les femmes. On constate une certaine différence, bien qu'elle soit moins importante que ne l'indique ce graphique. Ce qui en ressort, c'est qu'il n'y a pas de grande disparité au niveau des gains chez ceux qui travaillent à plein temps et pendant toute l'année. Ce graphique n'inclut pas les travailleurs à temps partiel.

• 1535

[Traduction]

Le taux de mises à pied, à savoir la proportion des travailleurs d'âge mûr qui sont mis à pied comparativement aux autres groupes, constitue une autre statistique intéressante. On a l'impression que seuls les travailleurs âgés sont mis à pied. Comme vous pouvez le voir, oui, il y a une incidence plus élevée de mises à pied chez les 55 ans et plus comparativement à d'autres groupes, mais ils ne sont pas différents des autres groupes.

Pour ce qui est des autres groupes, le rendement des travailleurs âgés varie beaucoup selon la scolarisation; la scolarisation est un facteur très important. Comme vous pouvez le voir, une scolarisation faible est associée à des taux de chômage beaucoup plus élevés, mais ce qui est intéressant ici, c'est que les travailleurs âgés souffrent moins du chômage que la jeune génération.

Dans ce tableau-ci, la pile rouge représente les travailleurs âgés. Vous pouvez voir que le taux d'emploi augmente considérablement selon le niveau d'éducation, mais pas autant. Si vous comparez ce groupe aux jeunes, par exemple, les travailleurs peu spécialisés, bien sûr, présentent un taux de chômage très élevé... ou même chez le travailleur d'âge primaire, moins les travailleurs sont spécialisés plus le taux de chômage est élevé. C'est le cas des travailleurs âgés, mais pas dans la même mesure.

Encore là, on voit se produire le même phénomène que j'ai mentionné plus tôt, c'est-à-dire que les données sur le chômage portent légèrement à confusion chez les travailleurs âgés parce que bon nombre d'entre eux quittent tout simplement le marché du travail; ils disparaissent tout simplement. Ils ne se disent plus au chômage. Sont-ils vraiment employés ou au chômage? Pas selon la définition qu'utilise Statistique Canada, mais selon le point de vue de notre société, il est difficile d'étiqueter les gens comme étant au chômage ou employés dans ce cas-ci.

Vous pouvez donc voir que pour tous les hommes le taux de participation diminue, et c'est davantage le cas pour les travailleurs peu spécialisés. Moins l'on est spécialisé, plus l'on a tendance à quitter le marché du travail.

Chose intéressante, dans ce genre d'analyse il est important de distinguer les hommes et les femmes, parce que encore là les femmes se trouvent dans une situation très différente. Le taux de participation des femmes âgées a augmenté, ou a décliné très légèrement.

Pour ce qui est de la situation relative du travailleur peu scolarisé par rapport au travailleur plus scolarisé, il existe un indice de la moyenne des gains. Cet indice montre essentiellement que les gains des travailleurs âgés ont augmenté au cours des 15 dernières années, quoique faiblement. Ces gains se situent à peine au-dessus du niveau de 1981, à cinq points de pourcentage au-dessus. Mais dans le cas des travailleurs peu scolarisés et peu spécialisés, ils ont baissé par rapport à ce qu'ils étaient en 1981. On voit donc s'ouvrir un écart selon le niveau d'éducation chez les travailleurs d'âge mûr.

Ce qui est intéressant également, c'est le fait que les travailleurs âgés et moins scolarisés risquent davantage d'être mis à pied de manière permanente d'un emploi à temps plein. Ceux qui ont moins que leur secondaire comptent en fait pour 56 p. 100 des mises à pied parmi les travailleurs âgés ici, même s'ils ne représentent que 33 p. 100 de l'ensemble des travailleurs âgés de la population.

Chose également intéressante, c'est le fait que même si les travailleurs âgés n'ont pas tendance à être mis à pied plus que d'autres groupes, lorsqu'ils sont mis à pied ils ont plus de difficulté à trouver du travail que les groupes d'âges plus jeunes. Vous n'aviez pas besoin de vous faire dire cela par un employé de DRHC; le bon sens le dit.

Vous serez heureux d'apprendre que les statistiques montrent bien que tout le problème est là. Ces travailleurs ne risquent pas plus que d'autres groupes d'être mis à pied, mais c'est lorsqu'ils sont mis à pied que les difficultés commencent. Et cela est vrai peu importe le niveau d'éducation. C'est moins vrai pour les personnes qui ont fait des études universitaires... mais si vous êtes un travailleur peu spécialisé, bien sûr, c'est encore plus vrai.

• 1540

Il y a plusieurs obstacles au recrutement de travailleurs d'âge mûr, et ces obstacles sont assez bien connus. L'un d'entre eux tient au fait que le niveau moyen de scolarité est moindre.

Au cours des quelques dernières années, nous avons pu mesurer le taux d'alphabétisation des travailleurs du Canada et d'autres pays. Le taux de scolarité ne mesure pas toujours très bien ce que les gens savent ou leur niveau d'alphabétisation, dans le sens large du terme. Mais nous avons pu mesurer directement le niveau d'alphabétisation des travailleurs en procédant à des sondages.

Comme vous le voyez ici, une proportion très élevée de travailleurs âgés de 55 ans et plus n'ont pas le niveau d'alphabétisation fondamental qu'il faut pour occuper un emploi au bas de l'échelle. Il a été prouvé que, pour un emploi au bas de l'échelle, il faut un niveau d'alphabétisation trois. Ce tableau vous montre que plus de 60 p. 100 des 55 ans et plus n'ont pas le niveau d'alphabétisation nécessaire.

[Français]

On constate également que les employeurs offrent moins de formation aux travailleurs âgés et que ces derniers ont moins tendance à aller eux-mêmes parfaire leur formation, que ce soit par cours du soir ou autrement.

[Traduction]

On a procédé à quelques sondages qui font état des perceptions que les employeurs ont des travailleurs d'âge mûr. Il s'agit de sondages à petite échelle. Il ne s'agit pas de sondages nationaux, mais ils indiquent certains faits intéressants.

Dans celui-ci, par exemple, on a demandé aux petites et grandes entreprises ce qui constitue des obstacles à l'emploi. Ce sont les vice-présidents des ressources humaines de ces entreprises qui ont répondu à ces questions. Ils peuvent exprimer la perception du vice-président, et non la perception de l'entreprise, mais ce qu'ils disent essentiellement, c'est que le fait d'être d'âge mûr est un obstacle au recrutement, tout comme aussi le fait d'être une femme, de faire partie d'une minorité visible, d'être handicapé, qui est un obstacle très marqué, et le fait d'être Autochtone. Et c'est moins vrai pour les grandes entreprises; la ligne jaune indique les grandes entreprises par rapport aux petites entreprises.

Selon les employeurs, le problème chez les travailleurs âgés tient au fait qu'ils manquent d'instruction et de formation. C'est la réponse la plus populaire que nous avons obtenue. Il y a aussi le fait qu'ils s'attendent à des salaires plus élevés et une série d'autres facteurs. Mais le facteur qui ressort clairement, c'est le fait que l'on pense que les travailleurs âgés n'ont pas les compétences nécessaires.

La mobilité est un autre obstacle pour les travailleurs âgés. Ce tableau vous montre le taux de mobilité interprovinciale. Vous pouvez voir que plus l'on avance en âge, moins l'on devient mobile, et en fait le taux de mobilité des 55 ans et plus est très bas. Nous avons constaté également que le taux de mobilité par secteur et profession est beaucoup plus faible chez les travailleurs âgés.

Quand on passe à la décision de prendre sa retraite ou non, encore là l'analyse n'est pas complète, on ne dispose que de quelques faits. C'est un aspect qui est très difficile à saisir parce que nous n'avons pas une idée nette des véritables motivations de la retraite. Est-ce le fait que les gens peuvent se la permettre? Est-ce une affaire de choix, de qualité de la vie, ou est-ce attribuable au fait que la personne a perdu son travail et ne peut pas en trouver d'autre? Beaucoup de gens qui perdent leur travail et qui ne peuvent pas en trouver d'autre préfèrent dire que c'est un choix qu'ils ont fait. On ne connaît donc pas vraiment la raison véritable pour laquelle les gens prennent leur retraite à l'âge où ils partent, particulièrement chez les travailleurs peu spécialisés.

Au tableau suivant, où l'on montre l'âge moyen de la retraite, selon le groupe d'âge, nous avons observé qu'hommes et femmes ont quitté le marché du travail en très grand nombre au cours des quelque vingt dernières années. Vous ne voyez peut-être pas ce tableau très bien, mais il se trouve dans les documents que nous vous avons remis. C'est une donnée très intéressante. Cela me fascine; mais je ne sais pas si les autres sont aussi fascinés que moi.

• 1545

Vous pouvez voir sur ce tableau que la durée de la retraite a augmenté énormément en très peu de temps. On est ici en 1960. En 35 ans, la durée moyenne de la retraite—c'est-à-dire le temps qui s'écoule entre le moment où l'on quitte le marché du travail et le moment où l'on meurt—est passée de quelques années pour un homme—excusez-moi, j'ai eu du mal—à environ 12 ou 15 ans en moyenne; je n'ai pas le chiffre exact. Pour une femme, on est passé d'environ 10 ans à presque le double. Cela s'est produit en très peu de temps, et c'est dû au fait que le taux de longévité a augmenté et que l'âge de la retraite a été abaissé.

Le vieillissement de la population pose une question très intéressante. Je sais que ce n'est pas le sujet à l'ordre du jour, mais il y a un rapport avec la situation du travailleur âgé.

Il convient de mentionner que dans la transition vers la retraite les travailleurs âgés semblent enclins à travailler à temps partiel, à exercer des emplois atypiques, à faire le pont entre le travail à temps plein et la retraite. On assiste donc à une lente augmentation de la fréquence du temps partiel chez les travailleurs d'âge mûr.

On assiste également à une augmentation de la fréquence de l'emploi autonome.

[Français]

Beaucoup plus de gens de 55 ans et plus se tournent vers le travail autonome ou travaillent à temps partiel.

[Traduction]

Pour ce qui est de la motivation de retraite, comme je l'ai dit, il est très difficile de la cerner. Nous avons fait des sondages pour essayer de la connaître, mais la question est de savoir si l'on doit croire toutes les réponses que l'on reçoit.

La retraite est encore involontaire pour beaucoup de gens. Le facteur déterminant est parfois la santé, parfois le chômage. Il semble y avoir augmentation des retraites volontaires. Il existe certains incitatifs à la prise hâtive de la retraite qui étaient très populaires dernièrement, comme vous le savez, ce qui veut dire qu'il y a plus de gens qui ont les moyens de prendre leur retraite. Mais il y a un peu des deux ici, et il est très difficile de dire que X p. 100 des départs à la retraite étaient volontaires et X p. 100 involontaires. Il y a une énorme zone grise lorsqu'il s'agit de départager ces deux causes.

Pour ce qui est des faits essentiels, je m'arrêterai là.

Merci.

Le président suppléant (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Merci, monsieur Voyer.

Mme Glynnis French: Monsieur le président, poursuivons-nous, ou le comité a-t-il des questions à poser maintenant?

Le président suppléant (M. Andy Scott): Non, je crois que nous allons écouter les exposés, et ensuite passer aux questions.

Mme Glynnis French: D'accord, ça va. Serge, c'est à vous. J'imagine que nous allons diminuer l'éclairage de nouveau.

M. Serge Bertrand (directeur, Services d'évaluation, Évaluation et développement des données, Politique stratégique, ministère du Développement des ressources humaines): Non, parce que je n'ai pas de tableaux et de diagrammes comme Jean-Pierre, et vous avez reçu des copies de la documentation. Je pense que je préfère vous en parler. Vous avez reçu des copies anglaises et françaises. Je vais donc en parler simplement, parce que je n'ai pas de chiffres détaillés à vous montrer.

Cette liasse s'intitule «Mesures actives d'aide aux travailleurs âgés dans les pays de l'OCDE». Je tiens d'abord à dire qu'à DRHC nous étudions l'efficacité des programmes et des politiques qui ont été mis en place au Canada et dans d'autres pays pour venir en aide à des clientèles particulières ou mettre en oeuvre des politiques. Nous suivons de près les études qui portent sur ces programmes et les études où l'on analyse l'efficacité des politiques et programmes divers servant de remède à ces problèmes.

Par le passé, nous avons mené des études sur des questions comme les politiques et programmes s'adressant aux jeunes et aux personnes handicapées. À l'heure actuelle, nous effectuons une étude sur les politiques et les programmes qui s'adressent aux travailleurs âgés. Dans le temps qui m'est imparti, je ne peux pas passer en revue les résultats détaillés pays par pays, mais nous pourrons vous communiquer ces résultats plus tard et en discuter en profondeur à une prochaine séance si vous le voulez.

Aujourd'hui, j'aimerais vous donner un aperçu assez détaillé de ce que nous avons pu constater jusqu'à présent, de ce qu'ont fait d'autres pays et des programmes qui semblent être les plus efficaces.

• 1550

Après avoir examiné plusieurs pays, y compris le nôtre—nous avons passé en revue, je crois, une dizaine de pays, tels que les États-Unis, l'Angleterre, la France, l'Allemagne, la Suède et les Pays-Bas, ce qui en fait une étude assez exhaustive—nous avons d'abord constaté que, au chapitre des mesures actives, il y a très peu de programmes expressément conçus pour aider les travailleurs âgés à s'adapter aux changements économiques structurels, très peu. La majorité des programmes des pays de l'OCDE ne sont pas des programmes de mesures actives.

Deuxièmement, nous avons vu que, dans le cadre des programmes s'adressant aux travailleurs âgés, la participation des travailleurs âgés est extrêmement faible, ici et à l'étranger. Pour une raison ou une autre, la clientèle ciblée ne semble pas vouloir participer aux mesures actives.

Troisièmement, la réussite des programmes que nous avons examinés dépend de leur capacité de reconnaître et de satisfaire les besoins personnels des travailleurs âgés. Il y a toutes sortes de programmes, mais nous les avons regroupés dans trois grandes catégories. Il y a d'abord celle de la retraite anticipée, qu'on peut aussi appeler, de façon plus péjorative, les mesures passives. La deuxième catégorie est celle du départ progressif ou des mesures de transition permettant de passer d'un emploi à la retraite. Et, bien sûr, il y a la catégorie des mesures actives qui ciblent essentiellement ceux qui participent déjà à temps plein au marché du travail.

J'aimerais maintenant aborder brièvement chacune de ces catégories de mesures. Celles qu'on appelle les mesures passives de soutien du revenu, en gros les mesures de retraite anticipée, sont des mesures temporaires visant à fournir un soutien financier pour faire le relais entre la perte d'emploi et le réemploi. Ces mesures visent à garantir un revenu suffisant jusqu'à ce que l'âge normal de la retraite soit atteint. Ce genre de mesures sont assez simples. La plupart des pays de l'OCDE ont réagi aux problèmes des travailleurs âgés ou des travailleurs déplacés en prenant des mesures passives. C'est essentiellement ce qu'on a fait en Europe, surtout en France.

Je peux vous donner des exemples plus précis de mesures s'inscrivant dans cette catégorie. Par exemple, c'est une mesure passive que de prolonger la période de perception des prestations d'assurance-emploi pendant un certain temps en éliminant certaines des conditions d'admissibilité, telles que l'obligation de chercher activement du travail. C'est ce qu'on a fait par exemple en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, au Danemark et aux Pays-Bas.

C'est aussi une mesure passive—et ce ne sont là que des variations d'un même thème qui ont été utilisées de différentes façons—que d'élargir les critères médicaux d'admissibilité à l'assurance-invalidité pour inclure l'employabilité et la capacité de trouver du travail, cette mesure ayant encore une fois pour but d'accorder un soutien financier pour la période qui se situe entre la perte d'emploi et le moment où le prestataire est pleinement admissible à une pension. Il existe diverses variations, mais ce sont là des exemples généraux de ces mesures.

En général, ces mesures sont efficaces. Elles assurent efficacement la sécurité financière des personnes qui ont perdu leur emploi et font ce qu'elles sont censées faire, à savoir garantir un revenu. En revanche, elles ont le désavantage de dissuader les gens de retrouver un emploi ou de se recycler pour retourner au travail. De plus, les mesures passives sont coûteuses et difficiles à modifier—il est difficile de réduire le montant des prestations ou d'éliminer les programmes—comme on a pu le constater en France.

La deuxième catégorie de mesures est celle des mesures d'aide à la transition de la vie active à la retraite. Ces mesures aussi ont été conçues pour faire le lien entre la vie active et la retraite et combinent souvent des mesures actives et passives. Certains pays ont eu recours à ces mesures, notamment le Canada. La retraite progressive en est un exemple; elle permet à un travailleur de réduire ses heures de travail tout en complétant son revenu avec des prestations de retraite partielle. C'est ce qu'on a fait en Suède, au Danemark, au Luxembourg et en Allemagne. Au Canada, nous avons un programme expérimental de ce genre au Nouveau-Brunswick, le programme Compagnie de travailleurs.

Encore une fois, il y a toutes sortes de variations sur ce thème. Ainsi, au Japon, on a fait preuve d'imagination et de créativité à ce chapitre, mais le contexte culturel est très différent. On y trouve par exemple des programmes qui permettent aux cadres de choisir un nouveau poste comportant moins de responsabilités, ce qui a pour avantage d'encourager le mentorat tout en créant des ouvertures pour les jeunes. Cela nécessite probablement toutefois un milieu culturel qui n'existe peut-être pas ailleurs.

• 1555

On a aussi constaté que ce programme avait comme désavantage que, pour bon nombre d'hommes âgés, le travail à temps partiel comportant moins de responsabilités s'accompagne d'un stigmate.

La troisième catégorie est celle des mesures actives d'aide à l'emploi, qui sont évidemment conçues pour prolonger la participation au marché du travail. Comme je le mentionnais au début, les programmes de ce genre qui ciblent les personnes âgées sont peu nombreux dans les pays de l'OCDE que nous avons examinés. Nous avons trouvé peu de programmes de ce genre.

Les mesures actives d'aide à l'emploi comprennent notamment la formation, le placement, l'orientation et l'éducation de rattrapage. Les États-Unis, l'Australie, le Japon, l'Allemagne et la plupart des autres pays de l'OCDE ont eu recours à ces programmes. Ces mesures peuvent aussi prendre la forme de subventions salariales accordées aux employeurs qui engagent des travailleurs âgés, et ce sont celles qu'ont adoptées, par exemple, la France, l'Australie et le Japon.

Nous avons constaté, après avoir étudié l'évaluation la plus récente des programmes de mesures actives au Canada qui ont été gérés par le ministère, que la participation à ce genre de programmes était aussi très faible ici. Toutefois, l'évaluation la plus récente montre une certaine amélioration. Les travailleurs âgés s'en sortent mieux que d'autres clients participant à ce genre de programmes de formation pour acquérir des habiletés, mais l'un des déterminants les plus importants de succès pour les travailleurs âgés, c'est qu'il leur faut un niveau d'instruction de base avant de pouvoir participer à de tels programmes de formation. Nous avons donc connu moins de succès avec les travailleurs âgés qui n'avaient pas cette instruction de base.

Par conséquent, pour que ces mesures actives soient efficaces, il faut qu'elles soient bien adaptées aux besoins des travailleurs âgés et à leur niveau d'instruction. En outre, ces programmes doivent être conçus précisément pour répondre aux besoins des travailleurs âgés.

Comme je l'ai déjà dit, en général les pays ont adopté des mesures actives, mais ce ne sont pas des mesures qui ciblent les travailleurs âgés; ce sont plutôt des programmes généraux qu'on tente d'adapter aux besoins des travailleurs âgés. En résumé, voilà les principales constatations que nous avons pu faire par suite de notre examen des programmes existant ailleurs, de leurs avantages et de leurs inconvénients, ainsi que de leur efficacité.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup, monsieur Bertrand.

Mme Glynnis French: Je terminerai l'exposé de DRHC par ces quelques remarques.

Comme vous le savez sans doute, le chômage a constitué la principale préoccupation des Canadiens au cours des trois dernières années. Selon un sondage Focus Canada effectué en décembre 1998, les Canadiens sont d'avis qu'il s'agit toujours là du plus important problème auquel le pays doit faire face. Qui plus est, on éprouve généralement une certaine compassion à l'égard des chômeurs âgés: ce sont d'habitude des gens qui ont longuement participé au marché du travail, et, dans cette optique, on juge qu'ils ont apporté leur contribution, d'autant plus que souvent ils sont évincés du marché du travail pour des raisons totalement indépendantes de leur volonté.

Comme vous le savez, le PATA a pris fin en 1997 parce qu'il n'était pas juste et équitable pour les personnes âgées. Ce programme à frais partagés n'était offert que dans certaines provinces et comportait tellement de restrictions que bon nombre de travailleurs âgés ne pouvaient tout simplement pas y être admissibles. Il offrait uniquement un soutien passif et n'aidait pas les travailleurs à s'adapter à l'évolution de l'économie. Le gouvernement du Canada a modifié son soutien pour offrir une aide active à l'emploi afin que les travailleurs puissent réintégrer le marché du travail. Les provinces ont également adopté cette approche.

Le vieillissement de la société, comme l'indiquent les statistiques, fait ressortir une évidence: les travailleurs âgés représenteront à l'avenir une part croissante de la population active.

La responsabilité des travailleurs âgés incombe à la fois au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux. En vertu des ententes sur le développement du marché du travail, les programmes relatifs au marché du travail relèvent des deux paliers de gouvernement. Le gouvernement du Canada continue à miser sur le cadre de coopération prévu dans les ententes sur le développement du marché du travail et sur l'accord cadre sur l'union sociale, qui s'assortit d'un engagement de consultation et de collaboration avec les provinces au chapitre des questions sociales.

• 1600

Le Forum des ministres du Marché du travail constitue un bon exemple de partenariat fédéral-provincial eu égard aux travailleurs âgés. Ce forum est coprésidé par le ministre Pettigrew et Julie Bettney, de Terre-Neuve. Le FMMT a décrété que les travailleurs âgés constituaient une priorité de recherche, et on a créé un groupe de travail sur les travailleurs âgés. Le groupe, qui vient d'être mis sur pied, s'emploie actuellement à analyser les problèmes relatifs au marché du travail que doivent résoudre les travailleurs âgés; par la suite, il formulera, dans les grandes lignes, les questions stratégiques pertinentes. Nous avons bien hâte de voir les résultats des travaux de ce groupe de travail.

Merci, monsieur le président.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup.

Nous commençons la période de questions par Mme Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'ai bien aimé vos remarques liminaires. Nous vous savons gré de votre exposé.

Je crois savoir, et vous me corrigerez si vos chiffres sont plus précis, que d'ici à l'an 2030, il y aura 40 p. 100 de plus de personnes âgées qui seront pour la plupart des baby boomers. Je n'en suis pas, mais certains d'entre nous ici le sont.

Ma première question est la suivante: le vieillissement de la population signifie-t-il que les problèmes des travailleurs âgés sur le marché du travail s'aggraveront? Est-ce une question émergente, ou sera-t-elle de plus en plus préoccupante?

M. Jean-Pierre Voyer: Il faut d'abord tenir compte du fait... Mais d'abord, avez-vous dit 2010?

Mme Diane Ablonczy: La population âgée sera supérieure de 40 p. 100 d'ici à l'an 2030.

M. Jean-Pierre Voyer: D'ici à l'an 2030, 22 p. 100 ou 23 p. 100 de l'ensemble de la population canadienne aura au moins 65 ans. Cela se compare à 12 p. 100 aujourd'hui.

Mme Diane Ablonczy: C'est donc une augmentation d'au moins 40 p. 100?

M. Jean-Pierre Voyer: Oui, sinon davantage.

En ce qui concerne le vieillissement de la population, la difficulté, c'est que ce vieillissement entraîne une diminution des cohortes que l'on considère actuellement comme la main-d'oeuvre primaire. La diminution des cohortes de 24 à 65, la réduction du nombre de gens qu'on y trouve, et le nombre grandissant de gens d'au moins 65 ans entraîneront une hausse du ratio de dépendance, puisque ceux qui devront supporter le fardeau, si vous voulez, de ceux qui travaillent... Certains prétendent que dans 10 ou 20 ans le problème sera moins grave, puisque ceux qui constitueront le groupe des travailleurs âgés seront plus instruits.

Je n'ai pas montré cette diapositive, mais à mesure que la population vieillit la proportion de ceux qui ont fait des études supérieures sera bien plus élevée, grâce à l'investissement que nous avons fait il y a 20 ans dans l'enseignement postsecondaire, notamment. Ce phénomène atténuera le problème. Les gens vieilliront, mais ces nouvelles cohortes de gens âgés ont davantage de compétences.

Je dois toutefois faire une mise en garde. Il y a une chose dont on doit se préoccuper: les études démontrent que les gens ont tendance à perdre leurs aptitudes en vieillissant. Il ne s'agit pas seulement des habiletés techniques relatives à un emploi précis; il s'agit aussi des capacités générales de lecture et d'écriture. Évidemment, si vous avez un doctorat en physique, vous saurez maintenir ces capacités à un certain niveau, mais ceux qui n'ont qu'un diplôme d'études secondaires ou quelques années d'études postsecondaires n'ont pas des habitudes qui assurent le maintien de ces compétences.

En faisant de simples calculs, nous pouvons constater que la baisse des compétences suffit à éliminer les gains que nous faisons par le biais de l'enseignement supérieur si nous ne sommes pas prudents. Nous estimons qu'on pourrait faire déjà beaucoup de prévention en apprenant tous à maintenir nos capacités avec l'âge. La diminution de ces compétences se produit essentiellement entre la fin des études et l'âge de 40 ans. Nos compétences continuent de baisser après 40 ans, mais un peu moins.

• 1605

J'ignore si cela répond à vos questions. Ce n'est pas une réponse très précise, j'en suis conscient.

Mme Diane Ablonczy: Non, c'est une réponse très utile. Dans votre exposé, vous avez dit que les études sur le problème que pourrait provoquer le vieillissement de la main-d'oeuvre ressemble à une zone grise—je crois que ce sont là des termes que vous avez employés. Puis Glynnis nous a indiqué qu'un groupe de travail a été mis sur pied; j'en conclus qu'on est à étudier plus en détail certaines de ces questions.

Glynnis, quelle est l'échéance de rapport de ce groupe de travail? Quand aurons-nous davantage d'information dans ce domaine?

Mme Glynnis French: C'est une bonne question. Ce groupe de travail étant fédéral et provincial, l'échéancier sera déterminé par le palier fédéral et les provinces. Le groupe de travail comme tel n'a été mis sur pied que récemment; alors, je ne sais pas s'ils peuvent déjà indiquer à quel moment ils pourront présenter des rapports sur cette question.

En ce qui a trait au diagnostic, le groupe de travail tablera sur les documents dont nous vous avons parlé aujourd'hui pour s'attarder ensuite aux questions de politique intéressant les gouvernements fédéral et provinciaux. Je présume que d'ici à six mois nous aurons un rapport de ce groupe.

Mme Diane Ablonczy: Par conséquent, notre comité travaille pour ainsi dire en vase clos.

Mme Glynnis French: Je crois que vos travaux constitueront une contribution précieuse à ce processus.

Mme Diane Ablonczy: En dépit de nos compétences en déclin?

Des voix: Oh, oh!

Mme Diane Ablonczy: S'il me reste du temps, je voudrais poser une dernière et brève question. Serge a indiqué qu'il y a peu de programmes s'adressant particulièrement aux travailleurs âgés et qu'on est encore à déterminer quels sont les programmes dont on a besoin.

Nous avons tous des commettants de plus de 55 ans qui se sont adressés à nous pour nous faire part de leurs difficultés à cet égard. Je connais une femme de 60 ans qui avait sa propre entreprise, avec un partenaire, une entreprise d'analyse géologique et technologique, qui n'a toutefois pu survivre en raison du déclin du secteur minier. Cette dame de 60 ans connaît l'informatique et a un bon esprit scientifique, mais elle ne peut tout simplement pas trouver de travail. Je suis certaine qu'il y a bien d'autres exemples de ce genre. Y a-t-il des programmes qui pourraient aider cette dame à faire la transition vers un autre emploi?

Mme Glynnis French: Peut-être pourrais-je répondre. Si cette dame était travailleuse autonome, elle n'a pas d'expérience de travail lui donnant droit à l'assurance-emploi; il y a donc certainement une lacune. C'est là une des questions que nous examinerons du point de vue de la politique; nous tenterons de voir ce qu'on peut faire pour ces gens qui ne semblent pas répondre aux critères des programmes généraux.

Les programmes relatifs au marché du travail financés par le gouvernement fédéral s'adressent surtout aux prestataires de l'assurance-emploi. Il y a des programmes pour les travailleurs autonomes, mais je crois que vous décrivez le cas d'une personne qui était travailleuse autonome et qui voudrait maintenant réintégrer la main-d'oeuvre ordinaire.

Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie de vos réponses. Merci.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci. Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): J'aimerais poser une question à M. Voyer. Vous nous avez donné l'état de la situation du marché du travail pour les travailleurs âgés, et j'apprécie tout le travail que vous avez fait.

Bien que vous ayez compilé des statistiques sur les personnes qui ont décidé de prendre leur retraite, vous ne semblez pas savoir pourquoi elles l'ont fait. Ont-elles pris leur retraite parce qu'elles avaient de la difficulté à se trouver un nouvel emploi ou parce qu'elles en avaient le goût? Je crois qu'il s'agit d'une donnée très importante. Si elles ont été forcées de prendre leur retraite parce qu'elles étaient incapables de trouver un nouvel emploi, cela peut nous indiquer que d'autres travailleurs qui se trouvent sans ressources peuvent aussi avoir de la difficulté à trouver de emploi.

• 1610

C'est pour cette raison que dans certains cas, seules les mesures actives et passives sauront aider ces travailleurs à assurer leur subsistance. En l'absence de cet indicateur, on ne connaîtra pas à fond la difficulté qu'ont certains travailleurs à réintégrer le marché du travail. Il faut être très conscient de cet aspect. On fait des mises à pied pour toutes sortes de raisons: parce que la richesse naturelle d'une région n'est plus exploitable, parce que de nouvelles technologies viennent remplacer le travail manuel, etc.

Vous nous parlez ici de la scolarisation. Dans 20 ans, on se rendra peut-être compte que les membres de notre société auront acquis une spécialisation trop pointue. Il y aura peut-être des gens qui ne seront pas capables de travailler ailleurs que dans leur domaine spécifique parce qu'ils seront trop spécialisés. Ils auront réussi à maîtriser la nouvelle technologie, mais il faudra peut-être, dans 20 ou 40 ans, songer à reconstruire la société de façon un peu plus humaine. On pourra bénéficier de la spécialisation que ces citoyens auront acquise, mais il sera peut-être difficile d'accomplir cette tâche. Il y a peut-être des aspects qui nous échappent et qu'il nous serait utile de connaître.

M. Jean-Pierre Voyer: Permettez-moi de revenir au dernier graphique, que j'ai décrit un peu rapidement.

Nous possédons déjà ces données puisqu'elles ont été recueillies lors de l'enquête nationale qu'a faite Statistique Canada. Bien qu'elle remonte à quelques années, je tiens pour acquis qu'elle est fiable.

La section verte de l'histogramme nous indique que la plupart des gens ont choisi volontairement de prendre leur retraite. Un grand nombre de ces personnes ont fait un choix personnel, bien que cette section soit en quelque sorte une catégorie fourre-tout. Parmi les personnes qui ont fait un choix involontaire, on trouve entre autres celles qui souffrent de problèmes de santé et celles qui ont été forcées au chômage.

Mme Christiane Gagnon: Où sont-elles plus précisément?

M. Jean-Pierre Voyer: Ce sont les premières ici. Il y a aussi certains travailleurs à qui on a offert des primes de départ.

Mme Christiane Gagnon: Voilà.

M. Jean-Pierre Voyer: Mais il existe une autre catégorie résiduelle, qu'on ne retrouve pas sur le graphique. Bien qu'on y fasse une distinction entre les choix volontaire et involontaire, il ne faut pas se leurrer; il faut être conscient que certaines personnes prétendent avoir pris une retraite volontaire alors qu'elles n'avaient d'autre choix. Il leur est plus facile de dire qu'elles ont pris leur retraite que de dire qu'elles ont été incapables de se trouver un emploi. C'est beaucoup moins stigmatisé. Ces personnes sont donc contraintes de vivre de revenus minimes. Qui sait si elles ont les revenus nécessaires pour survivre? Ça, c'est autre chose.

C'est pourquoi je vous dis qu'il y a une zone grise et que je vous mets en garde. Bien que nous disposions de ces données, il faut se demander à quel point elles sont vraiment utiles.

Quant à la question de la spécialisation par opposition à la généralisation, des choses intéressantes sont en train de se produire. On dit souvent aux jeunes d'étudier les sciences et de se diriger dans des domaines pointus. Par contre, on se rend compte que le taux de chômage chez les bacheliers en sciences est plus élevé que chez leurs confrères titulaires de diplômes en sciences humaines, ces généralistes à qui on avait dit qu'ils ne trouveraient pas d'emplois. Il faut faire attention à ces nombreux mythes. Qu'est-ce que l'avenir nous réserve? La plupart des chercheurs s'entendent pour dire que les personnes qui ont su acquérir des aptitudes dans les matières de base fondamentales, tels l'anglais, la lecture et la compréhension, seront bien équipées pour faire face à l'avenir. Celles qui ont acquis ces capacités de bases auront une bonne capacité d'adaptation.

Aujourd'hui, un diplôme d'études secondaires n'est plus suffisant. Auparavant, on vous disait: «Terminez vos études secondaires. C'est une base minimale.» Nous sommes en train de revoir ces critères, car ce n'est plus suffisant. Nos institutions devront peut-être songer à prolonger les études de quelques années pour donner aux gens une base suffisante afin qu'ils ne deviennent pas un jour des travailleurs âgés sans qualifications.

• 1615

Mme Christiane Gagnon: Je veux vous poser une dernière question.

Nous recommandez-vous de maintenir un programme comme le PATA afin de répondre aux besoins d'une partie de la population qui vit dans une région où on effectue des mises à pied? Au cours de l'hiver, je regardais l'émission La Mine BC, où l'on voyait l'ensemble des travailleurs suivre des cours de base en algèbre et en mathématiques en vue de réintégrer le marché du travail. Ces travailleurs disaient avoir l'impression que ces cours ne leur donneraient pas grand-chose parce qu'ils étaient âgés et presque à la veille de leur retraite, mais ils étaient conscients de la nécessité de gagner des revenus suffisants pour assurer leur subsistance quotidienne.

Est-ce qu'un programme comme le PATA est nécessaire? Un programme mur à mur n'est peut-être pas la solution, mais faut-il essayer de créer un programme qui donne de meilleurs résultats à l'intention des personnes âgées qui sont incapables de trouver un nouvel emploi? Leur intégration sur le marché de l'emploi pourrait se faire grâce à des cours ou à un stage en entreprise. Nous savons toutefois que certaines de ces personnes seront incapables de retourner sur le marché du travail et qu'elles deviendront de nouveaux pauvres parce qu'elles n'auront plus de revenus.

M. Jean-Pierre Voyer: Les gouvernements doivent examiner de nombreuses possibilités. Comme l'indiquait clairement ma collègue, le gouvernement a décidé de s'éloigner des mesures strictement passives, coûteuses et souvent inefficaces qui consistent à n'assurer aux travailleurs qu'un revenu minimum. Ces mesures ne réussissent pas à restituer à ces personnes des conditions semblables à celles dont elles bénéficiaient avant que ce choc se produise dans leur vie et que leur communauté soit frappée d'une mise à pied massive.

Il y a sûrement quelques possibilités, dont les programmes de formation à l'intention des travailleurs auxquels vous avez fait allusion. Mais, comme mon collègue le disait, ces programmes fonctionnent dans certains cas et pas dans d'autres, lorsque les personnes n'ont pas acquis les aptitudes de base.

Nous voulons examiner de nouvelles options. Par exemple, au Québec, on parle beaucoup d'économie sociale. Notre ministère examine actuellement certains projets-pilotes, dont un en collaboration avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse qui consisterait à offrir à des chômeurs la possibilité de toucher un salaire un peu plus élevé que le salaire minimum pour un travail dans le domaine social pendant trois ans, plutôt que de toucher des prestations d'assurance-emploi. Ce projet ne se poursuit toujours qu'à titre expérimental. Cette formule alternative nous permettrait d'enlever le stigmate de la formule passive où l'on dit: «Voici un chèque. Vous ne faites plus rien.» On demanderait à ces personnes de faire des travaux utiles à la communauté, mais elles ne s'inscriraient pas nécessairement dans l'économie formelle. Nous travaillons en partenariat avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse en vue de mettre en oeuvre ce programme au Cap-Breton. Nous en discutons avec les communautés locales pour nous assurer de leur appui, puisque nous ne pouvons naturellement pas faire ça sans leur concours. C'est le genre de formule que nous voulons examiner de concert avec les provinces, ainsi que dans le cadre du comité dont parlait le ministre.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup.

[Français]

M. Serge Bertrand: Je voudrais ajouter quelques précisions. Nous avons déjà mis sur pied un programme semblable à celui que Jean-Pierre a décrit, soit le Job Corps Program au Nouveau-Brunswick. Il est important de tenir compte du fait que ces programmes sont efficaces dans la mesure où le retour sur le marché du travail n'est pas le seul critère de succès; il faut aussi prendre en considération un ensemble de choses.

Le programme au Nouveau-Brunswick s'est avéré efficace. Les évaluations qu'on en a faites mesuraient, par exemple, l'impact du travail sur les soins de santé. On a tenu compte d'un ensemble d'autres facteurs; on ne s'est pas limités au réemploi. C'est ainsi qu'on peut dire que certains programmes sont vraiment efficaces.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup.

Votre témoignage a suscité un tel enthousiasme chez les députés ministériels et ils sont si nombreux à vouloir poser des questions que j'ai du mal à choisir. Je céderai la parole à M. Coderre, mais M. Alcock aura encore du temps plus tard. Allez-y.

• 1620

M. Denis Coderre: On veut encore casser du sucre sur le dos du Québec?

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Cela me semble équitable.

[Français]

M. Denis Coderre: Je voudrais parler surtout en termes de perception, parce que votre rôle est aussi de parler de politique stratégique. Nous ne travaillons pas toujours avec des statistiques, mais avec M. et Mme Tout-le-Monde. Je me permets de préciser que le PATA vise les travailleurs de 55 ans et plus et que l'âge moyen des travailleurs de l'émission La Mine BC était de 52 ans. Il y a un écart entre les travailleurs de 52 et ceux de 55 ans.

Ma perception actuelle est que tout va très vite, voire trop vite, et qu'il y a un problème d'adaptation pour les gens d'un certain groupe d'âge, que je subdiviserais en deux sous-groupes: il y a ce qu'on appelle les baby-boomers, qui sont beaucoup plus instruits, et ceux qui sont âgés de 55 ans et plus, qui sont davantage des travailleurs manuels.

Compte tenu de l'incidence technologique, je crois qu'on devra changer l'âge et que le programme devra s'adresser aux gens de 50 ans et plus. J'ai le pressentiment qu'il y a de plus en plus un écart, qu'on rejoint des gens de plus en plus jeunes et qu'un fossé se creuse entre les générations, ce qui a une incidence sur les politiques. J'aimerais que vous réagissiez à ce point de vue que j'exprime.

Deuxièmement, je souhaiterais qu'on se parle entre provinces. Il y a parfois aussi un problème entre les régions rurales et urbaines. Notre gouvernement s'éloigne de plus en plus des mesures uniquement passives, mais il lui faudra peut-être avoir recours aux deux types de mesures, passives et actives, parce qu'on veut, dans la mesure du possible, remettre ces personnes sur le marché du travail, mais on doit aussi reconnaître qu'il y aura toujours un pourcentage de gens qui ne pourront malheureusement pas le faire et qu'il faudra s'occuper d'eux. Lorsque les statistiques relatives aux sans-emploi baissent, c'est en partie parce qu'elles ne tiennent plus compte de ces personnes-là. Cela crée des écarts sociaux importants. Il ne faut pas oublier que notre rôle est de veiller à la qualité de vie des gens.

Ma deuxième et dernière question porte sur l'impact de l'entente de la main-d'oeuvre entre les provinces. On parle du Cadre de l'union sociale. Le Québec, pour les raisons qu'on connaît, n'a pas signé cette entente. Mais il y a une réalité qui ressort—elle ne vient pas de nous, mais de certains experts et éditorialistes comme Claude Picher—selon laquelle l'entente sur la main-d'oeuvre, notamment avec le Québec, est un désastre en raison des coupures, de la décroissance graduelle de la CFP, etc. Avez-vous fait une analyse de l'impact de l'âge des travailleurs sur les nouvelles politiques et du fait qu'il y a une entente sur la main-d'oeuvre entre le Québec et Ottawa?

M. Serge Bertrand: Je peux répondre à votre deuxième question parce qu'elle touche à nos travaux d'évaluation et à nos mesures en termes d'impact. Lorsque les ententes relatives au marché du travail avaient été signées, on avait précisé qu'on devait évaluer leur mise en oeuvre au cours de la première année et qu'on devait examiner au cours de la troisième année leur impact sur les clients.

Nous procédons actuellement aux évaluations prévues pour la première année dans toutes les provinces. Ces évaluations s'effectuent surtout au niveau de la mise en oeuvre, et nous cherchons entre autres à savoir si certains groupes de clients, comme on le dit, passent entre les mailles et ont été oubliés dans les ententes. Les résultats ne sont pas encore connus, mais soyez assuré que nous avons pris des mesures en vue d'évaluer ces questions.

M. Denis Coderre: D'accord.

M. Jean-Pierre Voyer: Quant à vos premières observations, il y a de nombreux éléments importants qui entrent en jeu, et je crains de ne pas pouvoir apporter un éclairage nouveau. Comment définit-on les baby-boomers? Est-ce que ce sont ceux qui sont âgés de 55 ans et plus? À ce moment-là, on ne parle plus des hippies, mais des beatniks. On remonte un peu plus loin.

• 1625

Pour ce qui est de l'aspect intergénérationnel, on a fait plusieurs études sur le plan du revenu, par exemple, qui démontrent qu'il y a beaucoup plus de problèmes intragénérationnels qu'intergénérationnels. Les iniquités sont plus frappantes à l'intérieur de chaque génération qu'elles ne le sont d'une génération à l'autre. La question des jeunes a peut-être fait exception récemment, surtout durant les années 1990. Donc, je ne sais pas si j'irais dans cette direction.

Par contre, pour ce qui est des populations urbaines par rapport aux populations rurales, on manque beaucoup d'information à cet égard parce qu'on a du mal à aller chercher des statistiques dans les milieux ruraux, les échantillons n'étant pas assez grands, etc. À mon sens, cela peut aller des deux côtés. Est-ce qu'il vaut mieux d'être un low-skill older worker dans une communauté rurale ou dans une communauté urbaine? Ce n'est pas évident. C'est comme être pauvre dans une communauté rurale ou dans une communauté urbaine. Plusieurs gens disent que quand on est pauvre dans une communauté rurale, on vit mieux et on a une meilleure qualité de vie que lorsqu'on est pauvre dans une communauté urbaine. Je ne sais pas de quel côté cela pourrait aller.

M. Denis Coderre: Cela nous aiderait à mieux comprendre, parce que quand on n'a pas cela, les statistiques peuvent être faussées.

M. Jean-Pierre Voyer: Absolument. On n'a pas assez d'observations. Vous avez tout à fait raison.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup. Monsieur Alcock.

M. Reg Alcock: Merci, monsieur le président. Merci. J'ai trouvé les exposés fort intéressants.

J'ai tout d'abord une observation et une question concernant une certaine politique qui m'intéresse.

Dans certains des transparents, vous avez abordé la question de la baisse de l'âge de la retraite. N'est-ce pas là dans une certaine mesure une conséquence du lancement, vers la fin des années 50 et au début des années 60, de toute une série de régimes de retraite dans le secteur public et aussi dans de grandes sociétés? Or, ce n'est qu'aujourd'hui que ces régimes commencent à verser des prestations. Je connais un certain nombre de personnes qui en ont profité. Je connais des enseignants qui ont pu prendre leur retraite à l'âge de 55 ans et qui étaient tout à fait disposés à le faire. En réalité, la publicité de Disney qui nous montre des gens qui disent bonjour à leur enfant et quittent la ville est passablement représentative.

Je me demande donc s'il est vrai de dire que tout est sombre et que les gens sont obligés de quitter leur emploi.

Je pense par ailleurs aux agents de la police militaire et à d'autres qui ont peut-être commencé à travailler très tôt, qui prennent donc leur retraite assez jeunes et qui se lancent dans une nouvelle carrière. D'après les statistiques, il s'agirait de personnes qui ont pris leur retraite en bas âge, mais il se peut qu'ils se soient lancés dans de nouvelles carrières.

D'après votre exposé, donc, je me demande si l'augmentation résulte de la réussite d'un certain nombre de régimes de retraite lancés au début des années 60 ou si elle représente un phénomène qui devrait nous inquiéter davantage.

La question suivante, je suis d'autant plus enclin à la poser que je constate que vous êtes tous trois intéressés par la politique stratégique, la recherche appliquée, le marché du travail et l'élaboration des données. Dans un monde où le milieu de travail est en évolution et où la cadence du changement augmente, on dit souvent que le travailleur aura deux ou trois carrières au cours de sa vie, et qu'il lui faudra quitter la population active pour se recycler et y revenir par la suite. Il s'agit d'un nouveau mode de vie dont on parle beaucoup.

Notre comité a d'ailleurs eu des discussions au sujet de toute cette question de l'apprentissage continu. Le ministère a-t-il donc une position, une politique ou une perspective en matière d'apprentissage continu? Êtes-vous en train de préparer quelque chose? Une proposition est-elle en voie d'élaboration? Le ministère a-t-il poursuivi sa réflexion à ce sujet et au sujet des modalités possibles de mise en oeuvre?

M. Jean-Pierre Voyer: Nous revenons d'une certaine façon à la question de Mme Gagnon. La tendance comporte certainement deux facteurs.

On constate d'une part une augmentation des cas de retraite involontaire attribuables aux conditions du marché du travail; il s'agit de personnes qui quittent parce qu'elles n'ont pas le choix et parce qu'elles n'ont pas les compétences voulues. D'autre part, cependant, on constate que les gens peuvent se le permettre. Pourquoi? Dans une large mesure à cause de ce que vous avez dit justement: les régimes de retraite publics et privés qui ont été créés à l'époque commencent à exercer leurs effets.

• 1630

Nos programmes publics en la matière ont connu tellement d'améliorations qu'il me semble que le Canada a réussi à supprimer la pauvreté parmi les gens du troisième âge. Dans une large mesure, la chose est attribuable aux régimes publics. Cette situation facilite les décisions, puisque ceux qui savent que ces programmes sont établis sont plus rassurés par rapport à leur avenir.

Ainsi, ce que vous dites est passablement vrai. Je ne saurais dire jusqu'à quel point, mais nous en sommes tous conscients.

Pour ce qui est maintenant de la formation et du recyclage, du fait de se lancer dans trois ou quatre carrières, nous continuons d'accorder de l'importance à l'apprentissage continu, mais pas nécessairement dans l'optique qui était assez répandue il y a quelques années et selon laquelle la personne allait avoir cinq ou six carrières au cours de sa vie. Cela s'applique peut-être mieux aux hommes et aux femmes politiques qu'aux fonctionnaires. Beaucoup de gens changent de profession, mais sans nécessairement changer de domaine. Les statistiques ne nous permettent pas de constater que les gens font des changements très radicaux. Il n'arrive pas souvent, par exemple, qu'un avocat devienne programmeur.

Nous sommes d'ardents artisans de l'apprentissage ou du perfectionnement continu. Je demanderai à ma collègue de vous expliquer ce que nous faisons dans ce domaine.

Mme Glynnis French: Comme l'a dit M. Voyer, nous sommes d'ardents partisans du perfectionnement continu. Nous avons étudié minutieusement les principaux moyens permettant de favoriser le perfectionnement continu tout au long d'une vie.

Comme vous le savez, le perfectionnement continu commence vraiment dès la tendre enfance. D'aucuns soutiennent que les schèmes neurologiques assurant le perfectionnement continu se constituent au cours des six premières années de la vie. C'est certainement l'une des questions qui préoccupent le gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral veut favoriser le perfectionnement continu, mais il ne peut intervenir seul dans ce domaine, puisque nombre des moyens d'intervention relèvent des gouvernements provinciaux. Les résultats scolaires obtenus de la maternelle jusqu'à l'âge de 12 ans constituent certainement les meilleurs indicateurs permettant de prévoir le succès futur d'une personne.

Le gouvernement fédéral reconnaît l'importance du perfectionnement continu dans les accords sur le développement du marché du travail, qui mettent l'accent sur la formation et le recyclage. Du point de vue de l'élaboration des politiques, nous nous préoccupons du fait que le Canada se situe juste dans la moyenne par rapport aux autres pays pour ce qui est de la formation qu'accordent les entreprises à leurs nombreux employés. La question est de savoir comment favoriser la formation en milieu de travail. Voilà le type de questions sur lesquelles nous nous penchons.

M. Reg Alcock: M. Voyer a dit que le moment où le ministère a remis l'administration de certains programmes aux provinces constituait un point repère. En ce qui touche les mesures actives s'adressant aux travailleurs âgés, disposez-vous des données voulues pour comparer le succès obtenu depuis la prise en charge de ces programmes par les provinces? Ces données établissent-elles que certaines personnes sont plus aptes à la formation continue que d'autres?

Je crois qu'il était question dans certaines des propositions touchant le perfectionnement continu de permettre aux gens de toucher des prestations d'assurance-emploi pendant qu'ils suivaient des cours de formation. J'aimerais savoir quelle est la position du ministère à ce sujet.

Mme Glynnis French: Je ne veux pas vraiment me prononcer sur une initiative qui serait en voie d'élaboration, mais je peux vous assurer que le gouvernement se penche sur diverses questions de politique, dont celle-là. On étudie certainement la possibilité de favoriser le perfectionnement continu par l'intermédiaire du régime d'assurance-emploi.

Avant que Serge ne vous parle de l'efficacité des différents programmes, j'aimerais vous rappeler que le gouvernement fédéral a beaucoup investi dans le perfectionnement continu par l'entremise de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, en mettant en particulier l'accent sur les études postsecondaires. Au cours des 20 dernières années, le gouvernement a clairement réussi à relever le niveau de scolarité des Canadiens grâce à ce genre d'investissements, qui permettent évidemment de prédire le succès sur le marché du travail.

• 1635

M. Serge Bertrand: Comme je l'ai dit, nous collaborons actuellement avec les provinces pour évaluer l'efficacité des accords sur le développement du marché du travail. Nous commençons actuellement à recueillir des données à cet égard. Je ne peux donc pas vraiment répondre à cette question avant de disposer de toutes les données se rapportant aux provinces. D'ici à la fin de l'année, nous devrions être en mesure de faire rapport sur cette question.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Je vous remercie.

MM. Wilfert et O'Reilly veulent poser des questions. Je vais d'abord donner la parole aux députés d'en face. Les députés de ce côté-ci pourront ensuite poser leurs questions. Il nous reste encore beaucoup de temps.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): Dans le budget de février 1998, le gouvernement a annoncé qu'il serait possible aux gens de puiser dans leurs REER pour poursuivre leurs études. Je ne sais pas si vous êtes la personne à qui il convient de poser cette question, mais j'aimerais savoir si vous pensez que c'est vraiment la meilleure façon d'aider les travailleurs à faible revenu n'ayant pas de formation particulière à se perfectionner.

M. Jean-Pierre Voyer: On pourrait peut-être faire davantage dans ce domaine, et l'on étudie actuellement différentes propositions. Vous demandez si nous devrions prévoir des programmes complémentaires, n'est-ce pas?

M. Maurice Vellacott: Oui. Je demande si la mesure proposée dans le budget découle d'une recommandation du ministère. Le ministère a-t-il demandé...

M. Jean-Pierre Voyer: Nous étudions différentes propositions, mais je crois que Glynnis serait mieux placée pour vous donner plus de précisions à ce sujet.

Mme Glynnis French: Comme vous le mentionnez, le budget de 1998 permettait aux particuliers de puiser dans leurs REER pour financer leur formation. La somme retirée devait être remboursée au REER sur une période de cinq ans. Étant donné que nous intervenons surtout dans le domaine de la politique, nous ne sommes sans doute pas les mieux placés pour dire si ce programme a bien eu les effets escomptés, mais d'autres personnes du ministère pourraient vous fournir des statistiques à cet égard.

Nous nous demandons effectivement s'il s'agit de la meilleure façon de favoriser le perfectionnement continu et nous évaluons l'efficacité de ce programme ainsi que d'autres mécanismes qui sont en place. Il nous faut notamment établir si nous remplaçons un stimulant—qui vise à inciter les gens à faire des économies en vue de leur retraite—par un autre stimulant. Nous n'avons pas encore terminé l'examen de la question et nous ne savons pas encore vraiment si les Canadiens ont tiré parti de cette mesure.

M. Maurice Vellacott: Pourriez-vous avancer un chiffre quant au nombre de personnes à faible revenu n'ayant pas de formation particulière qui se seraient prévalues du programme?

M. Jean-Pierre Voyer: La mesure ne s'adresse évidemment pas aux travailleurs non spécialisés.

M. Maurice Vellacott: Vous parlez de la mesure fiscale touchant les REER?

M. Jean-Pierre Voyer: Oui. Il faut d'abord avoir un REER. Chacun sait que la vaste majorité des personnes à faible revenu n'ont pas de REER. Voilà le problème. Le principe est évidemment bon, et nous cherchons à établir s'il ne conviendrait pas de recourir au régime d'assurance-emploi à cette fin.

M. Maurice Vellacott: Très bien.

M. Jean-Pierre Voyer: Le problème qui se pose à l'heure actuelle, c'est que cette mesure ne s'adresse pas aux travailleurs non spécialisés. Si nous voulons favoriser le perfectionnement continu chez tous les travailleurs, nous devons songer à mettre en oeuvre des programmes complémentaires.

M. Maurice Vellacott: Cette mesure s'adresse donc davantage aux travailleurs spécialisés qui ont des REER.

M. Jean-Pierre Voyer: Vous parlez de la mesure actuelle?

M. Maurice Vellacott: La mesure prévue dans le budget de 1998.

M. Jean-Pierre Voyer: Pas nécessairement. Les avis sont partagés à cet égard. Le ministre des Finances et DRHC n'ont pas encore terminé leur étude de la question... Il est possible que les travailleurs spécialisés n'aient pas recours à cette mesure s'ils ne sont pas convaincus de l'importance du perfectionnement continu. Bon nombre d'entre nous ne songent pas à interrompre leur carrière pendant deux ans pour poursuivre leurs études universitaires. La mesure s'adresse peut-être davantage aux personnes à revenu moyen ou à revenu moyen-inférieur. Les avis sont partagés à cet égard. Il est évident que ceux qui n'ont pas de REER ne peuvent pas se prévaloir de cette mesure, et nous savons que les gens à faible revenu ont rarement des REER.

M. Maurice Vellacott: Je vous remercie.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Je vous remercie.

Madame Ablonczy.

• 1640

Mme Diane Ablonczy: Je vous remercie.

Pour poursuivre dans la même veine, Serge, vous nous avez présenté des données intéressantes sur les mesures actives et le soutien du revenu de transition qui sont offerts dans d'autres pays. Nous avons aussi parlé plus tôt du rythme auquel vieillit notre population. Ma question porte sur le groupe d'étude qu'a mentionné Glynnis. Cette étude permettra-t-elle de comparer le coût des mesures adoptées par d'autres pays au coût des mesures mises en place au Canada?

Mme Glynnis French: Je ne suis pas sûre que le groupe d'étude ait fait cette comparaison, mais elle serait intéressante. Je vais certainement attirer l'attention des membres du groupe d'étude sur la question.

Le fait est que les mesures passives de soutien du revenu sont habituellement très coûteuses. Du point de vue de l'élaboration de la politique, la question est donc de savoir si c'est la façon de venir en aide aux travailleurs âgés ou s'il ne convient pas plutôt de favoriser leur réinsertion dans le marché du travail par d'autres moyens. Il y a donc une question de principe ainsi qu'une question de coût.

Mme Diane Ablonczy: Je le comprends. Il existe aussi des mesures transitoires ainsi que des mesures actives. Il ne faut pas oublier que la population active qui financera ces mesures sera plus jeune et moins importante qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. Les travailleurs seront moins nombreux à financer ces mesures généreuses. Il faut s'assurer que, animés d'un esprit de compassion, nous ne proposons pas des mesures trop coûteuses pour la population active future.

Voici l'autre question que je me pose. Nous avons parlé quelque peu du cas des personnes qui au lieu de chercher un autre emploi décident simplement de prendre leur retraite. On nous a aussi dit qu'il fallait se réjouir du succès que nous remportons dans notre lutte contre la pauvreté chez les Canadiens âgés ainsi que de la générosité du soutien que nous leur accordons. Le fait est que je n'aimerais pas compter pour ma retraite seulement sur le Régime de pensions du Canada, bien que j'y aie cotisé depuis l'âge de 19 ans, ce qui me donne sans doute droit au montant maximal. Je n'ai pas de régime de pension privé et je ne souscris pas au régime de pension des députés.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Dix ans, ce n'est pas si long.

Mme Diane Ablonczy: Je le sais. Ce n'est pas si long. Je vous remercie. Vous êtes merveilleux.

Pas de régime de pension privé. Quiconque a quelques économies n'a pas droit à la sécurité de la vieillesse. C'est le cas d'un certain nombre de Canadiens. On ne peut évidemment pas dire que le supplément de revenu garanti représente une somme mirobolante.

Voici ma question. Si quelqu'un a 55 ans ou plus et ne peut pas trouver un emploi, s'il ne peut pas acquérir les compétences voulues ou se recycler, est-il vraiment réaliste de dire que cette personne peut simplement prendre sa retraite parce que nous disposons d'un régime de prestations sociales généreux? Je ne pense pas que ce soit vraiment le cas. Qu'en pensez-vous?

M. Jean-Pierre Voyer: Permettez-moi de répondre à cette question. J'aimerais faire une observation.

Je reviendrai plus tard à mon observation. J'aimerais simplement souligner que vous devez étudier la question dans le contexte du vieillissement de la population. L'argent dont chacun a besoin au moment de la retraite varie beaucoup, et si c'est un choix entre...

Mme Diane Ablonczy: Il y a cependant des nécessités de base.

M. Jean-Pierre Voyer: Tout à fait. Il s'agit de décider si l'on va être un pauvre qui travaille ou un pauvre qui ne travaille pas.

À mon avis, le fait que nous ayons un filet de sécurité facilite les choses. Tout dépend des choix qui s'offrent à nous. La personne qui gagne un bon salaire et qui a aussi sans doute un bon régime de pension ne choisira pas cette option. C'est cependant peut-être cette option que choisira le travailleur à faible revenu qui n'a pas de formation particulière. Dans bien des cas il sera sans doute préférable que cette personne travaille. Certaines personnes seront peut-être découragées et préféreront se serrer la ceinture.

• 1645

Mme Diane Ablonczy: Cette lutte peut ne pas présenter de véritable avantage économique.

M. Jean-Pierre Voyer: Absolument pas. Mais c'est justement pourquoi je voudrais revenir à votre question.

Nous avons fait quelques recherches sur le vieillissement de la population, et il y a beaucoup de travail qui se fait là-dessus à l'OCDE. Nous-mêmes avons étudié la question à fond et nous sommes demandé quelles pouvaient être les répercussions, particulièrement pour les travailleurs plus âgés. L'une des conclusions auxquelles nous sommes arrivés aisément, c'est que le Canada a encore un certain temps avant d'en arriver là, et qu'il ne fera pas face au problème du vieillissement aussi rapidement que l'Europe, le Japon et d'autres pays de ce genre.

La grande question à l'heure qu'il est, c'est de trouver des façons de maintenir les travailleurs plus longtemps sur le marché du travail. On ne peut évidemment pas forcer qui que ce soit à travailler s'il ne le veut pas et surtout s'il peut se permettre de ne pas travailler.

Il reste encore plusieurs secteurs de la politique et des programmes publics que l'on pourrait manipuler de façon à faire tomber les obstacles. C'est en ce sens que l'on a déjà parlé de temps partiel à la retraite et de temps partiel au travail. Il faudra peut-être se pencher sur la structure des régimes de pension pour permettre à ceux qui le souhaitent de continuer à travailler. Ce n'est pas uniquement une question de principe; c'est également important pour que les finances publiques du Canada puissent être maintenues à flot dans 20 ans. Toutes les études sur le vieillissement convergent vers les mesures qui pourraient inciter la population à rester sur le marché du travail.

Mme Diane Ablonczy: Autrement dit, nous avons besoin de leurs taxes.

M. Jean-Pierre Voyer: Tout à fait.

M. Serge Bertrand: Puis-je ajouter quelque chose? Lorsque nous regardons le problème d'un point de vue économique, nous l'envisageons uniquement sous l'angle de l'offre. On parle donc uniquement des travailleurs. Toutefois, le débat doit également tenir compte de ce que seront les conditions du marché du travail et l'économie canadienne dans 10 ou 15 ans, ce qui est très important. Lorsque l'on se demande comment les autres pays ont réagi à ce problème, nous constatons que c'est, dans une certaine mesure, l'état de leur économie intérieure qui leur a dicté quelles mesures prendre. Ainsi, au Japon, on a agi d'une certaine façon parce que le pays connaissait le plein emploi. En Europe, on a choisi de faire autre chose, car le taux de chômage était plus élevé.

Autrement dit, il ne faut pas oublier d'inscrire dans l'équation la situation économique qui existera dans 10 ou 15 ans.

Mme Diane Ablonczy: C'est une excellente remarque: il ne faut pas envisager tous les facteurs isolément. Merci.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup.

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président. Veuillez excuser mon retard, mais je devais déposer un rapport à la Chambre, et comme rien ne fonctionne jamais comme prévu, il m'a fallu beaucoup plus de temps que je n'en avais prévu.

Désolé d'avoir manqué la plus grande partie de votre exposé, car c'est une question qui m'intéresse grandement.

Quand je lis qu'il n'existe qu'un nombre très limité de programmes conçus expressément à l'intention des travailleurs plus âgés, je ne puis m'empêcher de me demander si le gouvernement utilise les données démographiques à bon escient ou pas. Après tout, il ne faut pas se surprendre que les travailleurs vieillissent! Que vous ayez lu ou non l'ouvrage du professeur Foot sur l'an 2000 intitulé Entre le boom et l'écho, vous devez savoir qu'ils seront en grand nombre.

L'une des difficultés, c'est le nombre de travailleurs non spécialisés ou ceux qui n'ont pas les compétences nécessaires aujourd'hui pour se maintenir sur le marché du travail parce que leur apprentissage s'est fait il y a 30 ou 40 ans... Quand on regarde quels travailleurs ont été mis à pied récemment dans les usines de montage de St. Catharines, là où la General Motors a décidé de fermer ses portes, on constate que ces gens-là font peut- être la même chose depuis 20 ou 30 ans et n'ont pas acquis d'autres compétences depuis.

Soit dit en passant, mes collègues d'en face ont parlé du budget de 1998 et des REER exempts de taxes. Vous avez rétorqué, à juste titre, que bien des gens n'ont pas de REER. Pourquoi ne pas demander au ministère pour quelle raison il n'a pas proposé que l'on utilise le droit à la prestation d'assurance-emploi pour l'appliquer au perfectionnement continu? À mon avis, cela serait très logique, étant donné que, comme vous l'avez signalé vous-même, l'écart ne fait que s'accroître. Comme le REER est une solution qui n'est pas à la portée de tous, je suggérerais que l'on se tourne plutôt vers le droit à la prestation d'assurance-emploi.

Ce qui me préoccupe particulièrement, c'est que notre société n'a pas fait ce qu'il fallait pour se préparer à répondre à certaines des pressions qui vont s'exercer, étant donné que la situation est compliquée par des compressions de personnel, des exigences d'optimisation—ce sont des mots à la mode. Lorsque ces gens sont entrés dans l'entreprise, il y a 30 ans, ils ne s'attendaient pas nécessairement à perdre leur emploi avant d'atteindre l'âge de la retraite. Or, du jour au lendemain, ils sont mis à la porte.

• 1650

Pour bon nombre de ces travailleurs, il ne s'agit pas uniquement de savoir combien d'argent ils auront amassé après toutes ces années de travail, mais c'est aussi parfois une question de dignité et d'estime de soi. Il s'agit ici de gens qui se retrouvent soudainement à 50 ans sans emploi, alors que c'est un âge auquel ils sont très productifs.

Ma propre mère est furieuse d'avoir dû prendre sa retraite il y a maintenant dix ans, même si elle l'a fait volontairement. Si j'osais dire son âge, elle me tuerait. Elle joue encore au tennis, et il y a à peine quatre ans elle me battait encore. Cela vous en dit long sur ma forme physique.

M. John O'Reilly: Elle ne devait pas avoir beaucoup de mal à le faire.

M. Bryon Wilfert: Ces gens veulent continuer à être actifs et productifs et à contribuer à la société. Vous voyez que ce n'est pas pour eux uniquement une question d'argent, même s'il est tout de même important pour ces personnes d'avoir un revenu suffisant qui leur permette de vivre convenablement.

Voyez le rôle que jouent les bénévoles et les organisations bénévoles dans notre société. De plus, l'apprentissage continu coûte cher. Certaines de ces personnes n'ont peut-être pas un revenu suffisant pour pouvoir... et ceux qui ne l'ont pas, ce revenu, viennent me voir à mon bureau. La difficulté, c'est de savoir comment répondre.

J'aimerais donc que vous répondiez à ma question sur les données démographiques et que vous m'expliquiez pourquoi le gouvernement n'avait pas prévu le coup.

En second lieu, j'aimerais savoir pourquoi on n'a pas envisagé d'utiliser le droit à la prestation d'assurance-emploi, ou même pourquoi on n'y songe pas sérieusement.

En troisième lieu, j'ai parlé de dignité et d'estime de soi. Que faites-vous des travailleurs qui n'ont pas les compétences voulues, qui ont à coeur de rester des membres productifs de la société et pour qui ce n'est pas une question d'argent?

M. Jean-Pierre Voyer: Au sujet des données démographiques, sachez que nous avons vu le coup venir. Toutefois, les décideurs ont moins prévu la difficulté que causerait le manque de compétences spécialisées chez un travailleur. Ce n'est que depuis cinq, six ou sept ans que l'on parle de la montée de la technologie et de l'économie fondée sur les connaissances et du fait que l'économie était de plus en plus discriminatoire à l'égard des travailleurs moins qualifiés.

Si vous regardez les simples données démographiques, vous vous rappellerez qu'au début de mon exposé j'ai démontré que les travailleurs plus âgés ne sont pas collectivement moins bien lotis que les autres. Le problème se situe surtout chez les travailleurs plus âgés qui sont peu instruits, particulièrement lorsqu'ils sont mis à pied. Et cela a moins à voir avec la taille de la cohorte ou les données démographiques, mais beaucoup plus avec le nouveau contexte dans lequel ces travailleurs moins qualifiés doivent... or, il y a beaucoup de travailleurs moins qualifiés parmi les travailleurs plus âgés.

M. Bryon Wilfert: Mais si nous avons vraiment prévu le coup, pourquoi existe-t-il si peu de programmes qui puissent permettre de répondre à la situation? Je vous ai bien entendu lorsque vous avez dit que ces travailleurs plus âgés ne sont pas plus mal lotis que les autres. J'aimerais bien savoir quel genre d'analyse vous avez faite qui vous permet d'affirmer qu'ils ne se portent pas plus mal que les autres.

Nous disons que les jeunes travailleurs sont plus défavorisés que les autres. Par ailleurs, le fait est qu'il est plus difficile d'apprendre de nouvelles compétences, que ce soit sur le plan linguistique ou technologique, lorsqu'on vieillit. Il y a six ou sept ans, je ne savais pas me servir d'un ordinateur. Si vous m'aviez montré le manuel d'utilisation, cela m'aurait été totalement inutile. J'ai donc regardé ce que faisaient les autres, et ils m'ont appris à m'en servir. Je suis désormais assez expert.

J'ai encore un peu de mal à accepter ces hypothèses, surtout quand vous dites que nous avons vu les choses venir.

M. Jean-Pierre Voyer: Je regrette. Nous avons suivi l'évolution démographique. Nous n'avons pas compris que, en raison des exigences économiques actuelles, les gens qui ont peu de compétences allaient faire l'objet d'une telle discrimination. J'essaie de redéfinir le problème que vous entrevoyez. Vous considérez qu'il est d'ordre démographique, mais moi je pense que c'est plutôt une question de compétences.

• 1655

Les travailleurs âgés qui ont peu de compétences spécialisées posent des problèmes. Les jeunes peu spécialisés posent également un problème, au même titre que l'ensemble des travailleurs peu spécialisés. Ainsi, lorsqu'on parle du problème des travailleurs âgés à l'heure actuelle, il faut en fait préciser qu'il s'agit des travailleurs âgés peu spécialisés. Dans tous les secteurs, c'est la même chose. Les programmes du gouvernement n'ont pas été élaborés en fonction de ce problème. Vous avez tout à fait raison: c'est le virage technologique que nous n'avons pas vu venir.

M. Bryon Wilfert: Je vous demande de m'excuser si je n'ai pas vu cela dans vos documents. Avez-vous effectivement expliqué ce que vous considérez comme un travailleur peu spécialisé?

M. Jean-Pierre Voyer: Dans la définition que j'ai utilisée, nous parlions en général d'une personne n'ayant pas terminé l'école secondaire, ou qui ne possède pas les capacités de lecture et d'écriture. Vous avez parlé de se familiariser avec l'ordinateur. Certaines personnes ont un niveau d'instruction assez faible, mais ne sont pas pour autant des analphabètes. Ces gens-là peuvent apprendre en copiant les autres ou grâce à la lecture. Ce sont des autodidactes. Ils sont nombreux dans ce cas.

Parmi les travailleurs âgés il existe actuellement un grand nombre de personnes qui savent à peine lire et écrire, chose qui ne causait pas vraiment de problèmes il y a plusieurs années, puisqu'à l'époque il n'était pas nécessaire d'avoir ces compétences pour travailler dans le secteur primaire. Il fallait savoir faire preuve de jugement et être un manuel. Aujourd'hui, grâce à la technologie, même ces secteurs ont perdu de l'importance. Qui plus est, la technologie nécessaire pour travailler dans ces secteurs augmente; il faut de plus en plus de compétences. Dans toutes les professions, les compétences requises ont augmenté au lieu de diminuer.

Je ne sais pas si vous vous rappelez qu'il y a quelques années on a discuté de la question de savoir si la technologie représentait une tendance positive ou négative. Je pense que nous avons résolu le problème. Cela ressort clairement de toutes nos données. La plupart des professions exigent aujourd'hui plus de compétences que par le passé, et nous n'avons pas été préparés pour cela.

Voilà la réponse. J'ai oublié les autres questions. Je sais qu'il y en a eu une au sujet de l'admissibilité à l'assurance- emploi, mais je pense que vous avez parlé de l'économie parallèle.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Nous reviendrons sur ce point plus tard.

Mme Glynnis French: Voulez-vous que je réponde à...

Le président suppléant (M. Andy Scott): Je tiens à m'assurer que M. O'Reilly pourra mettre son grain de sel.

Mme Glynnis French: Pour la question de savoir si on utilise l'admissibilité à l'assurance-emploi pour résoudre le problème, je pense que cela ne fait aucun doute, car il y a eu un investissement énorme dans les mesures de formation actives. Lorsque le programme sera pleinement en vigueur, nous aurons investi 2,2 milliards de dollars dans les mesures actives liées au volet formation sur le marché du travail de l'assurance-emploi. L'admissibilité à l'assurance-emploi et le recyclage sont donc étroitement liés. C'était voulu et c'était un choix politique.

Je ne sais pas si vous vouliez parler de la question de savoir si certains travailleurs quittent la population active au milieu de leur carrière pour participer à des programmes de recyclage dans le cadre de l'assurance-emploi. On envisage toutes sortes d'options politiques. Celle-là n'a peut-être pas nécessairement été mise au rancart, mais ce genre de mesure coûte évidemment extrêmement cher, et il faudra l'évaluer par rapport à d'autres options.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci.

Pour répondre à l'argument selon lequel il est tout particulièrement difficile d'évaluer la situation, certaines personnes nous ont demandé comment définir un emploi ou un travailleur peu «spécialisé». Certains utilisent comme mesure le niveau d'instruction, mais d'autres définissent «compétence» selon qu'ils peuvent ou non battre leur mère.

Allez-y.

M. Serge Bertrand: J'aimerais répondre à votre remarque selon laquelle il existe un nombre restreint de programmes à l'intention des travailleurs âgés. J'ai fait cette observation, et j'aimerais la replacer dans son juste contexte.

Nous avons examiné les mesures prises par les pays de l'OCDE par rapport à celles que nous prenons à l'égard des travailleurs âgés. Nous avons constaté que les pays de l'OCDE, pas seulement le Canada, mais tous les autres aussi, n'utilisent généralement pas les mesures actives pour résoudre ce problème, surtout en Europe. Cette région du monde a connu le problème d'une population vieillissante avant nous. Les pays en cause ont généralement essayé d'y remédier en adoptant une politique axée sur des mesures plus passives, comme le soutien du revenu.

Par le passé, les pays n'ont pas adopté de mesures actives pour résoudre ce problème. C'est ce que j'ai essayé de dire. Ce n'est pas que nous n'avons pas vu venir le problème, mais nous avons essayé de voir comment d'autres pays ont réagi à ce problème.

• 1700

M. Bryon Wilfert: Grâce à des mesures passives plutôt qu'actives.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie les témoins de leur analyse très exhaustive et très réfléchie.

Vous avez déjà répondu, soit dit en passant, à la plupart de mes questions, mais il en est une à laquelle il n'y a pas encore eu de réponse. Dans vos statistiques, tenez-vous compte de la tendance qu'ont les entreprises de mettre les employés à la retraite pour les réengager ensuite en vertu de contrats précis? Cela se produit dans des services comme la Police provinciale de l'Ontario, où la personne est mise à la retraite après 25 ou 30 ans de service, mais retrouve presque immédiatement l'uniforme pour assumer des fonctions précises dans le cadre d'un contrat personnel. L'emploi ne s'accompagne pas d'avantages sociaux. C'est la même chose dans l'armée, et pour bon nombre de chauffeurs, ou dans les magasins de détail: lorsqu'une personne part à la retraite, elle touche sa pension, et elle offre ensuite ses services à un ou deux magasins de détail différents pour y travailler à contrat.

Est-ce qu'on tient compte de ce genre de choses dans l'analyse statistique, et, dans la négative, pourquoi? Dans l'affirmative, cela n'expliquerait-il pas en partie le fait que la période qui s'écoule entre le départ à la retraite et le décès est plus longue aujourd'hui que par le passé? Bien des gens dans ce groupe d'âges continuent en fait de travailler. Ils touchent simplement un double salaire, ou occupent un ou deux autres emplois tout en touchant une pleine pension, et je suppose qu'ils constituent une société pour régler leur problème fiscal, et autres choses du même genre. Je voudrais savoir si l'on en tient compte dans les statistiques. Je n'ai rien vu à ce sujet dans le mémoire.

M. Jean-Pierre Voyer: Vous avez tout à fait raison de dire qu'un grand nombre de personnes parties à la retraite sont réengagées à contrat. Il y a deux comportements possibles, et vous les avez décrits. Il arrive que les entreprises licencient leurs travailleurs et les réengagent, ou les laissent partir et les reprennent à leur service par des moyens différents—il y a toutes sortes de façons de faire—mais il arrive aussi que des gens prennent leur retraite de chez un employeur et vont offrir leurs services à un autre en tant que travailleurs indépendants.

Ces cas-là sont donc reflétés dans les statistiques concernant les travailleurs indépendants dont j'ai parlé. Je ne peux pas vous citer de chiffres, mais je sais qu'une bonne partie de l'augmentation du nombre de travailleurs indépendants que l'on constate est due au phénomène que vous venez de décrire, du moins en partie—là encore, c'est 30 p. 100, 50 p. 100, 20 p. 100, je ne saurais le dire.

Quant à la dernière partie de votre observation, cela n'aura aucune incidence, toutefois, sur la période qui s'écoule entre le départ à la retraite et... Si ces personnes sont des travailleurs autonomes, si elles travaillent à leur propre compte ou pour une autre entreprise, elles continueront d'être considérées comme des personnes employées. Même si elles ont quitté leur entreprise, ces personnes font partie de la population active; elles continueront de figurer dans les statistiques positives, si vous voulez. Elles continueront d'être considérées comme des membres de la population active. Ce sont des personnes employées. Elles ne sont pas considérées comme étant au chômage—à moins de travailler au noir, mais c'est une autre histoire. On ne peut donc pas dire que ce phénomène explique l'accroissement de la période passée à la retraite.

Lorsqu'on parle de retraite, on parle d'inactivité. Je me reprends: on parle de non-participation à l'économie officielle. On peut faire du tennis, on peut travailler comme bénévole; ce sont toutes des activités légitimes, qui ne sont cependant pas rémunérées.

M. John O'Reilly: Très bien. Je ne savais tout simplement pas de quelle façon on en tenait compte dans les statistiques. S'ils ne paient pas d'impôt sur le revenu ou de cotisations d'assurance-emploi et s'ils produisent tout simplement une déclaration de revenus à la fin de l'année pour indiquer qu'ils ont d'autres revenus, sur lesquels ils doivent payer de l'impôt, et qu'ils reçoivent une pension, de quelle façon est-ce que vous en tenez compte? Voilà essentiellement la question que je voulais poser. Je ne sais pas comment vous les prenez en compte.

M. Jean-Pierre Voyer: Ils sont considérés comme des travailleurs actifs rémunérés. Ils sont considérés comme faisant partie de la population active. Ils sont considérés comme des personnes ayant un emploi; dans ce cas-ci ils sont travailleurs autonomes, mais ils ont un emploi.

M. John O'Reilly: Merci, monsieur le président.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Nous savons, monsieur O'Reilly, que ce que vous tentez de faire, c'est de rassurer tout le monde au pays en disant qu'en fait M. Gretzsky n'est pas à la retraite.

Madame Ablonczy.

Mme Diane Ablonczy: Je n'ai qu'une toute petite question.

Il y a environ un an, DRHC a publié un rapport dans lequel on examinait les préjugés possibles contre les travailleurs âgés dans les centres d'emploi à l'époque... ils portent un nom différent maintenant. Je me demande si vous pourriez nous en parler un peu. Je sais que vous avez mentionné la question de la discrimination contre les travailleurs âgés, et je ne voudrais pas donner l'impression d'avoir un sentiment d'hostilité à l'égard du ministère, mais je veux tout simplement savoir si vous avez quelque chose à dire à ce sujet et si quelque chose a été fait pour remédier au problème. Si vous pouvez régler ce problème à l'interne, alors peut-être que nous pouvons transposer ces solutions dans le secteur privé. Voilà ce à quoi je songeais.

• 1705

Mme Glynnis French: Je ne suis pas au courant du rapport dont vous parlez, de sorte que je me sens quelque peu désavantagée.

Mme Diane Ablonczy: Je n'en ai pas le titre, je suis désolée.

Mme Glynnis French: Je pense qu'il faudrait que je prenne connaissance du rapport avant d'y répondre.

Cependant, il n'y a rien d'inhérent dans l'exécution du programme comme tel qui puisse entraîner un comportement discriminatoire à l'égard des travailleurs âgés. En fait, je dirais que le fait que l'on mette actuellement l'accent sur une plus large gamme de mesures pour réintégrer les travailleurs dans la population active devrait permettre un meilleur traitement et un traitement plus ciblé de tous les groupes, notamment de ceux qui se retrouvent dans la catégorie des personnes plus âgées.

Mme Diane Ablonczy: Oui, c'est tout simplement quelque chose dont je me souviens vaguement, de sorte que si davantage de détails me viennent à l'esprit, je peux toujours revenir sur la question et voir si vous avez des commentaires à faire à ce sujet.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci. J'aimerais demander aux membres du comité de faire preuve d'indulgence et de me laisser poser quelques questions, si vous n'y voyez pas d'inconvénients. Il y en a quelques-unes qui sont tout simplement à titre d'information.

Tout d'abord, on a fait allusion au fait que les ententes sur le développement du marché du travail ne fonctionnent peut-être pas très bien en ce qui concerne les travailleurs âgés. Je serais curieux de connaître la nature des évaluations qui ont démontré cela, et j'imagine que le comité aimerait bien le savoir. J'aimerais savoir comment le PATA était financé, par le Trésor ou l'assurance-emploi—je présume le Trésor. Je vois que vous faites un signe de tête affirmatif; alors je suppose que j'ai déjà ma réponse.

Pour ce qui est de l'utilisation de l'assurance-emploi—c'est au sujet du perfectionnement continu—comme moyen d'offrir à quelqu'un qui se perfectionne continuellement la possibilité de toucher des prestations, que cette personne ait quitté le marché du travail pour faire cela ou pour le faire de toute façon, ce qui constitue des mesures actives... Le fait est que comme nous avons déterminé qu'il s'agissait tout autant d'un manque de compétences que d'un problème relié aux travailleurs âgés—et je pense que c'est quelque chose qu'on a répété—la solution consiste donc à améliorer les compétences; en fait, le cours naturel des choses, du moins dans certains cas, est plutôt l'inverse. Quelqu'un a souligné qu'en fait il était difficile dans certains cas de tout simplement maintenir les niveaux de compétence.

Nous avons donc déterminé que le manque de compétences était à la source du problème que l'on retrouve dans ce groupe d'âge, et le problème est en réalité lié à une question de compétences plus qu'à quoi que ce soit d'autre. En fait, à mesure que les gens vieillissent, leurs compétences diminuent plutôt que d'augmenter, ce qui est une révélation pour certains, certainement pour moi. On a alors l'obligation, je pense, d'essayer de trouver des solutions au problème.

Je voudrais également ajouter—et corrigez-moi si je me trompe—qu'il est possible d'être admissible au programme d'assurance-emploi et au RPC après avoir perdu son emploi. Par conséquent, ne pourrait-on pas déterminer les coûts nécessaires afin de permettre à une personne de quitter son emploi avant d'être obligée de le faire, et ce qu'il en coûterait si cette personne était obligée de quitter son emploi en raison d'un manque de compétences? En d'autres termes, lorsqu'ils quittent le marché du travail, dans bien des cas, ils retirent des prestations d'assurance-emploi ou des prestations de retraite, habituellement des prestations d'invalidité, pour la période dont nous parlons. Par conséquent, si on investissait plus tôt au cours du processus afin de leur permettre de garder leurs compétences à jour, ces personnes ne quitteraient pas la population active. Vous avez dit que c'était souvent une question de compétences, de sorte que nous pouvons payer soit avant, à titre préventif, soit après. A-t-on fait une analyse de ces coûts?

Je serais curieux de connaître l'inventaire des programmes pour chaque province. Vous avez mentionné le programme Compagnie de travailleurs au Nouveau-Brunswick; je connais ce programme. Vous avez également mentionné qu'ils semblent être en train de négocier un programme semblable au Cap-Breton; tout au moins, la façon dont on décrit le programme me semblait familière.

C'est tout.

• 1710

Mme Glynnis French: En ce qui concerne l'admissibilité à l'assurance-emploi, vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que le programme d'assurance-emploi est conçu pour les gens qui perdent leurs emplois et que ce sont des derniers qui y ont droit, sauf dans un cas qui est clairement exceptionnel, c'est-à-dire celui des apprentis qui en fait n'ont pas perdu leurs emplois mais qui ont droit à des prestations d'assurance-emploi pendant leur période de formation. C'est un élément qui a été incorporé au programme, tandis que d'autres types de formation dans le cadre de l'emploi n'ont pas été inclus.

Le coût dépendrait en fait de la participation. Je sais qu'il y a environ 1,4 million de gens qui font appel à l'assurance-emploi au cours d'une année. Si la participation est, disons, de 100 0000 par an, on arrive rapidement à un coût qui se situe entre 1 et 2 milliards de dollars. C'est un calcul très approximatif. Mais il y a bon nombre d'autres façons, selon la façon dont le programme est conçu, de le rendre plus ou moins intéressant pour les gens. Nous n'avons pas fait cette analyse de coût détaillé. On ne nous a pas demandé de prendre cette initiative stratégique. Cette question, comme toutes les autres questions liées à l'assurance-emploi, est constamment examinée.

M. Serge Bertrand: Je peux peut-être répondre à votre première question au sujet des ententes de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Ce que l'on a mentionné au sujet de ces ententes, c'est qu'il y avait un article dans le journal, dans la presse en particulier, qui disait que la mise en oeuvre de ces ententes posait certains problèmes au Québec. Nous n'avons pas encore reçu cette évaluation. Je ne me rappelle pas que dans ce journal on ait fait allusion particulièrement aux problèmes des travailleurs âgés.

Pour ce qui est des autres provinces, comme je l'ai dit, nous sommes en train d'évaluer la mise en oeuvre de ces ententes dans chaque province, et l'une des questions sur lesquelles nous nous penchons est de déterminer s'il y a des groupes de clients qui ne sont pas bien servis. Nous aurons donc des rapports à ce sujet au fur et à mesure que les évaluations seront faites, c'est-à-dire au cours des prochains mois.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Je crois qu'il serait utile pour le comité, étant donné la nature de cette étude, d'avoir un inventaire de la nature des programmes pour chaque province, car ils sont différents. Je connais exclusivement le programme Compagnie de travailleurs du Nouveau-Brunswick, mais je n'en connais aucun autre. D'autres personnes, lorsque je suis arrivé ici, parlaient du PATA et d'autres programmes que je ne connaissais pas. Par conséquent, je suppose que c'est l'inverse pour d'autres personnes. Je pense donc qu'il serait utile d'avoir ces renseignements de façon à connaître toutes les possibilités.

Mme Glynnis French: Monsieur le président, je pense que nous pourrions vous fournir cet inventaire plus tard. Nous ne l'avons pas pour le moment.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Nous comprenons.

Mme Glynnis French: Nous pourrions inscrire cela à notre ordre du jour, pour plus tard.

Si vous me permettez une intervention personnelle, il faut que je vous dise que je vais quitter le comité d'ici cinq minutes, parce que je dois être quelque part avec le ministre, dans 15 minutes, si ça ne vous ennuie pas.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Je crois que nous avons essayé de respecter votre désir de nous renseigner le mieux possible.

M. Wilfert a demandé la parole.

M. Bryon Wilfert: Très rapidement, au sujet des droits, cela me rappelle la publicité: «vous pouvez me payer maintenant ou vous pouvez me payer plus tard». Vous ne vous en souvenez peut-être pas, on parlait des travailleurs âgés.

Nous avons ce compte de l'assurance-emploi, c'est à cela que je voulais en venir. Pourquoi ne pas mettre cet argent dans le paiement des coûts sociaux, pour ces personnes qui perdent leur emploi et qui doivent ensuite faire tout cela? C'est bien plus coûteux pour la société canadienne que si on revient en arrière ou si on leur permet de choisir le moment de leur départ. C'est certainement pour cela qu'une partie de l'argent est là. Si nous n'en avons pas évalué les coûts, nous devrions le faire. Il faudrait que le ministère s'y mette. Autrement, ce sera comme dans cette publicité et il nous en coûtera bien plus cher, plus tard.

M. Jean-Pierre Voyer: Si vous le permettez, monsieur le président, je pense que cette idée commence...

Le président suppléant (M. Andy Scott): Oui.

M. Jean-Pierre Voyer: ... à gagner du terrain. Il faut être prudent, car la logique est irréprochable: il vaut mieux prévenir que guérir, pour tout le monde. Nous savons que quelqu'un est devenu chômeur mais nous ne pouvons pas savoir que quelqu'un le deviendra. On peut associer un risque de chômage à quelqu'un, en fonction de ses compétences, par exemple, mais on peut se tromper complètement. Les attitudes ont certainement un rôle à jouer et, qui sait? Si le nombre de participants est trop élevé, on risque de trouver des gens qui n'auraient jamais perdu leur emploi.

• 1715

L'évaluation des coûts risque de révéler quelque chose que vous n'aimerez pas. Mais vous avez raison, il faudrait la faire.

M. Bryon Wilfert: Il faut le savoir afin de...

M. Jean-Pierre Voyer: Exactement. Mais on ne peut pas dire assurément que cela coûterait moins cher. J'en douterais. Je pense que ce serait beaucoup plus cher.

Par ailleurs, le régime de l'assurance-emploi n'a pas été créé dans ce but. Il peut évoluer, mais ce n'était certainement pas l'objectif au départ. C'est toutefois le genre de concept qu'on envisage, comme le disait Glynnis.

Le président suppléant (M. Andy Scott): En tant que Canadien, je suis étonné de tout ce qu'on fait faire à l'assurance-chômage, qui n'était pas prévu au départ.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Ma question aux témoins qui nous restent porte sur l'immobilité. Est-ce que le fait de ne pas vouloir ou de ne pas pouvoir déménager contribue beaucoup au chômage à long terme chez les travailleurs âgés? On s'installe en un endroit, on s'y enracine, on y a ses petits enfants, etc. Est-ce un gros problème?

M. Jean-Pierre Voyer: Oui. J'ai dit que c'était l'un des principaux obstacles. Dans un pays aussi grand que le Canada, c'est un problème particulièrement grave. En comparaison des Européens, notre mobilité est supérieure, mais il reste que le déménagement est financièrement impossible à envisager pour beaucoup de gens, et c'est un obstacle important.

M. Maurice Vellacott: Peut-on faire quelque chose pour y remédier?

M. Jean-Pierre Voyer: C'est toujours le même dilemme: amener des emplois aux travailleurs ou des travailleurs aux emplois. Dans l'histoire du pays, à certaines périodes, nous avons favorisé très nettement l'expansion économique. Nous y avons consacré tout notre argent, ce qui a eu des résultats néfastes pour certaines régions. On passe ensuite à l'offre, pour les personnes, et encore une fois, cette réponse n'est peut-être pas satisfaisante, à cause du problème de la mobilité. Il y a des gens qui ne peuvent tout simplement pas déménagé.

M. Maurice Vellacott: Mais je présume que c'est une question plus importante pour les personnes âgées.

M. Jean-Pierre Voyer: Certainement. Mon tableau montre bien que la mobilité baisse à mesure que l'âge augmente, pour les raisons que l'on connaît bien: la famille, la maison qui est payée, l'intégration à la communauté, etc.

M. Maurice Vellacott: Merci.

Le président suppléant (M. Andy Scott): Merci beaucoup.

Je crois que nous n'avons pas d'autres questions pour l'instant. Je présume qu'il nous en viendra d'autres, plus tard.

Même si elle est partie, je tiens à remercier Mme French et les deux autres témoins qui ont pu rester, pour cette séance où nous avons beaucoup appris. C'est une question très importante pour tout le pays et qui sera à l'ordre du jour du comité dans les semaines à venir.

Merci à tous.

La séance est levée.