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HRPD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 avril 1999

• 1543

[Traduction]

La présidente (Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)): La séance est ouverte. Comme vous l'avez entendu, nous sommes appelés à la Chambre des communes. Vous pourriez donc faire un bref exposé, et nous reviendrons pour les questions après le vote.

Tout le monde est-il d'accord?

On nous a dit que les chiffres ne mentent jamais, alors nous les attendons impatiemment. Merci. Allez-y.

M. Mike Sheridan (directeur général, Enquêtes auprès des ménages et sur le travail, Statistique Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. Nous pouvons être très brefs. Pouvez-vous nous donner une indication de votre horaire? Combien de temps voudriez-vous que nous consacrions à cela?

La présidente: Quinze minutes.

M. Mike Sheridan: Je pense que nous pourrons résumer le tout dans ce laps de temps.

Ma collègue Deborah Sunter, qui est coauteure de ce rapport intitulé «Le point sur la population active: Travailleurs âgés», va faire l'exposé. Nous allons donc entrer directement dans le vif du sujet: parler des travailleurs de 50 à 64 ans et donner un aperçu des grandes tendances les concernant, le genre de problèmes qu'ils rencontrent, que ce soit la perte d'un emploi ou le risque de perdre leur emploi, comment ils sont, qui ils sont et, évidemment, quel genre de transition ils peuvent envisager d'ici à la retraite.

• 1545

Je demanderais à ma collègue qui est chargée des enquêtes mensuelles sur la population active canadienne de nous piloter tout de suite dans cette présentation de diapositives, dont nous avons apporté des copies et que vous devez avoir sous les yeux.

La présidente: Merci.

Mme Deborah Sunter (gestionnaire, Enquêtes sur la population active, Statistique Canada): Merci, madame la présidente. Merci, Mike.

J'espère que tout le monde a reçu ces copies. Nous n'avons pas les diapositives elles-mêmes; nous avons simplement ces tableaux que nous vous avons remis et je vais vous les expliquer au fur et à mesure. Ce sera évidemment très rapide. Derrière tous ces chiffres, il faut voir beaucoup de variations dans les détails et je ne vous présenterai que les grandes tendances.

A la deuxième page, vous verrez quelque chose d'assez connu, une diapositive qui montre l'incidence du vieillissement des baby-boomers par rapport à la population en âge de travailler. À l'heure actuelle, les travailleurs de 55 à 64 ans représentent 13 p. 100 de la population en âge de travailler. Dans les 15 prochaines années, cela va passer à environ 20 p. 100 ce qui est un chiffre très important.

Pour le moment, il y a environ 2,5 millions de personnes de 55 à 64 ans, et 1,4 million d'entre elles sont dans la population active. Étant donné les tendances démographiques, on pourrait considérer que ce sera une population active très importante.

Si nous passons toutefois à la diapositive suivante, nous constatons une autre tendance que nous connaissons bien et qui peut contrebalancer la première, à savoir l'abaissement de l'âge de la retraite. C'est à très long terme. Nous savons que cela était très influencé par l'existence des pensions de retraite publiques et privées. Comme vous le voyez, la pente était même plus forte dans les années 80 qu'elle ne l'a été dans les années 90, ce qui peut surprendre certains qui auraient pensé que la situation du marché du travail dans les années 90 aurait poussé de plus en plus de monde à prendre une retraite anticipée.

Il semble que cela se soit en effet produit, mais cela n'a pas abaissé tellement l'âge de la retraite, même si la tendance continue d'être à la baisse. L'âge—en moyenne, environ 62 ans pour les hommes et 61 ans pour les femmes—cache de grandes variations.

Dans la diapositive suivante, nous passons au taux d'emploi. On y voit le taux d'emploi pour les hommes à gauche et pour les femmes à droite. Comme pour beaucoup d'autres tendances du marché du travail pour les travailleurs âgés, il y a une grande différence entre les sexes. Par rapport aux groupes d'âge plus jeunes pour les hommes, nous voyons une chute très soudaine du taux d'emploi pour les travailleurs âgés, ce qui reflète en bonne partie de fait que les retraites anticipées n'étaient probablement pas très courantes avant le début des années 90. Vous voyez une accélération due à la situation du marché du travail durant la récession. La situation s'est améliorée en 1996-1997. Toutefois, le taux d'emploi a cessé de croître en 1998, ce qui peut nous faire penser que la retraite anticipée n'est pas forcément devenue une chose du passé et que les travailleurs continuent à partir à la retraite plus tôt malgré une sensible amélioration du marché du travail récemment.

À la page 5, nous présentons un très bref profile des caractéristiques des travailleurs âgés. La plus frappante est que leur niveau de scolarité tend à être plus bas que celui des travailleurs plus jeunes. Il est important de noter que les cohortes qui arrivent après sont beaucoup plus homogènes quant au niveau d'études—et je parle bien du niveau et non pas du contenu.

La page 6 présente l'incidence du travail indépendant, qui est la proportion des travailleurs de ce groupe d'âge particulier qui travaillent à leur compte. On sait que le travail indépendant est un moteur de croissance dans les années 90, qu'il représente environ 60 p. 100 de l'augmentation nette des emplois depuis 1989 et que les travailleurs âgés sont un facteur important de cette croissance. Le taux de travailleurs indépendants augmente avec l'âge. Quatre travailleurs âgés sur dix sont à leur compte et, chez les femmes, le chiffre est de une sur quatre. Il faut remarquer que les taux semblent très très élevés, et une des raisons en est que les employés tendent à quitter le marché du travail plus jeunes. Ils ont des régimes de pension, etc., et, pour certains, c'est par choix qu'ils partent à la retraite, alors que les travailleurs indépendants restent plus longtemps sur le marché du travail.

• 1550

A la page 7, nous voyons le même genre de chose pour le travail à temps partiel, la proportion de travailleurs qui ont des emplois à temps partiel. C'est quelque chose de très intéressant pour un certain nombre de gens qui considèrent que le travail à temps partiel peut être une phase de transition, permettant une transition plus douce entre le travail à plein temps et la retraite, et qui considèrent aussi que c'est un avantage non seulement pour le travailleur mais également pour l'employeur et la société en général.

Certes, la proportion de personnes occupant des emplois à temps partiel augmente très sensiblement avec l'âge. Cela indique qu'il y a peut-être un phénomène qui se profile et qui représenterait une transition entre le travail à plein temps et la retraite en passant par un travail à temps partiel. Toutefois, si nous considérons cela par rapport au reste de la population, les chiffres restent très faibles. C'est simplement que ceux qui travaillent à plein temps ont quitté le marché du travail et que ceux qui travaillent à temps partiel tendent à y demeurer un peu plus longtemps.

Je sais que vous avez vu la diapositive qui se trouve à la page 8 dans l'exposé de DRHC. Il s'agit des revenus. Je vais passer très rapidement. Le principal message est que les hommes adultes, pour ce qui est de leur revenu dans le marché du travail, avaient beaucoup à rattraper, mais ils sont finalement parvenus à rattraper les plus jeunes. Les femmes âgées, celles qui ont de 55 à 64 ans, n'ont que très récemment amélioré leur situation sur le marché du travail, ce qui reflète probablement des études prolongées et une présence plus longue sur le marché du travail.

A la page 9, nous parlons plus des risques de perte d'emploi. Une grande préoccupation pour beaucoup des observateurs du marché du travail est que les années 90 n'ont pas été du tout propices aux travailleurs âgés. Nous recherchons ces tendances dans les données. Nous avons ici un tableau qui montre simplement les variations de l'emploi entre deux périodes différentes. Les barres bleues indiquent les années de récession, de 1989 à 1993, et les barres jaunes les années d'après. Certes, la situation des jeunes est très évidente. Ils ont perdu plus d'emplois que quiconque dans ces deux périodes. Mais les hommes de 55 et plus ont également perdu énormément d'emplois durant la récession. Toutefois, ils ont rattrapé le terrain perdu depuis lors, ce que l'on ne sait peut-être pas très bien. Les femmes âgées, celles qui ont 55 ans et plus, n'ont en fait jamais perdu d'emplois en chiffres nets.

En réalité, derrière ces chiffres, pour ce qui est de l'industrie, il est également intéressant de remarquer qu'en pourcentages nets—pas en pertes d'emploi individuelles mais en pourcentages nets—le gros de pertes d'emploi dans les années 90 touche en fait les travailleurs âgés de la fonction publique. Il y a des pertes dans le secteur secondaire, mais celles-ci ont été compensées—pas forcément par les mêmes travailleurs plus âgés, mais elles ont été compensées. Il y a eu de fortes pertes dans le secteur de la construction et la plupart ont été compensées, et elles représentaient un pourcentage plus faible. Donc, en termes absolus, la fonction publique est le secteur où il y a eu le plus de réduction d'emplois parmi les travailleurs âgés.

On pourrait penser que si les choses ne vont pas bien dans les années 90, le taux de chômage chez les travailleurs plus âgés serait plus fort que parmi les groupes plus jeunes. Or, si l'on regarde le tableau 10, cela ne semble pas vraiment le cas. Nous avons les hommes à gauche, et bien que les lignes soient un peu plus proches qu'elles ne l'étaient à certains moments dans les années 80, il n'y a pas vraiment d'escalade dans le taux de chômage par rapport aux adultes plus jeunes. Pour les femmes âgées, celles qui ont de 55 à 64 ans, il y a une convergence avec les femmes plus jeunes, ce qui n'est pas forcément ce que l'on croyait. Elles n'ont pas connu de perte d'emplois nette. Cela représente probablement davantage le fait qu'elles n'ont pas tendance à quitter le marché du travail; elles sont beaucoup plus attachées au marché du travail. En fait, leur comportement ressemble maintenant plus à celui des hommes âgés.

À la page 11, encore, quand on recherche des signes que c'est un marché beaucoup plus précaire pour les travailleurs âgés, nous en trouvons peut-être certains. Ce n'est toutefois pas énorme. Dans l'ensemble, quand on considère le risque de perte d'emplois en général, contrairement à la perception populaire, nous n'avons pas en fait eu, à part une évolution cyclique, une longue tendance à la hausse dans le risque de perte d'emplois pour aucun groupe, sinon pour le groupe des travailleurs âgés. Même si ce n'est pas énorme, si cela monte d'environ 7 p. 100, c'est un groupe qui autrefois ne connaissait pas de perte d'emplois. C'est donc cette différence qui a probablement renforcé la perception d'insécurité.

• 1555

Ce n'est donc pas tellement la probabilité de perdre un emploi mais, quand on en a perdu un, c'est plus difficile pour une personne âgée, comme nous le savons, de réintégrer le marché du travail et les chiffres à ce sujet sont très éloquents.

A la page 12, le pourcentage de travailleurs encore sans emploi 12 mois après la mise à pied est très élevé, plus de 60 p. 100 parmi les travailleurs âgés, et beaucoup plus faible pour les groupes d'âge plus jeunes. Ils tendent après à quitter le marché du travail. La tendance est à de longues périodes de chômage et, finalement, ils quittent le marché du travail et sont considérés comme étant «à la retraite». Les gens qui sont dans ce groupe, et en particulier ceux qui ont un niveau d'études plus faible, se trouvent dans les provinces de l'Atlantique et au Québec.

Là encore, quand on recherche des preuves que cela pousse à la retraite et que la retraite est en fait un chômage déguisé, nous examinons certaines des raisons des départs à la retraite et comparons les années 80 aux années 90. On s'attendrait, s'il s'agissait de chômage déguisé, à voir beaucoup plus de gens dire qu'ils ont pris leur retraite parce qu'ils étaient au chômage dans les années 90. On en voit certains signes à la page 13 «Motifs pour prendre sa retraite». Il y a eu une faible augmentation du nombre de ceux qui ont dit qu'ils avaient pris leur retraite parce qu'ils avaient perdu leur emploi. Il y a certainement eu une augmentation du nombre de ceux qui ont bénéficié d'un programme de retraite hâtive. C'est devenu plus fréquent dans les années 90, mais le choix personnel et la santé restent les motifs principaux de départ à la retraite. Les programmes de retraite hâtive peuvent ou non être perçus comme quelque chose de positif ou de négatif pour les travailleurs.

À la page 14, nous considérons, de façon très générale, bien sûr, le fait qu'une fois à la retraite, une pension fait toute la différence dans la situation financière et dans la perception que l'on a de la retraite. Dans ce graphique, nous ne considérons pas un groupe d'âge en particulier; il s'agit simplement de montrer les tendances générales dans la proportion des travailleurs bénéficiant d'un régime de pension pour tous les groupes d'âge travaillant à l'heure actuelle. Nous constatons une tendance générale à la baisse pour les hommes et une légère augmentation pour les femmes jusqu'aux deux dernières années, où il semble que cela se soit un peu stabilisé. Cela signifie qu'à peine 50 p. 100 des travailleurs sont aujourd'hui couverts par un régime de pension, ce qui n'est peut-être pas aussi bien que nous le voudrions.

A la page 15, nous voyons s'il y a une tendance parmi les groupes d'âge. Les choses vont-elles s'améliorer ou empirer pour ce qui est des régimes de pension? Il est évident que pour ce qui est des travailleurs âgés d'aujourd'hui, les hommes ont beaucoup plus de chance que les femmes d'avoir un régime de pension: plus de 60 p. 100—alors que chez les femmes, c'est une minorité. La situation s'améliorera avec les prochains groupes d'âge qui rejoindront le groupe des travailleurs âgés, à la fois pour les femmes et pour les hommes. Ensuite, pour les hommes, la situation se détériorera, sauf si le marché du travail change au cours des 15 ou 20 prochaines années pour les hommes les plus jeunes.

Le tableau 16 ne surprendra personne. Ce que nous avons ici, c'est le nombre de travailleurs qui ont un régime de pension. Évidemment, plus les revenus sont importants, plus il est probable que vous ayez un régime de pension.

Cela m'amène à mes dernières diapositives. Je voulais simplement vous dire quelques mots sur le retour à la population active. Il y a beaucoup de mouvements. La retraite est un concept très flou. Qu'est que cela signifie? Les seules données que nous ayons indiquent qu'environ 13 p. 100 des travailleurs retournent sur le marché du travail après avoir pris leur retraite. C'est la même chose dans les années 90 que dans les années 80. On aurait pu s'attendre à une augmentation, mais ce n'est pas le cas.

La présidente: Excusez-moi, madame. Malheureusement, nous devons tout de suite aller voter. Alors attendez-nous quelques minutes et nous reprendrons à notre retour.

Veuillez nous excuser d'être si impolis. Merci.

Mme Deborah Sunter: Je vous en prie.

La présidente: La séance est suspendue.

• 1559




• 1638

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

...des détails mais avec les préoccupations que nous avons dans les années 90 pour les travailleurs plus âgés et certaines des conceptions fausses que nous avons peut-être, quand on considère les risques de perte d'emploi, on voit qu'il y a une augmentation pour un groupe qui en fait ne connaissait pas tellement ce risque auparavant même si je dirais que, tout bien considéré, un risque de 7 p. 100 de perte d'emploi n'est pas du tout aussi élevé que certains auraient pu le penser pour les personnes âgées. Toutefois, c'est beaucoup plus quand on pense à certains groupes particuliers tels que ceux qui ont un niveau d'études moindre et ceux qui se trouvent dans certaines régions du pays, en particulier dans la région de l'Atlantique et dans certaines régions du Québec.

Si l'on considère l'état de préparation à la retraite, la situation varie aussi beaucoup. Il y a des groupes qui ont un régime de pension, et les groupes d'hommes plus jeunes qui risquent de ne pas avoir de régime de pension sauf si leur situation professionnelle devait changer. Par contre, la situation semble s'améliorer pour les femmes âgées d'aujourd'hui et de demain, ce qui n'est pas surprenant, parce qu'elles viennent sur le marché du travail avec un niveau d'études supérieur et prennent des emplois dans lesquels elles peuvent faire carrière, travaillent plus longtemps et acquièrent une situation où elles sont mieux payées et où elles ont plus de possibilités d'obtenir des avantages sociaux tels que les régimes de pension.

Si l'on jette un regard vers l'avenir, il y aura un groupe d'âge de 55 à 64 ans très important, dans les 10 à 15 prochaines années. Il ne semble pas que leur niveau d'études sera très différent de celui des travailleurs plus jeunes. Cela pourra peut-être les avantager face à la concurrence sur le marché du travail mais ils seront très nombreux. Je crois que nous aurons une meilleure idée de la situation de ces travailleurs l'année prochaine ou dans deux ans, lorsque nous aurons reçu les résultats d'une nouvelle enquête sur les actifs et les passifs, car c'est en fait la seule façon dont nous saurons réellement dans quelle mesure les adultes d'aujourd'hui sont prêts à prendre leur retraite dans les prochaines années.

• 1640

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.)): Merci, madame Sunter, de votre présentation. Nous allons donner la parole à Mike Sheridan, directeur général, Enquêtes auprès des ménages et sur le travail, qui a peut-être d'autres commentaires à faire, et nous passerons ensuite aux questions.

M. Mike Sheridan: Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président. Je crois que l'exposé est terminé et que vous avez eu notre résumé. Nous ferons de notre mieux pour répondre à vos questions.

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Merci. C'est le meilleur exposé que j'ai entendu depuis que je suis ici. Excellent. Très bon. J'aimerais qu'ils soient tous comme ça.

Madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): J'ai regardé avec intérêt les statistiques que vous avez déposées. Je me dis toujours que des statistiques ne sont que des statistiques et qu'elles ne représentent pas nécessairement ce que nous vivons, que ce soit au Québec, dans les Maritimes ou dans les provinces de l'Ouest.

Comment Statistique Canada définit-il une personne âgée aux fins de ses statistiques?

Vous avez dit qu'entre la fin des années 1970 et le début des années 1990, la proportion des personnes âgées ayant perdu leur travail avait légèrement changé. Vos statistiques ne semblent pas tenir compte des personnes qui ont perdu leur travail il y a plus d'un an. Seriez-vous en mesure de les identifier? La plupart du temps, ces personnes se retrouvent à l'aide sociale ou se voient obligées de vendre leur maison ou leur automobile et d'aller puiser dans leur compte bancaire si on estime que la valeur de de leurs biens dépasse tel montant. Vos statistiques selon lesquelles le risque d'une mise à pied permanente est passé de 5 à 7 p. 100 tiennent-elles compte de ces personnes?

M. Mike Sheridan: Si vous me le permettez, j'essaierai de répondre à vos questions. Nous avons basé nos statistiques sur les personnes qui participent au marché du travail et qui sont âgées de 55 à 64 ans. Nous pourrions reprendre toutes les données que nous avons présentées aujourd'hui aux membres de votre comité et faire de nouveaux calculs qui tiendraient compte des personnes âgées de 50 ans et plus, ou encore de 60 ans et plus. Cette définition des travailleurs âgés peut grandement varier. Nous avons choisi, à des fins de comparaison, d'utiliser la définition qu'utilisent les autres pays, soit les travailleurs de 55 à 64 ans. Il nous serait possible, si vous le désiriez, de compiler ces résultats en fonction d'âges différents et de combiner diverses données.

Votre deuxième question portait sur les transitions, le marché du travail et les déplacements de travailleurs plus âgés. Puisque nous ne disposions pas de suffisamment de temps, nous n'avons pas réparti ces données par province ou région, mais nous serions en mesure de le faire. Une telle analyse nous donnerait fort probablement des résultats très différents selon les provinces et régions du pays. Nous serions disposés à vous fournir de tels renseignements.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai parcouru rapidement vos statistiques et constaté que de nombreuses personnes âgées de 55 à 65 ans avaient terminé leur études postsecondaires, mais que peu d'entre elles avaient poursuivi des études universitaires.

• 1645

Dans ma région, comme dans la plupart des régions du Québec et de la Nouvelle-Écosse, on retrouve des travailleurs d'usine qui vivent des problèmes différents de ceux des personnes qui travaillent dans une usine spécialisée. Cette couche de la population n'a pas poursuivi des études avancées et, dans bien des cas, ces travailleurs n'ont même pas terminé leurs études secondaires. Ils se retrouvent entre 55 et 65 ans et apprennent que leurs usines doivent les mettre à pied en raison d'une restructuration technologique. Ils sont incapables de suivre des cours parce que le virage technologique ne fait pas partie de leur cheminement, de ce qu'ils ont toujours vécu dans leur quotidien en milieu de travail.

Croyez-vous qu'il existe une autre façon de les aider? Vos statistiques ont-elles révélé une façon dont les gouvernements pourraient leur venir en aide? Plutôt que d'offrir des cours à ces travailleurs, avez-vous identifié des mesures d'employabilité ou de compensation financière qui les aideraient à faire de virage au lieu de les forcer à la préretraite ou à la retraite? Pourrait-on songer au travail partagé? Est-ce que vos statistiques ont été à tel point poussées?

M. Mike Sheridan: Non, il n'est actuellement pas possible de faire ce genre d'analyse, mais nous pourrions essayer de diviser nos données par région, par province ou par catégorie d'emploi, comme par exemple les cols bleus et les travailleurs des usines, qui sont les plus affectés par les transitions qui s'effectuent sur le marché du travail et les plus touchés par les mises à pied.

Vous avez raison de dire, comme semblent l'indiquer les données que nous vous avons présentées aujourd'hui, que la transition est plus difficile pour les travailleurs de cette catégorie qui doivent trouver un nouveau travail. Nos statistiques ne sont malheureusement pas assez précises pour nous permettre de faire une telle affirmation de façon définitive.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vos statistiques sont bien belles, mais elles ne sont pas celles auxquelles je m'attendais. Nous avions ciblé les personnes âgées dans un contexte bien précis. Hier encore, nous avons rencontré des travailleurs d'une mine du Cap-Breton qui fermera bientôt ses portes. Sept cent cinquante travailleurs seront mis à pied, dont la plupart n'ont pas atteint l'âge de la retraite. Il ne devaient prendre leur retraite que dans deux ans. On entendra de plus en plus parler de tels cas. Il ne sert à rien de se cacher la vérité. On est arrivé à ce mur-là.

J'aime bien les données que vous nous avez présentées, mais elles ne correspondent pas véritablement à ce que vivent présentement la plupart de ces gens-là. Statistique Canada est-il en mesure de nous donner le vrai tableau de la situation? A-t-il déjà recueilli des données qui lui ont permis de le faire et qu'il pourrait actualiser? C'est cela qui m'intéresse.

M. Mike Sheridan: La plupart des renseignements disponibles à ce jour sont au niveau des provinces. Nous avons beaucoup de difficulté à en arriver à des conclusions précises lorsque nous utilisons des échantillons au niveau intraprovincial.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Il me semble que vos statistiques ne tiennent pas compte de ces travailleurs. On ne peut pas les envoyer chez eux à rien faire; on ne peut pas s'en départir. Certains d'eux souffrent de problèmes de santé. Ils ont toujours travaillé très fort en usine et sont incapables de retourner sur le marché du travail. La plupart du temps, ces travailleurs exécutaient des travaux manuels. Vous pouvez toujours leur donner de la formation et vouloir en faire de bons travailleurs qui se prennent en main, mais vos statistiques devront tenir compte des facteurs de santé et d'ordre social et culturel qui caractérisent ces travailleurs.

Cette problématique ne semble pas se dégager de vos statistiques. Vos statistiques ne m'aident pas à forcer un gouvernement quelconque à accorder une attention très particulière à ces travailleurs. Elles ne me permettent pas de faire des revendications précises auprès des gouvernements. Est-ce que vous pourriez compiler de telles statistiques? Avez-vous envisagé cette façon de faire?

• 1650

M. Mike Sheridan: Les données que nous avons recueillies dans le cadre de notre enquête sur la population active ne nous permettent pas d'obtenir des détails aussi précis. Je ne sais pas comment nous pourrions aborder une évaluation de ce genre et recueillir des données relatives à la santé, à la culture et au marché du travail au niveau intraprovincial afin d'obtenir un tableau précis de ce qui se passe. Je dois donc répondre non à votre question à ce moment-ci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Merci beaucoup.

Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Lorsque j'entends ce que dit notre président à nos témoins à propos de l'excellence de leur exposé, je veux bien, mais je dois admettre que je suis l'un de ces travailleurs âgés et que je trouve très difficile d'être à deux endroits en même temps. C'est la raison pour laquelle je suis arrivé un petit peu en retard.

Certains d'entre nous ont eu le privilège d'entendre le ministre affirmer l'autre soir que le sort des travailleurs âgés—comme dirait l'opposition—allait devenir une de ses priorités. Je remercie tous ceux qui l'ont peut-être incité à aller dans ce sens, le secrétaire parlementaire et le comité, aux séances duquel je n'ai pas souvent assisté dernièrement. En effet, c'est une question très importante.

J'ai un tout petit rôle à jouer dans ce domaine, puisque je représente une circonscription rurale et que je préside le caucus rural du gouvernement. Les ressources naturelles et les travailleurs âgés m'intéressent donc, et même si je n'ai pas encore eu beaucoup de temps pour me pencher sur ce dossier, je le ferai certainement. Les travailleurs âgés sont souvent peu instruits, et s'ils se trouvent en chômage, c'est souvent pour des raisons indépendantes de leur volonté.

Revenons aux ressources naturelles, même si j'ai l'air de changer de sujet. Les travailleurs sont allés où se trouvaient les emplois, que ce soit dans le secteur minier ou forestier. En fait, je constate qu'il y a plus d'emplois aujourd'hui dans le domaine forestier que dans toute autre industrie canadienne. Mais cela, c'est secondaire. Lorsque ces industries s'effondrent pour diverses raisons dans plusieurs villes canadiennes, cela se fait souvent aux dépens de travailleurs âgés, ce qui est triste.

Lorsque je faisais campagne en 1997, je me rappelle avoir frappé à la porte d'une certaine maison, un certain soir, et qu'un homme d'à peu près mon âge ou, disons pour me faire plaisir, de trois ou quatre ans plus âgé que moi, a ouvert la porte. Cet homme m'a demandé ce que je pouvais faire pour l'aider à trouver un emploi.

Je voudrais poser une question aux témoins pour qu'elle soit consignée au compte rendu. Ces gens, qui perdent leur emploi, perdent aussi tout respect eux-mêmes et ils n'ont plus aucune estime de soi. La plupart d'entre nous sont d'avis que le gouvernement a fait du bon travail en lançant des programmes destinés à aider les jeunes. Si vous regardez tous ces chiffres que vous avez réunis êtes-vous en mesure d'affirmer que les travailleurs âgés sont des laissés-pour-compte et que le gouvernement a failli à la tâche en ne lançant pas de programmes qui leur soient particulièrement destinés?

Je suis sûr que certains de vos tableaux montrent tout cela, le chômage, les travailleurs âgés, et le recours ou non à l'aide sociale. Que leur est-il arrivé? Est-ce qu'ils sont devenus les laissés-pour-compte du système? Que vous révèlent les chiffres? Que fait le gouvernement pour aider ces gens? Je crains parfois que nous n'en ayons pas fait assez. Avez-vous quelque chose à nous dire...

• 1655

Mme Deborah Sunter: J'ai dit plus tôt que les tableaux n'étaient pas uniformes. Dans certains cas, et particulièrement dans certains endroits, on ne peut même pas imaginer ce que l'on peut offrir comme emploi à ces gens, même si le gouvernement devait mettre sur pied un programme spécial à leur intention, alors que dans d'autres régions, il s'offre à eux des perspectives très intéressantes.

Nous savons que les travailleurs âgés qui se retrouvent en chômage et qui sont moins instruits, ont beaucoup de mal à se trouver un nouvel emploi même s'ils ont des compétences bien adaptées à certaines industries. Nous savons également que les travailleurs âgés ne déménagent pas aussi facilement que les jeunes, et c'est un facteur dont il faut tenir compte.

Il faut comprendre que les données sont très générales et qu'elles ne permettent pas de tirer des conclusions spécifiques. D'ailleurs, ce n'est pas à nous de le faire à Statistique Canada. Notre mandat, c'est de vous fournir des chiffres de base, dont vous pourrez tenir compte au moment d'adopter vos politiques. Je ne puis me permettre d'être plus spécifique.

M. Larry McCormick: D'accord, je vous remercie.

Monsieur le président, je réfléchis à haute voix. Les témoins ont mentionné que nous devions reconnaître notre rôle—j'espère que je ne leur fais pas dire ce qu'ils n'ont pas dit—et reconnaître ce que nous offrons aux travailleurs âgés pour les inciter à se réinstaller ailleurs, alors qu'ils ne sont pas si mobiles que ça. Je pense en particulier aux provinces de l'Atlantique et aux commentaires que j'ai entendus un peu partout de la bouche de Canadiens au sujet des travailleurs qui ont profité de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique, ainsi que des programmes qui ont précédé et suivi cette stratégie. Les Canadiens ont parfois l'impression que ces travailleurs profitent du système. Or, j'en connais personnellement plusieurs de ces travailleurs des régions de l'Atlantique, et je puis vous assurer que ce sont des gens qui ont consacré leur vie à édifier le Canada et à contribuer au bien-être de leurs concitoyens, et qu'ils aimeraient beaucoup continuer à se sentir utiles et à sentir qu'ils contribuent encore au bien-être de leur pays.

J'espère que nous pourrons les aider dans le cadre de notre étude, car ces gens sont le sel de la terre. Ils sont nos pères et nos parents, et ce sont eux qui ont besoin de notre comité et de l'étude que nous allons entreprendre.

Monsieur le président, c'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. À vous.

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Merci, monsieur McCormick. Je demande l'indulgence du comité. Nous devions clore la séance à 17 heures, mais puisque nous avons perdu quelque 30 minutes, j'imagine que nous pourrions poursuivre la séance jusqu'à 17 h 30, si vous êtes tous d'accord.

Bien. Madame Brown.

Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci aux témoins des renseignements qu'ils nous ont fournis. Comme le signalait mon collègue d'en face, les chiffres nous laissent croire que nous n'avons pas trop à nous inquiéter, puisqu'il s'agit surtout d'une tendance qui remonte parfois à 1976 et qui se poursuit aujourd'hui. Et pourtant, à la lumière de ce qu'en disent les médias et de données non scientifiques, on pourrait croire au contraire que les travailleurs plus âgés traversent une très mauvaise période. On vient de signaler que ces gens ne sont peut-être pas nombreux du point de vue statistique, mais qu'ils ont beaucoup de mal à se tirer d'affaire et qu'ils sont concentrés dans certaines régions géographiques. Les nouvelles peuvent par conséquent être très mauvaises si elles nous parviennent de Thetford Mines, au Québec, ou du Nouveau-Brunswick, par exemple. Ce sont des régions qui font face à des problèmes très graves, parce qu'on y retrouve concentrés un grand nombre de gens qui ont les mêmes compétences, qui sont peu instruits et qui ont peu d'autres emplois vers lesquels se tourner. La situation que je viens de décrire traduit-elle assez fidèlement ce que vous avez expliqué vous-même au sujet des travailleurs âgés qui ne parviennent pas à se trouver un autre emploi après un an?

Mme Deborah Sunter: C'est une excellente description de ce que j'ai expliqué. Il est évident que si, dans une ville donnée, on ferme la seule industrie existante et que cette industrie employait des travailleurs âgés, la ville fera face à des difficultés exceptionnelles et à du chômage à long terme, et il se peut que les travailleurs âgés soient un jour ou l'autre chassés du marché du travail.

Il est important de regarder l'ensemble des chiffres, même si cela peut vous sembler frustrant puisqu'ils ne tiennent pas compte des cas particuliers et des situations anecdotiques. Mais il est important de dire, comme vous le faites, que, dans l'ensemble, la situation n'est pas aussi grave qu'elle peut le sembler si on s'arrête uniquement aux cas individuels. Toutefois, il est raisonnable de reconnaître que la situation peut être beaucoup plus grave dans certaines régions.

• 1700

Mme Bonnie Brown: Si ce que vous dites est vrai, et que ceux qui sont toujours en chômage après 12 mois le sont parce qu'ils sont moins instruits ou qu'ils habitent dans une région où le chômage est très élevé ou qu'il y a peu d'autres emplois qui s'offrent à eux, si, en plus de cela, ils sont âgés, et qu'ils ont moins de facilité à se déraciner et à s'installer dans une nouvelle localité, alors on est en droit de se demander si cela vaut vraiment la peine de les recycler. En effet, à quelles fins les recyclerait-on et en vue de quelle nouvelle carrière? N'y a-t-il pas plutôt lieu de changer la politique? C'est évidemment une question que nous devrions nous poser à nous-mêmes, mais auriez-vous d'autres chiffres qui pourraient nous donner un indice et nous éclairer sur la meilleure solution à adopter?

Mme Deborah Sunter: Pas vraiment. Mais on pourrait sans doute aller puiser dans d'autres sources de données pour trouver des indices qui nous aideraient à déterminer si le recyclage est vraiment utile dans certaines régions. Mais je ne sais pas si je peux conclure à quoi que ce soit qui pourrait vous être utile dans votre réflexion.

Mme Bonnie Brown: Bien. Passons un instant à autre chose. Pour ce qui est de la rubrique «Motifs pour prendre sa retraite», puis-je savoir si les choix ont été inscrits par les intéressés?

Mme Deborah Sunter: Oui, ce sont les motifs inscrits par les intéressés.

Mme Bonnie Brown: Dans ce cas, je ne suis pas sûre de faire confiance aux chiffres. En effet, si on vous demande si vous êtes à la retraite parce que vous avez été renvoyé, parce que vous avez été mis à pied ou que vous l'êtes par choix personnel, il peut être assez gênant d'avoir à admettre que vous êtes à la retraite parce que plus personne n'a voulu de vous. Il peut vous sembler beaucoup plus rassurant pour vous-même d'inscrire que c'est par choix personnel, même si ce n'est pas le cas. C'est parfois beaucoup plus facile d'inscrire que vous êtes à la retraite par choix personnel que d'avoir à admettre que vous avez été mis à pied ou que l'on n'a plus besoin de vous. Il en va de même pour les programmes de retraite hâtive. Autrement dit, j'ai l'impression que les raisons de santé, de perte d'emploi et de retraite hâtive sont en nombres beaucoup plus grands que le choix personnel, sauf qu'elles sont plus difficiles à admettre.

Par conséquent, chaque fois que les motifs sont inscrits par les intéressés, vous risquez d'avoir des gens qui essaient de vous donner une image plus valorisante d'eux-mêmes plutôt que de vous dire la vérité.

Mais malgré tout, avez-vous déjà songé, la prochaine fois que vous ferez un sondage de ce genre, à poser la même question aux travailleurs autonomes? Autrement dit, êtes-vous travailleur autonome par choix personnel, parce que vous êtes sans emploi ou parce que vous avez essayé de créer votre propre emploi, ou pire encore, parce que votre emploi est resté le même? J'aimerais que vous posiez la question la prochaine fois. Vous faites essentiellement le même travail qu'avant. Avant, vous étiez employé, mais un jour votre employeur vous a offert la possibilité de devenir travailleur indépendant, en vue d'éviter d'avoir à verser les primes d'assurance-emploi et les primes au titre du RPC. Toutefois, il vous a consenti une hausse de salaire de 2 $ la semaine en compensation. Je crois, en effet, que beaucoup de gens sont aujourd'hui travailleurs indépendants, parce qu'un jour, un employeur leur a enlevé le statut d'employé pour pouvoir faire des économies. On a entendu parlé d'infirmières qui avaient été mises à pied dans des hôpitaux, puis réembauchées comme entrepreneurs autonomes pour faire exactement ce qu'elles faisaient avant, avec quelques heures de travail en moins. On a vu la même chose avec les enseignants. La même chose s'est produite aussi chez les travailleurs de manufacture, comme par exemple chez les 25 employés d'une petite usine d'empaquetage, par exemple. Dans bien des cas, il s'agit d'employés qui, une semaine, avaient droit à toutes sortes d'avantages, et qui la semaine suivante, se retrouvent travailleurs autonomes n'ayant droit à aucun avantage.

C'est très embêtant lorsqu'on songe à ceux qui ont droit à une pension et à ceux qui n'y ont pas droit, puisqu'il y a de plus en plus d'employeurs qui, en se départissant ainsi de leurs employés, y trouvent leur profit. Si nous ne faisons rien pour empêcher cela, cette tendance ne fera que s'accentuer, et de moins en moins de Canadiens auront droit à des prestations d'assurance-chômage ou à des prestations de retraite. Cela ne fera qu'exacerber le sentiment d'insécurité économique que signalaient cette semaine les journaux. Je ne sais pas si c'est une de vos études ou l'étude de quelqu'un d'autre qui a tiré la sonnette d'alarme, mais il semble que les Canadiens aient de moins en moins un sentiment de sécurité économique, et c'est peut-être parce que les Canadiens profitaient naguère de trois avantages: leurs cotisations au RPC étaient payées partiellement par eux-mêmes et partiellement par l'employeur; deuxièmement, ils pouvaient éventuellement recevoir des prestations d'assurance-emploi; et enfin, ils appartenaient à un syndicat. Or, à partir du moment où ils deviennent travailleurs autonomes, ils perdent leur statut d'employé, et ils perdent aussi ces trois protections.

Voilà pourquoi j'estime important que l'on essaie de déterminer pourquoi les gens se déclarent travailleurs autonomes, même si c'est parfois difficile de savoir la vérité.

Merci, monsieur le président.

• 1705

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Merci, madame Brown.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Réf.): J'ai l'impression qu'il faut se demander quel est le tableau qui se dessine pour demain. Quelle sera la différence entre les retraités de demain et ceux d'aujourd'hui? Quelle sera la situation dans une dizaine d'années? En quoi différera-t-elle...

Mme Deborah Sunter: Si l'on généralise, on peut estimer que les travailleurs âgés de demain auront un profil semblable à celui des jeunes adultes, pour ce qui est de leur instruction. Ainsi, la proportion de travailleurs dotés d'une instruction post-secondaire sera la même chez les travailleurs âgés et chez les jeunes travailleurs. La cohorte actuelle de travailleurs âgés est la dernière cohorte à être véritablement moins instruite. Cela ne signifie pas pour autant que les compétences et l'expérience de tous les travailleurs, jeunes et âgés, seront homogènes, et je me hâte de le signaler.

La situation des hommes et des femmes est également très différente. Leurs expériences de travail ne sont évidemment pas les mêmes, et cela se confirme particulièrement chez les travailleurs âgés. Aujourd'hui, le taux de participation des travailleuses âgées est d'environ 30 p. 100 mais ce taux ne peut qu'augmenter considérablement au fil des ans. Même si l'âge de la retraite diminue chez les femmes autant que chez les hommes, le simple fait qu'il y ait plus de femmes qui restent sur le marché du travail et qu'elles aient eu de meilleurs salaires dans les années 90 fait que... Je pense que le nombre de travailleuses âgées augmentera de beaucoup au sein de la population active âgée de demain. Le nombre de travailleuses âgées était de 25 p. 100 il y a 20 ans et il est aujourd'hui de 37 p. 100. Cette proportion ne peut que croître encore considérablement.

Nous avons observé, mais ce n'est pas concluant, qu'il pourrait y avoir une polarisation entre ceux qui profitent des régimes de pension et ceux qui n'en profitent pas.

Le travail autonome est un bon argument. Quand je parlais de tendances, je pensais uniquement aux employés, et nous savons que la proportion des travailleurs autonomes augmente. On peut donc se demander quelle proportion des travailleurs autonomes ont un REER? Je n'ai rien à ce sujet aujourd'hui, mais je pense que nous connaîtrons mieux la situation dans un an, quand le sondage sur l'actif et la dette sera terminé.

M. Maurice Vellacott: Autrement dit, quels que soient les ajustements que nous apportions aujourd'hui, c'est la dernière cohorte pour laquelle ces règles s'appliqueront, ou du moins c'est une possibilité. Nous le savons déjà, nous savons que des mesures différentes seront nécessaires plus tard. Pour cette dernière cohorte, quelle est la situation? Encore 10 ans avant que les règles du jeu ne changent?

Mme Deborah Sunter: Oui. Dans cinq ans environ, les baby-boomers entreront dans le groupe d'âge que nous avons défini, et vous avez raison quand vous dites qu'il y a beaucoup de façons de définir «population âgée». Il nous a semblé que cela cernait une période pendant laquelle la tendance à sortir du marché du travail est particulièrement marquée, une période pendant laquelle les gens ont plus de mal à trouver d'autres emplois. Ainsi, dans cinq ans environ, les baby-boomers vont commencer à avoir plus de 55 ans—dans deux ans en fait pour les tout premiers—et ensuite cela va prendre beaucoup d'ampleur car le taux de natalité a augmenté jusqu'aux années 60.

M. Maurice Vellacott: À ce moment-là, en quoi les ajustements nécessaires seront-ils différents de ce qu'ils sont pour cette dernière cohorte? En effet, si les gens sont plus éduqués, etc., cela se répercutera sur les mesures d'ajustement nécessaires.

Mme Deborah Sunter: Je ne saurais vous suggérer des mesures d'ajustement précises, mais il faut tenir compte du fait que ces gens-là formeront une proportion bien plus importante de la main-d'oeuvre, une proportion bien plus importante de n'importe quel groupe de compétences ou d'expérience. Or, c'est une expérience et des compétences qu'on aura peut-être intérêt à exploiter.

Je me suis demandé tout à l'heure si les gens avaient tendance à quitter le marché du travail progressivement, à faire du temps partiel, et c'est un des phénomènes qui va prendre plus d'importance. Je ne sais pas si cela se fera sans encouragement, je ne sais pas non plus si quelqu'un aura intérêt à encourager une telle tendance. Mais c'est une mesure possible pour cette période de transition dont vous parlez.

M. Maurice Vellacott: Peut-être une meilleure connaissance des ordinateurs et d'autres types de connaissances qui facilitent la formation, le recyclage, des séminaires, etc.?

• 1710

Mme Deborah Sunter: À mon avis, plus on s'éloigne de la cohorte actuelle, plus ce genre de compétences, habiletés mathématiques et textuelles, etc., augmentent.

M. Maurice Vellacott: Lorsque les mesures de temporisation et autres mesures de ce genre disparaîtront... Ce genre de chose n'est pas éternel. Périodiquement cela doit changer.

Merci.

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Je reviens aux observations de Mme Brown. La baisse de participation des travailleurs âgés jusqu'à environ 1995 est en train de s'inverser, comme vous l'avez dit. Est-ce que nous savons de quels types d'emplois il s'agit? Des emplois à temps partiel, à temps plein? Quels genres d'emplois rémunérés sont en cause?

Mme Brown observe à juste raison que ces gens-là deviennent des experts-conseils, etc., mais ils n'ont plus aucuns avantages sociaux. Est-ce que nous sommes en train de créer une nouvelle catégorie de citoyens âgés pauvres? Nous avons parlé de compétences, nous nous sommes demandé s'il était possible de les classer pour déterminer les besoins, compte tenu que le baby boom a duré de 1946 au 1er janvier 1966. Autrement dit, les derniers ont 32 ans, et bien sûr, la plupart d'entre nous ici en fait partie. Toutefois, il est important de considérer cette tendance à long terme.

Mme Deborah Sunter: Permettez-moi de parler du travail autonome. Dans l'ensemble, c'est surtout un phénomène que l'on trouve chez les adultes âgés, les travailleurs âgés, ceux qui ont plus de 55 ans, mais également chez ceux qui ont, disons, 35 ans et plus. Ce n'est pas un phénomène que l'on trouve chez les jeunes. C'est assez rare chez eux. Remarquez, le taux de croissance a énormément augmenté pour les femmes. Quand on leur demande pourquoi ils travaillent à leur compte, là encore, la grande majorité des gens donnent des raisons très positives, et seulement 8 p. 100 environ répondent que c'est parce qu'ils n'ont pas pu trouver d'emploi.

C'est donc un phénomène extrêmement important au Canada, et c'est tout à fait différent de ce qui se passe aux États-Unis. L'emploi autonome représente environ 18 p. 100 des emplois. Nous avons commencé à examiner tous les liens qu'il pourrait y avoir avec le cycle. Est-ce que c'est provoqué par le chômage? Est-ce que c'est une forme de chômage caché? Jusqu'à présent, dans l'ensemble, cela ne semble pas être le cas.

Les études ne sont pas terminées, mais il y a encore beaucoup à faire pour bien comprendre dans quelle mesure c'est un phénomène de restructuration, d'externalisation, un phénomène par lequel l'employé devient travailleur à contrat. Nous avons l'intention d'approfondir cela au cours des deux prochaines années.

Nous n'avons pas encore tous les résultats, mais rien ne semble indiquer de façon déterminante que cet emploi autonome est fréquemment un résultat du chômage.

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Monsieur Scott.

M. Andy Scott (Fredericton, Lib.): Vous ai-je entendu dire que chez nous la croissance de l'emploi autonome dans la mesure où cela est lié à la santé publique est un phénomène différent de ce qui existe aux États-Unis? Aux États-Unis, les gens sont forcés... Ils ne peuvent pas travailler à leur compte car cela les priverait d'une couverture médicale. Est-ce que vous avez trouvé cela?

Mme Deborah Sunter: On peut penser que c'est une des raisons, mais nous n'en avons pas de preuve. À l'automne dernier, nous avons fait une étude et découvert que, pendant les années 90, 60 p. 100 de la croissance des emplois au Canada était représentée par des emplois autonomes. Aux États-Unis, par contre, il n'y a pratiquement pas eu de croissance des emplois autonomes. La proportion est d'environ 11 p. 100 alors qu'ici elle est de 18 p. 100. C'est très différent. Plusieurs raisons sont possibles, et nous les étudions actuellement.

M. Andy Scott: Lorsque les représentants des Ressources humaines ont comparu, ils nous ont expliqué qu'on avait tendance à définir les travailleurs âgés selon leur âge alors qu'en fait, l'important, c'est le niveau d'éducation. Il se trouve simplement que les travailleurs âgés sont moins éduqués, et quel que soit leur âge, dans cette catégorie-là, le niveau d'éducation est relativement constant. C'est simplement que cette cohorte est dans l'ensemble moins éduquée. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Mike Sheridan: Cela coïncide assez bien avec la notion... Si on considère, non pas l'âge de ces gens-là, mais le moment où ils sont nés, cela permet de comprendre un peu mieux le contexte. Il suffit de faire un calcul rapide pour voir que la majorité de ces gens-là sont nés pendant les années 30 et au tout début des années 40. Si vous considérez les moyens dont on disposait à l'époque, le système d'éducation, l'économie en général, cela vous donne une meilleure idée de caractéristiques de ces gens-là.

Je reconnais que cela peut être un peu frustrant, c'est un peu comme juger une peinture impressionniste. Considérée à distance, c'est très clair, mais plus on s'en approche, plus les choses s'embrouillent. Autrement dit, plus on y regarde de près, plus cela devient vague.

• 1715

Nous avions un graphique qui n'est pas avec les autres mais que je donnerai à votre personnel de recherche; ce graphique porte sur l'alphabétisation de ce groupe d'âge. Statistique Canada classe le niveau d'alphabétisation et l'habileté arithmétique et constate que la majeure partie des gens qui sont dans ce groupe d'âge est moins alphabétisée. Il s'agit ici d'opérations arithmétiques, de prose, de capacité de lire des instructions, etc. Ce sont deux choses très différentes: le niveau d'éducation et la compétence individuelle, comment on a appris à lire et à interpréter et à travailler avec les chiffres, etc. En effet, on estime que 25 à 30 p. 100 des gens de ce groupe-là appartiennent à ce que nous appelons le niveau un et le niveau deux d'alphabétisation, c'est-à-dire que, d'une façon générale, leur niveau est inférieur.

M. Andy Scott: Dois-je comprendre que lorsque ce groupe sera sorti du système, la disparité ne sera plus aussi marquée? J'aurais pensé qu'un autre type de disparité subsisterait, mais à un niveau différent. Tous les jeunes qui entrent dans le système ont un niveau d'éducation plus élevé, par conséquent cela relève la barre, mais la barre est tout de même à un niveau relativement constant. Ce n'est pas exact?

Mme Deborah Sunter: Non, mais je comprends ce qui vous fait penser cela car, à l'heure actuelle, le taux de fréquentation de l'école secondaire est très élevé. Cela pourrait changer si ce taux de fréquentation se maintient au fur et à mesure que les très jeunes cohortes de l'époque actuelle obtiendront des diplômes. Par contre, ce que nous constatons, c'est qu'il y a une quasi-uniformité... Avez-vous fait des études universitaires? Avez-vous un certificat postsecondaire? Est-ce que vous avez terminé le secondaire? Dès qu'on dépasse cette cohorte, la ligne est pratiquement droite.

M. Andy Scott: Peut-être faudra-t-il changer les catégories pour bien comprendre la différence.

Mme Deborah Sunter: Et considérer également les sujets d'études choisis. Je n'essaye pas de vous dire que l'expérience, les compétences et l'éducation dans le secteur de la haute technologie sont uniformes. Pas du tout. C'est beaucoup plus vaste.

Toutefois, il ne faudrait pas penser que la seule différence... Ce n'est absolument pas une question d'âge. Je ne suis pas du tout d'accord parce que nous savons aussi que les employeurs n'investissent pas autant dans la formation des travailleurs les plus âgés. J'imagine que cela explique certaines choses.

M. Andy Scott: Les gouvernements non plus d'ailleurs.

Lorsque les gens du ministère ont comparu, nous avons parlé des trois solutions et des trois approches pour corriger la situation: solution passive, solution de transition et solution active. Pour chercher à déterminer celle qui convient le mieux, il serait peut-être bon, et je reviens à ce que Bonnie a dit, de considérer que, dans certains cas, la réaction devrait probablement être passive, et dans d'autres, active. Cette deuxième réaction convient probablement à certaines régions géographiques où les circonstances sont identiques mais où les résultats seraient très différents.

En effet, une personne qui vit à Cap-Breton, qui est propriétaire de sa maison et qui a 55 ans a probablement intérêt à rester là. Il y a fort peu de chance qu'on envisage de la recycler pour un emploi différent, étant donné que le taux de chômage est de 35 p. 100 et que la concurrence est beaucoup plus élevée. Par contre, si cette même personne vit dans une autre région, la solution peut être tout à fait différente. C'est un domaine où il n'est pas possible de généraliser.

Est-ce que vous avez des informations selon les régions, qui pourraient nous donner une idée des solutions régionales les mieux indiquées?

• 1720

Mme Deborah Sunter: En fait, nos données sont beaucoup plus précises au niveau provincial. Toutefois, nous avons des données sur les taux de chômage régionaux. Nous connaissons un peu les tendances à long terme et nous avons des informations sur les travailleurs âgés dans de petites régions, en considérant les moyennes annuelles. Je ne sais pas à quel point c'est détaillé, mais on pourrait choisir des politiques différentes selon les différents marchés du travail dans les régions. Je pense que nous avons des informations, mais c'est très général. Il s'agirait des taux de chômage, des taux d'emploi, de la répartition des industries, ce genre de choses.

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Je reviens aux observations de M. Scott sur les compétences ou le niveau d'éducation. Que les gens soient plus ou moins éduqués, lorsqu'ils vieillissent, la mobilité et la formation sont toujours des facteurs, j'imagine. Plus on vieillit, plus il est difficile d'acquérir de nouvelles compétences, même lorsqu'on possède une maîtrise ou un doctorat. En fait, quand on vieillit c'est très difficile. Ce n'est pas parce que les gens sont mieux éduqués que ces facteurs-là disparaissent.

Le premier tour de dix minutes est maintenant terminé. Nous passons maintenant à cinq minutes avec Mme Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'appuie le point de vue de Mme Brown, qui vous a posé des questions au sujet des motifs qu'invoquaient les travailleurs qui ont pris leur retraite. Dans ma région, il y a des travailleurs d'usine qui étaient très bien rémunérés, qui touchaient 28 $ l'heure, qui ont été mis à pied et qui ont épuisé leurs prestations d'assurance-emploi. Où se retrouvent-ils? On ne le sait pas. Ces gens-là n'iront pas vous dire: «Mon cher ami, appelle-moi. Je suis incapable de me recycler et de trouver un emploi.» C'est pourquoi je me pose des questions au sujet de ces statistiques-là.

Dans votre document intitulé Le point sur la population active, vous dites que vers 2013, on assistera à une quasi totale inversion de la pyramide d'âges de la population en âge de travailler. L'an 2013 n'est pas très lointain et les années passent très vite. Est-ce qu'on ne devrait pas prendre aujourd'hui certaines mesures pour ces populations, parce qu'on retrouve de plus en plus des zones de chômage dans différentes régions? Mon collègue réformiste disait tout à l'heure qu'en Saskatchewan, de nombreuses personnes âgées perdaient aussi leur emploi. Ce phénomène n'existe donc pas qu'au Québec et dans les Maritimes.

Vous pouvez invoquer toutes sortes de statistiques, mais aujourd'hui, quelle perspective votre analyse peut-elle nous apporter? Comment pouvons-nous faire en sorte que ce problème n'ait pas de sérieuses répercussions plus tard et qu'il ne s'aggrave pas demain? Comment pourrons-nous réagir face à ces statistiques qui seront inversées?

M. Mike Sheridan: C'est une très bonne question, bien que je ne sois pas certain de pouvoir vous donner la bonne réponse. Dans cette publication, nous avons essayé d'identifier le genre de risques qui menacent les travailleurs de ce groupe. Il est difficile de brosser un portrait fidèle de la situation dans toutes les régions du Canada, y compris celles du Québec et des provinces Atlantiques. Nous pouvons tenir compte de facteurs tels que le genre d'industries, les différents métiers et l'activité économique dans une certaine région, obtenir des résultats relatifs à leur interaction avec le marché du travail et connaître les conséquences de la mise à pied des travailleurs dans un marché du travail particulier.

Les données que nous avons recueillies à ce jour nous indiquent qu'il y a de bonnes perspectives pour les travailleurs âgés, mais ne nous permettent pas d'identifier les politiques qui seraient le plus appropriées dans une certaine région. Dans un tel contexte, ce genre de données n'est pas très utile.

• 1725

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ces gens qui travaillaient en usine, dans des secteurs spécialisés ou en forêt, comme le disait M. McCormick tout à l'heure, ont acquis une expertise. J'interpelle les gouvernements en ce sens-là. Ne pourraient-ils pas faire en sorte que ces travailleurs qui ont acquis une grande expertise tout au long de leur carrière puissent faire un virage et trouver une autre forme de travail? Je ne sais pas, mais cela m'interpelle beaucoup.

Je comprends qu'on ne puisse pas nécessairement les engager à nouveau dans le même domaine afin que la société puisse profiter de l'expertise qu'ils ont acquise au fil des ans, mais actuellement, ils partent et bonjour, la visite. Cela crée un problème social.

M. Mike Sheridan: Nos statistiques ne tiennent pas compte des choix personnels des travailleurs qui peuvent décider de déménager, de suivre des cours de formation, etc. Ces actions ont des répercussions sur le marché du travail.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Monsieur Scott.

M. Andy Scott: L'idée que nous encourageons les gens à prendre une retraite anticipée à cause du chômage parmi les jeunes m'intéresse. Les réalités démographiques changent et nous finissons par avoir trop de monde dans les catégories âgées alors qu'il y a pénurie dans beaucoup de domaines et, ce qui est plus grave encore, alors qu'au bas de l'échelle, à cause des changements démographiques, on ne réussit plus à assurer le bien-être des catégories âgées. Ce ne sont pas les retraites anticipées qui vont arranger les choses. En fait, ce sera même l'inverse, alors que nous essayons toujours d'encourager cette tendance. Il me semble que ce que je dis est assez juste.

Dans ces conditions, il convient probablement d'agir au niveau de la caractéristique déterminante, qui semble être l'éducation. Si nous voulons que les gens puissent travailler, si nous voulons les encourager à travailler, la caractéristique déterminante est l'éducation. C'est ce qui permettra à la cohorte actuelle de quitter le marché du travail ou d'y rester, ou encore de pouvoir travailler. Par conséquent, nous allons devoir trouver un moyen de mieux éduquer les gens et de leur permettre de poursuivre leur apprentissage pendant toute leur vie, et de maintenir ainsi leur niveau d'éducation, en particulier ceux qui n'ont pas eu une éducation institutionnelle. J'imagine que moins on est éduqué au départ, plus l'apprentissage permanent devient important. Il va donc falloir offrir aux gens des programmes pour les encourager à poursuivre leur éducation si nous voulons que les groupes âgés restent actifs, dans leur intérêt et probablement dans le nôtre aussi.

Est-ce que c'est bien le défi pour les travailleurs plus âgés de l'avenir? À l'heure actuelle, c'est différent, pour les travailleurs âgés—soutien passif, ce genre de choses. Par contre, les travailleurs âgés de l'avenir vont se heurter à des problèmes très différents, et pour le pays, les problèmes seront différents également, car il devra surtout se demander s'il a intérêt à garder une main-d'oeuvre bien éduquée ou à laisser faire et avoir une main-d'oeuvre non qualifiée. C'est bien ça?

Mme Deborah Sunter: Quand on considère le potentiel considérable de main-d'oeuvre qu'ils représentent, au lieu de considérer que la retraite anticipée est un avantage mutuel, un moyen de compression des effectifs et également une bonne affaire pour ceux qui réussissent à obtenir de bonnes conditions de départ, je pense que ce n'est pas la bonne solution. Vous avez parfaitement raison. C'est la raison pour laquelle nous avons cherché quelque chose qui indiquerait que la transition de la vie active à la retraite est plus progressive; par exemple, le travail à temps partiel.

Il est certain que dans toutes les catégories d'âge l'éducation détermine largement les chances de succès sur le marché du travail. Toutefois, cela dépend de l'endroit où on se trouve. L'apprentissage de toute une vie ne coïncide pas forcément avec les possibilités d'emploi dans un quartier donné, et, d'autre part, à 65 ans, tout le monde ne veut pas continuer à travailler.

M. Andy Scott: Mais le travailleur âgé a une autre caractéristique particulière, à savoir le fait qu'il s'est écoulé beaucoup de temps depuis son apprentissage institutionnel. Si le problème tient aux compétences exigées, il est minime pour les gens qui viennent de quitter l'école et considérable pour ceux qui l'ont quittée il y a 25 ans. Par conséquent, il faut faire en sorte que cette cohorte ne soit pas systématiquement le groupe qui a été éduqué depuis le plus longtemps, et par conséquent, le groupe le plus difficile à employer, si nous voulons que ces gens-là restent employables et actifs. À l'avenir, l'éducation permanente sera aussi importante pour les travailleurs âgés que le revenu.

• 1730

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Je vais donner la parole à Mme Brown. Madame Brown, c'est vous qui allez terminer le tour de cinq minutes. Je vais être très libéral et vous accorder une question très courte après que Mme Brown aura parlé.

Madame Brown.

Mme Bonnie Brown: Nous avons tendance à nous concentrer sur le problème du chômage chez ceux qui ont un faible niveau de scolarisation parce qu'il semble exiger que le gouvernement prenne des mesures pour le résoudre. Mais je regarde votre annexe—il n'y a pas de lettre, mais c'est à la page 34 du document intitulé «Le point sur la population active». Je constate qu'après le groupe d'âge de 45 à 54 ans, âges où on est censé être à l'apogée de sa carrière, même chez les personnes avec une maîtrise ou un doctorat, le pourcentage de ceux qui sont occupés à temps plein commence à diminuer. On voit—en bas de la page 34, colonne 2—que le pourcentage est de 81,5 p. 100. Le chiffre pour le groupe âgé de 55 à 59 ans n'est que de 68 p. 100. Pour le groupe d'âge de 60 à 64 ans, il est de 48 p. 100, une chute de 20 p. 100. Ensuite, bien sûr, on constate l'effet de la retraite obligatoire, car le chiffre tombe à 20,6 p. 100 et n'est que de 6,5 p. 100 pour ceux qui ont plus de 70 ans.

Il me semble que le taux de participation des travailleurs âgés, quel que soit le niveau de scolarisation, chute de façon assez spectaculaire après l'âge de 54 ans, et la tendance s'aggrave avec l'âge. J'ai l'impression que le problème est plus profond qu'on nous l'a dit. Je pense, par exemple aux travailleurs de l'amiante à Thetford Mines ou aux employés de DEVCO, au Cap Breton, dont la situation est compliquée, dans les deux cas, par les problèmes de santé causés par leur milieu de travail.

Je commence à me demander si les taux de participation plus faibles que je constate chez les personnes les plus instruites—disons celles qui ont des doctorats—ne traduit pas une discrimination fondée sur l'âge, par rapport au sexisme par exemple. Autrement dit, il est moins probable que ces gens vont trouver un emploi, simplement à cause de leur âge. Il me semble qu'en Chine les gens de 70 ans avec un doctorat seraient toujours très appréciés. Ils ne gagneraient peut-être pas un plein salaire et ils n'auraient pas une charge complète, mais on pourrait leur demander à être des chercheurs invités, par exemple. En Chine, on prise hautement les personnes âgées. Dans notre culture, par contre, on met l'accent sur les jeunes. Bien entendu, vous ne pouvez pas mesurer ces phénomènes, mais je suis étonnée de constater la baisse du taux de participation chez ceux dont le niveau de scolarisation est le plus élevé, c'est-à-dire ceux qui ont une maîtrise ou un doctorat.

Pouvez-vous expliquer autrement ce phénomène?

Mme Deborah Sunter: D'abord, sans faire beaucoup plus de recherches, je pense qu'on ne peut pas forcément voir ce phénomène comme étant tout à fait négatif, du moins selon beaucoup de gens pendant une certaine période. On peut le qualifier de discrimination fondée sur l'âge, mais certains pensent peut-être qu'avoir plus de loisirs est une récompense. Si le taux de chômage augmentait d'autant, on saurait qu'il y avait un problème. On ne peut pas présumer qu'une baisse du taux de participation est totalement involontaire, surtout chez les gens les plus instruits.

Nous savons qu'il y a eu du chômage chez les cols blancs, et les travailleurs âgés parmi les cols blancs qui sont mis à pied ont beaucoup plus de mal—c'est un grand choc. Mais cela n'explique que très partiellement la baisse du taux de participation. Je pense que c'est attribuable beaucoup plus à l'existence de régimes de pension.

• 1735

Mme Bonnie Brown: On nous dit que certains ont du mal à admettre que leur retraite n'était pas volontaire, comme je l'ai dit tout à l'heure. Certains prétendent avoir de la chance de prendre une retraite anticipée. Ils ont une maîtrise ou un doctorat, mais l'université n'a plus besoin d'eux. Ils disent que leur retraite était volontaire, qu'ils sont contents, mais le fait est qu'ils auraient préféré continuer à enseigner à l'université ou à travailler dans un laboratoire ou ailleurs, si l'employeur avait voulu les garder.

M. Mike Sheridan: Je pense que les remarques que vous avez faites plus tôt... Si vous mettez les deux tableaux ensemble, vous aurez peut-être une perspective intéressante. Je pense que si vous regardez le tableau où on donne les raisons de prendre la retraite selon le niveau d'instruction... Je ne sais pas, je vais m'aventurer un peu. Je pense qu'on devrait combiner les deux résultats. Je pense qu'on constaterait une polarisation, et c'est quelque chose dont Deborah a parlé—qu'il est plus facile de choisir de prendre la retraite...

Mme Bonnie Brown: Si on a l'argent voulu pour se la payer.

M. Mike Sheridan: ...oui, il y a un lien entre le niveau d'instruction et le revenu. Donc, je pense qu'il faut faire plus de recherches sur cette question.

Mme Bonnie Brown: Un dernier point. Il ne s'agit pas d'une question. Vous êtes en train d'embrasser l'orthodoxie actuelle, selon laquelle les gens qui sont assez aisés et à qui on offre la retraite anticipée—ou même qui sont mis à pied—n'en sont que trop contents. Ils disent qu'ils pourront faire du jardinage, aller en Floride. Ils voient ça comme quelque chose de positif, parce que cette attitude est meilleure pour la santé et ils peuvent se permettre de faire certains choix. Cependant, il ne faut pas oublier le problème de la productivité dans ce pays—c'est-à-dire obtenir le maximum de notre population instruite et avoir le bon mélange de travailleurs qualifiés, mi-qualifiés et hautement qualifiés. C'est la raison pour laquelle je me demande pourquoi tant de personnes instruites ne travaillent pas, disons entre l'âge de 60 et 65 ans. Je pense que la question mérite d'être examinée pour cette raison.

M. Mike Sheridan: J'en conviens.

Mme Bonnie Brown: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Je suppose que beaucoup de ceux qui sont maintenant au chômage sont... Il y avait un article dans la revue Macleans en 1960, où les futurologues ont prédit qu'on ne saurait pas quoi faire de tous nos loisirs. Compte tenu de ce qui s'est produit, j'imagine que beaucoup de ces futurologues sont maintenant sans emploi.

Nous allons terminer la séance. Très brièvement, madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Avez-vous en main des statistiques qui vous permettraient d'identifier certaines mesures auxquelles nous pourrions avoir recours pour contrer et freiner la perte d'emplois chez les personnes de cet âge? Je pense entre autres au travail partagé, à la retraite progressive ou à certaines autres mesures actives.

M. Mike Sheridan: Il nous serait possible de brosser un tableau exact des interactions qui se passent dans ce groupe. Bien que nous n'ayons pas en main de tels renseignements, nous pourrions préparer un document à l'intention des membres du comité.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je l'apprécierais.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bryon Wilfert): Au nom des membres du comité, je tiens à remercier nos témoins de Statistique Canada d'avoir été parmi nous aujourd'hui. Je tiens également à remercier le personnel du comité.

La séance est levée.