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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 janvier 1998

• 1338

[Traduction]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs.

Je me présente. Je m'appelle Robert Bertrand et je suis président du Comité de la défense nationale. Nous sommes venus ici pour vous écouter mais, avant que nous ne commencions, je demanderais au général Ross de dire quelques mots.

Pour vous donner une idée de la façon dont nous procédons, dans les séances que nous avons eues jusqu'ici, nous avons écouté plusieurs personnes faire leurs exposés après quoi nous leur avons posé des questions. On m'a dit qu'il y a deux personnes qui prendront la parole. Cela devrait prendre quelques minutes après quoi nous vous passerons le micro pour que vous nous disiez ce que vous voulez.

[Français]

Pour ceux qui préfèrent poser leurs questions en français, il n'y a aucun problème.

• 1340

[Traduction]

Il y a des écouteurs pour l'interprétation près du mur. Si quelqu'un veut aller en chercher, allez-y, on vous les remettra.

Je demanderais aux membres de notre groupe de se présenter.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je m'appelle David Pratt. Je suis député de Nepean—Carleton, juste en bordure d'Ottawa, une des régions qui ont été récemment touchées par la tempête de verglas.

Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.): Je m'appelle Judi Longfield. Je suis députée de Whitby—Ajax en Ontario, à l'est de l'agglomération de Toronto.

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Je m'appelle Bob Wood. Je représente la circonscription de Nipissing qui englobe la base de North Bay et je suis président du comité.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Art Hanger, porte-parole de la défense du Parti réformiste.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Je m'appelle John Richardson. Je suis secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et membre du comité.

Le président: Merci beaucoup à vous tous.

Nous allons maintenant entendre le colonel Andrew Leslie.

Le colonel Andrew Leslie (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, je voudrais vous entretenir de la question d'un juste salaire pour une bonne journée de travail. Comme vous le savez peut-être, ces derniers temps, les soldats canadiens ont reçu des augmentations qui, très franchement, n'ont pas été bien gérées, ni quant au montant qu'ils ont obtenu ni quant aux méthodes utilisées pour disséminer les informations nécessaires.

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais vous passer un bref extrait de l'émission This Hour Has 22 Minutes sur le rendement des soldats et le travail extraordinaire qu'ils ont fait pour aider la population du Québec ces deux dernières semaines. Me permettez-vous de le passer?

Le président: Certainement.

    [Note de la rédaction: présentation vidéo]

Col Andrew Leslie: Je dirai maintenant deux ou trois choses très brièvement. Nous en avons déjà discuté ce matin mais j'ai pensé qu'il était bon d'en parler devant les soldats.

Nous envoyons des soldats à l'étranger avec une brigade de moins de 5 000 personnes. Nous en avons envoyé environ 3 000 à l'étranger au cours des 12 derniers mois.

Ce matin, nous avons parlé de problèmes de rémunération. Franchement, j'estime que nos soldats—et je suis sûr qu'ils en conviendront—méritent un juste salaire pour une bonne journée de travail. J'estime qu'un minimum de 15 p. 100 d'augmentation devrait être accordé aux soldats par le gouvernement canadien.

• 1345

Sachant que le budget de la Défense nationale est de 10 milliards de dollars, je crois qu'il faut examiner de près ce que nous faisons. Si nous estimons que les groupes de la brigade et le personnel qui les soutient et ceux qui vont en mer sur les navires ou qui les accompagnent en avion et leur apportent un soutien immédiat sont notre produit, notre raison d'être, nous savons très bien que l'on peut réaliser des économies au centre afin d'avoir davantage de ressources pour rémunérer les soldats à des niveaux qui soient plus justes.

La recommandation est donc une augmentation salariale de 15 p. 100 pour tout le monde en un montant global.

Monsieur, cela conclut mon exposé.

Le président: Merci beaucoup.

Y a-t-il des questions? Judi.

Mme Judi Longfield: Merci.

Le message que vous nous laissez sur le fait que nous payons mal notre armée n'est pas nouveau. C'est ce que l'on nous répète partout. Je voudrais donc essayer de pousser la chose un peu plus loin en parlant toujours de rémunération et aussi des possibilités d'avancement.

Depuis que nous avons quitté Trenton vendredi, on nous dit qu'il y a très peu de possibilités d'avancement, très peu de possibilités de promotion. On nous a aussi dit que dans certains cas, les gens ne veulent pas forcément quitter leurs fonctions mais qu'ils aimeraient être rémunérés en fonction de leurs compétences et de leurs connaissances. Pourriez-vous m'indiquer comment, à votre avis, nous pourrions indemniser les gens aux échelons auxquels ils se trouvent actuellement?

Col Andrew Leslie: Oui, madame, certainement, mais ce ne serait qu'un avis personnel et il y a là des tas d'experts qui pourraient aussi bien répondre. Voulez-vous que je réponde?

Mme Judi Longfield: Nous pourrions commencer par entendre votre avis et si d'autres ne sont pas d'accord, ils pourront s'approcher du micro pour donner leur point de vue.

Col Andrew Leslie: Ils le feront certainement. Ils n'ont pas peur. Croyez-moi; je le sais bien.

Pour ce qui est de l'avancement professionnel, la grande majorité des soldats, du fait des compressions de personnel, ont vu leur carrière essentiellement gelée depuis plusieurs années. Puisque les compressions se poursuivent et puisqu'il nous faut envisager d'autres options pour assurer les services que nous sommes censés assurer, et que nous sous-traitons les services essentiels pour nous aider dans nos opérations à l'étranger, la situation ne peut probablement qu'empirer. Il y a plusieurs organisations dans la brigade où des soldats auraient dû être promus au grade de sergent il y a cinq ou six ans alors qu'ils sont restés au grade de caporal.

Cela a un effet négatif, non seulement sur le moral mais également sur leur efficacité car, dans certains cas, nous avons des soldats—des caporaux, des bombardiers, des caporaux-chefs—qui font le travail de sergents et d'adjudants. Ils sont qualifiés mais, évidemment, ils n'ont pas le grade et, à l'heure actuelle, notre échelle de rémunération est liée au grade.

Donc, oui, je crois qu'il va falloir réfléchir à la façon dont on pourrait rémunérer les gens en fonction de leur expérience et de leurs qualifications dans un environnement extrêmement concurrentiel. L'armée de terre, l'armée de l'air, et la marine suivent toutes essentiellement les mêmes méthodes de formation et la concurrence est très forte. Il est très décourageant pour les soldats de voir qu'après avoir suivi un cours de chef de combat ou de chef subalterne ou un cours d'autre chose, ils ne peuvent en fait obtenir la rémunération correspondante ni utiliser ces compétences ou être récompensé pour avoir atteint ce niveau de compétence.

Cela répond-il à votre question?

Mme Judi Longfield: En partie, oui.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

Colonel, savez-vous que le budget fixé pour l'armée n'est pas de 10 milliards de dollars mais de 9,2 milliards?

Col Andrew Leslie: Oui, monsieur, je sais qu'il y a eu une diminution. Je ne savais pas toutefois que le budget de l'année prochaine avait été ramené à 9,2 milliards de dollars.

M. Art Hanger: Ma foi, on dit que ce sera la dernière réduction mais je ne pense pas que ce soit absolument certain. À votre avis, quels résultats peut avoir une réduction supplémentaire d'un milliard de dollars?

Col Andrew Leslie: Monsieur, tout dépend de la façon dont on opère les compressions. Si vous me permettez de vous rappeler ce que je disais tout à l'heure, il nous faut—et je parle là de l'armée et, surtout de la hiérarchie ou des élus qui nous gouvernent, parce que nous faisons ce que vous voulez que nous fassions, ce que vous nous dites de faire... Vous, mesdames et messieurs, devez décider vous-mêmes de ce que vous voulez que fasse l'armée canadienne.

Mon avis personnel est que nous avons une infrastructure beaucoup trop lourde au centre et que nous nous sommes détournés des valeurs et des activités essentielles que doit avoir une armée. Je parle, très franchement, des groupes-brigades, de l'armée régulière et de l'armée de réserve, des navires qui vont en mer et des avions et hélicoptères ainsi que du personnel directement attaché à ces fonctions.

• 1350

Je ne suis pas un expert en ce qui a trait au QGDN. Je ne veux pas non plus en devenir un et ce commentaire s'adresse au général Ross, parce qu'il sera mon chef pendant la prochaine année.

À mon avis, il faut faire preuve de logique, tout simplement, quand on détermine comment dépenser nos budgets. Du nouveau matériel sera sous peu disponible. Je suis un soldat professionnel; je prendrai tous les sous que vous m'offrirez et je m'en servirai soit pour du matériel soit pour le salaire des troupes, et ce sera à vous qu'il reviendra de décider quel usage on fera de cet argent. Je crois qu'avec 9,2 milliards de dollars, il y a suffisamment d'argent dans le budget du MDN pour offrir à nos soldats un salaire juste pour le travail qu'ils font. Pour être honnête, ce n'est certainement pas le cas actuellement.

Est-ce que j'ai répondu à votre question, monsieur?

M. Art Hanger: Oui.

Col Andrew Leslie: Encore une fois, je dois signaler que je ne suis pas un expert, mais je crois que 9,2 milliards de dollars permettraient de créer trois groupes-brigades, d'assurer la présence des forces de réserve là où elles sont nécessaires, de maintenir nos navires en mer et nos avions et hélicoptères en vol.

Le temps est venu d'étudier de très près bien d'autres choses que nous faisons également. Ce n'est pas à moi qu'il revient de trancher.

M. David Pratt: Colonel Leslie, un peu plus tôt aujourd'hui, lorsque nous avons eu l'occasion de parler ensemble, vous avez dit que nous perdions un très grand nombre de soldats, qu'un grand nombre d'entre eux quittaient les forces armées après avoir reçu une formation très complète et être devenus des gens d'expérience. Je n'ai pas eu l'occasion de vous poser de plus amples questions là-dessus, mais pouvez-vous nous dire en fait quel pourcentage ces départs représentent?

Avant de vous laisser répondre, j'aimerais également dire aux gens qui sont ici certaines des choses que nous avons entendues lors de nos audiences précédentes sur les augmentations de traitement. Ce qu'on nous a dit était bien simple, et je crois que c'était à Esquimalt: «les augmentations sont à un tel niveau qu'elles ne servent qu'à nous mettre en rogne.» J'aimerais savoir ce que ceux qui sont ici aujourd'hui pensent de la question.

Je voudrais que vous me parliez du départ du personnel qui a été formé.

Col Andrew Leslie: Oui. Encore une fois, je ne peux vous donner que mon impression de la situation au GBMC, 1ère Brigade, parce que c'est le seul domaine que je connais. Je vais donc répondre à votre question.

À la 1ère Brigade, nous perdons en moyenne 300 à 400 soldats par année. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés maintenant, et la situation est particulièrement critique au niveau des sous-officiers supérieurs.

Ces derniers sont le coeur même de l'armée—personne n'oserait le nier. Ce sont eux qui prennent les idées présentées par les officiers et en font des faits, une réalité, parce que ce sont eux qui ont une expérience directe et les qualités de commandement nécessaires pour orienter les activités des soldats.

Lorsqu'un jeune homme ou une jeune femme décide de se joindre aux forces armées à 20 ans et reçoit un salaire de 16 000$, 17 000$ ou 18 000$ par année lors de la période d'instruction, cela suffit pour la plupart. Les choses ne sont pas faciles, mais la plupart d'entre eux sont encore célibataires. Lorsque ces soldats ont 30 ans, et qu'ils sont caporal-chef, ou lorsqu'ils ont 35 ans et sont devenus sergent ou adjudant—s'ils sont chanceux, comme on vous l'a déjà dit un peu plus tôt—ils sont responsables de deux ou trois personnes, et leur salaire n'est plus assez élevé.

Dans le monde civil, le monde qui existe à l'extérieur de la brigade, les soldats sont des éléments très intéressants, parce qu'ils ont une bonne confiance en eux, ils ont une bonne discipline et ils sont prêts à travailler très fort, comme ils l'ont montré en Bosnie et au Québec. Nombre d'entre eux ont des compétences uniques, et on s'empresse de les recruter. Cette situation ne changera pas.

À titre de commandant de formation, je m'inquiète de plus en plus du fait que notre investissement dans nos soldats est gaspillé en raison d'une optique à court terme et du fait que nous n'offrons pas à nos soldats un salaire suffisamment élevé pour les convaincre de demeurer dans les forces armées.

Personne ne choisit les forces armées pour devenir riche. Nous en sommes tous conscients, et si certains d'entre nous dans la salle ont fait cette erreur, je peux vous assurer que nous avons appris notre leçon assez rapidement. Nous décidons de faire partie des forces armées parce que nous sommes fiers de servir notre pays, peu importe nos raisons personnelles. Un jour ou l'autre, un soldat, tout particulièrement un sous-officier supérieur, doit tenir compte de la réalité financière, du fait qu'il est appelé à déménager sans cesse, que sa femme ne peut obtenir ou conserver un emploi parce que son conjoint fait partie des forces armées. Il doit se dire: «pour assurer le bien-être de ma famille, je me dois de trouver une vie plus facile qui m'assurera un revenu plus élevé et qui me permettra d'être avec ma famille plus souvent.»

• 1355

Je ne veux pas vous donner l'impression que les soldats n'aiment pas aller à l'étranger—ils ne sont pas gênés, ils vous diront clairement ce qu'ils pensent. Ils aiment aller à l'étranger, la majorité d'entre eux tout au moins. Nous avons des volontaires pour pratiquement toutes les affections à l'étranger. Dans certains domaines clés, cependant, certains de nos soldats sont envoyés en mission opérationnelle à intervalles réguliers, surtout ceux qui s'occupent du soutien des forces et les ingénieurs. Encore une fois, ces gens représentent des recrues intéressantes pour le secteur civil.

M. David Pratt: Merci, colonel.

Le président: Monsieur Wood.

M. Bob Wood: Merci, monsieur le président.

Je connais probablement la réponse à la question que je vais vous poser, mais j'aimerais entendre votre réponse, monsieur, parce que cela nous permettra de formuler plus facilement des propositions qui permettront d'aider les forces armées. J'aimerais connaître l'échelle des salaires des Forces armées canadiennes et, si c'était possible, j'aimerais que vous compariez cette échelle à celle que l'on retrouve chez certains de nos alliés. Vous avez probablement eu l'occasion de vous rendre à l'étranger et de parler à des membres des forces armées d'autres pays. Comment l'échelle salariale du Canada se compare-t-elle à celle que l'on retrouve dans d'autres pays?

Col Andrew Leslie: Monsieur, j'ai été appelé à me rendre dans les théâtres où l'on retrouvait des soldats du Kenya, de la Russie et de la Jordanie. Nous sommes très bien payés si l'on se compare à ces pays. Cependant, on ne retrouve pas le même coût de la vie dans ces pays.

Pour ce qui est du monde occidental, je dois vous avouer que je ne suis pas un expert. Je ne suis pas un officier des finances. Cependant je peux vous le dire officiellement en cette réunion pour laquelle il y aura un procès-verbal. Je crois que nous sommes probablement les soldats les moins bien rémunérés de tous les pays occidentaux.

Par exemple, les Américains ont droit à toute une série d'avantages supplémentaires que les soldats canadiens n'ont pas. Nous savons tous que nous avons un très bon système d'assurance-santé au Canada. Aux États-Unis, tout cela est assuré par l'entremise de programmes d'assurance privés, financés par les forces armées. Dans l'armée de terre américaine—et je ne peux parler de la marine ou de l'armée de l'air, je sais que vous pouvez obtenir une bonne hypothèque sans intérêt pour acheter une maison.

Dans l'armée britannique, le salaire d'un lieutenant est le salaire que reçoit un capitaine dans l'armée canadienne. Ainsi le soldat britannique se trouve à au moins un échelon de rémunération plus élevé qu'au Canada. Et l'écart est encore plus marqué pour les simples soldats.

Encore une fois, je tiens à vous rappeler que je ne suis pas un expert, mais je crois que nous sommes les soldats les moins bien rémunérés du monde occidental.

M. Bob Wood: Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant le major Bruce Henwood.

Le major Bruce Henwood (témoignage à titre personnel): Bon après-midi mesdames et messieurs.

Je profite de votre visite aujourd'hui pour vous faire part de certains des problèmes que vivent les membres des Forces armées canadiennes qui sont blessés dans l'exercice de leurs fonctions. Fort heureusement, cela ne se produit pas trop souvent. Cependant, compte tenu de la nature de nos fonctions, c'est une réalité qu'il faut reconnaître.

Je sais que vous étudiez tous les aspects de la vie militaire, afin de recommander au Parlement certaines améliorations. Je vais parler d'un secteur qui est peu connu, à moins que vous n'ayez vécu une situation particulière, ce qui est mon cas. Nous devons étudier de très près les soins que nous offrons à nos blessés, car toute négligence pourrait avoir de graves répercussions.

Je m'adresse à vous aujourd'hui parce qu'il existe des problèmes quant à la façon dont les Forces armées canadiennes traitent leurs blessés. Je suis convaincu qu'il existe une obligation morale de la part des Forces canadiennes de s'occuper de ces blessés. Tout manquement à cet égard entraînerait de graves problèmes de morale. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des soldats à qui on demande de risquer leur vie se demander ce qui leur arrivera s'ils sont blessés, se demander s'ils seront alors oubliés. Leur rendement pourrait en souffrir.

Plusieurs secteurs à mon avis méritent d'être étudiés de très près. Vous recevrez probablement plus tard un petit document que j'ai préparé où je présente une liste des questions qui me préoccupent, mais que je n'ai pas le temps d'aborder aujourd'hui. Je me contenterai cet après-midi de vous parler des quatre questions les plus urgentes: le régime d'assurance-revenu militaire, ou le RARM comme l'appellent mes collègues, la protection et les avantages assurés; l'administration et le soutien immédiat après blessure; l'administration et le soutien à long terme et enfin l'appui accordé par le ministère des Affaires des anciens combattants.

Je n'essaierai pas d'expliquer chaque politique, mais j'essaierai de vous expliquer, en donnant des exemples, les problèmes que j'ai vécus. Fort heureusement, je suis un de ceux qui sont chanceux. Il y a beaucoup de récits horrifiants que peuvent vous faire des soldats qui ont été blessés.

• 1400

J'aimerais dire d'entrée de jeu que nombre de soldats se sentent absolument abandonnés par le système, et par là j'entends les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale. Je parlais à un jeune soldat qui a reçu des blessures semblables aux miennes. Vous n'en êtes peut-être pas conscient, mais j'ai été blessé par une mine en Yougoslavie. Les blessures au visage sont mineures. Je n'ai plus de jambes en raison d'une mine russe TMA3. Je suis debout car j'ai des prothèses. Je sais donc très bien ce dont je parle.

Je parlais donc à un jeune soldat qui a reçu des blessures semblables aux miennes et je lui ai demandé, parce que je croyais qu'il était un peu frustré, ce à quoi il s'attendait et ce qu'il espérait obtenir de l'armée. Vous savez, tout ce qu'il voulait, c'était un document faisant état des prestations auxquelles il avait droit et une simple poignée de mains. Notre armée, qui en fait représente le gouvernement, n'a même pas pu faire cela. C'est la triste situation que nous vivons. Je me suis promis que ça ne m'arriverait pas.

Le RARM est la chose qui m'a le plus déçu depuis que j'ai été blessé. Pendant des années j'ai dit à ma femme «si je suis blessé ou tué, ne t'inquiète pas, le RARM s'occupera de nous». Ce n'est qu'une fois que j'ai été blessé que j'ai appris que ce régime ne m'aiderait pas.

Je me demande combien d'appels ont été faits ou de lettres ont été envoyées à ma mère pour lui dire de ne pas s'inquiéter car l'armée dispose d'un programme d'assurance. C'est vrai, c'est la façon dont on nous présente le RARM. Vous verrez dans le document qu'on vous remettra une photocopie provenant du guide sur le RARM. Cela a l'air bien impressionnant. On dit quelque chose comme le régime d'assurance groupe des Forces armées canadiennes, régime d'assurance-vie et invalidité conçu pour les Forces canadiennes. Ça semble bien impressionnant. Cela calme bien des craintes, mais c'est faux. Je ne dirais pas qu'on ment, mais je dirai que certaines choses qu'on y dit sont fausses.

Il s'agit d'un programme de sécurité du revenu visant à garantir au soldat ou à ses survivants 75 p. 100 de son revenu actuel, et ce montant se trouve réduit par les autres programmes de pension fédéraux. Je ne suis pas admissible à un supplément du revenu parce que je reçois une pension médicale par l'entremise du ministère des Affaires des anciens combattants et que je recevrai une pension militaire lorsque je serai réformé dans environ un mois. Ces pensions dépasseront le niveau de 75 p. 100 que le RARM doit venir combler.

Je comprends très bien, et j'accepte ces faits. Je ne pose pas de questions. Cependant, posez la question à n'importe quel soldat qui se trouve dans cette salle et j'espère qu'ils n'hésiteront pas à en parler plus tard; demandez-leur de vous décrire le RARM, et tout cela sera bien différent des faits. Ils ont été trompés, je peux vous l'assurer. Je ne conteste pas l'objectif visé par le RARM—il s'agit là d'un régime de sécurité du revenu. Ce qui m'inquiète, plutôt, c'est la façon dont certaines des prestations sont établies dans le cadre du régime.

Après avoir été blessé, j'ai lu la partie du régime qui s'appliquait à moi, c'est-à-dire ce qui concerne l'indemnité de mutilation accidentelle. Curieusement, contrairement aux autres régimes d'assurance, le RARM ne verse une indemnité de mutilation qu'à ceux qui ont droit à un supplément de revenu. L'indemnité n'est pas versée pour la perte. En conséquence, mes jambes valent moins que celles d'un autre. D'après le RARM, les miennes ne valent rien. Je n'ai reçu et ne recevrai aucune prestation du RARM.

Après la libération, une fois que le militaire a quitté l'armée, l'indemnité de mutilation du RARM est versée pour la perte d'un membre, et non pas en fonction du revenu. Il y a donc des incohérences au sein même du RARM.

Au cours d'une conférence du SPSC, j'ai assisté à une séance d'information sur le RARM; sans que j'en aie été informé à l'avance et sans qu'on m'en ait demandé l'autorisation, on a cité mon cas en exemple; le présentateur a expliqué à tous les militaires et à tous les conjoints présents que j'avais reçu une indemnité de mutilation. C'est absolument faux. C'est un mensonge.

Les fonctionnaires du RARM prétendent—vous pouvez leur demander, et j'espère que vous allez le faire—qu'ils ne sont pas une compagnie d'assurances; ils vous diront qu'ils ne savent pas de quoi je parle. Pourtant, leur régime est structuré comme celui d'une compagnie d'assurances et ils proposent leurs services de la même façon; ils sont administrés par une compagnie d'assurances, appelée Maritime Life Assurance Company, et ils utilisent les mêmes définitions et la même terminologie que les compagnies d'assurances.

Il faudrait modifier le nom du RARM de façon à éviter toute confusion pour les militaires. Il faudrait expliquer clairement les choses, de façon que chacun connaisse les limites du régime. Finalement, les prestations comme l'indemnité de mutilation devraient être conformes à celles des compagnies d'assurances et devraient comporter une indemnisation en fonction de la perte, et non pas en fonction du revenu.

• 1405

Ma deuxième préoccupation concerne les formalités administratives et le soutien accordé immédiatement après l'accident. Je remercie chaque jour le Seigneur de ne pas avoir subi de lésions au cerveau lors de cette explosion. J'ai pu tirer partie de mes 22 années d'expérience de l'armée et, dans une certaine mesure, de mon grade pour veiller à ce que mes besoins et ceux de ma famille soient satisfaits. Mais si j'avais été incapable de le faire, ma femme n'aurait su ni à qui s'adresser, ni quoi demander, ni où aller.

Lorsque j'étais aux soins intensifs et qu'on m'administrait de la morphine à fortes doses—pour ceux qui s'y connaissent en médecine, je crois que c'était de l'ordre de 20 milligrammes par heure; je ne sais pas si c'est beaucoup, mais on m'a dit que c'était une forte dose—j'étais sous perfusion, j'avais des aiguilles dans le bras, j'avais un moniteur pour les battements cardiaques, etc. J'ai reçu la visite d'un officier de haut rang, d'un rang plus élevé que les officiers qui sont ici, et qui se préoccupait de mon bien-être—du moins je l'espère. J'espère qu'il n'était pas là par curiosité. Après une brève discussion, il m'a dit que si j'avais besoin de quoi que ce soit, il me suffisait de le demander.

J'en ai été très contrarié, et je le suis encore aujourd'hui. J'étais aux soins intensifs—à mon avis, j'aurais aussi bien pu être maintenu en vie artificiellement—et on me chargeait de définir mes besoins et ceux de ma famille. J'étais sous l'effet des médicaments. Comment aurais-je pu savoir?

Cet officier a joué le jeu, et il est parti la conscience tranquille. On parle d'une crise du commandement. Voici un exemple flagrant où des officiers de haut rang éludent leurs responsabilités et se donnent bonne conscience. C'était à moi, hospitalisé aux soins intensifs, de penser à ce dont ma femme pouvait avoir besoin, alors qu'elle était à 1 000 kilomètres de là.

J'espère qu'il ne l'a pas dit intentionnellement, mais le mal est fait, comme vous pouvez le constater au son de ma voix. Pour une personne gravement blessée, comme je l'étais, il y a bien des choses à faire. Les Forces armées canadiennes et certains militaires font un travail extraordinaire et viennent en aide aux blessés sans poser de questions, une fois que leurs besoins ont été définis. Le problème, c'est de définir les besoins.

Il est assez humiliant de devoir quémander constamment de l'aide. Il faudrait prévoir un aide-mémoire ou une liste que l'on remettrait à la famille ou au militaire, s'il est en mesure de comprendre. Ce document énumérerait tous les services proposés par le ministère de la Défense, que ce soit en matière de transport ou d'aménagement résidentiel. La famille ne sait pas nécessairement où aller chercher de l'aide, en particulier lorsque le blessé ne peut pas parler. Grâce à cette liste, la famille pourrait définir très rapidement l'aide dont elle a besoin et pourrait l'obtenir sans avoir à quémander.

Je voudrais également parler du soutien financier immédiat. Au cours de la première année qui a suivi ma blessure, j'ai dépensé plus de 12 000$ pour me remettre debout. Personne ici n'a 12 000$ à sacrifier, je peux vous le garantir.

Je m'en suis sorti grâce à une planification budgétaire serrée. J'étais à l'hôpital et je ne mangeais donc pas chez moi, mais je n'ai reçu aucun soutien. J'aurais voulu me faire rembourser mes frais de garde d'enfant, de façon que ma femme puisse venir me voir à l'hôpital, les frais de transport pour le stationnement à l'hôpital, ainsi que les meubles spécialisés, pour ne nommer que quelques dépenses. Je n'ai pas eu d'aide. Heureusement, comme je l'ai dit, j'ai réussi à gérer mon budget et à traverser la période difficile qui a précédé le début de ma pension médicale.

J'ai même dû remplacer mon véhicule. Cela n'était pas prévu dans mon budget... J'ai dû remplacer mon véhicule, car je ne pouvais plus prendre place dans celui que j'avais avant. On ne change pas de véhicule sur un coup de tête. Il faut planifier l'opération à l'avance. Je n'ai pas eu le temps de le faire. C'était une situation d'urgence.

Je veux dire que le ministère de la Défense devrait assurer un soutien financier immédiat. Cela permettrait au gouvernement et à l'armée de manifester leur sens des responsabilités.

Finalement, en ce qui concerne le soutien accordé immédiatement après l'accident, on a dû vous parler beaucoup des centres de ressources familiales et des services qu'ils offrent à la communauté militaire. Le centre de ressources familiales de Gagetown ne s'est manifesté que quatre mois après ma blessure. Il m'a envoyé une carte de prompt rétablissement, comme si j'étais malade ou comme si mes jambes allaient repousser.

• 1410

Nous aurions pu obtenir de ce centre des services d'urgence à domicile, comme ceux qui existaient à Lahr, en Allemagne, dans les années 80. Ces services d'urgence comprennent la garde des enfants, la préparation des repas et les transports.

Ma femme a accidenté sa camionnette alors qu'elle me rendait visite à l'hôpital pendant une tempête de neige. Il aurait été bien préférable que quelqu'un vienne la conduire.

Lorsque nous avons posé des questions sur les services d'urgence, tous les centres de ressources familiales nous ont dit de nous adresser aux services commerciaux de soins à domicile annoncés dans les pages jaunes, à 21$ l'heure. Personne ici ne peut se permettre une telle dépense.

On ne nous soutient aucunement. Je dis plutôt qu'on nous laisse tomber, et c'est très décevant. Nous investissons des montants considérables dans les centres de ressources familiales, mais ils sont incapables d'aider une famille en situation de crise grave. C'est désolant.

Je voudrais également parler de l'administration et du soutien à long terme. Les blessures comme celles que j'ai subies ne disparaissent jamais. Elles sont définitives. Elles impliquent une modification complète du mode de vie.

J'ai connu deux vies: celle d'avant le 27 septembre 1995, et celle que je mène depuis lors. Ces deux vies sont totalement différentes. Dans une certaine mesure, ma santé a été ruinée, sinon, l'armée ne se débarrasserait pas de moi. J'ai dû renoncer à ma carrière. J'ai perdu mon revenu. Je ne porte plus les mêmes vêtements; j'ai des accessoires spéciaux. Mon allure a changé. J'ai changé de ville. J'ai dû renoncer à certaines activités avec ma femme et mes enfants, et ainsi de suite. Ma vie a complètement changé.

Je me considère pourtant comme chanceux, dans la mesure où j'ai bénéficié de l'appui de mon épouse et de mes trois jeunes fils, qui ont besoin de leur papa.

Ce qui manque de la part de l'armée, c'est un service officiel de placement, de counselling et de planification à long terme. Heureusement, j'ai trouvé un nouvel emploi, mais on ne m'a fait aucune proposition de recyclage ou d'aide en recherche d'emploi—rien, je n'ai pu compter que sur le réseau de mes relations.

J'estime que le ministère de la Défense nationale a l'obligation morale de faciliter la transition de la vie militaire à la vie civile, en particulier lorsque cette transition n'était pas prévue. Le seul message officiel que j'ai reçu du ministère, c'est mon document de libération. Merci beaucoup.

Le RARM a des services de réadaptation, mais ils ont estimé que comme j'avais un diplôme universitaire, je n'avais pas besoin de leur aide. Je me suis donc retrouvé véritablement seul, et je le suis toujours.

Ce qui manque le plus, c'est une procédure de clôture. La définition de cette notion est un peu confuse, mais à mon sens, il s'agit de pouvoir tourner la page et de repartir.

Le ministère de la Défense nationale devrait prévoir une procédure officielle d'indemnisation des militaires qui sont blessés avant leur départ en retraite. On devrait prévoir une formule spéciale de retraite pour invalidité qui soit proportionnelle à la gravité de la blessure subie. Ce serait une bonne façon de mettre un terme à la carrière militaire.

Mon dernier argument concerne mes rapports avec le ministère des Affaires des anciens combattants. Heureusement, vous n'avez jamais eu affaire à eux. Mais attendez, votre tour viendra.

Avant tout—et avant de livrer le fond de ma pensée—j'estime que nous avons un régime extraordinaire pour les anciens combattants. C'est son administration qu'il faudrait améliorer.

Lorsque je m'adresse au ministère des Affaires des anciens combattants, j'ai l'impression de n'être qu'un numéro de dossier. C'est un service très bureaucratique. On ne répond pas à vos lettres ou on ne retourne pas vos appels avant que vous n'ayez laissé une dizaine de messages. Les Affaires des anciens combattants ont perdu leur raison d'être, c'est-à-dire d'aider les anciens combattants canadiens.

J'espère que mon exemple montrera clairement que les Affaires des anciens combattants ont perdu tout contact avec la réalité. Avant ma blessure, j'utilisais un lit d'eau. À ma sortie de l'hôpital, j'ai constaté que je ne pouvais plus entrer dans ce lit ni en sortir. Essayez de faire ces opérations sans vous servir de vos jambes; c'est très difficile. Avec un lit d'eau, c'est pratiquement impossible. Il fallait que ma femme m'aide à me coucher et à me lever. La seule chose à faire, c'était donc de remplacer ce lit. C'est la meilleure décision que j'ai jamais prise. Je peux maintenant me coucher et me lever sans aide. En cas d'incendie, c'est très rassurant.

Le ministère des Affaires des anciens combattants m'a aidé à aménager ma maison de Gagetown avant mon déménagement. Il a payé certains accessoires, comme des poignées, des portes plus larges et même un fauteuil de relaxation qui me permet de regarder la télévision confortablement. Je pensais naturellement qu'il devait me rembourser le lit. Après quatre appels, la décision au plus haut niveau a été rendue à Charlottetown, à savoir que le lit n'est pas considéré comme un besoin médical et que je ne serais donc pas remboursé. Un meuble aussi essentiel que le lit n'est pas pris en charge par un régime de pension des anciens combattants qui figure parmi les meilleurs au monde.

Chose encore plus curieuse, le ministère des Affaires des anciens combattants rembourse les aménagements résidentiels nécessités par la situation du pensionné, comme l'élargissement des portes, les rampes supplémentaires dans les escaliers, les rampes d'accès pour fauteuil roulant, les toilettes surélevées, les poignées de soutien, les aménagements de douches, les appareils d'intercom... Dans le monde des personnes handicapées, cette liste est interminable.

• 1415

Lorsque j'ai déménagé en Alberta, j'ai fait construire ma maison de retraite. Je prenais ma retraite de l'armée. Pendant mes préparatifs, j'ai demandé aux Affaires des anciens combattants quelle aide financière je pouvais obtenir pour les différents accessoires que j'avais l'intention d'installer. On m'a répondu que comme il s'agissait d'une maison neuve, toutes les modifications spéciales étaient à ma charge. J'ai dit: «Et si je fais ces installations plus tard?» Le ministère a répondu qu'il les prendrait en charge. Pourtant, il en coûte trois fois plus de modifier une maison que d'intégrer des aménagements spéciaux au moment de la construction.

Je devais encore une fois me débrouiller tout seul. Comme c'était la seule chose à faire, j'ai construit moi-même tout ce dont je pouvais avoir besoin comme amputé des deux membres. Le ministère des Affaires des anciens combattants est très bureaucratique et ne semble pas comprendre les besoins de ses clients.

En résumé, j'ai essayé de vous faire comprendre les frustrations, les difficultés et les dépenses auxquelles font face ceux qui ont subi des blessures. Comme je l'ai dit plus tôt, la clôture soulève beaucoup de questions. La clôture, cela signifie qu'il faut trouver des solutions à beaucoup de problèmes qui ne sont pas réglés, qu'il faut fermer un chapitre et passer à autre chose. Je n'ai pas l'impression que les forces armées m'ont adéquatement indemnisé pour les services que j'ai rendus au pays. Je ne peux pas fermer le dossier.

J'estime que certains éléments du RARM sont discriminatoires et qu'ils doivent être améliorés si l'on veut qu'ils répondent aux besoins de tous les clients. Les forces armées doivent montrer l'exemple et fournir un appui à long terme aux blessés. À mon sens, le ministère des Affaires des anciens combattants doit collaborer plus étroitement avec les blessés pour établir leurs besoins. Si j'ai vécu ces situations et ces conditions et si j'ai ressenti ces émotions, que Dieu vienne en aide aux soldats qui n'ont rien dit. Nous ne les avons pas aidés lorsqu'ils avaient le plus besoin de nous.

Peu d'anciens combattants de l'époque moderne ont été blessés. Quand un problème touche peu de gens, ceux-ci sont souvent oubliés. J'espère avoir aujourd'hui pris la parole au nom de tous les oubliés.

Les force armées comprennent le ministère des Anciens combattants et le gouvernement. On peut beaucoup faire pour s'assurer qu'on s'occupe des besoins des blessés. Lorsque la situation l'exigera, notre pays fera appel aux soldats pour qu'ils fassent leur devoir quel qu'en soit le prix. Le pays a donc la responsabilité de s'occuper des soldats lorsqu'ils sont blessés et lorsqu'ils ont besoin d'aide. Nous ne pouvons pas simplement espérer que la société s'occupera d'eux.

Pendant 22 ans, on m'a formé à faire face à l'ennemi. Malheureusement, j'ai maintenant l'impression que l'ennemi se trouve chez nous et je combats pour ma vie. Je prie que le Comité de la défense nationale et des affaires des anciens combattants contribue, par ses recommandations, à corriger la situation que je déplore.

Je vous remercie de votre patience. Je ne me suis jamais senti aussi obligé de dénoncer des incohérences, des oublis et des omissions. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup, major. Pourriez-vous remettre un exemplaire au greffier?

Maj Bruce Henwood: Je l'ai déjà fait.

Le président: Je vous remercie.

Les membres du comité vont maintenant vous poser des questions s'ils en ont.

M. Art Hanger: Major, je vous remercie de votre exposé que j'ai trouvé très émouvant. Il m'apparaît intolérable qu'on n'ait jamais vraiment répondu à vos besoins. Je vois que nous avons beaucoup de problèmes à résoudre.

• 1420

Vous avez notamment soulevé la question des centres de ressources familiales. Je sais que des fonds sont accordés aux centres. J'avais l'impression qu'ils répondaient aux besoins les plus urgents notamment en ce qui touche l'aide aux familles.

Vous nous avez dit que vous étiez loin de chez vous et que votre famille se trouvait à 1 000 miles d'où vous vous trouviez. Vous avez eu l'impression d'être abandonné par le centre de ressources familiales.

Maj Bruce Henwood: Pas moi, mais ma femme.

M. Art Hanger: C'est du pareil au même. Je pense que vous avez dû en souffrir aussi.

D'autres ont-ils eu la même expérience que vous en ce qui touche le soutien accordé par le centre de ressources familiales? Je trouve assez bizarre que les centres n'offrent pas plus de services. Est-ce assez fréquent?

Maj Bruce Henwood: Je ne peux pas parler au nom des autres. Je ne peux que parler de ce qui m'est arrivé. J'espère que personne ne s'est trouvé dans la même situation que moi. On a peut-être estimé que les majors mieux pouvaient se tirer d'affaire que les autres. Je ne le sais pas. Je ne peux pas faire de commentaires à propos des centres ailleurs au pays; tout ce que je peux dire, c'est que le centre de ressources familiales ne m'est pas venu en aide.

M. Art Hanger: J'ai participé ce matin à une séance d'information... Il existe évidemment d'autres services de soutien et on peut notamment faire appel à l'aumônier militaire et aux travailleurs sociaux. Ces gens ne vous ont-ils pas aidé?

Maj Bruce Henwood: Non, monsieur. Le seul aumônier militaire que j'ai vu c'est celui qui a frappé à ma porte et qui a dit à ma femme que j'étais blessé.

M. Art Hanger: Votre blessure est très grave et vous vous en ressentirez toute votre vie. Je sais que d'autres soldats se sont trouvés dans des situations analogues. Certains ne sont même plus en mesure de réclamer une indemnisation quelconque.

C'est toute la question de l'indemnisation des blessures. Il y a peut-être une certaine indemnisation médicale de base, mais on ne semble même pas répondre aux besoins de ceux qui ont subi des blessures très graves comme vous. Vous avez été en mesure de nous présenter votre cas, mais je connais certaines personnes qui ne sont pas en mesure de faire connaître le leur. Ce serait peut-être à leurs épouses de le faire, mais je sais que certaines d'entre elles cherchent désespérément à obtenir une indemnisation.

À votre avis, quelle serait la façon la plus efficace de régler un cas comme le vôtre? Il semblerait qu'il soit impossible d'établir une formule qui convienne dans tous les cas.

Maj Bruce Henwood: La réponse comporte deux volets. Premièrement, comme je l'ai déjà dit, l'indemnisation immédiate doit être proportionnelle à la gravité de la blessure. On devrait donc accorder immédiatement une subvention de plusieurs milliers de dollars. Dans mon cas, les dépenses se sont élevées à 12 000$ pour une année. Le gouvernement devrait donc faire un paiement immédiat de 5 000$, 10 000$ ou 12 000$ selon le montant qu'il juge adéquat. Ce paiement permettrait d'éviter que la famille ne se retrouve dans une situation financière pénible.

Deuxièmement, nous structurons de très bons régimes de retraite. Tout le monde veut compter 20 années de service. Après cela, on vise 28 années de service et ensuite on attend jusqu'à 55 ans.

Il y a ensuite le programme de réduction des forces. Il s'agit du cadeau de départ que certains espèrent ou d'une indemnité de départ lorsque son poste est aboli. Si l'on est blessé, on a droit à la retraite normale qu'offre le MDN. Je pense qu'on devrait offrir une indemnité de fin de service aux blessés qui répondent aux critères. Il ne s'agit pas d'une pension médicale du ministère des Affaires des anciens combattants. Il s'agirait d'une indemnité de fin de service qui serait versée par le MDN. Le ministère des Affaires des anciens combattants verse une pension médicale visant à compenser une personne pour la souffrance qui lui a été infligée. L'armée doit indemniser concrètement le soldat. Aujourd'hui, si un soldat est blessé dans une explosion, on lui envoie un formulaire par lequel le ministère explique qu'il ne peut pas être tenu responsable de la situation et on le laisse à lui-même.

• 1425

M. Art Hanger: Un jeune caporal en poste en Bosnie a été blessé lorsque le TTB qu'il conduisait a fait un tonneau. Je crois qu'il ne portait qu'un béret à ce moment et non pas un casque. Il a heurté sa tête sur le châssis en métal et il a été blessé de façon permanente. On lui verse, à lui ou à sa famille, 3 000$ par mois.

Maj Bruce Henwood: Cet argent provient du ministère des Affaires des anciens combattants?

M. Art Hanger: C'est juste. Le MDN ne lui a rien versé.

Maj Bruce Henwood: Je ne peux pas me prononcer sur ce cas, mais je sais que le MDN n'offre aucune aide financière. L'indemnisation qu'il a reçue provenait d'un autre ministère, le ministère des Affaires des anciens combattants. Je touche aussi une pension médicale du MAAC.

M. Art Hanger: Mais rien du MDN.

Maj Bruce Henwood: Non, mais certains diront que le ministère des Affaires des anciens combattants n'est qu'un prolongement du MDN et que le ministère vous a donc indemnisé. J'estime cependant que le paiement que je reçois du ministère des Affaires des anciens combattants fait partie du réseau de sécurité sociale sur lequel peuvent compter tous les anciens combattants selon la gravité de leur blessure. Tout ce que j'ai cependant reçu du MDN, c'est un formulaire par lequel le ministère renonce à toute responsabilité à mon égard. Après 22 ans de service, dois-je simplement remercier le ministère de me traiter ainsi?

M. Art Hanger: J'ai une autre question à poser. Je ne sais pas si vous êtes en mesure d'y répondre. Certains militaires subissent des blessures qui ne sont pas aussi graves que les vôtres, mais qui laissent des séquelles pour le reste de leur vie. Est-il difficile de faire comprendre au MDN qu'il devrait tenir compte de ces blessures au moment où le militaire prend sa retraite ou peut-être avant?

Maj Bruce Henwood: Nous devons prendre en considération plusieurs facteurs. Premièrement, si vous êtes blessé dans une zone de service spécial comme la Croatie, vous avez droit à une pension médicale du MAAC. Vous n'avez pas droit à ce genre de pension avant de prendre votre retraite si vous êtes blessé au Canada. Il y a deux poids deux mesures.

Pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question?

M. Art Hanger: Supposons qu'un militaire subit une blessure qui ne l'oblige pas à quitter les forces armées, mais dont il ressentira des séquelles toute sa vie. Peut-il obtenir une indemnisation une fois qu'il aura signalé cette blessure ou le ministère peut-il déceler cette blessure et indemniser le militaire pendant qu'il poursuit son service ou quand il prendra sa retraite?

Maj Bruce Henwood: Avant de répondre à cette question, permettez-moi de faire une observation.

• 1430

L'armée ne regarde pas la dépense pour ce qui est des services médicaux. J'estime avoir reçu les meilleurs soins médicaux possibles, ce qui en soi aide à atténuer... On a certainement répondu à mes besoins médicaux.

Il faut donc d'abord identifier le problème. Si le militaire sait de quel problème de santé il souffre et le signale aux autorités médicales, on le traitera. J'en suis convaincu. S'il s'agit d'un problème comme le syndrome de stress post-traumatique, le SSPT, il sera plus difficile d'évaluer la gravité de la blessure. Pendant qu'il est toujours en fonction, on s'attendra à ce qu'il fasse son travail même s'il a subi une perte auditive ou visuelle ou qu'il souffre d'un problème mental. Tant qu'il fera partie des forces armées, on le traitera. Il ne peut pas demander une pension médicale avant de quitter les forces armées.

Soit dit en passant, la pension médicale n'est pas rétroactive. Elle commence le jour où on soumet la demande. Bien peu de gens le savent.

M. Art Hanger: Quand la pension commence-t-elle?

Maj Bruce Henwood: Le jour où l'on présente la demande, et non pas le jour où l'on a subi la blessure.

M. David Pratt: Major Henwood, vous nous avez fourni ample matière à réflexion et nous vous savons gré de votre franchise.

Je siège à ce comité depuis cinq mois et excusez-moi si je pose des questions simplistes dont les réponses vous paraîtront peut-être évidentes.

Lorsque vous avez été blessé, a-t-on confié à quelqu'un la tâche de s'occuper de votre dossier, qu'il s'agisse de la pension ou des services médicaux, ou avez-vous vous-même dû vous en occuper? Aurait-il été bon que vous puissiez vous adresser à une seule personne pour obtenir réponse à toutes vos questions?

Maj Bruce Henwood: J'aurais bien aimé pouvoir m'adresser à une seule personne. Personne n'a été chargé de s'occuper de tous les aspects de mon dossier.

Je me rappelle avoir dit à ma femme pendant que j'étais au CMDA: «Va trouver quelqu'un qui s'y connaît en pensions parce que nous sommes faits.» Elle a réussi à trouver un commis dans la salle des infirmiers qui connaissait quelqu'un qui connaissait quelqu'un d'autre. Quelqu'un de la Légion est venu et il est devenu mon lien avec le ministère des Affaires des anciens combattants.

Ce qu'il nous faut, c'est un... Cela existe maintenant. Il y a un numéro 1-800 à Ottawa qui devait servir de point de contact unique, mais ce n'est qu'un répondeur. Je n'ai pas l'intention de laisser de message sur les détails de mon cas particulier sur une boîte vocale au numéro 1-800 Dieu sait quoi.

M. David Pratt: Vous auriez donc nettement préféré faire affaire à quelqu'un sur place, à quelqu'un que vous connaissiez de vue...

Maj Bruce Henwood: Tout à fait.

M. David Pratt: ... au lieu de parler simplement à une boîte vocale ou à quelqu'un à 3 000 milles de distance.

Le président: Major, avez-vous reçu un montant forfaitaire pour la perte de vos membres?

Maj Bruce Henwood: Je n'ai rien reçu du tout, monsieur.

Le président: Seulement votre pension du MAAC?

Maj Bruce Henwood: C'est exact.

Le président: Êtes-vous encore assuré par le régime d'assurance du MDN?

Maj Bruce Henwood: Aujourd'hui?

Le président: Aujourd'hui.

Maj Bruce Henwood: Oui, je le suis. C'est obligatoire. Je verse encore des cotisations pour les prestations supplémentaires de décès et d'invalidité à long terme, même si je ne suis pas admissible aux prestations pour une invalidité à long terme. C'est obligatoire.

M. Art Hanger: Pouvez-vous me préciser si ce programme d'indemnisation, si on peut l'appeler ainsi, est décrit comme étant une police d'assurance?

Maj Bruce Henwood: Vous pouvez l'appeler ce que vous voulez. Si l'on demandait à quelqu'un de concevoir un régime d'assurance, on pourrait peut-être permettre aux assurés de payer plus pour obtenir plus d'assurance ou moins s'ils pensent que le risque n'est pas très élevé.

• 1435

M. Art Hanger: J'essaie de savoir si ce régime a été conçu par le MDN ou s'il s'agit d'un régime d'assurance administré par une compagnie d'assurances.

Maj Bruce Henwood: Voulez-vous parler du RARM?

M. Art Hanger: Oui.

Maj Bruce Henwood: Le RARM est un régime d'assurance du MDN administré par Maritime Life Assurance de Halifax. Le président du RARM travaille au QGDN.

M. Art Hanger: Vous dites donc que l'on décrit le régime d'une façon aux militaires, mais que le régime ne prévoit pas vraiment d'indemnisation dans toutes les circonstances. On fait croire aux militaires qu'il fonctionne d'une façon alors que ce n'est pas du tout le cas.

Maj Bruce Henwood: C'est ce que je pense.

M. Art Hanger: Très bien.

Maj Bruce Henwood: Si la couverture dit «assurance» et si vous ne payez que pour une police d'assurance-vie temporaire et que, pour le reste, vous pouvez recevoir des prestations d'invalidité si vous correspondez à la terminologie de l'assurance, il faudrait remanier le régime ou au moins changer son nom. Le mot «assurance» est dans le titre. Il s'agit plutôt d'un régime de garantie de revenu auquel peut s'ajouter une assurance additionnelle temporaire que l'on achète séparément. Je n'ai aucune objection à cette assurance supplémentaire parce que j'y cotise, comme probablement bien des gens dans cette pièce, et cela nous coûte un montant supplémentaire tous les mois.

Comme je l'ai dit, tout le monde doit cotiser au régime de base, c'est-à-dire au régime relatif aux prestations d'invalidité à long terme et aux prestations supplémentaires de décès, ou peu importe ce qu'on les appelle dans le RARM. On pourrait croire que cela couvrirait les besoins des militaires. Mais ce n'est manifestement pas structuré de la même façon que... On va me crucifier si je fais cette comparaison, mais si vous achetez, comme vous devez le faire pour la plupart des compagnies d'assurances une assurance supplémentaire pour la perte d'un membre dans une police d'assurance civile, j'ignore combien cela peut coûter, mais l'indemnisation ou la prestation est payée au moment de la perte, et non pas en fonction du revenu que vous faites...

M. Art Hanger: C'est exact.

Maj Bruce Henwood: ...ni en fonction de la pension que vous verse le gouvernement. Il y a toute une différence.

Si le régime d'assurance prévoit une «indemnité de mutilation» qui n'est jamais payée, il ne faut pas s'étonner qu'on ait réduit nos cotisations au RARM. Tout le monde prétend que le régime a eu tellement de succès depuis 15 ans que c'est pour cela que nos cotisations ont été réduites, mais le régime ne verse pas d'indemnités.

M. Hart Hanger: Merci de cette explication.

Je vais faire une comparaison pour que vous puissiez me dire si l'idée que je me fais de la situation est tout à fait exacte.

J'ai fait partie de la force policière de Calgary pendant 22 ans. Il y avait trois polices d'assurance différentes pour la police. La première garantissait le revenu. Si j'étais tué ou blessé dans l'exercice de mes fonctions, ma femme devait recevoir un certain pourcentage de mon revenu. Si j'étais blessé, la police prévoyait des indemnisations précises pour la perte d'un membre et les blessures de toutes sortes. Tout était clairement expliqué. Chacun savait ce qu'il en était.

Ce que vous me dites ici, c'est qu'il n'y a pas... Il me semble que les militaires risquent probablement plus de blessures de divers genres à cause du matériel avec lequel ils travaillent, mais que le ministère ne semble pas vouloir indemniser les gens s'ils perdent une main ou subissent une autre blessure qui cause une invalidité permanente. Est-ce exact? Il n'y a pas d'indemnisation du tout?

Maj Bruce Henwood: Le MDN ne verse aucune indemnisation. Le montant de l'indemnisation est lié au montant que le RARM doit verser comme supplément de revenu. Je vais vous donner un exemple. Les chiffres ne sont pas les bons, mais si vous êtes caporal et si vous perdez les deux jambes, comme cela m'est arrivé, et si l'on décide que, compte tenu de votre pension d'ancien combattant et votre pension militaire, si vous avez eu le temps d'accumuler des droits à la pension dans le service militaire, le RARM doit vous verser un supplément de revenu de 100$ par mois pour relever le montant de votre pension à 75 p. 100, ce qui veut dire que votre prestation pour mutilation sera de 100$ multiplié par 36 mois. Pour quelqu'un d'autre, ce pourrait être 110$ multiplié par 36 mois. Dans mon cas, c'était 0 fois la période prévue. Cela ne dépend pas de la perte, mais du revenu admissible.

• 1440

M. Art Hanger: Votre cas est-il réglé?

Maj Bruce Henwood: Je viens à peine de commencer.

M. Art Hanger: Merci, major.

Le président: Je voudrais vous poser encore quelques questions moi-même, mais je devrais probablement déjà connaître les réponses.

Si vous êtes blessé et que cela cause une incapacité temporaire, par exemple à la suite d'un accident d'automobile, continuez-vous à recevoir votre rémunération normale si vous êtes militaire?

Maj Bruce Henwood: Oui.

Le président: Pourquoi auriez-vous besoin d'une pension d'invalidité à long terme? Pourquoi payer pour cette assurance si votre salaire continue de vous être versé?

Maj Bruce Henwood: Votre salaire arrête au moment de votre libération.

Le président: Mais à ce moment-là, vous n'êtes plus admissible pour la prestation d'invalidité à long terme.

Maj Bruce Henwood: Ceux qui travaillent pour la compagnie d'assurances, Maritime Life ou le RARM, vous diront que si vous quittez les forces armées et que vous ne soyez pas employable dans votre secteur d'occupation civile, on vous fournira les services de réadaptation et de formation nécessaires pour que vous deveniez employable.

Dans mon cas, on m'a dit que j'avais un diplôme universitaire et que j'avais encore toutes mes facultés et que c'était à moi de me débrouiller. Si vous souffrez d'un traumatisme psychique ou si vous êtes paraplégique ou quadriplégique, la compagnie d'assurances ira voir dans sa terminologie d'assurance ce que signifie incapacité totale, et le RARM le fera certainement. Pour obtenir des prestations d'invalidité à long terme, vous devez être atteint d'une incapacité totale.

Essentiellement, si vous êtes quadriplégique, tant que vous pouvez voir et que vous pouvez être connecté à un écran d'ordinateur qui réagira au mouvement de vos yeux, j'imagine que vous ne seriez pas totalement handicapé, C'est donc une question d'interprétation. Le RARM retourne voir ses définitions et ses termes d'assurance au besoin, mais il soutient qu'il n'est pas une compagnie d'assurance.

Le président: Je travaillais auparavant pour une compagnie d'assurances et la disposition dont vous parlez est celle qui porte sur le «décès accidentel et la mutilation». Dans la plupart des polices, on précise clairement le montant que vous recevriez si vous perdiez certains membres. Par exemple, si vous perdez une jambe, vous recevrez tel montant; si vous perdez les deux jambes, le montant est doublé. Je vous remercie donc de ce que vous nous avez dit. C'est une chose que nous examinerons certainement plus tard.

Maj Bruce Henwood: C'est très important. Si ça ne marche pas dans mon cas, tant pis. Mais, tous ceux qui sont ici présents doivent être convaincus que si l'impensable... Je ne suis pas allé en Yougoslavie en me disant que j'allais revenir cul-de-jatte; j'y suis allé accomplir une tâche. Au cas où l'impensable arriverait, il faut que tous ceux qui sont sous les drapeaux, hommes et femmes, puissent se dire en eux-mêmes que quelqu'un va s'occuper d'eux, qu'ils ne seront pas abandonnés.

Le président: Merci beaucoup, major.

J'invite ceux qui veulent prendre la parole à le faire maintenant. Les deux microphones peuvent servir.

Je voulais tout simplement signaler la présence de quelqu'un de nouveau, M. David Price.

Pouvez-vous s'il vous plaît vous présenter avant de faire vos remarques?

L'adjudant-chef Doug Gardner (Base des Forces canadiennes de Suffield): Monsieur le président, membres du comité, je suis l'adjudant-chef Doug Gardner. Je suis le sergent-major régimentaire de la base de Suffield en Alberta. Je suis venu exprès aujourd'hui pour vous accueillir et pour vous transmettre certains points de vue qu'ont fait valoir les soldats de la base de Suffield et certains de mes points de vue personnels. Déjà l'année dernière, nous étions prêts à vous accueillir et c'est pourquoi nous nous réjouissons de vous voir ici aujourd'hui.

• 1445

J'ai lu tous les discours que vous ont adressés le ministre, le chef d'état-major de la défense, et nombre d'autres généraux qui ont plaidé pour l'armée, les forces de l'air et la marine. Manifestement, votre tâche est énorme. Je suis sûr que dans vos déplacements actuels, vous emportez avec vous le tableau d'ensemble qu'ils vous ont brossé et que vous êtes en train de découvrir les véritables problèmes du réseau que vous expliquent les particuliers, comme en témoigne ce qu'ont dit aujourd'hui... le colonel Leslie et, bien entendu, le major Bruce Henwood, avec qui j'ai eu le plaisir de servir dans le même régiment.

J'ai beaucoup de choses à vous dire. Je ne sais pas si vous y trouverez beaucoup de nouveau, mais aujourd'hui, c'est à nous la parole. Je ne pense pas que ce que je vais vous dire suscitera beaucoup de questions. Alors voici.

Tout d'abord, la rémunération. Oui, je raffolerais d'une augmentation de 15 p. 100 et je pense que tout le monde serait dans le même cas. La rémunération pose un problème et je suis sûr qu'à tout coup, on vous en a parlé quand vous rencontriez les membres des Forces canadiennes. Chacun a son opinion là-dessus, chacun a ses propres griefs, mais comme la vie militaire et l'avancement comme les promotions dans le domaine militaire sont intimement liés à la rémunération, chacun vit cela différemment.

Nous nous attendons—et nous acceptons nos responsabilités puisque nous nous sommes portés volontaires—à faire ce que l'on nous demande dans la vie militaire. Mais nous voulons tout simplement être égaux aux autres.

Deuxièmement, quelque chose d'un peu plus particulier, les loyers. Diverses mesures ont été mises à l'essai à l'intention des militaires pour alléger le fardeau des loyers. Je dois dire que je suis ravi d'être à Suffield et de ne pas vivre à Esquimalt dans un logement familial.

Vous ne savez peut-être pas que Suffield est dans la catégorie des bases éloignées et cela présente certains avantages. Notre collectivité reçoit un financement supplémentaire à cause de l'endroit où nous vivons. Suffield se trouve à environ 60 kilomètres de toute localité résidentielle. Si mon chien s'échappe, il peut courir pendant trois jours. C'est un endroit merveilleux pour vivre.

Toutefois, le loyer d'un logement familial pour militaires mariés, construit il y 25 ou 30 ans, est plus élevé que la location d'une maison construite il y a 10 ou 15 ans à Medicine Hat—à supposer que je puisse trouver un logement à louer à Medicine Hat, car c'est impossible puisque les Forces britanniques les occupent tous.

La vie dans cette collectivité comporte des problèmes. Je ne vous cite pas tout ce qu'il y a de bon à Suffield, car Suffield présente beaucoup d'atouts. Toutefois, je dois vous transmettre une communication de la part de notre groupe G4 à qui notre commandant a demandé de nouveau d'examiner les tarifs des logements familiaux afin de voir comment on pourrait en rabaisser ce qu'il en coûte aux soldats pour y vivre. Permettez-moi de vous la lire.

La diminution des budgets et des affectations de ressources depuis plusieurs années a nui à la qualité de vie des membres des Forces canadiennes et de leurs personnes à charge vivant dans des bases éloignées comme Suffield. Je voudrais vous donner un exemple frappant. Jusqu'à l'automne de 1995, la base de Suffield mettait à la disposition des gens qui vivaient à Medecine Hat, militaires comme civils, 11 véhicules pour les transporter de leur lieu de travail à leur résidence. C'était un service gratuit qu'on leur donnait pour garantir...

Il existe une OAFC qui l'autorise, l'OAFC 20-90. Les 11 autobus faisaient la navette toute la journée, car le travail est réparti en quarts. L'armée et l'OAFC 20-90 autorise également la mise de ces autobus à la disposition des membres des forces armées pour qu'ils aillent faire leurs emplettes ou se divertir. À l'automne de 1995, le service d'autobus a été annulé, interrompu, et l'aide que le ministère donne désormais aux membres des forces armées et à ses employés prend la forme d'une indemnité en liquide. Cela représente environ 120$ par mois pour les bénéficiaires. Cette modification permet au ministère de la Défense nationale d'économiser 1,5 million de dollars par an en salaires, véhicules et entretien. Le service a également été annulé pour ceux qui vivent dans les logements familiaux.

• 1450

Les gens qui viennent donc de Medecine Hat pour travailler à la base, les militaires comme les civils, reçoivent 120$ par mois pour leurs déplacements. Personne ne me paie moi quand je vais à Medecine Hat pour faire mes courses car je ne peux pas aller ailleurs. Il existe bien un petit magasin CANEX mais personne ici n'irait faire ses courses au CANEX de toute façon.

Voici ma question: Peut-on passer outre aux règlements ou le ministère a-t-il l'obligation de fournir ce service tel qu'il est décrit sous forme d'indemnisation aux membres des Forces canadiennes et à leurs personnes à charge qui, en l'occurrence, vivent dans une base qui appartient à la catégorie dite «éloignée»?

Troisièmement, il y a la politique actuelle concernant les congés. Je comprends qu'il a fallu modifier la politique actuelle car elle faisait l'objet d'abus flagrants. Les gens accumulaient des congés annuels, qu'ils appelaient ensuite congés accumulés, si bien que quand ils quittaient l'armée, ils avaient accumulé six, huit ou même un an de congé. À mon avis, c'était tout à fait une escroquerie. Ceux qui se trouvent ici qui ont 15 ans ou plus de service ont probablement une banque de congés annuels de 40 jours ou plus. Par exemple, s'il s'agit d'un adjudant-maître, cela représente 280$ par jour.

On a donc changé la politique concernant les congés et je suis sûr qu'au cours de votre étude, vous allez vous familiariser, si ce n'est déjà fait, avec les tenants et les aboutissants de la politique actuelle. Toutefois, elle est très difficile à administrer. Je dois actuellement envoyer des soldats en congé au mois de janvier, ce qui ne fait pas leur affaire car leurs enfants sont à l'école et il fait moins 45oC dehors. À ce moment-là, ils ne tiennent pas particulièrement à prendre des congés mais ils ne peuvent pas aller en Floride, parce qu'à travail égal ils ne reçoivent pas un traitement égal.

Nous avons des équipes de travailleurs à Suffield qui travaillent trois jours d'affilée, suivis de trois jours de congé. Cela semble une bonne affaire mais ce ne l'est absolument pas car ils sont à l'oeuvre 24 heures durant pendant ces trois jours. Ils travaillent de longues heures l'été comme soutien à l'armée britannique. Ils s'occupent des incendies, car il y a beaucoup d'incendies dans la zone d'entraînement pendant l'été. Ils ne peuvent presque pas partir deux semaines d'affilée. Peut-être qu'ils ne sont pas assez nombreux. L'effectif ne va pas augmenter. On a fixé le nombre de ces travailleurs et cela ne va pas changer. Ainsi, ils ne peuvent pas prendre de congé entre les premières semaines d'avril, c'est-à-dire le milieu du mois de mars et le milieu du mois de novembre. Ils ont droit à leurs jours de congé et il arrive qu'ils puissent coincer une semaine ici ou là pour aller à la chasse ou à la pêche, mais ils ne peuvent pas obtenir deux semaines d'affilée. Ils ne sont certainement pas en congé l'été quand leurs enfants le sont.

Ce sont des travailleurs de quart. Ils accomplissent une des tâches les plus importantes à Suffield: combattre les incendies. Quand le feu se propage dans une zone d'entraînement, ce sont les agriculteurs qui sont atteints.

Quatrièmement, les RÉER. Ce sera rapide. La sagesse populaire et, les conseils de la part du gouvernement, incitent chacun a investir 5 000$ par année dans un RÉER. Je suis sûr que nous avons tous tâté de la planification financière. Il y a des gens qui viennent de diverses sociétés—Templeton—et qui nous expliquent ce qu'il nous faut mettre de côté pour l'avenir. Que sais-je? Ils ont raison: il faut le faire. Chacun devrait cotiser à son propre régime enregistré d'épargne retraite, dans la mesure où il peut. Toutefois, la vie n'est pas parfaite. Je ne peux pas épargner tout mon argent. Je dois en dépenser pour vivre.

• 1455

Cinquièmement, l'instruction de nos enfants. L'armée d'autres pays accorde une attention particulière à cet aspect. L'armée britannique est l'exemple dont je vais me servir. Ils se sont engagés à l'égard de leurs soldats car ils sont conscients du fait que quand les soldats se déplacent constamment, les enfants qui les suivent sont inscrits dans diverses écoles ce qui leur cause des limitations et des inconvénients, mais par conséquent, cela se fait au détriment d'éventuels emplois importants et viables à l'avenir. Cela est attribuable à une instruction en dents de scie. Tous les trois, quatre ou cinq ans, les enfants passent d'une commission scolaire à une autre, au gré des missions de leurs parents. Ainsi, l'armée britannique offre certaines choses en matière d'éducation.

Je ne dis pas que je suis tenant des pensionnats. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens dans notre société qui le soient. L'armée britannique toutefois paie pour que les enfants aillent dans des pensionnats et le gouvernement britannique le fait pour que ces enfants-là aient les meilleures chances possibles, des chances égales à leurs contemporains dans la population civile, pour qu'ils puissent obtenir une instruction de qualité.

Je vous prie de m'excuser car j'expose un problème pour lequel je n'ai pas de solution à offrir.

Sixièmement, le matériel. Je ne vais pas parler de nos fusils et de tout l'attirail des soldats mais j'ai un exemple précis à donner.

À Suffield, nos équipes d'entretien refont constamment la pente des routes sur des milliers de kilomètres, et même plus, à plusieurs reprises pendant l'année. Au fur et à mesure que les blindés passent sur les routes, ils les éventrent de telle sorte que l'on procède à des travaux de remblai sur des kilomètres de routes tous les ans. Toutefois, on leur a donné le mauvais matériel pour le faire. Ils réclament du bon matériel mais on leur donne encore une fois le même ou encore ce qui se trouve sur place, ce que le gouvernement a dans ses entrepôts.

Ainsi, nous nous retrouvons avec des équipements et du matériel qui ne conviennent pas. C'est ainsi parce qu'ils ont déjà été achetés ou que c'est tout ce que l'on peut se permettre si bien que j'ai des soldats qui se trouvent sur le parcours et qui font du remblai avec du matériel de mauvaise qualité qui ne convient pas au travail, ce qui multiplie les problèmes d'entretien, ce qui crève mon budget car je dois faire l'entretien de cet équipement que je n'ai jamais commandé de toute façon.

Je vous ai donné cet exemple-là car c'est une bonne illustration et la même chose s'applique à nombre de nos équipements.

Je voudrais faire une remarque concernant le CRF, à la suite de l'exposé du major Henwood.

Le CRF est un organisme financé par le gouvernement fédéral, qu'on me reprenne si je me trompe—qui n'obtient pas de budget du ministère de la Défense nationale. Le CRF a donc son propre budget. Quand, dans une base, il y a une entité qui travaille pour son propre maître ailleurs et essaie de prêter main forte aux militaires, il faut que les militaires aient un plan, une forme organisationnelle quelconque, pour résoudre la situation décrite par le major Henwood, sans quoi le CRF en l'occurrence, ne pourra pas faire quoi que ce soit, faute de tâches à accomplir. Dans un tel cas, on ne sait pas vers qui se tourner. Le plus souvent, le CRF fait du bon travail en contrepartie de l'aide des militaires dont il a besoin mais, disons-le, dans ce cas, les militaires eux-mêmes n'ont même pas de plan pour s'occuper d'un soldat gravement blessé, alors pourquoi le CRF en aurait-il un?

Assez dit au sujet du RARM. Parlons maintenant du régime médical et du régime dentaire.

Je vais vous demander de lever la main. Qui sont ceux qui ont des enfants et qui savent que l'intervalle entre les examens dentaires de vos enfants est maintenant de neuf mois au lieu de six? Le saviez-vous avant d'envoyer vos enfants pour leur examen de six mois et de vous faire dire que vous deviez payer l'examen vous-mêmes? C'est ce qui m'est arrivé à moi, parce que la chose n'avait pas été bien publicisée.

Cela revient à ce que disait le colonel Leslie tout à l'heure. Nos régimes dentaire et médical changent constamment, mais de manière générale, nous n'en sommes pas informés au bon moment ou ne sommes pas suffisamment bien informés, ou encore nous ne comprenons pas les changements parce que nous sommes déployés quelque part.

J'ai reçu mon relevé de paie auquel était annexé quelque chose pour expliquer les changements au régime dentaire. Parmi ceux que je connais, la plupart de ceux qui ont reçu ce relevé de paie l'ont reçu tard parce qu'ils étaient sur le terrain; ça ne leur a pas été livré sur le terrain et ils ne l'ont pas vu. C'était inclus avec le relevé de paie. C'est tombé par terre. C'est la faute du militaire; il n'a pas fait attention. Le fait est toutefois qu'on a modifié le régime et que personne ne m'a demandé mon avis.

• 1500

Dans notre monde où chacun essaie de déterminer ce qui convient le mieux pour notre régime de soins médicaux universels et où les sociétés passent beaucoup de temps à parler à leurs employés de ce qu'ils attendent de leur régime de soins médicaux, on ne nous demande jamais notre avis à nous.

Voilà encore une fois la preuve que les forces militaires servent de banc d'essai social, et cela vaut pour les soins médicaux aussi.

Des changements ont été apportés au régime de soins médicaux. La franchise est passée de 40$ à 100$. Personne ne m'a demandé si je trouvais que c'était une bonne idée. Je trouve que ce n'est pas une bonne idée. Soit dit en passant, cela s'est produit et j'ai ensuite eu trois rajustements à ma paie. Il me reste encore 40$ que je n'ai pas récupéré.

C'est tout ce que j'ai à dire, monsieur. Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Les membres du comité ont-ils des questions ou des observations?

En ce qui concerne le Centre de ressources familiales, il est vrai que les fonds viennent d'Ottawa, mais serait-ce mieux, selon vous, qu'ils soient gérés par le commandant de la base?

Adjuc Doug Gardner: Non, monsieur.

Le président: Les fonds?

Adjuc Doug Gardner: Les fonds. Non, monsieur, et ce n'est pas parce qu'il ne serait pas en mesure de le faire de façon efficace, mais plutôt parce que, s'il en obtenait la gestion, les fonds seraient sans doute réduits.

Le président: Merci.

Le caporal W.L. Leonard (témoignage à titre personnel): Je suis le caporal Leonard, du 1 GBMC au Quartier général et escadron de transmission.

L'adjudant-chef a abordé tout à l'heure la question des loyers des logements familiaux, et c'est là la seule question que je voulais moi-même soulever. Je me demande si cela pourrait vous intéresser de prendre en note quelques chiffres, en ce qui concerne notamment les loyers exigés dans les différentes régions du Canada. J'ai fait des recherches. Certains de mes chiffres ne sont peut-être pas exacts à 100 p. 100. Je les ai obtenus des BLFC des différentes bases auxquelles j'ai téléphoné aujourd'hui. Les chiffres sont donc assez exacts, mais il existe des différences selon le type de LF qu'on occupe.

Je veux vous donner des exemples précis qui s'appliquent à partir du grade de caporal-chef en descendant, puisque c'est le cas de la majeure partie d'entre nous, étant donné que nos échelles salariales sont assez proches, exception faite de celles des simples soldats.

En tant que caporal, 4e échelon, ma paie brute est de 3 058$ par mois. Déduction faite des retenues de 936,15$, il me reste 2 138$ pour vivre, avec ma famille qui comprend deux enfants, et ce n'est pas mal. Ce montant n'est pas mal, mais tout dépend de l'endroit où on vit, et voilà ce que je n'arrive pas à comprendre.

Un LF de quatre chambres, faisant environ 1 100 pieds carrés, à la BFC de Gagetown, déduction faite de la remise pour l'isolation, coûte 427$, tous services compris. Voilà ce qu'il faut payer. Il me reste donc 855,90$ par paie pour continuer à survivre, pour acheter de la nourriture, etc.

À Shilo, au Manitoba, le même LF, qui un peu plus grand, qui comprend peut-être un garage et qui est certainement en meilleur état, coûte entre 350$ et 460$. À cette base-là, le loyer varie selon l'état du LF d'après ce qu'on m'a dit aujourd'hui au comptoir des renseignements du BLFC à Shilo, au Manitoba. Disons donc que le loyer le moins élevé est de 350$. Il me reste donc 894$ par paie.

Si nous allons plus loin vers l'Ouest, à Edmonton, le même LF, de la même grandeur, coûte 521,45$. Je tiens à vous rappeler que ma paie brute de 3 058$ n'augmente pas au fur et à mesure que je me déplace vers l'Ouest.

• 1505

À la même base, il y a une différence entre le loyer qu'on paie à Griesbach, où nous nous trouvons à l'heure actuelle, et Lancaster Park, qui se trouve être la nouvelle partie de la base. Le même LF à Lancaster Park me permettrait de payer 67,04$ de moins par mois. Je dois payer 67$ de plus pour vivre ici à Griesbach. Vous me demanderez pourquoi je ne vis pas à Lancaster Park. C'est peut-être parce qu'il n'y avait pas de LF qui était libre là-bas. Je ne le sais pas; je suis à Griesbach.

Si on continue vers l'Ouest, jusqu'à Esquimalt, le même LF coûte 712$. Il en coûte 267,14$ de plus par mois vivre là. Je vous souhaite donc de ne jamais être envoyé là en poste à moins d'avoir obtenu une augmentation salariale en conséquence.

Le problème qui se pose, c'est que mon pouvoir d'achat semble s'éroder au fur et à mesure que je suis posté à différents endroits au pays. À mon avis, il devrait en coûter la même chose pour vivre dans un logement militaire où que soit ce logement au Canada.

Quand j'ai voulu poursuivre ma recherche un peu plus loin, on m'a dit: «Bon, écoutez, les taux de loyer sont fixés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement.» Je crois que c'est là un organisme civil; je ne pense pas que ce soit un organisme militaire. Je n'en suis pas sûr. La SCHL fixe les loyers en fonction de l'économie locale. La règle est essentiellement la suivante: Jean Larue paie plus pour son appartement au centre-ville d'Edmonton qu'il n'en paierait à Oromocto, au Nouveau-Brunswick; par conséquent, vous devez payer plus pour vivre ici à Edmonton.

Je me fiche de savoir ce que paie le civil pour un appartement au centre-ville. Je suis soldat, moi. J'ai signé mon nom sur leurs papiers et je sais que je peux être muté tous les quatre ou six ans. Pourquoi donc, pour servir mon pays dans l'Ouest plutôt que dans l'Est...? Je suis ici sur un terrain fédéral et je fais un travail fédéral. Pourquoi devrais-je être comparé à un civil qui vit au centre-ville alors que ma paie ne change pas en fonction du loyer plus élevé que je dois payer pour mon logement militaire? Je n'arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi c'est la SCHL qui décide tout cela. Il me semble que c'est une question militaire qui devrait être décidée par les forces armées.

Voilà tout ce que j'ai à dire.

Le président: Je crois qu'il y a quelques-uns des membres qui ont des questions. Monsieur Pratt, vous avez une question à poser à monsieur?

M. David Pratt: Caporal Leonard, vous avez décrit le problème, mais vous n'avez pas proposé de solution.

On nous a fait une foule de propositions pour remédier à la situation, mais il a notamment été question de prévoir un paiement forfaitaire de péréquation qui serait non imposable et qui serait versé à tous les militaires, si bien que le caporal, qu'il soit à Gagetown ou à Esquimalt, paierait essentiellement le même montant pour son logement. Pensez-vous que cette solution est bonne ou en avez-vous d'autres à nous proposer?

Cpl W.L. Leonard: Il faudrait aussi examiner d'autres aspects de la question. Il ne s'agit pas simplement des caporaux-chefs des caporaux et des militaires de grade inférieur, etc. Comment pensez-vous qu'on se sent quand...? On m'a dit aujourd'hui au BLFC que le commandant de la base militaire de Shilo paie 470$ pour un logement familial de 1 882 pieds carrés, avec garage, système d'alarme et tout. Je gagne moins de la moitié de son salaire et je paie plus que cela. Ça n'a pas de sens.

Je ne sais pas ce que vous pouvez trouver comme solution, mais n'hésitez pas à poser plus de questions. Je ne sais pas. Ouvrez le débat à tous.

Une voix: Il y a des solutions à ce problème. J'ai servi avec les Forces américaines à Fort Knox, et sans vouloir entrer dans le détail, je dirai que, dans leur système, on procède dans le sens inverse. Avant même que le soldat ne touche sa paie, le loyer en a déjà été déduit. Ainsi, avant même que sa paie ne soit imposée, quel que soit le montant forfaitaire—pardon, 3 500$ par mois—le coût du logement en a été déduit, et tout le monde paie le même montant. À leurs yeux, leur logement ne leur coûte rien, puisqu'ils ne voient même pas cette déduction. Au bout du compte, c'est seulement une fois que toutes les retenues ont été faites sur leur paie—le RPC, l'AC et tout le reste—que le montant net est imposé, ce qui leur procure un avantage considérable. Ils ont plus d'argent dans leur poche.

• 1510

Voilà ce qui arrive à sa solde tant qu'il vit dans les logements familiaux. S'il décide un beau jour qu'il a suffisamment économiser et qu'il peut s'acheter une maison, du jour au lendemain sa solde peut grimper de 380$, dans certains cas, du simple fait qu'il récupère cet argent en recevant sa solde.

C'est parce que les gens ne comprennent pas tout ce qui se fait en coulisse... Des soldats américains m'ont déjà dit qu'on les payait pour qu'ils n'habitent pas dans les logements familiaux, car ils ne comprenaient pas ce qui arrivait à leur solde. Je puis vous dire qu'ils sont ravis du système, étant donné que la plupart des cas, c'est de l'argent de plus qui se retrouve sur leur feuille de paie... Ils peuvent même obtenir un prêt des anciens combattants sur 30 ans et ne jamais voir le taux d'intérêt augmenter! C'est toute une affaire pour eux, imaginez! L'argent qu'on leur verse pour qu'ils n'habitent pas dans les logements familiaux leur sert à acheter une maison.

Le président: Merci beaucoup.

Microphone numéro 2.

Le sergent M.J. Vanschepdael (témoignage à titre personnel): Monsieur le président et mesdames et messieurs du comité, je viens ici vous parler d'un sujet délicat je le sais et qui n'a sans doute pas encore été abordé.

Je sais aussi que j'ai l'appui d'un grand nombre de personnes que j'ai consultées dans mon entourage professionnel, du côté des sous-officiers de fraîche date et de longue main et du côté des officiers. Toutefois, je me doute bien qu'il y aura parmi les hauts gradés des gens à qui ce que je vais dire ne plaira aucunement. Je voudrais vous parler des dîners régimentaires.

Ces dîners soulèvent toute une polémique. Je ne mentionnerai pas les petits problèmes qu'ils soulèvent, mais je voudrais aborder celui qui me semble le plus important, à savoir le problème des caporaux et des simples soldats qui doivent nous servir à dîner et nous offrir vins et fromages selon ce qui figure au menu du jour. C'est dégradant, voir avilissant pour ces personnes qui sont payées pour être des soldats. Ces gens sont allés en Bosnie, se sont fait menacer à la pointe du fusil, se sont fait chahuter et lancer des objets à la figure. Mais de retour dans leur pays, que leur arrive-t-il? On leur demande de me servir un verre de vin à table.

C'est sans doute assez gênant de l'avouer, car je n'ai pas l'impression que la population est au courant. Je pourrais sans doute poser la question à ceux qui sont ici, mais je ne le ferai pas. C'est toutefois un problème qui se pose à l'échelle des forces armées du Canada. Je sais que beaucoup de gens sont d'accord avec moi, même si sans doute beaucoup de hauts gradés qui m'écoutent en ce moment n'oublieront sans doute pas mon nom. Mais je saurai faire face à la musique, et je suis de toute façon à la veille de prendre ma retraite.

J'ai déjà été caporal et même simple soldat, et j'ai été moi-même obligé de le faire; croyez-moi, je n'en étais pas heureux. On nous demande de faire quelque chose de dégradant et d'avilissant, je me fiche de ce qu'en pensent les autres.

Quelles solutions proposerais-je? Je serais tout disposé, lors d'un dîner régimentaire, à payer un peu plus cher pour faire venir un traiteur qui s'occuperait du service. Ou encore, comme n'importe lequel nouveau sergent qui arriverait dans une nouvelle unité, je serais tout disposé à me servir moi-même du vin. De toute façon, c'est une corvée. Et puis, il y a sans doute beaucoup de gens ici même qui suggéreraient aux forces armées de se débarrasser de ces dîners régimentaires.

Des voix: Bravo, bravo!

Sgt M.J. Vanschepdael: Mais ce n'est pas ce que je suggère. Je viens ici simplement parler au nom des caporaux et des simples soldats.

Avant de répondre à vos questions là-dessus, si vous en avez, j'aimerais aborder la question de la solde.

Je ne suis certainement pas rentré dans les forces armées pour faire de l'argent. Je savais évidemment combien je serais payé avant d'y entrer. Si je suis devenu soldat, c'est pour d'autres raisons. J'aime beaucoup la vie militaire. Je ne voudrais m'en retirer que si cela devenait nécessaire. Malheureusement, ma femme fait beaucoup plus d'argent que moi, bien qu'elle n'en soit qu'à ces tous débuts dans un nouvel emploi. Son nouvel emploi est assuré et lui offre un bel avenir; voilà pourquoi nous avons décidé de mettre l'accent sur sa carrière et que j'ai décidé par la même occasion, de mettre la mienne en veilleuse. Si nous devions déménager, je serais disposé à quitter les forces armées. Voilà ce qui illustre clairement la situation salariale dans les forces armées.

Pour ce qui est du RARM le régime d'assurance revenu militaire, des tas de gens se demandent s'ils sont assurés à partir du moment où ils quittent leur travail à seize heures. Lorsque je suis entré dans les forces armées, on m'a dit que je ne l'étais pas, et c'est ce que j'ai enseigné à tous ceux qui ont été sous mes ordres. Je leur ai toujours dit de se procurer une assurance supplémentaire tout comme je l'ai fait moi-même, puisqu'ils cessaient d'être assurés dès qu'ils terminaient leur journée de travail.

• 1515

C'est ce que j'ai expliqué pendant quelques années à mes subordonnés. Puis, à mon arrivée ici, j'ai rencontré un autre représentant du RARM qui m'a expliqué qu'au contraire, j'étais assuré après ma journée de travail. Je lui ai demandé si la politique avait changé récemment, et il m'a répondu que cela avait toujours été le cas.

Or, aujourd'hui, un autre major vient ici nous raconter son point de vue à lui. Que dois-je raconter à ma femme? Pour quel montant est-elle assurée? Que recevra-t-elle si je meurs ou si je perds mes jambes? Je ne sais plus.

Mais je ne sais pas non plus quoi dire à mes gars, car je n'ai plus confiance non plus en ce représentant du RARM.

Voilà tout ce que j'avais à grade.

M. Art Hanger: Je n'ai saisi votre rang.

Sgt M.J. Vanschepdael: Je suis le sergent Vanschepdael, monsieur.

M. Art Hanger: Les caporaux et simples soldats assument-ils ce service volontairement, ou s'agit-il d'une coutume? Sont-ils payés pour ce faire?

Sgt M.J. Vanschepdael: Excellente question, car la réponse change selon que votre patron soit untel ou un autre ou selon que vous travaillez à telle ou telle base.

Il est de tradition, bien sûr, de demander à certaines gens d'être vos messagers, et j'imagine que cette façon de faire peut avoir certains bons côtés. Mais demander à des caporaux ou à des simples soldats de vous servir, c'est simplement...mais on a toujours fait cela.

Est-ce fait volontairement? Oui et non. Il y a bien des façons de trouver des volontaires. On peut lui offrir des jours de congé. On peut lui offrir un ou deux jours de congé, selon que le patron est généreux ou pas. Lorsque je parle de jours de congé, c'est que vous pouvez vous réveiller à n'importe quelle heure le matin sans vous inquiéter d'avoir à aller travailler. Autrement dit, du simple fait d'avoir servi du vin l'autre fois à mes camarades soldats, je pourrais me retrouver un ou deux en congé chez moi, payer à ne rien faire. D'habitude, c'est ainsi que l'on trouve des volontaires.

Une autre façon de faire, c'est de promettre aux soldats qu'ils n'auront pas à faire les tâches supplémentaires qu'ils ont accumulées. Supposons qu'un soldat a commis une bourde: Au lieu de le punir en l'obligeant à faire la corvée pendant 24 heures ou en l'obligeant à faire des exercices supplémentaires, on peut lui offrir de servir lors du dîner régimentaire. C'est beaucoup plus intéressant que de battre le pavé.

Au début, lorsque je suis entré dans les forces armées, on annonçait simplement les dîners régimentaires et on demandait qui voulait y servir. Comme personne ne levait la main, on désignait alors les volontaires et on leur promettait une journée de congé. Qui sait, peut-être qu'on ne leur donnait même pas de journée de congé, car cela dépendait de l'unité ou l'on se trouvait ou du patron. C'était à la tête du client.

Est-ce volontaire? Tout dépend. J'espère avoir répondu à votre question.

M. Art Hanger: Comment réagissent les caporaux et les simples soldats? J'imagine qu'on peut s'attendre à toutes sortes de réactions. On pourrait résister, ou on pourrait s'y plaire. Mais est-ce la majorité d'entre eux qui considèrent la situation dégradante?

Sgt M.J. Vanschepdael: On peut sans doute s'attendre à toutes les réactions possibles.

J'ai commencé à me poser des questions parce que j'ai trouvé moi-même la situation très dégradante. Je vous parle d'expérience, mais je vous parle aussi au nom de tous ceux que j'ai dirigés au cours de ma carrière et qui m'ont expliqué qu'ils répugnaient à faire cette tâche; il y en a eu d'autres aussi qui ont carrément refusé de le faire, et qui s'en sont tirés, tout simplement parce que le sous-officier principal avait décidé de choisir quelqu'un d'autre, faute de pouvoir forcer les premiers à obtempérer, du moins, le croyait-il.

J'ai constaté qu'en général, la plupart des gens trouvaient l'expérience dégradante. Il y a quand même des gens qui acceptent de le faire, simplement pour avoir des jours de congé, car cela leur permet de ne pas venir au travail et de prolonger leur week-end.

Il y a bien des façons différentes de réagir, mais vous constaterez sans doute que la plupart de ceux que vous interrogerez trouvent l'expérience dégradante. Et je vous parle moi-même d'expérience, car j'ai déjà été caporal et simple soldat. Je préférerais être au travail, à faire ce que l'on attend de moi, plutôt que d'aller à huit heures verser du vin à quelqu'un d'autre. Comprenez bien ce que je ressens: je ne suis pas payé pour servir du vin. Tous ne seront pas d'accord avec moi, mais je ne suis pas payé pour vous servir un verre de vin à huit heures du soir.

• 1520

Le président: Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Passons au moral des troupes: ce que nous avons entendu dire à plusieurs endroits que nous avons visités, c'est que le moral est en général bas dans les forces armées—que les soldats sont démoralisés pour toutes sortes de raisons, que ce soit à cause de leur solde, de leur logement ou du manque d'équipement approprié—mais que le moral de l'unité est élevé. Je ne sais pas comment vous définiriez un moral élevé mais il ne semble pas souffrir des problèmes que vous connaissez actuellement ni de la situation présente. Je ne sais pas quel est votre bataillon, mais que diriez-vous du moral de l'unité dans le Lord Strathcona's Horse ou le Princess Patricia's?

Sgt M.J. Vanschepdael: Je suis actuellement dans l'escadron de transmission aux quartiers généraux, mais j'ai servi dans beaucoup d'unités. J'ai une grande expérience dans toutes sortes d'unités. En tant qu'opérateur radio, je suis obligé d'aller à peu près n'importe où. J'ai servi dans des escadrons d'hélicoptères en Allemagne, presque huit ans dans des unités d'infanterie, notamment le Deuxième bataillon à Winnipeg et le Régiment canadien aéroporté où j'ai servi six ans. Je suis allé à des tas d'endroits et j'ai vu des tas de choses. La question du moral des troupes est venue sur le tapis bien des fois pour toutes sortes de raisons.

Le problème du moral n'est pas particulier à une unité donnée. Nous devons affronter les mêmes problèmes tous les jours. Les journaux affirment que le moral des soldats est très bas actuellement, alors qu'on vous dit à vous que le moral de l'unité est élevé. D'après ma propre expérience, le moral des troupes n'est jamais aussi bas que ce que l'on veut bien affirmer. Mais c'est mon avis personnel.

Si je considère les unités dans lesquelles j'ai servi, à l'époque où l'on démantelait le Régiment aéroporté canadien, j'avoue que l'unité a connu des temps difficiles. Vingt-cinq pour cent à 50 p. 100 de tous ceux qui sont ici aujourd'hui ont déjà servi dans cette unité à un moment ou à un autre de leur carrière, y compris pendant son démantèlement, et pourtant leur moral n'est pas au plus bas. En fait, ce sont des bagarreurs qui ont déjà servi dans d'autres missions et qui ont fait, comme à l'accoutumée, un travail remarquable.

Le moral est actuellement à la hausse dans mon unité, en dépit de certaines plaintes qui circulent sur la façon dont se font les choses. Personnellement, je suis convaincu que les soldats sont à leur meilleur en période de bagarre. Le moral reste bon parce que les soldats sont, d'une façon générale des gens respectables. Mais nous nous faisons tabasser de toutes parts, que ce soit par les médias, par les politiques qui font la main basse sur nos portefeuilles, ou que ce soit par nos patrons qui ne sont pas à la hauteur de la tâche, comme c'est le cas actuellement. Mais nous allons passer au travers.

Je répète, que d'après moi, le moral des troupes n'a jamais été aussi bas qu'on veut bien le prétendre, du simple fait que l'armée compte des tas de gens bien qui arrivent à passer au travers des situations stupides qui surviennent de temps à autre.

Le président: Madame Longfield.

Mme Judi Longfield: Sergent, au cours de nos déplacements, nous avons beaucoup entendu parler des DMPS.

Sgt M.J. Vanschepdael: Il faudra d'abord que vous me disiez ce que sont les DMPS.

Mme Judi Longfield: Les Différents modes de prestation des services.

Sgt M.J. Vanschepdael: Les différents modes de prestation des services. Est-ce que...

Mme Judi Longfield: C'est la privatisation.

Sgt M.J. Vanschepdael: Il me faudra une meilleure explication que cela. Je pense savoir de quoi vous parlez, mais il vaudrait mieux que je m'en assure.

Mme Judi Longfield: J'ai quelqu'un qui s'est porté volontaire.

Le sergent F.J. Thibaudeau (témoignage à titre personnel): Sergent Thibaudeau. Je fais partie du service des pompiers de la garnison. Je fais partie du peloton de l'équipe de secours de six hommes.

Des études, il y en a eu des tonnes chez nous. Nos gars sont sûrement les pompiers les plus qualifiés qui soient. Et vous allez les perdre avec vos comptes d'apothicaire. Vous vous gourez, c'est moi que vous le dis.

Un de vos électeurs là-bas vient de North Bay en Ontario. Il sait de quoi je parle parce que j'y étais lorsqu'ils l'ont fermé. Il a perdu l'un des meilleurs services de pompiers au pays.

Cette équipe de pompiers s'est classée septième dans le monde: En septième place, notre garnison, ici. Avec les DMPS, on est sous le couperet. Ce n'est pas juste.

• 1525

Vous en voulez des chiffres: En cas d'urgence, le délai d'intervention à Edmonton est de huit minutes. C'est à ça qu'on s'attend. La ville a fait des essais ici, et le délai le plus rapide variait entre neuf et quinze minutes. Le service de pompiers de la garnison, lui, réagissait entre quatre et huit minutes.

Si celui qui a eu un incident dans les LF l'an dernier est ici, il vous dira quelle sorte de travail on a fait.

La garnison d'Edmonton ne fait plus partie du groupe d'intervention médicale. On nous nous a enlevé notre ambulance et nos infirmiers et on a donné ça à contrat à des gens en ville. J'ai répondu à un appel comme chef de peloton avec cette équipe, avec celui qui y est allé, un civil, pas un militaire. Le temps de réaction d'un civil était de 25 minutes. C'est un paraplégique qui a fait une crise et qui prenait les médicaments. En voilà un chiffre.

Comme chef de peloton, je suis responsable de mes hommes. Je suis aussi responsable de vous, lorsque vous allez au Québec ou en Bosnie, pour aider les membres de votre famille. Si vous téléphonez à la caserne de pompiers aujourd'hui en cas d'urgence et si votre conjoint dit que votre mari est à tel ou tel endroit et que vous avez besoin d'aide, je peux vous garantir que nous allons vous envoyer de l'aide, que ce soit l'agent de service ou quelqu'un d'autre.

Le DMPS sont en train de bousiller les Forces armées canadiennes. Ils ont fait perdre leurs emplois à tous les techniciens en approvisionnement et à tous les commis aux Finances pour les donner à des civils et en plus ils font des bénéfices. Ça me met en rogne.

Je l'ai vu à North Bay. La ville de North Bay a réussi à mettre la main pour 1$ sur un camion qui en vaut 1,5 million—1,2 million de matériel et d'équipements de la caserne lorsqu'ils ont mis des voiles. Voilà un autre chiffre. Un seul pompier militaire a été embauché.

J'ai treize brevets de la NFPA à Oklahoma City. Mes hommes en ont entre cinq et sept. Deux d'entre eux, sur les six de mon équipe, travaillent pour la caserne des pompiers bénévoles de Namao. C'est un excellent service, mais ce sont des bénévoles. Moi, je suis un professionnel. C'est mon travail.

Les pompiers d'Edmonton gagnent entre 34 000 et 54 000$ par an. Je peux vous garantir que ce n'est pas mon cas, mais j'aime mon travail. Je travaillerais sept jours par semaine, et eux aussi.

Vous voulez qu'on parle de moral. Ce n'est pas facile pour moi de dire à un caporal-chef de 18 ans: «tu devrais être sergent, mais je ne peux pas te donner la promotion parce qu'on va disparaître». Trente-cinq emplois ont disparu et l'armée ne va pas les récupérer à cause de cet engluage de mouches. Les 35 postes ont disparu. Le budget, volatilisé. On respecte le plan de réduction des Forces canadiennes, et voilà.

Dans vos édifices, regardez vos préposés à l'entretien ménager. Je n'ai rien contre eux, mais je sais que quand c'est nous qui faisions le travail, c'était mieux fait. Ce n'est pas vrai? Je dis vrai? C'est vous qui en pâtissez.

Mme Judi Longfield: J'ai entendu des témoignages du même genre à bien des endroits, mais personne ne l'a fait avec autant d'éloquence que vous. Je vous remercie. J'ai la réponse que je voulais.

Le président: Avez-vous d'autres questions pour le sergent? Non?

Merci beaucoup, sergent.

Le soldat C. Cruickshank (témoignage à titre personnel): Je suis le soldat Cruickshank. Je fais partie du premier Groupe-brigade mécanisé du Canada.

• 1530

Ma question porte sur les augmentations d'échelon annuelles, 1,3 p. 100, etc. Est-ce que c'est censé nous mettre sur le même pied que les civils?

Le président: On essaie, oui.

Sdt C. Cruickshank: Une fois par an, peut-être tous les deux ans, les civils reçoivent une augmentation de cherté de la vie. Avec ces échelons-là, ça ne suffit pas, parce qu'on fait du rattrapage, mais ça nous ramène où on était au début parce qu'eux obtiennent une augmentation. La seule façon de les rattraper, ce serait avec un paiement forfaitaire. Là, on y arriverait.

Le président: Soldat, c'est quelque chose qu'on nous a dit et redit et que l'on va examiner sérieusement pour que vous essayiez de rattraper les civils.

Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Soldat, une grande partie de la fonction publique—et je sais qu'il a été question de jumeler les échelles de salaire des militaires à celles de la fonction publique—subit le gel depuis de nombreuses années, tout comme la GRC, les gardiens de prison, etc. Ça commence seulement à s'assouplir. Ils ont reçu de toutes petites augmentations. Ce n'est pas suffisant, mais les militaires sont encore loin derrière eux—très loin derrière.

Le comité va préparer un rapport qui va comporter des recommandations. Chacun d'entre nous s'entend sur certaines choses. Comme député de l'opposition, je me sens plus contraint que d'autres de faire passer votre message et d'insister auprès du gouvernement pour qu'il apporte des modifications plus substantielles. Ce ne sera pas une mince affaire.

Nous allons préparer ce rapport et le remettre au ministre. Il va le présenter au Cabinet, qui va étudier les recommandations et voir combien ça va coûter.

Même si c'est ce que nous souhaitons, notre tâche à nous est de transmettre le message que nous avons entendu ici et, lorsque nous aurons terminé notre visite, voir ce que cela suppose pour le gouvernement. Comme député de l'opposition, M. Price, moi-même et les autres allons devoir rivaliser d'astuce. Il faut que le Conseil du Trésor dénoue les cordons de la bourse. Il faudra qu'il prévoie une augmentation dans son budget prochain, sans quoi il ne se produira rien.

Je vais faire ce que je peux et les membres du comité en feront autant chez les ministériels. Il faudra faire front commun.

Ce qui sera déterminant, c'est l'opinion publique. Elle commence à exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il corrige des inégalités qui existent depuis longtemps dans l'armée. C'est dégoûtant.

Voilà la situation. Il se peut que nous arrivions tous à la conclusion qu'une augmentation de 1,3 ou 1,6 p. 100 n'est pas suffisante. Ça ne l'est pas, c'est une gifle, et nous sommes conscients qu'il faut faire quelque chose de majeur. C'est ce que nous allons essayer de faire. Comme député de l'opposition, je ferai de mon mieux.

Sdt C. Cruickshank: Merci, monsieur.

Le président: Merci.

• 1535

L'adjudant-maître R.W. McNaughton (témoignage à titre personnel): Je remercie les membres du comité d'être ici aujourd'hui. Je suis l'adjudant-maître McNaughton et je fais partie de la Garnison d'Edmonton, dans la division des opérations et de l'entraînement.

La principale raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, c'est pour confirmer ce qu'a dit le major à propos de l'invalidité et des anciens combattants. En 1992, je me suis fracturé la colonne vertébrale pendant un exercice d'entraînement du 1er Bataillon, Princess Patricia's. Il m'a fallu près de sept ans pour convaincre le ministère des Anciens combattants d'admettre que j'avais eu un accident et sept autres encore de coups de téléphone et de lettres pour leur faire admettre que j'étais au moins un citoyen canadien. La grosse nouvelle, quand j'ai obtenu ma pension d'invalidité, que je vais recevoir au moment de la retraite—c'est à ce moment-là qu'ils vont me la donner—c'est que comme je n'avais pas été affecté à l'étranger, la pension ne s'appliquerait qu'à partir de la retraite.

Je vous dis ceci—et les autres vous diront tous la même chose—lorsque je me suis enrôlé, j'ai promis de défendre mon pays, que l'entraînement se fasse au Canada ou à l'étranger. J'ai accompli trois missions de l'ONU et j'ai passé quatre ans en Allemagne en plus de beaucoup d'autres affectations. Je m'entraîne pour la guerre. Si cela signifie que je n'ai pas de médaille de l'ONU lorsque j'ai un problème d'ordre médical, alors le comité et le gouvernement feraient mieux d'ouvrir leurs livres poussiéreux et de voir ce qu'ils font.

Pour ce qui est du moral des troupes, monsieur Pratt, je vous dirai que le problème c'est que personne ne nous écoute. En 26 ans, c'est la première fois que je vois un comité. Je ne veux pas faire le malin, mais ça fait plaisir de voir quelqu'un comme M. Hanger, un député de l'opposition, qui parle à coeur ouvert et non pas comme Clinton, à braguette ouverte.

Il y a aussi des choses que le jeune sergent et d'autres ont dites et que j'ai notées depuis que j'attends ici.

On a parlé du moral. Eh bien, si quelqu'un croit que les DMPS sont bons pour le moral, je peux vous dire que ce n'est pas le cas. Je viens de passer 14 mois dans le centre du pays, dans la force des réserves, c'est-à-dire la force totale qui doit aller en guerre et se tirer d'affaire tout aussi bien qu'eux, et ça leur a gâté le moral. Pourquoi? On essaie d'économiser et si les forces armées ne servent qu'à faire des économies, mesdames et messieurs, j'ai gâché 26 ans de ma vie.

Les DMPS, c'est-à-dire les différents modes de prestation des services, ne vont que compliquer le travail de gens comme le colonel Leslie et le général là-bas. Ce serait très mal vu pour eux de le dire en public. Moi, ma pension est payée, et je peux le dire.

Parlons des congés. Depuis toutes ces années que je suis un chef dans l'armée et depuis que j'ai pris le grade de caporal-chef on m'a formé à commander—comment est-ce que je peux dire à mes subalternes que je les oblige à partir en vacances parce que d'autres ont abusé du système, et comment faire ça sans nuire au moral? Pensez-y un peu. Si vous aviez votre entreprise et vous forciez vos employés à partir en vacances—je dis bien forcer—pensez-vous qu'ils accepteraient de travailler pour vous? Non.

La paie. Je ne sais pas ce que les autres ont à dire, mais je sais que le chef a raconté qu'on lui avait fait des déductions sans qu'il le sache. Et puis il y a le Régime de pensions du Canada, auquel on contribue. Fantastique ce régime! Je viens de perdre 700$ de mon argent au profit du RPC. Cela a presque doublé. Mon augmentation de salaire après les déductions du RPC et toutes les autres s'est établie à 41$. Pas mal comme augmentation pour un adjudant-maître qui peut se faire envoyer partout dans le monde. Si vous voulez parler d'équité, quelqu'un pourrait peut-être nous expliquer lorsqu'on commence à nous enlever tout notre argent.

• 1540

Parlons maintenant du PRF et de la fonction publique du Canada. Voici un exemple. Lorsque les employés de la fonction publique du Canada prennent leurs propres véhicules, on leur verse un taux élevé pour le kilométrage. Quand nous prenons nos véhicules à nous, notre taux est plus bas. Et il n'y a pas de problème à cela? Pourquoi est-ce que c'est comme ça? Quand la fonction publique du Canada veut inciter un employé à prendre sa retraite, elle lui verse son traitement pour 12 mois. Combien avons-nous obtenu lors du dernier PRF? Neuf mois de solde. Sommes-nous différents? Je ne crois pas. Nous sommes tous des contribuables. Nous travaillons tous dans le même pays.

Mon intervention a un accent plus personnel, si vous voulez, moi qui ai passé 26 ans de ma vie dans l'armée. On a tendance à aborder les choses d'un point de vue plus personnel. Pardonnez-moi si je vous parais un peu cynique, mais après avoir observé un système qui essaie de nous détruire avec tous ces DMPS, après qu'on nous a fait toutes ces promesses d'équité salariale, je ne vois rien à l'horizon.

J'ai lu un tas de trucs où l'on nous disait qu'on allait faire des choses, et je sais que votre comité va adresser son rapport au gouvernement.

Mon seul espoir, c'est qu'on cesse de se faire des soucis d'argent et qu'on commence à payer les soldats pour les services qu'ils rendent, non seulement aux habitants de notre pays mais aussi au reste du monde.

Je vous remercie de m'avoir écouté, et je remercie tous mes camarades qui ont accepté de m'écouter et qui savent que mes griefs sont également les leurs.

Le président: Merci beaucoup.

Des questions ou des observations? Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Adjudant-maître, c'est encore la question des soins de santé qui m'intéresse. Vous avez subi une fracture à la colonne vertébrale il y a environ sept ans?

Adjum R.W. McNaughton: Oui, monsieur, c'était en 1992.

Le problème qu'on a dans l'armée, c'est qu'il n'y a pas grand monde qui nous dise à qui l'on peut s'adresser quand on a des ennuis de santé. Le système de soins de santé de l'armée canadienne est probablement l'un des meilleurs au monde. J'ai servi outre-mer où j'ai eu affaire à d'autres services médicaux, et le nôtre se donne un mal de chien pour s'occuper de nous en tout temps.

Le problème, c'est lorsqu'on quitte notre système de soins de santé pour faire affaire avec la bureaucratie du ministère des Anciens combattants, et comme le major l'a dit il y a à peu près une heure, c'est la bureaucratie qui nous tue. À moins d'être persévérant, arrogant et fort en gueule, on n'obtient rien, alors que la plupart d'entre nous, soldats, ont surtout appris à nous taire pour faire notre travail.

J'ai téléphoné au ministère des Anciens combattants 27 fois en sept ans, et chaque fois je suis tombé sur un commis qui me disait d'attendre mon tour. Bien sûr, j'ai été muté trois fois au cours de ces années, et j'ai écrit maintes et maintes fois au ministère.

Chose intéressante, lorsque j'ai été posté à Toronto, j'ai téléphoné au ministère des Anciens combattants pour savoir si je pouvais faire affaire avec lui à Toronto. Savez-vous ce qu'ils m'ont répondu, monsieur? «Votre dossier a été ouvert à Edmonton. Il vous faut aller voir là-bas.» Vous vous imaginez bien que c'est irritant, il y a quelque chose qui ne va pas ici.

Donc je me suis adressé au monsieur responsable du service à Edmonton pour que mon dossier soit envoyé à Toronto—mais, soit dit en passant, il ne voulait pas le faire parce qu'il y a toute une question de chiffres, de pourcentages, de DMPS et tout le reste.

Ça nous inquiète en maudit—excusez-moi si je suis grossier—parce qu'à cause des chiffres et de l'argent, de nos jours, on oublie complètement les sentiments humains. Et ensuite on se demande pourquoi nous avons le moral en berne.

J'ai donc obtenu les pensions auxquelles j'aurai droit, et je les toucherai à ma retraite, monsieur, toutes les deux, pour les ennuis que j'ai au milieu et au bas du dos. Ce que je ne peux pas digérer, c'est qu'on va me les verser à ma retraite, alors qu'il y a un adjudant-maître dans mon service, qui a le même nombre d'années de service que moi, et qui a déjà sa pension ou sa carte d'ancien combattant maintenant parce que c'est en Somalie qu'il s'est fait mal au dos. Parce que moi j'étais en exercice de formation en Colombie-Britannique lorsque je suis tombé en montagne et me suis cassé le dos, je ne toucherai pas mes pensions avant ma retraite. J'ai pourtant les mêmes douleurs, j'ai les mêmes problèmes, j'ai rempli les mêmes formulaires, mais parce qu'on ne m'a pas donné de médaille pour mes maux de dos et qu'il en a obtenue une pour les siens, il touche sa pension tout de suite. Ça me semble un peu injuste.

Je suis en train d'écrire une lettre au ministère des Anciens combattants, et ça ne sera pas joli.

M. Art Hanger: Merci, monsieur. Veuillez m'envoyer une copie de votre lettre.

Adjum R.W. McNaughton: Promis, monsieur. Donnez-moi votre adresse.

M. Art Hanger: Voici ma carte.

Le caporal K. Ledrew (témoignage à titre personnel): Je suis le caporal Ledrew, et je suis au 1 GSZ Transport.

Je veux parler essentiellement aujourd'hui des familles monoparentales dans l'armée ou des couples où mari et femme sont militaires. Par exemple, lorsqu'on est envoyé en service temporaire—ça fait partie de notre travail, je sais, on a signé les documents et tout—des fois, il nous faut envoyer nos enfants chez nos parents ou ailleurs si l'on veut qu'on s'en occupe bien, si on veut s'assurer qu'on s'occupe d'eux comme il faut. L'indemnité de transport en congé ne prévoit aucune aide financière en ce sens.

• 1545

Par exemple, moi je suis une mère seule et j'ai un petit garçon. J'ai dû aller à Borden en service temporaire pour trois mois. J'ai emmené mon petit gars chez moi à Terre-Neuve et je me suis dit: «Bon, je demanderai l'indemnité de transport en congé à mon retour.» J'ai envoyé une note de service et on m'a répondu qu'il me fallait vérifier la définition du domicile. J'ai pris le manuel et j'y ai cherché la définition du domicile. Ça dit que c'est le dernier endroit où l'on a été envoyé aux frais du trésor public. Évidemment, je n'ai pas obtenu l'argent que je pensais avoir. J'ai envoyé mon fils à Terre-Neuve. Des 3 800$ que j'ai demandés pour mon service temporaire de trois mois, il m'a fallu en débourser 3 500$ pour les billets d'avion. J'ai obtenu de l'aide de mon unité. On m'a fait un prêt et j'ai acheté les billets.

Je pense qu'il faut faire quelque chose pour aider les parents ou les chefs de famille monoparentale de l'armée qui sont envoyés en service temporaire. On pourrait appliquer l'indemnité de transport en congé à ceux qui ont la garde des enfants au moment où le militaire part en service temporaire.

C'est tout ce que j'ai à dire.

Le président: Merci beaucoup.

Le caporal-chef Karl Plesz (témoignage à titre personnel): Je suis le caporal-chef Karl Plesz. Je suis affecté à l'escadron des transmissions ici à Edmonton.

J'ai quelques observations à faire. Je tâcherai d'être bref.

Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que je vous suis très reconnaissant, à vous, monsieur le président, et à votre comité, d'avoir pris le temps de venir nous entendre. Comme on l'a déjà dit à quelques reprises aujourd'hui, on n'a pas très souvent la chance d'exprimer nos préoccupations à un auditoire captif comme celui-ci. C'est comme ça dans l'armée, on reçoit des ordres, on les exécute et ensuite on se plaint, habituellement en vain.

J'ai quelques observations importantes à faire, et la première, c'est que l'armée, même si elle a réussi à faire des progrès malgré les compressions budgétaires, doit continuer de s'adapter aux mutations de la société et de la structure familiale.

Je souscris sans réserve à bon nombre des observations que le colonel Leslie a faites plus tôt au sujet de la solde, mais je tiens aussi à rappeler que même si certains soldats sont célibataires lorsqu'ils s'engagent, à cause des changements qu'on a apportés dans les forces armées, il y a beaucoup de soldats qui s'engagent et qui sont déjà mariés et chefs de famille, et ils ne peuvent pas survivre avec leur solde de soldat. Rien que dans notre unité, on en a des exemples. Ces gens-là sont obligés d'avoir quatre emplois rien que pour joindre les deux bouts.

Pour ce qui est des autres facteurs importants qui ont à voir avec la structure familiale, bon nombre des politiques qui existent aujourd'hui dans l'armée, même si elles ont été quelque peu modifiées, sont fondées sur la structure familiale qui existait il y a 20 ou 30 ans, à l'époque où il suffisait d'un seul gagne-pain pour faire bien vivre toute une famille. Je ne crois pas qu'il y a beaucoup de gens ici même—il y en a peut-être quelques-uns qui ont réussi—ou dans les forces armées qui peuvent dire que c'est encore vrai aujourd'hui. En conséquence, les conjoints qui ne sont pas militaires travaillent ou essaient de trouver du travail dans des secteurs qui offrent moins de mobilité. Les conjoints des militaires exercent de moins en moins des métiers qui offrent cette mobilité, comme infirmière, commis, serveuse, ou alors il s'agit de professionnels qui ne peuvent pas se déplacer. Une fois qu'ils ont quitté leur travail pour suivre à un autre endroit le conjoint qui est militaire, ça leur prend souvent des années pour retrouver du travail dans leur métier, s'ils en trouvent.

Pour ce qui est de notre solde et de nos avantages sociaux, on nous compare toujours à la GRC et à la fonction publique. Je ne sais pas pourquoi on nous compare à ces gens-là, exception faite des membres de la GRC, qui accomplissent également un travail dangereux et qui sont soumis à autant d'exigences que nous à certains égards. Mais je ne vois pas pourquoi on nous compare aux fonctionnaires. Pourquoi sommes-nous les derniers à voir nos avantages négociés alors que c'est probablement nous qui faisons le travail le plus difficile?

• 1550

Au sujet du déménagement à Edmonton, qui est une question très controversée, même si on n'en a pas beaucoup parlé publiquement, alors qu'on fait croire au public—et ce n'est que mon opinion—que c'est une idée formidable, je pense que les gens ici présents savent bien combien il en coûte vraiment. On dit aussi que la base de Calgary a été fermée, alors que ce n'est pas vrai. Il y a actuellement des membres des forces armées en poste à Calgary. Je suis ici pour vous dire, après leur avoir parlé pendant le congé de Noël, parce que ma famille est encore là-bas, qu'ils se sentent abandonnés.

Au sujet des services de soutien, je ne sais pas grand-chose des centres de ressources familiales de l'armée. Je n'ai jamais eu besoin de leur soutien, je ne peux donc pas vous dire ce qu'ils valent. Mais au sujet des autres services, comme l'ÉCONOMAT, j'ai la certitude que si vous parlez à d'autres personnes ici aujourd'hui, on va vous dire que, sachant qu'on vient tout juste d'augmenter considérablement l'effectif de notre garnison en postant toutes les unités de la brigade ici, il semble que l'ÉCONOMAT va dans le sens inverse et veut couper ses services. C'est à n'y rien comprendre.

Je voulais aussi vous demander si quelqu'un vous a dit que lorsque nous touchons nos petites augmentations, nos augmentations graduelles, chaque fois qu'on augmente notre solde, on augmente aussi autre chose, par exemple les logements de fonction pour ceux d'entre nous qui vivent sur la base, ça augmente tout de suite peu après, ce qui a presque pour effet d'annuler l'augmentation.

Je me demande aussi à quoi ressembleraient les résultats d'un sondage effectué auprès du personnel des forces armées... Combien de gens qui ont, disons, 16 ans de service ou davantage dans les forces et qui ont signé pour 20 ans, s'accrochent seulement parce qu'ils veulent toucher leur retraite, et non pas parce qu'ils aiment encore leur travail ou parce qu'ils se croient assez bien payés?

Pour ce qui est des différents modes de prestations des services, encore là, ce n'est que mon opinion à moi, mais c'est une opinion très sensée. Je pense que la solution à ce problème est simple. Ça ne peut pas marcher pour l'armée parce que les gens qui fournissaient ces services avant qu'ils ne soient affermés à ces civils doivent accomplir ces fonctions partout en tout temps. Ces services ne peuvent être pris en charge par des civils.

Pour ce qui est des blessures au personnel militaire, il est tragique de voir que des gens qui ont subi des blessures aussi graves que celles qu'on a vues aujourd'hui ne sont pas indemnisés et se sentent abandonnés par le gouvernement et par l'armée, mais saviez-vous que même les blessures mineures, maintenant qu'il existe une directive très sévère dans les forces armées... J'oublie comment ça s'appelle exactement. Tous les membres des forces armées aujourd'hui, quelles que soient leurs fonctions, doivent répondre à certaines normes physiques s'ils veulent rester dans l'armée. Si même une blessure mineure fait que vous ne pouvez plus répondre à cette norme, vous risquez sérieusement d'être congédiés par l'armée sans la moindre indemnisation.

Dernière observation, et je sais que c'est un irritant pour la plupart des soldats, c'est que nous versons tous des cotisations à l'assurance-chômage mais nous ne pouvons jamais en toucher.

C'est tout ce que j'ai à dire.

Le président: Merci.

Des questions ou des observations de la part des députés?

J'ai une petite question au sujet de l'ÉCONOMAT. Vous dites qu'on va couper les services, ou que c'est déjà fait. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet, s'il vous plaît?

Cplc Karl Plesz: Je ne dispose pas de tous les faits, ou du moins des faits les plus récents, mais d'après les informations qui ont été communiquées au personnel, on a l'impression que l'ÉCONOMAT n'est pas assez rentable, on a donc décidé de fermer certains services de l'ÉCONOMAT ou de réduire ses heures d'ouverture ou de trouver de nouveaux moyens de nous attirer à l'ÉCONOMAT parce que ce service ne rapporte pas autant qu'on l'espérait en desservant les nombreux habitants de la garnison.

• 1555

Je crois qu'ils songeaient à fermer le débit des alcools, ce qui n'est pas une grosse perte pour moi, mais je suis certain... Il s'agit du principe d'offrir des services aux familles des militaires dans la communauté militaire. Encore une fois, tout cela revient à une question d'argent.

Le président: Quels genres d'économies pourriez-vous faire si vous pouviez faire vos achats à l'Économat plutôt que...?

Cplc Karl Plesz: L'Économat n'est pas là pour nous faire économiser. C'est pour notre commodité, de façon à ce que nous ne soyons pas obligés de faire cinq kilomètres pour aller acheter un pain ou un litre de lait. Il nous suffit d'aller au coin de la rue—pour ceux qui vivent sur la base. Il n'y a pas d'économies à faire ses achats à magasin CANEX.

Le président: Les prix sont les mêmes?

Cplc Karl Plesz: Ils sont les mêmes ou plus élevés, et dans la plupart des cas ils sont plus élevés.

Le président: Merci beaucoup.

Cplc Karl Plesz: Tout le plaisir est pour moi.

Le caporal T.D. Scherger (témoignage à titre personnel): Bon après-midi. Je suis le caporal Scherger. Je suis réserviste en appel avec un 1-Trans. Je suis de Calgary. Il était question d'un projet de loi de façon à ce que les réservistes puissent garder leur emploi lorsqu'ils sont rappelés. En est-il toujours question? Est-ce que cela a été rejeté ou que se passe-t-il à cet égard?

Le printemps dernier, je travaillais à un atelier de réparation de camions. Je suis un mécanicien de machinerie lourde de première année dans la vie civile. J'ai demandé à mon patron si je pouvais aller suivre un cours avec les militaires. Oui, je pouvais certainement y aller, mais je perdais mon emploi. Aux États-Unis, si les réservistes sont rappelés, ils gardent leur emploi, ils ont une sécurité; mais ici au Canada, ce n'est pas le cas. Je me demande où en est ce projet de loi.

M. John Richardson: Je n'ai pas tous les détails à ce sujet, mais il y a une équipe de gens d'affaires qui parcourt le pays pour faire signer les entreprises afin qu'elles appuient les réserves en leur accordant des congés pour les manoeuvres annuelles en été, pour des cours d'été ou même en hiver pour suivre des cours réguliers des forces armées. Jusqu'à présent, 600 entreprises au Canada ont signé, dont un bon nombre d'entreprises nationales.

Je ne crois pas cependant que nous arrivions à convaincre toutes les entreprises de signer. Certaines de ces entreprises n'ont qu'un, deux ou trois employés, et si elles perdent le tiers de leur main-d'oeuvre, cela met en danger l'entreprise car il s'agit en général d'un employé spécialisé.

C'est tout ce que je sais pour le moment. Les gens d'affaires veulent voir s'ils peuvent obtenir l'appui du plus grand nombre d'employeurs possible au Canada sur une base volontaire. Nous n'avons pas présenté de projet de loi pour respecter leur demande et ses conséquences. Nous allons voir d'abord jusqu'à quel point ils peuvent obtenir la signature des entreprises à l'appui des réserves.

Merci.

Cpl T.D. Scherger: Merci.

Le président: Micro numéro un.

Le capitaine C. Phaneuf (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je suis le capitaine Phaneuf. Je suis un officier chargé des questions sociales.

Voilà maintenant de nombreuses années, particulièrement après la guerre du golfe, que nous entendons parler de déploiement, déploiement, déploiement, et il y a beaucoup de gens qui ont été déployés trois ou quatre fois. J'ai cessé de faire le compte. Mais en même temps, dans les journaux militaires, les journaux des bases, les bulletins de personnel, le mot à la mode ces temps-ci est le mot «famille».

La famille est importante. Nous avons la famille à coeur. Nous avons les centres de ressources familiales pour s'occuper de la famille. Les unités font un merveilleux travail avec leurs groupes arrière pour les familles. Nous encourageons les familles dans les forces armées. Les communautés, les écoles et toutes sortes d'autres choses sont là pour les familles.

On reconnaît cependant que les besoins militaires et les besoins familiaux ne sont pas toujours compatibles. En fait, la plupart du temps, ils sont tout à fait incompatibles.

Au cours de mes cinq dernières années d'expérience en tant que travailleur social, j'ai vu des cas où les gens demandaient: «Juste pour cette fois-ci, puis-je être exclu de ce déploiement? Je n'ai pas de raison, je veux tout simplement être chez moi cette fois-ci.» Il n'existe aucun mécanisme permettant à ce soldat de demander à son commandant: «Puis-je rester chez moi cette fois-ci? C'est tout ce que je demande.»

• 1600

Ce que je propose aujourd'hui, c'est qu'il y ait une sorte de programme. Je vais vous donner un exemple, un pourcentage de 10 p. 100. S'il était possible pour un soldat, au cours de son séjour dans les forces armées, de pouvoir décider 10 p. 100 du temps où il ou elle veut être, alors cela voudrait dire qu'au cours d'une carrière étalée sur 20 ans, ce soldat pourrait décider pour un total de deux ans: «Je ne vais pas où que ce soit. Je reste chez moi. Je vais laisser passer ce déploiement-ci; je décide où je veux être pendant six mois sur une période de 20 ans.» J'ai choisi d'utiliser 10 p. 100 comme exemple. Ce sera aux commandants et aux plus haut placés de décider quel sera exactement le pourcentage.

Dans le cas d'un soldat célibataire qui veut tout simplement terminer un dernier cours universitaire pour obtenir son diplôme: «Puis-je rester chez moi pendant trois mois pour finir ce cours?» Dans le cas du chef de famille monoparentale qui est censé aller en service temporaire ou autre chose du genre: «Puis-je laisser passer pour une fois et rester avec ma famille jusqu'à ce que je trouve quelqu'un pour s'occuper de mes enfants sur place, ou prendre des arrangements pour les amener chez ma mère ou autre chose? Cette fois-ci, puis-je avoir la possibilité de rester chez moi?» Dans le cas des couples où les deux conjoints sont militaires—ils doivent tous les deux être déployés maintenant—un conjoint pourrait-il demander de rester à la maison cette fois-ci? Ou même dans le cas des familles où un seul conjoint est militaire. Peut-être y a-t-il une cérémonie spéciale prévue pour sa fille ou autre chose et il ne veut simplement pas participer à cet exercice, à ce déploiement, cette fois-ci.

Pour une certaine partie du temps—10 p. 100, 5 p. 100, je ne sais pas—, le soldat pourrait, sans qu'il y ait quelque répercussion que ce soit, décider de rester chez lui. Cela permettrait au commandant de planifier. Quatre-vingt-dix pour cent de mon unité est disponible pour le déploiement; je dois prévoir pour 10 p. 100. Peut-être que 10 p. 100 des membres de mon unité décideront de se prévaloir de ce programme et de rester à la maison. Il faudra en tenir compte pour les affectations, les opérations, la formation et tout le reste.

Je me rappelle souvent un cas il y a quelques années. C'était une femme qui avait 19 ans de service dans les forces armées et qui, à une année de sa retraite, devait être déployée. Elle est venue me voir en ma qualité de travailleur social—c'est le travail que je fais—et elle m'a dit: «Monsieur, puis-je rester chez moi? J'ai deux chiens; j'ai ces deux chiens depuis 15 ans. Je n'ai pas de famille. Je n'ai jamais été mariée. Ces deux chiens sont ma famille, et l'un d'entre eux se meurt du cancer. Mon chien, mon enfant, mourra d'ici les deux prochains mois. On me demande maintenant de partir en déploiement. Je veux tout simplement rester chez moi.» «Désolé, madame, il n'y a rien que je puisse faire. Il n'y a aucun règlement qui vous offre la possibilité de dire non, je ne veux pas être déployée. Je ne veux pas y aller.» Eh bien, elle a été renvoyée des forces armées. Ses 19 ans sont donc partis en fumée. Elle n'a pas reçu sa retraite parce qu'elle ne pouvait pas dire non.

C'est tout ce que je demande: un certain pourcentage de façon à ce que nous puissions contrôler notre carrière et dire non pendant un certain temps.

C'est tout. Merci.

Le président: Merci beaucoup, capitaine.

Microphone numéro deux.

Le caporal-chef C.A. Isaacs (témoignage à titre personnel): Bon après-midi, mesdames et messieurs, les membres du comité, camarades, yada yada.

J'aimerais dire quelques mots sur la rémunération. Aujourd'hui, les militaires font plus avec moins. Nous voulons faire plus avec moins.

• 1605

Je suis certain que tous les membres des Forces canadiennes ici dans cette salle ont entendu dire que nous travaillons 365 jours sur 365, 24 heures sur 24. On peut être appelé à n'importe quel moment. Il faut tout laisser tomber et aller travailler. Je pense qu'il y a des lois au Canada qui garantissent aux gens un salaire minimum.

Ici en Alberta, le salaire minimum est de 5$ de l'heure. Cela veut dire que même un simple soldat dans les Forces canadiennes qui travaille ici en Alberta recevrait environ 43 800$ par an.

Je ne veux pas soulever un problème sans offrir une solution. Nous avons un problème de moral dans les Forces canadiennes, alors il nous reste à faire un choix, à mon avis. On pourrait envisager une augmentation de salaire considérable, et un salaire de 43 800$ ne serait pas vraiment très différent de ce que reçoivent bon nombre d'autres fonctionnaires, compte tenu du fait que nous ne recevons aucune rémunération pour les heures supplémentaires, que nos avantages sociaux ne sont pas aussi intéressants, que nous ne pouvons pas recevoir d'indemnisation des accidents du travail... Je suis certain que tout le monde ici dans cette salle pourrait trouver en cherchant un peu d'autres avantages que reçoivent les fonctionnaires auxquels nous n'avons pas droit.

Une voix: L'assurance-chômage.

Cplc C.A. Isaacs: Voilà.

Par conséquent, vous comprendrez qu'il n'est pas réaliste de penser qu'un simple soldat sera payé 43 800$. Si c'était le cas, la moitié des gens ici dans cette salle s'évanouiraient sans doute.

Nous devons redéfinir nos heures de travail. On devrait s'attendre à ce que tout le monde travaille 40 heures par semaine. Si quelqu'un travaille plus de 40 heures, ses heures supplémentaires devraient être indemnisées d'une façon ou d'une autre. Cette indemnisation devrait être accordée à tout le monde, peu importe le rang, l'unité, la position, l'éducation, le sexe, ou autre. Tout le monde a les mêmes droits. Si je rentre travailler huit heures...je peux être compensé en temps, c'est-à-dire qu'étant donné que j'ai travaillé 15 heures ce jour-là, j'aurai donc droit à une autre journée de congé, que je pourrai prendre plus tard, ou je ne serai pas obligé de rentrer travailler le lendemain, selon ce qui est décidé.

Le système doit être juste. Il n'est pas juste qu'une personne affectée dans une base travaille 40 heures par semaine et qu'une autre affectée dans une unité de combat travaille 60 ou 80 heures par semaine. Ce n'est tout simplement pas raisonnable. Ce n'est pas raisonnable lorsque quelqu'un vous appelle à trois heures du matin, réveille toute votre famille et dit: «Nous aimerions que vous rentriez travailler». En fait, dans de nombreux cas, je ne crois même pas que les militaires aient une politique qui leur permette de faire cela, mais étant donné qu'il n'y a pas de politique définie permettant au soldat de savoir exactement ce à quoi il a droit, noir sur blanc, en termes simples qu'il peut lire... Si quelqu'un me téléphone au milieu de la nuit et dit: «Caporal-chef Isaacs, vous devez rentrer travailler immédiatement, vous allez travailler sans arrêt pendant les trois prochains jours», c'est ce que je fais car c'est mon travail.

C'est très mauvais pour le moral. Je ne vois vraiment pas pourquoi je n'aurais pas les mêmes droits que tous les autres membres de la société canadienne. Il est déraisonnable de s'attendre à ce que je me présente au travail et que je travaille trois jours sans arrêt et ce, sans recevoir d'indemnisation.

J'ai une femme et deux enfants. Si je travaille le week-end et qu'on me donne deux jours de congé, soit le lundi et le mardi, pendant que ma femme travaille et que mes deux enfants sont à l'école, je dois passer ces deux jours tout seul. Ça ne me compense pas vraiment pour être allé travailler le week-end.

Soyons réalistes. Si je travaillais 24 heures d'affilée... tout le monde ici sait qu'une journée de travail est d'environ huit heures. Ça représente donc trois jours de travail. J'ai travaillé trois jours en une seule journée. En compensation, je devrais recevoir beaucoup plus qu'une journée de congé pendant la semaine.

Je sais que vers la fin des années 60, au moment de l'intégration, on a tenté d'instaurer la parité salariale. Je pense que cela n'a pas fonctionné. La solde que nous recevons à l'heure actuelle n'est pas très bonne.

• 1610

Lorsque je me suis joint aux Forces canadiennes en 1985, les membres des forces n'étaient pas très bien payés, mais ils n'étaient pas mal payés. La vérité, c'est que nos augmentations de salaire depuis lors ne sont rien par rapport au montant d'argent qu'on a enlevé aux soldats des Forces canadiennes au cours de la même période. Le coût de la vie, les augmentations de l'impôt sur le revenu, les augmentations des taxes de vente, une augmentation après l'autre—et une très petite augmentation de salaire, juste assez pour dire: «Nous nous occupons de vous; nous vous donnons 1,6 p. 100 d'augmentation, vous devriez être contents.»

Il y a des soldats ici, dans cette base, qui ont un ou deux enfants et qui n'arrivent pas à nourrir leur famille à même le montant de leur solde. Après avoir payé le loyer de leur logement familial, il reste peut-être seulement 300$ toutes les deux semaines. On les a acceptés dans les Forces canadiennes avec un jeune enfant aux couches. Ces gens-là doivent payer leur lavage, ainsi qu'une foule d'autres dépenses incompressibles, et ils se retrouvent essentiellement dans la pauvreté. Ils touchent moins que s'ils étaient assistés sociaux.

Alors, allons-y avec ce programme. L'idée de base est de dire que nous nous soucions du bien-être des membres des Forces canadiennes. Eh bien, montrons-leur que nous nous soucions vraiment d'eux.

Personne ici n'est esclave. Le gouvernement canadien décrète qu'il y a un salaire minimum chez nous. Ici, il est de 5$. Il est de 7$ en Colombie-Britannique. Dans cette province, le loyer des logements familiaux est établi en fonction d'un salaire minimum de 7$ l'heure. Alors rajustons la solde de la personne qui habite à Esquimalt pour compenser le fait que le coût de la vie est supérieur. Si c'est de 5$ ici et de 7$ là-bas... 120$ pour vivre à l'extérieur de la base... Je ne sais pas, il me semble que ce n'est absolument pas comparable. Mais je me trompe peut-être.

Je voudrais aborder la question des dîners au mess. Les dîners au mess relèvent des FNP. Ce sont les règles des FNP qui s'appliquent, parce que ce sont des fonds non publics. Dans le cas des gens qui sont obligés de travailler à un dîner au mess, on est bien obligé de les payer pour ce travail. Personne ne peut ordonner à un militaire d'aller travailler à un dîner au mess. Cela doit se faire sur une base volontaire, ou bien il faut une rémunération. On est payé tant de l'heure. Si vous vérifiez auprès des militaires qui travaillent au mess, vous verrez qu'eux touchent de l'argent pour les heures supplémentaires qu'ils travaillent, ou enfin une compensation quelconque.

Quiconque se fait dire qu'il doit faire ce travail a le droit de refuser. C'est votre responsabilité à titre de membres des Forces canadiennes de connaître vos droits et si vous estimez que quelqu'un vous donne un ordre qu'il n'est pas habilité à donner, vous avez le droit de dire non. Si c'est écrit noir sur blanc quelque part et que vous pouvez prouver que vous avez raison, vous allez assurément avoir gain de cause et nous espérons que vous gagnerez la guerre.

Le président: Merci beaucoup. Je crois que M. Hanger a une question.

M. Art Hanger: Caporal-chef, j'ai trouvé assez intéressant vos observations au sujet de toute cette histoire de droits. Je crois comprendre que l'on renonce à certains droits quand on s'engage dans l'armée. Ai-je raison?

Cplc C.A. Isaacs: Où est-ce écrit sur le papier, monsieur? Je n'ai jamais rien vu de tel.

M. Art Hanger: Vous avez certaines obligations que n'ont pas les autres membres de la société. Vous pouvez être appelés à faire certaines choses que les autres membres de la société ne sont pas tenus de faire. Je suppose que cela est en soi une distinction. Vous perdez bel et bien certaines libertés. Que vous le vouliez ou non, il semble bien que ce soit le cas.

Voici toutefois où je veux en venir. Étant donné que vous avez renoncé à certaines choses, en comparaison des autres membres de la société, vous et tous ceux qui servent dans les forces armées devez jouir d'une protection quelconque afin qu'il n'y ait pas d'abus, et quand je dis cela, je veux dire des abus de la part du gouvernement, des civils, de certains groupes particuliers.

• 1615

Maintenant, je ne vois pas dans la situation présente beaucoup de défenseurs des militaires de nos jours. Il n'y en a pas. Le gouverneur général est censé vous défendre à titre de chef militaire suprême, mais il ne joue plus ce rôle parce que le mandat du gouverneur général a été réduit à pas grand-chose. Alors qui va s'en charger? S'il n'incombe pas au gouvernement en place, au ministre de la Défense et aux hauts fonctionnaires du MDN de faire valoir ces points haut et clair, alors vous êtes dans de beaux draps. Je pense que c'est probablement ce qui s'est passé.

À propos de droits, je pense que vous avez un certain nombre de droits, mais que vous serez privés de certains d'entre eux parce que vous êtes dans l'armée. Vous devriez avoir au gouvernement des défenseurs qui pourraient soulever les problèmes des membres des forces armées et vous protéger. Je constate que cela n'est pas le cas.

Plus j'en apprends au sujet de ce portefeuille et des responsabilités du gouvernement à l'égard des forces armées, plus je me vois forcé d'admettre qu'en tant que gouvernement, nous n'avons pas été à la hauteur. C'est mon opinion personnelle. Quel rôle pouvons-nous jouer? Il nous incombe de régler ces problèmes de façon concrète. Ce que j'ignore, ce sont quelles garanties vous obtiendrez à ce stade-ci. Je parle à titre de député de l'opposition. Les ministériels pourraient prendre position avec beaucoup plus de clarté que je ne le puis moi-même.

Cplc C.A. Isaacs: Je comprends ce que vous dites, monsieur, mais je crois que le fait d'être citoyen canadien me garantit certains droits et je mets au défi quiconque dans cette salle de me montrer un document où il est écrit que mon appartenance aux forces armées me prive du droit de toucher une rémunération équitable et de recevoir le salaire minimum pour les heures que j'ai travaillées. À mon avis, cela n'est écrit nulle part, mais c'est une supposition que l'on fait. Je vous invite à faire en sorte que l'on ne suppose plus qu'il devrait en être ainsi. Il existe une commission des relations du travail pour protéger les citoyens.

Les membres des forces armées travaillent pour représenter leur pays et ensuite, ils sont réduits à quémander dans les banques d'aliments. C'est inacceptable. Voilà le rôle que vous pouvez jouer. Vous pouvez envoyer au gouvernement un message très clair. Après avoir représenté leur pays à l'étranger, loin de chez eux, ces soldats doivent-ils faire la queue dans les banques d'aliments parce qu'ils ne sont pas suffisamment rémunérés pour subvenir aux besoins essentiels de leur famille?

Je ne pense pas que le gouvernement du Canada ait jamais eu l'intention de limiter la solde du soldat canadien au point d'en arriver à un seuil inférieur au salaire minimum. Je conviens qu'en temps de guerre ou en cas d'urgence nationale, un soldat peut être traité différemment et jouir de moins de droits que le Canadien moyen compte tenu de la nature de son travail. Mais nous parlons du quotidien. Il n'y a ni urgence nationale, ni guerre en ce moment. Donnons le coup d'envoi au programme.

M. Art Hanger: Nous prenons bonne note de vos arguments, caporal-chef. Je pense que la plupart d'entre nous reconnaissent que le gouvernement n'a pas su régler ces problèmes, sinon ils ne surviendraient pas maintenant. Chose certaine, tant du côté ministériel que du côté de l'opposition, nous allons examiner la situation.

Le président: Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le président: Y a-t-il d'autres questions ou observations?

M. David Pratt: Ce n'est pas vraiment une question, mais le caporal-chef Isaacs est libre de commenter, s'il le souhaite. Je pense que ce que M. Hanger voulait dire—et c'est sur quoi tous les députés du comité s'entendent—, c'est qu'à Ottawa, au quartier général de la Défense, il y a de grands penseurs qui discutent de cette notion de contrat social. Essentiellement, ce contrat social s'articule autour du fait qu'à titre de membres des forces armées, vous assumez un fardeau illimité dans votre vie professionnelle pour défendre le Canada. Je pense qu'au fil des ans, sous les régimes conservateurs ou libéraux, le gouvernement et la société n'ont pas honoré leurs obligations à l'égard des membres des forces armées dans le cadre de ce contrat social.

Les problèmes d'aujourd'hui n'ont pas surgi du jour au lendemain et il a fallu longtemps pour en arriver à la situation actuelle. Mais j'espère qu'il ne faudra pas aussi longtemps pour y remédier. C'est certainement ce que je souhaite de tout coeur.

• 1620

Quant à savoir ce qui va se passer à partir de maintenant, je pense que le message que nous avons entendu de votre bouche—et que nous avons entendu aussi à Esquimalt, à Yellowknife et partout ailleurs—est le suivant: il faut renverser la vapeur. Nous devons faire en sorte que les personnes qui portent l'uniforme des Forces armées canadiennes soient fières de cet uniforme et honorées de servir le Canada de cette façon.

Il faudra certainement que le comité déploie beaucoup d'efforts au cours des quelques prochains mois. Je ne sais pas combien de temps il nous faudra pour rédiger notre rapport, mais une fois qu'il sera terminé, je pense que la moindre des choses serait de vous en envoyer des exemplaires pour que vous puissiez lire nos conclusions au sujet du processus tout entier. Ensuite, en tant que députés du gouvernement et de l'opposition, nous devrons nous assurer que le message est entendu à Ottawa. Essentiellement, ce sera notre devoir de faire comprendre qu'il convient de rétablir ce contrat social, qu'il faut qu'il soit reconnu et ce, non seulement au sein du gouvernement. En effet, nous sommes simplement les représentants du peuple. Nos antécédents et nos affiliations politiques sont différents. Il faut nous assurer que ce n'est pas seulement le gouvernement, mais le peuple tout entier qui comprenne la teneur de ce contrat social, qui en reconnaisse la valeur et que cette reconnaissance se traduise sur le plan de la rémunération, des avantages sociaux et des conditions de travail des membres des forces armées.

Je voulais simplement répondre. Je pense que nous sommes tous d'accord avec M. Hanger. Chose certaine, nous avons du pain sur la planche. Sans vouloir susciter de faux espoirs, je pense pouvoir dire qu'en tant que groupe, tous les membres du comité se feront les champions de vos droits de retour à Ottawa. Nous allons essayer de faire notre devoir aussi bien que vous avez fait le vôtre.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer au microphone no 1.

Le major C.T. Langlais (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je suis le major Langlais. Je suis infirmier dans le groupe médical des Forces canadiennes ici, à Edmonton.

Je voudrais aborder une question qui touche directement la santé et les soins du personnel des Forces canadiennes, soit le recrutement et la continuité d'emploi d'officiers médicaux. D'ici cinq ans, nous ferons face à une crise en raison du nombre de médecins que nous ne sommes pas en mesure de recruter, ainsi que du nombre qui quitteront les forces armées et qui partent déjà quotidiennement.

La rémunération des médecins des forces armées ne se compare pas à celle en vigueur dans le civil. Étant donné que cela donne lieu à des soins fragmentés, cette situation a une incidence directe sur la santé de nos troupes. Par exemple, ici à Edmonton, il y a deux médecins des forces régulières qui travaillent à la clinique de la garnison. À eux deux, ces médecins ne peuvent prodiguer des soins à tous les soldats en garnison à Edmonton. Nous avons donc retenu par contrat les services de médecins en espérant pouvoir en convaincre de venir travailler ici. Il arrive qu'il y ait deux ou trois médecins différents qui travaillent un jour donné et il est fort probable que si vous vous présentez à la clinique, vous ne verrez pas le même médecin. Ce phénomène existe d'un bout à l'autre du pays.

Les médecins n'ont pas reçu d'augmentation de salaire... J'ignore quels sont les chiffres exacts au fil des années. Il y a à Ottawa un groupe qui essaie à l'heure actuelle de recruter des médecins en leur offrant les primes réservées aux officiers de recrutement direct. Je sais que cette initiative n'obtient guère de succès.

J'estime très important qu'on se penche sur ce problème car il concerne la santé de nos troupes. Les soldats qui sont déployés ont besoin des traitements médicaux les plus avancés. Pour leur offrir cette qualité de traitements, il faut que nous puissions compter sur des médecins militaires ayant une formation adéquate. L'une des options pourrait être de se tourner vers la réserve. Malheureusement, comme cela a été signalé, ni les médecins militaires, ni les infirmiers militaires d'une unité de réserve qui viendraient servir en cas de déploiement ne pourraient bénéficier de la sécurité d'emploi.

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Passons au micro numéro 2.

Le caporal G.K. Boyce (témoignage à titre personnel): Je vous remercie. Je suis membre du groupe-soutien de zone.

Les questions que je voulais soulever ont déjà été abordées par plusieurs des intervenants qui m'ont précédé, et je ne vais donc pas revenir là-dessus. L'une de ces questions vient d'être évoquée par le major.

• 1625

Depuis quelque temps, il est beaucoup question dans la presse de l'«exode des cerveaux» dans divers secteurs de la fonction publique. Ce phénomène commence à se manifester parmi nous, non seulement chez les médecins et les dentistes, mais également chez les techniciens de ma catégorie, qui sont touchés par lui.

Je suis conducteur de camion; dans le civil la plupart des conducteurs sont payés au kilométrage. Si je passais autant de temps sur la route comme chauffeur dans le civil que je le fais dans le militaire, je gagnerais beaucoup plus que je ne le fais.

C'est un facteur à prendre en compte quand il est question de salaire, avantages et autres. Il faut tenir compte de ce que la personne fait, dans la réalité, et la payer en conséquence; à défaut, c'est nous qui allons assurer la formation de gens qui iront ensuite travailler pour le secteur privé.

On a beaucoup parler du moral. Au cours des ans j'ai occupé plusieurs emplois, civils et militaires, et je peux vous dire que rien n'est plus déprimant qu'une organisation, qu'elle soit petite ou grande, militaire ou civile, qui semble déboussolée. Dans ma brève carrière, j'ai vu notre armée, censée à l'origine être formée à la guerre, passée au stade du maintien de la paix, et à présent, un corps énorme de factotums censé savoir tout faire et plaire à tout le monde. En théorie c'est bien joli, mais dans la réalité on risque de se casser le nez.

Vous allez devoir décider ce que vous voulez de nous et le préciser. Dites-nous clairement, par écrit: voici vos attributions. Ceci fait, il faudra passer à la seconde étape, à savoir ce qu'il vous en coûtera. Il y a une limite aux compressions budgétaires: certains services, certains produits coûtent à la société plus cher que d'autres. Comme camionneur dans le civil, je suis au service de mes clients: je dois entretenir mon véhicule, acheter du carburant, payer mes employés; ce sont là des frais incontournables.

En décidant du genre d'armée que vous voulez, vous devriez savoir qu'il y a un coût, vous devez le payer; sinon, vous allez avoir un produit inférieur. Si les gens qualifiés continuent à quitter l'armée, vous allez vous retrouver avec du personnel de troisième ordre: la qualité, ça se paye.

Je voulais encore soulever une autre question qui n'a pas vraiment de liens avec les autres, mais avec la pension de retraite des militaires. Peut-être suis-je le seul à avoir cette opinion, peut-être y en a-t-il beaucoup comme moi, je n'en sais rien.

Je verse un certain pourcentage de mon salaire au fonds de pension militaire. Je n'ai pas le choix, ce versement est obligatoire et automatique. Autrefois, c'était probablement une bonne mesure—grâce à elle les gens s'assuraient une retraite—, mais nous sommes en 1998. Avec toutes les options offertes aux gens avec les RÉER privés et tous les autres services financiers sur le marché... notre fonds de retraite semble avoir perdu beaucoup de terrain. Il ne s'agit pas nécessairement du montant de notre chèque de pension; ce que j'entends plus précisément... chaque mois je dois verser 130 ou 140$ au fonds de retraite, je ne me souviens plus au juste du montant. Je n'ai pas la possibilité de prendre cet argent et de le faire fructifier moi-même, à un intérêt beaucoup plus avantageux.

• 1630

Ce à quoi cette formule revient, c'est que le gouvernement vous prend chaque mois plus de 100$ et dispose de cet argent sans que je sois consulté. Je ne m'en tire pas trop mal si je termine mon temps de service et touche une pension, ou si je quitte l'armée avant et que j'obtiens le remboursement de mes cotisations, auxquelles s'ajoutent un tout petit pourcentage. Mais j'aimerais que nous ayons tout au moins la possibilité de nous désaffilier de ce régime, afin de pouvoir nous-mêmes investir cet argent—ou tout au moins une partie—à titre privé. De cette façon nous disposerions vraiment de l'argent que nous gagnons. À défaut, notre propre régime de pension devrait être révisé de fond en comble, pour s'aligner sur les régimes existants.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Savez-vous que le gouvernement participe au fonds de retraite?

Cpl G.K. Boyce: Oui, certes.

M. Art Hanger: Si les versements à un fonds de retraite n'étaient plus obligatoires, si chacun était responsable de constituer son propre fonds de retraite, pensez-vous que tout le monde serait capable de le faire?

Cpl G.K. Boyce: Je n'ai pas tout à fait saisi la première partie de votre question, monsieur.

M. Art Hanger: Pensez-vous que tous les membres des forces armées auraient suffisamment le sens des responsabilités pour mettre de l'argent de côté en vue de la retraite?

Cpl G.K. Boyce: Peut-être oui, peut-être non. Mais n'empêche qu'il s'agit de notre argent. Je ne vous propose pas de supprimer le régime de pension, mais je voudrais qu'on me laisse le choix d'y cotiser, ou de placer moi-même l'argent que je remets chaque mois au gouvernement, en l'utilisant comme je le juge bon et en le gérant certainement mieux qu'il ne l'est actuellement.

M. Art Hanger: Il y a autre chose que je voulais vous demander à propos de la retraite. Nombreux sont ceux, dans ce pays, qui dépensent des sommes considérables en hypothèques pour acquérir une maison et accumuler un certain capital. Au moment de la retraite, les hypothèques, dans un grand nombre de cas, sont éteintes. Les gens se sont ainsi constitué un capital assez substantiel qui sera utilisé pour un grand nombre d'entre eux comme fonds de retraite, en plus de ce qu'ils ont pu épargner.

En tant que caporal, pourriez-vous aujourd'hui obtenir une hypothèque pour acheter une maison?

Cpl G.K. Boyce: Je le pourrais actuellement, mais je parle à titre personnel, je ne puis parler pour les autres. Ma situation personnelle me permet de vivre beaucoup plus facilement de mon salaire que d'autres, mais je constitue l'exception, et non la règle. Je ne voudrais pas parler au nom d'autres gens.

M. Art Hanger: Ce que vous voulez dire par là, c'est qu'avec le traitement d'un caporal beaucoup de gens n'obtiendraient pas une hypothèque, supposons de 100 000$.

Cpl G.K. Boyce: Effectivement, cela est fort possible; moi je pourrais l'obtenir, mais c'est en raison de ma situation personnelle. Les facteurs qui s'appliquent à moi ne s'appliquent pas nécessairement aux autres militaires.

M. Art Hanger: Je vous demande pardon?

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Art Hanger: Vous ne rempliriez pas les conditions nécessaires?

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Art Hanger: Combien d'années de service comptez-vous?

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Art Hanger: C'est votre dixième année de service. Merci.

Je vous remercie, caporal.

Le président: Le temps presse, nous allons encore donner la parole aux deux derniers intervenants, au micro numéro un. Pour ceux qui voudront revenir ce soir, nous aurons une autre séance après dîner. Si vous ne pouvez y assister, il vous reste la possibilité de présenter par écrit vos commentaires au greffier du comité.

• 1635

Le sergent T.J. Hoppe (témoignage à titre personnel): Je suis le sergent Hoppe, du Régiment Lord Strathcona's Horse. Je voudrais soulever plusieurs questions: deux d'entre elles risquent de me faire encourir les foudres de mes supérieurs, mais en tant que sous-officier je dois défendre les intérêts de mes hommes.

En premier lieu, comment se fait-il que, quand je prends ma retraite au bout de 20 ans, que je ne touche que 40 p. 100 de ma pension alors qu'un officier, quand il prend sa retraite au bout de 20 ans, en touche 60 p. 100? C'est ce qu'on nous a dit au dernier atelier SPSC, juste avant Noël. J'ai peut-être mal compris, mais c'est ce qu'on nous a dit.

Ma seconde question porte sur la prime de rendement dont il a été question dans les journaux. Comment se fait-il qu'à certains rangs, les gens obtiennent des primes de rendement, alors que cette pièce est pleine de gens qui s'échinent mais qu'il y en a parmi eux—comme on l'a dit—qui vont se ravitailler à la banque d'aliments? Je vous laisse le soin de résoudre cette énigme.

Au sujet des blessures et des questions médicales, il y a quelqu'un qui travaille actuellement pour moi et qui sera congédié des forces armées en raison d'une blessure qu'il a subie au cours de son service militaire. On l'oblige à partir, et il a de la difficulté à obtenir sa pension médicale. Il a fait sa demande par la voie normale, mais on lui a répondu que ses blessures ne sont pas reliées à son service militaire, bien que les formulaires qu'il a remplis lors de la blessure affirment le contraire. Cette personne va commencer maintenant à se battre pour avoir sa pension militaire. Mais pourquoi? On ne devrait pas être obligé de se battre pour recevoir une indemnité à laquelle on a droit s'il s'agit d'une blessure subie au cours de son service militaire.

Il faut aussi mettre sur pied un programme de recyclage destiné à ceux qui sont obligés de quitter la vie militaire à cause des blessures qu'ils ont souffert. Même si je suis blessé je pourrais peut-être continuer de fonctionner, mais je n'ai pas la formation nécessaire pour trouver un emploi dans la vie civile. Il faut mettre en place un système qui pourrait nous offrir des programmes de formation.

L'autre problème que le major a mentionné et dont on ne parle pas beaucoup est le SSPT. Il y a des gens qui travaillent pour moi et qui souffrent de ce problème, mais ils n'en parlent pas car le problème n'est pas reconnu dans les forces armées et ils s'inquiètent des répercussions sur leur carrière. Il est reconnu dans un sens, mais non pas au point où ils peuvent en parler ouvertement.

Une solution serait... Les Américains ont dû faire face à ces problèmes au Vietnam, et ils ont mis en place un système qui semble fonctionner bien. C'est peut-être quelque chose qu'on devrait considérer.

Le président: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant le dernier témoin.

Le caporal-chef C.D. Brunnelle (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité, je suis le caporal-chef Brunnelle. Je viens de 3 PPCLI.

J'avais juste quelques commentaires sur le centre de ressources familiales. Dans ce contexte, je crois que tout ce qui est financé à même les deniers publics sont les postes centraux, non pas les programmes mêmes. Les programmes sont administrés par des bénévoles. Si l'on affectait des montants supplémentaires à ces programmes, nous pourrions les offrir à nos membres.

Je prenais note de ces idées pendant que les gens parlaient.

L'an dernier le Conseil du Trésor a commencé à offrir des prestations de garde d'enfants aux chefs de famille monoparentale. Qu'en est-il des épouses qui travaillent la nuit et dont les maris s'occupent des enfants à la maison? Si les maris sont réaffectés et ne peuvent donc plus s'occuper des enfants, la mère doit payer des frais de garde supplémentaires. Il en est de même des couples mariés dans les forces armées, qui ne reçoivent aucune indemnité s'ils sont réaffectés en même temps. Je sais que la politique concernant les chefs de famille monoparentale n'a pas encore été adoptée dans le cadre du CANFORGEN, mais le Conseil du Trésor a annoncé qu'il la mettrait en oeuvre.

Dans le cas de ceux d'entre nous qui contribuent au régime de soins de santé de la fonction publique, je crois que certains traitements comme des soins chiropratiques ou la massothérapie devraient être admissibles aux forces armées. Quand je pars le lundi matin pour une marche avec sac à dos, le soir je suis épuisé. Si je pouvais réclamer certains de ces frais... Je ne les demande pas tous, mais si les civils peuvent les réclamer en vertu du régime de soins de santé de la fonction publique, pourquoi pas nous. À l'heure actuelle, on peut avoir recours à ces services, mais il faut passer par un physiothérapeute et remplir toutes les formalités voulues. Il faut un certificat du médecin, il ne suffit pas d'aller dire tout simplement: «Écoutez, j'ai mal au dos. Je paierai les 40$ et les réclamerai par la suite en vertu du régime de soins de santé de la fonction publique.»

• 1640

Pour ce qui est des fournisseurs civils, quand j'étais à Calgary, c'était une vraie farce. Changer une ampoule a coûté 300$ aux contribuables canadiens, et c'est quelque chose que j'aurais pu faire moi-même. Je suis allé au service de ravitaillement et j'ai dit que j'avais besoin d'une ampoule. On m'a dit que je ne pouvais pas faire le travail, qu'il fallait faire venir des entrepreneurs. On a embauché un entrepreneur de Red Deer pour venir changer une ampoule à Calgary. On lui a payé une indemnité de millage généreuse, ses repas et son salaire pour la journée pour changer ces ampoules, alors que j'aurais pu aller chercher les ampoules au service de ravitaillement et remplacer les anciennes moi-même. Je n'y comprends rien.

Une semaine plus tard un autre entrepreneur de Red Deer est venu changer la même ampoule. Je lui ai demandé ce qu'il faisait, et il m'a dit qu'il avait une autorisation de travail. Donc ça a coûté 300$ pour changer une ampoule. Comment appelle-t-on ça? Des différents modes de prestation de services.

Le président: C'était une ampoule fort coûteuse.

Cplc C.D. Brunnelle: C'est tout ce que je voulais vous dire.

Le président: Merci.

Y a-t-il des questions ou des commentaires?

Je tiens à vous remercier tous de vos interventions cet après-midi. Je sais qu'il faut partir, mais nous serons de retour vers 18 heures pour une réunion avec les conjoints. Je vous encourage à amener vos conjoints, car je trouve que c'est très important. Nous vous avons écoutés cet après-midi, mais il est également extrêmement important d'entendre le point de vue des conjoints ce soir.

Encore une fois, je vous remercie beaucoup. À ce soir.