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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 17 septembre 1999

• 1005

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la séance conjointe du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

J'aimerais demander aux membres des médias électroniques qui se trouvent autour de table de bien vouloir se retirer à l'arrière de la salle pour que nous puissions commencer. Je vous remercie de votre collaboration.

Chers collègues, bon retour à Ottawa pour cette séance spéciale très importante. J'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux ministres Art Eggleton et Lloyd Axworthy ainsi qu'à la nouvelle ministre Maria Minna. Je suis très heureux de vous retrouver tous ici ce matin pour entendre vos commentaires sur la situation tragique que connaît le Timor-Oriental.

J'aimerais également souligner la présence du sénateur Stewart, qui préside le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, et celle d'autres membres de ce comité. Je n'ai évidemment pas besoin de présenter Mme Finestone à ceux qui s'intéressent aux affaires étrangères. Nous sommes heureux de l'accueillir ici ce matin en sa nouvelle qualité de sénatrice.

Comme vous pouvez le constater, nous sommes très nombreux, au point où nous avons à peine assez de fauteuils autour de la table, mais je pense que tout le monde a une place.

Je vais expliquer rapidement comment nous allons procéder ce matin. Permettez-moi d'abord de vous présenter Colleen Beaumier. Voulez-vous prendre la parole, Colleen?

La coprésidente suppléante (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): Je suis très heureuse de prendre la place de Bill Graham, le président du Comité des affaires étrangères, qui est actuellement à l'étranger. Je le remplace en tant que vice-présidente du comité pour le parti ministériel. Merci.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.

Donc, Colleen et moi-même coprésiderons la séance. Comme les membres du comité le savent, nous avons entendu beaucoup beaucoup d'exposés. Je constate la présence du général Henault et d'autres militaires qui sont venus nous présenter leur point de vue sur le Kosovo en mai et en juin. Nous avons établi une façon de procéder pour les réunions conjointes de nos deux comités et j'aimerais brièvement rafraîchir la mémoire des députés à ce sujet.

Pour permettre au plus grand nombre de membres de poser des questions, les tours seront de cinq minutes. Nous commençons par l'opposition officielle qui sera suivie du Bloc, du Parti libéral, du NPD et du Parti conservateur, qui auront tous droit à cinq minutes chacun. Je vous rappelle, chers collègues, qu'il s'agit d'une période de questions et de réponses. Si un député prend quatre minutes et demie pour poser sa question, le ministre n'aura pas beaucoup de temps pour répondre. Je vais laisser le ministre finir d'exprimer sa pensée, finir sa phrase, et je devrai l'interrompre pour passer au député suivant. Il ne faudrait pas l'oublier; je rappelle que nous procédons ainsi tout simplement pour donner au plus grand nombre de députés la possibilité de poser des questions.

Comme nous accueillons des sénateurs parmi nous, je vais essayer, si le temps le permet, de leur laisser poser quelques questions, si vous êtes d'accord. Il s'agit d'une réunion conjointe de deux comités permanents de la Chambre des communes à laquelle des sénateurs participent. Il peut y avoir d'autres députés présents mais, évidemment, je dois donner la priorité aux membres des deux comités permanents. Nous allons donc essayer de permettre aux membres de poser toutes leurs questions.

Cela dit, je vais céder la parole aux ministres, en commençant par M. Axworthy.

L'honorable Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, lib.): Merci monsieur le président.

Je remercie les sénateurs et les membres des comités d'avoir accepté d'interrompre leurs activités pour participer à cette consultation sur la situation au Timor-Oriental. Les deux comités, y compris des comités du Sénat, ont déjà pris part à un certain nombre de consultations sur la République centrafricaine, la Bosnie, le Kosovo et Haïti. L'intérêt marqué qu'ils manifestent pour ces questions est fort apprécié et je pense qu'il enrichira le débat public.

• 1010

Comme vous le savez, mercredi, le Conseil de sécurité a autorisé le déploiement d'une force multinationale de maintien de la paix, aux termes du chapitre VII, qui autorise la force à utiliser tous les moyens nécessaires pour rétablir la paix et l'ordre au Timor-Oriental. Le premier ministre a alors dit que le Canada pourrait envoyer 600 soldats. Mon collègue, M. Eggleton, pourra sûrement vous en dire davantage à ce sujet. Quant à Mme Minna, elle sera en mesure de vous expliquer les activités d'ordre humanitaire qui s'organisent.

J'aimerais profiter de l'occasion pour revenir sur certains événements récents et indiquer le rôle que le Canada a joué, ainsi que signaler particulièrement ce qui nous attend, parce que c'est très important.

Nous allons vous distribuer d'ici quelques minutes un document d'information qui expose de façon assez détaillée la chronologie des événements qui se sont déroulés au Timor-Oriental. En janvier dernier, le gouvernement indonésien a décidé de permettre au Timor-Oriental de décider de son avenir; par la suite, le Portugal, l'Indonésie et les Nations Unies ont engagé des négociations qui ont abouti à l'accord du 5 mai qui exposait en détail les modalités de la tenue d'un référendum. Conformément à cet accord, le référendum a eu lieu le 30 août, en présence d'un assez grand nombre d'observateurs étrangers, parmi lesquels se trouvaient des parlementaires canadiens.

Les résultats du scrutin ont été annoncés le 3 septembre. La participation des Timorais de l'Est a été massive, autant à l'intérieur de la province qu'à l'extérieur. En effet, 90 p. 100 des électeurs inscrits se sont rendus aux urnes et se sont prononcés par une majorité écrasante de 78,5 p. 100 en faveur de l'indépendance. Ce résultat souligne l'importance du référendum ainsi que la volonté et le courage remarquables dont les Timorais de l'Est ont fait preuve à cette occasion.

Le référendum a été suivi d'une vague de violence et d'intimidation de la part des milices pro-indonésiennes. Les miliciens s'en sont pris aux Timorais de l'Est, aux membres de l'UNAMET qui se trouvaient là-bas ainsi qu'aux journalistes étrangers et aux travailleurs humanitaires et, ce qui est peut-être encore plus grave, ils ont entrepris de déplacer des centaines de milliers de Timorais.

Selon Xanana Gusmao, un des principaux dirigeants du Timor-Oriental, avec lequel je me suis entretenu il y a quelques jours, il est très inquiétant de voir autant de gens être repoussés dans la jungle, vers les frontières, sans nourriture ni aide. Il nous demande avant tout de régler ce problème. Cette situation soulève toutefois de graves questions au sujet des crimes contre l'humanité, à savoir s'il s'agit d'une action concertée ou non.

En raison des très fortes pressions internationales, le gouvernement de l'Indonésie a accepté la présence d'une mission internationale de maintien de la paix le 12 septembre. Je vous rappelle que c'est environ huit jours après l'annonce des résultats du référendum, ce qui, par rapport à ce qui s'est passé au Kosovo, est très rapide en termes de présence internationale. Si vous vous rappelez bien, dans le cas du Kosovo, il nous a fallu un an pour en arriver au même point. Le Conseil de sécurité a adopté une résolution autorisant le déploiement de la force à 3 heures dans la nuit du 15 septembre.

Notre objectif dans ce débat, pour ceux d'entre vous qui l'ont suivi, était d'assurer un mandat solide à la force multinationale pour qu'elle puisse assurer la paix et la sécurité et empêcher la mort des Timorais déplacés. Nous avons aussi réussi à faire en sorte que la résolution accorde un accès sans entraves aux organisations humanitaires pour que l'aide puisse être apportée dans des conditions sécuritaires. Je peux vous annoncer aujourd'hui que les premières opérations de parachutage ont commencé au Timor-Oriental il y a quelques heures.

Nous avons aussi soumis l'idée qu'il faudrait garantir aux Timorais le droit de retourner chez eux sans danger et qu'il faudrait poursuivre en justice les responsables de ces atrocités.

Nous discutons actuellement avec les Nations Unies et l'Australie, qui a été chargée de diriger la mission, de la meilleure façon de contribuer à la force internationale. Une délégation interministérielle, formée de représentants du ministère de la Défense, de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères, est partie hier à destination de l'Australie pour évaluer la situation en vue de la participation du Canada.

Mes collègues vous fourniront plus de détails à ce sujet.

• 1015

J'aimerais maintenant vous parler du travail qu'un certain nombre de civils et de policiers canadiens ont effectué au sein de la mission des Nations Unies chargée du scrutin, l'UNAMET. Ils étaient dans le camp et partout sur le territoire du Timor-Oriental, durant presque tout ce temps et ils ont été exposés à des dangers considérables. Nous leur avons souvent parlé et nous leur avons demandé s'ils voulaient quitter les lieux, mais ils ont préféré rester. Je pense qu'ils méritent beaucoup d'éloges de la part des membres du comité, du Parlement et de la population canadienne pour le travail qu'ils ont accompli dans des conditions extrêmement pénibles.

L'ONU a approuvé l'accord du 5 mai dans lequel l'Indonésie conservait la responsabilité... Je tiens à signaler qu'on s'est beaucoup demandé pourquoi l'ONU n'est pas intervenue tout de suite. En fait, l'accord du 5 mai conférait la responsabilité de la sécurité au gouvernement de l'Indonésie. Il n'aurait pas pu y avoir d'accord autrement. C'est donc dire que c'était une condition requise à la tenue du référendum sur l'indépendance. Compte tenu de la situation, c'est un aspect qu'il a fallu renégocier, ce qui a été fait.

Beaucoup de gens avaient exprimé des craintes, conscients qu'il pourrait y avoir de la violence. Mais si on avait insisté pour qu'il y ait une présence internationale, il n'y aurait pas eu d'accord ni de référendum.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous parler de certaines des activités entreprises par le Canada. Je pense que notre pays, du moins sûrement depuis que je suis ministre des Affaires étrangères, a accordé une certaine priorité au Timor-Oriental. Nous avons créé des liens avec les représentants timorais, notamment Bishop Belo, Ramos-Horta et Xanana Gusmao, ainsi qu'un certain nombre d'ONG auxquelles j'ai moi-même rendu visite quand je suis allé en Indonésie en 1997. Le Canada se classe au troisième rang des pays pour l'aide qu'il apporte au Timor-Oriental, tout de suite derrière l'Australie et le Japon. Il faut dire que cette aide est acheminée en grande partie aux ONG, comme l'ACDI vous l'a déjà précisé je crois, et elle a servi entre autres à soutenir le processus de réconciliation communautaire entrepris par les évêques catholiques au Timor-Oriental.

Quand l'attitude de l'Indonésie a changé en janvier, nous avons reconnu le droit des Timorais de l'Est de décider de leur avenir. Nous avons par la suite réuni en table ronde des ONG du Canada et du Timor-Oriental ainsi que d'autres intervenants pour discuter de la façon dont le Canada pourrait contribuer au renforcement des capacités et au maintien de la paix.

J'aimerais rappeler que, quand je me suis rendu en Indonésie en 1997 pour revoir la politique du Canada sur le Timor-Oriental et rencontrer des gens sur le terrain, on nous a principalement demandé d'aider le pays à renforcer ses capacités, en prévision d'une prise de pouvoir mais aussi pour créer des institutions chargées des droits de la personne. C'est une des raisons pour lesquelles, nous avons, par le truchement de l'ACDI, grandement contribué à la Commission des droits de la personne de l'Indonésie qui a ouvert un bureau au Timor-Oriental et fourni de l'information sur les questions des droits de la personne. Je pense que nous sommes le seul pays qui a pu fournir ce genre d'aide.

Sans relâche, nous avons fait pression sur le gouvernement de l'Indonésie au sujet de son comportement en matière de droits de la personne, autant devant la Commission des droits de la personne et l'Assemblée générale des Nations Unies qu'au cours de rencontres personnelles. J'ai moi-même rencontré le ministre des Affaires étrangères, M. Alatas, parfois trois ou quatre fois par an. En fait, encore en juillet dernier, à l'occasion des réunions de l'ARF qui se sont tenues à Singapour, nous avons longuement discuté de la situation et nous avons reçu l'assurance que le gouvernement de l'Indonésie était prêt à assumer ses responsabilités; nous avons tout de même encore insisté sur la présence solide d'une mission internationale. À la suite de cette rencontre, j'ai envoyé M. Joseph Caron, sous-ministre au ministère, en mission au Timor-Oriental au mois d'août, pour qu'il puisse se faire une meilleure idée de la situation, qu'il exprime nos craintes et qu'il conseille le gouvernement sur ce qu'il faudrait faire en vue de l'indépendance.

Le Canada a participé à l'UNAMET pendant la campagne référendaire. Comme je l'ai dit, nous avons envoyé 26 spécialistes d'élections et quatre policiers en civil. Nous nous sommes occupés de tous les bureaux de scrutin de la diaspora est-timoraise sauf en Australie, et nous avons envoyé une équipe d'observateurs dirigée par le secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique, M. Chan. D'ailleurs, des membres de votre comité ont contribué à certaines de ces activités.

Quand la violence a commencé à éclater et qu'il devenait bien clair qu'il faudrait corriger le tir, j'ai décidé d'organiser une réunion des ministres des affaires étrangères en marge de la conférence de l'APEC. Nous nous sommes rencontrés sept ou huit jours avant le sommet de l'APEC. C'est par téléphone que nous avons obtenu la permission d'un petit groupe de gens, dont le président M. McKinnon, de tenir cette réunion qui, contrairement à ce qui se fait normalement au sein de l'APEC, ne portait pas sur des questions de nature économique.

• 1020

Nous avons constaté que nous recueillions beaucoup d'appuis, et une vingtaine de pays ont participé à la réunion. Parmi eux, et c'est important de le signaler au comité, se trouvaient six pays membres de l'ANASE qui, jusque-là, pratiquaient essentiellement une politique de non-intervention. Avec leur participation, je pense que nous avons commencé à former un consensus international; d'ailleurs, dans leur déclaration, les ministres des affaires étrangères ont insisté pour qu'il y ait une présence internationale en Indonésie et ont énuméré les grands problèmes humanitaires qui se posaient.

Par la suite, notre représentant au Conseil de sécurité, l'ambassadeur Fowler, a été le premier à demander un plan d'urgence pour une opération de maintien de la paix au Timor-Oriental. Malheureusement, d'autres membres du Conseil de sécurité n'étaient pas de même avis et la proposition a été rejetée. Mais je peux vous assurer que nous avons été les premiers à en parler, parce que nous commencions à entrevoir les problèmes.

Nous avons aussi cherché à étoffer la résolution pour qu'il y soit clairement question des droits de la personne, et nous avons réclamé publiquement que ceux qui commettaient des atrocités soient poursuivis en justice. Nous sommes d'accord avec la commissaire aux droits de la personne des Nations Unies, Mary Robinson, pour qu'on effectue une enquête. En fait, je pense que le Canada appuierait la création d'un tribunal spécial sur les crimes contre l'humanité au Timor-Oriental, ou l'élargissement des pouvoirs du tribunal pénal actuel pour qu'il puisse faire enquête sur ce territoire.

Enfin—et je ne m'étendrai pas là-dessus parce que Mme Minna vous en parlera davantage—, pendant le sommet de l'APEC, nous avons profité de la réunion des ministres des affaires étrangères pour commencer à mettre sur pied un programme humanitaire. C'est ainsi qu'au nom de mes homologues des autres pays, j'ai demandé à notre ambassadeur, M. Sunquist, de réunir les ambassadeurs à Jakarta pour commencer à organiser un programme d'aide humanitaire, ce qu'il a fait. C'est maintenant devenu un programme des Nations Unies.

Donc sur le plan humanitaire et sur le plan politique, je pense pouvoir dire que le Canada a été très actif.

En dernier lieu, au sujet de ce qui s'en vient, je pense que nous allons effectivement participer au déploiement d'une force multinationale. Nous allons nous occuper du retour du personnel de l'UNAMET, et nous allons jouer un rôle au sein du groupe d'assistance des Nations Unies pendant la période de transition, une fois que le Parlement de l'Indonésie aura approuvé la séparation du Timor-Oriental et que les Nations Unies prendront la relève. Je pense que ce qui sera le plus difficile pour nous sera de trouver comment assurer la reconstruction et la réconciliation dans cette région déchirée par les conflits.

Voilà ce qu'il en est de la situation politique. Je pense que M. Eggleton est prêt à prendre la parole.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Axworthy.

J'entends déjà les commentaires de députés qui sont impatients de poser des questions. Je trouve que la déclaration de M. Axworthy n'a pas été trop longue. Nous voulons entendre les explications des ministres avant de poser des questions. Je peux vous dire que j'entends déjà des récriminations. Nous aurons tout le temps voulu pour poser des questions, mais j'estime qu'il faut qu'on nous explique le contexte.

J'aimerais maintenant laisser la parole au ministre Eggleton, s'il vous plaît.

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur et madame les coprésidents. Membres du comité, sénateurs, bonjour. Je vais essayer de garder vos commentaires à l'esprit tandis que je mettrai tout cela en contexte.

Je suis ici avec le sous-chef d'État-major de la Défense, le général Ray Henault, pour parler de ce que peuvent faire les Forces canadiennes peuvent faire pour la situation très grave que connaît le Timor-Oriental. Comme le disait Lloyd Axworthy, il est important non seulement de promouvoir la paix, la démocratie et le respect des droits de la personne, mais aussi d'appuyer ces valeurs par des interventions concrètes à l'endroit et au moment opportuns.

Je vais maintenant donner des précisions sur l'intervention du Canada au Timor-Oriental, du moins les précisions qui ont été cernées jusqu'ici.

Vous pourrez comprendre, dans la situation actuelle, qu'il reste encore beaucoup de choses à déterminer. La résolution qu'a adoptée le Conseil de sécurité des Nations Unies mercredi autorise la création d'une force multinationale encadrée par une structure de commandement unifiée, dont le mandat serait, premièrement, de rétablir la paix et la sécurité au Timor-Oriental; deuxièmement, de protéger et de soutenir l'Unamet, la mission des Nations Unies au Timor-Oriental, dans ses fonctions; et troisièmement, autant que possible, de faciliter les opérations d'assistance humanitaire.

• 1025

En vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, cette résolution autorise aussi les pays participant à la force multinationale à prendre tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de ce mandat. Les Nations Unies conviennent que la force multinationale—une coalition des pays de bonne volonté, si l'on veut—devrait être déployée au Timor-Oriental jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par une force de maintien de la paix des Nations Unies. Cela correspondrait aux activités de l'Unamet jusqu'à maintenant.

Actuellement, nous estimons qu'il faudrait plusieurs mois pour faire la transition d'une force multinationale à une force de maintien de la paix à plus long terme. Bien que la composition de la force multinationale n'ait pas encore été précisée, on a déjà déterminé qu'elle serait dirigée par les Australiens, et nous pensons qu'elle se composera d'environ 7 500 personnes, dont environ 4 500 Australiens.

En sa qualité de dirigeante, l'Australie consulte maintenant les autres pays, dont le Canada, sur la formulation du concept des opérations de cette mission, la structure de la force et les règles d'engagement. Plusieurs autres pays ont déclaré qu'ils fourniront des troupes ou qu'ils envisagent de le faire, dont le Royaume-Uni, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, la Thaïlande, les Philippines, Singapour, la France, l'Italie et le Portugal.

[Français]

Au Canada, le gouvernement n'a pas encore pris de décision finale concernant la nature exacte de notre contribution. Cependant, nous croyons que les forces canadiennes peuvent offrir une contribution utile et valable.

[Traduction]

Nous envisageons d'envoyer l'un ou plusieurs de nos éléments, soit l'élément aérien, l'élément naval et la force terrestre. Si nous décidions de déployer ces trois éléments, cela engloberait, au total, environ 600 militaires, comme le disait le premier ministre.

Nous pensons tout d'abord envoyer deux avions de transport Hercules, portant environ 100 militaires, qui pourraient être sur place très rapidement. Il suffirait de quelques jours, pas plus d'une semaine, après que le gouvernement aura pris une décision. Ces avions Hercules seraient basés en Australie et aideraient au transport des gens et de l'équipement nécessaires à l'intervention au Timor-Oriental et ils pourraient aussi participer à l'assistance humanitaire.

Deuxièmement, un navire ravitailleur, le NCSM Protecteur, a déjà été mis en état d'alerte. Il porte environ 250 personnes et est entièrement équipé sur le plan médical, des communications, de la logistique et aussi d'un hélicoptère. La traversée prendrait environ trois semaines.

Troisièmement, une compagnie d'infanterie renforcée composée d'environ 250 militaires et d'une quarantaine de véhicules légers pourrait atteindre l'Australie en deux ou trois semaines. Ce troisième élément devrait ensuite recevoir une formation des Forces australiennes à Darwin, ce qui prendrait deux ou trois semaines de plus. Cependant, le chef des services de santé a averti qu'il faut prévoir une période de quarante jours pour l'administration des vaccins appropriés en raison des risques que posent les maladies tropicales. La vaccination a été commencée hier, donc dans une quarantaine de jours, ces soldats pourront être sur place et prêts à l'action.

Les chiffres que je donne augmenteront légèrement au fil de la planification, tandis que nous y ajouterons les installations essentielles de commandement, de soutien et de liaison. En tout, cela fera environ 600 personnes. Comme les événements vont vite, le chef d'état major de la Défense a déjà averti des unités spécifiques qu'elles pourraient être déployées au Timor-Oriental, et quelles devraient donc entamer les préparatifs et, comme je l'ai mentionné, on a commencé hier à administrer les vaccins.

La situation, au Timor-Oriental, est instable et volatile. Cela présentera des risques réels pour la force multinationale. Comme pour toute opération, nous voudrons nous assurer d'exposer nos soldats à un minimum de risques. Une équipe de reconnaissance stratégique, composée d'une quinzaine de membres des Forces canadiennes, est actuellement en route vers l'Australie, où elle arrivera dimanche. Cette équipe est chargée d'évaluer les risques sur le terrain au Timor-Oriental et de discuter des détails de notre participation avec les Australiens et avec les autres pays participants.

• 1030

L'information que fournira l'équipe de reconnaissance sera primordiale car elle permettra au chef d'état major de la Défense d'évaluer pleinement la situation, et particulièrement les risques pour nos militaires. Nous savons que ce pourrait très bien être une mission difficile, et les conseils du général Baril auront une part importante dans la décision finale que prendra le gouvernement en ce qui concerne la contribution militaire du Canada.

Les membres du comité seront, naturellement, intéressés aux questions de dispositions de commandement, de coût et de soutenabilité. Je peux vous assurer que la contribution du Canada sera conforme à notre vieille habitude de déployer des unités militaires viables sous commandement national canadien. Nous verrons aussi à ce que nos forces reçoivent le soutien approprié. Par conséquent, nous enverrons aussi un élément de commande national et un élément de soutien national pour appuyer nos forces.

Le coût différentiel de cette contribution, s'il fallait déployer les trois éléments, serait d'environ 33 millions de dollars, pour une période de six mois. Bien entendu, il en coûterait bien moins si nous ne déployions qu'un ou deux éléments ou si cela durait moins de six mois. Certains parlent d'environ quatre mois, avant qu'une mission des Nations Unies plus permanente prenne la relève. Comme par le passé pour des opérations internationales de cette nature, je demanderai des fonds supplémentaires du Bureau central du Trésor pour couvrir le coût différentiel de l'opération.

Je vais maintenant prendre quelques minutes pour répondre aux préoccupations que certains d'entre vous avez soulevées cette semaine à propos de notre capacité d'organiser une telle opération, étant donné nos autres activités et les importantes compressions que la Défense nationale a subies ces dernières années aux plans des effectifs et du budget.

Tout d'abord, je tiens à souligner que dans l'examen des solutions d'intervention au Timor-Oriental, nous avons bien tenu compte des engagements actuels et futurs des Forces canadiennes.

[Français]

Lorsque le chef d'état-major de la défense présente des options au gouvernement, il doit d'abord s'assurer qu'elle est viable. La mission au Timor-Oriental ne fait pas exception à cette règle.

[Traduction]

La nature de la mission, le nombre de militaires déjà déployés, d'autres opérations prévues, le risque, la situation géographique et la santé et la qualité de vie sont des facteurs qui doivent être soigneusement examinés avant de déterminer l'ampleur et la nature de notre contribution. Dans le cas qui nous occupe, nous avons conclu que nous pourrions participer à cette mission sans nuire à nos opérations ni à nos préparatifs actuels en vue du passage à l'an 2000.

Certains éléments des Forces armées canadiennes ont connu une cadence opérationnelle accélérée ces dernières années, et d'autres pas. Nous en avons tenu compte en déterminant les solutions d'intervention militaire au Timor-Oriental. Nous reconnaissons, cependant, que les déploiements fréquents outre-mer ont des répercussions sur la qualité de vie de notre personnel et de leurs familles. C'est pourquoi, en mars, nous avons lancé un programme Qualité de vie exhaustif pour résoudre les problèmes qu'avait soulevés le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants dans son rapport sur la qualité de vie, après l'examen approfondi qu'il avait fait de la question.

Les mesures prévues dans ce programme visent toutes à améliorer la qualité de vie du personnel militaire et de leurs familles, parce que nous reconnaissons la nature unique de la vocation militaire et les enjeux qu'elle présente. Par exemple, le Centre de ressources pour les familles des militaires fournit des services d'urgence de garde d'enfants aux familles des militaires qui sont déployés dans le cadre de cette mission. La ligne téléphonique sans frais d'information sur la mission permettra aux membres des familles de se renseigner sur les progrès de la mission.

Une fois encore, nous demandons aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes d'être l'instrument de notre résolution de rétablir la paix et la stabilité dans une région perturbée du monde. Comme je l'ai dit plus tôt, il reste encore beaucoup de choses à préciser, mais je vous demande à vous et à tous les Canadiens de soutenir sans réserve les hommes et les femmes des Forces canadiennes qui mettent en oeuvre notre volonté collective.

Je vous remercie.

• 1035

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

C'est avec plaisir que j'accueille la ministre Minna pour la première fois dans ses nouvelles fonctions. Colleen et moi—et tous les membres—sommes heureux de vous accueillir au sein de notre comité et aussi d'entendre ce que vous avez à dire avant de passer aux questions.

Madame la ministre.

L'honorable Maria Minna (ministre de la Coopération internationale, Lib.): Merci, monsieur le président et madame la coprésidente.

Chers confrères, chers collègues, c'est avec plaisir qu'en tant que ministre de la Coopération internationale, je vais vous expliquer la manière dont mon ministère, l'Agence canadienne de développement international, collabore avec les organismes de secours pour coordonner l'aide humanitaire que le Canada fournit aux habitants du Timor-Oriental.

Je suis ici aujourd'hui, tout d'abord, pour vous donner le détail des mesures que nous avons déjà mises en oeuvre pour aider les gens déplacés par cette crise; deuxièmement, pour passer en revue certains des développements les plus récents qui permettront au Canada et à la communauté internationale de fournir les secours indispensables de la manière la plus appropriée; troisièmement, pour donner un aperçu des prochaines mesures que nous pourrions prendre, en nous fondant sur notre perception actuelle de la situation humanitaire; et enfin, pour vous fournir des renseignements que vous pourrez transmettre à vos électeurs. Nous savons tous que les Canadiens ont fourni un appui phénoménal aux victimes de conflits et d'autres catastrophes survenus dans le passé et nous voulons veiller à ce que leur apport généreux soit acheminé avec toute l'efficacité possible.

[Français]

J'aimerais prendre quelques minutes pour rendre hommage au courage de ces hommes et de ces femmes que nous cherchons à aider aujourd'hui. Aux dernières nouvelles, la moitié des 800 000 habitants du Timor-Oriental auraient été forcés de fuir. Ces quelque 400 000 personnes représentent presque la population entière d'une ville comme Kitchener, en Ontario, ou un peu plus de la moitié de la population du Nouveau-Brunswick. Du jour au lendemain, leur vie est mise en danger et ils ont vraisemblablement tout perdu. Qu'ils se soient déplacés à l'intérieur du Timor-Oriental ou qu'ils aient fui vers le Timor-Occidental, ils ont besoin d'aide.

L'aide du Canada au Timor-Oriental remonte bien avant les événements des dernières semaines. Le Canada continue de maintenir des liens étroits avec les organisations communautaires du Timor-Oriental. Il a contribué de deux façons à la tenue des consultations populaires sous l'égide des Nations Unies, d'une part en fournissant l'appui de policiers civils à un coût de 1 million de dollars, et d'autre part en fournissant l'appui de spécialistes des élections à un coût de 1 million de dollars également. Nous avons de plus appuyé des initiatives locales de résolution de conflits au sein même des communautés, à raison de 850 000 $, ainsi que le Prix Nobel monseigneur Belo. Naturellement, ces efforts, ainsi que d'autres projets entrepris au Timor-Oriental, ont dû être interrompus, mais ils pourront être réactivés et adaptés aux besoins actuels.

[Traduction]

Les événements survenus au Timor-Oriental ont rompu la sécurité du peuple timorais et suspendu son développement. En plus de fournir une aide d'urgence pour répondre aux besoins les plus pressants, la principale tâche de mon ministère est de les aider à s'attaquer aux causes fondamentales de leur instabilité et de leur insécurité. Ceci nécessite un effort à plus long terme.

Tout comme ailleurs où il y a eu des conflits internes violents, les causes fondamentales du conflit peuvent être retracées dans l'iniquité sociale et économique et dans une structure politique qui n'encourage pas une participation générale ou qui favorise un groupe au détriment de l'autre. Nous contribuons donc à la sécurité humaine en favorisant l'accès à des opportunités d'emploi durable, la création d'une infrastructure fondamentale, de services de santé et de services sociaux—autrement dit, lorsque nous aidons à éliminer les obstacles au développement humain et au progrès social. Nous contribuons aussi à la sécurité humaine en réglant des problèmes fondamentaux de régie, en faisant la promotion du respect des droits de la personne et en soutenant l'accès équitable à la justice. Pour le moment, cependant, il nous faut collaborer avec nos collègues des Affaires étrangères et de la Défense nationale pour assurer la sécurité des gens du Timor-Oriental et répondre à leurs besoins essentiels.

[Français]

Chers collègues, comme vous le savez, au chapitre de l'aide humanitaire, j'ai retenu les services sur le terrain de CARE Canada en vue de venir en aide aux personnes déplacées. Cette organisation canadienne a déjà fait ses preuves dans ce domaine. Vous vous souviendrez qu'elle a contribué récemment aux efforts humanitaires au Kosovo. Elle était bien placée au Timor pour porter rapidement secours aux victimes et elle a reçu la semaine dernière 420 000 $ de l'ACDI. Je puis vous assurer que cette organisation n'a pas perdu de temps pour intervenir.

• 1040

[Traduction]

L'ACDI a annoncé la semaine dernière l'apport de 420 000 $ à CARE Canada. À ce moment-là, CARE Canada s'était déjà retiré du Timor-Oriental pour des raisons de sécurité. Ils avaient déjà mis des projets en oeuvre au Timor-Occidental, et ils ont pris sans attendre les mesures nécessaires pour évaluer les besoins actuels et organiser l'aide aux personnes déplacées qui avaient fui le Timor-Oriental pour aller dans la partie occidentale de l'île. CARE Canada avait ciblé un camp du Timor-Occidental, où de 10 000 à 13 000 personnes déplacées se sont établies. Ils ont déjà assemblé près de 3 000 des 5 000 trousses de survie qu'ils distribueront. Ils devraient pouvoir aider, en bout de ligne, environ 25 000 personnes.

Pour le moment, je peux vous dire qu'ils ont déjà commencé à distribuer des vêtements, de la literie, des moustiquaires, des ustensiles de cuisine de base et d'autre matériel essentiel qui permettront à ces gens de nourrir leurs enfants, de se reposer et de créer leur propre espace même dans cette situation des plus chaotique et précaire.

Nous avons prévu diverses solutions flexibles pour pouvoir réagir rapidement, tout en utilisant au mieux nos ressources déjà engagées en Indonésie et au Timor-Oriental. Par exemple, 300 000 $ d'aide alimentaire a déjà été réacheminée pour répondre aux besoins des Timorais déplacés. Mon ministère, en collaboration avec CARE Canada, a pris des dispositions pour qu'un premier approvisionnement de 400 tonnes métriques de riz soit réaffecté d'un projet au Kalimantan-Oriental vers le Timor-Oriental et le Timor-Occidental. Le fonds du Canada pour les initiatives locales au Timor-Oriental est une autre ressource qui nous est accessible dans la région. Nous disposons actuellement de 300 000 $ que nous pourrions consacrer au soutien des personnes déplacées et à d'autres besoins humanitaires et de reconstruction.

Tout cela mis ensemble, voilà une somme d'un peu plus d'un million de dollars qui est affectée au soutien des gens touchés par la violence au Timor-Oriental.

Quoi que nous fassions d'autre désormais, ce devra être planifié avec soin de manière à atteindre le plus grand nombre possible de gens de la façon la plus efficace possible. C'est dans cet esprit que les Nations Unies, par le biais de leur Bureau de la coordination des affaires humanitaires, ont envoyé une mission d'évaluation au Timor-Oriental mercredi dernier. Les conclusions qui seront tirées de cette mission formeront les paramètres généraux qui guideront l'aide humanitaire de la communauté internationale. Nous collaborons étroitement avec le Bureau de coordination pour déterminer la nature de l'apport du Canada.

Comme vous le savez, une mission interministérielle quitte le Canada sous peu pour l'Australie pour y avoir des discussions stratégiques. J'envoie un spécialiste de l'aide alimentaire accompagner les représentants du ministère de la Défense nationale et du ministère des Affaires étrangères pour fournir une expertise sur l'aide humanitaire et les préoccupations d'ordre logistique. Cette personne assurera aussi une transition sans accroc entre les premières mesures d'aide et ce qui suivra—c'est-à-dire la réhabilitation ou la reconstruction.

J'envoie aussi un spécialiste de l'aide humanitaire en Indonésie et, si la situation le permet, au Timor-Occidental et Oriental pour assurer la liaison avec nos partenaires dans le domaine et déterminer comment l'ACDI et les organismes d'aide canadiens peuvent contribuer au mieux à la suite de l'initiative de secours humanitaire général.

Pour ce qui est des prochaines étapes, nous savons déjà plusieurs choses. Il y a des stocks d'aliments pour environ trois ou quatre mois dans la région, mais il faudra vraisemblablement fournir une aide alimentaire, peut-être par le biais du Programme alimentaire mondial. Nous pouvons aussi nous attendre à ce qu'il y ait des besoins sur les plans du logement, de l'approvisionnement d'eau et de l'hygiène.

À part CARE Canada et les organismes des Nations Unies comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, mon ministère travaillera en étroite collaboration avec des partenaires comme la Croix-Rouge et Vision mondiale Canada, qui ont pu accéder au Timor-Oriental, ainsi qu'avec Médecins sans frontières et USC Canada. Certains de ces organismes sont déjà bien connus de vos électeurs et des miens.

Vos bureaux reçoivent peut-être déjà des appels de généreux Canadiens soucieux d'aider dans la mesure de leurs moyens. Encore là, comme vous le savez, il est important de souligner que les dons en espèces sont ce qui est le plus nécessaire et le plus efficace. Vous trouverez, sur les copies de mes commentaires qui ont été distribuées, une liste des organismes d'aide, avec leur numéro de téléphone sans frais.

Je vous remercie encore pour votre intérêt. Je répondrai avec plaisir à vos questions. Merci.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je vous remercie, Mme Minna, ainsi que les trois ministres, pour votre exposé.

Avant de passer aux questions, je voudrais souligner le retour du greffier du comité de la Défense, M. Eugene Morawski, qui est tombé malade au printemps et a été absent pendant un bon moment. Gene, nous sommes heureux que vous soyez de retour et de vous voir en si grande forme.

Passons maintenant aux questions. Je rappelle à nos collègues que nous accordons cinq minutes pour la question et la réponse. J'en appelle de votre collaboration pour qu'autant de membres que possible puissent participer à l'action. Nous commencerons avec le représentant officiel de l'opposition, M. Hanger.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président et mesdames et messieurs les ministres, on ne peut nier que la situation au Timor-Oriental soit déplorable et qu'une intervention s'impose pour apaiser la souffrance de la population. Toutefois, nous sommes confrontés ici à une autre situation tout aussi déplorable qui tient à la façon dont le gouvernement traite nos soldats. Au bout du compte, le ministre de la Défense nationale devrait être accusé d'inaction et de manque de préparation vu l'état de nos forces armées. Celles-ci ont beaucoup souffert au cours des dernières années en raison des coupures que le ministre et le gouvernement leur ont imposées.

• 1045

L'urgence de la situation exige l'intervention d'une force solide—ce sont les mots qu'a utilisés le ministre des Affaires étrangères—au Timor-Oriental pour mater le conflit. Or, il faudra attendre au moins une quarantaine de jours avant que nos soldats ne puissent être déployés sur le terrain.

Un autre problème se pose, et j'aimerais que le ministre nous en parle. On compte envoyer à l'autre bout du globe l'unique navire de ravitaillement de la côte Ouest, son équipage, de même que des véhicules légers. C'est le seul ravitailleur qui soit disponible. Autrement dit, il n'y aura aucun navire pour ravitailler les frégates, les destroyers, les navires de défense côtière. Et si, pour compenser, on décide de faire appel au navire de ravitaillement de la côte Est, on prive alors cette côte de toute forme de soutien.

J'aimerais connaître l'opinion du ministre là-dessus. Mais avant cela, j'aimerais lui poser une question précise. Le premier ministre s'est engagé à envoyer 600 soldats au Timor-Oriental. Vous a-t-il consulté, de même que le ministre des Affaires étrangères, avant de prendre cette décision? Que lui avez-vous conseillé?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur le ministre, comme M. Hanger a utilisé la moitié du temps de parole, il ne vous reste que deux minutes et demie pour répondre.

M. Arthur Eggleton: D'accord. Il a parlé de la situation budgétaire. Il est vrai que nous avons effectué beaucoup de compressions en vue d'assainir nos finances. Or, pas plus tard qu'en février 1998, le Parti réformiste lui-même demandait au gouvernement de ne pas accroître ses dépenses. Il ne voulait pas que l'on consacre cinq sous de plus à la défense. En fait, l'année d'avant, il réclamait qu'on réduise les dépenses d'un autre milliard de dollars. Mieux vaut être prudent avant de critiquer.

Pour ce qui est du déploiement d'une force solide, oui, elle sera solide une fois sur place. Nous avons d'excellents soldats bien entraînés qui seront en mesure de remplir leur rôle aux côtés de leurs collègues des autres pays.

Le délai de 40 jours vise tout simplement à les protéger contre une maladie mortelle, l'encéphalite japonaise, qui peut tuer un grand nombre de personnes. C'est une maladie tropicale. Le chef des services de santé juge qu'il faut absolument procéder à cette vaccination. Trois vaccins doivent être administrés—le premier l'a été hier—afin que les soldats soient bien protégés une fois sur place. L'honorable député ne propose sûrement pas que nous laissions nos soldats sans défense afin de pouvoir disposer d'une force solide plus tôt, n'est-ce pas?

Nous essayons de déployer nos forces le plus vite possible. Les membres de la coalition, y compris les Australiens, souhaitent nous avoir à leurs côtés et comprennent fort bien la situation.

Le navire de ravitaillement, lui, est utilisé dans les situations de ce genre, comme cela a déjà été le cas dans le passé. Le général Henault peut certainement vous en dire plus à ce sujet s'il reste du temps. Pour ce qui est de nos opérations sur la côte Ouest, nous serons bien protégés.

Concernant l'envoi de 600 soldats, c'est nous qui avons proposé ce chiffre au premier ministre. En fait, c'est moi qui l'ai suggéré. Oui, il nous a consultés. Nous lui avons fourni ce chiffre et c'est celui qu'il a utilisé. Je l'ai encore répété aujourd'hui: 250 soldats seront affectés à la compagnie d'infanterie, 250 environ au navire de ravitaillement, et 100 seront déployés à bord d'un avion Hercules. Cela fait à près 600.

Comme l'a clairement dit le premier ministre, il se pourrait qu'on en envoie moins. Aucun engagement n'a encore été pris. Nous sommes toujours en train de rassembler des données. Une équipe de reconnaissance se trouve sur place. Dès que nous aurons les données en main, nous prendrons une décision.

• 1050

Je tiens à préciser que la consultation fait partie de ce processus et que nous voulons connaître l'avis du comité mixte et des sénateurs avant de prendre une décision.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Hanger.

[Français]

J'invite maintenant la députée du Bloc québécois à prendre la parole. Madame Lalonde, je vous accorde cinq minutes.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci, monsieur le président. On peut dire que ce qui a caractérisé l'action du gouvernement dans toute cette situation terrible au Timor-Oriental, c'est la lenteur. Notre gouvernement a tardé à prendre position face à l'imposition de sanctions financières à l'égard de l'Indonésie, tandis qu'à peu près tous les pays d'Europe et d'Amérique du Nord avaient agi en ce sens. On déplore également la lenteur dont il a fait preuve au niveau de la préparation de l'armée. Comment se fait-il qu'on ait attendu jusqu'à maintenant pour inoculer les soldats? Dès le lendemain du référendum, on savait que la situation allait dégénérer. Pourquoi a-t-on attendu si longtemps?

Que prévoit-on faire pour venir en aide aux réfugiés forcés du Timor-Occidental? José Ramos-Horta nous implore d'aider les réfugiés du Timor-Occidental, lesquels sont en grande partie des femmes et des enfants. Selon les témoignages que nous avons entendus, ces derniers sont la proie des milices qui quittent maintenant le Timor-Oriental.

Pourquoi avez-vous été si lents?

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Je tiens d'abord à indiquer à l'honorable députée que, avant la tenue du référendum, j'ai demandé au sous-ministre adjoint, M. Caron, de se rendre au Timor-Oriental afin d'évaluer la situation. J'ai également rencontré un groupe parrainé par le CTC, qui a dit craindre les actes de violence. À partir de là, j'ai demandé à notre représentant au Conseil de sécurité des Nations Unies, M. Fowler, de déposer une résolution demandant au conseil d'autoriser le déploiement d'un contingent de maintien de la paix. La résolution a été rejetée. Nous n'avons pas fait preuve de lenteur. Nous n'avons tout simplement pas pu obtenir l'appui politique nécessaire pour agir.

Dans ce contexte, j'ai commencé, dans les jours qui ont suivi, à communiquer avec les autres ministres des affaires étrangères, et je leur ai suggéré que nous profitions de notre présence à Auckland pour nous réunir et chercher à obtenir l'appui politique nécessaire pour intervenir au Timor-Oriental, ce qui a été fait. Comme le sait bien l'honorable députée, il est très rare qu'une question de sécurité à caractère politique soit abordée dans le cadre des réunions de l'APEC. Cette rencontre a donné lieu à un protocole d'accord qui enjoignait l'Indonésie à accepter le déploiement d'une force internationale. Ce protocole a été remis aux dirigeants réunis à Auckland. Sur ce front, je pense que nous avons fait preuve de leadership par rapport aux autres pays.

Deuxièmement, le Canada a donné le ton en organisant les secours humanitaires. Ma collègue, Mme Minna, avait, dès la fin des réunions à Auckland, alloué des fonds à l'opération. J'ai été autorisé à faire appel aux services de notre ambassadeur en poste à Jakarta pour organiser cette initiative. Il a mobilisé un certain nombre d'organismes d'aide dans sept autres pays, qui ont accepté de commencer à distribuer l'aide. J'ai communiqué avec M. Alatas, le ministre indonésien des affaires étrangères, en vue d'obtenir la garantie qu'une équipe pourrait se rendre au Timor-Occidental, à la frontière, et organiser les secours sans délai. C'était avant même que le Conseil de sécurité n'adopte la résolution. Là encore nous avons essayé de prendre les rênes et d'amener la communauté internationale à agir, à collaborer. Je ne crois pas que nous ayons fait preuve de lenteur. En fait, je pense que nous avons essayé de faire preuve de leadership, dans la mesure de nos moyens.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Madame Lalonde, je pense que la ministre Minna souhaite dire quelque chose. Vous avez une minute.

Mme Maria Minna: Je serai très brève. Je voulais tout simplement revenir à ce que Mme Lalonde a dit au sujet de la rapidité avec laquelle nous sommes intervenus.

L'équipe CARE Canada a été mobilisée rapidement. Nous nous sommes réunis peu de temps après et des fonds ont été alloués. Nous avons pour l'instant près d'un million de dollars en main. L'aide est en train d'être déployée au Timor-Occidental. On a déjà distribué des trousses de survie dans un des camps. Donc, les organismes d'aide sont déjà au travail. Le problème, jusqu'ici, à été d'entrer au Timor-Oriental, parce que tous les bureaux de la Croix-Rouge et de CARE Canada ont été détruits. La situation était dangereuse. Je sais que les représentants de l'ONU sont maintenant sur place, que la Croix-Rouge est arrivée aujourd'hui, de même que l'Organisation mondiale pour l'alimentation. L'aide peut donc être distribuée en toute sécurité. L'argent est là et nous allons commencer très rapidement à l'utiliser.

• 1055

Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons suffisamment de réserves alimentaires pour trois ou quatre mois, mais nous risquons d'avoir des problèmes de ce côté-là. L'aide a été déployée très rapidement, et ceux qui étaient chargés d'en assurer la distribution au Timor-Occidental étaient exposés à de graves dangers. Mais il n'était pas possible d'entrer au Timor-Oriental à ce moment-là.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.

Nous allons maintenant donner la parole à un intervenant de ce côté-ci, et revenir ensuite à l'autre côté. Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais d'abord poser une question à la ministre Minna. Savons-nous combien de personnes ont été tuées, blessées ou portées disparues jusqu'ici? Avons-nous des chiffres là-dessus?

J'aimerais également lui poser la question suivante: la situation au Timor-Oriental est manifestement critique et nous devons absolument lui fournir de l'assistance humanitaire, sauf qu'il y a d'autres pays dans le monde qui ont également besoin d'aide de toute urgence. Je tiens tout simplement à m'assurer que certains de ces pays, notamment la Sierra Leone, n'ont pas été oubliés par son ministère.

Quant au ministre Axworthy, j'aimerais lui poser rapidement une question au sujet du tribunal spécial des droits de la personne ou du tribunal criminel international qu'il a mentionné. J'aimerais savoir si certains des principaux intervenants aux Nations Unies ont fait part de leur intention de voir intenter des poursuites pour crimes de guerre à un moment donné. Pensez-vous que de telles poursuites vont être intentées?

Mme Maria Minna: D'abord, pour ce qui est du nombre de personnes qui sont mortes ou portées disparues, nous n'avons pas de chiffres exacts à ce sujet. Or, notre ambassadeur s'est rendu au Timor-Occidental et il a affirmé avoir vu très peu d'hommes là-bas. Nous ne savons pas si les hommes ont fui dans les montagnes, s'ils se cachent, s'ils sont partis ailleurs ou s'ils ont connu un autre sort horrible. Nous ne le savons pas pour l'instant. Nous n'avons donc pas ces chiffres en main.

Par ailleurs, environ 50 p. 100 de la population du Timor-Oriental a été déplacée. Environ 200 000 personnes se trouvent au Timor-Occidental, tandis que 175 000 sont dispersées dans les montagnes du Timor-Oriental. La situation est donc assez désastreuse.

Comme je l'ai mentionné, nous ne savons pas, pour l'instant, combien de personnes sont mortes. Nous ne le saurons qu'une fois rendus sur place au Timor.

En ce qui concerne l'aide fournie aux autres pays du monde, je sais que l'honorable député s'intéresse à la situation de la Sierra Leone. Je tiens à vous dire que cela figure en tête de liste de nos priorités. J'espère rencontrer le ministre Axworthy après la réunion et m'entendre avec lui sur l'aide qui doit être fournie à la Sierra Leone.

M. David Pratt: Merci.

M. Lloyd Axworthy: David, comme vous le savez, la résolution adoptée mercredi comprenait une disposition sur la nécessité de traduire les responsables en justice. C'était la disposition clé de la résolution.

Hier, lors de la réunion du Conseil de sécurité de Nations Unies, le haut commissaire Mary Robinson a parlé de l'initiative canadienne sur la protection des civils. Elle aimerait qu'une enquête soit instituée. Celle-ci pourrait être entreprise par son bureau, ou encore le Conseil de sécurité lui-même pourrait l'autoriser. Il y aurait donc, dans un premier temps, une enquête qui serait autorisée par le Haut commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme.

À l'heure actuelle, nous avons besoin de 24 voix à Genève pour faire approuver une résolution. Je pense qu'il nous en manque une, et nous essayons de convaincre le pays en question à voter en faveur de cette initiative. Si nous l'obtenons, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies pourrait alors instituer sa propre enquête. Comme je l'ai mentionné au début, elle pourrait créer un tribunal spécial ou confier le mandat aux tribunaux qui travaillent présentement au Rwanda et dans les Balkans.

M. David Pratt: Est-ce qu'il me reste du temps?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Oui, une minute.

M. David Pratt: Ma question s'adresse au ministre Eggleton. Peut-il nous dire ce qu'il attend précisément de l'équipe de reconnaissance stratégique, une fois qu'elle aura rencontré les Australiens et analysé la situation?

M. Arthur Eggleton: Je vais demander au général Henault de répondre à la question.

Lieutenant-général Raymond R. Henault (sous-chef d'État-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Merci.

L'équipe de reconnaissance stratégique est en route, et devrait en fait déjà se trouver en Australie. Elle va se rendre à Canberra et à Darwin pour discuter des opérations et de la façon dont les forces canadiennes seront intégrées à la coalition.

• 1100

Sa tâche principale, au cours du week-end, consistera à déterminer la composition de la force actuelle, la contribution des nations participantes, le rôle qu'elles seront appelées à jouer dans le plan d'ensemble, et à nous soumettre des recommandations non seulement sur les opérations, mais aussi sur les mesures que nous devrons peut-être prendre sur le plan de la sécurité, médical et autre, à l'étape de la reconnaissance tactique, qui suivra la rencontre d'Australie. La mission de reconnaissance tactique se déroulera au Timor-Oriental.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, général.

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, je voudrais apporter une correction. J'ai dit 24, alors que c'est plutôt 27.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Nous passons maintenant à M. Robinson. Vous avez cinq minutes pour les questions et réponses.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

Je tiens d'abord à joindre ma voix à celle des ministres et à souligner la contribution des Canadiens au sein de l'UNAMET et des ONG, y compris la Fédération internationale pour le Timor-Oriental. Plusieurs Canadiens ont joué un rôle fort courageux et important au Timor-Oriental. Je pense être le seul député des deux comités qui s'est rendu au Timor-Oriental le mois dernier. J'ai eu l'occasion de rencontrer bon nombre de ces Canadiens. Je sais que, dans au moins un cas, un jeune Canadien du nom d'Aaron Goodman a sauvé la vie d'une personne qui était en train d'être attaquée par des miliciens dans la ville de Same.

Je tiens également à souligner que, au cours des deux dernières semaines, le ministre Axworthy a joué un très grand rôle aux Nations Unies, tout comme notre ambassadeur en Indonésie. Toutefois, je pense que nous devons replacer les faits dans leur contexte. Au cours des 24 dernières années, le Canada s'est surtout contenté d'adopter une attitude complice et de garder le silence dans le cas du Timor-Oriental. Nous l'avons vu, vote après vote, à l'Assemblée générale des Nations Unies. Tous les Canadiens en ont été témoins à la réunion de l'APEC, quand nous avons déroulé le tapis rouge pour Suharto, le responsable du génocide au Timor-Oriental, et attaqué des étudiants qui protestaient de façon pacifique contre ses politiques.

J'ai rencontré des Timorais qui nous ont imploré, en tant que Canadiens, de faire comprendre à notre gouvernement qu'il devrait exiger l'intervention d'une force internationale de la paix pour éviter un bain de sang. Il n'y avait rien d'imprévisible dans tout cela. Or, ce n'est qu'après la tenue du référendum que le Canada a réclamé, à la réunion du Conseil de sécurité, l'intervention d'une force de maintien de la paix.

J'aimerais poser trois questions précises. D'abord, pourquoi le Canada n'a-t-il pas exigé plus tôt l'intervention d'une force de maintien de la paix? À tout le moins, pourquoi le Canada, de concert avec d'autres pays, n'a-t-il pas enjoint l'Indonésie à respecter les promesses et les engagements pris dans le cadre de l'accord du 5 mai, à défaut de quoi l'aide financière fournie par la Banque mondiale et le FMI serait coupée? Ces mots ne viennent pas uniquement de moi, mais également de David Malone, un ancien fonctionnaire des Affaires étrangères, que le ministre connaît. Pourquoi le Canada n'a-t-il pas fait preuve de leadership à ce moment-là, et pourquoi ne fait-il pas preuve de leadership aujourd'hui? Mgr Belo, avant la tenue du référendum, a imploré la communauté des nations de signifier clairement à l'Indonésie qu'elle ne recevrait aucune aide militaire ou aucun prêt si l'armée ne mettait pas fin à la violence. Le Canada n'a pas tenu compte de sa demande. Pourquoi?

Deuxième question: les ventes de matériel militaire. Dans une entrevue au journal The Global Mail, le ministre a dit qu'aucun autre permis d'exportation de matériel militaire ne serait délivré. Je m'interroge au sujet de l'autorisation de vendre du matériel militaire d'une valeur de plus de 300 millions de dollars depuis 1993. Bon nombre de ces ventes n'ont pas encore eu lieu. Il s'agit d'avions militaires, d'hélicoptères, d'avions de transport, d'équipement de navigation. Le ministre va-t-il s'engager clairement à stopper toutes les ventes de matériel militaire, y compris la vente d'équipement visé par des permis déjà délivrés?

En dernier lieu, quel sera le rôle des Forces militaires indonésiennes après l'arrivée de la force multinationale? Aux termes de la résolution des Nations Unies, on reconnaît la responsabilité du gouvernement de l'Indonésie. Toutes les troupes indonésiennes quitteront-elles le territoire, compte tenu de leur complicité directe avec les milices ayant perpétré la violence?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Ministres, M. Robinson ne vous a laissé qu'une minute et demie pour répondre à toutes ces questions.

M. Lloyd Axworthy: C'est typique.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): J'essaie de resserrer le champ de la discussion.

M. Lloyd Axworthy: Brièvement, comme je l'ai fait remarquer dans ma déclaration liminaire, en 1997, deux choses ont changé quant à notre politique à l'égard du Timor-Oriental.

Premièrement, je m'y suis rendu dans un but précis: réévaluer la politique canadienne face à l'Indonésie et au Timor-Oriental. À la suite de cette visite, nous avons mis sur pied de nouveaux programmes axés sur les droits de la personne à l'appui du Timor-Oriental. Nous avons également institué un système de consultations avec l'Indonésie en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux. Parallèlement, nous avons institué un nouveau régime très spécifique concernant les exportations militaires prévoyant, au cas par cas, une évaluation de chaque demande sous l'angle de leurs répercussions éventuelles sur la population civile. Dans la foulée de cet exercice, il y a eu une réduction substantielle de tous les permis d'exportation de matériel militaire accordés aux pays susceptibles de violer les droits de la personne, y compris l'Indonésie; à tel point que l'année dernière, les ventes à l'Indonésie ne représentaient plus que 5 000 $. Tout a été mis en veilleuse.

• 1105

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci.

Nous allons avoir du mal à obtenir les réponses aux questions déjà posées. Monsieur Axworthy, il nous reste trente secondes.

M. Lloyd Axworthy: Permettez-moi simplement de dire qu'en l'occurrence, ce qui est très important dans le difficile contexte du Timor-Oriental, c'est qu'il y a eu un accord onusien négocié avec le Portugal et l'Indonésie elle-même. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, aux termes de cet accord, le gouvernement de l'Indonésie s'était engagé à assurer la sécurité du scrutin, ce qu'elle a effectivement fait: il n'y a pas eu de violence. Cependant, nous demeurions mal à l'aise. C'est la raison pour laquelle j'ai envoyé au Timor-Oriental M. Caron, notre sous-ministre adjoint, pour qu'il fasse une évaluation de la situation. À son retour, il a exprimé les mêmes préoccupations que M. Robinson, ce qui m'a amené à demander à M. Fowler de soulever la question aux Nations Unies.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Eggleton, voulez-vous attendre le prochain tour de table ou répondre maintenant très brièvement?

M. Arthur Eggleton: Je vais tenter de répondre à la troisième question, qui portait sur l'armée indonésienne. Nous prévoyons que les Forces indonésiennes vont effectivement quitter le territoire. Cependant, notre équipe de reconnaissance doit faire un examen plus approfondi de la situation pour s'assurer que dans les faits, le commandement central de l'armée indonésienne est suffisamment fort pour assurer cela.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup.

Madame Wayne, vous avez cinq minutes.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Merci beaucoup.

Tout d'abord, je tiens à dire au ministre de la Défense, ce qui ne le surprendra pas, que je ne suis pas du tout d'accord avec lui pour accepter les compressions dans le budget de la défense. Je suis une ardente partisane de la défense. Art, si vous voulez que nous nous entendions bien, vous allez devoir investir davantage dans le budget de la défense. Tous et chacun d'entre nous autour de la table veulent faire en sorte que cela se réalise. Je vous le dis tout de suite, nous allons vous mener la vie dure à ce sujet.

Je m'inquiète d'une ou deux choses. Monsieur le ministre, je suis heureuse d'apprendre que nos hommes se font inoculer car nous avons déjà raté le coche à cet égard quand nous les avons envoyés faire la guerre à Sadam Hussein sans être inoculés.

Le ministre des Affaires étrangères a déclaré que son ministère anticipait des problèmes, mais que ni lui ni ses collaborateurs n'avaient pu obtenir du Conseil de sécurité qu'il avalise leur proposition en mai dernier. Je me demande pourquoi le ministère de la Défense nationale, en collaboration avec celui des Affaires étrangères, n'a pas vu le problème venir. Pourquoi n'a-t-on pas fait en sorte d'inoculer nos hommes pour qu'ils soient prêts à débarquer sans délai? Assurément, vous savez, comme nous tous, que le problème dure depuis un certain temps déjà.

En outre, on envisage d'envoyer environ 250 personnes, hommes et femmes, sur le terrain, le reste de notre contribution consistant à fournir des avions et des navires. Je voudrais savoir si nos forces sur le terrain relèveront de la structure de commandement de l'Australie. Ce pays doit envoyer 4 500 soldats, comparativement à 250 pour le Canada. Quant au reste... Je peux comprendre comment vous en êtes arrivés à ce chiffre de 600, mais nous n'allons pas discuter de cela. Nos troupes vont-elles opérer sous le commandement du Canada, sous la bannière canadienne? Voilà ce que j'aimerais savoir. Allons-nous avoir le contrôle de nos troupes ou est-ce l'Australie qui assumera ce contrôle une fois que ses propres troupes auront débarqué?

C'était là mes questions, monsieur le président.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, madame Wayne.

M. Arthur Eggleton: Je conviens avec vous qu'on a suffisamment sabré dans le budget de la Défense. Il faut faire en sorte de tirer le meilleur parti des ressources dont nous disposons. Les Forces canadiennes sont composées d'hommes et de femmes très dévoués. Toutefois, comme vous le savez, les compressions budgétaires, non seulement dans le secteur militaire mais dans tous les autres ministères et domaines d'intervention du gouvernement, visaient à mettre de l'ordre dans nos affaires financières. À mon avis, il n'aurait pas été aussi difficile de passer au travers de ces compressions s'il n'y avait pas eu auparavant, les coupures déjà infligées aux militaires par les conservateurs pendant quatre ans, avant notre arrivée au pouvoir.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le ministre, vous et moi aurions dû rester à l'autre palier de gouvernement.

• 1110

M. Arthur Eggleton: Quoi qu'il en soit, monsieur le président, pour ce qui est de nos opérations internationales comme celle du Timor-Oriental, les Forces canadiennes sont un instrument de notre politique étrangère. Nos deux ministères travaillent effectivement en étroite collaboration.

Vous savez, il n'est pas facile de prédire longtemps à l'avance, soit des mois à l'avance, quels seront nos besoins si... Même aujourd'hui, sachant ce que nous savons, nous ne sommes pas encore certains de la composition exacte du contingent qui sera nécessaire pour aider la population du Timor-Oriental. Si nous devions faire inoculer tous nos soldats en prévision de tous les troubles qui peuvent survenir n'importe où dans le monde, ils auraient les bras comme des pelotes d'aiguilles. Ce n'est pas faisable dans la réalité. Dès que nous pourrons déterminer, de concert avec le ministère des Affaires étrangères, quelles troupes spécialisées seront nécessaires, où, comment et en quel nombre, nous prendrons des mesures très rapidement.

Même si à ce stade, tous les détails ne sont pas encore arrêtés, même si la décision n'a pas encore été prise au Canada, nous avons déjà commencé le processus d'inoculation en guise de préparation.

J'ai dit tout à l'heure au sujet de la compagnie d'infanterie renforcée de 200 soldats qu'elle relèverait d'une structure de commandement canadien adéquate. Cela dit, nous allons opérer de concert avec les Australiens, peut-être un peu plus étroitement que nous l'avons fait dans le passé lorsque nous avons opéré en collaboration avec les Britanniques dans les Balkans. En effet, dans ce cas-là, nous avions davantage de ressources, de soutien logistique, de soutien médical. Pour l'heure, ces ressources sont déjà exploitées au maximum et nous ne pouvons les fournir au Timor-Oriental. Ce sont les Australiens qui le feront.

Mais pour que vous ayez une meilleure idée de la façon dont tout cela va fonctionner, sur le plan du commandement et de la structure de contrôle, je demanderai au général Henault de vous fournir plus de détails.

Lgén Raymond Henault: Comme le ministre l'a déjà dit, nous attendons que les Australiens, qui élaborent ces détails, nous communiquent un concept clair des opérations. Ils travaillent avec diligence en collaboration avec nous, mais aussi avec d'autres forces militaires—les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, etc.—pour développer le concept des opérations, les règles d'engagement et tous les autres détails nécessaires à un déploiement sur le terrain au Timor-Oriental. Dans le contexte de ces efforts, nous avons des consultations constantes avec la force de défense australienne par l'entremise de notre attaché et de nos officiers de liaison, qui sont maintenant sur place à Canberra. Notre équipe de reconnaissance, qui est en route, devrait venir les appuyer, comme l'a signalé le ministre.

Nous prévoyons que nos troupes seront sous le contrôle de l'Australie ou d'un commandement allié en tant que partie d'un bataillon ou d'un bataillon multinational. Je vous signale qu'il s'agit là d'un contrôle opérationnel et que dans les opérations multinationales, nous déployons toujours un élément de commandement national. Ainsi, les Forces canadiennes qui seront déployées au Timor-Oriental, qu'il s'agisse de forces aériennes, terrestres ou maritimes, selon ce que décidera le gouvernement, relèveront du commandement australien mais seront réaffectées sous un commandement opérationnel pour les opérations elles-mêmes. Par conséquent, nous conservons cette responsabilité de commandement dans le contexte d'un déploiement.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, général. Merci, madame Wayne.

Nous allons commencer le deuxième tour de table. Et j'apprécie la collaboration des députés. Nous pourrions peut-être nous en tenir à deux ou trois questions ciblées et donner aux ministres la possibilité d'y répondre, à votre satisfaction, ou, à tout le moins, de façon aussi complète que possible.

Nous allons donc commencer de nouveau avec le Parti réformiste. Monsieur Mills, vous avez cinq minutes.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Merci, monsieur le président.

Chose certaine, l'opposition officielle s'inquiète des atrocités inhumaines que nous avons vues à la télévision. À notre avis, le Canada devrait appuyer le processus diplomatique et fournir une aide financière tout en appuyant, bien sûr, le processus démocratique qui s'est déroulé au Timor-Oriental.

Cela dit, je pense qu'il faut examiner les faits. Il ne s'agit pas d'un nouveau problème; la situation perdure depuis plus de 20 ans. Le gouvernement était au courant, le ministre également, puisqu'il s'est rendu à maintes reprises sur le territoire.

Dans les faits, ce qui s'est passé, c'est que Équipe Canada a jugé que l'Indonésie était un endroit privilégié pour faire des affaires, que ce pays était un partenaire commercial idéal. Le premier ministre a même suggéré que nous lancions un projet CANDU dans ce merveilleux pays qu'est l'Indonésie, tout en faisant fi du Timor-Oriental. Évidemment, nous avons également accueilli l'Indonésie à bras ouverts à l'APEC, salué son leadership. Nous nous sommes réjouis qu'elle fasse partie de cette institution.

En 1998, nous y avons envoyé 250 millions de dollars sous forme de crédits d'exportation, ensuite 20 millions et puis encore 16,4 millions, et la liste est longue. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'aide versée de gouvernement à gouvernement, sans passer par les ONG. À quelle fin cet argent a-t-il servi?

• 1115

Et voici maintenant qu'intervient le facteur CNN, qui a étalé cette crise dans le monde entier, et voilà que nous devons y réagir. Pourquoi pensez-vous que l'ONU a fait la sourde oreille lorsque nous lui avons demandé d'envoyer des casques bleus? Parce qu'elle savait que ce n'était que des paroles et que nous ne pouvions pas vraiment en fournir.

Maintenant qu'il semble que nous soyons, après tout, des types biens, la véritable question que les Canadiens devraient poser est la suivante: quelle influence a vraiment le ministre des Affaires étrangères? Quelle influence a-t-il auprès de l'ONU, de l'Indonésie ou des voisins de l'Indonésie? Je pense que son bilan est éloquent.

En outre, monsieur le président, nous devons nous pencher sur les propos de notre premier ministre. Selon lui, les troupes canadiennes sont comme les scouts, toujours prêts à aller où que ce soit. Évidemment, je lui ai demandé si cela signifiait que nous nous retrouverions bientôt au Soudan, puisquÂil y aura là-bas une explosion de violence sous peu. Nous savons que cela pointe à l'horizon, que cela se prépare de longue date. La liste des points chauds est longue.

Mais, monsieur le président, laissez M. Axworthy répondre à ces questions.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Ministre Axworthy.

M. Lloyd Axworthy: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, je suis très heureux de constater que M. Mills a modifié sa position. Dans une déclaration qu'il a faite il y a un jour ou deux, il était totalement opposé à toute participation du Canada à la force d'interposition au Timor-Oriental. Je suis heureux de voir que la sagesse a prévalu quelque part et que le Parti réformiste a maintenant changé de discours.

M. Bob Mills: Militaire.

M. Lloyd Axworthy: La constance étant une vertu, il faut applaudir le fait que le Parti réformiste ait bien voulu reconnaître qu'il avait tort et changé sa position. Par conséquent, nous sommes heureux qu'il appuie ce que nous avons fait.

Deuxièmement, il est erroné de laisser entendre que nous sommes arrivés à cette position au cours des deux dernières semaines. En réponse à M. Robinson, j'ai signalé qu'en 1997, je m'étais rendu en Indonésie dans le but précis d'évaluer notre approche générale face à la situation des droits de l'homme en Indonésie, particulièrement au niveau du gouvernement et du Timor-Oriental. J'ai rencontré toute une brochette d'intervenants, des autorités gouvernementales aux ONG, en passant par les participants au mouvement Est-Timorais. J'en ai conclu que nous pourrions apporter des changements, ce que nous avons fait, notamment appuyer l'apport de la Commission indonésienne des droits de l'homme au Timor-Oriental même, ouvrir un dialogue avec les Indonésiens sur les droits de l'homme qui a permis de soulever ces questions par l'entremise de l'ACDI et offrir un appui plus vigoureux à la commission de réconciliation mise sur pied par l'évêque Belo. Nous avons organisé une table ronde sur le Timor-Oriental qui a réuni divers intervenants soucieux de trouver des solutions.

D'entrée de jeu, nous avons donc fait un effort pour essayer de trouver une solution pacifique au problème. Dans l'intervalle, nous avons saisi toutes les occasions qui s'offraient à nous, chaque fois que nous rencontrions les dirigeants indonésiens, de leur parler des atteintes aux droits fondamentaux au Timor-Oriental et, en fait, en Indonésie même.

Permettez-moi de vous signaler une chose très importante, monsieur le président. L'Indonésie elle-même est en voie de changer. Il y a eu là-bas des élections démocratiques le printemps dernier et le pays se dirige vers une nouvelle forme de responsabilité. Ce n'est certes pas parfait, mais c'est tout de même un changement d'envergure.

À tous ceux qui souhaitent simplement que nous prenions des mesures punitives contre l'Indonésie, je dis qu'il faut reconnaître deux choses. Premièrement, c'est une jeune démocratie à qui il faudra accorder un certain soutien pour qu'elle atteigne le stade du gouvernement responsable. Deuxièmement, le dossier du Timor-Oriental n'est pas clos. Aux termes de l'accord de l'ONU, le Parlement de l'Indonésie doit ratifier l'indépendance du Timor-Oriental. Nous espérons que cela se fera très bientôt, dès la fin octobre ou le début novembre. Par conséquent, il est très important de continuer à oeuvrer en ce sens.

Nous ne voulons pas que les éléments au sein de l'Indonésie qui... Vous pouvez d'ores et déjà constater le ressac qui se produit, les manifestations dans les rues contre la présence d'une force internationale, les protestations contre la décision du gouvernement Habibie d'accorder son indépendance au Timor-Oriental. Il y a énormément d'éléments en Indonésie qui sont contre l'indépendance de ce territoire, et il est très important que nous fournissions tout le soutien possible à ceux qui appuient l'indépendance et les droits démocratiques. Il ne faut pas aborder le problème de façon simpliste, comme nous le suggèrent vos commentaires, monsieur Mills.

Avec ses 200 millions d'habitants, l'Indonésie est un pays de premier plan dans la région asiatique. On se souviendra des tragiques événements historiques des années 1950 alors qu'un demi-million de personnes ont été tuées dans un conflit violent qui s'est transformé en guerre civile. Par conséquent, il est impératif que tout en soutenant activement l'indépendance du Timor-Oriental, nous appuyions aussi vigoureusement l'instauration d'un gouvernement démocratique responsable en Indonésie et ce, pour essayer de compenser le contrôle exercé par les militaires et d'autres éléments qui ont eu une influence négative depuis de nombreuses années.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Mills.

• 1120

[Français]

Madame Debien, je vous accorde cinq minutes.

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bon matin, messieurs les ministres. Monsieur le ministre Eggleton, j'aimerais connaître la provenance des 600 militaires dont vous nous avez parlé tout à l'heure. De quel bataillon font-ils partie? Est-ce qu'il s'agit de plusieurs régiments?

Monsieur Axworthy, ma deuxième question porte sur les armes qu'a vendues le Canada à l'Indonésie. On sait que le Canada vend des armes à l'Indonésie depuis de nombreuses années et on nous a dit qu'on avait tout récemment arrêté de le faire ou qu'on avait décrété un embargo. Quelle est la date exacte de la mise en vigueur de cet embargo? Quelle était la nature des armes, de l'armement ou de l'aide militaire consentie à l'Indonésie au cours de l'année 1997-1998, avant l'embargo? Quelles sommes étaient générées par ces ventes d'armes?

M. Rocheleau aimerait peut-être poser une courte question pour compléter mon intervention.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur Axworthy, comme vous le savez, en 1975, le Timor proclamait son indépendance, l'Indonésie envahissait le territoire du Timor et Jakarta annexait le Timor-Oriental, qui devenait ainsi sa 27e province. En 1976, les Nations Unies rejetaient l'annexion du Timor-Oriental et demandaient qu'il y ait acte d'autodétermination. Par la suite, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté plusieurs résolutions proclamant le droit inaliénable du Timor-Oriental à son autodétermination. Est-ce qu'à la lumière des résultats du référendum du 30 août, le Canada reconnaît le droit d'autodétermination du peuple timorais, tel qu'appuyé dans une proportion de 78,5 p. 100 de ses citoyens lors du scrutin?

[Traduction]

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Eggleton, je vous prie.

M. Arthur Eggleton: Très brièvement, au sujet de l'origine des 600 soldats que nous envisageons d'envoyer, il y aurait 100 militaires et un avion Hercules provenant du 8 Wings de Trenton, en Ontario. Il y aurait les 250 hommes du navire de ravitaillement NCSM Protecteur, qui quitterait Esquimalt sur la côte ouest. Quant aux 250 soldats de la compagnie d'infanterie renforcée, ils proviendraient du troisième bataillon du 22e Royal régiment, les Vandoos, à Valcartier, au Québec.

Évidemment, il n'y a rien de définitif. Ce sont là les éléments de l'organisation qui ont reçu ce que nous appelons un ordre d'avertissement et en fait, le processus d'inoculation a commencé pour les soldats de la compagnie d'infanterie du Royal 22e régiment. La première inoculation a eu lieu hier. À ce sujet, nous ne pensons pas que cela fera problème pour ce qui est du personnel du Hercules étant donné qu'il serait appelé à faire la navette entre l'Australie et un aéroport et, par conséquent, ne serait pas exposé aux conditions qui pourraient donner lieu à ce problème. Ces troupes pourraient donc être déployées plus rapidement. De même, le personnel du navire ravitailleur pourrait être inoculé en route s'il risquait d'entrer en contact avec une maladie. Mais encore une fois, si ces hommes demeurent en mer, cela ne posera pas de problème pour la plupart d'entre eux.

Cependant, les soldats de la compagnie d'infanterie de Valcartier devront assurément subir la période d'inoculation de quarante jours.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Axworthy.

M. Lloyd Axworthy: Pour ce qui est d'exporter du matériel militaire, nous avons lancé en 1997—et je pense qu'un grand nombre de députés étaient à la Chambre des communes lorsque j'ai déposé le rapport—un nouveau système d'examen des exportations qui devait tenir compte de critères comme le respect des droits de l'homme, l'incidence sur la population civile, etc. Dans le cadre de cet examen au cas par cas, diverses sources faisaient une évaluation pour déterminer les répercussions des exportations. Pour ce qui est des résultats, je peux vous dire qu'en 1996, nous avons vendu des produits militaires d'une valeur de 1,6 millions de dollars. En fait, il s'agissait de pièces d'avion. En 1987, la valeur des pièces d'avion, d'équipements au sol et de pièces de système de navigation était tombée à 180 000 $. Ces deux dernières années, nos ventes se sont chiffrées à 5 000 $ seulement pour des instruments de navigation.

• 1125

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup. Cela a pris exactement cinq minutes, et je l'apprécie.

Avec l'assentiment de mes collègues, je vais donner la parole au sénateur Stewart, président du Comité des affaires étrangères du Sénat. Je lui accorde cinq minutes, si cela lui convient.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Si je m'abuse, il s'agit d'une réunion commune du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): C'est exact.

M. Svend Robinson: Il s'agit de comités de la Chambre des communes, composés de représentants élus.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Oui.

M. Svend Robinson: Nos collègues du Sénat auront l'occasion d'aborder le sujet, pour peu qu'ils souhaitent convoquer une réunion pour en parler.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Oui.

M. Svend Robinson: Il y a encore de nombreux députés des comités de la Chambre qui souhaitent poser des questions et il serait inconvenant qu'un invité du comité venant du Sénat prenne le temps qui devrait être réservé aux députés élus de la Chambre convoqués à cette séance.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je comprends, monsieur Robinson. Comme je l'ai dit, la parole est maintenant aux députés ministériels qui ont droit à cinq minutes. Si les députés de la majorité souhaitent céder du temps au sénateur, qui préside le Comité sénatorial des affaires étrangères, j'ai l'intention de l'inviter à prendre la parole.

Y a-t-il des objections de ce côté-ci de la table à ce que le sénateur soit le prochain intervenant? Sénateur Stewart, vous avez la parole.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, j'invoque le Règlement...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): J'ai rendu ma décision, monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, cette décision n'est pas fondée. Selon le Règlement de la Chambre, les sénateurs sont les bienvenus s'ils veulent assister aux séances des comités de la Chambre des communes et si aucun député de la Chambre ne souhaite poser de questions, ils peuvent alors le faire. Or, il y a un certain nombre de députés de ce côté-ci de la Chambre, peut-être pas du coté ministériel, mais de ce côté-ci, qui ont des questions à poser.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je comprends votre argument. En fait, il y a quatre députés ministériels qui souhaitent intervenir à ce sujet. Pour l'heure, ils veulent faire preuve de courtoisie à l'endroit du sénateur, et j'ai décidé de lui donner la parole.

Sénateur Stewart, je vous prie.

M. Svend Robinson: Monsieur le président, j'invoque le Règlement...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Sénateur Stewart, je vous prie.

Le sénateur Stewart a la parole, monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Il est contraire au Règlement qu'un sénateur prenne le temps de parole de députés de la Chambre...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Le sénateur Stewart a la parole.

Sénateur Stewart, je vous prie. Merci, monsieur.

Le sénateur John B. Stewart (Antigonish—Guysborough, Lib.): Monsieur le président, j'apprécie l'invitation qui a été faite aux membres individuels du Comité sénatorial des affaires étrangères de venir assister à la séance et de poser des questions. J'ai une question pour M. Eggleton et une pour M. Axworthy. Je serai bref.

On estime à 30 000 le nombre de miliciens au Timor-Oriental et le chef de la force de défense australienne, l'Amiral Chris Barrie, a déclaré que le mandat de son contingent ne l'autorisait pas à désarmer les milices. En supposant que le ministre accepte l'opinion que le général Wiranto, ministre de la Défense de l'Indonésie, a exprimée devant la mission du Conseil de sécurité à Jakarta, selon laquelle «la situation se détériorerait davantage si les Nations Unies devaient intervenir à ce stade-ci», croit-il qu'une force d'environ 7 500 soldats sera suffisante pour restaurer la paix et l'ordre au Timor-Oriental?

Avant qu'il réponde, permettez-moi de lui lire un commentaire: «si elles»—c'est-à-dire les milices—«décidaient de résister, la guerre pourrait éclater entre les casques bleus de l'ONU et les militaires de l'armée indonésienne.» Ma question est la suivante: le gouvernement du Canada se prépare-t-il adéquatement à l'avènement d'une guerre comme celle qu'anticipe l'auteur de cette déclaration?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Le ministre peut répondre. Nous avons environ trois minutes.

Le sénateur John Stewart: J'ai une seconde question.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je pense qu'il serait préférable de laisser le ministre répondre à celle-ci, sénateur...

Le sénateur John Stewart: Très bien.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): ...et de voir où nous en sommes, question temps.

Nous avons trois minutes. Le ministre Eggleton va-t-il répondre à cette question?

M. Arthur Eggleton: Nous allons répondre tous les deux, mais je vais commencer.

Évidemment, c'est précisément la raison pour laquelle nous n'avons pas encore pris de décision. Voilà pourquoi nous avons envoyé un escadron de reconnaissance sur le terrain pour évaluer la situation. Nous voulons déterminer s'il s'agit d'un scénario réaliste. Nous voulons comprendre pleinement quels sont les risques avant de prendre quelque engagement que ce soit.

À ce stade, nous pensons que si les militaires indonésiens quittent effectivement le territoire, les milices ne pourront tenir très longtemps. L'un des problèmes, c'est que même si ce sont les miliciens qui lançaient les grenades, dans bien des cas, ce sont les militaires qui les leur fournissaient. À la veille d'envoyer une force de coalition au Timor-Oriental, il est très important de d'être au fait de ce qu'ont l'intention de faire les autorités militaires indonésiennes.

• 1130

Chose certaine, nos efforts ne visent pas à nous amener à affronter les milices, mais à rétablir la paix et l'ordre le plus efficacement et rapidement possible. Pour l'heure, l'ONU, la coalition dirigée par les Australiens et notre propre équipe de reconnaissance, composée de 15 personnes, font le point de la situation.

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, je rappelle au sénateur Stewart qu'il s'agit d'une activité des Nations Unies menée en vertu du chapitre 7, ce qui signifie qu'elle a été pleinement mandatée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Par conséquent, les participants ont l'ordre de prendre tous les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs, en l'occurrence restaurer l'ordre et permettre aux personnes déplacées de rentrer chez elles.

Y aura-t-il, à mon avis, des combats d'envergure? Non, mais je pense qu'il y aura des problèmes. Toutefois, comme M. Eggleton vient de le dire, les milices étaient appuyées par les éléments des Forces militaires indonésiennes stationnées au Timor-Oriental. Ces soldats sont maintenant de retour dans leurs baraques et doivent quitter le territoire. Voilà pourquoi il était de la plus haute importance d'obtenir l'accord du gouvernement indonésien pour l'intervention d'une force internationale, accord que nous avons maintenant.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Une brève question suivie d'une brève réponse.

Le sénateur John Stewart: Le président Habibie a mis en garde la mission du Conseil de sécurité au début du mois. Selon lui, en autorisant le déploiement de troupes au Timor-Oriental aux termes du chapitre 7, on risque la balkanisation de l'Indonésie. Hier encore, les dirigeants d'une autre province ont demandé un référendum sur l'autodétermination. Est-il vrai que le président Habibie a accepté le référendum et le déploiement des forces onusiennes sous la pression, en fait, à l'insistance de la Banque mondiale et du FMI?

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Axworthy.

M. Lloyd Axworthy: Il ne fait aucun doute monsieur le président, que les autorités indonésiennes ont cédé à d'intenses pressions. Ces pressions n'émanaient pas uniquement de la banque. Comme je l'ai dit, elles reflétaient un consensus international exprimé au sommet de l'APEC, à Auckland.

L'élément crucial qui a permis ce revirement a été le ralliement d'un certain nombre de pays de l'ANASE, proches voisins de l'Indonésie, qui ont également reconnu la nécessité d'une présence internationale. Il était également important que les États-Unis, qui ont des rapports militaires étroits avec l'Armée indonésienne, exercent eux aussi des pressions, ce qu'ils ont accepté de faire après la rencontre d'Auckland. Troisièmement, les dirigeants indonésiens ont reconnu que le contrôle de la situation leur avait échappé. Dans les discussions que nous avons eues avec M. Habibie et M. Alatas, ces derniers nous ont dit qu'ils essayeraient d'assumer leurs responsabilités, mais que s'ils ne pouvaient y arriver, ils seraient alors prêts à renégocier leur position. Au bout du compte, c'est qu'ils ont été forcés de faire; c'est ce qu'ils ont éventuellement décidé de faire.

Sénateur Stewart, vous avez relaté les propos de M. Habibie hors contexte. Lorsqu'il a fait cette déclaration au début du mois, il faisait référence à l'intervention de la force de l'ONU sans l'accord de l'Indonésie. Maintenant, les casques bleus seront déployés avec l'accord de l'Indonésie.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre. Merci, sénateur.

Nous allons maintenant passer au NPD. Monsieur Earle, vous avez cinq minutes.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, comme d'autres l'ont dit avant moi, j'appuie sans réserve le fait que le Canada tente de dénouer cette crise des plus sérieuses et je salue l'excellent travail des hommes et des femmes de nos forces armées.

Cependant, on ne saurait ignorer les dures compressions qu'ont dû absorber les forces militaires. Je note en particulier le démantèlement d'un escadron complet dans la petite ville de Greenwood, ce qui représente la perte potentielle de 225 emplois. Il nous faut examiner sérieusement les répercussions de ces coupures, non seulement sur les forces militaires elles-mêmes, mais également sur les communautés où ces unités étaient implantées.

Compte tenu des compressions, je m'interroge sur les lignes directrices relatives à la participation des forces canadiennes en cas de crises internationales. Ce genre de situation se produit de plus en plus fréquemment. À mon avis, il faut avoir une vision du genre de forces que nous souhaitons et déterminer quand et comment nous allons apporter notre contribution. Comme cela a déjà été mentionné, on s'est très peu soucié de la Sierra Leone, où de nombreuses atrocités ont été commises.

Quelles sont nos lignes directrices? Quelle est notre vision relativement à nos forces militaires?

Deuxièmement, on a dit que la décision n'avait pas encore été prise et que cela dépendrait de l'information fournie par l'équipe de reconnaissance et d'autres instances de consultation, dont ce comité. Cette question sera-t-elle soumise à un vote au Parlement avant que soit prise une décision finale concernant notre participation?

Troisièmement, la nécessité de s'attaquer aux causes du problème a été évoquée. Va-t-on examiner sérieusement les éléments déclencheurs de ces situations dans ces pays, comme les échanges économiques, le commerce des armes, etc.? Allons-nous procéder à un tel examen pour ne pas nous retrouver ultérieurement devant le même constat, soit que le Canada a sa part de responsabilité puisqu'il a donné son accord à des échanges commerciaux et à des ventes d'armes à des pays qui commettent des atrocités à l'endroit d'autres populations?

Merci.

• 1135

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Earle.

Messieurs les ministres, vous avez environ trois minutes.

M. Arthur Eggleton: En trois minutes, il m'est impossible d'aborder le vaste thème qu'est «la vision des forces militaires de l'avenir».

Il existe un document d'orientation appelé le libre blanc de 1994, qui énonce nos objectifs. Nous avons effectué, et continuons d'effectuer, divers exercices de vision. Par exemple, notre Stratégie 2020 en segments de cinq ans englobe des applications à court et à long terme. Je suis tout à fait disposé à vous fournir de plus amples renseignements à ce sujet.

Chose certaine, pour ce qui est de notre raison d'être, elle consiste à faire respecter la souveraineté du Canada, à oeuvrer de concert avec les États-Unis pour assurer la protection de notre continent et à contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Pour ce qui est de ce dernier volet, nous participons à quelque 22 missions dans le monde, et il ne fait aucun doute que nous sommes à la limite de nos ressources. Heureusement, nous avons été en mesure de trouver des troupes qui pourront contribuer à restaurer la paix et l'ordre au Timor-Oriental sans aggraver davantage la situation. Mais il y a effectivement des limites à ce que nous pouvons faire.

J'aimerais bien avoir plus d'argent pour faire davantage sur le plan de la mise en oeuvre de notre politique étrangère, mais je ne retiens pas mon souffle. Je prends des mesures pour m'assurer que notre organisation est la plus efficace et efficiente qui soit en investissant dans ses membres, en investissant dans les outils dont ils ont besoin pour s'acquitter de leur travail le plus efficacement possible. Nous allons continuer de travailler en ce sens et nous espérons recevoir des ressources et des fonds supplémentaires, le cas échéant.

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, j'aimerais répondre brièvement à la dernière question de M. Earle.

Comme il le sait sans doute, nous avons élaboré l'année dernière un cadre de politique fondamentale relativement à la sécurité humaine, qui prend en compte le fait que les civils sont les personnes les plus à risque et les victimes d'une grande variété d'activités internationales. Je peux vous donner un exemple précis de la façon dont nous tentons de régler le problème. Hier, au Conseil de sécurité des Nations Unies, le Secrétaire Général, à la suite d'une initiative canadienne, a déposé un rapport sur les mesures de protection des civils en cas de conflit. Ce rapport renferme 40 recommandations traitant d'une gamme variée de sujets allant de la pauvreté à la prévention de conflit en passant par la réponse rapide au commerce des armes légères. C'est donc une liste de 40 recommandations qui est maintenant sur la table aux Nations Unies.

Ce que je peux vous dire, monsieur Earle, c'est qu'à partir de lundi, lorsque débuteront les sessions de l'Assemblée générale des Nations Unies, le Canada, avec plusieurs alliés, mettra l'accent sur la mise en oeuvre de ce rapport et en fera une priorité. Je pense donc que nous essayons de nous occuper des causes profondes. Nous avons pris cette initiative en février dernier.

Je recommanderais à tous les membres du comité d'obtenir un exemplaire du rapport du Secrétaire général qui, à mon avis, est l'un des meilleurs documents produits par ce dernier sur ce qui ce passe aujourd'hui sur la scène internationale. Je suis heureux de pouvoir dire que c'est grâce à l'initiative que nous avons prise au Conseil en février dernier que ce rapport a été réalisé.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Monsieur Earle, vous avez terminé? Merci.

Merci, messieurs les ministres. Oh, je suis désolé, madame la ministre Minna.

Mme Maria Minna: J'aimerais simplement m'attarder sur l'observation faite par l'honorable député au sujet des causes profondes et de la façon dont nous nous en occupons.

Le gouvernement du Canada a été l'un des intervenants les plus actifs au Timor-Oriental dernièrement. Nous sommes présents au Timor-Oriental depuis 1979, mais ces dernières années, notre engagement au Timor-Oriental s'est intensifié et représente près de 4,4 millions de dollars par année. La majeure partie de notre action a porté sur les tensions, sur la réconciliation de la communauté et sur l'amélioration des droits de la personne dans cette région, sans compter le travail accompli avec les Nations Unies bien auparavant. Nous avons donc beaucoup oeuvré à la base avec les Timorais orientaux, les églises et les autres organismes au chapitre de la résolution de conflits sans compter le travail effectué en Indonésie.

Un peu plus tôt, M. Mills a parlé des fonds directement affectés au gouvernement indonésien. Le gouvernement de l'Indonésie ne reçoit jamais d'argent liquide, mais bénéficie du travail effectué, par exemple, en ce qui concerne la Commission des droits de la personne que l'on s'efforce de consolider en Indonésie. L'expertise des Canadiens en matière des droits de la personne est présente; en d'autres termes, l'aide est apportée par les organismes canadiens d'exécution et non directement au gouvernement de l'Indonésie.

Nous travaillons donc des deux côtés, en Indonésie pour renforcer les structures de la démocratie, ainsi qu'au Timor-Oriental. Notre programme, le plus important au Timor-Oriental actuellement, cible essentiellement les causes profondes du conflit.

• 1140

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, madame la ministre.

Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Earle; merci beaucoup. Je vous céderai de nouveau la parole un peu plus tard, puisque M. Bachand attend ses cinq minutes.

Monsieur Bachand.

[Français]

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Bonjour et bienvenue. Il y a longtemps qu'on s'est vus, me semble-t-il. C'est très plaisant de vous revoir aujourd'hui.

Voici ma première question. Certains pays, comme ceux de l'ancien bloc de l'Est, par exemple, sont souvent reconnus rapidement par d'autres pays après un vote ou un référendum portant sur leur indépendance. Est-ce que le Canada reconnaît officiellement le nouveau pays qu'est le Timor-Oriental? Est-ce qu'il a reconnu officiellement ce pays?

On parlait tout à l'heure de problèmes de planification à la suite d'une question posée par Mme Wayne. On sait maintenant que le Canada s'engage probablement dans un long processus. Ce pays, qu'il soit reconnu officiellement par le Canada ou non, doit se mettre en branle au plan démocratique. Que planifie le Canada pour appuyer la mise en place d'un gouvernement démocratiquement élu au Timor-Oriental? Quel sera son rôle quand le paix sera revenue? Est-ce qu'on pourra donner aux gens les vaccins nécessaires pour qu'ils soient disponibles à temps pour aller donner un coup de main aux gens du Timor?

Troisièmement, après avoir officiellement reconnu le Timor-Oriental, si ce n'est déjà fait, quel rôle le Canada entend-il jouer auprès de l'Indonésie pour s'assurer que les autres provinces de cette région aient une certaine sécurité? Advenant l'indépendance du Timor-Oriental, il y aura possiblement un déplacement de plusieurs dizaines de milliers de soldats indonésiens dans d'autres régions. Quel rôle le Canada entend-il jouer dans le reste du Timor et de l'Indonésie en termes de planification et d'observation?

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, je pourrais peut-être commencer.

Tout d'abord, au plan historique, lorsque le Portugal s'est retiré en 1975, la communauté internationale n'a pas reconnu le Timor-Oriental à ce moment-là, car elle n'en a pas eu le temps; les Indonésiens ont occupé la place trop rapidement. Les Nations Unies ont alors été saisies de la question, ont adopté une série de résolutions, mais ni les Nations Unies ni aucune autre entité n'ont jamais reconnu que le Timor-Oriental faisait partie intégrante de l'Indonésie à ce moment-là.

Pour l'instant, nous avons reconnu aux Timorais orientaux le droit de décider de leur avenir. Compte tenu du résultat du vote—et je pense qu'il est important de le souligner—une question très claire était posée et une très forte majorité s'est prononcée pour l'indépendance, il me semble qu'il établit des critères assez faciles à accepter. Toutefois, c'est au Parlement indonésien de l'autoriser, ce qui doit se faire en novembre, comme je l'ai dit plus tôt, lorsqu'il acceptera les résultats de ce vote. Je le répète, la question était très claire tout comme la majorité, et il est à mon avis très important de le reconnaître.

Quant à ce qui va se produire par la suite, si l'on s'en tient aux dispositions des Nations Unies, au cours de la troisième phase, il y aura une unité administrative au Timor-Oriental, responsable de la sécurité et de l'administration civile, afin de donner le temps aux Timorais orientaux d'apprendre à gouverner. J'imagine que le Canada jouera un rôle très actif. Comme l'a indiqué Mme Minna, nous avons été très actifs jusqu'à présent au sein de la Commission des droits de la personne et de la Commission de réconciliation de l'évêque Belo.

Nous avons eu plusieurs discussions avec les dirigeants timorais au sujet de l'appui nécessaire. M. Horta que j'ai rencontré l'année dernière m'a indiqué que le fait de montrer aux gens comment s'occuper de l'administration civile et comment diriger un gouvernement serait l'aide la plus précieuse que nous pourrions apporter. L'art de gouverner est donc un point très important et je crois que c'est ce dont nous aimerions surtout nous occuper: donner aux Timorais orientaux la capacité de se gouverner eux-mêmes et de constituer leurs propres structures administratives.

Il faudrait également, me semble-t-il, déterminer la forme que devrait prendre la force de sécurité des Nations Unies. Je m'attendrais personnellement à ce qu'elle soit davantage appuyée au plan régional que la force de bonne volonté que nous avons actuellement. Pour l'instant, il s'agirait, je crois, d'une mission du maintien de la paix autorisée par le Conseil de sécurité.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Madame la ministre Minna.

• 1145

Mme Maria Minna: En ce qui concerne l'aide à long terme, je pense qu'il est important que le comité sache que le programme d'aide du Canada jouit d'une très bonne réputation parmi les organisations de sociétés civiles dans cette partie du monde, car nous avons été très actifs, comme l'a dit le ministre Axworthy, dans le domaine de la réconciliation, de la consolidation des organisations ONG et de l'infrastructure au niveau communautaire, ainsi que dans celui des droits de la personne, etc.

En ce qui concerne le Timor-Oriental, il est évident que nous serons actifs et participerons à des programmes nécessaires pour combler le vide laissé par les Indonésiens qui, jusqu'à présent, occupaient la plupart des postes professionnels, y compris dans l'administration, les écoles et les hôpitaux. Ce genre de formation et d'aide sera nécessaire et nous allons l'offrir. Bien sûr, l'ACDI se penchera sur cette question avec ses partenaires internationaux.

Nous avons déjà un programme très vaste en place, interrompu par les actes de violence, mais qui peut reprendre dès que le calme sera revenu. Nous pouvons commencer à travailler avec les diverses ONG et grâce à l'infrastructure qui existe déjà là-bas.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, madame la ministre. Merci, monsieur Bachand.

Nous commençons maintenant une nouvelle série de questions.

J'aimerais tout d'abord demander aux ministres s'ils ont un peut de flexibilité. La réunion doit officiellement se terminer à midi. Vous serait-il possible de rester 15 ou 30 minutes de plus?

M. Arthur Eggleton: Nous pourrions rester 15 minutes de plus au maximum.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): D'accord; nous vous remercions de tout le temps supplémentaire que vous pouvez nous accorder.

Je vais commencer une autre série de questions par le Parti réformiste. Monsieur Hanger, cinq minutes.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre Eggleton, vous avez déclaré officiellement que les Forces canadiennes sont déjà utilisées au maximum. Vous l'avez dit avant l'engagement lors de la crise du Kosovo. Depuis, les Forces canadiennes ont participé à des engagements de moindre envergure et maintenant, nous sommes confrontés à la situation du Timor-Oriental.

Étant donné que dans la déclaration que vous avez faite aux Canadiens, vous avez soulevé des questions relatives à la qualité de vie, j'aimerais vous demander si à un moment donné, vous allez pouvoir dire non, ne serait-ce que pour soutenir les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes? Savez-vous que certains militaires canadiens, des soldats, sont affectés à plusieurs missions de suite?

J'ai parlé à plusieurs familles dans diverses bases du pays. Certains des conjoints sont revenus de Bosnie, ont eu à peine le temps de revoir leur famille après six, sept, huit mois de mission avant de repartir à l'entraînement, parfois en Arkansas, parfois à Gagetown, parfois sur le terrain dans les régions où se trouvent leurs bases pour se préparer à une nouvelle mission. Certains sont partis en Turquie sans avoir bénéficié de trois ou quatre mois au Canada avant de repartir sur le terrain ou pour une autre affectation.

Je les ai écoutés. Ils sont mariés et aiment la vie militaire, mais se demandent toutefois quand ils vont revoir leur conjoint et quand ils vont être de nouveau auprès de leur famille. Il faut plusieurs semaines, voire des mois, pour se réhabituer à un style de vie jugé normal pour n'importe quelle famille.

Monsieur le ministre, lorsque vous parlez de la qualité de vie des militaires, j'aimerais vous demander si une telle réalité vous inquiète? Devriez-vous vous occuper davantage de la vie de vos militaires ici et du fait qu'ils sont surmenés? S'ils le sont, c'est pour toutes sortes de raisons. Je vous demande de nouveau s'il pourrait vous arriver de dire non et si vous allez soutenir ceux qui se trouvent dans notre pays afin que leur qualité de vie corresponde à ce que l'on pourrait qualifier de normal?

• 1150

M. Arthur Eggleton: Je pense bien qu'il faille peut-être dire non à un moment donné. À l'origine, j'ai cru que nous ne pourrions pas participer à cette mission particulière, car certains éléments des Forces canadiennes sont utilisés au maximum. Le chef et le vice-chef d'état-major de la défense ont pu trouver des unités qui—et j'insiste sur ce point—n'aggravent pas davantage pareille situation.

Les missions de maintien de la paix dépendent essentiellement de l'armée. Certains éléments—les services médicaux, alimentaires, de transport, ainsi que divers éléments logistiques comme les communications—sont utilisés au maximum. La composition de la force que nous avons proposée pour cette mission ne prévoit pas le recours à ces éléments particuliers qui sont utilisés au maximum.

Le souci de la qualité de vie est effectivement extrêmement important à mes yeux. Vous connaissez la politique: ceux qui sont affectés à l'étranger le sont pour six mois. Effectivement, c'est une période assez longue, loin de sa famille. Cela fait partie de la vie militaire. N'oubliez pas toutefois que ces militaires ont la possibilité de revenir dans leur famille, même à l'intérieur de cette période de six mois, pour des périodes de repos et de loisirs. Ils ont la possibilité de se reposer.

Lorsqu'ils reviennent, ils doivent, toujours d'après la politique, séjourner une année au Canada avant de pouvoir repartir. Il existe des cas toutefois où certains se portent volontaires; j'ai parlé à certains d'entre eux—si M. Hanger veut bien écouter. Certains sont très heureux de repartir; ils comprennent cette vie et veulent la vivre. Vous avez toutefois parfaitement raison de dire que la famille subit des stress et des contraintes. Il y a aujourd'hui plus de familles, plus de militaires mariés avec enfants que jamais auparavant; à une époque, en effet, beaucoup de militaires subalternes étaient des célibataires; ce n'est plus le cas aujourd'hui, la situation démographie a changé.

Ces genres de stress que connaissent les familles sont préoccupants. Nous examinons la situation de très près, car il faudra peut-être dire non à moins d'obtenir des ressources supplémentaires.

Nous voulons pouvoir contribuer à la paix et à la sécurité internationales. C'est dans la nature des Canadiens et cela fait partie de notre échelle de valeurs. Nous avons directement intérêt à ce que la paix et la sécurité règnent dans le monde, puisque nous sommes un pays commerçant. Il s'agit de ce que Lloyd Axworthy décrit fréquemment comme étant la sécurité humaine, la nécessité de respecter les droits de la personne. Nous voulons y contribuer. Les Canadiens sont excellents dans ce domaine; nous devons toutefois leur assurer une bonne qualité de vie—pour eux et leurs familles—et cela est d'une importance capitale.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Hanger.

[Français]

Monsieur Mercier, cinq minutes, s'il vous plaît.

M. Paul Mercier (Terrebonne—Blainville, BQ): Monsieur Eggleton, notre parti a été, je pense, le premier à réclamer une intervention militaire au Timor et, par conséquent, nous ne pouvons que nous féliciter de la décision qu'a prise le Canada de participer à cette action.

Ce que nous déplorons, ce sont les délais avant que cette force soit sur place et efficiente. Nous comprenons bien que ces délais sont attribuables à des questions d'inoculation, mais il y a une chose que nous ne comprenons pas. La violence a commencé le 3 septembre, au lendemain du vote. Je sais bien qu'à l'époque, on n'avait pas encore pris la décision d'envoyer des troupes puisqu'on attendait l'Accord de Jakarta, mais il n'était pas invraisemblable qu'on doive en envoyer avant longtemps. Pourquoi ne pouvait-on pas vacciner à ce moment-là les troupes qui devaient éventuellement intervenir là-bas, quitte à ce que, finalement, on ne les y envoie pas? La décision n'était pas prise. En d'autres mots, y a-t-il un inconvénient à recevoir des vaccins contre des maladies auxquelles on ne risquera pas d'être exposé? S'il n'y a pas d'inconvénient, pourquoi n'a-t-on pas préparé dès le 3 septembre une unité à une éventuelle intervention au Timor?

[Traduction]

M. Arthur Eggleton: Tout simplement parce que nous n'avions pas la moindre idée du genre d'équipe qu'il faudrait envoyer ni de qui devrait la composer. Nous avons 60 000 membres du personnel régulier et 30 000 réservistes. Nous ne pouvons pas tous les vacciner pour le cas où ils participeraient au Timor-Oriental. Nous n'avions aucune idée de la nature exacte de l'opération.

• 1155

M. Lloyd Axworthy le disait clairement, le Canada a tenté d'attirer l'attention de la communauté internationale sur les problèmes potentiels au Timor-Oriental. Nous ne pouvons pas agir seuls. S'ils ne prêtent pas attention à nos incitations à prendre des mesures préventives ou précoces, cela nous pose décidément un problème à tous. Nous avons tout fait, en tant que pays responsable, pour nous assurer que la communauté internationale est saisie de la situation, et nous avons agi dès que nous l'avons pu.

Nous n'avons pas encore, contrairement à ce que vous avez dit, pris une décision à ce sujet. Nous en sommes encore à discuter avec les Australiens et d'autres de la composition de l'équipe et du rôle que nous y jouerions. Plusieurs questions restent encore à résoudre. Les règles d'engagement n'ont pas encore été déterminées. Cependant, même avec le peu que nous savons aujourd'hui, nous avons déjà pris certaines mesures. Nous avons commencé hier à administrer les vaccins à ces 250 militaires de la compagnie d'infanterie de Valcartier.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Il reste deux minutes et demie au Bloc, si vous voulez, monsieur Rocheleau...

[Français]

M. Yves Rocheleau: Je voudrais revenir à ma question de tout à l'heure. Chaque fois qu'il y a eu un vote sur le droit à l'autodétermination à l'Assemblée générale des Nations Unies, le Canada a voté contre. Aujourd'hui, à la suite du référendum du 30 août, quelle est la position du gouvernement canadien quant au droit à l'autodétermination du peuple timorais?

[Traduction]

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, comme je le disais en réponse à la question de M. Bachand—je présume que M. Rocheleau écoutait—en janvier, nous avons reconnu le droit des Timorais orientaux de décider s'ils voulaient désormais vivre en territoire autonome. Le Timor-Oriental n'a jamais été reconnu comme faisant partie de l'Indonésie; c'était un territoire non autonome, et nous avons reconnu leur droit de prendre part à la décision sur le sujet. L'indépendance absolue du Timor-Oriental n'a pas encore été reconnue. Le Parlement indonésien devra la ratifier lorsqu'il se réunira au début de novembre.

Je crois qu'il est important de souligner—et en particulier, monsieur Rocheleau, vous devriez souligner—que dans ce cas-ci, la question était très claire et qu'une très large majorité a voté en faveur l'indépendance.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Il reste encore une minute au Bloc québécois... à moins que ce ne soit pas encore assez clair.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: La situation des Timorais est tragique. Un grand nombre d'entre eux sont maintenant dans des camps et il y en a plusieurs qui ont fui dans la forêt. Il y en a qui sont au Timor-Occidental. Plusieurs ont faim et peur. L'aide qu'on a décidé d'accorder n'est-elle pas largement insuffisante comparativement à l'effort qui a été fait au Kosovo, où le nombre de personnes déplacées n'était pas beaucoup plus élevé? Cela s'est fait beaucoup plus vite au Timor-Oriental, mais d'après les chiffres du Haut-Commissariat pour les réfugiés, la situation est vraiment tragique.

Je pose la question à Mme Minna.

[Traduction]

Mme Maria Minna: Merci.

À propos du Kosovo, je crois que nous savions tous le haut degré d'urgence de la situation: un million de personnes avaient été déplacées. Le Canada a agi bien avant cela.

Pour ce qui est du Timor-Oriental, le million de dollars dont j'ai parlé plus tôt n'est qu'un début. C'est seulement pour répondre aux besoins les plus pressants des Timorais orientaux que nous pouvons atteindre. Nous n'avons, pour l'instant, accès qu'à ceux qui se trouvent au Timor-Occidental, où CARE Canada est en ce moment. Nous envisagerons d'autres mesures d'aide lorsque nous pourrons accéder au Timor-Oriental et constater quel genre d'aide peut être fournie de manière sécuritaire. Comme je le disais plus tôt, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires est allé au Timor-Oriental, et aussi la Croix Rouge et la Banque alimentaire mondiale. Ils pourront évaluer la situation. Nous envoyons un membre de l'ACDI sur le terrain avec nos partenaires afin de pouvoir déterminer quel soutien additionnel est nécessaire.

Ce qui est le plus important de se rappeler est qu'il se trouve en ce moment environ 200 000 personnes au Timor-Occidental, et que le programme CARE a été administré en courant un risque énorme. Ce qu'ils ont fait pour aider ces gens est fantastique, étant donné la situation.

• 1200

Dès que nous aurons pu évaluer ce qui se passe et entrer au Timor-Oriental, nous ferons, c'est certain, une autre évaluation. Ce n'est là qu'un premier pas. Nous voulions fournir de l'aide aussitôt que possible, en fonction de la situation au plan de la sécurité, et CARE Canada a été très utile en nous disant exactement qui ils avaient sur place et ce qu'ils peuvent faire, dans la situation actuelle. Évidemment, comme la situation change tous les jours, dès que nous en saurons plus, nous pourrons rajuster notre tir.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Mercier.

Madame Lalonde.

M. Lloyd Axworthy: Je voudrais seulement ajouter un commentaire. En fait, lorsque l'ACDI a annoncé sa première contribution, notre ambassadeur à Jakarta, M. Sunquist, a été incapable de s'en servir pour recueillir des dons de sept autres pays. Alors, en fait, là où elle a vraiment servi, c'est comme une espèce de première mise dans un ensemble de mesures d'aide, et c'était la semaine dernière, avant l'arrivée de quiconque d'autre là-bas.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Les ministres ont déclaré pouvoir rester un quart d'heure de plus que ce qui avait été prévu, alors nous poursuivons.

[Français]

Docteur Patry, cinq minutes, s'il vous plaît.

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Ma question s'adresse à M. Eggleton.

Monsieur le ministre, j'aimerais obtenir un peu plus de précisions sur des réponses que vous nous avez données plus tôt.

Vous dites que l'armée indonésienne devrait se retirer lors de l'arrivée des Casques bleus. Ce matin, certaines dépêches nous apprennent que Jakarta déploie actuellement un plus grand nombre de soldats au Timor-Oriental, cela avec toute la logistique nécessaire pour y rester longtemps. La dépêche nous dit aussi que l'armée et les milices pourraient ouvrir le feu sur les Casques bleus. On connaît très bien le rôle qu'ont joué l'armée et les milices dans la tuerie qu'il y a eu après le référendum. Comme il s'agit d'une mission de paix, quelle sera l'attitude de nos Casques bleus et de tous les autres Casques bleus si on les attaque? En résumé, quel sera le mandat de nos troupes? Inclura-t-il l'autodéfense en cas d'attaque?

Voici ma deuxième question. Advenant le non-retrait de l'armée indonésienne, quelle sera la position du Canada sur l'envoi de nos troupes, sachant très bien que l'Indonésie n'a pas assuré et surtout n'a pas voulu assurer la sécurité des Timorais et du personnel des Nations Unies au Timor-Oriental après le référendum? Merci.

[Traduction]

M. Arthur Eggleton: C'est une excellente question. L'équipe de reconnaissance qui se trouve là bas nous est indispensable en ce moment pour accéder à l'information.

Je crois que vous avez tout à fait raison, il y a de l'information contradictoire. Ce que nous savons, c'est que le commandant de l'armée indonésienne au Timor-Oriental a promis d'entamer le retrait de ses troupes de la province dévastée la semaine prochaine. Ce serait certainement un bon prélude à l'arrivée de nos forces de maintien de la paix. Tant qu'ils tiennent cet engagement, je crois que la situation présentera bien moins de risques pour nous. Nous avons aussi reçu des renseignements selon lesquels les milices ne survivraient pas après cela. Nous devons vérifier toutes les données reçues et les comprendre pour pouvoir évaluer pleinement le risque avant de nous rendre sur les lieux.

J'ajouterai autre chose. Vous avez parlé des Casques bleus. Il s'agit bien d'une force militaire autorisée par les Nations Unies en vertu du chapitre VII, mais ils ne portent pas le casque bleu. C'est une coalition des pays de bonne volonté, comme on dit. Elle est mandatée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, mais ce n'est pas une force composée de Casques bleus ou de Bérets bleus. En bout de ligne, les Bérets bleus, les Casques bleus ne retourneraient là-bas qu'après que la force de coalition aura créé les conditions préalables à leur retour.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Il reste du temps au Parti libéral, monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux ministres d'être venus.

Les gens qui communiquent avec le bureau de ma circonscription cherchent surtout à être rassurés. Les Canadiens veulent être assurés que ce que nous faisons est aussi sécuritaire que cela puisse l'être, pour le personnel de l'ACDI et, en particulier, pour les troupes canadiennes, non seulement au Timor-Oriental, mais aussi là où nous sommes déjà—où l'ACDI, du moins est déjà—c'est-à-dire au Timor-Occidental. C'est la première question.

La deuxième question, évidemment, est de savoir qui va diriger la mission? La logistique de la mission suscite l'intérêt dans la mesure où on veut savoir qui commandera les troupes canadiennes si nous devions nous mêler à tout cela? Je crois que vous avez répondu à cette question plus tôt. Est-ce que c'est une mission des Nations Unies? Une mission canadienne autonome? Ce sont les questions qui m'ont été posées.

• 1205

Je laisse le temps qu'il me reste à Hector.

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, peut-être puis-je commencer à donner la réponse, et les autres pourront la compléter.

Pour ce qui est de la sécurité du personnel qui fournit l'aide humanitaire, lorsque nous avons discuté la semaine dernière avec M. Alatas, alors que nous mettions sur pied ce groupe humanitaire, on nous a dit qu'on pouvait assurer sa sécurité au Timor-Occidental et faire en sorte de constituer une sorte de tête de pont pouvant contribuer à la prestation d'autres formes d'aide, particulièrement aux gens repoussés dans les régions frontalières. Donc, des arrangements sont faits pour la sécurité. Notre ambassadeur s'est rendu là-bas il y a deux jours et a encore dit que le climat de sécurité est suffisant pour permettre la présence de travailleurs de l'Aide.

J'ai aussi dit que les travailleurs de l'Aide sont probablement parmi les gens les plus courageux de la terre. Ils s'exposent à des risques que, je crois, la plupart d'entre nous hésiteraient beaucoup à prendre. Ils sont vraiment très souvent sur le front, dans ce genre d'opérations.

Pour ce qui est de la nature du groupe d'intervention lui-même, comme le disait M. Eggleton, en vertu du chapitre VII, il serait autorisé à recourir à la force ou à tous les moyens nécessaires, mais il ne serait pas sous le commandement des Nations Unies. L'Australie a été désignée comme le centre de commandement. L'armée thaïlandaise en serait l'adjointe. Ils peuvent en donner les détails.

Par contre, il y aura une transition. Après la deuxième phase, après la ratification du vote, qui devrait se faire au début de novembre si le Parlement indonésien s'y décide—et c'est pourquoi je crois qu'il est important de continuer d'exercer des pressions sur l'Indonésie, pour faire respecter le vote d'indépendance—alors, les Nations Unies prendraient la relève avec une opération de maintien de la paix entièrement intégrée, sous commandement des Nations Unies, etc. Voilà le plan qui avait été prévu le 5 mai.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Soyez très bref, monsieur Clouthier.

M. Arthur Eggleton: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose?

Tout d'abord, nous venons tout juste d'apprendre de l'état-major indonésien que 8 000 soldats indonésiens ont quitté le Timor-Oriental ou sont sur le point de le quitter pour se rendre dans la ville frontière d'Atambua.

À propos de la question de John sur le commandement, nos soldats canadiens seraient en premier lieu sous le commandement d'officiers canadiens. Les ordres donnés aux troupes canadiennes viendraient d'officiers canadiens. Cependant, ils seraient sous le contrôle opérationnel des Australiens. C'est un peu comme en Bosnie et au Kosovo, où nos troupes se trouvent dans des secteurs contrôlés par les Britanniques. Nous sommes là-bas sous leur contrôle opérationnel. Mais le commandement et le contrôle au jour le jour des troupes canadiennes est assumé par des officiers canadiens.

Mme Maria Minna: Juste un dernier mot sur la question de la sécurité en ce qui a trait à nos travailleurs de l'Aide. Je crois que vous seriez peut-être intéressés de savoir que, de nos jours, plus de travailleurs de l'Aide que de militaires sont tués dans ce genre de situation. C'est pourquoi, lorsque j'ai répondu à la question de Mme Lalonde, j'ai dit que la Canada fournissait de l'aide dans une région où les Indonésiens collaboraient dans une certaine mesure et garantissaient quelque sécurité. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas encore pu entrer au Timor-Oriental: nous ne pouvons pas faire courir de risques aux gens. Nous devons donc attendre pour le moins que les forces qui sont dans le secteur aient quelque garantie de sécurité avant d'aller nous-mêmes sur place observer la situation et nous assurer que nos travailleurs de l'Aide sont réellement à l'abri du danger.

Je dois vous dire, comme mon collègue, que ces gens sont parmi les plus courageux que j'aie connu, ceux que j'ai rencontré dans mon bureau. Je ne sais pas combien d'entre nous seraient prêts à entrer dans l'arène et à fournir de l'aide dans ce genre d'environnement.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, Madame la ministre.

La parole est maintenant au Nouveau Parti démocratique. Monsieur Robinson, vous avez cinq minutes.

M. Svend J. Robinson: Merci, monsieur le président. Avant que je commence, mon collègue avait une brève question à poser.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Vous avez cinq minutes au total, messieurs. Questions et réponses.

M. Gordon Earle: Merci.

Lorsque la décision définitive aura été prise et la dernière évaluation faite, au sujet de l'engagement du Canada, est-ce que la question sera ramenée devant le Parlement pour être votée, pour que les Canadiens aient l'opportunité de donner leur avis par l'entremise de leurs représentants élus et d'avaliser l'engagement du Canada là-bas?

M. Lloyd Axworthy: Monsieur le président, comme, je crois, nous l'avons souligné, selon notre pratique, nous consultons le Parlement. C'est exactement l'objet de notre présence ici ce matin.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur le ministre.

Monsieur Robinson.

M. Svend J. Robinson: Monsieur le président, consulter les comités parlementaires n'est certainement pas consulter tout le Parlement. C'est ce que veut dire mon collègue.

• 1210

J'aimerais revenir sur une ou deux choses. D'abord, la question de la vente d'armes. En 1995, 1996 et 1997, des permis d'exportation d'armes vers l'Indonésie totalisant plus de 4 millions de dollars ont été émis. Je voudrais demander au ministre, lorsqu'il dit qu'en fait tout a été suspendu, si cela englobe aussi les commandes qui étaient en cours, qui se rapportaient à des permis d'exportation émis antérieurement, les ventes à l'armée indonésienne—notamment les avions militaires, les hélicoptères, et tout autre matériel à vocation militaire—est-ce que cela signifie qu'aucune de ces ventes ne se réalisera?

M. Lloyd Axworthy: Monsieur Robinson, je crois qu'il n'y a en ce moment que trois permis en attente, et que tous portent sur des simulateurs et des pièces d'avion. Il n'y a pas d'avions, pas de fusils, ni de munitions, ni rien de ce qu'on peut qualifier de dangereux. Le total des ventes, ces deux dernières années, a été de 5 000 $.

Il reste donc trois permis. Nous n'avons pas de droit de rétroactivité, mais nous avons suspendu toutes les nouvelles demandes. Les seuls permis qui restent, il me semble, concernent des choses qui n'ont pas de rapport avec le combat et n'auraient pas d'utilité dans un contexte civil. À en juger par les critères établis en 1997, ils ne servent à aucun type d'action coercitive. C'est là où en sont les choses en ce moment.

M. Svend Robinson: Il n'y aura donc aucune vente découlant de permis d'exportation actuels pour l'Armée indonésienne?

M. Lloyd Axworthy: Ce que je dis, c'est qu'il y a des permis qui autorisent de telles ventes. Quant à savoir s'ils seront activés ou non... Nous avons tout mis en suspens depuis, mais nous n'avons aucun pouvoir de rétroaction sur les permis qui ont déjà été émis.

M. Svend Robinson: C'est bien ce que je demandais.

M. Lloyd Axworthy: Alors je vous ai répondu.

M. Svend Robinson: Donc, monsieur le ministre dit qu'il est prêt, si les permis ont été émis en 1995, 1996, 1997...

M. Lloyd Axworthy: Non, non, non. Les permis doivent être constamment renouvelés. Ils deviennent périmés au bout de six mois. Tout ce qu'il y a en ce moment, ce sont ces trois permis.

M. Svend Robinson: Et aucun de ceux-là ne sera activé?

M. Lloyd Axworthy: Je ne sais pas. Cela dépend des compagnies. Ce que je dis, c'est que nous avons suspendu tout le reste. À ce que je sais, ces permis n'ont rien à voir avec le combat actif, et ils n'auraient aucune incidence sur la situation au Timor-Oriental.

M. Svend Robinson: J'ai une autre question à poser, monsieur le président.

Bien entendu, les droits de la personne au Timor-Oriental soulèvent de graves préoccupations. Il y a aussi d'importants problèmes de violation des droits de la personne à Aceh, en Indonésie et aussi en Irian Jaya. Le Congrès du Travail du Canada a été le premier à émettre un décret vigoureux sur le commerce pour tous les produits destinés à l'Indonésie, en raison de la complicité directe du gouvernement indonésien dans les violations des droits de la personne et les meurtres en masse survenus au Timor-Oriental.

Je voudrais encore demander au ministre s'il est prêt à exercer dès maintenant des pressions économiques sur l'Indonésie, particulièrement dans le contexte de la Banque mondiale et de l'IMF, pour montrer clairement combien nous sommes horrifiés par leur conduite au Timor-Oriental et aussi pour bien leur faire comprendre qu'à moins qu'ils coopèrent entièrement en retirant leurs troupes du Timor-Oriental et en traînant en justice les coupables de crimes contre l'humanité, il y aura des conséquences économiques?

M. Lloyd Axworthy: Permettez-moi d'être bien clair. Nous signalons constamment au gouvernement indonésien les actes que nous désavouons. Nous le faisons depuis que je suis ministre, à toutes les occasions, y compris lors de notre dernière discussion avec M. Alatas. Cependant, nous sommes très pressés de voir le Timor-Oriental obtenir son indépendance et que le vote soit ratifié par le Parlement indonésien, et aussi que les Indonésiens respectent leur engagement de se retirer, conformément à l'entente conclue, et qu'ils laissent le Timor-Oriental devenir indépendant.

Je crois, franchement, que certaines de vos propositions sont nuisibles. Il me semble que vous recommandez presque des mesures qui iraient à l'encontre de l'indépendance du Timor-Oriental, parce qu'il subirait le contrecoup de l'Indonésie. Je crois qu'il est très important de nous efforcer d'appuyer les éléments du gouvernement indonésien qui ont soutenu l'indépendance et la protection des droits de la personne. Il n'y a pas que des coupables. Il se trouve des éléments très forts dans l'armée et sur la scène politique qui s'opposent à l'indépendance du Timor-Oriental et qui appuient et continuent de soutenir l'intervention indonésienne. Mais, comme nous l'avons démontré la semaine dernière, l'exercice de fortes pressions internationales a réussi à leur faire largement changer leurs positions. Nous poursuivons les pressions.

Bien franchement, suspendre l'aide alimentaire à l'Indonésie, le soutien aux ONG, le soutien au développement de la capacité... eh bien, c'est ce dont parle le Congrès du Travail du Canada. Ils vont suspendre tous les envois, y compris ceux de vivres, y compris l'aide aux ONG. C'est le genre de choses qu'ils envisagent. À mon avis, cela irait tout simplement à l'encontre de l'objectif que vous et moi visons, c'est-à-dire un bon processus de transition vers l'indépendance du Timor-Oriental.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci monsieur le ministre.

La dernière période de questions revient à Mme Wayne. J'ajouterais, si je peux me permettre, que la sénatrice Andreychuk aimerait poser une question. Je vais laisser Mme Wayne décider. De toute façon, il reste cinq minutes.

• 1215

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, le premier ministre a comparé nos soldats à des scouts, et je pense que leur mot d'ordre est «toujours prêts». Pourtant, je ne suis pas vraiment certaine que nous soyons prêts.

Ma question s'adresse au ministre de la Défense. Nous nous sommes interrogés sur la présence de nos soldats là-bas et le rôle qu'ils allaient y jouer, à savoir s'ils se limiteraient à assurer le maintien de la paix, compte tenu que l'armée indonésienne... Vous avez dit, je pense, que 7 000 ou 8 000 soldats indonésiens s'étaient retirés, monsieur le ministre. Combien sont-ils encore là-bas?

Le général a signalé, ou peut-être est-ce vous, qu'une délégation de militaires était aller examiner le rôle que le Canada pourra jouer et ce que nos soldats iront faire là-bas. Combien de temps la délégation prendra-t-elle pour déterminer cela? Quand saurons-nous exactement ce qui va se passer quand nous enverrons nos soldats là-bas, ou si c'est vraiment ce que nous allons faire?

M. Arthur Eggleton: Nous attendons le retour de l'équipe de reconnaissance d'ici une semaine. Nous allons examiner chacun des éléments. Il est possible que nous décidions d'envoyer des avions de transport Hercules plus tôt en raison de leur utilité. Le rôle des troupes au sol sera plus compliqué à déterminer. C'est surtout pour cela que nous avons besoin des informations de l'équipe de reconnaissance, que nous connaîtrons d'ici une semaine.

Mme Elsie Wayne: Si, cet après-midi, on confirme les rumeurs qui circulent, notre comité ne se réunira pas pour savoir exactement... Nous devrons l'apprendre par les journaux?

M. Arthur Eggleton: Nous procédons à des consultations au même stade que nous l'avons fait pour toutes les autres missions, dans les Balkans et ailleurs. À cette étape-ci, aucune décision n'a été prise. Je pense qu'il est important qu'il y ait des consultations au préalable.

Mme Elsie Wayne: C'est juste.

M. Arthur Eggleton: Mais évidemment la situation est encore floue. Elle est en train de se préciser. Nous sommes encore en train d'évaluer ce qui est en jeu. Si nous avions attendu que tout soit bien clair, on ne pourrait pas dire qu'il y a eu beaucoup de consultations. Comme nous voulons évidemment consulter le plus tôt possible, nous n'avons pas toutes les réponses.

Nous en sommes donc à l'étape de la consultation. Le gouvernement prendra une décision plus tard. C'est exactement de cette façon que nous avons procédé avant.

Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci Madame Wayne.

Allez-vous laisser le reste de votre temps de parole à la sénatrice Andreychuk?

Mme Elsie Wayne: Oui, et j'aimerais expliquer aux membres du comité pourquoi je vais lui laisser la parole. Je crois comprendre que si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que la sénatrice Andreychuk est intervenue au Sénat tous les jours pour que notre comité, de concert avec des sénateurs, se réunisse en séance conjointe. Que nous soyons sénateurs ou député n'a pas d'importance parce que nous discutons de la vie des Timorais de l'Est et de celle de tous les Canadiens qui sont là-bas.

Si nous sommes réunis ici aujourd'hui, c'est parce que cette dame, et je ne pense pas que mon collègue de droite était au courant étant donné que le comité ne devait pas se réunir avant qu'il y ait entente de leur part. Il a finalement été convenu que nous nous réunirions aujourd'hui. Je ne pense pas non plus que mes autres collègues de l'opposition étaient au courant. Donc, oui, je vais sûrement céder la parole à la sénatrice Andreychuk.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je vais inviter la sénatrice Andreychuk à poser une question.

M. Svend J. Robinson: Monsieur le président, j'invoque le Règlement de la Chambre des communes qui, à l'article 119, dit:

    119. Tout député

—pas tout parlementaire, mais tout député—

    qui n'est pas membre d'un comité permanent, spécial ou législatif peut, sauf si la Chambre ou le comité en ordonne autrement, prendre part aux délibérations publiques du comité, mais il ne peut ni y voter ni y proposer une motion, ni faire partie du quorum.

On parle des députés et non des sénateurs, monsieur le président. C'est écrit dans le Règlement.

Dans Beauchesne, il y a une disposition sur les séances conjointes de comité. Mme Wayne a sûrement raison si les sénateurs veulent participer à une séance conjointe...

Mme Elsie Wayne: C'est le cas ici.

M. Svend J. Robinson: Ce n'est pas une séance conjointe du comité.

Mme Elsie Wayne: C'est ce qu'on a demandé.

M. Svend J. Robinson: Monsieur le président, ce n'est pas une séance conjointe. Il est question au commentaire 869 de Beauchesne des séances conjointes de comité. Ce n'est pas une séance conjointe. On peut bien prévoir des séances conjointes plus tard, mais ce n'en est pas une.

Monsieur le président, pour finir, le commentaire 766 de Beauchesne rappelle la règle sur la participation faite avec le consentement du comité. À moins qu'il n'y ait consentement de tous les membres du comité, les sénateurs ne peuvent participer selon le Règlement de la Chambre.

Mme Elsie Wayne: Monsieur le président, j'invoque le Règlement très rapidement...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je m'excuse madame Wayne, mais je veux répondre à cette objection. Le député s'est adressé au président, madame Wayne.

D'abord, je veux remercier les ministres. Ils sont tout excusés s'ils veulent partir parce que je pense qu'ils ont autre chose à faire.

• 1220

D'après les deux greffiers que j'ai consultés qui sont d'accord là-dessus, rien n'empêche le comité d'inviter les sénateurs à prendre la parole. Nous avons donner la parole au président du comité sénatorial des affaires étrangères et nous essayons maintenant de permettre la même chose à la vice-présidente. Je suis les conseils des deux greffiers et j'ai des références à l'appui, monsieur Robinson—que je peux citer si vous voulez—qui disent qu'il appartient au comité de décider. En tant que président, j'ai décidé que c'était un geste acceptable. C'était le tour des libéraux quand j'ai invité le sénateur Stewart à parler, et aucun député du parti ne s'y est opposé.

Cette décision s'applique toujours. Je compte inviter la sénatrice Andreychuk à poser les dernières questions de cette réunion. Vous avez toujours le droit de contester ce que je décide.

M. Svend J. Robinson: Et c'est mon...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Vous contestez donc la décision du président. Très bien.

Si la décision du président est contestée, la procédure prévoit que les deux comités, celui des affaires étrangères et celui de la défense, votent séparément. J'ai décidé que les sénateurs ont été invités selon les règles, c'est-à-dire avec le consentement des membres, à poser des questions au cours de la présente séance.

Je vais inviter les membres du comité de la défense à se prononcer en premier. Ma décision a été contestée par M. Robinson. Que ceux qui sont d'accord avec M. Robinson veuillent bien l'indiquer.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Monsieur le président, je ne pense pas que nous comprenions bien la nature du vote. Il est proposé de soutenir la décision de la présidence...

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Oui.

Mme Marlene Catterall: ...et ceux qui appuient votre décision doivent voter oui.

Le coprésident (M. Pat O'Brien): C'est à dire que M. Robinson propose de contester la décision de la présidence et de ne pas l'appuyer. Je pense que c'est assez clair et j'ai commencé à procéder au vote.

(La motion est rejetée par 7 voix contre 3)

Le coprésident (M. Pat O'Brien): La motion est donc rejetée.

Je vais maintenant inviter le comité des affaires étrangères à se prononcer sur la même motion—et il se peut qu'il y ait égalité des voix.

(La motion est adoptée par cinq voix contre quatre)

Le coprésident (M. Pat O'Brien): Nous avons un résultat intéressant. Le comité de la défense appuie la présidence et le comité des affaires étrangères ne l'appuie pas.

Je vous remercie d'avoir assisté à cette réunion. La séance est levée.