SINS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON THE STUDY OF SPORT IN CANADA OF THE STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉTUDE DU SPORT AU CANADA DU COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 12 mai 1998
[Traduction]
Le président (M. Dennis J. Mills (Broadview—Greenwood, Lib.)): La séance est ouverte.
Mesdames et messieurs, bonjour. Nous continuons notre débat et notre discussion sur les liens entre le sport et l'économie canadienne. Nous ferons un bref préambule avant d'entendre nos témoins de ce matin, qui nous parleront de l'ALÉNA et du sport au Canada.
• 0905
En février, nous avons entendu deux professeurs de
l'Université d'Ottawa, Jean Harvey et Marc Lavoie, qui nous ont
expliqué qu'à leur avis, on pourrait envisager de contester
certaines des préférences dont bénéficient les équipes américaines
de la LNH en matière d'investissement.
Il y a quelques semaines, nous avons entendu M. Bettman et les propriétaires d'équipes canadiennes. Dans l'exposé de la LNH, M. Bettman a énuméré plusieurs avantages dont jouissent les équipes américaines, et notre comité a alors pensé qu'il était très important de savoir ce qu'en pensait le ministère. Comme il y avait des articles à ce sujet dans les journaux, nous avions entendu dire que cela ne s'appliquait pas. Nous avons reçu un appel de M. Barry Appleton, qui adopte un point de vue différent.
Nous aurons donc, ce matin, un échange de vue intéressant pour les membres du Comité et nos auditeurs parce que nous allons entendre des représentants de deux points de vue opposés.
Je commencerai par vous souhaiter la bienvenue à tous.
Monsieur Klassen, vous pouvez commencer. Vous pourriez peut- être présenter M. Gero, nous dire quel est votre poste, etc.
M. John Klassen (directeur général, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président, je suis directeur général de...
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): En avez-vous un exemplaire en français?
[Français]
M. John Klassen: Pas pour le moment, malheureusement. Le texte du discours d'ouverture a un peu changé, madame.
[Traduction]
Mon collègue, M. Gero, est l'autre directeur général qui s'occupe de la politique commerciale générale au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
On nous a demandé de venir ici aujourd'hui, monsieur le président, pour expliquer dans quelle mesure, à notre avis, le Canada peut, en vertu des règles actuelles qui régissent le commerce, prendre des mesures relativement aux encouragements financiers utilisés pour attirer des franchises sportives professionnelles, plus particulièrement des équipes de hockey.
Cette question a fait l'objet de plusieurs déclarations et de beaucoup d'articles dans les journaux ces derniers mois. Nous espérons pouvoir aujourd'hui clarifier cette question ainsi que plusieurs des préoccupations qu'elle soulève.
En résumé, aucune disposition de l'accord sur l'Organisation mondiale du commerce ou de l'ALÉNA ne limite, à notre avis, l'octroi de subventions à l'investissement ou au développement par les autorités canadiennes ou américaines au niveau fédéral ou subnational.
Cela dit, monsieur le président, je pensais qu'il pourrait être utile pour ce débat de vous décrire brièvement les disciplines qui existent dans l'OMC et dans l'ALÉNA en ce qui concerne les subventions ainsi que les services et l'investissement. Nous vous dirons également pourquoi, à notre avis, aucune d'entre elles ne s'applique aux subventions destinées à la construction de stades ou d'échangeurs routiers desservant des stades pour attirer des équipes de sport professionnel.
La première question porte sur la définition des termes. D'après le droit commercial actuel, une équipe sportive est-elle un bien, un service ou ni l'un ni l'autre? Des recours sont prévus par l'OMC pour répondre aux effets éventuels de distorsion du commerce découlant de l'aide gouvernementale fournie aux industries locales, mais ces recours sont limités au commerce des biens. Selon l'OMC, les subventions accordées pour la production de biens sont interdites ou peuvent donner lieu à des poursuites si les exportations de biens subventionnés portent préjudice à l'industrie nationale d'un autre pays.
Le sous-comité connaît peut-être le recours possible lorsque l'exportation de biens ainsi subventionnés entraîne un préjudice. Il s'agit des droits compensateurs. Toutefois, les subventions en jeu en ce qui concerne les équipes sportives ne portent pas sur le commerce des biens puisque aucun bien physique ne traverse la frontière pour entrer au Canada. Elles ne sont donc pas couvertes par ces disciplines.
La première question qui se pose au sujet des disciplines que l'OMC ou l'ALÉNA pourraient offrir relativement à la prestation de services est celle de savoir si une équipe sportive est un service et si un tel service serait, de toute façon, couvert par l'un ou l'autre de ces accords.
• 0910
L'OMC et l'ALÉNA prévoient tous deux des disciplines pour les
services. L'OMC oblige ses membres à accorder aux fournisseurs de
services d'un autre pays membre un traitement qui ne peut pas lui
être moins favorable que celui qu'il accorde aux services et aux
fournisseurs de services de tout autre pays membre. C'est ce qu'on
appelle le principe du traitement de la nation la plus favorisée.
Cette obligation ne s'étend toutefois pas aux services et aux
fournisseurs de services du pays membre lui-même, sauf si ce
dernier a pris des dispositions expressément à cette fin. C'est ce
qu'on appelle le traitement national.
L'OMC prévoit toutefois que ses membres pouvaient entamer des négociations pour s'entendre sur les disciplines multilatérales concernant les subventions qui ont un effet de distorsion sur le commerce des services. Un travail préliminaire a commencé à se faire à l'OMC pour étendre les disciplines sur les subventions au commerce des services.
L'ALÉNA va plus loin que l'OMC en accordant le traitement national à certains services et certains fournisseurs de services de ses trois pays membres. Il y a toutefois plusieurs exceptions à ce principe général—par exemple dans les domaines des communications et des services sociaux. En outre, et c'est le plus important, la disposition de l'ALÉNA relative aux services ne couvre précisément pas les subventions.
Pour ce qui est des subventions à l'investissement, l'octroi d'encouragements financiers par un État pour attirer une franchise sportive est, à notre avis, une mesure destinée à favoriser l'investissement et elle doit donc être examinée dans le cadre des obligations imposées par un accord commercial aux investissements.
Il y a peu de règles internationales qui limitent la capacité d'un gouvernement national ou subnational à utiliser des mesures d'encouragement aux investissements pour attirer des entreprises et des investisseurs d'autres pays.
De telles mesures sont abondamment utilisées dans de nombreux secteurs importants de l'économie. Cette question a été soulevée dans le contexte des négociations sur le commerce et les investissements internationaux, notamment l'ALÉNA et, actuellement, l'AMI à Paris. Les résultats atteints ont été extrêmement limités.
L'accord de l'OMC sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce ne prévoit aucune discipline relativement aux mesures de stimulation des investissements. Les dispositions de l'ALÉNA sur l'investissement vont plus loin que les disciplines de l'OMC, mais elles ne prévoient aucune discipline relativement à l'octroi d'encouragements financiers pour attirer les investissements.
En conclusion, monsieur le président, j'espère que ces commentaires pourront aider le sous-comité à comprendre que nos accords commerciaux actuels ne portent pas sur les subventions telles que celles dont il est question dans l'examen qu'effectue le sous-comité.
Il y a eu des discussions préliminaires—et j'insiste sur le mot «préliminaire»—à propos de la possibilité d'étendre les disciplines existantes aux subventions accordées aux produits, aux services et aux investissements, mais elles ne donneront pas de résultat avant longtemps. Cette situation reflète notre prise de conscience du fait que ces subventions peuvent avoir un effet de distorsion sur les économies et qu'elles coûtent cher aux gouvernements et aux contribuables.
Je m'en tiendrai là, monsieur le président, et peut-être pourrons-nous faire ressortir d'autres points au cours de la discussion.
Le président: Merci, monsieur Klassen.
Monsieur Barry Appleton.
M. Barry Appleton (avocat, Appleton and Associates International Lawyers): Monsieur le président et honorables membres du comité, je voudrais vous remercier de nous donner l'occasion de comparaître ici aujourd'hui pour parler de cette question très importante.
Permettez-moi de commencer par nous présenter, mon collègue et moi. Je suis spécialiste du droit international. J'exerce ma profession à Toronto et à New York. Je suis accompagné de mon collègue, Marjan Neceski.
M. Neceski est non seulement un avocat spécialisé en droit international, mais également un économiste. Il travaille avec moi, et nous allons essayer ensemble d'y voir plus clair relativement à certaines des questions que vous pourrez vouloir nous poser aujourd'hui, et nous essaierons de vous présenter un bref exposé.
Je commencerai par un bref exposé, puis M. Neceski se joindra à moi pour répondre à vos questions.
Je voudrais également demander l'indulgence des membres du Comité. Je me présente ici aujourd'hui de ma propre initiative, non pas au nom d'un groupe quelconque, mais simplement en tant qu'expert dans ce domaine. J'ai terminé hier soir le mémoire que nous avons fourni aux membres du Comité, mais il n'est disponible qu'en anglais. Je crois savoir que le greffier fera en sorte qu'il soit traduit.
Je présente mes excuses à tous les membres du Comité ici présents qui ne peuvent pas lire mon mémoire écrit. Je ferai de mon mieux pour en présenter le contenu dans mon intervention orale pour essayer de vous aider.
Je crois savoir que tous les membres du Comité ont reçu un exemplaire des chapitres 11 et 12 de l'ALÉNA en anglais et en français, et je m'y référerai au cours de mon exposé.
• 0915
Je me servirai d'un ordinateur pour essayer de passer en revue
certaines de ces questions complexes.
Fondamentalement, la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui est que le sport est un secteur commercial très important. C'est une industrie au Canada. Dans le cadre de son examen de l'importance du sport dans notre économie, le sous-comité doit examiner les dispositions des ententes internationales qui s'appliquent au sport.
Je me référerai aujourd'hui abondamment à l'ALÉNA et non à l'OMC, mais vous pourrez me poser des questions à ce sujet si vous le souhaitez. L'ALÉNA aborde la question du sport dans son chapitre sur l'investissement. En fait, si nous pouvons commencer cet exposé...
Le président: Je préciserai à l'intention des membres du Comité, pendant que nous attendons que notre témoin commence, que je me rends compte que nous avons un vote à 10 h 30. Donc, quand le témoin aura terminé, nous passerons immédiatement aux questions et nous essaierons de les poser de façon aussi concise et précise que possible afin que tout le monde puisse participer au débat.
[Français]
M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Monsieur le président, je vais profiter de cette accalmie pour faire un commentaire. Je comprends ce que M. Appleton fait. C'est une personne indépendante, et il nous remet volontairement ce document en anglais seulement parce qu'il le fait à ses frais et que le greffier peut s'occuper de la traduction. En tant que vice-président du Comité mixte des langues officielles, si un fonctionnaire des Affaires étrangères vient me dire quelque chose que j'ai déjà entendu et que c'est strictement en anglais, monsieur Klassen, je ne puis accepter cela.
[Traduction]
Je n'accepte pas cela, et je vous demande de faire en sorte que ce soit la dernière fois, parce que je veux m'assurer que tout soit disponible en français et en anglais. Je considère cela comme une atteinte à mes droits en tant que député et que francophone et je n'accepte pas qu'un bureaucrate des affaires étrangères me présente quelque chose seulement en anglais.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Appleton.
M. Barry Appleton: Je vais commencer, et j'espère que l'ordinateur pourra nous rattraper. C'est le charme de la technologie.
Permettez-moi de commencer par vous dire ce que couvre l'ALÉNA.
L'ALÉNA est un accord commercial général qui porte sur les produits, les services et les investissements. De nombreux députés de la Chambre des communes ont examiné l'ALÉNA par le passé et ils continuent à en étudier les répercussions éventuelles, mais le fait est qu'il ne porte plus seulement sur le commerce des produits, mais également sur celui des services et de l'investissement.
Les règles de l'ALÉNA qui régissent l'investissement s'appliquent aux mesures gouvernementales et non pas aux ententes conclues entre des parties privées. Elles s'appliquent chaque fois que les gouvernements sont impliqués, et nous pouvons alors déterminer quels sont les effets des différentes obligations que contient cet accord, mais il s'agit toujours du domaine des activités gouvernementales.
En outre, l'ALÉNA ne s'applique pas seulement au gouvernement fédéral. Par exemple, au Canada, il ne s'applique pas seulement aux activités du gouvernement fédéral ou du Parlement fédéral. Même s'il a été signé seulement par le gouvernement du Canada, il s'applique aux provinces, aux territoires et aux autorités municipales. Aux États-Unis, il s'applique aux gouvernements des États et aux administrations locales. Donc, même s'il a été signé simplement par un palier de gouvernement, il s'applique dans l'ensemble du pays à tous les niveaux des pouvoirs publics.
Les interventions de divers témoins devant ce comité, les articles publiés dans la presse et d'autres discussions ont déjà montré que diverses mesures sont prises en faveur des équipes de sport aux États-Unis. Nous vous montrerons une diapositive à ce sujet dans un instant, mais je vais vous donner trois exemples: premièrement, il y a des subventions accordées aux équipes locales par les États et les municipalités; deuxièmement, il y a des abattements de taxe foncière accordés aux équipes locales par les municipalités; et, troisièmement, il y a l'aide fiscale fédérale accordée sous la forme de financement des obligations municipales. Il s'agit chaque fois d'une aide fournie par les pouvoirs publics.
• 0920
Le premier point avec lequel je suis donc en désaccord avec
mon collègue M. Klassen est qu'il semble penser que les équipes de
sport ne sont pas des investissements. Il a parlé du fait que nous
examinons les mesures d'encouragement à l'investissement.
Nous sommes d'accord pour dire que l'ALÉNA couvre ces mesures, mais pour qu'il soit applicable—et mon collègue dit qu'il ne s'applique pas—il faudrait qu'un investissement soit en jeu. Si c'est le cas, et s'il fait suite à une initiative gouvernementale, on pourrait invoquer les dispositions de l'ALÉNA. S'il ne s'agit pas d'un investissement, l'ALÉNA ne serait pas applicable. Tournons-nous donc vers cette question.
J'ai présenté dans mon mémoire des indications détaillées pouvant vous montrer en quoi le sport constitue un investissement. La définition très détaillée des investissements qui figure dans l'ALÉNA s'y applique à au moins quatre égards.
Vous constaterez, par exemple, que dans l'article 1139 de l'ALÉNA, la définition d'investissement couvre plus d'une page et demie. L'ALÉNA a été conçu pour être un accord très général protégeant les investissements étrangers réalisés dans d'autres pays membres de l'ALÉNA. Cette protection s'effectue en limitant l'activité gouvernementale. Tel est le but de l'ALÉNA lui-même.
Le fait que des équipes sportives canadiennes fonctionnent aux États-unis en tant que filiales d'une entreprise—, c'est-à-dire le fait qu'elles fonctionnent en tant que sociétés ou que certaines d'entre elles aient même des structures sociales distinctes—suffirait à les assujettir à la définition de l'investissement qui figure dans l'ALÉNA.
Par exemple, quand le commissaire Bettman de la LNH s'est présenté devant vous, il a parlé du fonds d'harmonisation et de la façon dont celui-ci, en regroupant tout l'argent que le hockey rapporte dans l'ensemble de la ligue, permet d'assurer un partage des profits issus de cette activité commune. Il s'agit donc d'un investissement aux termes de l'ALÉNA.
Le fait est que les droits de propriété intellectuelle... On sait que le hockey, le base-ball et le basketball sont de grosses activités commerciales. Ce sont des entreprises énormes, et elles possèdent des droits de propriété intellectuelle très coûteux. Elles pourraient même constituer en elles-mêmes un investissement.
Ceci n'est qu'un exemple. Il y en a d'autres.
Les sports professionnels—en particulier le hockey, le basketball et le base-ball—constituent tout simplement tous des investissements aux termes de la définition de l'ALÉNA. Donc, en fait, si ce sont des investissements, nous devons examiner quelles obligations spécifiques sont contenues dans l'ALÉNA, pour voir si elles s'y appliquent ou non.
Je parlerai de deux obligations spécifiques qui, à mon avis, ont été violées par ces règles américaines.
La première est la prescription de résultats. L'ALÉNA interdit toute prescription ou tout engagement imposant l'utilisation de produits ou de services locaux. Cela figure à l'alinéa 1106(1)c). Si un gouvernement fournit une prestation déterminée en imposant des conditions aux bénéficiaires éventuels, s'il exige, d'une façon ou d'une autre, qu'on utilise des produits ou des services locaux, cela constitue une violation de cette partie de l'ALÉNA.
Une entente visant à maintenir une équipe sportive à un endroit donné, une disposition interdisant le déménagement de l'équipe, constitueraient une violation de la prestation de résultats de l'ALÉNA, et plusieurs exemples de telles ententes ont été cités dans le mémoire de M. Noll et de M. Zimbalist, professeurs à l'Université Stanford. Ces ententes violent l'ALÉNA parce qu'elles incitent à maintenir ou à exploiter un investissement à un endroit déterminé.
Qu'on le veuille ou non, l'ALÉNA limite la capacité des gouvernements à prendre des mesures sélectives en fonction de l'endroit où une entreprise est installée. Si un investissement est pratiqué dans la zone de l'ALÉNA, qui inclut le Canada, les États- Unis et le Mexique, on ne peut pas accorder d'autres types d'avantage pour favoriser l'installation d'un service à un endroit particulier. En d'autres termes, une équipe canadienne qui joue au hockey au Canada doit être traitée de la même façon qu'une équipe canadienne qui joue au hockey à Nashville.
Nous savons, par exemple, que les Predators de Nashville ont reçu 20 millions de dollars en cadeau de la municipalité de Nashville pour jouer dans cette ville. La construction de leur stade a été fortement subventionnée. Ils ont bénéficié de dispositions très lucratives pour leur permettre de s'installer là. Et ils continueront d'en bénéficier tant qu'ils continueront de fournir un service à Nashville.
Ce n'est pas autorisé. En droit commercial international, on considère cela comme une forme de prédation. Je dirai donc que les Predators ont bien choisi leur nom.
Passons maintenant au traitement national. Auparavant, permettez-moi d'ajouter juste une autre chose. La prescription de résultats de l'ALÉNA constitue l'obligation d'application la plus générale qui ait jamais existé dans un accord international sur l'investissement. Elle ne s'applique pas seulement, par exemple, aux sociétés canadiennes actives aux États-Unis ou au Mexique, mais tous les pays membres sont convenus d'appliquer cette règle à tous les investisseurs dans le monde entier. Cet article de l'ALÉNA s'applique donc aux Américains qui investissent aux États-Unis tout comme aux Japonais qui investissent au Canada.
• 0925
Le gouvernement de chaque partie à l'ALÉNA s'est dépouillé
unilatéralement de ces possibilités. Si, en fait, nous avons des
politiques qui ne sont pas compatibles avec cela, elles ne sont pas
compatibles avec l'ALÉNA. Il y a une procédure dont je vais vous
expliquer les différentes étapes dans une minute.
Voyons maintenant le traitement national. Le traitement national veut dire, par exemple, que les Canadiens doivent recevoir aux États-Unis le meilleur traitement accordé aux investisseurs américains dans un État donné dans des circonstances similaires.
Cela voudrait dire, par exemple, que les avantages fiscaux qui sont couverts, en particulier pour les taxes municipales—les impôts sur le revenu sont exemptés, et j'en parle assez longuement dans le mémoire... Mais les abattements de taxe foncière municipale—et il y en a un certain nombre—sont tous inclus parce que vous êtes à un endroit déterminé, et que cela viole la règle du traitement national.
Vous pouvez, si vous le désirez, accorder une subvention à toutes les équipes pour payer les taxes municipales ou contribuer à leur paiement. En d'autres termes, si vous êtes la ville de Nashville, de Minneapolis ou de Saint-Louis, vous pouvez accorder une subvention à tout le monde dans ce secteur, qui peut même être limité et inclure seulement le hockey professionnel. Mais cette subvention doit être mise à la disposition de tous. Si vous l'accordez à tous, cela n'aura pas un effet négatif sur le traitement national.
Mais si vous favorisez les équipes locales au détriment des équipes étrangères, c'est une violation. En vertu de l'ALÉNA, vous n'êtes fondamentalement pas autorisé à dire que vous traitez quelqu'un différemment parce qu'il vient d'un pays différent. C'est le critère, et c'est ce qui n'est pas respecté ici.
Examinons simplement les réserves et les exceptions, parce que M. Klassen a fait référence à certaines de celles que prévoit l'ALÉNA.
Premièrement, toutes les mesures prises par le gouvernement d'un État et l'administration locale avant 1994 sont exemptées. En d'autres termes, si elles datent d'avant 1994, elles seront réservées en vertu des dispositions de l'article 1108 de l'ALÉNA.
Deuxièmement, les industries culturelles sont exemptées. Il ne s'agit pas de la culture, mais des industries culturelles. Je vous inviterai à me poser des questions à ce sujet tout à l'heure afin que nous puissions vous expliquer comment cela fonctionne.
Personnellement, je ne vois rien qui constitue une partie plus intrinsèque de la culture canadienne que le hockey, mais il n'est pas couvert par l'exemption qui s'applique ici aux industries culturelles. Celle-ci porte seulement sur les industries expressément désignées, et nous pouvons en parler.
Enfin, aucune exception générale n'est autorisée. L'article 20 du GATT accorde par exemple diverses exceptions générales, mais il n'y en a aucune pour les investissements et les services.
Maintenant, avant de passer à la question des recours, permettez-moi de me pencher sur les services pendant une minute. À mon avis, le sport professionnel est un service aussi bien qu'un investissement. Mais la définition de service qui figure dans l'ALÉNA exempte expressément le type d'activité effectué par des équipes professionnelles de l'application du chapitre sur les services transfrontaliers de l'ALÉNA.
Donc, là encore, quand on examine l'ALÉNA, un des plus gros problèmes que rencontrent ceux d'entre nous qui exercent dans ce secteur est que quelque chose qui paraît devoir s'appliquer, ne s'applique en fait pas quand on regarde les détails.
En particulier, j'ai indiqué dans le mémoire que, si vous examinez le libellé du paragraphe 1213(2) de l'ALÉNA, les dernières parties de la définition, vous constaterez que le chapitre sur les services ne s'applique pas dans ce secteur parce qu'il n'inclut pas la prestation d'un service tel que défini à l'article 1139 au sujet des investissements. En d'autres termes, les équipes professionnelles installées au Canada constituant un investissement aux termes de la définition de l'article 1139, elles sont exclues de l'application du chapitre sur les services de l'ALÉNA, et, bien qu'elles constituent un service, il ne s'agit pas d'un service transfrontalier aux termes de l'ALÉNA.
C'est un peu confus, mais c'est malheureusement ce qui se passe quand on examine cet accord.
Examinons donc les recours. Monsieur le président, quand vous étudierez cette question, vos collègues et vous-même devrez examiner ce que vous pouvez faire, ce que les équipes canadiennes peuvent faire et ce que le gouvernement peut faire à cet égard.
• 0930
Premièrement, il y a deux types différents de recours. Le
premier est prévu au chapitre 20 de l'ALÉNA, qui est une
disposition d'interprétation qui autorise le gouvernement du Canada
à contester une décision du gouvernement des États-Unis devant un
groupe spécial de l'ALÉNA. Un groupe spécial constitué en vertu du
chapitre 20 cherchera à déterminer s'il y a violation des
dispositions de l'ALÉNA, et il rendra un arrêt d'une nature ou
d'une autre. C'est tout ce qu'il fait. Il dira si la décision était
bonne ou mauvaise—c'est un groupe spécial international
traditionnel. Ces groupes n'accordent généralement aucune
compensation.
La deuxième méthode est prévue au chapitre 11 de l'ALÉNA, c'est le recours d'un investisseur contre un État. C'est une procédure assez novatrices pour le Canada, même si elle a déjà été utilisée dans de nombreux autres accords bilatéraux, en particulier des accords auxquels les États-Unis sont parties. De nombreuses décisions ont été prises à ce sujet par des groupes spéciaux en vertu d'accords bilatéraux, mais l'ALÉNA est le premier accord multilatéral qui contienne cela dans ses dispositions générales.
Aux termes de cette procédure, qui constitue un système spécial de règlement des différends, les investisseurs canadiens pourront eux-mêmes contester une décision devant un groupe spécial de compensation hors faute créé en vertu de l'ALÉNA. Ce groupe spécial examinera si les dispositions du chapitre sur l'investissement ont été respectées ou violées par les États-Unis. S'il constate que les équipes canadiennes—elles peuvent intervenir à titre individuel ou en tant qu'association—n'ont pas joui des droits que l'ALÉNA leur accorde en matière d'investissement aux États-Unis, elles auront droit à une compensation.
Cette compensation ne changera toutefois pas les règles, et je veux que cela soit bien clair. Ce système de compensation ne remplace pas les tribunaux et ne frappe pas les lois d'invalidité. Il n'empêche pas une administration locale ou un État d'accorder de tels avantages aux États-Unis. Le groupe spécial déterminera si la mesure était ou non conforme à l'ALÉNA, à peu près comme on le fait pour l'assurance non liée à la responsabilité, puis il accordera une compensation. Les équipes canadiennes—les investisseurs canadiens—auront droit à la compensation qu'ils n'ont pas reçue aux États-Unis, mais c'est tout. Il ne s'agit pas d'abroger les règles.
Soit dit en passant, la compensation serait versée par le gouvernement fédéral des États-Unis, et non pas par l'État ou l'administration locale, ni par l'équipe de la LNH, la franchise de la NBA ou l'équipe de base-ball des États-Unis, ni par leur ligue. Cela n'aura aucune répercussion sur ce qu'ils font. L'administration locale et le gouvernement de l'État peuvent continuer à prendre des mesures non conformes à l'ALÉNA, parce qu'ils n'ont pas signé l'ALÉNA. C'est le gouvernement fédéral qui l'a signé et c'est lui qui est chargé de le faire appliquer et doit payer la compensation.
Donc, en résumé, des mesures prises aux États-Unis violent peut-être le chapitre 11 de l'ALÉNA. Nous sommes d'avis que les équipes professionnelles constituent un investissement et qu'elles sont couvertes par le chapitre sur l'investissement. Nous en sommes tout à fait convaincus.
Deuxièmement, il y a deux types de violations: à l'égard de la prescription de résultats et à l'égard du traitement national. Toutefois, nous sommes d'avis que la question de l'impôt fédéral, en ce qui concerne les obligations municipales, est probablement couverte par une exemption en vertu de l'ALÉNA, mais que toute autre mesure prise par le gouvernement d'un État ou une administration locale n'est pas compatible avec le chapitre de l'ALÉNA sur l'investissement.
Enfin, c'est le gouvernement fédéral des États-Unis qui doit répondre aux questions, et non pas l'administration locale, la ligue, le gouvernement de l'État ou les équipes, parce que c'est une activité gouvernementale. Il s'agit fondamentalement d'une question d'équité. Les équipes canadiennes paient des sommes énormes que les équipes américaines n'ont pas à payer. Ces dernières peuvent utiliser cet argent pour se renforcer et s'améliorer. Elles peuvent constituer de meilleures équipes-écoles, de meilleures équipes de prospection et de meilleurs systèmes de développement. Les équipes canadiennes utilisent ce même argent pour payer leurs taxes. L'ALÉNA dit qu'il faut traiter tout le monde fondamentalement de la même façon à cet égard.
J'ai regardé la partie hier soir à Ottawa. C'était une rencontre passionnante entre les capitales du Canada et des États- Unis. Dieu merci, Ottawa a gagné hier soir, mais pensez à ce que 12 ou 15 millions de dollars supplémentaires auraient signifié pour cette équipe. Les Capitals ont eu toutes sortes d'avantages et s'en sont servis pour parvenir aux éliminatoires. Et Ottawa? Et toutes les équipes canadiennes qui sont dans la même situation? Elles ont dû utiliser leur argent pour autre chose.
• 0935
Quand je lis les déclarations de Rob Bryden, je constate que
les Sénateurs d'Ottawa ont dû payer la construction d'un passage
inférieur sur l'autoroute, d'un échangeur et des autres éléments
connexes. Rien de tel n'a jamais dû se produire aux États-Unis, où
les équipes retirent toutes sortes d'avantages du fait de ne pas
avoir à payer pour cela. Et on le voit au nombre d'équipes qui
participent aux éliminatoires.
Ce type d'avantage serait, par exemple, réinvesti directement dans le hockey ou dans les activités de développement que nous examinons. C'est le genre de chose qui pourrait se produire si les règles du jeu étaient à nouveau égales.
Voilà donc les options dont le Comité et le sport peuvent se prévaloir. Je remercie le Comité de saisir l'occasion d'étudier cette importante question et d'examiner les liens entre ces accords internationaux et le sport.
Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Appleton.
Comme vous le savez, nous disposons de peu de temps ce matin parce que nous devons aller voter à 10 h 30; je commencerai donc par M. Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci.
Premièrement, le point de vue du Parti réformiste est que l'élément clé à cet égard au niveau du gouvernement est qu'au Canada, 32c. de chaque dollar payé en impôts sont utilisés pour le service de la dette—en d'autres termes, pour payer l'intérêt sur la dette—au lieu de 24c. aux États-Unis. Les municipalités, les provinces ou le gouvernement fédéral n'ont donc pas assez d'argent pour faire concurrence aux États-Unis.
Deuxièmement, mon propre point de vue est que la LNH fait preuve de mauvaise foi. Je suis d'avis qu'elle menace le hockey au Canada, et, comme vous l'avez dit, c'est une question d'équité. J'ai regardé les deux parties de hockey hier soir; c'est un sport intrinsèquement canadien, et je suis très choqué qu'une société multinationale qui a un chiffre d'affaires de plusieurs milliards de dollars—c'est ce qu'est la LNH—menace notre sport au Canada. Cela me met très en colère contre la LNH.
Mais je suis également en colère contre le ministre, M. Marchi. Au hockey, il faut faire un effort spécial. Je pense que c'est la raison pour laquelle il nous séduit. Jouer au hockey, c'est s'allonger de tout son corps comme le gardien qui a fait un arrêt alors qu'il était mal placé. C'est un effort spécial. Et c'est ce qui m'irrite tellement chez notre ministre, le fait qu'il ne fasse aucun effort spécial.
Quand le chef de mon parti lui a demandé à la Chambre ce qu'il faisait à propos de cela et de l'ALÉNA, il a répondu en disant que M. Manning patine en gardant ses protège-patins, et il n'a simplement pris aucune initiative.
Je félicite le...
Le président: Monsieur Abbott, je pense qu'il serait important d'indiquer au procès-verbal que, quand nous avons demandé à M. Marchi si des témoins pourraient représenter son ministère devant notre comité, il a réagi aussitôt. Il n'a pas hésité. Je ne voudrais donc pas qu'il y ait de malentendu à propos de sa coopération au sujet de cette question, parce qu'il a réagi immédiatement.
M. Jim Abbott: Merci, monsieur le président. Je respecte votre commentaire au sujet de sa réaction immédiate, mais je pense que la population canadienne cherche des gens qui feront un effort spécial et qui envisageront d'adopter une attitude plus énergique, comme celle qu'a présentée M. Appleton.
Je poserai à M. Appleton la question suivante—et j'aimerais également que M. Klassen y réponde. Sans entrer trop dans les détails, qu'en est-il d'un groupe spécial indépendant? Que faudrait-il pour le constituer? Y aurait-il des conditions préalables, devrait-il être préalablement accepté par les États- Unis? Je ne pense pas que nous pourrions le constituer unilatéralement, mais vous avez dit que c'est un des moyens que nous pourrions utiliser pour contester l'attitude inéquitable de la LNH.
M. Barry Appleton: Monsieur Abbott, c'est une excellente question.
C'est l'ALÉNA. La moitié de son chapitre sur l'investissement porte précisément sur les différends dans ce domaine. Aux termes de l'ALÉNA, les gouvernements fédéraux du Canada, des États-Unis et du Mexique ont donné leur accord préalable à ce type d'arbitrage. En d'autres termes, le consentement des États-Unis n'est pas nécessaire. Il est inclus dans l'ALÉNA.
La procédure prévue à la section B du chapitre 11 est que l'investisseur avise le gouvernement, celui des États-Unis en l'occurrence, de son intention. Il dit qu'il y a un problème dont il aimerait lui parler, et il y a alors une période de consultation de 90 jours.
• 0940
La déclaration d'interprétation de l'ALÉNA présentée par le
Canada parlait expressément de la période de 90 jours pendant
laquelle on peut discuter et prévenir peut-être un conflit, parce
que nous voulons trouver une solution, et non pas nous battre. Au
bout de 90 jours, si rien n'est réglé, l'investisseur peut déposer
ce qu'on appelle un préavis d'arbitrage, ce qui lance la procédure,
de création d'un groupe spécial.
Un groupe spécial est alors nommé—il est composé de trois personnes, sauf si les deux parties s'entendent sur une autre formule. Chaque partie choisit une personne, et celles-ci en choisissent ensemble une troisième. Ce groupe spécial international détermine alors s'il y a violation du chapitre de l'ALÉNA sur l'investissement. Il peut traiter seulement de ce chapitre à l'exclusion de toute autre chose. Il n'attribue aucune responsabilité; il dit simplement si les conditions ont été respectées ou non et il accorde ensuite une compensation.
Un des aspects controversés de l'ALÉNA et des accords ultérieurs, comme l'Accord multilatéral sur l'investissement, est qu'on ne peut pas faire appel de la décision du groupe spécial. Elle doit être exécutée au même titre que s'il s'agissait d'un arrêt de la Cour suprême du Canada ou des États-Unis. Donc, une fois qu'une décision a été prise, elle doit être respectée, et on s'en tient là.
Voilà pourquoi c'est une procédure relativement rapide. Elle cherche à dépolitiser les problèmes. Les échanges trilatéraux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique représentent une valeur d'un trillion de dollars, on ne veut donc pas que les questions de ce genre donnent lieu à d'énormes conflits. Il faut les dépolitiser en examinant simplement les faits pour parvenir à une conclusion.
M. Jim Abbott: D'accord.
Monsieur Klassen.
M. John Klassen: J'aimerais que mon collègue M. Gero réponde.
M. John Gero (directeur général, Direction générale de la politique commerciale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci.
M. Appleton avait absolument raison. Tout investisseur canadien peut se prévaloir des dispositions du chapitre 11 de l'ALÉNA relatives à une plainte contre un État. Il faudrait qu'il prouve qu'il y a eu violation de l'ALÉNA—en l'occurrence, par les États-Unis—et que cette violation des règles lui a occasionné un préjudice. Il doit prouver ces deux choses. Il doit dire qu'il y a eu violation de l'ALÉNA et que celle-ci a porté préjudice à son investissement dans ce pays.
M. Jim Abbott: Monsieur Klassen, vous êtes manifestement en désaccord avec M. Appleton.
M. John Gero: Je ne pense pas que nous soyons en désaccord avec la façon dont M. Appleton a décrit cette procédure.
M. Jim Abbott: Monsieur Gero, je parlais de M. Klassen, parce qu'il ressortait clairement de son exposé qu'il n'était pas d'accord avec ce qu'a dit M. Appleton au sujet de l'existence d'une violation de l'ALÉNA. Donc, selon la façon dont le ministère canadien voit actuellement les choses, nous ne pourrions pas passer à la deuxième étape, n'est-ce pas?
M. John Gero: Je pense que c'est exact. Nous aboutissons à des analyses différentes quant au fait de savoir ce qui constitue ou non une violation de l'ALÉNA dans ce cas précis.
Le président: Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: M. Sauvageau va commencer.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Je vais commencer par m'adresser à M. Gero. Vous avez dit qu'il fallait savoir s'il y a eu préjudice pour les équipes canadiennes de la Ligue nationale de hockey ou de baseball. M. Appleton parlait de la partie de hockey des Sénateurs contre les Capitals de Washington et il nous disait justement ce qu'on aurait pu faire avec 12 millions de dollars de plus. Je ne pense pas que l'on doive passer trop de temps à chercher à savoir s'il y a eu ou non des préjudices pour les équipes nationales canadiennes. Il me semble que c'est évident, mais peut-être que je me trompe. Vous avez parlé de chercher à savoir aussi si les équipes américaines de sport national avaient des avantages indus. Mais mon analyse est peut-être trop simple et vous me direz si j'ai mal compris. M. Appleton a parlé du chapitre 20, mais vous avez répondu sur le chapitre 11 concernant l'investissement et non pas sur le chapitre 20.
Sur le chapitre 11, vous avez dit qu'il s'agirait de voir si les investisseurs peuvent porter plainte. Mais le chapitre 11 concerne les plaintes d'État à État, si j'ai bien vu ce qu'il y avait sur les écrans tantôt. Donc, est-ce que le gouvernement canadien pourrait être sensibilisé et déposer une plainte au lieu que ce soit l'investisseur ou la Ligue nationale de hockey ou de baseball ou peu importe? C'est la question que je pose à M. Gero.
Maintenant, monsieur Appleton, quelles seraient, selon vous, les chances réelles de remporter une victoire si le gouvernement déposait une plainte selon le chapitre 11 sur les investissements?
• 0945
Vous dites donc qu'au lieu de créer un nouveau pacte
fiscal et de trouver une nouvelle forme d'impôt
pour aider les équipes professionnelles, on devrait
travailler d'égal à égal avec les États-Unis, sur le
même terrain et avec les mêmes outils. Et vous suggérez
que nous déposions une plainte pour ce faire.
D'après vous, quelles sont les chances de victoire,
monsieur Appleton?
D'autre part, on peut constater que le chapitre 11 de l'ALÉNA et l'Accord multilatéral sur l'investissement ont beaucoup de points communs. Pouvez-vous nous dire si on doit porter une attention particulière à ce genre de problématique dans les futures négociations sur l'Accord multilatéral sur l'investissement?
Je m'excuse de ne pas vous poser la question sur la culture, mais je crois que nous n'avons pas le temps de le faire.
[Traduction]
M. John Gero: Permettez-moi de couvrir ces deux domaines. Vous avez tout à fait raison, il y a deux mécanismes différents de règlement des différends. M. Abbott s'intéressait à celui qui concerne l'État investisseur, et c'est la raison pour laquelle j'ai fait part de ma réaction à ce sujet; tout comme M. Appleton.
Vous avez absolument raison. Il y a le mécanisme du chapitre 20 qui s'applique quand le gouvernement pense que le ou les gouvernements des États-Unis—M. Appleton a raison; cela n'inclut pas seulement le gouvernement fédéral—violent les obligations imposées par l'ALÉNA et pourrait alors présenter une contestation en vertu du chapitre 20 pour que cette violation soit rectifiée. C'est possible.
Il y a deux mécanismes, mais leur fondement est le même. Y a- t-il eu ou non une violation de l'ALÉNA? Voilà la question. Qu'on invoque le chapitre 11 ou le chapitre 20, qui traitent respectivement d'une plainte d'un investisseur contre un État et des différends, il faut d'abord prouver qu'il y a eu violation.
M. Appleton a mentionné au moins deux possibilités. Il a mentionné la question du traitement national et la possibilité qu'il y ait eu violation à cet égard. Les dispositions du chapitre 11 relatives au traitement national font référence à une discrimination entre divers investisseurs. Cela veut dire qu'il faudrait prouver que l'investisseur canadien ferait l'objet d'une discrimination par rapport à un investisseur américain.
La question qui n'est pas évidente ou à propos de laquelle nous ne disposons tout au moins pas de faits concrets est le cas où un investisseur canadien souhaitait investir dans un contexte particulier aux États-Unis et a constaté qu'il était traité autrement qu'un investisseur américain. Une ville des États-Unis pourrait, par exemple, adopter une position différente vis-à-vis d'un investisseur canadien et lui imposer des obligations différentes de celles qui s'appliqueraient à un investisseur des États-Unis s'il voulait installer une équipe de hockey ou de base- ball. Nous ne connaissons pas de faits qui prouvent qu'une telle discrimination active est pratiquée en tant que telle entre les investisseurs.
M. Appleton a mentionné plusieurs investissements réalisés par les Sénateurs d'Ottawa dans le contexte des paiements de compensation ou des droits de propriété intellectuelle, par exemple. C'est absolument exact. Ces investissements seraient considérés comme des investissements canadiens aux États-Unis, mais il n'est pas clairement établi s'il y a une discrimination entre la vente de maillots des Sénateurs d'Ottawa portant le logo de cette équipe et celle de maillots des Rangers de New York portant le logo de ces derniers. Donc, pour ce qui est de la discrimination entre des investisseurs et des investissements, il faudrait prouver qu'il y a violation et discrimination à cet égard.
Permettez-moi de parler très brièvement de la prescription de résultats, parce que je sais que vous disposez de peu de temps. Comme M. Appleton l'a signalé, il y a des dispositions très strictes au sujet des prescriptions de résultats et de la capacité des gouvernements à imposer des conditions pour les investissements. Mais il y a une différence fondamentale en ce qui concerne l'origine de l'argent investi. Les limitations imposées aux gouvernements sont beaucoup plus strictes pour ce qui est des conditions qu'ils peuvent imposer aux investisseurs si ceux-ci utilisent leur propre argent, en d'autres termes pour dire qu'il faut faire faire telle ou telle chose si on veut investir.
Les règles qui régissent les conditions pouvant être imposées aux investisseurs lorsque des fonds publics sont utilisés pour encourager les investissements sont totalement différentes. À ce moment-là, je pense que tous les gouvernements... C'est ce que M. Klassen a dit à propos des raisons pour lesquelles il y a très peu de règles internationales concernant les subventions et les encouragements à l'investissement. Il y a très peu de disciplines internationales qui s'appliquent aux conditions que les gouvernements peuvent imposer à l'accord d'un avantage, d'une mesure d'incitation, d'une subvention ou d'un avantage fiscal. Toutes ces mesures sont considérées de la même façon, parce qu'à ce moment-là, on utilise des fonds publics.
• 0950
Il semble donc que la plupart des gouvernements veulent se
réserver la possibilité d'évaluer les avantages qu'ils retirent de
l'utilisation de fonds publics sous une forme ou une autre. Il
n'est donc pas clairement établi que, quand il s'agit d'accorder
des fonds publics, les disciplines qui s'appliquent sont les mêmes
en cas de violation à cet égard.
Pourquoi ne pas m'arrêter ici?
M. Barry Appleton: Je vais vous donner une réponse simple. Premièrement, l'exposé que je vous ai présenté aujourd'hui est très mesuré et non pas combatif, contrairement à ce que M. Abbott a laissé entendre. Il s'appuie en tout point sur les accords de l'ALÉNA.
Je dois vous dire que je suis heureux que M. Klassen et M. Gero soient ici, mais je trouve que le point de vue qu'ils présentent devrait plutôt être défendu par le gouvernement américain que le gouvernement canadien. Je me serais attendu à ce que le gouvernement canadien examine ces questions très attentivement pour voir comment venir en aide aux équipes canadiennes au lieu d'essayer de donner l'impression qu'on ne peut rien invoquer. C'est quelque chose qui, j'en suis sûr...
Le président: Monsieur Appleton, je pense que M. Gero vient justement de dire que le gouvernement ne s'est pas encore décidé.
M. Barry Appleton: D'accord. Je retire ce que j'ai dit, et j'espère qu'ils examineront cela avec attention, parce que c'est une question très importante.
Quand on examine cette question de façon, je dirais, très mesurée, nous semblons avoir des arguments très solides. Permettez- moi de vous signaler deux choses.
Il y a, premièrement, la discrimination dont M. Gero a parlé. Si vous examinez le GATT et la page 14 de mon mémoire, vous verrez que je fais référence à la décision prise par le GATT en 1990 à propos de la Communauté européenne dans l'affaire des oléagineux. Le GATT a alors dit très clairement que la violation du traitement national n'a pas à être effective et qu'elle peut être hypothétique; ce qui compte est l'existence d'une discrimination systémique et d'un préjudice.
Je ne suis donc manifestement pas d'accord avec son interprétation du droit. Bon, je sais que M. Gero n'est pas juriste, je ne peux donc pas m'en prendre à lui sur ce point, mais c'est bien ce que dit le GATT, et je ne suis donc manifestement pas d'accord avec lui.
Deuxièmement, en ce qui concerne la prestation de résultats, M. Gero a laissé entendre qu'on peut faire plus de choses quand il s'agit de conditions imposées pour l'octroi d'un avantage ou d'une subvention. Ce qu'il dit est exact jusqu'à un certain point, et c'est compliqué. À la page 11, je présente un tableau pour aider les membres du Comité à examiner cette question extrêmement complexe.
Je peux vous expliquer très brièvement pourquoi, en fait, la conclusion de M. Gero est inexacte, parce que, comme je l'ai indiqué, vous verrez dans le tableau que j'ai examiné le paragraphe 1106(1), qui est une interdiction générale.
Ensuite, le paragraphe 1106(3) prononce certaines interdictions au sujet des avantages. Un avantage n'est pas seulement une subvention. C'est une subvention, une concession fiscale et le financement d'un prêt. C'est le terme le plus général qu'on puisse utiliser dans le commerce international.
Le paragraphe 1106(1) énumère sept choses qu'on ne peut pas faire, et le paragraphe 1106(3) en énumère quatre, mais il ne dit pas quel lien il y a entre elles. Il dit simplement qu'il y a d'autres choses qu'on ne peut pas faire.
La raison en est que le paragraphe 1106(4), qui est reproduit à la page 12, ajoute qu'aucune disposition du paragraphe 3 ne peut empêcher de faire un certain nombre de choses. Il dit qu'on peut imposer l'obligation de situer l'unité de production, de fournir un service et de former ou d'employer des travailleurs. Il s'agit du genre de chose que les gouvernements pourraient vouloir faire.
Par exemple, c'est le niveau auquel se situe l'accord de l'OMC sur les mesures concernant les investissements et liées au commerce. L'OMC n'a aucune règle claire à cet égard, mais l'ALÉNA est allé plus loin.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord avec M. Gero. L'ALÉNA dit qu'«aucune disposition du paragraphe 3 ne sera interprétée»; il ne dit rien au sujet du paragraphe 1. Donc, si vous consultez à nouveau ce tableau, vous constaterez que le paragraphe 3 parle de privilégier des produits. Vous pouvez le voir à la deuxième colonne de la deuxième rangée.
Mais le paragraphe 1106(1), l'autre interdiction, parle des produits ou des services; donc, comme on dit, cet article prend d'une main pour retirer de l'autre.
Le paragraphe 1106(4) dit qu'on peut accorder une subvention pour l'installation d'une unité de production. Cela s'appliquerait donc si nous parlions de bâtons de hockey plutôt que du hockey lui- même. Mais nous ne parlons pas ici seulement de produits, nous parlons de services et d'investissements. Étant donné que le paragraphe 1106(4) ne modifie pas le paragraphe 1106(1) en ce qui concerne les services, c'est à cet égard que le point de vue de M. Gero et des ministères est incorrect.
• 0955
Je suis désolé de vous répondre de façon complexe, mais c'est
l'article le plus complexe de l'ALÉNA, et j'avais l'impression
qu'il faudrait que les membres du Comité sachent que les auteurs de
l'ALÉNA ont, de toute évidence, envisagé cette question. Si vous
consultez à nouveau le tableau, vous constaterez, dans la dernière
rangée, qu'une autre disposition, l'alinéa d), porte à la fois sur
les produits et les services.
Il est donc clair que, dans le paragraphe 1106(3), quand les auteurs de l'ALÉNA ont voulu modifier les choses, ils ont pensé aux produits et aux services. Manifestement, à l'alinéa d), qui est juste au-dessus, ils veulent seulement traiter des produits.
C'est exactement la raison pour laquelle c'est une prescription de résultats. C'est exactement le genre de chose qui impose des restrictions à la marge d'action des pouvoirs publics.
Donc, pour répondre à cette question de façon simple, je crois que nous avons de solides arguments. Je crois que les investisseurs canadiens qui déposeraient une plainte auraient gain de cause; mais, si le gouvernement n'adopte pas un point de vue différent, cela inciterait plutôt les investisseurs à faire cela de leur côté plutôt qu'à s'adresser à notre gouvernement pour qu'il défende leur cause.
Le président: Nous devons maintenant passer à quelqu'un d'autre.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Les interprètes n'ont pas traduit la dernière partie et je n'ai pas compris la dernière phrase qu'il a dite.
[Traduction]
M. Barry Appleton: Je disais la chose suivante: les dispositions relatives à une plainte d'un investisseur contre un État ont pour objet de permettre à un investisseur de faire valoir lui-même ses droits de son mieux sans avoir à compter sur le gouvernement pour le défendre. La raison en est qu'un investisseur pourrait exprimer plus clairement ses préoccupations qu'un gouvernement qui a d'autres choses en tête.
C'est une bonne raison pour laquelle les équipes canadiennes pourraient envisager d'utiliser cette procédure au lieu d'invoquer le chapitre 20, à moins que le gouvernement ne se mette à faire valoir leurs arguments avec beaucoup d'empressement.
Le président: Monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre: Je voudrais tout d'abord vous remercier de cette présentation. Je pense qu'il y a des choses extrêmement intéressantes qui suscitent encore plus de questions.
Monsieur Gero et monsieur Klassen, j'essaie de comprendre. Est-ce que le gouvernement canadien s'est penché clairement sur la question des équipes professionnelles? Vous avez dit non au début, et là c'est not clear. Est-ce qu'à votre avis, à la lumière de ce que M. Appleton a dit, le gouvernement canadien va faire des démarches pour étudier le dossier ou bien est-ce que vous l'avez déjà fait?
[Traduction]
M. John Gero: J'ai reçu un exemplaire de l'étude de M. Appleton tard hier soir. Nous allons certainement l'examiner avec beaucoup d'attention. Étant donné que nous pensons qu'il y a d'importantes questions juridiques qui se posent, nous demanderons certainement à nos avocats de l'examiner.
[Français]
M. Denis Coderre: Donc, le gouvernement n'a encore rien fait présentement au niveau des équipes professionnelles, sous l'ALÉNA, parce qu'il pensait que cela ne s'appliquait pas de toute façon. On n'a donc pas fait de démarches à ce niveau-là pour le moment.
[Traduction]
M. John Gero: C'est exact.
[Français]
M. Denis Coderre: D'accord. Si j'ai bien compris, s'il y a plainte en vertu du chapitre 11, il y a une compensation mais la loi ne change pas. S'il y a plainte en vertu du chapitre 20, c'est-à-dire de gouvernement à gouvernement, est-ce que cela a un impact sur la loi? D'autre part, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'appel, mais est-ce qu'il n'y a pas what we call an extraordinary challenge qu'un gouvernement peut utiliser à la suite d'une décision de la cour?
[Traduction]
M. Barry Appleton: Monsieur Coderre, c'est une très bonne question. Permettez-moi de répondre séparément aux différentes choses que vous avez mentionnées.
M. Denis Coderre: Oui, je vous en prie.
M. Barry Appleton: En cas de contestation en vertu du chapitre 11, vous avez raison de dire qu'il y aurait une compensation, mais on ne pourrait pas modifier la loi. En cas de contestation en vertu du chapitre 20, le groupe spécial ne pourrait pas abroger la loi. Il dirait que les États-Unis ne respectent pas l'accord et il demanderait au gouvernement des États-Unis de prendre, si possible, des mesures pour rendre ses lois conformes aux obligations imposées par l'ALÉNA.
Le groupe spécial n'a donc pas le pouvoir d'abroger la loi, mais seulement celui de rendre une décision. Il incomberait ensuite au gouvernement américain de voir ce qu'il pourrait faire pour se conformer à cette décision dans le cadre du droit constitutionnel américain.
Pour ce qui est de la procédure extraordinaire d'appel, elle porte sur les questions de subventions et de droits compensateurs pour les produits. C'est le chapitre 19 de l'ALÉNA, pas le chapitre 20. Le chapitre 20 de l'ALÉNA traite de l'interprétation et ne prévoit pas d'appel. Le chapitre 11 de l'ALÉNA, qui porte sur l'utilisation du mécanisme concernant les plaintes des investisseurs contre un État, prévoit une procédure qui donne lieu à une sentence arbitrale, mais il ne prévoit aucun appel.
[Français]
M. Denis Coderre: Si on le fait en vertu du chapitre 20 et que cela ne satisfait pas le gouvernement, est-ce qu'à ce moment-là on peut appliquer le chapitre 19?
[Traduction]
M. Barry Appleton: Non. Le chapitre 19 porte sur les cas de discrimination.
M. Denis Coderre: Soit dit en passant, je ne suis pas avocat.
M. Barry Appleton: Vous posez des questions excellentes, tout comme si vous étiez avocat.
M. Denis Coderre: Merci beaucoup.
M. Barry Appleton: Le chapitre 19 s'applique aux déterminations nationales pour les subventions et les droits compensateurs concernant les produits. Si nous parlions de bâtons de hockey plutôt que du hockey, le chapitre 19 s'appliquerait, mais puisque nous parlons d'un service et d'un investissement, il ne s'applique pas. C'est le chapitre 20 qui s'applique. Nous n'utiliserions donc jamais le chapitre 19.
La question serait de savoir si nous devrions utiliser le chapitre 11 et le chapitre 20 ou seulement un des deux? En fait, on pourrait vouloir invoquer les deux en même temps.
Je dois signaler que le chapitre 11 impose certaines limites; la méthode la plus sûre pour les équipes canadiennes serait donc probablement de commencer par présenter une plainte en vertu du chapitre 11, parce que le chapitre 20 n'impose aucune limite de temps aux conflits d'interprétation entre les gouvernements.
[Français]
M. Denis Coderre: Monsieur Gero, j'ai quelque chose pour votre réflexion personnelle. Vous parlez de discrimination. Lorsqu'on voit ce qui s'est passé pour les Jets de Winnipeg et les Nordiques de Québec, on se rend compte qu'il y avait un trop petit marché et que l'équipe est partie soit à Phoenix, soit au Colorado, justement à cause des avantages que cette ville offrait à ces équipes en matière d'infrastructures, et même au niveau des mutual tax bonds et le reste. Est-ce qu'a contrario, on ne pourrait pas penser que le déménagement de ces équipes a désavantagé le Canada et les villes canadiennes qui ont perdu leur équipe? On peut dire qu'on veut discuter sur un pied d'égalité, mais les villes canadiennes n'étant pas à égalité du point de vue fiscal et perdant au taux de change, on pourrait démontrer qu'il y a une certaine discrimination et, par conséquent, faire appliquer le chapitre 11.
[Traduction]
M. John Gero: Eh bien, non. Ceci est d'une autre nature. Dans un cas, il s'agit de savoir s'il y a une différence entre les avantages et les subventions fournis par une ville ou une autre. Le chapitre 11 concerne le fait de savoir si deux investisseurs différents ont été traités de façon discriminatoire par une ville. Ce sont des problèmes différents.
[Français]
M. Denis Coderre: Mais le système de taxation n'est pas le même et on offre, par exemple, aux Predators de Nashville 20 millions de dollars de compensation. Il est clair qu'il y a discrimination. Quand une ville n'offre pas les mêmes avantages que l'autre, il est évident qu'il y a discrimination.
[Traduction]
M. John Gero: Je pense qu'il s'agit-là d'une différence entre les mesures incitatives offertes par des gouvernements différents et non pas d'une discrimination effectuée par un gouvernement entre deux investisseurs. À cet égard, on a essayé d'examiner dans divers contextes les disciplines applicables aux subventions ou aux mesures d'encouragement aux investissements au niveau international, pour essayer d'éliminer les différences de ce genre, mais on n'y est pas encore parvenu.
M. Denis Coderre: Puis-je poser une autre question?
Le président: Une question brève, et nous passerons ensuite à M. Riis.
[Français]
M. Denis Coderre: Nous allons extrapoler, monsieur Appleton.
[Traduction]
Nous avons de bons arguments. Ça marche.
[Français]
Premièrement, combien est-ce que cela représenterait en millions de dollars? Ça pourrait être 300 millions de dollars que Washington serait obligé de payer aux franchises canadiennes, comme vous le dites. Donc, on paie à la Ligue nationale, qui va faire an equalization among the six franchises, for example. C'est un bon coup, mais finalement, est-ce que ça ne va pas contribuer à tuer le sport? Même si on est sur le même pied, cela ne réglera pas la question fiscale ni la question législative, et Washington pourra empêcher d'autres villes de faire la même chose. Donc, on vient de tuer, d'une certaine façon, l'expansion de la Ligue nationale de hockey.
[Traduction]
M. Barry Appleton: C'est une excellente question. Permettez- moi de parler d'abord de l'évaluation, puis des répercussions éventuelles.
Je ne suis pas évaluateur. Il y a d'excellents évaluateurs qui examinent les questions comme celles qui concernent l'ALÉNA. Ils nous diront quelle est la somme. Nous savons qu'il y a une perte. Nous savons qu'il y a un préjudice. Je suppose que la perte dépasse 100 millions de dollars. Elle est peut-être même plus élevée. Je ne peux pas vous le dire.
Je répète que je n'ai pas été engagé pour représenter une équipe quelconque. Je sais seulement ce que je lis dans les journaux et ce que je vois dans les études. Vous avez peut-être une meilleure idée de la situation que moi, mais ce n'est pas juste une petite somme.
Quant à la deuxième question... Je suis désolé, il faudra que vous la répétiez, je pourrai alors y répondre, monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre: La question est claire. Dans la mesure où il y a effectivement compensation, we have a case. Est-ce que, d'une certaine façon, on ne va pas tuer l'expansion de la Ligne nationale de hockey?
[Traduction]
M. Barry Appleton: Merci. Je suis désolé, c'était une question tellement bonne qu'elle m'a troublé.
Pour ce qui est des répercussions possibles sur la LNH, en premier lieu, on ne sait pas exactement si, en vertu du droit constitutionnel américain, le gouvernement fédéral des États-Unis peut ou non modifier les lois promulguées dans ce domaine par les États ou les municipalités. C'est une question interne au droit américain, et je ne suis pas sûr qu'il pourrait le faire. Ce qui se passe est que le gouvernement fédéral des États-Unis assume la responsabilité internationale au titre de cet accord, et il doit ensuite prendre ses propres dispositions à cet égard.
À mon avis, il y a, dans le droit canadien, des dispositions qui pourraient permettre au Parlement fédéral d'obtenir de l'argent d'un État ou d'une province dans un tel cas. Il s'agit, là encore, d'une question qui touche le droit interne du Canada.
À ce sujet, je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, le gouvernement des États-Unis pourrait percevoir quoi que ce soit. En fait, il y a une situation assez bizarre dans laquelle les États et les administrations locales qui le voudraient pourraient donner autant d'avantages qu'elles le désirent à de nouvelles équipes et violer ainsi l'ALÉNA à leur guise en forçant le gouvernement national des États-Unis à payer aux équipes canadiennes concernées le prix découlant de leurs actions.
Cela paraît un peu absurde, mais c'est, en fait, comme cela que fonctionne l'ALÉNA. Au lieu de faire quoi que ce soit pour rendre l'expansion plus difficile aux États-Unis, cela pourrait faire qu'elle serait aussi facile que jusqu'à présent. Les municipalités qui veulent une équipe vont continuer à faire de la surenchère pour l'obtenir. Comme cela ne leur coûte rien, peu leur importe. Le gouvernement national des États-Unis ne va pas aimer ça.
Le président: Merci, monsieur Appleton.
Monsieur Riis.
M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président. La séance de ce matin est très intéressante.
Ma première question s'adresse à M. Gero.
Pour ce qui est du niveau de subvention qu'une franchise pourrait se voir offrir, disons, aux États-Unis, si, dans l'exemple de Nashville, la ville avait offert 100 millions de dollars par an et un stade gratuit avec un accès complètement gratuit et tout un ensemble d'encouragements incroyables, continuerions-nous de penser qu'il n'y a pas de concurrence déloyale?
M. John Gero: Non, nous demanderions si le fait d'offrir toutes ces mesures d'encouragement violerait ou non une obligation en vertu de l'ALÉNA. Et la question est...
M. Nelson Riis: Cela nous ramène à votre explication antérieure, quand vous disiez que tant qu'on ne faisait pas de distinction et que ces subventions incroyables étaient mises à la disposition de toute équipe qui souhaitait s'installer à cet endroit...
Je viens de Colombie-Britannique et je pense au bois d'oeuvre. Il y a des sociétés américaines et des sociétés canadiennes qui paient toutes les mêmes droits de coupe; en d'autres termes, il n'y a pas de distinction entre elles. Or, nous avons reconnu qu'il y avait là une subvention et, par conséquent, il y a des droits compensateurs que nous avons acceptés, ainsi que des quotas. Quelle différence y a-t-il entre cela...?
M. John Gero: Permettez-moi de prendre l'exemple du bois d'oeuvre. Premièrement, nous n'avons pas reconnu qu'il y avait une subvention, mais c'est un des conflits que nous avons avec les États-Unis. En matière de droits de coupe, puisqu'il y a des investisseurs américains et canadiens, ils peuvent manifestement tous bénéficier des mêmes dispositions, et il n'y a pas violation des dispositions du traitement national par le gouvernement de Colombie-Britannique, par exemple, parce qu'il offre la même chose quelle que soit la nationalité de l'investisseur. Il n'y a aucune différence.
Ce qui se passe, et c'est de cela que les États-Unis se sont plaint, est qu'en fixant cette subvention à un niveau trop faible, nous subventionnons, en fait, le bois, alors que les États-Unis vendent leurs arbres, d'après eux, à leur «juste valeur marchande».
Il y a une divergence de vues au sujet de savoir si cela constitue ou non une subvention. À plusieurs reprises, ils ont essayé de prouver qu'il y a une subvention et ils ont imposé des droits compensateurs sur les exportations de bois canadien aux États-Unis, mais il n'y a rien qui dise qu'on ne peut pas fournir cela.
Tout ce qui se passe est que si ce bois entre aux États-Unis, des droits compensateurs peuvent être imposés. Comme vous le savez, c'est un conflit que nous avons avec les États-Unis depuis plusieurs années. Ils n'ont jamais prétendu qu'on ne peut pas fournir une subvention en tant que telle. Ils ont dit que, si on le fait et qu'on veut exporter aux États-Unis, ils ont, de toute évidence, le droit d'imposer des droits compensateurs.
M. Nelson Riis: Voudriez-vous répondre à la même question, monsieur Appleton?
M. Barry Appleton: Monsieur Riis, j'ai des opinions bien arrêtées au sujet du bois d'oeuvre, et il faudrait plus de temps que ce dont nous disposons ici aujourd'hui pour les passer en revue; je préfère donc ne pas donner mon avis. Mais je serais heureux d'en parler avec vous et d'autres membres du Comité lors d'une autre audience qui porterait sur cette question.
M. Nelson Riis: Très bien.
Pour revenir à la question de mon collègue, il semble y avoir des violations dans ce domaine. Il semble y avoir un préjudice. Monsieur Klassen, je conviens qu'il peut y avoir là une interprétation différente, mais disons que nous sommes d'accord pour ne pas être du même avis à cet égard et disons que les personnes présentes autour de cette table pensent qu'une plainte serait fondée. Vous pouvez contester notre raisonnement tout en disant: «Bon, vous êtes un brave homme, je vais simplement accepter ce que vous dites.»
Pourquoi n'essaierions-nous pas de voir ce que cela donne, ne serait-ce que pour marquer le coup? Que nous puissions ou non gagner en droit en nous appuyant sur l'ALÉNA, cela susciterait manifestement un débat public intéressant au Canada et aux États- Unis. Y a-t-il une raison quelconque qui nous empêche de le faire, à part le fait qu'à votre avis, nous n'aurions pas de solides arguments? M. Appleton pense le contraire.
M. John Klassen: Je ne contesterai certainement pas le raisonnement du Comité, monsieur Riis, et, contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Appleton tout à l'heure, le ministère et le ministre sont tout à fait prêts à défendre les intérêts du Canada chaque fois que c'est possible et ils veulent le faire. Nous avons une longue tradition de conflits avec les États-Unis dans le cadre de l'OMC et de l'ancien GATT; nous l'avons fait, et nous continuons de le faire. Il ne s'agit donc pas de savoir si le ministère est disposé à défendre les intérêts du Canada.
Il s'agit, en réalité, comme vous l'avez résumé, d'une divergence de vues honnête au sujet du bien-fondé d'une plainte. Nous avons reçu le mémoire de M. Appleton. Nous l'examinerons de façon extrêmement détaillée et nous en parlerons avec nos spécialistes du droit commercial.
Pour en venir à votre autre question, elle pose un problème politique. Si nous pensons, si nos experts juridiques pensent réellement que ce n'est pas une affaire que nous pourrions gagner ou que nous devrions même soumettre en tant que violation de l'ALÉNA, ce ne serait peut-être pas le meilleur endroit pour avoir la sorte de débat politique public dont vous parlez dans ce contexte. Nous devrions peut-être bien avoir un débat à ce sujet avec les États-Unis et le porter davantage sur la place publique. Mais si, à notre avis, les dispositions de l'ALÉNA ne sont pas réellement pertinentes, cela revient à abuser de cet accord. Cela revient à abuser d'une procédure qui nous est très utile. Si les États-Unis devaient utiliser cette procédure pour des questions auxquelles lesquelles nous pensons qu'elle n'est pas réellement censée s'appliquer, nous nous y opposerions certainement et nous en prendrions ombrage.
M. Nelson Riis: Je dirai à M. Gero au sujet du point précédent que c'est, à notre avis, la situation des Américains à propos du bois d'oeuvre: ils n'ont pas de bons arguments. Nous l'avons déjà dit clairement et nous continuons de penser ainsi. Comme l'a dit M. Gero, nous n'avons jamais accepté ce qu'ils ont fait et nous sommes d'avis qu'ils ont pris une mesure inappropriée.
Si le Comité, après avoir entendu d'autres interventions à ce sujet en plus de celles qui ont été présentées aujourd'hui et après avoir reçu une réponse de votre part et peut-être consulté d'autres personnes, décide que, tout bien pesé, cela semble être un point de vue que nous devrions défendre, existe-t-il une raison de nous en abstenir, à part le fait que cela pourrait simplement déplaire à nos amis américains?
M. John Klassen: Je n'ai pas peur de déplaire aux Américains ou à qui que ce soit contre qui nous déposons une plainte. C'est une décision qui devrait être prise par le ministre: est-ce le bon mécanisme pour avoir ce genre de débat?
M. Nelson Riis: D'accord.
Pour ma dernière question, monsieur le président, je reviendrai à l'exposé présenté ce matin par M. Klassen. Il dit, à la page 4: «À notre avis, une équipe sportive ne peut pas être définie comme un service...». Puis, à la page 5, il déclare: «les dispositions de l'ALÉNA sur l'investissement vont plus loin que les disciplines de l'OMC, mais elles ne prévoient aucune discipline relativement à l'octroi d'encouragements financiers pour attirer des investissements.»
Monsieur Appleton, êtes-vous d'accord avec l'une ou l'autre de ces déclarations?
M. Barry Appleton: Pour ce qui est du chapitre sur l'investissement, non, absolument pas, et j'ai expliqué pourquoi de façon détaillée dans mon mémoire.
M. Nelson Riis: Oui.
M. Barry Appleton: Et j'ai cité des preuves pour expliquer précisément pourquoi je crois que ce n'est pas juste.
En ce qui concerne le chapitre sur les services, je crois, pour les raisons que j'ai énoncées dans le mémoire, que les chapitres sur les services transfrontaliers ne sont pas applicables, mais celui sur les services l'est, et puisqu'il n'y a pas de règles similaires dans l'OMC—par exemple, dans l'accord AGCS—, il s'appliquerait peut-être là. Il y aurait donc peut-être d'autres accords qui seraient également applicables.
• 1015
Je peux peut-être faire un bref commentaire à propos de votre
dernière question. Dimanche, je suis passé à l'aréna de hockey qui
est près de l'endroit où j'habite. J'ai vu un groupe de parents qui
y emmenaient leurs enfants pour leur donner l'occasion de jouer au
hockey et de participer à notre sport national.
Vous pouvez voir les enfants quand ils vont sur la glace... ils veulent être dans la LNH. Ils veulent participer aux séries éliminatoires que nous regardons en ce moment.
Nos équipes ne peuvent pas dépenser l'argent nécessaire pour amener certains de ces enfants dans la LNH parce qu'elles le dépensent pour d'autres choses. Votre comité a l'occasion d'essayer de remédier à cette situation et de donner la possibilité aux équipes canadiennes de donner une chance à ces enfants.
Quelles sont les vraies questions qui se posent ici? Quels sont véritablement les gens concernés? Ce sont les Canadiens et leurs enfants qui font tant d'efforts pour pouvoir participer à cette partie de notre culture canadienne. Voilà la question qui est en jeu. J'espère que, quand le ministère aura examiné avec soin ces documents, il se rangera peut-être à leurs côtés quand il déterminera ce qu'il doit faire.
Le président: Merci.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Je vais poser une petite question. Il faut aller à la Chambre bientôt.
Quand on rencontre les équipes professionnelles, elles disent parfois qu'elles sont partie intégrante de la culture et d'autres fois, elles se présentent comme étant des sociétés d'affaires, exactement comme Bombardier. Elles vendent des droits de télévision et sont donc dans le domaine des communications.
On a vu à quel point elles étaient conscientes de la culture, puisqu'elles étaient à la télévision le dimanche après-midi de la Fêtes des Mères, alors qu'il n'y a rien de plus désagréable pour un Québécois que de voir du hockey le jour de la Fêtes des Mères. Elles nous ont présenté ce match le dimanche après-midi parce que cela valait mieux pour les télévisions américaines. En tout cas, je pense qu'elles ont causé un grave préjudice à notre culture en faisant cela le dimanche après-midi au lieu du dimanche soir. Que sont au juste ces équipes-là? Est-ce que ce sont des gens qui font partie du show-business? Est-ce qu'il s'agit d'une industrie culturelle? Est-ce qu'il s'agit d'un business ordinaire? Est-ce qu'il y a quelque chose quelque part qui nous permettrait de les définir? Est-ce que vous pourriez m'éclairer là-dessus, monsieur Appleton?
[Traduction]
M. Barry Appleton: Madame Tremblay, je vais demander à mon collègue M. Neceski de vous répondre, et je ferai peut-être un commentaire pour terminer.
M. Marjan Neceski (avocat, Appleton and Associates International Lawyers): Fondamentalement, comme je l'ai fait par le passé et comme l'ont fait beaucoup de ceux qui sont devant moi... nous avons patiné sur des mares, dans des patinoires. Le hockey fait indubitablement partie de notre culture. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Toutefois, dans l'ALÉNA lui-même, il n'y a aucun...
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Comme la soupe aux pois.
[Traduction]
M. Marjan Neceski: Comme la soupe au pois, exactement... La soupe aux pois Habitant.
L'ALÉNA et l'Accord de libre-échange initial ne prévoient aucune exemption culturelle, comme on l'a mentionné précédemment. L'ALÉNA reprend une disposition de cet accord antérieur relative à une exemption pour les industries culturelles. Fondamentalement, cinq secteurs sont mentionnés: le matériel imprimé, les films et les enregistrements vidéo, les enregistrements de musique, l'édition musicale ainsi que la radiodiffusion. Cela figure à la page 20 de notre mémoire.
Même si nous aimons dire que le hockey fait indubitablement partie de notre culture, ce n'est malheureusement pas une des industries culturelles mentionnées dans l'ancien Accord de libre- échange et ajoutées ensuite dans une annexe à l'ALÉNA.
M. Barry Appleton: Je peux peut-être ajouter quelque chose. Même s'il y a des questions relatives à la radiodiffusion, elles ne concernent pas les équipes, mais le réseau, et l'exemption au titre des industries culturelles n'est donc pas applicable. Cela veut dire que cette exemption s'applique seulement au Canada. Elle porte seulement sur les questions canadiennes. Les gouvernements canadiens ne peuvent pas fournir des avantages ou des subventions aux équipes canadiennes et les justifier ensuite en invoquant l'exemption relative aux industries culturelles. Même si le hockey est une partie essentielle de notre culture, il n'est pas inclus dans ce que l'ALÉNA considère comme la culture.
Le président: Nous allons passer à M. Provenzano, puis revenir à M. Abbott et à M. Coderre. La sonnerie va retentir pendant une demi-heure; nous allons donc terminer à 10 h 30.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Je poserai seulement une question, monsieur le président.
Merci, monsieur Appleton, pour votre exposé très lucide. Il permet au Comité de se prononcer beaucoup plus facilement, et vous avez très bien exposé certaines de vos idées. Je vous demanderai s'il existe des cas où la nationalité de l'investisseur canadien joue un rôle pour ce qui est de la propriété étrangère?
M. Barry Appleton: Pour tout ce qui concerne l'ALÉNA, la nationalité de l'investisseur est un élément clé. L'ALÉNA dit qu'un investisseur canadien ou un investisseur canadien qui possède un investissement aux États-Unis peut déposer une plainte contre le gouvernement des États-Unis. En d'autres termes, une société américaine qui appartient à un Canadien est considérée comme canadienne en vertu de l'ALÉNA. Donc, en fait, si une équipe de hockey américaine appartenait à des intérêts canadiens ou dépendait d'eux de diverses façons, elle serait également considérée comme canadienne en vertu de l'ALÉNA. C'est complexe.
M. Carmen Provenzano: Quand, cependant, l'investisseur canadien est un étranger, quand le propriétaire d'une des équipes canadiennes de la LNH est un étranger, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'une société appartenant à des intérêts étrangers, quelles répercussions que nous devrions connaître cela a-t-il?
M. Barry Appleton: Permettez-moi de vous donner un exemple précis. L'équipe de hockey de Vancouver, par exemple, appartient à une entreprise américaine. L'équipe de Vancouver étant constituée en société au Canada et étant donc une personne juridique au Canada, elle peut intervenir en tant qu'investisseur en vertu de l'ALÉNA, alors que les propriétaires américains eux-mêmes ne peuvent pas contester une décision du gouvernement des États-Unis. L'ALÉNA dit qu'on ne peut pas déposer une plainte contre son propre gouvernement. Ce n'est pas couvert par un accord international; cela relève du droit national. Mais un investisseur canadien qui possède une équipe ou qui est un citoyen ordinaire ou une association peut le faire.
M. Carmen Provenzano: Je pense à une équipe de la LNH appartenant à une multinationale de nationalité étrangère.
M. Barry Appleton: Si elle est constituée en société au Canada, elle serait qualifiée pour invoquer les dispositions du chapitre sur l'investissement de l'ALÉNA lui-même. Si ce n'est pas le cas, si c'est une société hollandaise qui n'est pas constituée en société au Canada, il faudrait examiner très soigneusement l'ALÉNA pour voir quelle disposition pourrait être invoquée.
M. Carmen Provenzano: Merci.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott: Nous avons parlé en souriant de la soupe aux pois et du sirop d'érable, mais je pense que notre caractéristique intrinsèque en tant que Canadiens est que nous allons jusqu'au bout des choses. Regardez ce que nous avons fait pendant la Première ou la Deuxième Guerre mondiale ou, à vrai dire, à n'importe quelle occasion; c'est ce qui nous caractérise.
Je pose donc la question suivante. Étant donné que la LNH a accepté cet effet de distorsion entraîné par ces subventions... elle a reconnu qu'il y a des différences entre les deux monnaies et elle a donc rassemblé les profits dans le fonds de compensation, mais elle continue à accepter cet effet de distorsion. Et, comme vous le signalez à la page 13 de votre mémoire, M. Bettman l'a même reconnu. Je demande à M. Klassen la chose suivante: si nous sommes prêts à aller jusqu'au bout, comme nous sommes très fiers de le faire en tant que Canadiens, ne conviendriez-vous pas qu'il serait bon que nous commencions au moins à faire des bruits de sabre à ce propos?
M. John Klassen: Merci.
Oui, monsieur Abbott, comme je l'ai dit en parlant à M. Riis, nous allons certainement examiner les faits de façon beaucoup plus détaillée du point de vue juridique. Il faut savoir si nous pouvons nous permettre de faire des bruits de sabre à ce sujet, monsieur. Nous voulons être beaucoup plus sûrs de notre situation juridique que nous ne croyons l'être en ce moment avant de décider si nous allons ou non invoquer des dispositions de l'ALÉNA à ce propos ou s'il ne s'agit pas plutôt d'un débat de caractère politique général qui devrait avoir lieu dans un autre contexte.
Le président: Monsieur Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre: Monsieur Appleton, il y a eu un accord avec les Oilers d'Edmonton, et la ville d'Edmonton a donné l'aréna pour 1 $ alors qu'il valait 2,9 millions de dollars. Les Raptors vont avoir le nouveau Air Canada Centre, un terrain qui appartenait à Postes Canada. Les Expos de Montréal essaient d'obtenir un nouveau stade sur un terrain de Canada Land qui vaut 16 millions de dollars et demandent éventuellement si on ne peut pas faire quelque chose. Si c'est vrai pour les Predators de Nashville, est-ce qu'à ce moment-là, le gouvernement américain ne pourrait pas dire que nous violons aussi l'accord de l'ALÉNA en faisant ce genre de dons? Par conséquent, si Washington est obligé de nous compenser, est-ce qu'Ottawa sera obligé de compenser aussi quand certaines équipes professionnelles obtiendront des avantages?
[Traduction]
Le président: Les encouragements à l'investissement.
M. Denis Coderre: J'aime assez ça.
[Français]
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
M. Barry Appleton: C'est une excellente question. Là encore, je tiens à dire combien il me fait plaisir de me présenter devant un comité qui connaît si bien la situation qu'il est réellement agréable de pouvoir examiner toutes les questions de ce genre.
L'entente avec Edmonton date d'avant 1994; elle serait donc couverte en tant que mesure préexistante et serait exemptée en vertu de l'ALÉNA. Toute transaction effectuée après 1994 devrait alors être examinée.
Il y a des questions à propos de la façon dont c'est structuré et dont c'est traité. Si le gouvernement lui-même est associé à la chose, cela peut poser un problème. S'il s'agit d'une entité du gouvernement qui n'existe peut-être plus, une société d'État par exemple, et si la question est de savoir, le cas échéant, combien d'argent a été versé, ce serait traité d'une façon différente. Dans chaque cas, il y a des éléments factuels, et il faut les examiner. Il faut faire la part des choses.
Ce que je veux dire, monsieur Coderre, est que les équipes canadiennes doivent être traitées de la même façon, ce qui veut dire que, si elles obtiennent des avantages particuliers, il devrait peut-être y avoir une compensation. En d'autres termes, si une plainte est déposée, peut-être la valeur de l'avantage canadien pourrait-elle être déduite en fin de compte de certains des paiements. Les paiements américains sont si extraordinairement élevés et les avantages canadiens, quand il y en a, sont si limités que je ne pense pas que cela aurait, en fin de compte, beaucoup d'effet.
Le président: Monsieur Riis, puis madame Tremblay.
M. Nelson Riis: J'essaie d'imaginer ce qui se passerait aux États-Unis dans une séance comme celle-ci. Ce ne serait pas la même chose. Je reviens à ce que disait M. Abbott. Il y aurait des sénateurs et des membres du Congrès qui diraient: «Sacrifice, ces Yankees soudoient ces équipes à tort et à travers pour les attirer, et nous devons nous manifester et faire quelque chose à ce sujet.» Ils ne diraient pas «ces Yankees», ils diraient «l'autre côté».
Ce que dit M. Abbott me paraît intéressant. Nous devons dire... vous savez, nous sommes restés ici assez longtemps sans rien dire, et il faut que nous allions là-bas les secouer un peu. Nous pouvons nous servir du système de l'ALÉNA pour le faire.
Monsieur Klassen, je vous encouragerai, vous et vos collègues, à examiner cette question et à essayer de nous trouver un sabre pour l'utiliser là-bas—et aller beaucoup plus loin que simplement faire du bruit avec ce sabre. Il faut que nous commencions à prendre modèle sur nos homologues américains, à nous montrer fermes et à les secouer.
Le président: Monsieur Riis, à ce sujet, si nous avions traité l'industrie automobile comme nous avons traité notre sport national, nous n'aurions pas d'industrie automobile.
Madame Tremblay.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: J'aurais une toute petite question de compréhension sur l'article 1108, où on dit que les articles 1102, 1103, 1106 et 1107 ne s'appliquent pas. Si j'ai bien compris, monsieur Appleton, vous avez dit que les municipalités pourraient continuer à offrir des mesures incitatives aux équipes puisque le gouvernement américain serait obligé de payer. Au sous-alinéa 1108(1)a)(iii), on parle d'une administration locale. Est-ce qu'on peut l'interpréter comme vous nous l'avez dit tantôt, c'est-à-dire que cela ne s'applique pas aux administrations locales? Comment doit-on interpréter ça?
[Traduction]
M. Barry Appleton: La meilleure façon d'interpréter les dispositions est de les lire très attentivement, surtout quand il s'agit de l'ALÉNA, qui est très complexe. Si je peux simplement vous le lire, cela devrait rendre la chose un peu plus claire.
Cet article dit que les obligations découlant des articles 1102, 1103, 1106 et 1107—c'est-à-dire le traitement national, le traitement de la nation la plus favorisée, les prescriptions de résultats et les dirigeants de société—ne s'appliquent pas à «une mesure non conforme existante maintenue par... une administration locale». Le mot «existante» est défini comme «en vigueur le 1er janvier 1994». Donc, si c'est une mesure non conforme existante—c'est-à-dire une mesure existante, qui violerait par ailleurs l'ALÉNA, qui était en vigueur le 1er janvier 1994 et reste maintenue aujourd'hui—, elle est exemptée. Si c'est une mesure qui est semblable à une mesure d'avant 1994 mais qui a été supprimée et est ensuite entrée à nouveau en vigueur, elle serait couverte.
Si vous regardez, juste au-dessus, le sous-alinéa 1108(1)a)(ii), il dit que les mesures prévues par un État ou une province qui sont mentionnées dans une réserve pourraient être préservées. En mars 1996, dans leur très grande sagesse, le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis ont réservé toutes les mesures provinciales existantes qui étaient en vigueur le 1er janvier 1994. Ils ont donc protégé toutes les mesures provinciales existantes qui étaient maintenues. Ces deux domaines sont donc entièrement couverts; il s'agit seulement des nouvelles mesures prises après 1994.
• 1030
Cela s'appliquerait aussi, d'ailleurs, si une mesure est
modifiée et devient moins conforme à l'ALÉNA. En d'autres termes,
si vous donniez auparavant 3 millions de dollars par an et qu'en
1997 vous avez commencé à donner 20 millions de dollars par an, la
différence serait également assujettie aux dispositions de l'ALÉNA.
Le président: Denis Coderre.
[Français]
M. Denis Coderre: Je pense que c'est un sujet extrêmement intéressant et extrêmement important. Je ne veux surtout pas qu'on donne l'impression qu'on fait les choses à la hâte et j'aimerais proposer, avec l'accord de mes collègues, que dans le cas où le vote se terminerait vers 10 h 50, on puisse avoir une séance supplémentaire de 11 heures à 12 heures pour continuer à discuter. Je pense que ce sont des choses très importantes et que l'on devrait étudier d'une façon plus approfondie certains articles.
Mme Suzanne Tremblay: On a un comité qui siège à 11 heures.
[Traduction]
Le président: Monsieur Coderre, je comprends ce que vous voulez dire. Je pense qu'il y a deux ou trois choses dont nous avons pris conscience ce matin.
Avant tout, certains députés ont d'autres comités à 11 heures, mais je pense que nous avons découvert ce matin combien cette question est complexe. Le ministère est convenu d'examiner le mémoire de M. Appleton et d'en faire une analyse; avec le consentement des membres du Comité, je proposerai que, peut-être d'ici peu, nous convoquions à nouveau le ministère pour qu'il présente une réaction plus officielle aux idées avancées par M. Appleton, afin que nous puissions nous assurer que nous...
[Français]
M. Denis Coderre: Je pense aussi qu'étant donné la grande crédibilité de M. Appleton, qui est ici non seulement à titre volontaire mais aussi à titre indépendant, il serait intéressant de le revoir pour qu'il nous donne son point de vue. Entre-temps, nous aurons eu le temps de lire son mémoire d'une façon plus approfondie,
[Traduction]
si un compromis vous paraît acceptable.
Le président: Sommes-nous d'accord à ce sujet? Merci.
Je voudrais simplement dire à M. Neceski, M. Appleton, M. Klassen et M. Gero que nous les remercions beaucoup d'être venus ici ce matin et de nous avoir aidés à faire progresser ce débat.
La séance est levée.