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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 29 avril 1998

• 1530

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Bienvenue. Avant de commencer, je vous signale que nous avons ici 25 étudiants du Forum pour jeunes Canadiens, qui représentent des communautés de partout au Canada, si j'ai bien compris. Ils sont accompagnés par Mme Auclair, la coordonnatrice du programme. Je vous souhaite à tous la bienvenue.

Je vais prendre quelques minutes pour vous dire ce que vous savez peut-être déjà: vous êtes au Comité permanent de la Justice et des droits de la personne et nous examinons aujourd'hui les budgets de dépenses. Il s'agit des budgets de chaque ministère et de chaque société d'État ou organisme d'un ministère. Nous examinons le budget mais avec notre témoin d'aujourd'hui, vous entendrez peut-être parler moins d'argent que d'autres choses. C'est une occasion pour les parlementaires de se pencher chaque année sur les divers ministères.

Nous recevons aujourd'hui, du Service correctionnel du Canada, le commissaire, M. Ole Ingstrup, et le secrétaire corporatif, Richard Clair. Le Service correctionnel du Canada fait partie du ministère du Solliciteur général du Canada. Le Service correctionnel s'occupe principalement du programme des prisons et des programmes fédéraux de libérations conditionnelles; plus précisément, il s'occupe des détenus qui sont condamnés pour deux ans ou plus, dans une prison fédérale. Il traite donc avec des durs de durs.

Quoi qu'il en soit, je suis convaincue que si vous êtes encore là quand nous lèverons la séance, les députés seront plus que ravis de vous parler. Pour que vous sachiez qui est ici, je vais pour présenter les membres du comité.

Voici Jack Ramsay, le porte-parole de la justice pour le Parti réformiste. Auparavant, M. Ramsay était un expert-conseil et c'est son deuxième mandat au Parlement. Il a aussi été autrefois un agent de la GRC.

M. Peter Mancini est le porte-parole néo-démocrate pour la justice et les droits de la personne. M. Mancini travaillait pour le programme d'aide juridique de la Nouvelle-Écosse, au Cap-Breton.

Peter MacKay est aussi néo-écossais. Il est le porte-parole pour la justice des conservateurs mais il est aussi leader à la Chambre, ce qui signifie qu'il s'occupe des affaires des conservateurs à la Chambre des communes. Ces jours-ci, il est très occupé. Il était autrefois procureur de la Couronne, c'est-à-dire qu'il faisait des procès, en Nouvelle-Écosse aussi, mais sur le continent. Vous êtes d'Antigonish, n'est-ce pas? Ah oui, de Pictou.

Voici maintenant Paul DeVillers. Paul était aussi avocat avant sa vie publique. Il est le secrétaire parlementaire de Stéphane Dion, le ministre des Affaires intergouvernementales.

Il y a aussi Andrew Telegdi, qui dirigeait autrefois un programme appelé Youth in Conflict with the Law dans la région de Kitchener—Waterloo, soit un programme de vérification des libérations sous caution. Cela signifie que son bureau supervisait les personnes inculpées, qui étaient en libération sous caution avant d'être soit condamnées ou acquittées. Ainsi, on incarcère moins de gens.

M. Marceau vient d'arriver. M. Marceau est membre du Bloc québécois et avocat. De quelle ville?

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Charlesbourg.

La présidente: Bien.

Je m'appelle Shaughnessy Cohen et je suis présidente du comité. J'étais avocate au criminel et je suis ici depuis 1993. Je suis de Windsor, en Ontario, le centre de l'univers. Retenez bien ça; il y aura un examen là-dessus.

Monsieur Ingstrup, vous connaissez certainement la procédure.

Commissaire Ole Ingstrup (Service correctionnel du Canada): Merci beaucoup, madame la présidente et honorables membres du comité. Je suis en effet ravi de comparaître de nouveau devant vous, pour vous parler cette fois des plans et priorités et du rendement du Service correctionnel du Canada pour l'année écoulée et l'année qui commence.

• 1535

Comme indiqué dans le Document sur les plans et priorités du Service correctionnel du Canada, la priorité du Service est d'accroître la sécurité publique en assurant la réinsertion des délinquants dans la communauté de façon efficace, en temps opportun et sans porter atteinte à la sécurité. Ce but est inscrit dans notre Énoncé de mission et constitue notre mandat, en vertu de l'article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Au cours de la dernière année, le SCC a tout mis en oeuvre pour progresser dans l'accomplissement de son mandat.

Mais avant de vous faire part de nos progrès, j'aimerais dire quelques mots au sujet de la criminalité au Canada et des tendances en matière d'incarcération.

Selon Statistique Canada, le taux de criminalité au Canada a connu une baisse pendant cinq années consécutives, nous ramenant pratiquement au taux de 1986. Plus spécifiquement, le taux de criminalité impliquant de la violence a chuté de 13 p. 100 depuis 1991.

[Français]

Malgré la baisse du taux de criminalité, le taux d'incarcération au niveau fédéral n'a pas diminué. Au cours de la période de cinq ans allant de 1989-1990 à 1994-1995, la population des délinquants fédéraux a connu une augmentation très rapide d'à peu près 22 p. 100. Ce taux de croissance est le double de la moyenne historique. Heureusement, le niveau de la population des délinquants a commencé à descendre depuis qu'il a atteint son sommet en 1994 et 1995, et le système correctionnel semble maintenant émerger de cette période de croissance inhabituelle.

Aujourd'hui, le Canada compte 13 000 délinquants fédéraux qui sont incarcérés et environ 7 300 délinquants qui sont sous une forme de libération sous condition dans la communauté. Cette situation peut être améliorée. Environ la moitié des personnes qui sont présentement incarcérées ont dépassé leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle.

De plus, le document de consultation concernant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition nous a permis de constater une baisse constante dans l'utilisation des mises en liberté discrétionnaires, et une hausse importante du nombre de délinquants maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine.

[Traduction]

Mais nous avons aussi de bonnes nouvelles à vous communiquer. Au cours de la dernière période, entre 1975 et 1985, il y a eu environ 43 000 délinquants qui ont été mis en liberté. Nous avons suivi ces délinquants et constaté que près de huit délinquants sur dix ayant reçu une libération conditionnelle totale n'ont pas récidivé. Près de huit sur dix ayant reçu une libération d'office, après avoir purgé au moins deux tiers de la peine, libération anciennement connue sous le nom de surveillance obligatoire, n'ont pas récidivé. Ces données représentent un taux moyen de récidive d'environ 17 p. 100.

La seule façon pour moi d'interpréter ces données, madame la présidente, c'est que le SCC contribue de façon considérable à la protection des Canadiens et des Canadiennes.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous mettons tout en oeuvre pour accroître la réinsertion sociale des délinquants en temps opportun et sans porter atteinte à la sécurité. L'approche que nous avons adoptée, pour atteindre ce but, consiste à concentrer nos efforts sur des interventions réalisées au moment propice, afin de s'assurer que les délinquants sont préparés pour une mise en liberté sûre le plus tôt possible. Cette approche touchera principalement les détenus à faible risque.

• 1540

Cela n'est pas nouveau, mais correspond aux conclusions du chapitre 30 du rapport du vérificateur général de 1996 dont j'ai eu l'occasion de discuter avec certains d'entre vous au Comité des comptes publics.

Nous examinons plusieurs façons de procéder. D'une part, en augmentant la motivation des délinquants à participer aux programmes, à réussir ces programmes et à donner un bon rendement. Une autre façon est d'intensifier la préparation des cas, les mises en liberté dans la communauté et la surveillance.

Je puis vous assurer, madame la présidente, que le SCC a entrepris plusieurs démarches afin d'améliorer son rendement dans chacun de ces secteurs. Nous nous sommes particulièrement attardés à la façon dont chacun de ces secteurs ou activités appuie la réinsertion sociale sans porter atteinte à la sécurité. Nous constatons des progrès.

Nous faisons une meilleure utilisation de notre capacité d'hébergement en établissement à sécurité minimale. Il n'en est pas résulté d'augmentation du nombre d'évasions ou de crimes commis par des détenus, et c'est ce qui est important.

Nous faisons une meilleure utilisation des semi-libertés et des placements à l'extérieur dans le cadre de la réinsertion sociale graduelle. Nous avons maintenant des postes de gestionnaires de la réinsertion sociale, et j'ai eu l'occasion de m'attarder là-dessus devant le Comité des comptes publics, dans chacun des établissements afin de cerner et d'éliminer les obstacles à la préparation des délinquants en vue de leur mise en liberté, sans porter atteinte à la sécurité.

Nous avons renforcé l'importance de mettre au coeur des efforts du personnel notre objectif de réinsertion sociale sans porter atteinte à la sécurité. La description d'emploi des agents de liberté conditionnelle en établissement a été remaniée en ce sens.

Nous avons également ajusté le volume de cas de nos agents de liberté conditionnelle en établissement. Le ratio est maintenant de 1 agent pour 25 délinquants. Cela s'applique maintenant à l'ensemble du pays.

L'évaluation du risque est l'un des secteurs principaux où nous continuons d'investir nos énergies, particulièrement en ce qui concerne les délinquants à risques élevés. Des pays de partout au monde s'intéressent aux travaux du SCC en matière d'évaluation du risque et de gestion du risque, du fait que nous sommes à l'avant-garde de la recherche dans ce domaine. Personne ne peut prédire ou changer le comportement humain en toutes circonstances, mais ces outils, qui nous aident aussi à déterminer le genre de programmes et les autres formes d'aide dont le délinquant a besoin, sont continuellement retouchés et améliorés.

Le Canada est aussi, madame la présidente, un leader dans le domaine des programmes correctionnels, dans des secteurs tels que la formation de compétences cognitives et la recherche de «ce qui fonctionne» pour les délinquants. Par exemple, dans le cadre de travaux de recherche récents, on a suivi, sur une période de six à dix ans, des délinquants sexuels qui ont reçu des traitements et des délinquants sexuels qui n'en ont pas reçu. Plusieurs de ces délinquants ont terminé leur sentence. Ces recherches ont révélé que les programmes de traitement réduisent de 50 p. 100 le taux de récidive sexuelle.

L'an dernier, on a enregistré un peu plus de 58 000 inscriptions aux divers programmes offerts aux délinquants. Afin de nous assurer que nous préservons notre leadership dans ce domaine, que nos programmes sont bien à la pointe du progrès et qu'ils sont offerts correctement, nous avons mis sur pied un processus d'agrément international, comprenant des experts du Canada, du Danemark, de l'Écosse, de la Grande-Bretagne et des États-Unis, ainsi que des représentants de la Fondation NECHI, qui est un organisme de traitement de la toxicomanie pour les autochtones, situé à Edmonton.

Ces experts, qui n'appartiennent pas au SCC, considèrent nos programmes de deux points de vue. Tout d'abord, ils étudient le programme proprement dit. Est-il à la fine pointe? Est-ce qu'il atteint le niveau requis? La deuxième perspective est l'agrément du milieu. Les personnes chargées de l'exécution du programme sont-elles suffisamment efficaces? Les conditions dans lesquelles le programme se déroule sont-elles de nature à entraîner une amélioration du comportement du contrevenant? Nous espérons que tous les programmes correctionnels auront reçu cet agrément d'ici l'an 2000.

• 1545

Madame la présidente, un autre secteur sur lequel nous concentrons nos efforts est la mise au point d'une stratégie pour les femmes détenues de niveau de sécurité maximale et pour celles qui ont des besoins spéciaux. Présentement, nos nouveaux établissements régionaux pour femmes répondent aux besoins de 85 p. 100 des délinquantes. Nous sommes sur le point de déterminer la meilleure façon de procéder pour l'autre 15 p. 100. Il est important de se souvenir que, il y a à peine quelques années, 100 p. 100 des délinquantes étaient placées dans un établissement à sécurité maximale, soit la prison des femmes. Aujourd'hui, nous avons réduit cette proportion à 15 p. 100. Et je suis heureux de pouvoir vous dire que les établissements régionaux à sécurité moyenne fonctionnent de façon très satisfaisante actuellement. Il y a eu quelques dérapages au début, mais nous les avons surmontés.

[Français]

Le Service correctionnel du Canada s'est aussi donné comme défi d'augmenter considérablement le nombre de délinquants autochtones qui réintègrent la communauté avec succès et sans porter atteinte à la sécurité.

Présentement, nous avons une grande proportion des délinquants autochtones qui demeurent en prison plus longtemps qu'ils ne le devraient, qui renoncent aux examens de libération conditionnelle totale, qui connaissent davantage de révocations, etc. Le Service considère de la plus haute importance d'avoir des établissements qui sont sûrs et sécuritaires.

Comme vous le savez, le Solliciteur général du Canada a annoncé jeudi dernier que nous engagerons environ 1 000 agents correctionnels de plus. Ces ressources additionnelles nous permettront de mieux favoriser la réinsertion sociale sûre des délinquants par une gestion plus efficace du risque et de la croissance de la population des délinquants, et deuxièmement, d'améliorer la santé, la sûreté et la sécurité des employés du Service, des délinquants et aussi des membres du public qui visitent les établissements.

[Traduction]

Au cours de la dernière année, nous avons aussi eu à composer avec des problèmes et des incidents tragiques qui ont exigé notre plus grande attention. Vous avez beaucoup entendu parler de certains de ces cas; particulièrement, les cas des délinquants Hector et Russell. Nous devons avoir la sagesse et la force de distinguer ces incidents, de les voir comme des écarts de la norme, qui est la réinsertion sociale sûre des délinquants.

Nous ne devons pas négliger ces incidents; il nous faut plutôt en tirer des leçons. Nous ne devons pas démanteler le système, mais vérifier s'il est toujours solide. Chaque incident—et je tiens à l'affirmer sans détour—est une tragédie qui mérite qu'on s'y attarde de façon spéciale.

En terminant, je tiens à mentionner que le SCC continuera de tout mettre en oeuvre pour accomplir son mandat de contribuer à la protection de la société. Je crois que nous avons maintenant le personnel, les outils, le savoir-faire et toutes les ressources nécessaires pour remplir ce mandat avec confiance.

Nous ne sommes pas parfaits, madame la présidente, mais nous sommes extrêmement fiers d'être l'un des services correctionnels les plus efficaces au monde, et cela grâce, entre autres, à notre recherche constante de programmes et de pratiques qui fonctionnent.

Madame la présidente, mes observations préliminaires se terminent là-dessus. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions et à celles des membres du comité.

La présidente: Merci, monsieur Ingstrup.

• 1550

Pouvez-vous me signaler si vous avez des questions à poser, de façon que je puisse constituer une liste?

Monsieur Ramsay, commençons par vous; vous avez dix minutes.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Bien. Merci beaucoup, madame la présidente.

Monsieur Ingstrup, je vous remercie de vous être déplacé pour nous informer et pour nous donner l'occasion de vous consulter, dans votre grande sagesse, sur certains des problèmes auxquels le Service correctionnel se trouve confronté et qui résultent des effets de la criminalité sur notre société.

Vous avez dit que le système n'est pas parfait. Ce manque de perfection comporte un coût sociétal assez élevé, car une certaine proportion des personnes mises en libération conditionnelle anticipée ou en liberté d'office continuent de commettre des infractions. Avez-vous des statistiques sur le nombre de meurtres, d'agressions sexuelles et d'agressions qui se sont produits depuis un an, disons à partir du 1er avril, au début du dernier exercice financier? Avez-vous ces données?

Comm. Ole Ingstrup: Oui, j'ai quelques chiffres par devers moi. Pendant que nous les consultons, monsieur Ramsay, je peux vous dire que les incidents que nous considérons comme vraiment sérieux—non pas que nous ne prenions pas tous les incidents au sérieux, mais il y en a d'extrêmement sérieux, comme les meurtres, les prises d'otage, les agressions sexuelles et les crimes de ce genre—diminuent de façon très importante depuis quatre ou cinq ans.

En y incluant les meurtres, les tentatives de meurtre, les infractions sexuelles, les agressions graves, les prises d'otage, les vols à main armée, les infractions graves en matière de trafic de drogues et les incendies volontaires, on atteint un total de 188 incidents pour l'exercice financier 1997-1998, alors que ce total était de 256 en 1994-1995 et se situait à environ 240 il y a six ou sept ans.

M. Jack Ramsay: Pour la gouverne des membres du comité et de nos invités, pouvez-vous nous donner les chiffres correspondant aux quatre crimes les plus graves, soit les meurtres, les agressions sexuelles, les agressions et les vols à main armée?

Comm. Ole Ingstrup: Je n'ai malheureusement pas les chiffres correspondant aux meurtres, mais je pourrais vous les obtenir. Il y a un certain nombre de meurtres...

M. Jack Ramsay: J'essaye évidemment d'établir le fondement des questions que je voudrais poser à propos du système des libérations conditionnelles et des conséquences des erreurs commises par cette commission. Ces dernières années, il y a eu en moyenne 15 meurtres par an. Ce chiffre est peut-être en baisse, mais pas de beaucoup.

Comm. Ole Ingstrup: C'est à peu près cela.

M. Jack Ramsay: Si je considère tous les avantages de la libération conditionnelle par rapport à ce prix très élevé, rien qu'en ce qui concerne les meurtres, soit 15 innocents qui meurent victimes d'individus auxquels la Commission accorde une libération conditionnelle anticipée—c'est un prix très élevé que l'on impose à la société au nom des libérations conditionnelles.

Je voudrais vous poser la question suivante: au cours du colloque de Kingston, auquel vous avez eu l'amabilité de nous inviter, mon collègue Chuck Cadman et moi, nous avons entendu un certain nombre d'experts internationaux du système pénal. L'un des messages que j'ai rapportés de ce colloque, c'est qu'une fois que la Commission des libérations conditionnelles a décidé, même par erreur, de libérer un individu, le dernier espoir de protéger malgré tout la société, c'est qu'un agent des libérations conditionnelles surveille les activités de cet individu.

• 1555

Le représentant de l'Utah a dit très clairement que le régime de cet État bénéficie de l'appui massif de la majorité de ses citoyens, et il a expliqué pourquoi. Lorsqu'un détenu est mis en libération conditionnelle, il est obligé de conclure un accord contractuel dont il accepte les conditions, par exemple, de se présenter aux autorités carcérales à certaines dates, de ne jamais fréquenter les bars, de ne pas boire, etc. Si l'individu enfreint l'une de ces conditions, il est réincarcéré immédiatement. Il n'a pas besoin de commettre une infraction, s'il enfreint l'une des conditions de l'accord, il retourne aussitôt en prison.

Ce n'est pas ce qui se passe au Canada. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait mettre en oeuvre un système du même genre, de façon que toute infraction aux conditions de la libération conditionnelle entraîne immédiatement une incarcération de l'individu? Ne pensez-vous pas qu'il faille s'orienter dans cette direction si l'on veut réduire encore la criminalité, qui coûte si cher à la société chaque année?

La présidente: Avant d'inviter M. Ingstrup à répondre, je signale à nos collègues que la sonnerie que l'on entend est un appel de quorum, et non pas l'annonce d'un vote. Je tiens à faire baisser le niveau de tension.

M. Jack Ramsay: Comment le savez-vous?

La présidente: M. White vient de me le dire.

M. Jack Ramsay: Ah, il ne me l'a pas dit.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Il s'agit d'un décompte aux fins du quorum, Jack.

M. Jack Ramsay: D'accord.

La présidente: Allez-y, monsieur Ingstrup.

Comm. Ole Ingstrup: Je ne suis pas certain que la question soit formulée dans les meilleurs termes. Je regrette de le dire, car c'est votre question. Je sais bien que je suis ici pour répondre, mais lorsque vous dites que le prix à payer pour les libérations anticipées est de 15 meurtres supplémentaires par an, je ne suis pas certain que votre hypothèse soit totalement exacte. Je vous dis cela parce qu'il semble qu'on doive en déduire que si les individus en question restaient en détention jusqu'au dernier jour de leur sentence avant d'être libérés, aucun d'entre eux ne commettrait de crime.

Je ne suis pas certain que le total des meurtres dans notre société n'augmenterait pas si les périodes de détention étaient plus longues. Je ne nie pas que l'on pourrait de temps en temps prendre une meilleure décision; nous en avons déjà parlé il y a quelques mois, à l'occasion d'un exemple concret. Je parle de façon générale et je dis qu'à mon avis, l'hypothèse selon laquelle le nombre de meurtres diminuerait si les détenus restaient incarcérés jusqu'à la fin de leur sentence, n'est pas exacte.

Il est vrai que ces 15 meurtres ne se seraient pas produits au moment où ils se sont produits, mais si l'ensemble de la population est plus violente, ces meurtres supplémentaires risquent tout simplement de se produire plus tard.

C'est notamment ce qu'a dit le vérificateur général dans son rapport: ce qui est important d'un point de vue correctionnel, c'est d'adopter une perspective à long terme. Il affirme que la personne qui subit une menace ne se demande pas si la sentence de son agresseur est arrivée ou non à expiration. La victime se préoccupe uniquement de la menace.

Voilà un premier élément. Je ne pense pas qu'on puisse apporter de réponse toute faite à votre question, mais il est évident que notre objectif est de réduire la criminalité dans toute la mesure du possible.

M. Jack Ramsay: Eh bien, dans ce cas, je vous demanderai ceci: vous avez dit dans votre exposé que la criminalité avait diminué de 13 p. 100 tandis que le taux d'incarcération avait grimpé de 23 p. 100. À votre avis, ces statistiques ne donnent-elles pas une indication précise?

Pour moi, elles signifient que la prolongation des incarcérations a fait baisser le taux de criminalité. Nous savons que ce n'est qu'une petite partie des délinquants qui récidivent, et il semble que s'ils restent plus longtemps en prison, c'est peut-être ce qui explique partiellement cette diminution de 13 p. 100.

Comm. Ole Ingstrup: Je pense qu'il faut être très prudent avant d'en venir à une telle conclusion.

Plusieurs études menées aux États-Unis en particulier, où le taux d'incarcération fluctue grandement, montrent clairement qu'il semble y avoir très peu de lien entre le nombre de crimes commis dans une société et le nombre de détenus.

• 1600

Si vous me le permettez, j'aimerais vous fournir des statistiques qui se rapportent directement à la question très importante que vous avez soulevée, monsieur. Les premières statistiques portent sur le nombre de délits commis dans ce pays par des contrevenants ayant purgé une peine dans un pénitencier fédéral. J'ai moi-même été surpris par ces chiffres.

En 1996, la police a fait enquête au Canada sur 2,7 millions de délits. Sur ce nombre, pour chaque tranche de 10 000 délits violents commis, sept étaient attribuables à des contrevenants provenant de pénitenciers fédéraux. En 1996, deux agressions sexuelles par tranche de 10 000 agressions avaient été commises par des contrevenants issus des pénitenciers fédéraux.

Il ne faut pas en déduire que nous ne nous préoccupons pas de ce que font ces deux contrevenants. Cela signifie simplement qu'on ne peut pas, à mon avis, tirer la conclusion que le taux de criminalité diminuera beaucoup au Canada si nous incarcérons plus de gens.

Parlons maintenant des délits contre la propriété, des délits liés au trafic des drogues et des autres types de délits. La proportion de ces délits commis par des contrevenants provenant de pénitenciers fédéraux est respectivement de deux sur 10 000, huit sur 10 000 et quatre sur 10 000.

Il ressort donc de ces statistiques que certaines questions doivent être finalement posées.

Vous avez posé une autre question, monsieur Ramsay, au sujet des conditions dans les contrats. J'ai aussi été fort impressionné par le président de la Commission des libérations conditionnelles de l'Utah. Je crois que notre système des libérations conditionnelles se rapproche du système de l'Utah. Dans notre système, le contrevenant doit aussi accepter les conditions fixées pour sa libération et signer un document qui le confirme. Les conditions qui sont d'ailleurs fixées pour les libérations conditionnelles, qu'il s'agisse de la libération conditionnelle totale ou de la libération d'office, sont nombreuses.

En fait, les statistiques montrent que deux fois plus d'ex-détenus des pénitenciers fédéraux sont réincarcérés parce qu'ils ont enfreint l'une des conditions de leur libération conditionnelle ou de leur libération d'office que parce qu'ils ont commis un nouveau crime.

Nous sommes donc assez durs envers ceux qui ne respectent pas les conditions de leur libération. Dans le fond, je pense que les principes sur lesquels reposent nos deux systèmes sont à peu près les mêmes, mais l'explication qui a été donnée était très attirante.

M. Jack Ramsay: Il semblerait que leur fiche de route soit meilleure que la nôtre.

Comm. Ole Ingstrup: J'en doute. Je conviens avec vous que cela semble être le cas, mais je doute que ce soit la réalité.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Ramsay.

Monsieur Marceau, vous avez 10 minutes.

[Français]

M. Richard Marceau: Je vous remercie, commissaire, d'être venu ici aujourd'hui. Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai visité quelques établissements correctionnels au cours de la dernière année. Un des éléments mentionnés le plus souvent par les détenus était le problème de la double occupation de cellules qui étaient prévues au départ pour une seule personne. J'aimerais savoir si vous avez des statistiques sur leur nombre au Québec et également dans l'ensemble du Canada et si vous pouvez nous les communiquer.

Comm. Ole Ingstrup: Je ne pense pas avoir les chiffres exacts pour le Québec, mais je peux les trouver. Dans l'ensemble du Canada, il y a environ 3 000 personnes sur les 13 000 ou 13 500 détenus qui sont en double occupation. Ça veut dire qu'il y a deux personnes dans une cellule qui a été construite pour une personne.

• 1605

Ensuite on a un peu moins de 1 000 détenus qui partagent une cellule avec un autre détenu, mais une cellule qui a été construire pour deux personnes. Nous avons donc environ 4 000 détenus dans ce cas. Mais la situation est plus acceptable pour ces 1 000 détenus que pour les 3 000 autres.

M. Richard Marceau: On parle de 3 000 sur 13 000?

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Richard Marceau: Donc, ça fait environ 22 p. 100.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Richard Marceau: C'est énorme.

Comm. Ole Ingstrup: C'est vrai. On espère qu'en utilisant mieux les programmes de réinsertion sociale ainsi que le système de libérations conditionnelles, on pourra réduire le nombre total de détenus et éviter de construire des institutions pénitentiaires additionnelles.

M. Richard Marceau: On passerait de 3 000 à combien, et en combien de temps? Vous avez sûrement des projections dans le temps.

Comm. Ole Ingstrup: Nous pensons que, si rien d'autre ne change et si la tendance historique continue, nous allons avoir, dans les 10 années à venir, une augmentation de la population carcérale d'environ 1,5 à 2 p. 100 par année. Mais, comme je viens juste de le dire, nous avons entrepris un processus de réinsertion sociale un peu plus agressif et systématique, comme l'a recommandé également le vérificateur général, et nous espérons obtenir une réduction du nombre total des détenus sur le plan fédéral. Je dois dire qu'il y a un peu de lumière au bout du tunnel. Il y a deux ans, on avait 14 000 détenus alors qu'on en a actuellement environ 13 000. C'est donc un progrès.

M. Richard Marceau: Je ne suis pas sûr d'avoir tout à fait compris. Vous avez parlé d'une augmentation de 1,5 à 2 p. 100 de la population carcérale, mais les projections dont je parlais concernaient la double occupation. Il y a maintenant 3 000 détenus sur 13 000 qui sont en double occupation et qui ne devraient pas l'être, n'est-ce pas? Et vous dites que vous mettez en place des programmes de réinsertion sociale pour faire baisser ce chiffre. Dans le meilleur des cas, ce chiffre devrait être à zéro puisque ces cellules ont été construites pour une seule personne.

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Richard Marceau: Alors, je vous demande dans combien de temps on passera de 3 000 personnes qui sont en situation de double occupation à 0 personne en double occupation grâce aux programmes dont vous me parlez.

Comm. Ole Ingstrup: On n'a pas, à l'heure actuelle, de projections définitives, mais j'espère que cela va venir. Il est certain que cela va prendre beaucoup de temps. Ça va prendre des années. Mais ce qui est encourageant, dans cette optique-là, c'est le fait que la moitié des détenus sur le plan fédéral qu'on a présentement ont passé leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Cela veut dire qu'un grand nombre de détenus ont la possibilité d'obtenir une réintégration sociale. Il est quand même encore un peu tôt pour vous donner des prévisions exactes.

M. Richard Marceau: Vous convenez avec moi que ce problème de double occupation n'est pas seulement un problème pour les détenus eux-mêmes. Étant régulièrement une cause de violence, c'est aussi un problème pour les agents correctionnels et leur sécurité.

Comm. Ole Ingstrup: On n'a pas eu énormément d'augmentation du taux de violence entre les détenus à cause de ce problème. D'autre part, comme vous le savez, nous allons embaucher 1 000 agents correctionnels supplémentaires. À l'heure actuelle, le nombre d'agents correctionnels dans les unités à double occupation est plus élevé que dans les unités à occupation simple.

M. Richard Marceau: Vous n'êtes pas sans savoir que partout au Canada, et en particulier au Québec, comme on l'a vu dans les médias, on a un problème avec le crime organisé, spécialement avec les bandes de motards. On a remarqué que des groupes de motards qui se vouent une haine éternelle se trouvent dans le même établissement. Y a-t-il une politique mise en place pour éviter ce genre de situation et sinon, est-ce qu'il y a une politique à l'intérieur pour éviter que ces gens-là se rencontrent?

• 1610

J'ai personnellement parlé avec des agents correctionnels et j'ai appris qu'il fallait être vigilant et fermer immédiatement la porte lorsqu'on faisait passer ces détenus du corridor A au corridor B parce qu'ils peuvent sauter l'un sur l'autre et se battre.

Comm. Ole Ingstrup: Je pense qu'à l'heure actuelle, on a environ 1 000 détenus qui font partie de bandes organisés. Il y a différents niveaux évidemment. Ce ne sont pas tous des motards. Il y a aussi des groupes autochtones et toutes sortes d'autres groupes. On a donc environ 1 000 personnes de ce genre et il nous est possible, sans difficulté excessive, de séparer les groupes qui ne doivent pas être ensemble.

M. Richard Marceau: Ils sont séparés à l'intérieur d'un même établissement ou dans des établissements différents?

Comm. Ole Ingstrup: En fait, un peu les deux. Il y a des établissements qui sont assez grands et qui sont construits de telle sorte qu'on peut garder les deux groupes à l'intérieur de la même institution sans qu'ils aient de contact. Dans d'autres institutions, on ne peut pas le faire. C'est donc quelque chose que l'on fait selon les conditions qui existent.

Aujourd'hui, au Québec, il y a des institutions où on a deux groupes de motards dans les mêmes institutions sans qu'il y ait de contact entre eux et sans grands problèmes. Les agents correctionnels doivent observer les mouvements soigneusement, et il est rare qu'il se passe quelque chose.

M. Richard Marceau: D'accord. Vous parliez tout à l'heure de l'annonce du recrutement de 1 000 agents correctionnels de plus par le solliciteur général.

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Richard Marceau: Est-ce que ces 1 000 personnes seront des agents titulaires ou des contractuels?

Comm. Ole Ingstrup: Ils seront fonctionnaires.

M. Richard Marceau: Ce seront des fonctionnaires.

Comm. Ole Ingstrup: Ils seront fonctionnaires. Cela va nous prendre environ trois ans parce que nous recruterons d'abord 325 agents cette année, 575 agents l'année prochaine, et le reste l'année suivante. Mais ils seront tous fonctionnaires.

M. Richard Marceau: Quelle sera la répartition géographique de ces 1 000 agents?

Comm. Ole Ingstrup: Nous sommes en train d'étudier les besoins qui existent présentement dans les institutions, parce que ces besoins sont différents selon les endroits. Nous sommes donc en train d'étudier exactement comment répartir ces agents et quelles instructions doivent recevoir les premiers agents correctionnels. Pour l'instant, les décisions ne sont pas encore prises.

Je pense que la répartition sera relativement égale entre les cinq régions, mais à l'intérieur des régions, il faudra considérer les besoins de chaque institution.

M. Richard Marceau: Quand on parle de 1 000 agents de plus, est-ce qu'on parle d'engager les contractuels qui travaillent déjà à temps partiel pour boucher les trous? Est-ce qu'ils comptent parmi ces 1 000 personnes dont on parle ou est-ce que ce seront 1 000 autres personnes qui vont être engagées?

Comm. Ole Ingstrup: Il y aura des deux. On aura 1 000 années-personnes additionnelles. On espère qu'on pourra utiliser les gens qui travaillent déjà à temps partiel pour nous mais qui ne sont pas des employés du Service correctionnel du Canada. Comme ils ont quand même reçu la formation de base, la plupart d'entre eux peuvent devenir des fonctionnaires, d'autant plus que c'est un groupe qui, en général, travaille très bien.

M. Richard Marceau: Vous avez dit qu'on inclurait les employés qui sont pour le moment des contractuels. Je voudrais donc savoir combien de nouveaux postes on va créer et combien de nouvelles personnes qui n'étaient pas dans le système vont arriver.

Comm. Ole Ingstrup: Mille personnes.

M. Richard Marceau: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, mais je reviendrai plus tard parce que j'ai déjà utilisé le temps qui m'était imparti.

Comm. Ole Ingstrup: Je peux vous envoyer les données, si vous le voulez.

M. Richard Marceau: Oui, j'apprécierais.

Comm. Ole Ingstrup: Très bien. Nous allons le faire.

M. Richard Marceau: Votre secrétaire s'occupe de cela?

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie. Si vous transmettez ces documents au greffier, il veillera à les distribuer à tous les membres du comité.

Comm. Ole Ingstrup: J'y verrai.

La présidente: Monsieur Mancini, vous avez 10 minutes.

• 1615

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Je vous remercie, madame la présidente.

Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je suis heureux de lire votre rapport et je suis aussi heureux de vous entendre dire que notre système correctionnel est considéré comme l'un des meilleurs au monde.

Cela étant dit, comme mon collègue M. Marceau, j'ai déjà visité certains des pénitenciers fédéraux. J'ai notamment visité—et j'y reviendrai—le P4W à Kingston, soit la prison pour femmes. Je suis sûr que la plupart des membres de ce comité l'ont aussi déjà visité. Margaret Atwood s'est peut-être inspirée de ce pénitencier dans son livre Alias Grace. C'est un établissement vétuste qui a de nombreux problèmes. Je m'inquiète particulièrement des femmes que j'ai rencontrées qui souffrent de certains problèmes médicaux.

J'aimerais donc vous poser quelques questions au sujet des femmes détenues. Il y a à l'heure actuelle un certain nombre de femmes qui sont incarcérées dans des prisons pour hommes au pays. Pouvez-vous me dire quand ces femmes seront transférées dans un autre établissement, où elles seront transférées et dans quelles conditions cela se fera?

Comm. Ole Ingstrup: Je serais heureux, madame la présidente, de vous transmettre mes réflexions sur le sujet parce que la réponse à cette question n'est pas simple.

M. Peter Mancini: Je le sais.

Comm. Ole Ingstrup: Pour replacer les choses dans leur contexte, je dois vous faire un bref historique de la situation.

Nous voulions, et j'étais de ceux-là, parce que j'étais déjà commissaire à l'époque... Nous nous préoccupions des conditions de détention des femmes à la prison pour femmes. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque, toutes les femmes étaient incarcérées à cette prison.

On a conclu à un moment donné un contrat avec la province de la Colombie-Britannique et un certain nombre de femmes de l'ouest du Canada ont été transférées dans l'établissement pour femmes de cette province. Cette entente semble convenir tant pour les femmes qui exigent une sécurité moyenne que pour celles qui exigent une sécurité maximale. Je pense qu'il ne fait aucun doute que les conditions de détention de ces femmes sont bonnes et qu'elles sont traitées comme il convient qu'elles le soient.

Lorsque le gouvernement a accepté—et tant un gouvernement conservateur qu'un gouvernement libéral l'ont fait—les principales conclusions du rapport du groupe de travail intitulé Créer des choix et a décidé de construire des établissements régionaux, nous avons construit des établissements à Truro en Nouvelle-Écosse, à Joliette au Québec, à Kitchener en Ontario et à Edmonton en Alberta. Ces établissements étaient des établissements à sécurité moyenne pour les détenues fédérales. Nous avons construit ensuite une unité spécialisée dont je suis extrêmement fier et dont je pense que les Canadiens devraient être très fiers, soit l'établissement Okimaw Ohci dans les collines Sacred Cypress dans le sud-ouest de la Saskatchewan près de Maple Creek qui accueille des femmes autochtones.

Ces établissements fonctionnaient très bien, mais je m'inquiétais personnellement du fait qu'on place dans ces établissements des femmes dangereuses ainsi que des femmes ayant de graves problèmes de santé mentale. Nous avons vu ce que cela a donné à l'établissement pour femmes d'Edmonton. J'ai parlé de la situation avec les employés, je me suis reporté à ma propre expérience comme professionnel du système correctionnel, j'ai aussi discuté avec les femmes détenues, et tout le monde semblait s'entendre pour dire que si nous transférions des femmes exigeant une sécurité maximale ou des femmes ayant de graves problèmes de santé mentale dans ces établissements, nous les détruirions. J'ai pris cela très au sérieux.

Le succès avec lequel nous sommes parvenus à gérer ces établissements à sécurité moyenne est devenu une source de problèmes pour nous. Les femmes ne représentent que 15 p. 100 de la population carcérale, mais nous avons voulu qu'elles soient incarcérées aussi près que possible de leurs familles, de leurs foyers et de leurs systèmes de soutien. Nous devions aussi nous assurer que ces femmes soient incarcérées pendant un certain temps dans un établissement à sécurité maximale où elles recevraient le traitement voulu. Ce que nous avons donc décidé de faire—et c'est moi qui ai pris cette décision—était de construire des unités spéciales au sein des établissements existants pour accueillir ces femmes avec l'objectif de les transférer dès que possible dans des établissements à sécurité moyenne.

• 1620

Au pénitencier de la Saskatchewan, nous avons construit une unité distincte pour les femmes détenues. Nous avons fait la même chose à l'établissement de Springhill qui compte maintenant une petite unité pour les femmes. Nous avons construit une autre unité spéciale au Centre psychiatrique régional à Saskatoon ainsi qu'une unité spéciale au-dessus du Centre psychiatrique régional dans l'enceinte du pénitencier de Kingston. Nous avons construit une unité spéciale au deuxième étage pour les femmes détenues dont j'ai parlé.

Nous comptions à cette époque transférer les femmes incarcérées au pénitencier de Kingston à cette unité parce que nous avions pu constater au Centre psychiatrique régional en Saskatchewan ainsi qu'au pénitencier de la Saskatchewan que certaines de ces femmes pouvaient assez rapidement s'intégrer à des établissements à sécurité moyenne.

Nous comptions faire la même chose à Kingston, mais deux ou trois femmes du pénitencier de Kingston, appuyées par la Société Elizabeth Fry, ont intenté un procès contre nous et il est devenu évident que nous avions de bonnes chances de le perdre. Ces femmes soutenaient que nous n'étions pas habilités à les transférer à cet établissement.

C'est pourtant une pratique courante dans le monde entier. Dans de nombreux pays, il n'y a pas d'établissements carcéraux distincts pour les hommes et pour les femmes. Qui suis-je cependant pour dire que le Canada devrait faire comme le reste des autres pays? Ce n'était certainement pas l'avis du juge et nous avons donc décidé pour éviter un procès après l'autre de conserver les femmes à la prison pour femmes et de trouver une autre solution au problème.

Je regrette de mettre autant de temps à répondre à votre question, mais il n'est pas facile de trouver une solution à ce problème. Je crois que tant le gouvernement que moi-même serions réticents à faire construire une nouvelle prison pour les femmes qui servirait de modèle pour nous retrouver dans 20 ans avec une autre prison pour les femmes.

La présidente: À moins que vous ne la construisiez à Windsor.

Comm. Ole Ingstrup: Est-ce le centre de l'univers?

La présidente: C'est le centre de l'univers où il y aurait tous ces emplois.

Comm. Ole Ingstrup: Je n'y avais jamais pensé.

Nous avons créé un certain nombre de groupes de travail dont l'un est très professionnel et l'autre très créateur et ils doivent nous proposer des solutions d'ici demain. Le 1er mai est la date limite qui leur a été fixée. Je dois proposer une solution à mon ministre d'ici la fin mai. Voilà donc où en sont les choses.

M. Peter Mancini: J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet des femmes qui sont incarcérées dans ces établissements et qui souffrent de maladies mentales. Vous avez dit qu'il s'agissait de détenues dangereuses. Si je ne m'abuse, en 1996, le Dr Rivera faisait remarquer dans son rapport que le Service correctionnel estimait que 26 femmes pouvaient être intégrées adéquatement dans les nouvelles prisons régionales. Son rapport ne mentionnait le cas que de huit femmes et le Dr Rivera concluait qu'avec les structures voulues, bon nombre de ces femmes pourraient être transférées dans les installations régionales. J'aimerais savoir ce que vous en pensez parce que je crois que cette solution réglerait certains des problèmes auxquels vous faites face.

Comm. Ole Ingstrup: Je pense que nous sommes plus ou moins d'accord là-dessus, mais nous ne pensons pas que ces structures puissent être aménagées dans les installations régionales. Les femmes qui se trouvent dans d'autres établissements doivent être transférées aux installations régionales. Cette solution a bien fonctionné pour le pénitencier de la Saskatchewan ainsi que pour d'autres établissements.

• 1625

Il faudra que ces femmes fassent l'objet de traitements intensifs pendant un certain temps avant que nous puissions les transférer ailleurs. Je m'inquiéterais beaucoup si l'on transférait demain dans ces établissements la trentaine ou la quarantaine de femmes auxquelles je songe. Je peux presque vous assurer que de graves problèmes se poseraient immédiatement.

M. Peter Mancini: Quand saurons-nous où seront transférées les femmes qui sont actuellement incarcérées dans des prisons pour hommes? Si je vous comprends bien, nous devrions le savoir d'ici la fin de la semaine ou d'ici la fin mai, soit d'ici quatre semaines.

Comm. Ole Ingstrup: Une recommandation devrait m'être faite d'ici la fin de la semaine. Ce qui me préoccupe le plus, c'est que je dois faire une recommandation au ministre d'ici la fin mai, ce que je compte faire.

M. Peter Mancini: J'ai posé une question l'autre jour au ministre au sujet des maisons de transition pour les femmes détenues. J'ai dit qu'il n'existait qu'une seule maison de transition. On m'a dit qu'il y en avait plus, mais je crois que vous serez d'accord avec moi pour reconnaître qu'il n'y en a pas assez. Quand pouvons-nous nous attendre à ce qu'on augmente le nombre de maisons de transition pour les femmes dans ce pays?

Comm. Ole Ingstrup: J'hésiterais à dire que le gouvernement fédéral va construire beaucoup de nouvelles maisons de transition.

M. Peter Mancini: Je peux limiter...

Comm. Ole Ingstrup: Il existe cinq maisons de transition dans l'Atlantique, deux au Québec, cinq en Ontario, trois dans les Prairies et l'une dans la région du Pacifique. Ces maisons de transition ne relèvent pas de nous, mais elles accueillent des femmes et nous y avons accès. Entre 10 et 11 maisons de transition pour les détenus des deux sexes peuvent être utilisées dans certaines circonstances au Québec, en Ontario et dans les Prairies. Voilà la voie dans laquelle nous nous engageons.

Nous nous efforçons d'établir la meilleure stratégie communautaire pour les femmes. Je vais maintenant vous donner l'impression de me vanter—et c'est un peu ce que je fais, mais nous libérons beaucoup plus tôt beaucoup plus de femmes que d'hommes et elles s'intègrent très bien à la société malgré le fait qu'elles ont un casier judiciaire très lourd. Il ne faut cependant pas en conclure que tout est parfait.

M. Peter Mancini: Cela m'amène à vous poser une question au sujet de l'évaluation des risques que posent les femmes dans les pénitenciers fédéraux. Évalue-t-on les femmes par rapport aux mêmes critères que les hommes?

Comm. Ole Ingstrup: On a jugé que les critères d'évaluation convenaient pour les femmes, pour les hommes ainsi que pour les autochtones.

M. Peter Mancini: Il s'agit donc des mêmes critères.

Comm. Ole Ingstrup: Les mêmes critères de base. Je vous signale cependant qu'il ne s'agit que d'un élément qui influe sur la décision finale. C'est un outil parmi d'autres.

M. Peter Mancini: Il n'est donc pas question de modifier les critères d'évaluation des risques pour tenir compte des circonstances spéciales des femmes autochtones. Si mes chiffres sont exacts, je crois que celles-ci représentent 18 p. 100 de la population carcérale et 46 p. 100 d'entre elles sont considérées comme des contrevenants à risque élevé selon ces critères.

Comm. Ole Ingstrup: C'est ça. C'est à peu près de cet ordre. Il y a un déséquilibre évident.

M. Peter Mancini: Il existe effectivement un déséquilibre évident. Envisage-t-on de réévaluer ces critères?

Comm. Ole Ingstrup: Je crois que ce déséquilibre n'est pas dû aux critères d'évaluation, mais plutôt aux antécédents de ces femmes.

Nous avons pris quelques initiatives. La division de la recherche évalue et réévalue constamment nos outils les plus importants et les critères d'évaluation en sont un. On trouvera peut-être un jour une meilleure façon d'évaluer les risques que posent les femmes et, en particulier, les femmes autochtones.

Comme je l'ai dit, nous déployons beaucoup d'efforts dans le domaine des services correctionnels destinés aux autochtones. Non seulement les autochtones sont surreprésentés dans la population carcérale, mais ils sont aussi surreprésentés dans les établissements à sécurité élevée. Il y a donc beaucoup de travail à faire.

• 1630

Nous avons la chance d'avoir une directrice générale des affaires autochtones qui est d'origine autochtone et qui a travaillé pour l'Assemblée des premières nations. Elle connaît donc très bien la situation. Nous essayons donc de faire participer les collectivités locales par l'entremise des articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Comme M. Ramsay a pu le constater dans sa propre circonscription, nous essayons aussi de le faire au niveau des établissements.

La présidente: Je m'excuse, monsieur Mancini, mais je vais maintenant devoir donner la parole à M. MacKay.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

Monsieur Ingstrup et Monsieur Clair, je veux vous remercier, comme l'ont fait mes collègues, d'être venus aujourd'hui devant le comité. Nous savons que vous êtes très occupés.

Monsieur le commissaire, voici mes questions.

Vous avez dit que ce qui était arrivé dans le cas de Raymond Russell et de Michael Hector était une tragédie. Chaque fois qu'une personne perd la vie, c'est une tragédie. John Richardson est un autre détenu...

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Peter MacKay: ...qui était en liberté conditionnelle et qui a commis un meurtre. Nous avons également étudié ce dossier.

Vous vous souviendrez qu'il y a quelques semaines, lorsque vous avez comparu devant notre Comité, un député vous a posé une question sur la politique du SCC au sujet des citoyens qui recueillent des délinquants chez eux, qui les embauchent ou qui traitent avec eux directement. Je vous avais demandé expressément quelles mesures prennent les fonctionnaires du SCC pour fournir à ces citoyens, qui pourraient être en danger, tous les renseignements nécessaires—et j'avais insisté sur le «tous»—au sujet du délinquant.

Nous savons maintenant—ou il semble à tout le moins—que Darlene Turnbull, la victime de Raymond Russell, n'avait pas été pleinement informée du dossier de son agresseur. Mais les seules personnes qui le sachent vraiment, malheureusement, ce sont Darlene Turnbull et l'agent de probation.

Maintenant que vous avez eu le temps de réfléchir à ma question initiale, j'aimerais savoir s'il existe une politique ou des mesures quelconques sur la divulgation de ces renseignements?

Comm. Ole Ingstrup: Madame la présidente, monsieur MacKay, je dirai tout d'abord qu'il n'existe aucune preuve de ce que la victime, dans l'affaire Russell, n'avait pas été informée. Au contraire, tous les témoignages que nous avons reçus semblent indiquer le contraire. Permettez-moi de vous lire une photocopie des notes manuscrites de l'agent de libération conditionnelle: «Je lui»—l'agent de libération conditionnelle précédent—«ai parlé de ce que la famille Turnbull sait au sujet du crime commis par le délinquant». D'après l'agent, la famille savait que Russell purgeait une peine à perpétuité pour meurtre. Elle avait également discuté d'autres questions. Mais dans sa note, elle déclare que les Turnbull «étaient au courant».

Ils utilisent cette expression—je ne sais pas si je l'avais mentionné l'autre fois—parce que nos agents de libération conditionnelle avaient l'impression que Mme Turnbull vivait avec son mari dans cette région. C'est ce que nous pensions. De plus, l'agent de libération conditionnelle avait visité l'endroit environ trois fois avant que les événements se produisent. Il nous semblait qu'il s'agissait d'une famille... D'après ce que nous savons, c'est le contraire. Je ne dis pas que ce soit le cas, mais d'après ce que nous savons, ce serait plutôt le contraire.

Mais il existe une politique à ce sujet, une politique que j'ai moi-même signée en 1997. Avec votre permission, madame la présidente, je vais lire le paragraphe qui traite de ce sujet.

La présidente: Je vous en prie.

Comm. Ole Ingstrup: Il s'agit du dernier paragraphe, le paragraphe 16, de la directive du commissaire à ce sujet. On y dit:

    Toutes les personnes de la collectivité qui apporteront une aide importante au délinquant lors de sa mise en liberté doivent recevoir, suivant le principe du besoin de savoir, les principaux renseignements sur ses antécédents criminels (genre de délits courants et antérieurs) et les aspects particulièrement préoccupants de son comportement actuel. Elles doivent également être parfaitement informées du projet de sortie du délinquant et du rôle qu'elles sont censées y jouer. Il faut noter que ces renseignements ont été communiqués.

• 1635

Voilà ce que dit notre politique. L'agent de libération conditionnelle dispose quand même d'une certaine latitude, mais je ne suis pas certain que l'on puisse éviter totalement de fournir ces renseignements. Le message est clair: il faut informer toute personne qui traitera de près avec le délinquant pendant sa mise en liberté.

M. Peter MacKay: D'accord. Merci de votre réponse. C'est la première fois que j'entendais parler des notes de l'agent de libération conditionnelle ou de la personne qui a repris le dossier. D'après la politique que vous venez de nous lire, faut-il divulguer au complet tout le casier judiciaire? Quand je dis au complet, je parle des détails, comme dans le cas de Raymond Russell, le fait qu'il purgeait une peine pour meurtre. Donneriez-vous instruction à vos agents sur le terrain de divulguer de tels renseignements?

Comm. Ole Ingstrup: Si j'étais agent de libération conditionnelle et que je devais appliquer cette directive dans un cas comme cela, je prendrais le temps de passer en revue le casier judiciaire du délinquant avec cette personne. Je n'accorderais sans doute pas beaucoup d'importance à des délits mineurs de vol, par exemple. Par contre, j'insisterais sur les risques que peut présenter le délinquant. Je signalerais entre autres les meurtres antérieurs dont il s'est rendu coupable.

M. Peter MacKay: Cela s'applique également aux délits sexuels?

Comm. Ole Ingstrup: Oui, tout à fait. Mais cela dépend des circonstances. Il faudrait sans doute être plus prudent si le délinquant habite avec une personne seule plutôt qu'avec une famille. Cela dépend des circonstances. Si quelqu'un déménage dans un immeuble à logements, combien de personnes faudrait-il informer? Celles qui sont directement en cause, bien sûr, mais peut-être pas tous les habitants de l'immeuble.

M. Peter MacKay: Merci.

La présidente: Pourriez-vous faire parvenir au comité un exemplaire de cette directive?

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Peter MacKay: Et une copie de la lettre également, si c'est possible.

La présidente: Oui, je crois que nous l'avons.

Comm. Ole Ingstrup: Oui, nous vous l'avons envoyée. C'était l'après-midi, et je me souviens que vous étiez absent, monsieur MacKay, mais nous l'avons trouvée après la première séance. Nous l'avons ensuite fait parvenir au comité.

La présidente: Je vous en remettrai une copie, Peter.

M. Peter MacKay: Magnifique. Merci, madame la présidente.

La présidente: Poursuivez.

M. Peter MacKay: Monsieur Ingstrup, j'aimerais revenir à une question que vous a posée mon collègue, monsieur Ramsay. Je me trompe peut-être, mais vous avez dit que si un délinquant était détenu pour toute la durée de sa peine, le nombre total des meurtres serait peut-être plus élevé. Vous avez dit que ce serait peut-être un résultat général.

J'aimerais toutefois attirer votre attention sur le document de consultation sur la LSCMLC. On dit dans ce document que les délinquants mis en liberté conditionnelle ont un taux de récidive plus élevé que ceux qui purgent toute leur peine en prison. C'est la conclusion que l'on trouve dans ce document. Le commissaire peut-il confirmer que cette conclusion s'explique par les statistiques qui ont été utilisées dans l'étude? Et au sujet de la libération d'office, lorsque les antécédents d'un délinquant ne semblent pas favorables à sa libération, pourquoi ne pas recommander qu'il soit incarcéré pour toute la durée de sa peine?

Comm. Ole Ingstrup: Votre citation de l'étude est exacte. Cette étude porte sur l'incarcération et l'efficacité des évaluations des possibilités de récidive. Elle portait donc sur un groupe bien précis. J'en ai parlé aux auteurs de la recherche, car votre question semble faire appel au bon sens. J'ai demandé aux auteurs de la recherche pourquoi nous ne pouvons pas en conclure qu'il vaut mieux incarcérer les détenus jusqu'à la fin de leur peine. Ils m'ont répondu que ce n'était pas l'objet de cette étude. L'étude portait sur notre capacité de prédire le risque dans un groupe particulier, et nous n'avons pas de groupe de contrôle qui nous permette de tirer une telle conclusion.

Il existe également l'avis contraire, c'est-à-dire que les détenus mis en libération conditionnelle totale récidivent beaucoup moins que ceux qui sont libérés aux deux tiers du délai de la libération d'office. Il semble donc qu'il nous reste encore du travail à faire dans ce domaine. La seule conclusion, c'est qu'on ne peut pas tirer de conclusion quant à la relation qui existe entre la durée de l'incarcération et la possibilité de récidive. Nous sommes en train d'étudier cette question de façon plus approfondie, mais je n'ai pas encore reçu de chiffres. Nous essayons de voir ce qui se produit une fois que les détenus sont libérés, plusieurs années après leur mise en liberté totale ou après leur libération d'office.

• 1640

M. Peter MacKay: Dans le cas du calendrier de libération—en ce qui a trait aux détenus qui purgent des peines de deux années plus un jour, bien sûr—croyez-vous qu'il faudrait apporter des changements au Code criminel afin d'imposer certaines conditions à la période de probation des détenus qui purgent des peines dans des établissements fédéraux?

Comm. Ole Ingstrup: En fait, c'est ce qui existe.

M. Peter MacKay: Mais moi je parle de conditions imposées par le tribunal.

Comm. Ole Ingstrup: Non, nous n'avons pas vraiment réfléchi à la question. Pour ma part, ma réaction spontanée serait...

M. Peter MacKay: C'est ce que je veux savoir.

Comm. Ole Ingstrup: ...que tout ce dont nous disposons à l'heure actuelle est suffisant. Également, il est très difficile pour les juges—les juges à qui j'ai parlé me l'ont dit—de prédire ce que pourraient faire ces personnes dans quelques années. Les juges préféreraient que cette décision incombe aux personnes qui connaissent les détenus.

Pour revenir à votre première question, si je vous ai bien compris, vous vouliez savoir si je serais en faveur d'une libération automatique anticipée. Eh bien, non. D'un point de vue professionnel—c'est peut-être déjà notre politique, mais j'essaie d'agir de façon professionnelle—les services correctionnels, plus encore que d'autres domaines, nécessitent une marge de manoeuvre. Il n'existe pas de libération automatique. Au Canada, ce qui existe à l'heure actuelle, c'est un examen automatique, mais il n'y a pas de libération automatique, sauf une fois la peine purgée.

M. Peter MacKay: J'ai une autre question à vous poser au sujet de vos politiques. Comme vous le savez sans doute, en réponse à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Feeney, le gouvernement a adopté le projet de loi C-16 qui confère aux agents du SCC le pouvoir de rappeler un détenu en liberté et le pouvoir de demander un mandat d'arrestation. Je sais que cette modification est assez récente, mais j'aimerais néanmoins savoir quelle est la réaction de votre ministère à cette mesure et si la recommandation a bien été suivie.

Comm. Ole Ingstrup: D'après ce que je sais, ces pouvoirs ne nous sont pas imposés. Nous pouvons en user si nous croyons que c'est la meilleure option. À l'heure actuelle, bien des choses se passent dans mon ministère. Entre autres, nous essayons de voir si c'est une bonne idée d'accorder de tels mandats à des agents de libération conditionnelle et nous essayons également de déterminer de quelle formation ils auraient besoin pour exercer ces pouvoirs.

M. Peter MacKay: Mais abstraction faite de cela, ce pouvoir vous avait été conféré et vous pouvez maintenant choisir de ne pas l'exercer.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact. Dans ce cas, ce sont les tribunaux ou les services policiers qui l'exerceront.

M. Peter MacKay: Les policiers interviendraient et réclameraient des mandats?

Comm. Ole Ingstrup: Ou bien ils communiqueraient avec nous, ou bien ils auraient recours au tribunal. Nous voulons nous assurer de bien atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé dans notre mission, c'est-à-dire de voir à ce que la règle de droit s'applique au Service correctionnel du Canada. Et si je ne suis pas entièrement convaincu de ce que les agents de libération conditionnelle, qui ne travaillent pas dans le domaine juridique, peuvent bien appliquer ces pouvoirs, il vaudrait peut-être mieux, dans l'intérêt de la société, confier ces pouvoirs à d'autres personnes. Mais nous étudions cette question. Nous en discutons avec le ministère de la Justice et mes propres avocats étudient actuellement cette question.

M. Peter MacKay: Ce que vous nous dites, par conséquent, c'est que même si le Comité de la justice a jugé bon de vous conférer ces pouvoirs, à vous et à vos fonctionnaires, dans ce projet de loi, vous n'en voulez pas—vous préférez que cela soit laissé aux policiers?

Comm. Ole Ingstrup: Non, pas du tout. Nous essayons de voir comment il vaudrait mieux procéder. Au début, je croyais que nous avions à exercer ce pouvoir, mais d'après ce que mes avocats m'ont dit, le problème est un peu plus complexe. Ne me posez pas de questions de droit, car je ne suis pas un expert dans ce domaine.

• 1645

La présidente: Merci, monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci.

J'aimerais vous parler un peu des jeunes contrevenants plus violents. Je sais qu'ils relèvent de la compétence des provinces mais lorsque la ministre de la Justice a comparu devant notre comité, elle nous a dit qu'il était possible d'envisager, je suppose par le biais d'une entente, un genre de système de détention régional, qui relèverait peut-être du Service correctionnel du Canada, pour ces jeunes contrevenants plus violents qui posent un véritable problème pour tout le système. Est-ce que ce genre de chose serait possible, à condition que l'on conclue les ententes en question, du point de vue de votre ministère? Et quel serait votre avis là-dessus?

Comm. Ole Ingstrup: Comme vous le savez, monsieur, ce n'est pas le système que nous avons aujourd'hui.

M. Paul DeVillers: En effet.

Comm. Ole Ingstrup: Mais évidemment, si l'on nous demandait d'assumer la responsabilité de ces jeunes gens, nous commencerions immédiatement à étudier attentivement ce que nous pouvons faire et à les traiter comme nous traitons les adultes.

M. Paul DeVillers: Je crois que l'idée était des centres régionaux similaires aux prisons pour femmes que nous avons actuellement...

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Paul DeVillers: ...où les possibilités de traitement pourraient être supérieures à ce qu'elles sont dans les installations provinciales.

Comm. Ole Ingstrup: Certes, le Service correctionnel du Canada insiste beaucoup sur le traitement et plus nous en faisons et plus nous étudions la question, plus nous trouvons cela encourageant. Donc, si un jour—et cela est entièrement hypothétique pour le moment, comme vous le dites...

M. Paul DeVillers: En effet.

Comm. Ole Ingstrup: ...on nous demandait de nous en occuper, je suppose que c'est la façon dont nous envisagerions la chose. Je ne peux pas commencer à envisager la façon dont nous structurerions un tel système mais je pense toujours que pour un contrevenant, quel qu'il soit, la régionalisation n'est pas une mauvaise idée, bien que pour certains jeunes contrevenants, je n'en suis pas certain. Peut-être que dans certains cas, il est préférable de les éloigner d'un certain groupe d'amis et de collègues.

M. Paul DeVillers: En effet. Une partie du problème, une des raisons pour lesquelles on envisagerait des centres régionaux, c'est qu'ils sont tellement peu nombreux qu'il est difficile de songer à des installations provinciales.

Comm. Ole Ingstrup: En effet.

M. Paul DeVillers: C'était la seule question que j'avais, madame la présidente.

La présidente: Quand ils sortent de prison, il faut tous qu'ils rentrent chez eux et cela fait partie du problème.

Monsieur Telegdi, voulez-vous utiliser le reste de ce temps?

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je dois vous dire que nous avons un centre pour femmes à Kitchener et que nous ne le laisserons pas partir. Il vous faudra en trouver un autre.

La présidente: Je crois que le comté d'Essex a essayé de l'obtenir.

M. Andrew Telegdi: Nous l'avons et j'ai en fait travaillé à l'obtenir.

La présidente: Ce pourrait être bien, juste à la frontière.

M. Andrew Telegdi: J'en suis très satisfait.

Monsieur Ingstrup, vous avez mentionné que nous avons l'un des meilleurs systèmes et j'aimerais prendre un peu de recul et considérer le taux d'incarcération que nous avons au Canada comparativement à d'autres pays. On ne peut pas dire que dans le monde occidental, nous nous situions tellement bien.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Andrew Telegdi: Vous avez dit qu'il n'y a pas de relation directe entre le nombre de personnes que nous avons en prison et le taux de criminalité.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Andrew Telegdi: Il y a beaucoup de pays qui ont beaucoup moins de monde en prison que nous et un taux de criminalité inférieur.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Andrew Telegdi: Bien, je voulais simplement le préciser.

Je me demande souvent ce qui se passerait si l'on prenait certains des contrevenants non violents, des jeunes qui ne représentent pas une menace pour la vie ou la personne et que nous nous en occupions sans les enfermer.

Lorsque la ministre a comparu la semaine dernière, j'ai remarqué qu'elle nous a dit que nous aurions 1 000 nouveaux employés dans les prisons. Nous dépensons aussi 30 millions de dollars en mesures correctionnelles communautaires. Il me semble que les 1 000 nouveaux employés vont probablement nous coûter environ 60 millions de dollars. Est-ce à peu près cela?

Comm. Ole Ingstrup: Vous vous trompez d'environ 25 p. 100; il s'agit plutôt de 40 millions de dollars par année.

M. Andrew Telegdi: Tout cela inclut les avantages et toutes ces autres choses?

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Andrew Telegdi: Très bien. Nous dépensons tout de même plus pour recruter des gens pour un système qui compte déjà trop de détenus, par opposition aux mesures communautaires, afin d'empêcher la criminalité.

• 1650

Croyez-vous que vous pourrez à long terme atteindre notre objectif, soit d'avoir un pourcentage plus faible de la population canadienne derrière les barreaux? Pensez-vous que nous pourrons nous rapprocher, au niveau pourcentage, des taux enregistrés en Europe de l'Ouest?

Comm. Ole Ingstrup: C'est l'objectif que nous visons, mais nous ne sommes qu'un des éléments du système. Le taux de criminalité, le type de peines et les politiques à l'égard de la libération sont évidemment les trois principaux éléments. Nous ne contrôlons qu'un aspect de la question—soit la Commission des libérations conditionnelles.

Lors de notre séance de planification stratégique en janvier, nous avons demandé aux commissaires adjoints régionaux de nous dire combien de détenus, à leur avis, pourraient être réinsérés dans la communauté sans porter atteinte à la sécurité; nous leur avons également demandé combien de détenus devraient être gardés en établissement. Il est intéressant de noter que de façon générale le taux était d'environ 50 p. 100. Ce n'est pas là un objectif, mais plutôt un étalon qui nous intéresse tout particulièrement. Cela permettrait de ramener le taux d'incarcération par 100 000 habitants à un niveau un peu plus proche de ce qu'on retrouve dans la majorité des pays européens.

Vous avez raison de dire que nous avons tendance à croire que nous sommes très tolérants et que nous imposons rarement des peines très strictes. Ce n'est pas vraiment le cas. Cent trente-trois personnes sur 100 000 se retrouvent derrière les barreaux. C'est là un des taux les plus élevés des démocraties occidentales. Ce n'est pas comme si on n'avait pas recours à l'incarcération.

Nous avons également noté au cours des dernières années une baisse du nombre de personnes qui reçoivent une libération conditionnelle totale. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour suggérer à la Commission nationale des libérations conditionnelles les noms de candidats qui seraient plus aptes à une réinsertion sans porter atteinte à la sécurité.

J'aimerais signaler que notre investissement dans les services correctionnels communautaires est en fait plus élevé que ce que vous avez dit, si vous calculez les choses de la même façon que vous le faites pour les prisons. Il s'agit d'entre 80 et 100 millions de dollars lorsque vous tenez compte du personnel dans la collectivité et des programmes offerts—les contrats qui ont été passés avec les intervenants de la collectivité. Comparativement à d'autres systèmes, cela représente quand même un investissement assez important.

Je crois qu'en ce moment, et je dis bien en ce moment, nos ressources dans la collectivité suffisent. Je dis cela parce que ces ressources sont axées sur une population de 9 000 personnes. Cela donne une charge de travail raisonnable aux intervenants, je crois, tout en demeurant en fait le fardeau le moins lourd au monde, si je ne me trompe.

Nous avons actuellement 7 300 détenus qui vivent dans les communautés, et ce chiffre pourrait donc augmenter sans problème. Ce que je peux cependant vous promettre c'est que si nous constatons une augmentation marquée du nombre de détenus qui vivent dans la communauté, nous ferons tout ce que nous pouvons pour nous assurer que les ressources soient adéquates. Je ne crois pas que ce sera un problème.

M. Andrew Telegdi: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Telegdi.

Monsieur White, vous disposez de cinq minutes.

M. Randy White: Merci, madame la présidente.

Monsieur Ingstrup, nous différons substantiellement d'opinion à l'égard du système dont vous êtes responsable. Vous en parlez comme d'un chef de file... je suppose que vous comparez avec d'autres pays. Moi, j'étudie ce qui se passe dans ma collectivité. Nous avons déjà parlé tous deux du Centre Sumas, un centre correctionnel communautaire. J'aimerais vous poser une ou deux questions sur ce Centre. J'aimerais également vous poser quelques questions sur la réinsertion et votre définition du succès de ce programme; peut-être pourrions-nous comparer votre définition du terme réinsertion à celle de vos gardes.

Vous savez qu'on procède actuellement à une étude du Centre Sumas, après que moi-même et l'ensemble des citoyens, et le conseil municipal, ayons insisté car nous voulons que ce centre ferme ses portes. Le programme correctionnel communautaire n'a pas de cellules, pas de clôtures. Dans le cadre du programme de libération conditionnelle de jour, les individus peuvent circuler librement dans la collectivité. Nous avons découvert que 13 de ces anciens détenus qui ont fréquenté le Centre au cours des deux dernières années sont passés directement de prisons à sécurité maximale à ce Centre.

• 1655

Vous savez que nous avons déjà des problèmes dans cette collectivité—il y a eu quatre viols en deux ans. Vous savez qu'il y a plus de 40 détenus illégalement en liberté. Vous savez déjà que 12 de ces individus n'ont même pas fait l'objet d'un rapport de police. Vous êtes au courant de la situation de James Armbruster, ce qui est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je crois que ce Centre présente des dangers pour la communauté. M. Armbruster a déjà été condamné 63 fois; il a participé au programme de libération conditionnelle de jour et a violé une femme, et a cambriolé un magasin. La police n'a même pas été mise au courant.

J'aimerais vous demander, monsieur, comment vous pouvez me convaincre que ces services correctionnels communautaires, comme le Centre Sumas, ou peu importent les autres centres, ne présentent aucun danger pour la communauté. J'aimerais que vous me répondiez assez rapidement parce que je ne dispose que de cinq minutes, et j'ai d'autres...

Comm. Ole Ingstrup: Je regrette de vous dire que je ne pourrai vous convaincre en si peu de temps du bien-fondé de notre action. J'ai essayé à plusieurs reprises, et je n'ai toujours pas réussi. Je veux simplement signaler que l'étude que nous avons effectuée sur le Centre Sumas—et j'aimerais d'ailleurs vous remercier publiquement de l'appui que vous avez accordé aux responsables de l'enquête—nous a permis de faire certaines observations et les recommandations formulées ont été étudiées de très près.

Madame la présidente, je désire signaler—et je serai bref—que nombre de ceux qui se retrouvent au Centre Sumas finissent... Il s'agit d'un foyer de transition, mais il est si gros qu'il fait penser à une prison à sécurité minimum en fait. On retrouve cet énorme établissement dans une communauté parce que le Service correctionnel du Canada ne peut trouver d'autres communautés en Colombie-Britannique disposées à accepter un foyer de transition. Nous cherchons sans cesse à trouver des endroits au centre-ville de Vancouver et ailleurs.

Y a-t-il des problèmes au Centre Sumas? Oui, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour y remédier. Cependant, je désire signaler que nombre de ceux qui sont envoyés au Centre Sumas auraient auparavant simplement été libérés dans la communauté, sans contrôle d'aucune sorte. Vaut-il mieux que ces gens soient libérés et placés dans un centre de transition ou vaut-il mieux simplement les relâcher dans la communauté? Je comprends que le point de vue de votre communauté soit quelque peu différent.

M. Randy White: Merci. Vous savez, nous avons mis le Service correctionnel en garde. Un autre viol dans la communauté et... En fait, nous voulons que ce Centre ferme ses portes. Je préférerais qu'il ferme ses portes dès maintenant, mais nous vous avons prévenus.

J'aimerais parler un peu de la réinsertion. Je ne suis pas tout à fait du même avis que Ron Wiebe, le directeur du pénitencier de Ferndale, un pénitencier à sécurité minimum, à l'égard de l'ouverture d'un terrain de golf de neuf trous et le fait qu'il insiste pour qu'on y construise également un champ d'exercice. Il dit que cela facilitera la réinsertion. Je me demande vraiment ce qu'il en sait.

J'ai également eu l'occasion de visiter le pénitencier de Springhill il y a environ un an et demi, un des nombreux pénitenciers que j'ai visités au Canada. Il y avait un contrevenant là-bas, en fait un délinquant sexuel; quand je suis entré dans sa cellule j'ai vu qu'il avait plus de 40 photos de femmes nues sur les murs, le plafond, etc. J'ai demandé au personnel comment ils pouvaient concilier la présence d'un individu pour voies de fait sexuelles—il était en fait en isolement—et sa présence, 23 heures par jour, dans une cellule décorée de cette façon? Quel genre de réadaptation envisage-t-on pour lui lorsqu'il vit comme ça? Comment pourra-t-il être réinséré dans la communauté?

J'aimerais savoir ce que vous entendez vraiment par réinsertion ou réadaptation; est-ce que ces directeurs et gardes sont d'accord avec vous? Peuvent-ils d'eux-mêmes décider du type de réadaptation qui sera offert dans leurs pénitenciers?

• 1700

Comm. Ole Ingstrup: Non. Le Service correctionnel du Canada est un organisme gouvernemental. Il n'existe qu'un service de ce genre et à certains égards, nous avons des perspectives générales ou communes déterminées par les responsables, y compris le ministre responsable.

Lorsque nous parlons de réinsertion ou de réadaptation, nous parlons de la gestion du risque inévitable qui existe toujours lorsqu'une personne passe du pénitencier à la communauté. Peu importe ce que nous voulons, peu importe ce que nous faisons, cette transition comprend toujours certains risques. Nous voulons nous assurer que cette transition porte le moins atteinte possible à la sécurité. Après tout, nous savons que nous pouvons dans une certaine mesure changer le comportement des gens lorsqu'ils sont chez nous.

M. Randy White: Les deux exemples que je vous ai donnés sont des exemples parfaits de changements de comportement?

Comm. Ole Ingstrup: Vous ne pouvez pas élaborer des politiques simplement en fonction de quelques exemples, mais vous pouvez cependant en élaborer en fonction de ce que vous savez du fonctionnement du système.

Je n'aime pas l'exemple que vous avez cité, je ne peux pas vous en parler parce que je ne connais pas toute l'affaire. Je peux simplement vous dire que nous avons procédé à une étude détaillée des délinquants sexuels libérés des établissements relevant du Service correctionnel du Canada. Cette étude a démontré que les contrevenants qui avaient participé à nos programmes de traitement des délinquants sexuels et qui avaient été progressivement élargis dans la société avaient un taux de récidive 50 p. 100 moins élevé que les détenus qui ne participaient pas à ce genre de programme.

À mes yeux, cela est très important. Je sais qu'il y a deux fois moins de victimes grâce à ce programme.

M. Randy White: Est-ce que l'autre 50 p. 100 pourrait être composé de gens qui restent dans leur cellule à regarder des photos de femmes nues?

Comm. Ole Ingstrup: Je ne suis pas un expert dans le domaine, mais je me pencherai sur l'exemple que vous m'avez donné.

M. Randy White: Je vous en serais reconnaissant.

Comm. Ole Ingstrup: J'aimerais revenir à la question plus tard.

La présidente: Merci, monsieur White. Madame Finestone.

LÂhonorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup.

Monsieur Ingstrup, certaines des choses que vous nous avez dites sont fort encourageantes. Compte tenu de tous les efforts et du travail que vous déployez au niveau de votre collaboration avec d'autres pays, j'en déduis que vous recherchez des niveaux d'excellence élevés.

Lorsque le solliciteur général était des nôtres, il a parlé d'embaucher 1 000 nouveaux employés. Ai-je bien compris?

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

L'hon. Sheila Finestone: Je voulais vous demander à quelles tâches ces employés seront affectés. Quand je lis la page 10 de votre exposé, il me semble qu'on parle plutôt de policiers, de responsables de la sécurité, de gardes, de gens qui ont des tâches de ce genre. Je m'intéresse beaucoup plus à la modification du comportement et à l'intégration en milieu de travail, dans les domaines où on a plus de chances d'avoir un emploi à plein temps, je pense tout particulièrement à la formation des employés, aux femmes... Je sais que vous avez dit en réponse à la question d'un de mes collègues, que cela dépendrait des établissements où seraient affectés ces nouveaux employés.

Lors de l'embauche, tenez-vous compte de divers facteurs comme la représentation des autochtones pour que l'on tienne compte des compétences et des besoins des autochtones et des Inuits en prison? Vous avez dit qu'ils étaient fortement représentés.

De plus, quant à la région d'où viennent ces gens, monsieur Ingstrup, connaissez-vous vraiment les besoins des employés? Ils varient selon la région du pays. Il n'y a pas de solution universelle; il y a des différences régionales marquées au Canada.

Troisièmement, tenez-vous compte de la langue et des compétences linguistiques?

Par ailleurs, lorsque vous aspiriez à ce nouveau niveau d'excellence et que vous avez fait cet examen international afin d'avoir des normes communes, avez-vous songé à consulter des groupes de femmes autochtones comme les femmes métisses, l'Association des femmes autochtones et l'Inuit Women's Association, particulièrement en ce qui a trait aux jeunes que vous desservez, hommes ou femmes, aux jeunes gens, ou aux femmes en particulier? Je pense que si vous ne les consultez pas, vous sautez ainsi une étape pour déterminer les mesures à prendre.

• 1705

Je vous laisse avec ces questions pour le moment, et je reviendrai. J'ai une autre question. Merci.

Comm. Ole Ingstrup: J'aimerais dire que les 1 000 agents ne feront pas surtout du travail de maintien de l'ordre dans nos instituts.

Le principal objectif des ressources additionnelles consiste à nous assurer que nous pouvons mieux interagir avec les contrevenants que nous avons. Étant donné qu'ils seront tout simplement un plus grand nombre, nos agents de correction seront plus en mesure d'interagir avec les contrevenants. À l'heure actuelle, selon leur description de poste, les agents de correction font une partie de ce qu'on appelle le travail de gestion des cas. Ils s'assoient avec les contrevenants, ils leur parlent...

L'hon. Sheila Finestone: Est-ce que ce sont des travailleurs sociaux qui ont une formation professionnelle? Ont-ils un diplôme d'université?

Comm. Ole Ingstrup: Non. Nous avons différents niveaux de formation. Nos agents de liberté conditionnelle doivent maintenant avoir un diplôme universitaire, mais ce n'est pas le cas de tous les agents de correction.

Donc, dans une certaine mesure, ils travaillent sous la surveillance ou aux côtés des agents de liberté conditionnelle qui ont fait ce genre d'études. Cependant, nous leur donnons une formation sur certaines parties du processus de gestion des cas. Leur participation au processus est donc importante, car ils observent les détenus et discutent avec eux, pour finalement transmettre l'information à l'équipe de gestion des cas, ce qui fait que nous avons ainsi une meilleure idée des contrevenants. Le simple fait qu'ils soient là crée de toute évidence un plus grand sentiment de sécurité.

Je peux comprendre que si vous allez dans certains de nos pénitenciers—et M. White ainsi que M. Ramsay l'ont certainement constaté...

L'hon. Sheila Finestone: Je n'y suis pas encore allée.

Comm. Ole Ingstrup: ...parfois il y a de nombreux contrevenants tandis que les agents de correction ne sont pas si nombreux. Cela signifie qu'on ne se sent peut-être pas aussi en sécurité qu'on devrait l'être. Ce n'est pas qu'il y ait eu un grand nombre d'attaques; c'est tout simplement que l'atmosphère n'est pas idéale pour faire le travail que nous devons faire.

L'hon. Sheila Finestone: On dit, monsieur Ingstrup, que si on envoie un petit criminel dans le système pénal, il en ressort un véritable criminel endurci. Est-ce vrai?

Comm. Ole Ingstrup: Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question.

L'hon. Sheila Finestone: Je n'ai pas tous les talents lorsque j'arrive en prison pour purger une peine de plus de deux ans parce que j'ai été trouvé coupable d'un crime. Mais lorsque je ressors de prison, j'ai certainement appris tous les trucs. J'ai perfectionné mes compétences et je suis devenu encore plus qualifié comme contrevenant.

Comm. Ole Ingstrup: Je suis certain que cela arrive à certains contrevenants. Il y a bien des choses qui se produisent dans des établissements correctionnels comme les nôtres. Je crois cependant qu'en général on exagère beaucoup. Je pense que c'est l'un des domaines où une bonne gestion des cas et une bonne gestion institutionnelle jouent un rôle important. Et si je peux établir un lien avec la question de M. White, je pense qu'il est très important d'inculquer aux gens de bonnes habitudes pour leurs temps libres. Si les gens travaillent et qu'ils ont de saines habitudes, lorsqu'ils sortent de prison il est moins probable qu'ils y reviennent que si la seule façon pour eux de passer le temps est d'aller avec les copains à la taverne et de continuer à boire.

Donc, je pense qu'il est important de bien gérer les gens et de leur apprendre à avoir de saines activités de loisir. C'est quelque chose qu'un agent de correction peut nous aider à faire également, mais il doit être là.

Pour répondre à votre question au sujet des groupes de femmes autochtones... En fait, la réponse à toutes vos questions est oui. Nous pourrions sans doute faire mieux dans certains domaines, comparativement à ce que nous faisons à l'heure actuelle, mais de façon générale, nous sommes en communication avec ces groupes.

Madame Finestone, je tiens à vous dire que les 1 000 agents en question seront affectés dans des établissements masculins, la totalité d'entre eux. Nous avons un projet de dotation spécial à l'intention des contrevenantes. Pour l'instant, nous ne manquons pas de personnel, mais nous examinons les besoins supplémentaires que pourrait avoir la clientèle des contrevenantes.

• 1710

De nombreux projets sont en cours, notamment un projet pilote à Edmonton où il n'y a que des agents féminins à titre d'intervenants de première ligne. Mais tant que nous n'aurons pas évalué comment cela fonctionne, nous n'ajouterons pas d'autres effectifs.

L'hon. Sheila Finestone: Il y a autre chose que j'ai entendu dire. Comme vous le savez, il est très important de détruire les mythes et les stéréotypes. On m'a parlé d'agressions sexuelles et en particulier de relations homosexuelles. Est-ce une réalité?

Comm. Ole Ingstrup: Étant donné la nature de ce genre de choses, madame la présidente, nous en savons sans doute beaucoup moins là-dessus que sur d'autres sujets. À mon avis, il ne fait aucun doute que...

L'hon. Sheila Finestone: Si je pose cette question, monsieur Ingstrup, que cela soit vrai ou non, et j'espère que vous pourrez me fournir une réponse—c'est relativement à toute la question de la prévention, des tests pour assurer la sécurité de votre propre personnel et des autres détenus. On m'a dit qu'il y avait une recrudescence de la tuberculose et j'aimerais savoir si c'est exact. J'estime qu'il serait bon d'avoir des précisions à cet égard.

Comm. Ole Ingstrup: Le Service correctionnel juge que les rapports sexuels entre contrevenants...

Mme Sheila Finestone: Entre adultes consentants.

Comm. Ole Ingstrup: ...ne sont pas acceptables. Par ailleurs, nous ne sommes pas naïfs. Nous oeuvrons dans ce domaine depuis de nombreuses années. Nous savons fort bien que les détenus passent outre à cette interdiction. C'est la raison pour laquelle il y a plusieurs années le gouvernement précédent a mis sur pied un programme de distribution dans les établissements pénitentiaires.

L'hon. Sheila Finestone: Je m'en souviens.

Comm. Ole Ingstrup: Il y a également d'autres mesures de prévention qui sont en vigueur, notamment l'accès au javellisant car bien que nous fassions tout pour empêcher l'introduction de drogues dans les établissements, il y en a quand même. Je ne connais aucun régime pénitentiaire où il n'y en a pas. Par conséquent, pour ne pas ajouter au problème et compromettre la santé du personnel et des autres détenus, nous prenons diverses mesures.

Pour ce qui est de votre question au sujet de la tuberculose, il est vrai que les tests de certaines personnes sont revenus positifs. Nous avons constaté cela sur une certaine période, particulièrement dans un ou deux établissements où nous avons deployé des efforts pour examiner le problème. À ce stade-ci, selon les données les plus récentes, il n'y a pas de cas de tuberculose active. Par contre, il y a 11 cas officiels de «tuberculose passive», pour reprendre les termes des médecins.

Il n'y a aucune preuve de contamination, mais compte tenu de la nature de la maladie, il est difficile d'affirmer que c'est le cas. Nous savons que certains contrevenants et certains membres du personnel ont vu leurs tests passer de négatif au positif au sein du même établissement. Étant donné que la tuberculose est une maladie transmise dans l'air, il va de soi que nous devons surveiller le problème de près dans l'intérêt de nos employés et des détenus, et c'est ce que nous faisons. D'ailleurs, nous offrons à tous les détenus la possibilité de subir un test cutané.

La présidente: Il nous reste 11 minutes. Nous allons donner la parole à M. MacKay.

L'hon. Sheila Finestone: Ça va.

La présidente: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: J'aimerais revenir à une question qu'a soulevée Mme Finestone. Au sujet de l'enquêteur correctionnel, nous savons que lorsque des meurtriers comme Michael Hector, Raymond Russell ou John Richardson ont un problème avec votre organisme, le Service correctionnel du Canada, ils ont la possibilité d'exprimer leurs doléances.

L'idée d'avoir un commissaire défenseur des droits des victimes ou quelqu'un en fait qui jouerait un rôle analogue auprès des familles, des victimes ou des victimes elles-mêmes a été discutée au sein du comité. En fait, ces fonctions seraient semblables à celles de l'enquêteur correctionnel. Vous qui avez l'expérience du système, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Comm. Ole Ingstrup: Je ne sais pas si cela serait l'idéal. Il va de soi que je me soucie du sort des victimes, comme n'importe quel autre citoyen canadien et que je souhaite faire en sorte qu'elles soient traitées le mieux possible. Nous avons en place un certain nombre de mécanismes pour les aider, mais compte tenu de notre mandat, ce n'est pas l'idéal. Nous essayons d'être aussi accessibles que possible. Nous essayons d'être ouverts et d'informer les victimes lorsqu'elles nous demandent des renseignements. Mais il y a aussi des victimes qui ne veulent pas être informées de ce qui se passe.

• 1715

Pour ce qui est des mécanismes susceptibles d'améliorer la compréhension qu'ont les victimes du fonctionnement du système et qui leur permettent d'exprimer leurs préoccupations, je souhaiterais qu'elles fassent appel à notre organisation. En effet, nous avons énormément de respect à l'endroit des victimes et nous voulons les aider du mieux que nous pouvons.

M. Peter MacKay: Ne pensez-vous pas qu'il y a là un conflit d'intérêts et que les victimes devraient recourir à une personne indépendante qui n'est pas... Je ne dis pas que le Service correctionnel essaie de cacher quoi que ce soit, mais j'ai l'impression qu'une personne indépendante du Service correctionnel serait mieux placée pour fournir aux victimes l'information dont elles ont besoin.

Comm. Ole Ingstrup: Je n'ai pas réfléchi à cette question en détail. Je pense qu'il n'est pas mauvais d'avoir une instance à laquelle on pourrait recourir si nous ne nous acquittons pas convenablement de nos responsabilités, mais je pense essentiellement que le premier contact devrait se faire entre les victimes et le service correctionnel au lieu d'instaurer un système compliqué.

Lorsque je m'adresse à des groupes de défense des victimes, la plupart du temps ils n'ont pas à se plaindre des services que nous leur offrons. D'ailleurs, monsieur MacKay, il est très important pour nous de montrer que nous sommes une composante du système de justice pénale et non pas strictement un système correctionnel.

M. Peter MacKay: Par conséquent, vous ne jugez pas nécessaire, compte tenu...

Comm. Ole Ingstrup: Je ne veux pas me prononcer pour ou contre l'idée. Je reconnais qu'il y a là un besoin, mais il faudrait que j'y réfléchisse davantage.

M. Peter MacKay: D'accord.

La présidente: Me permettez-vous d'intervenir?

M. Peter MacKay: Bien sûr.

La présidente: Je vous donnerai tout votre temps d'intervention.

Y a-t-il quelqu'un responsable des politiques qui travaille au dossier des droits des victimes au sein du ministère? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous en parler?

Comm. Ole Ingstrup: Pour être franc, je ne peux vous dire si au service des politiques il y a quelqu'un qui s'occupe de ce dossier en particulier, mais je vous le laisserai savoir volontiers.

La présidente: Très bien.

Comm. Ole Ingstrup: Je ne suis pas ici pour imposer quelque condition que ce soit...

La présidente: Non.

Comm. Ole Ingstrup: ...mais je vous demanderais de bien vouloir nous communiquer vos idées quant au domaine où nous pourrions améliorer notre prestation.

La présidente: Nous sommes sur le point d'amorcer une étude sur les droits des victimes en mai et en juin, et sur leur rôle...

Comm. Ole Ingstrup: Nous nous ferons un plaisir de dénicher tout ce qui pourrait vous être utile.

La présidente: Merci.

Je suis désolée de vous avoir interrompu. Poursuivez.

M. Peter MacKay: Merci, madame la présidente.

Monsieur le commissaire, je voudrais vous interroger précisément au sujet du rôle de la Société John Howard pour ce qui est de surveiller des contrevenants.

Vous êtes au courant de l'affaire Michael Hector, cet individu à qui l'on a accordé une libération conditionnelle après qu'il ait tué un jeune homme du nom de Kevin Solomon, ainsi que deux autres. D'après ce que le comité a su, le surveillant n'a rencontré Hector qu'une seule fois dans son bureau, ne lui a jamais rendu visite chez lui et n'a pas non plus communiqué avec la famille d'Hector ou les membres de la famille des victimes.

Plus loin, il était question dans l'un de vos rapports du fait que Michael Hector participait à une auto-évaluation. Autrement dit, il fournissait de l'information directement au surveillant et rien n'était fait pour tenter de la vérifier, du moins de façon indépendante. Également, le surveillant n'était pas au courant de la situation d'emploi ou de la situation financière de M. Hector, deux indicateurs d'instabilité.

J'aimerais tout d'abord vous poser une question générale au sujet du SCC et de ses activités d'attribution de contrats à la Société John Howard en matière de surveillance de personnes libérées sous condition pour l'année 1997-1998. Quelle part de votre budget a été dépensée pour l'attribution de marchés?

L'attribution de contrats à la Société John Howard pose-t-elle un problème de conflit d'intérêts, compte tenu de son mandat et de la possibilité de conflit d'intérêts qui ressort, d'après moi, de l'affaire Michael Hector? Quelle est la nature des rapports que vous entretenez de façon régulière avec la Société John Howard?

Pourriez-vous répondre à ces questions, je vous prie?

• 1720

Comm. Ole Ingstrup: Je serais heureux de le faire en détail, mais je ne suis pas en mesure de dire exactement combien d'argent nous avons dépensé pour les services de la Société John Howard. Dans l'ensemble, nous dépensons environ 120 millions de dollars pour divers types de marchés. Cela englobe les marchés avec la Société John Howard, la Société Saint-Léonard, l'Armée du Salut, etc.

Nous avons des liens contractuels importants avec la Société John Howard sur le plan communautaire. Selon mon évaluation, il s'agit d'une excellente relation qui devrait se poursuivre. Évidemment, rien n'est parfait. L'affaire Michael Hector montre très clairement qu'il existe certaines failles, mais je ne dirais pas qu'on peut les attribuer à un conflit d'intérêts. La question n'est pas là.

Il y a deux aspects à l'affaire Michael Hector. Tout d'abord, le Service correctionnel du Canada n'a pas fourni à la Société John Howard les documents et les renseignements qu'il aurait dû lui fournir. Nous avons abordé cet aspect lors de notre dernière rencontre, vous vous en souviendrez.

La Société John Howard, pour sa part, n'était pas au courant de ce qu'elle devait faire précisément pour se conformer à nos normes en matière de surveillance.

De notre côté, nous n'avons pas suffisamment contrôlé le processus. Le système n'a pas fonctionné comme il aurait dû le faire normalement.

M. Peter MacKay: Je comprends bien qu'il peut être dangereux de citer un seul exemple. On risque de généraliser et de parler d'un problème systémique.

Comm. Ole Ingstrup: En effet.

M. Peter MacKay: Il y a pourtant une question que j'aimerais vous poser. À la suite de cette affaire, je crois savoir que le marché conclu avec la Société John Howard à Thunder Bay a été renouvelé en mars 1996. Aucune évaluation de rendement n'a été faite. Est-ce normalement ce qui se passe en matière d'attribution de marchés à des sociétés comme la Société John Howard? Existe-t-il un système d'évaluation de rendement qui puisse faire en sorte que les échanges d'information n'entraînent pas des désastres comme ce qui s'est passé dans l'affaire Michael Hector?

Comm. Ole Ingstrup: Nous n'évaluons pas le rendement de la Société John Howard, mais des examens de gestion ont lieu régulièrement.

Depuis l'affaire Michael Hector, nous effectuons des vérifications beaucoup plus fréquentes et approfondies. Nous constatons, me semble-t-il, une amélioration de la qualité. Si le marché a été renouvelé à Thunder Bay, c'est tout simplement à cause de la participation de nouveaux intervenants.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci. J'aimerais revenir à un aspect et puis en aborder un nouveau. Je commencerai par le nouvel élément.

Dans son rapport de la partie III, le SCC signale que 5 p. 100 des détenus des établissements prennent part à des activités de gang. Le pourcentage peut sembler faible, mais il s'agit quand même de 5 p. 100. Or, il y a un an de cela, environ, le Parlement a adopté une mesure législative visant les organisations criminelles. J'estime donc que si des activités de gang se déroulent dans les établissements pénitentiaires, cela veut dire qu'il s'y déroule des activités criminelles en contravention du Code criminel. J'aimerais vous demander si votre service fait enquête au sujet d'activités du crime organisé à l'intérieur de l'un quelconque de vos établissements depuis l'adoption de cette nouvelle loi.

Comm. Ole Ingstrup: Nous constatons, je crois, qu'un nombre considérable de nos détenus font partie de gangs. Cela ne veut pas dire, me semble-t-il, que nous constatons qu'un nombre important de contrevenants participent à des activités de gang tout en purgeant leur peine. Cependant, dans la mesure où nous les prenons sur le fait, nous ferons rapport aux autorités policières. Évidemment, nous faisons tout ce que la loi nous prescrit de faire.

• 1725

M. Derek Lee: Ce que je tente de faire valoir, c'est qu'il s'agit d'un crime d'état. Autrement dit, on ne parle pas ici du fait de commettre un acte criminel, d'un acte d'extorsion, de faire le commerce de produits de contrebande ou de stupéfiants. On parle du fait de faire partie d'une organisation criminelle à laquelle participent cinq personnes ou plus. Il est ainsi possible qu'à tout moment, une infraction soit en train de se produire dans la cour de l'un de vos établissements.

Je prends peut-être la chose un peu à la légère. Une partie de basket-ball pourrait relever de l'infraction criminelle. Connaissez-vous les dispositions du Code criminel qui portent sur...

Comm. Ole Ingstrup: Je crois que oui.

M. Derek Lee: Y a-t-il des pauvres malheureux qui soient plus vulnérables que les membres d'organisations criminelles qui sont en détention? Ils pensent peut-être pouvoir mener des activités criminelles dans l'impunité relative à l'intérieur des établissements mais, en réalité, ils sont extrêmement vulnérables à toute forme d'enquête ordinaire ou d'enquête par intrusion.

Si on n'utilise pas cette disposition du Code criminel, je vous invite à en évaluer l'utilité.

Savez-vous si on utilise le nouvel article 467.1?

Comm. Ole Ingstrup: Je n'en suis pas certain.

Cependant, je puis vous dire que nous obtenons nos renseignements au sujet de l'appartenance à des gangs auprès de la police. Il n'est peut-être donc pas nécessaire pour nous d'appeler la police pour l'informer de ce qu'elle vient tout juste de nous dire.

Je me ferai cependant un plaisir d'étudier la question.

M. Derek Lee: Vos agents de sécurité pourraient peut-être trouver la chose utile.

Comm. Ole Ingstrup: En effet, je me ferai un plaisir d'étudier la question.

M. Derek Lee: J'aimerais en deuxième lieu revenir à la question de la divulgation des dossiers criminels. D'après ce que j'ai compris de la discussion, de vos réponses et de la loi, rien n'empêche de divulguer à qui que ce soit le fait qu'une personne a un dossier criminel à cause d'une infraction quelconque. Est-ce exact?

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Derek Lee: Il n'y a donc aucun empêchement à la divulgation. Il s'agit tout simplement de déterminer s'il convient ou non de divulguer certaines informations à certaines catégories de personnes.

Comm. Ole Ingstrup: C'est bien cela, en effet.

M. Derek Lee: D'accord. J'ai bien compris votre réponse.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Comm. Ole Ingstrup: Madame la présidente, permettez-moi une précision pour éviter tout malentendu avec M. MacKay.

Si vous vouliez savoir s'il existe à l'heure actuelle un marché entre la Société John Howard de Thunder Bay et nous-mêmes, je répondrai par la négative. À ma connaissance, nous travaillons avec un ancien directeur exécutif qui fait un excellent travail de surveillance depuis des années. Cependant, selon ce qu'on me dit, aucun contrat n'est en vigueur à l'heure actuelle entre nous et la Societé John Howard de Thunder Bay.

M. Peter MacKay: Donc, lorsque vous parliez d'un changement de personnel, ce n'était pas vraiment le cas; vous travaillez avec du personnel qui ne fait plus partie de la Societé John Howard.

Comm. Ole Ingstrup: Non, il y a eu changement de personnel également. La personne en cause dans l'affaire Hector...

M. Peter MacKay: Je vois.

Comm. Ole Ingstrup: ...ne travaille plus pour le compte de la Société John Howard.

M. Peter MacKay: Et le contrat mentionne toujours encore la Société John Howard?

Comm. Ole Ingstrup: Je crois... Sur le contrat? Non.

En effet, il se peut que nous passions un contrat avec les nouveaux arrivants à la Société John Howard, et je ne voudrais pas que vous constatiez que ce que je vous ai dit n'est pas vrai.

M. Peter MacKay: D'accord; vous n'avez donc pas passé de contrat avec la Société John Howard à Thunder Bay?

Comm. Ole Ingstrup: C'est ce qu'on me dit: à l'heure actuelle nous n'avons pas de contrat avec la Société John Howard à Thunder Bay.

M. Peter MacKay: Je vous remercie, monsieur.

La présidente: Merci, Peter.

Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Si j'ai bien compris, le personnel... Je vous ai posé la même question lors de votre précédente comparution.

Comm. Ole Ingstrup: Nous avons...

L'hon. Sheila Finestone: L'ancien directeur...

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: ...de la Société John Howard. C'était l'une des questions que nous essayions de tirer au clair; je vous remercie d'avoir mis les choses au point.

• 1730

Vous vous souvenez peut-être que j'avais deux questions à poser, l'une concernant les pratiques sanitaires, l'autre à propos du tatouage, car je crois savoir que ce dernier se pratique beaucoup en prison. Est-ce exact?

Comm. Ole Ingstrup: Nous en avons eu, c'est indéniable.

L'hon. Sheila Finestone: En ce cas, est-ce que vous ne vous posez pas des questions quant à la santé des détenus?

Comm. Ole Ingstrup: Certainement. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour informer les détenus du risque qu'ils prennent avec le tatouage. Nous confisquons les instruments qu'ils utilisent à cet effet.

L'hon. Sheila Finestone: Pourquoi? La pratique du tatouage est-elle illégale, monsieur Ingstrup?

Comm. Ole Ingstrup: Oui. Il est illégal, dans nos établissements, de posséder les instruments nécessaires au tatouage.

L'hon. Sheila Finestone: En ce cas je vais examiner la question sous un autre angle. Un acte, bien qu'illégal, n'en est pas moins pratiqué; il entraîne de graves problèmes...

Comm. Ole Ingstrup: Absolument.

L'hon. Sheila Finestone: ...comme le VIH, précurseur du sida.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

L'hon. Sheila Finestone: On risque ainsi de graves infections. La contagion du sida et du VIH... Est-ce qu'il ne serait pas tout aussi important de leur fournir des instruments aseptiques et des seringues non contaminées, afin d'éviter que la maladie ne se répande? Est-ce que vous n'y songez pas?

Comm. Ole Ingstrup: On peut certainement utiliser pour ces instruments le même désinfectant que nous employons pour les seringues illégales.

L'hon. Sheila Finestone: Des aiguilles?

Comm. Ole Ingstrup: Non, pas des aiguilles; nous n'avons pas de programme d'échange des aiguilles.

L'hon. Sheila Finestone: Puis-je vous demander d'examiner cette question, à un certain moment? Si le tatouage se pratique de toute façon, et qu'il se pratique en cachette, sous la table, dans un coin ou au fond de la cellule, vous allez avoir contamination, et cela ne sert à rien de s'aveugler là-dessus.

Comm. Ole Ingstrup: Vous avez raison. Je m'empresserai d'examiner cette question et de vous donner une explication plus approfondie la prochaine fois que nous nous reverrons.

L'hon. Sheila Finestone: Oui, examinez cette question, elle est importante et je vous en prie, donnez-leur des aiguilles aseptiques.

Je voulais également vous poser une question sur les ententes que vous avez et qui sont mentionnées dans votre rapport de performance de 1997. Vous négociez avec les provinces et territoires des ententes sur les avis aux collectivités. Lorsque j'ai d'abord entendu cela je pensais qu'il s'agissait de passer des contrats pour des terrains, la surveillance ou les services de la Société John Howard ; j'ignorais ce que cela signifiait. Réflexion faite, je ne sais toujours pas ce que cela signifie au juste, et j'aimerais que vous m'en informiez. Qu'est-ce que c'est que l'avis aux collectivités? S'agit-il de publier le nom de celui qui a commis un grave délit sexuel, et d'en avertir tout le monde, ou bien de quoi s'agit-il?

Comm. Ole Ingstrup: J'espère que non. Nous informons la police lorsqu'une personne est mise en liberté. Nous sommes en contact avec la police locale, afin que celle-ci soit au courant de la mise en liberté d'un délinquant dans la collectivité de son ressort. C'est cela que nous faisons.

Il arrive de temps en temps que le bureau local de la police décide de publier le nom et les photos des délinquants, encore que ce ne soit pas un gros problème au Canada; ce n'est pas l'usage chez nous.

L'hon. Sheila Finestone: Existe-t-il un protocole qui catégorise les délits, qu'il s'agisse d'un délit d'affaires, d'un meurtre, d'une agression sexuelle; c'est alors que vous décidez si vous allez faire part de cette information ou non, ou est-ce simplement une procédure routinière... Quel est le protocole que vous allez signer?

Comm. Ole Ingstrup: Nous informons simplement la police locale chaque fois qu'un délinquant est mis en liberté dans cette localité. Nous l'informons également des absences temporaires, des libérations conditionnelles ou des placements à l'extérieur, quand il s'agit de la collectivité en question.

À cet égard, les relations de travail entre la police et le SCC se sont beaucoup améliorées. Nous essayons donc de les avertir automatiquement; le seul problème que nous ayons rencontré récemment, ce sont les retards, et nous essayons d'y remédier en les informant à temps.

La présidente: Je vous remercie, madame Finestone.

Monsieur Discepola.

• 1735

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Je voudrais revenir en arrière, monsieur le commissaire, et parler en termes généraux des décisions de la Commission des libérations conditionnelles et des audiences.

Ce qui irrite les députés, ainsi que les familles, c'est qu'on a l'impression lorsqu'une enquête est en cours concernant un incident particulier, qu'elle est souvent menée par le service correctionnel, et menée à huis clos, en secret. Il est très difficile d'obtenir l'information, en particulier lorsque les familles le demandent. Il y a plus important encore: les recommandations émanent généralement de certaines de ces audiences. Il n'y a aucune garantie que ces recommandations soient, en fait, suivies d'effet.

Pour revenir à ce que disait tout à l'heure M. MacKay, existe-t-il une procédure, soit par le SCC, soit par la Commission nationale des libérations conditionnelles elle-même, par laquelle les familles des victimes peuvent obtenir une réponse à leurs questions et à leurs demandes de renseignements?

En outre, pouvez-vous assurer aux membres de ce Comité que dans toute révision de ces dossiers, toutes les recommandations qui ont été faites ont été effectivement suivies d'effet? Là encore, comment le faites-vous savoir aux familles?

Comm. Ole Ingstrup: Je vous remercie, monsieur Discepola.

Madame la présidente, quand nous procédons à des enquêtes nationales, nous y faisons toujours participer une personne de la collectivité, sans lien avec le SCC en tant que membre de plein droit de l'équipe d'enquête. Nous procédons ainsi afin que les gens de l'extérieur puissent s'adresser à cette personne et lui demander s'il s'agit d'une vraie enquête ou d'un camouflage.

Nous considérons que ceux qui sont formés à procéder à des enquêtes le font mieux que d'autres, parce qu'ils connaissent le système correctionnel. Je sais qu'on les a accusés d'être trop indulgents envers ce dernier, mais ces accusations ne peuvent provenir que de gens qui n'ont jamais lu nos rapports. Ils trouvent toutes sortes de choses à critiquer et font ressortir chaque petite lacune dans leurs recommandations.

Quand je nous compare à d'autres pays—ce que j'ai fait—nos études sont aussi approfondies, aussi ouvertes et critiques que possible. Elles débouchent sur une série d'observations et de recommandations positives. Des plans d'action sont mis en place à partir de là, et la mise en exécution qui s'ensuit est suivie de près par ceux qui ont fait l'étude. Ils se rendent sur place, vérifient si les recommandations ont été appliquées et me font également un rapport là-dessus.

Avec l'aide de M. White, quand nous avons réalisé l'étude concernant le Centre Sumas nous avons fait participer plus ouvertement des gens de la collectivité.

M. Nick Discepola: Y a-t-il un mécanisme officiel à l'intérieur de la Commission des libérations conditionnelles ou du Service correctionnel où les familles des victimes peuvent avoir...

Comm. Ole Ingstrup: Oui. Si elles nous contactent, nous écoutons ce qu'elles ont à nous dire. Dans la plupart des cas, si elles ne sont pas directement touchées, nous ne les interrogeons pas. Si elles le sont, nous les interrogeons.

Mais je peux assurer au comité, et à vous en particulier, monsieur Discepola, que si les victimes estiment avoir quelque chose à dire dans notre enquête, ce sont elles que nous écouterons plutôt que quelqu'un d'autre.

La présidente: Merci, monsieur Discepola.

Monsieur Ingstrup et monsieur Clair, merci d'être venus.

Comm. Ole Ingstrup: Merci.

La présidente: La journée a été longue. Je sais que l'heure est passée.

Chers collègues, avant de lever la séance je dois vous informer que j'ai reçu une lettre de John Sims, sous-procureur général adjoint. Il a comparu devant le comité hier avec Neil Sher, pour éclaircir la situation concernant une plainte contre M. Sher déposée à l'Office of Professional Responsibility aux États-Unis. Il nous a dit que M. Sher l'avait effectivement informé que cette enquête était en cours, et qu'il avait décidé à l'époque qu'il ne s'agissait pas d'un problème très grave. Dans l'intervalle, il s'est mis en rapport avec l'Office of Professional Responsibility, qui l'a avisé que le rapport devrait être terminé dans un mois ou deux. Ils ne savent pas encore si le rapport sera rendu public. Il pense recevoir une copie du rapport, et il nous la fera parvenir.

• 1740

Quand cette lettre sera traduite, on la distribuera officiellement à tous les membres du comité. On ne l'a pas encore traduite. Merci.

La séance est levée.