SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 25 novembre 1997
[Traduction]
Le président (M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.)): Collègues, ceci est la neuvième réunion du sous-comité consacrée à l'Accord multilatéral sur l'investissement. Nous recevons aujourd'hui des groupes représentant toutes les parties de la société canadienne. Du Conseil canadien des chefs d'entreprise, nous avons M. Stuart Carre. De la Fédération canadienne de l'agriculture, Don Knoerr et Jennifer Higginson. De l'Association canadienne de la technologie de l'information, Norine Heselton. De Citizens Concerned About Free Trade, nous avons David Orchard et Marjaleena Repo. Enfin, nous recevons Paul Hellyer, anciennement électeur de ma circonscription et maintenant de celle de Bill Graham.
Le but de ces réunions du comité est de donner aux Canadiens l'occasion de nous faire part de leurs vues sur l'AMI. Nous avons déjà entendu un grand nombre de groupes. Nous avons deux autres journées d'audiences à ce sujet, après quoi nous rédigerons un rapport qui sera remis au gouvernement avant la reprise des négociations de l'AMI en janvier. C'est à la demande du ministre du Commerce international que nous tenons ces audiences et notre intention est de faire en sorte qu'il connaisse les avis des Canadiens sur l'AMI avant que les négociations reprennent en janvier. Je veux assurer nos invités d'aujourd'hui et tous les Canadiens que nous continuerons de suivre cette question même après le dépôt de notre rapport. Nous allons suivre ces négociations jusqu'à la signature du traité, ou la non-signature. Nous continuerons à vous demander vos conseils au fur et à mesure du déroulement de ces délibérations.
Je vais commencer par Stuart Carre, du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Je suppose que l'on vous a prévenus que vous disposeriez d'une dizaine de minutes.
M. Stuart Carre (associé principal pour le commerce et l'investissement mondiaux, Conseil canadien des chefs d'entreprise): Je vous remercie, monsieur le président. C'est un grand plaisir pour le Conseil canadien des chefs d'entreprise de comparaître devant le comité aujourd'hui. Le Conseil regroupe les dirigeants des plus grosses entreprises du Canada, des entreprises qui, collectivement, sont responsables de la plus grande part des investissements, des exportations et de la recherche-développement du secteur privé dans ce pays.
Tom d'Aquino, le président et directeur général du Conseil, m'a demandé de vous prier d'excuser son absence aujourd'hui. Le Conseil vient d'organiser une réunion à Vancouver—elle a pris fin hier—et c'est ce qui l'empêche d'être là aujourd'hui.
J'aborderai le thème de la réunion d'aujourd'hui dans un instant, mais je veux saisir cette occasion pour vous faire part des vues générales du Conseil sur l'investissement en général, et l'AMI en particulier. Le Conseil est fortement partisan de la participation du Canada aux négociations de Paris. Les principes visés par le Canada sont justes, à notre sens.
• 1525
En tant que puissance moyenne, dont le développement
économique dépend largement des échanges commerciaux et des flux
d'investissement, le Canada ne peut que profiter de règles
internationales appropriées accroissant la sécurité et la
protection des investisseurs et des investissements. Le Canada est
presque au point d'équilibre entre l'exportation et l'importation
de capitaux, les deux se situant à un niveau élevé; je suis sûr que
vous connaissez bien ces chiffres. Pour ce qui est de
l'investissement étranger au Canada, des études récentes ont montré
que pour chaque milliard de dollars investi sur cinq ans au Canada,
près de 45 000 emplois sont créés.
À notre sens, la capacité canadienne d'attraction de capitaux étrangers serait indubitablement meilleure si le Canada devenait signataire d'un accord multinational sur l'investissement axé sur le principe de la non-discrimination. Les avantages sur le plan de l'acquisition de technologies avancées, de connaissances nouvelles et de compétences de gestion sont beaucoup plus difficiles à quantifier, mais d'importance probablement encore plus grande.
Le traitement non discriminatoire des entreprises canadiennes investissant à l'étranger est tout aussi important. Pour rester compétitives tant au Canada qu'à l'étranger, les entreprises canadiennes doivent de plus en plus avoir un champ d'action mondial. Les barrières discriminatoires à l'investissement opposées à nos entreprises ne peuvent que nuire à leur compétitivité et, par voie de conséquence, à leur expansion. Un accord multilatéral sur l'investissement contribuerait à supprimer certaines de ces barrières à l'investissement.
Le Conseil sait pertinemment bien que les négociations en cours à Paris sont extrêmement complexes et que maints détails restent encore à mettre au point. Néanmoins, les objectifs essentiels à poursuivre dans ces négociations restent les suivants, à savoir que, sur le plan de l'investissement au Canada, l'AMI doit contribuer à la création d'emplois, à la croissance des revenus, au transfert de technologies et de compétences de gestion et à l'accroissement des recettes gouvernementales. Pour l'investissement canadien à l'étranger, l'AMI doit contribuer à une réduction substantielle des barrières à l'investissement opposées aux entreprises canadiennes, afin qu'elles puissent rester compétitives dans l'économie internationale et, ce faisant, créer au Canada des emplois plus nombreux et meilleurs.
J'aimerais vous signaler certains des problèmes qui restent encore à régler dans l'accord. Le premier est ce que l'on appelle la clause de Rio. Comme vous le savez sans doute, l'Union européenne réclame une exception générale pour les accords d'intégration économique régionale.
Ce genre d'exception permettrait aux États membres de l'Union européenne d'appliquer un traitement discriminatoire aux investisseurs et investissements de pays non membres. Si une telle clause devait figurer dans l'AMI, cela saperait l'une des justifications essentielles de la participation du Canada à ces négociations. Nous souhaitons qu'elle soit fermement rejetée.
En rapport avec cela—du moins au stade des négociations—il y a la revendication des pays européens, en particulier, qui réclament que les paliers de gouvernement infranationaux soient englobés dans l'accord. Le Canada, les États-Unis, l'Australie et tous les États fédéraux où les paliers de gouvernement infranationaux exercent d'importants pouvoirs en matière d'investissement n'ont pas encore clairement indiqué leurs intentions à cet égard. Selon notre optique, l'exclusion de la clause de Rio, combinée à l'inclusion d'engagements infranationaux serait l'aboutissement optimal des négociations. Nous espérons que les négociateurs canadiens travaillent déjà en ce sens.
Un autre problème, bien entendu, est le contentieux ouvert par la Loi Helms-Burton américaine, le sort qui pourrait lui être réservé dans le cadre de l'AMI et les engagements décevants—jusqu'à présent, à tout le moins—en matière de fiscalité.
• 1530
Enfin, une très grosse embûche actuellement est le report
récent du vote sur la procédure accélérée aux États-Unis, laquelle
aurait donné au Président américain le pouvoir de négocier des
accords en matière de commerce et d'investissement. Cela fait
planer une incertitude sur la capacité des négociateurs américains
de faire ratifier tout accord négocié en matière de commerce et
d'investissement, AMI compris.
J'aimerais passer maintenant brièvement aux répercussions sectorielles que nous pouvons entrevoir sur les entreprises. Je commencerai par quelques répercussions possibles sur le secteur des services dans son entier, suite à un éventuel accord.
Nous craignons que le chevauchement éventuel des obligations et des règles de l'Organisation mondiale du commerce et celles convenues dans l'AMI aboutisse à l'absence de nouveaux engagements de libéralisation dans le secteur tertiaire. Plus de 60 p. 100 des nouveaux investissements intéressent les services et c'est justement dans ces industries, qui sont beaucoup plus réglementées, que l'on trouve le plus d'obstacles à l'investissement. Nous avons déjà des règles dans ce domaine dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services de l'OMC. Or, l'une des très rares obligations générales du GATS est l'obligation pour les parties d'accorder le traitement de la nation la plus favorisée à tous les membres de l'OMC. En substance, cela signifie que toute mesure de libéralisation accordée à un pays donné devra être appliquée également aux autres membres de l'OMC.
Il n'y a que deux façons d'éviter l'observation de cette obligation générale. La première est d'avoir demandé ce que l'on appelle une dérogation NPF à la fin de l'Uruguay Round ou à la fin de certaines des négociations ultérieures. L'autre est d'être partie à un accord d'intégration économique, tel que l'Union européenne ou l'ALENA.
À notre sens, ce chevauchement des règles pourrait amener une situation où de nombreuses délégations de l'OCDE, sinon la plupart, estimeraient qu'elles ne peuvent tout simplement pas s'engager juridiquement à une libéralisation des industries de services, puisqu'elles seraient obligées d'accorder les mêmes concessions à tous les pays non membres de l'OCDE mais membres de l'OMC, d'autant plus qu'elles n'obtiendraient rien en échange de la part de ces non-signataires de l'AMI.
Tout aussi problématique est le fait que ce chevauchement des règles pourrait constituer dans la pratique une désincitation pour certains pays non membres de l'OCDE à signer l'AMI. Ces derniers pourraient très bien se dire que, en ce qui concerne les services, ils peuvent retirer tous les avantages de l'AMI—la libéralisation décidée par l'AMI—sans contracter aucune des obligations. Nous savons que des efforts sont déployés pour résoudre ce problème, mais il n'est pas encore réglé et nous préconisons certainement la recherche d'une solution rapide.
Pour ce qui est de secteurs particuliers, nous savons que le gouvernement canadien demandera des exceptions et réserves similaires à celles qu'il a obtenues dans l'ALENA, notamment dans l'agriculture, les services à l'industrie automobile, l'énergie, l'uranium, la pêche, les transports, les télécommunications et les services financiers.
Pour ce qui est des barrières à l'investissement canadien à l'étranger, il nous est difficile de tirer une conclusion finale puisque nous n'avons pu voir ou analyser les réserves et exceptions demandées par les autres membres de l'OCDE ni déterminer quelles en seraient les répercussions sur les intérêts commerciaux canadiens. Ce n'est que lorsque nous connaîtrons la liste finale des dérogations demandées par les autres parties que nous pourrons déterminer en connaissance de cause leur impact sur les entreprises canadiennes.
• 1535
Nous souhaitons une amélioration réelle du traitement accordé
à l'investissement canadien direct à l'étranger. C'est d'autant
plus vrai que le Canada semble prêt à offrir à ses autres
partenaires de l'OCDE le traitement prévu dans l'ALENA. Cela
représente une libéralisation considérable de la part du Canada
vis-à-vis de ses partenaires de l'OCDE. Nous comptons donc voir des
engagements de libéralisation réciproques de la part de ces
partenaires.
Monsieur le président, voilà pour ma déclaration, mais je serais évidemment ravi de participer à la discussion ultérieure.
Le président: Je vous remercie.
Nous passons maintenant à Don Knoerr, de la Fédération canadienne de l'agriculture. Bienvenue, Don.
M. Don Knoerr (représentant pour les négociations commerciales, Fédération canadienne de l'agriculture): Je vous remercie, monsieur le président. Je veux simplement signaler que nous sommes la plus grande organisation agricole du Canada, représentant un secteur apportant une contribution économique majeure au Canada.
Depuis la publication du texte provisoire de l'AMI, les traités sur l'investissement, et en particulier l'AMI, ont alimenté beaucoup de débats publics. C'est un processus démocratique utile. Cependant, à notre sens, il est regrettable que ce débat soit intervenu si tard, avec au moins un accord majeur de retard.
En effet, de par l'ALENA et une trentaine d'accords bilatéraux, le Canada a déjà contracté les engagements principaux que l'on peut s'attendre à trouver dans l'AMI.
Notre organisation, pas plus que beaucoup d'autres, n'a suivi les négociations sur l'investissement en vue de l'ALENA. Les représentants du secteur agricole, qui traitaient soit avec le Comité consultatif sectoriel de l'agriculture soit représentaient notre organisation, n'ont pas discuté des dispositions relatives à l'investissement, si bien que nous avons maintenant un rattrapage à faire. En gros, nous essayons de déterminer quel est le mandat de notre gouvernement aux fins de l'AMI, cet accord n'étant pas censé aller plus loin que l'ALENA.
La première tâche consiste à déterminer ce que signifie l'ALENA et ce que signifie le mandat. En gros, nous pensons que deux questions doivent être posées, et c'est ce que nous essayons de faire. Nous considérons la participation du Canada à un accord international sur l'investissement comme un fait acquis. En effet, nous offrons déjà un cadre sûr à l'investissement étranger. La preuve en est le niveau élevé de l'investissement étranger dans le secteur agro-alimentaire. Il s'agit maintenant pour nous d'obtenir un traitement équitable de nos investisseurs dans quantité d'autres pays.
Nous pensons que les deux questions les plus importantes sont celles-ci: les dispositions relatives à l'investissement de l'ALENA posent-elles des problèmes à l'agriculture qu'il conviendrait d'éviter dans l'AMI? Avons-nous tiré les leçons de l'expérience?
Deuxièmement, quels éléments de l'ALENA sont particulièrement vulnérables à un changement de libellé ou de contexte au moment de l'intégration dans l'AMI?
Il faut bien voir que l'AMI est un accord autonome, alors que les dispositions sur l'investissement de l'ALENA font partie d'un accord commercial plus vaste et sont assujetties à d'autres dispositions de cet accord et influencées par des définitions figurant ailleurs. Il serait naïf de croire que dans une négociation entre une trentaine de pays on va pouvoir reproduire à l'identique le libellé de l'ALENA.
Jusqu'à présent, nous n'avons pu boucler notre analyse de l'ALENA, en partie parce que nous avons découvert que... En toute équité, personne, ni du côté du gouvernement ni de notre côté, n'a jamais passé réellement en revue toutes les dispositions sur l'investissement de l'ALENA et n'en a vraiment appréhendé les répercussions. Nous déplorons que ces éléments n'aient pas été mieux analysés par le gouvernement. Le processus est très lent.
Nous n'avons pas décelé de problème jusqu'à présent. Mais nous avons isolé un certain nombre d'éléments où des modifications de libellé ou de contexte—ce que nous appelons les éléments vulnérables—pourraient avoir des répercussions sérieuses une fois que...
Il y a un élément de l'ALENA qui ne devrait pas figurer dans l'AMI, et nous en parlerons plus tard.
Il faudra également suivre les développements futurs, car on ne sait jamais ce que signifient les accords tant qu'une interprétation juridique n'en a pas été donnée; c'est ce que démontre l'expérience.
Nos recommandations figurent dans le mémoire. La recommandation fondamentale, premièrement, est que le mandat doit être de ne pas aller plus loin que l'ALENA, ni sur le fond ni sur la forme.
• 1540
Les éléments que nous jugeons particulièrement vulnérables à
un changement de contexte ou de libellé sont, premièrement, la
définition du mot «investissement». À l'heure actuelle, le projet
de définition dans l'AMI est beaucoup plus large que dans l'ALENA.
Il convient donc de la resserrer.
Nous donnons un exemple d'une partie de la définition proposée dans l'AMI qui ne figure pas dans l'ALENA et dont nous pensons qu'elle ne devrait certainement pas subsister. Il s'agit de la mention des franchises, licences, autorisations et permis. Cela nous rapproche beaucoup trop du genre de choses auxquelles nous appliquons souvent des obligations de résultat dans notre activité réglementaire normale, du moins dans le secteur agricole.
L'autre élément qui nous paraît vulnérable à des changements de contexte et de libellé sont les dispositions relatives aux obligations de résultat. Elles sont de nature assez particulière dans l'AMI, car elles ne visent pas à assurer que les investisseurs étrangers sont traités de la même façon que les investisseurs nationaux. C'est une disposition qui dit: voici ce que vous ne devez imposer à aucun investisseur dans votre pays. J'en comprends la logique, mais la notion d'obligation de résultat, encore une fois, est reliée... Une bonne part de l'activité réglementaire normale dans notre pays prévoit des obligations de résultat. Il faut réfléchir aux conséquences.
Notre souci particulier est de bien préciser dans l'AMI que les activités normales des offices de commercialisation agricole canadiens et les fonctions réglementaires, en particulier la réglementation du volume de la production nationale, le fonctionnement des organismes de vente à guichet unique et la mise en commun des revenus, ne sont pas proscrites.
Encore une fois, nous relevons dans l'ébauche de l'AMI une obligation de résultat proscrite, celle de parvenir à un certain niveau ou valeur de production. Cela ne figure pas dans l'ALENA et ne devrait pas figurer ici.
Un élément de l'ALENA qui est présenté dans l'ébauche de l'AMI comme option—et le renvoi en bas de page précise qu'elle est appuyée par le Canada—est cette curieuse petite disposition du chapitre 15 qui interdit le comportement anticoncurrentiel des monopoles dans des circonstances bien précises, mais sans qu'il y ait proscription comparable des comportements anticoncurrentiels d'aucun autre acteur sur le marché.
Nous convenons de l'opportunité d'établir des règles internationales et des normes communes en matière de concurrence. Le lieu pour cela est l'OMC, laquelle s'attelle déjà à la tâche.
L'AMI n'est pas un accord sur les règles de concurrence et, contrairement à l'ALENA, il ne prévoit même aucun processus de consultation et d'arbitrage des différends concernant l'interprétation des règles sur la concurrence.
Je ne vois pas quand cette forme particulière de comportement pourrait survenir, mais dans une telle éventualité l'AMI ne proscrit pas ce type de comportement s'il est le fait d'une société privée en situation de monopole. Autrement dit, cette disposition peut avoir des effets incontrôlables... On ne sait pas quelles en seront les conséquences et elle n'a pas sa place ici. Faisons ce qu'il faut là où il faut.
Enfin, notre mémoire fait valoir l'opportunité de toujours établir certaines réserves sur la signification d'une disposition tant qu'une interprétation juridique n'en a pas été donnée. J'ai participé à une réunion la semaine dernière où le négociateur canadien nous a dit: «Oui, nous savions que le libellé de cette disposition était flou, mais nous n'avons rien pu obtenir de mieux. Nous espérions simplement que lorsqu'un contentieux se produirait, notre interprétation serait confirmée». Heureusement, tel a été le cas en l'occurrence et nous nous en sommes bien tirés.
Nous notons en particulier le cas de la Ethyl Corporation, qui a perdu le droit de commercialiser des additifs au plomb pour l'essence suite à notre interdiction de l'essence au plomb au Canada. À ma connaissance, la Ethyl Corporation n'a jamais été indemnisée pour la perte de ce marché.
Plus récemment, depuis la signature de l'ALENA, la Ethyl Corporation a perdu le droit de vendre du MMT, un autre additif de l'essence, en raison des dégâts que ce produit inflige aux convertisseurs catalytiques. La Ethyl Corporation estime avoir droit à une indemnisation, considérant la perte de ce marché comme l'équivalent d'une expropriation. Elle a déposé un recours en arbitrage en vertu des dispositions sur l'expropriation et l'indemnisation de l'ALENA.
• 1545
Je ne pense pas qu'elle va gagner ou devrait gagner, mais la
question n'est pas là. La question est que la disposition sur
l'expropriation et l'indemnisation ne se prête guère aux
exceptions, car elle ne s'applique pas particulièrement aux
dispositions de l'ALENA. Elle vise à assurer qu'un investisseur
étranger jouit de la même protection contre l'expropriation
arbitraire et le même droit à l'indemnisation qu'une société
nationale, et cela est raisonnable.
Le problème est que nous avons une jurisprudence très complexe à cet égard. N'étant pas juriste, je ne peux vous en expliquer toutes les subtilités, mais j'ai essayé de voir, étant donné notre intérêt à cet égard, où se situent les frontières entre un comportement réglementaire normal et l'expropriation. Ce n'est pas une question simple. Tout ce que je puis observer, c'est l'effet d'un accord qui accorde un recours différent une fois que l'affaire est portée devant une instance différente. Encore une fois, ce sont là sans doute des arbitres très compétents, mais il n'y a aucune raison de croire qu'ils vont nécessairement se fier à la jurisprudence canadienne pour trancher.
Tout ce que je dis c'est que si, par hasard, il s'avérait qu'un investisseur étranger jouit d'un droit à indemnisation, pour une raison ou pour une autre, dont ne dispose pas un investisseur national, il nous faudrait retourner à la table des négociations car ce n'est pas ce qui était prévu.
Je n'ai pas d'exemple négatif en ce qui concerne les obligations de résultat, mais étant donné la proximité de cette disposition avec ce qu'on fait normalement dans une structure réglementaire, et le fait que c'est une proscription qui s'applique à tout le monde...
Ceci n'est pas la fin de nos négociations internationales sur les règles en matière d'investissement; ce sera un processus dynamique. C'est un domaine où nous allons devoir être très attentifs à ce qui arrivera si par hasard quelqu'un conteste quelque chose et que des jugements sont rendus.
En résumé, monsieur le président, je veux vous remercier de nouveau de votre invitation à comparaître. Il importe que le public canadien comprenne pourquoi nous négocions des accords sur l'investissement. Mais j'estime qu'il est encore plus important—et cela a été démontré lors du dialogue récent—que les Canadiens ne doutent pas que nous puissions poursuivre nos objectifs d'investissement légitimes sans interférer par inadvertance avec les choses que nous voulons faire raisonnablement à l'échelle nationale. Voilà ce que nous avons essayé de faire ressortir.
Nous espérons que vous prendrez en considération nos recommandations et vous demandons de les appuyer. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Knoerr.
Madame Norine Heselton et monsieur Douglas Gregory, de l'Association canadienne de la technologie de l'information. Bienvenue.
Mme Norine Heselton (vice-présidente, Politiques, Association canadienne de la technologie de l'information): Merci beaucoup, monsieur le président.
L'Association canadienne de la technologie de l'information remercie le sous-comité de son invitation à venir présenter ses vues. J'aimerais commencer par faire les présentations.
Je suis Norine Heselton, vice-présidente chargée des politiques de l'ACTI, le sigle de notre association. Je suis accompagnée de mon collègue, Douglas Gregory, qui est conseiller principal pour le commerce et l'investissement internationaux chez IBM Canada.
L'ACTI est la voix de l'industrie informatique canadienne. Avec nos organisations affiliées à travers le pays, nous représentons 1 300 sociétés dans les secteurs du matériel informatique et de télécommunication, des logiciels, des services et du contenu électronique. Ce réseau d'entreprises représente plus de 70 p. 100 des 415 000 emplois, des plus de 65 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel, des presque 3 milliards de dollars de dépenses annuelles de recherche-développement et des près de 20 milliards de dollars d'exportations annuelles que la technologie informatique contribue à l'économie canadienne.
L'expansion de l'autoroute de l'information au Canada et à l'étranger passe par des marchés ouverts qui soient accueillants aux investissements étrangers et aux fournisseurs mondiaux de biens, de services et d'information. Des marchés ouverts autorisent une concurrence réelle, stimulent l'innovation et favorisent le développement économique.
Les pays qui cherchent à limiter l'investissement étranger ou l'accès à leurs marchés freinent le développement de leur infrastructure nationale et privent leur économie du succès et de l'accès à des produits et services à prix compétitifs, nuisant ainsi, en fin de compte, à leur propre compétitivité et qualité de vie.
• 1550
Le Canada est une importante source et destination
d'investissements étrangers. Les sociétés internationales qui
investissent au Canada apportent non seulement des capitaux, mais
aussi des technologies et des savoir-faire qui encouragent
l'innovation. Nul pays au monde n'a la capacité de produire lui-même tous
les biens, services, capitaux et technologies que ses
citoyens requièrent et réclament, et tous ont besoin en conséquence
d'échanges commerciaux et d'investissements en provenance de
l'étranger.
Les règles actuelles de l'Organisation mondiale du commerce n'établissent pas un cadre stable et complet pour l'investissement. L'AMI en cours de négociation à l'OCDE établirait des règles justes, transparentes et prévisibles... assurant que l'industrie canadienne pourra participer sur un pied d'égalité au marché international de l'investissement.
Cependant, l'ACTI nourrit quelques préoccupations. Nous sommes convaincus qu'un bon accord international sur l'investissement serait avantageux pour le Canada. Cependant, un certain nombre de questions importantes doivent être réglées.
Par exemple, en ce qui concerne la définition de l'investissement, l'ACTI estime que les objectifs de l'AMI seraient le mieux servis si l'on retenait une définition large, centrée sur la notion d'actif.
Pour ce qui est du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée, l'AMI doit fixer des règles interdisant la discrimination dont les compagnies canadiennes pourraient faire l'objet sur les marchés étrangers. Le principe de la non-discrimination est contenu dans les notions jumelles de traitement national et de traitement de la nation la plus favorisée.
Pour ce qui est des ressources humaines, les investisseurs canadiens doivent avoir la garantie de pouvoir muter à l'étranger les cadres et spécialistes essentiels à leurs activités. Pour les membres de l'ACTI, la dernière catégorie, celle des spécialistes, revêt une importance croissante. La réussite de la plupart des partenariats fondés sur la connaissance dépend non seulement des compétences administratives traditionnelles mais aussi du savoir-faire de spécialistes. Il faut donc que les permis de travail temporaires soient accordés rapidement.
L'ACTI encourage aussi fortement les signataires à accorder des permis de travail aux conjoints des personnes titulaires d'un permis de travail temporaire en vertu des dispositions sur le personnel clé.
Pour ce qui est des transferts de données, la compétitivité des sociétés canadiennes d'informatique et de télématique dépend de plus en plus de la capacité de communiquer librement à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise. Le libre flux de l'information et des idées est devenu essentiel à la croissance économique. Les entreprises doivent également avoir des garanties suffisantes de pouvoir transmettre et recevoir des données sans que soient compromis ou divulgués des renseignements privatifs.
Obligations de résultat: il faut interdire aux signataires de l'AMI d'imposer aux investisseurs étrangers des obligations de résultat auxquelles les entreprises nationales ne sont pas astreintes. L'ACTI considère que les règles de l'ALENA relatives aux prescriptions de résultat et celles de l'Uruguay Round seraient un bon point de départ pour l'AMI.
Les technologies multimédias sont essentielles à la réussite de l'autoroute de l'information. Malheureusement, les règles actuelles en matière de commerce et d'investissement réservent un traitement différent à chacun des éléments du multimédia: audio, données, images et vidéo.
Certains font valoir que les services offerts sur Internet, puisqu'ils permettent de transmettre des signaux de radio et de télévision, doivent être considérés comme une industrie culturelle et être exonérés des disciplines internationales en matière de commerce et d'investissement. L'ACTI ne partage pas cet avis.
Nous exhortons le gouvernement canadien à rejeter des réserves culturelles trop larges ou autodéfinies. Les intérêts de la culture canadienne seront le mieux servis en reprenant la définition de la culture figurant dans l'ALENA.
La combinaison des technologies nouvelles, des forces du marché libre et de l'ingéniosité canadienne ont permis aux Canadiens de promouvoir leur identité nationale tout en devenant un acteur de premier plan sur le marché électronique émergent. Tant que nous préserverons un environnement où le Canada peut être compétitif, nous conserverons notre réputation de grand acteur mondial doté d'une voix culturelle distincte et vigoureuse.
L'AMI doit également garantir la pleine protection et rémunération de la propriété intellectuelle, conformément aux droits et obligations inscrits dans les accords internationaux négociés sous le régime de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
L'AMI doit aussi garantir que les sociétés étrangères soient libres de structurer leur capital comme bon leur semble et de prendre—ou non—des partenaires locaux selon des conditions librement négociées, sans pressions ni obligations indues.
En conclusion, l'ACTI considère le principe d'un accord multilatéral sur l'investissement comme positif pour le Canada. Les sociétés canadiennes réussissent beaucoup mieux à l'échelle internationale lorsque des règles transparentes et contraignantes, plutôt que les caprices d'une nation plus puissante, régissent l'activité.
• 1555
Nous serions ravis de collaborer avec le gouvernement en vue
d'identifier les pratiques commerciales de pays étrangers qu'il y
aurait lieu de modifier en échange d'assouplissements de la
position canadienne, et ce afin d'assurer que les avantages de la
libéralisation des échanges soient largement partagés.
L'ACTI maintient que l'ouverture des marchés est la meilleure façon d'assurer la compétitivité. La force motrice de toutes les négociations sur l'ouverture du marché informatique doit être la dynamique enclenchée par la disponibilité et l'utilisation de ces produits et services par des pays se situant à tous les niveaux de développement.
Un cadre multilatéral de règles régissant l'investissement est nécessaire à la réussite du Canada dans une économie mondiale dynamique et hautement concurrentielle.
Je vous remercie de votre attention. Vous trouverez dans la chemise de documents le texte plus détaillé de cette déclaration orale.
Le président: Je vous remercie.
Nous entendons maintenant David Orchard et Marjaleena Repo, de Citizens Concerned About Free Trade.
M. David Orchard (président, Citizens Concerned About Free Trade): Je vais présenter un exposé conjoint avec notre organisatrice nationale, Marjaleena Repo.
Je suis agriculteur, écrivain et président de Citizens Concerned About Free Trade, une organisation nationale non partisane comptant des membres dans tout le Canada.
Nous avons commencé en 1985 à combattre Brian Mulroney et son Accord de libre-échange. Nous avons poursuivi cette lutte pendant huit ans et nous nous retrouvons maintenant à nous battre contre l'extension de ces mêmes politiques par ceux qui ont remplacé M. Mulroney au pouvoir.
L'AMI, comme cela a été signalé ici, est un prolongement du chapitre sur l'investissement de l'ALENA, avec quelques modifications notables.
Aux termes de l'ALENA, nous pouvons à tout moment donner aux Américains un préavis de six mois et nous retirer de l'accord. L'AMI propose un verrouillage pendant 20 ans. Cela est totalement inacceptable. Cela dépasse largement le cadre de toute reddition de comptes d'un gouvernement envers son peuple.
Pour ce qui est de toute la question du droit de poursuivre en justice, qui a été mentionné il y a quelques instants, l'ALENA contient la première disposition à cet effet de tout accord commercial multilatéral. Les sociétés reçoivent le droit de poursuivre directement des États-nations, et c'est ainsi que nous voyons la société Ethyl poursuivre le gouvernement canadien pour 347 millions de dollars suite à l'interdiction de l'additif MMT.
Le deuxième cas est l'affaire Metalclad en Californie. Cette société poursuit le gouvernement mexicain pour obtenir le droit de rouvrir un dépotoir de déchets toxiques au Mexique que les habitants de la région, armés de machettes, ont fait fermer.
Cela donne aux sociétés étrangères un pouvoir énorme sur la politique publique, car cette disposition donne seule aux sociétés étrangères le pouvoir de poursuivre en justice le gouvernement national. Les sociétés nationales ne possèdent pas ce droit. Les investisseurs étrangers et les sociétés étrangères se voient ainsi conférer des droits plus grands au Canada que les sociétés canadiennes ou les citoyens canadiens.
L'AMI contient une clause dite de statu quo et de démantèlement, par laquelle le Canada s'engage, comme dans l'ALENA, à ne pas promulguer de lois ou règlements nouveaux non conformes à l'accord. Mais la disposition sur le démantèlement nous engage pour l'avenir—et je cite la clause de l'AMI elle-même. Elle dit:
-
Le démantèlement est le processus de libéralisation par lequel
interviendraient la réduction et la disparition ultime des mesures
non conformes à l'AMI.
Nous avons au Canada des restrictions sur la propriété étrangère de nos médias, la propriété étrangère de nos banques et la propriété étrangère des terres agricoles dans certaines provinces. Nous avons la Commission canadienne du blé, nous avons l'assurance-maladie, nous avons l'éducation publique. Ce sont toutes là des mesures non conformes.
Aujourd'hui le gouvernement nous dit de ne pas nous inquiéter, nous allons prendre des réserves, nous allons avoir des exonérations. Mais c'est justement de cela qu'il est question ici. La disposition sur le démantèlement constitue un engagement à supprimer toutes ces exonérations au fil du temps.
Le vice fatal de l'AMI, bien entendu, est le postulat voulant que nous avons besoin au Canada de plus de propriété étrangère. De tous les pays industrialisés du monde, nous sommes celui qui est le plus dominé par les capitaux étrangers. Nous avons déjà trop de propriété étrangère aujourd'hui, et cet accord ne va faire que l'accroître encore davantage.
Avant d'étendre le chapitre sur l'investissement de l'ALENA, il faut examiner ce que l'ALENA nous a apporté.
Brian Mulroney nous avait promis—nous nous souvenons tous de ses promesses lorsqu'il a signé l'Accord de libre-échange canado-américain—que nous allions en retirer des emplois, des emplois, des emplois. Qu'est-il advenu?
À cette époque, notre taux de chômage était à peu près équivalent au taux américain et il avait été identique ou inférieur pendant des années auparavant. Aujourd'hui, notre taux de chômage est le double du taux américain, officiellement, et depuis que nous avons signé l'Accord de libre-échange nous avons connu la plus longue période de fort chômage soutenu depuis les années 30.
Nous devions avoir un accès garanti au marché le plus gros et le plus riche du monde, nous disait M. Mulroney. Nous avons un accès moins sûr au marché américain qu'avant l'Accord de libre-échange. En effet, nos exportations de bois d'oeuvre sont plafonnées; nos exportations de blé sont plafonnées. Je suis un agriculteur de la Saskatchewan. Je sais très bien que l'on nous avait promis ce nouveau marché aux États-Unis. Cela n'a pas empêché les Américains d'imposer ce plafond. Nous avons un accès moins sûr que lorsque nos échanges avec les Américains étaient régis par le GATT.
• 1600
Nous allions avoir des programmes sociaux plus généreux, nous
disait M. Mulroney. Si nous instaurions le libre-échange avec les
États-Unis, nous aurions des programmes sociaux plus généreux au
Canada grâce à notre prospérité accrue. Nous savons tous ce qui est
advenu. Nous avons vu virtuellement tous les programmes sociaux de
ce pays taillés en pièces. Nous n'avons plus d'argent pour
l'assurance-maladie. Nous n'avons plus d'argent pour les foyers
d'accueil des femmes battues. Le placard est vide.
Cela n'enlèvera rien à notre souveraineté nationale, nous disait M. Mulroney. Nous constatons l'américanisation galopante de tous les aspects de la vie canadienne, au point que les Canadiens perdent totalement leur identité.
Nous voyons se multiplier les prises de contrôle de sociétés canadiennes. CN Rail, cette liaison qui nous unissait, a été bradée, à moitié prix. Elle est maintenant américaine à 70 p. 100 et des tronçons de lignes sont vendus à d'autres sociétés américaines. Toutes les lignes ferroviaires du nord du Manitoba et le port de Churchill ont été vendus à Omnitrax, de Denver. Deux autres lignes de chemin de fer dans ma province de la Saskatchewan ont également été vendues à Omnitrax.
Même le fabricant de patins Bauer—si les Canadiens savent faire une chose, ce sont bien les patins—a été vendu à Nike. L'usine a été fermée et la production transférée en Asie du Sud-Est.
Maintenant, le Wall Street Journal appelle le Mexique et le Canada à adopter une monnaie commune pour la zone de libre-échange nord-américaine.
Voilà ce qu'il est advenu de notre souveraineté nationale. John A. Macdonald a déclaré en 1891 que le libre-échange avec les États-Unis conduirait inévitablement à l'annexion du Canada par les États-Unis. Sa prédiction se réalise aujourd'hui.
John Turner a qualifié l'Accord de libre-échange de «Loi sur la vente du Canada», et il avait raison. Pierre Trudeau l'a qualifié de marché de dupe monstrueux. Il avait raison. La marée tourne pour ceux d'entre vous qui proposent ce genre de chose pour notre pays.
J'ai pris la parole au congrès des Teamsters il y a deux mois, sur la colline du Capitole, à Washington, et il paraissait acquis alors que Bill Clinton obtiendrait la procédure rapide. La bannière au-dessus de ma tête, à ce congrès, disait «Fini les ALENA», et les Teamsters et le mouvement syndical partout aux États-Unis, Ralph Nader et toutes ces autres organisations, ont travaillé jour et nuit. Clinton n'a même pas obtenu que ses propres membres du Parti démocrate votent pour la procédure accélérée.
Cela nous amène à la question du mandat, et je vais céder la parole sur ce sujet à ma cointervenante, Marjaleena Repo.
Mme Marjaleena Repo (représentante, Citizens Concerned About Free Trade): Je vous remercie.
Monsieur le président et membres du comité, la définition de «mandat» est: a) commandement judiciaire ou légal d'un supérieur; b) acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose en son nom; et c) fonction de membre élu d'un Parlement. Ce sont là des définitions du dictionnaire que la plupart des Canadiens reconnaissent comme valides. Selon celles-ci, ce gouvernement n'a pas de mandat pour signer un accord multilatéral sur l'investissement.
Cette absence de mandat existe depuis l'élection de 1988 sur le libre-échange dans laquelle le Parti libéral, sous John Turner, a combattu corps et âme l'Accord de libre-échange. Cela a été la bataille de notre vie. Pour ces députés qui ont été élus en 1988—et j'en vois trois ou quatre d'entre vous ici; beaucoup siègent à la Chambre—et pour les 55 p. 100 de Canadiens qui ont voté contre l'Accord de libre-échange de Mulroney dans ce qu'il a lui-même qualifié de «référendum sur le libre-échange», les Canadiens ont refusé de confier les leviers du pouvoir économique et politique à un pays étranger. La seule raison qui a fait que Mulroney a pu signer l'Accord de libre-échange a été que le vote anti-libre-échange s'est scindé entre les libéraux et les néo-démocrates. Ce n'était pas la faute du peuple. Nous avons rejeté le libre-échange et notre système électoral antidémocratique a donné à Mulroney les sièges voulus, mais manifestement pas le mandat, pour aller de l'avant.
Le Parti libéral, alors dans l'opposition, s'est battu contre l'extension de l'Accord de libre-échange en ALENA. C'est un élargissement dont Mulroney avait dit qu'il ne l'envisagerait en aucune circonstance. Les prises de position du Parti libéral contre l'ALENA et ses promesses de l'annuler, ainsi que l'Accord de libre-échange, s'il ne pouvait être renégocié dans l'intérêt national du Canada, sont claires comme du cristal.
C'était la politique officielle du parti, renforcée par des motions déposées à la Chambre, des énoncés de politique. Elle a été réaffirmée vigoureusement dans le livre rouge. Lisez la page 24—l'engagement absolu d'abroger l'Accord de libre-échange et l'ALENA s'ils ne pouvaient être renégociés.
• 1605
Cela a été martelé pendant la campagne électorale par le
premier ministre et par tous les autres candidats. La promesse
était claire comme du cristal: vous alliez abroger si vous ne
pouviez renégocier. Ne vous y trompez pas, la promesse d'annuler la
principale réalisation du régime Mulroney tant honni a été la clé
de l'arrivée au pouvoir des libéraux et de la débâcle des
conservateurs de Mulroney en 1993.
Le fait que Jean Chrétien, une fois élu, se soit dépêché de signer l'ALENA de Mulroney sans modification restera comme l'une des plus grandes trahisons politiques dans les annales canadiennes. C'est comme si un homme qui promettait d'aider une femme battue—en l'occurrence, le Canada—à échapper aux griffes d'un époux brutal se retournait et frappait sauvagement cette femme qui pensait avoir trouvé en lui un sanctuaire.
Cette absence de mandat est donc patente. Il n'y a pas de mandat pour élargir à l'AMI le chapitre sur l'investissement de l'ALENA. La promesse solennelle des libéraux d'abroger l'ALENA leur dénie ce mandat.
En outre, lors de la campagne électorale de l'été dernier, pas un seul libéral n'a fait campagne sur l'AMI. De fait, les ministres participant à la campagne, tels que Hedy Fry et Art Eggleton, ont nié l'existence d'une telle chose. Hedy Fry a déclaré que rien de tel n'existait et Art Eggleton a déclaré qu'il n'y avait même pas de brouillon de texte. Or, nous avons maintenant le texte en mains. C'était un contre-mandat, si jamais il y en a eu un, car le sujet n'a jamais été abordé.
Les autres candidats libéraux n'avaient pas la moindre idée de l'existence de l'AMI et ne l'ont promu ou défendu en aucune façon. Je peux le garantir, car j'ai participé à de nombreux meetings politiques à travers le pays. Le sujet n'a pas été abordé. Ni n'a-t-il été soulevé par le Parti réformiste, qui se range maintenant en bloc derrière l'AMI, et je ne pense pas que le Bloc québécois se soit jamais prononcé en sa faveur dans ses réunions. Ce sujet est également complètement absent de sa plate-forme.
Les Canadiens, au cours des 13 dernières années—et n'oubliez pas que Mulroney lui aussi rejetait le libre-échange au moment de son élection—ont été trahis de façon répétée par les deux partis au pouvoir. Les deux partis d'opposition, le Bloc et maintenant le Parti réformiste n'ont fait aucun effort pour obliger les libéraux à rendre des comptes sur la rupture de cette grande promesse. Au contraire, les réformistes en particulier, en dépit de leur prétention à être les chantres de la démocratie et la voix du peuple, se contentent de se moquer des libéraux pour leur rejet passé du libre-échange mais, à ma connaissance, n'ont pas une seule fois soulevé la question du mandat à la Chambre.
La raison en est claire: sa propre ruée—et je parle là du Parti réformiste—en faveur de la mondialisation oblitère sa promesse de vérité, de justice et de démocratie. Les réformistes, je tiens à vous le dire, n'ont pas été élus pour seconder les libéraux au sujet de l'AMI, mais comme opposition officielle afin d'exiger un débat complet, ce que vous n'avez pas fait jusqu'à présent.
En conclusion, ces trahisons sont à l'origine du mépris et de la haine de l'électorat envers tous les politiciens et toute la politique. C'est là le véritable legs des libéraux, auquel le Bloc québécois et le Parti réformiste apportent leur écot. Mais retenez bien mes paroles: vous récolterez ce que vous aurez semé si ce comité donne au gouvernement le feu vert pour l'AMI. Le seul mandat que vous avez du peuple canadien, c'est de procéder à l'abrogation de l'Accord de libre-échange et de l'ALENA. C'est là votre véritable mandat. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie.
Maintenant, à titre personnel, un ancien député et l'un de mes anciens commettants, M. Hellyer.
M. Paul Hellyer (comparution à titre personnel): Je vous remercie, monsieur Speller et membres du comité.
Je suis heureux de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui car je considère l'Accord multilatéral sur l'investissement comme l'un des projets les plus dangereux auxquels les Canadiens aient été confrontés de mon vivant.
L'AMI n'a pas pour but d'établir des règles pour faire en sorte que l'investissement et le commerce international contribuent à créer des emplois et à faire la prospérité du Canada, comme le ministre du Commerce international vous l'a affirmé le 4 novembre. Il n'a rien à voir avec les échanges commerciaux, qui sont si importants pour le Canada. Il s'agit plutôt de pouvoir et de contrôle. Ce traité sur l'investissement est façonné de manière à devenir une déclaration des droits des sociétés multinationales et des banques internationales qui les financent. Il est conçu de manière à leur offrir une expansion sans heurt et relativement libre de risques, une déclaration des droits sans déclaration des obligations correspondantes.
• 1610
L'AMI n'apportera au Canada que des ennuis. Nous n'avons
certainement pas besoin de lui pour encourager l'investissement
étranger. Comme le ministre l'a fait remarquer dans sa déclaration
liminaire, l'investissement étranger a doublé en l'espace de dix
ans, pour atteindre 180 milliards de dollars. Quelqu'un pense-t-il
sérieusement qu'il faut accélérer ce rythme? Il n'y a pas de
problème immédiat tant que les étrangers réinvestissent leurs
bénéfices au Canada, mais lorsqu'ils n'y trouvent plus leur intérêt
et qu'ils rapatrient leurs profits et dividendes et redevances,
quelqu'un a-t-il calculé où nous trouverons les devises requises
pour cela?
On nous dit que l'investissement étranger est essentiel à la création d'emplois, mais ce n'est pas nécessairement vrai. Bon nombre des investissements des dernières années ont pris la forme de prises de contrôle d'entreprises canadiennes existantes, avec habituellement pour résultat des fermetures d'usines, des pertes d'emplois et une consommation réduite de services canadiens, tels que services comptables, publicitaires et autres.
Le ministre a cité le chiffre d'Industrie Canada et de son propre ministère voulant que 1 milliard de dollars de nouveaux investissements étrangers directs au Canada engendreraient 45 000 nouveaux emplois sur cinq ans. Comme je l'ai dit, cela n'est vrai que dans la minorité des cas où il ne s'agit pas d'une reprise d'une entreprise existante. Toute la question de la création d'emplois doit être mise en perspective.
À titre de comparaison, la diminution des dépenses de programme et des paiements de transfert du gouvernement fédéral à hauteur de plus de 10 milliards de dollars sur quatre ans a entraîné la perte de plus d'un demi-million d'emplois. Cela signifie que le niveau de la création d'emplois au Canada est déterminé principalement par les politiques monétaires, financières et bancaires du pays, lesquelles jouent un rôle beaucoup plus important que l'investissement étranger. Le Canada ne dépend pas lourdement de l'investissement étranger direct pour ses capitaux. Cela est un mythe.
On voudrait également nous faire croire que le gouvernement va négocier pour l'AMI les mêmes réserves que celles obtenues dans l'Accord de libre-échange et l'ALENA. Franchement, je ne crois pas à ces assurances. À mon avis, elles ne visent qu'à nous tranquilliser jusqu'à ce que les négociations soient bouclées et que nous soyons placés devant un fait accompli.
Ne nous y trompons pas. Les Américains ont l'intention d'utiliser l'AMI pour faire sauter toutes nos protections en matière de services financiers, de télécommunications et de culture. À quoi pensez-vous que songeait le Président Clinton lorsqu'il brandissait le Canada comme trophée devant les membres du Congrès pour justifier sa demande de la procédure accélérée pour la négociation de traités? Il songeait à tout ce que les États-Unis n'ont pu obtenir la dernière fois.
Le ministre vous a dit que le Canada n'accepterait pas d'engagement général de geler—ce que l'on appelle le statu quo—ou supprimer graduellement—le démantèlement—les restrictions à l'investissement étranger. Il serait agréable de pouvoir croire à cette assurance, mais nous ne le pouvons pas car c'est exactement ce que les autres pays, notamment les États-Unis, exigeront. Le nouveau livre de Charles Ritchie, Wrestling with the Elephant, décrit ce qui se passe dans un affrontement entre un éléphant et une souris.
Lorsque George Bush a signé l'Accord de libre-échange en 1987, il a accompli ce que les armées et généraux américains n'ont pu faire en 1776 et 1812. Il a conquis le Canada. Il nous a arraché tous nos vêtements protecteurs externes et ne nous a laissé que les sous-vêtements. Aujourd'hui, les États-Unis veulent nous arracher également les sous-vêtements.
Jack Valenti, le puissant lobbyiste du secteur cinématographique, a fait savoir très clairement que les restrictions canadiennes relatives aux industries culturelles ne sont pas acceptables. Les investisseurs américains veulent les mêmes droits illimités au Canada qu'en Californie.
C'est une grande chance pour le Canada que la conquête opérée sous la guise de l'ALE et de l'ALENA ne soit pas définitive. S'il le fallait, nous pourrions abroger ces traités dans un délai de six mois. L'AMI est conçu de façon à rendre la conquête irréversible. La période d'abrogation de cinq ans, avec des droits d'antériorité pour 15 années de plus, signifierait la fin de la partie pour le Canada.
D'autres que moi vous ont parlé de la perte de souveraineté dans des domaines clés. Je ne répéterai pas ces arguments, sinon pour dire que je n'aimerais pas un Canada qui se verrait légalement empêché d'interdire l'entrée de marchandises fabriquées par des enfants travaillant dix heures ou plus par jour pour 10c. de l'heure dans un enclos de fil de fer barbelé et sous la surveillance de gardes armés, un enclos où ils sont livrés aux sévices physiques et sexuels. Or, c'est bien ce qui arriverait si l'AMI est élargi à d'autres pays, tel que prévu.
• 1615
Dans une lettre aux responsables américains, en date du 21
mars 1997, le président du U.S. Council for International Business
écrivait:
-
Nous nous opposerons à toute mesure créant ou même impliquant des
obligations contraignantes pour les États ou les entreprises en
matière d'environnement et de normes de travail.
La perte de souveraineté dont je veux parler est la perte de notre droit à restreindre l'investissement étranger si la survie de notre pays est en jeu. L'AMI ne nous permettrait pas de dire que les bornes sont dépassées. Nous ne pourrions pas dire que les étrangers ne peuvent acheter plus de 50 p. 100 de nos forêts. Ils pourront les acheter toutes. Nous ne pourrons pas dire que les étrangers ne peuvent détenir plus de 80 p. 100 de nos réserves de pétrole et de gaz. Ils pourront les avoir toutes. Nous ne pourrons dire que les sociétés agro-alimentaires américaines ne peuvent acheter plus de 50 p. 100 des exploitations du comté d'Elgin. Le traité AMI dira qu'ils peuvent les avoir toutes.
D'aucuns affirment que l'AMI peut être rendu acceptable au moyen de garde-fous adéquats. Ce n'est pas mon avis. L'AMI est irrécupérable parce que l'idée de donner aux étrangers les «droits de citoyen» est odieuse. Il devrait y avoir quelque avantage associé au droit du sol ou à la citoyenneté méritée par ceux qui se sont établis au Canada et ont contribué à sa grandeur. Dans la plupart des cas, ces citoyens ont le Canada à coeur et seraient enclins à préserver et protéger ses intérêts.
La citoyenneté acquise par le biais des traités sur l'investissement est une parodie creuse de citoyenneté. Sa seule allégeance est au dieu dollar. C'est une citoyenneté qui veut écrémer le meilleur des ressources et industries du monde et qui consolide sa mainmise sur tous les grands secteurs d'activité économique. L'établissement de cet oligopole mondial aura pour résultat ultime moins de concurrence, moins d'emplois et une barrière presque impénétrable opposée aux nouveaux entrants dans les principaux domaines d'activité économique. C'est l'embryon d'un empire du mal représentant la face la plus hideuse du capitalisme.
Le financier américain d'origine hongroise George Soros n'est pas seul à lancer ce cri d'alarme: le capitalisme effréné est en train de remplacer le fascisme et le communisme comme la plus grande menace pour les sociétés libres. C'est exactement ce qui se passe. Nous engendrons un monde où les gestionnaires de l'industrie et de l'argent, et les actionnaires de ces entreprises, se taillent la part du lion des richesses du monde et ne laissent que les miettes à tous les autres, ou même rien du tout. C'est un empire où la répartition des richesses devient de plus en plus inégale et où les citoyens ordinaires ne comptent pour rien car peu importe qui ils élisent. Le véritable pouvoir réside aux mains de bureaucrates et autocrates non élus et irresponsables.
Les Canadiens deviennent de plus en plus cyniques par rapport au système parlementaire et on les comprend. Ils élisent des députés tous les trois ou quatre ans, mais ces derniers semblent oublier les intérêts de leurs commettants et deviennent de simples porte-parole ou apologistes de la ligne du parti, une ligne qui n'est que trop souvent imposée par les bureaucrates. Prenons quelques exemples.
Lorsque le gouverneur de la Banque du Canada, Gerald Bouey, a déclenché la récession de 1981-1982, qui a mis plus d'un demi-million de Canadiens dans la misère, son action n'a jamais été approuvée par un vote libre des députés libéraux. Cela a été fait à leur insu ou sans leur consentement, mais ils se sont vite retrouvés à devoir défendre l'indéfendable. Lorsque le gouverneur Crowe a perpétré un crime similaire en 1990-1991, le caucus conservateur a défendu une politique qu'il avait qualifiée à juste titre de «insensée» dix ans plus tôt. L'odieuse TPS est un autre cas où des fonctionnaires sans visage ont imposé leur volonté à un électorat sans défense.
L'AMI sera le révélateur suprême. Il ne faisait partie de la plate-forme d'aucun parti lors de la dernière élection. De fait, la plupart des députés n'en avaient jamais entendu parler en mai dernier, bien que les négociations aient alors déjà été en cours depuis deux ans. Vous n'en auriez peut-être même rien su du tout si quelqu'un n'avait pas divulgué l'ébauche du traité, texte qui a choqué et alarmé les premiers à en avoir connaissance.
Le ministre a mentionné l'avantage de la transparence des règles internationales, mais il n'y a certainement pas eu transparence des négociations de l'AMI. Lorsque j'ai soulevé la question dans un entretien avec une journaliste en avril, celle-ci a demandé des précisions au Bureau du premier ministre et a fait chou blanc. C'est à se demander qui dirige le pays.
• 1620
L'AMI est une invention américaine et est peut-être, du moins
en apparence, dans l'intérêt à court terme des États-Unis; il n'est
pas dans l'intérêt du Canada, ni du monde. Le Canada, un petit pays
comparé à son voisin éléphantesque, doit s'opposer à l'AMI de
toutes ses forces; d'abord pour lui-même, car sa survie même est en
jeu, et ensuite pour le compte de tous les autres petits pays qui
vont se retrouver enrôlés de force dans l'empire du mal.
Mes convictions à ce sujet sont si fortes que j'ai écrit un ouvrage intitulé The Evil Empire: Globalizations's Darker Side, qui place l'AMI dans le contexte plus général. J'en ai un exemplaire pour chacun des membres du comité. J'espère que vous le lirez et en viendrez à recommander au gouvernement le retrait immédiat des négociations.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Hellyer.
Nous allons passer maintenant aux questions, avec des tours de dix minutes. Les témoins qui le souhaitent peuvent intervenir sur des questions posées à un autre témoin.
Je vais commencer par M. Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je veux remercier les membres du panel de leur présence aujourd'hui. Les interventions ont certainement été stimulantes, mais vous n'êtes pas le premier groupe de témoins que nous entendons sur ce sujet. Nous siégeons là-dessus depuis environ un mois et beaucoup de Canadiens sont déjà venus nous dire pourquoi ils sont favorables ou opposés à l'AMI.
Je veux simplement rappeler aux témoins, monsieur le président, que le Canada n'est pas obligé de signer l'Accord multilatéral sur l'investissement. Ce n'est pas une obligation. Nous n'y sommes pas juridiquement tenus. Nous négocions.
Mais la question que je voudrais poser au panel est celle-ci: que se passerait-il si nous ne signons pas? Qu'arrivera-t-il si nous laissons tomber et ne devenons pas partie à cet accord?
Je rappelle aussi au panel que nous avons toujours l'ALENA. Je conteste ce que disait M. Hellyer au sujet de la politique d'investissement. Je pense que la politique d'investissement canadienne est régie dans une large mesure par l'ALENA. Le chapitre 11 de l'ALENA, qui a été introduit en 1988 avec l'Accord de libre-échange, a été modifié en 1993, mais nous avons toujours l'ALENA.
La plus grande partie de l'investissement étranger au Canada vient des États-Unis et est donc régie par l'ALENA. Mais qu'en est-il des importants investissements canadiens à l'étranger? Ces investissements canadiens totalisent environ 170 milliards de dollars et tous ne sont pas protégés par des règles telles que le traitement national ni par un mécanisme de règlement des différends.
Peut-être desservons-nous ces Canadiens qui sont à l'affût de possibilités d'investissement? Les exportations représentent aujourd'hui 40 p. 100 de notre PIB. Dans la plupart des cas, les exportations exigent quelque investissement préalable. Les Canadiens sont donc présents sur le marché mondial. Il me semble qu'ils s'en tirent pas mal, ramenant au Canada beaucoup de profits et de chèques de paye. Cela contribue à l'excellent niveau de vie du Canada. Ne faut-il pas donner une certaine protection à ceux qui effectuent ces investissements dans l'économie mondiale?
Voilà donc mes questions: quelles sont les options si nous ne signons pas l'AMI et quelle protection auront nos investisseurs canadiens?
Le président: Monsieur Penson, adressez-vous cette question à quelqu'un en particulier ou au panel en général?
M. Charlie Penson: À quiconque souhaite répondre.
Le président: M. Orchard en premier.
M. David Orchard: Une partie du problème que nous inflige l'ALENA, accord que votre parti approuve, est que—vous dites que 40 p. 100 de notre PIB provient des exportations. Ce chiffre grimpe en flèche. Nous devenons une république bananière, et le problème est là. Avec l'intensification du commerce Nord-Sud, les liens est-ouest sont en train d'être coupés dans ce pays. Nous avons de moins en moins d'échanges est-ouest dans ce pays. Avec la diminution des échanges est-ouest, les liens culturels, politiques et sociaux s'effilochent. Le régionalisme gagne. Chaque région dit ne plus avoir besoin du reste du Canada parce qu'elle commerce avec les États-Unis, au Sud. Si Ottawa ne nous donne pas ce que nous voulons, nous allons nous séparer. Voilà ce que fait le commerce Nord-Sud à notre pays.
• 1625
Votre deuxième question est de savoir ce qui arrive si le
Canada ne signe pas? Ce que le Canada devrait faire, c'est quitter
l'ALENA, comme le Parti libéral l'a promis, et quitter l'ALE. Il
arriverait que le ciel ne nous tomberait pas sur la tête. Nous
reviendrions immédiatement sous le régime du GATT qui a régi nos
échanges pendant 50 ans et sous lequel le Canada s'en tirait
beaucoup mieux qu'aujourd'hui.
Lorsqu'il y avait un différend sous le régime du GATT, comme vous le savez, il était arbitré par un organe indépendant. Les parties au différend ne siégeaient pas à ce panel. Maintenant, nous sommes emprisonnés dans un panel où siègent les États-Unis, un pays dix fois plus puissant que nous, et ces différends sont arbitrés selon la loi américaine. Nous avons beaucoup moins d'accès.
Nous retournerions simplement à un système qui était meilleur pour le Canada que l'actuel.
Le président: Monsieur Hellyer.
M. Paul Hellyer: D'abord, vous avez fait valoir que nos investisseurs s'en tirent déjà très bien, et c'est vrai. Ils négocient habilement avec les pays étrangers et ont brillamment réussi.
L'autre aspect, encore une fois, met en jeu un principe général. J'ai été capitaliste toute ma vie et j'ai toujours considéré que le capitalisme suppose la prise de quelques risques. Si vous avez de la chance, êtes un petit peu intelligent et si les choses tournent favorablement, vous faites un bon bénéfice. Si vous avez moins de chance, vous pouvez perdre un peu d'argent.
Il ne m'est jamais venu à l'idée que le gouvernement devrait garantir mon investissement et je ne l'aurais jamais demandé. Toute cette notion selon laquelle les gouvernements, collectivement, offrent aux plus riches du monde un investissement sans risque me paraît totalement contraire à ce que je considère être le principe du capitalisme.
Le président: Monsieur Carre.
M. Stuart Carre: Il est toujours difficile de répondre à une question qui reste encore hypothétique, car nous attendons encore de voir plus clairement ce qui sera dans l'accord. Si, à notre sens, c'est un mauvais accord, alors nous recommanderons au gouvernement du Canada de laisser tomber. Si nous jugeons qu'il est utile, s'il favorise à la fois l'investissement étranger au Canada et réduit les barrières à l'investissement canadien à l'étranger, alors nous recommanderons probablement sa signature.
Ce qui est intéressant dans ce débat, et vous l'avez sans doute déjà abondamment constaté, c'est qu'à bien des égards il ne porte pas du tout sur l'AMI. Ce débat porte sur l'AEIE; ce débat porte sur l'ALENA.
Vous connaissez nos vues sur l'AEIE et l'ALENA. Voyons la portée réelle de l'AMI. Il concerne l'investissement, un élément de l'ALENA; il régit les flux d'investissements à destination et en provenance du Canada, à hauteur de peut-être 20 p. 100, soit la part des pays de l'OCDE, moins celle des États-Unis qui est déjà couverte. C'est une couverture plus réduite.
Pour répondre à votre question directement, si nous refusions de signer un accord raisonnable, le gros problème pour le Canada serait que nous enverrions ce faisant un message très clair aux investisseurs étrangers, leur disant qu'ils sont indésirables au Canada. Nous ne pourrions bénéficier des protections prévues dans cet accord.
En outre, dans la mesure où l'accord de Paris, s'il est jamais conclu, servira de point de départ ou de modèle à un accord plus large couvrant des économies connaissant un taux de croissance beaucoup plus rapide que les pays de l'OCDE, nous réduirions à néant notre propre crédibilité dans ces négociations ultérieures.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Knoerr.
M. Don Knoerr: Il ne faut pas perdre de vue ce qui se passe, comme d'autres l'ont dit. Tout d'abord, l'AMI ne couvre actuellement que les membres de l'OCDE. Nous avons déjà des accords bilatéraux sur l'investissement avec la plupart de ces pays; nous en avons signé une trentaine. À côté, il y a l'AMI.
• 1630
Nous parlons ici d'un modèle auquel le Canada adhère déjà et
dont d'autres pays sont plus éloignés. Le mandat de nos
négociateurs est très clair. Du moins, c'est ce qui nous semble.
C'est l'ALENA et rien de plus.
Si vous n'acceptez pas qu'il y a une limite à ne pas franchir, cela signifie que nous sommes prêts à tout accepter pour avoir un traité sur l'investissement. Je ne pense pas que ce soit votre position.
À moins que ne surgisse un problème avec l'ALENA dont nous n'avons pas encore connaissance, du moment que l'AMI n'impose pas des conditions inutiles au Canada... parce que nous avons déjà un régime d'investissement favorable, du moment qu'il n'impose pas des conditions ne figurant pas dans l'ALENA... Il est clair que les exceptions prévues dans l'ALENA seront garanties dans l'AMI, c'est-à-dire qu'elles seront acceptées par les autres parties. Si ce n'est pas le cas, alors ne signons pas.
M. Charlie Penson: Monsieur le président, ce que je demande ici et ce que je voudrais savoir...
Le président: Non, je sais.
Malheureusement, collègues, vu le grand nombre de panélistes aujourd'hui et le grand nombre de députés qui veulent poser des questions, je vais devoir limiter les questions à dix minutes. Il y a un vote à 17 h 30 auquel nous devons nous rendre.
Je vous donnerai la parole en premier au prochain tour, monsieur Penson.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Je vous remercie. On a parlé de souveraineté et d'investissement. Je veux simplement faire valoir que la souveraineté du Canada a été plus gravement menacée au cours des dix dernières années qu'elle ne pourrait jamais l'être par un accord international.
Le déficit budgétaire perpétuel et le gonflement de notre dette nous ont placés, durant toutes ces années, dans la situation peu enviable d'avoir à emprunter à l'étranger—non par choix, mais par obligation. Ce n'est que depuis un an ou 18 mois que nous ne sommes pas obligés d'emprunter. Cela me paraît une menace pour la souveraineté de n'importe quel pays.
Je répète que les négociations sérieuses ne commenceront qu'en janvier. Au cours des deux dernières années, on n'a fait que lancer des idées dans le chapeau. Nous ne sommes pas tenus de les accepter. Il ne faut jamais participer à une négociation si l'on n'est pas prêt à s'en retirer, et tout négociateur qui n'est pas prêt à se retirer deviendra forcément victime.
J'aimerais également démentir un petit mythe. Il y a ce mythe que les sociétés multinationales seraient de gros conglomérats ayant un pied ici et un pied là et capables d'aller où bon leur semble. Si vous regardez qui sont les multinationales aujourd'hui, vous verrez que la majorité sont des petites et moyennes entreprises.
J'ai eu l'occasion d'assister à un congrès des compagnies de prospection minière canadiennes il y a quelques semaines, un congrès qui se tient une fois tous les dix ans. J'ai appris qu'il y a 700 sociétés d'exploration minière au Canada. Le Canada est le coeur technologique de l'industrie minière mondiale. Nombre de ces sociétés sont multinationales.
Or, je vous signale que l'effectif moyen de ces sociétés est de 15 personnes. Prétendre que l'une ou l'autre représenterait quelque puissant conglomérat capable de dicter sa politique à un gouvernement est une erreur inquiétante.
• 1635
Je sais aussi que ces petites et moyennes entreprises
apprécieraient une protection égale dans les pays où elles
investissent leurs talents et leurs capacités.
Si je suis une petite entreprise et que je veux faire des affaires dans un pays étranger, je n'ai peut-être pas les moyens de me battre dans la jungle comme un très gros conglomérat. Par conséquent, un ensemble de règles communément acceptées par les nations serait pour moi une bonne chose.
Je ne sais pas; je me trompe peut-être. Voici l'expérience qu'a vécue un investisseur de Nouvelle-Écosse récemment en Russie. Il avait investi 60 millions de dollars, avec deux partenaires russes, pour construire un hôtel de luxe; tout le monde a entendu parler de cette affaire. Il n'y a pas de règles régissant les affaires dans l'«Est sauvage» depuis l'effondrement du communisme et, par voie de conséquence, cet investissement canadien risque fort d'être perdu.
On a parlé également de l'emploi et du fait qu'il y a un million de chômeurs au Canada. Mais il faut regarder la réalité. Il faut se demander: quels emplois?
Il y a un million d'emplois qui ne trouvent pas preneur au Canada. Même au plus fort de la récession, il y avait un demi-million d'emplois inoccupés, parce que nous n'avions pas les gens possédant les qualifications voulues. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une pénurie croissante de main-d'oeuvre possédant les qualifications exigées par la nouvelle économie.
L'époque des coupeurs de bois et porteurs d'eau est révolue. Même sur le plan des exportations, tout le monde admet que nous n'exportons plus seulement des petits bidules. Nous exportons des céréales. Nous exportons des savoir-faire, en sus des produits agricoles et manufacturés.
À tout le moins, on peut arguer qu'il vaut la peine de continuer la partie jusqu'à la fin pour voir où ces négociations vont mener. Si le résultat est bon pour le Canada, tant mieux. S'il n'est pas bon pour le Canada, nous ne signons pas.
Mme Marjaleena Repo: Vous n'avez pas parlé du mandat.
Le président: Excusez-moi. Désolé, vous devez passer par le président.
J'allais donner la parole à Mme Heselton.
Mme Norine Heselton: J'aimerais simplement réagir à quelques-uns de vos arguments.
Lorsque vous dites qu'il ne faut pas entamer de négociations si l'on n'est pas prêt à s'en retirer à un moment donné, l'ACTI ne vous contredira pas. Ce dont nous parlons, du point de vue de l'industrie informatique, c'est un AMI de haute qualité. Si nous ne l'obtenons pas, si le résultat était néfaste pour le Canada, alors il nous faut certainement arrêter la partie.
Pour ce qui est des petites et moyennes entreprises, bon nombre des membres de notre association sont des petites et moyennes entreprises. Elles mettent au point et fournissent des produits et services novateurs de haute qualité. Cependant, il est connu que les petites et moyennes entreprises, particulièrement au Canada, n'exportent pas et n'investissent pas à l'étranger aussi efficacement qu'elles le pourraient.
Un AMI établissant des règles cohérentes, stables et fiables serait un atout permettant à ces entreprises de conquérir de nouveaux marchés à l'étranger.
La dernière remarque sur les qualifications est très juste. Ce n'est pas un problème d'emploi, c'est un problème de qualifications. Nos membres se plaignent sans cesse de ne pas trouver les compétences scientifiques et technologiques dont ils ont besoin. C'est un problème qui ne tient pas seulement aux insuffisances du système postsecondaire. Il commence dès le jardin d'enfants. Les jeunes ne sont tout simplement pas poussés et motivés à se lancer dans ces études après l'école postsecondaire.
Je vous remercie de ces remarques et Doug aimerait ajouter quelques mots.
M. Douglas Gregory (représentant, Association canadienne des technologies de l'information): Deux mots rapidement sur la question bilatérale.
Le président: J'aimerais permettre à chaque organisation de réagir, car nous avons malheureusement de nombreux participants.
Mme Repo voulait intervenir.
Mme Marjaleena Repo: Avant d'entrer dans les détails de l'accord, qu'est-ce qui vous fait croire que vous avez un mandat pour négocier l'AMI? C'est la question fondamentale que je pose à ce comité. Je pense que vous devez personnellement répondre ici et à vos commettants. Quel mandat avez-vous? D'où le tirez-vous? Voilà pour le premier point.
• 1640
Deuxièmement, je ne sais pas si vous suivez l'actualité, mais
récemment 45 000 travailleurs se sont bousculés pour peut-être 1
000 emplois dans l'industrie automobile dans l'une des usines de
l'Ontario. Peut-être 1 000 chômeurs vont-ils trouver un emploi,
mais qu'en est-il de tous les autres? Voilà la réalité.
Mais la première et grande question est le mandat: d'où le tirez-vous?
Le président: Madame Repo, habituellement, ce sont les membres qui posent les questions dans ce comité et les panélistes qui répondent et nous renseignent.
Mme Marjaleena Repo: Eh bien, il faudrait que cela joue dans les deux sens.
Le président: Le temps est écoulé.
Je donne la parole à M. Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Je vais tenter, si possible, de me faire bref dans mes questions et je vous demanderais la réciprocité dans vos réponses, parce qu'on se rend compte que les 10 minutes passent rapidement.
Ma première question s'adresse à M. Carre. Vous avez tenu des propos quelque peu ambigus en répondant à la question de mon ami, M. Penson, sur la possibilité de signer ou de ne pas signer l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Vous avez dit qu'évidemment, nous devons nous entendre pour avoir des clauses claires, que le Canada doit négocier de façon ferme, etc., mais d'un autre côté, vous dites qu'on ne peut pas ne pas signer. Si j'étais la partie adverse, je trouverais que mon adversaire est dans une position de relative faiblesse, pour dire les choses poliment. Maintenez-vous qu'on doit signer à tout prix l'Accord multilatéral? En fin de compte, c'est ce que vous avez dit.
M. Stuart Carre: Si j'ai donné l'impression que le Canada doit signer l'accord à n'importe quel prix, j'ai donné la mauvaise impression. Ce que j'ai voulu dire, c'est que le Canada ne doit pas signer un accord qui soit mauvais pour lui. On ne doit pas dire, comme quelques-uns, qu'il faut signer inconditionnellement l'AMI. C'est quelque chose que nous ne pouvons faire dans une négociation.
J'ai voulu dire que si l'accord était raisonnable et que le Canada décidait de ne pas le signer, cela enverrait aux investisseurs à l'étranger le signal que nous ne voulons pas de leurs investissements. Nous avons assez de problèmes à obtenir ces investissements maintenant. Cela aurait aussi pour résultat de créer des problèmes dans les négociations futures.
M. Benoît Sauvageau: Vous dites que cela va envoyer le signal que les investisseurs ne sont pas les bienvenus. Nous n'avons pas actuellement d'accord multilatéral sur l'investissement et il y a quand même pour 180 milliards de dollars d'investissements qui sont réalisés au Canada depuis 10 ans. Je crois que c'est une réalité qu'on doit reconnaître.
Je crois aussi que nos principaux partenaires dans l'investissement ont déjà actuellement des accords bilatéraux de signés avec le Canada. Je ne crois pas—et c'est mon opinion personnelle et non une question—que nous devrions faire part à nos négociateurs de cet argument voulant qu'on envoie un message ambigu, un message de non-bienvenue aux investisseurs.
Vous représentez le Conseil canadien des chefs d'entreprise et vous dites qu'on ne doit pas signer à tout prix si l'accord n'est pas satisfaisant. Pourriez-vous me dire quel serait, selon vous, un deal breaker pour le Conseil canadien des chefs d'entreprise? Quel serait, selon vous, le point d'achoppement de la signature de cet accord?
M. Stuart Carre: Comme j'ai essayé de l'exprimer au commencement, nous avons de grands problèmes avec certains membres de la Communauté européenne pour ce qui est d'une exception générale.
M. Benoît Sauvageau: Sur la culture?
M. Stuart Carre: Non, c'est la clause à laquelle les Européens demandent une exception pour les disciplines de l'AMI afin de ne pas donner aux autres investisseurs les mêmes niveaux de libéralisation; il y a aussi le problème de la Loi Helms-Burton. J'ai énuméré quatre ou cinq problèmes qui devraient être résolus.
M. Benoît Sauvageau: Non, on ne devrait pas signer cet accord.
M. Stuart Carre: J'ai essayé d'expliquer que ce sont de grands problèmes et qu'il faut voir ce qui reste avant de prendre une décision finale.
M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Je veux permettre à M. Hellyer et à M. Gregory de répondre à cela, s'ils le veulent.
Monsieur Gregory.
M. Douglas Gregory: Sur les questions que vous avez soulevées, monsieur Sauvageau, Stuart a énoncé un certain nombre de préoccupations du patronat en général, qu'il s'agisse du Conseil national des chefs d'entreprise ou de l'Association canadienne de la technologie de l'information.
Par ailleurs, Stuart fait preuve de la plus grande franchise lorsqu'il vous dit qu'il est très difficile de jauger un accord que l'on n'a pas vu. Jusqu'à présent, nous ne voyons que des propositions. Nous n'avons pas encore vu les réserves des autres pays. Il est donc très difficile de déterminer la valeur et les avantages d'un accord tant que l'on ne sait pas ce qui sera couvert et ce qui ne le sera pas.
D'où l'importance de discussions permanentes, comme celles que mène le comité ici réuni, en vue d'amener les Canadiens dans leur ensemble, y compris les syndicalistes, les gens d'affaires, etc., à comprendre pleinement ce qui se passe dans le contexte des négociations sur l'AMI.
Je vais m'arrêter là.
Le président: M. Orchard voulait intervenir.
M. David Orchard: Nous avons entendu la même chose: soit que l'on pourrait tourner les talons. Vous dites que nous pouvons nous retirer de ces discussions; le CNCE dit que si l'entente est mauvaise, on s'en ira; M. Penson dit que nous ne sommes pas obligés de signer; et M. Reed dit que nous ne sommes pas obligés d'accepter. C'est précisément ce que j'ai entendu lorsque j'ai négocié avec John Crosbie, Simon Reisman, et tous les autres, en 1986, 1987 et 1988, relativement au libre-échange. Ils ont tous dit: «Nous sommes tout simplement là à la table. Nous allons tout simplement discuter. Cela ne veut pas dire que nous allons forcément avoir une entente».
On ne se retire pas de ces tables. Après toutes les déclarations faites par Sergio Marchi et maintenant par Jean Chrétien, vous liant avant même que le comité n'ait rendu son rapport... M. Marchi est à Vancouver en train de dire qu'on va avoir l'AMI. Il appuie l'AMI corps et âme. Il est en train de s'engager de façon très imprudente à l'égard de ces discussions. Par conséquent, cette idée que l'on puisse tout simplement abandonner ces discussions si on n'aime pas ce qui s'y passe... Historiquement, ce n'est pas ainsi que les choses se sont déroulées.
Je serais très heureux si le gouvernement avait le courage de tourner les talons et de partir, car vous allez voir que cela va soulever tout un tollé à l'échelle du pays. Cela va vous coûter vos emplois, tout comme les Tories de Mulroney ont perdu leurs emplois. Vous n'avez pas été élus pour exécuter les politiques de Brian Mulroney; or, c'est précisément ce que vous êtes en train de faire. Et le Parti réformiste n'a lui non plus pas été élu pour reprendre le message de Brian Mulroney, mais c'est ce qu'il fait. Il vous faudra payer, un jour.
Le président: Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Mon autre question s'adresse à Mme Higginson. Vous avez dit, madame, qu'il fallait signer un accord de qualité. J'aimerais vous poser la même question qu'à M. Carre. Selon moi, un accord de qualité, c'est vague. Quels seraient les points d'achoppement qui, selon l'association que vous représentez, feraient que vous ne pas signeriez pas cet accord?
Vous avez dit, si j'ai bien compris, que cet accord faciliterait le transfert des employés cadres d'un pays à un autre. Comme l'AMI n'est pas signé, y a-t-il des membres de votre association qui vivent de tels problèmes ou si les cadres peuvent assez facilement travailler dans un siège social situé dans un autre pays?
Vous avez dit à ma grande surprise que selon vous, la définition de l'ALENA pour la clause d'exception culturelle était suffisante. Le ministre nous a dit que c'était un minimum que le Canada appuyait jusqu'à tout récemment et que nous allions voir le libellé de la France. Les groupes de représentants culturels que nous avons rencontrés jeudi dernier nous ont suggéré des propositions encore plus claires et plus rigoureuses.
• 1650
Maintenez-vous que la clause
d'exception culturelle telle qu'écrite dans les notes
serait suffisante ou pensez-vous qu'elle pourrait
être plus claire et plus rigoureuse?
Tous les témoins nous l'ont dit, si je ne
m'abuse.
[Traduction]
Le président: Monsieur Sauvageau, vous avez laissé une minute aux témoins pour répondre.
M. Douglas Gregory: En ce qui concerne nos observations sur la réserve culturelle, nous sommes très préoccupés par la réserve culturelle proposée par les Français. Il s'agit d'une question fort complexe.
Lorsqu'on regarde la convergence des technologies de l'information, de la radiodiffusion et des industries des télécommunications, on a trois paradigmes distincts en matière de politique publique pour ce qui est de la réglementation. La radiodiffusion est très réglementée; les télécommunications sont réglementées dans une certaine mesure, et le secteur de l'informatique, lui, est dans l'ensemble non réglementé, exception faite des règles très générales énoncées dans la Loi sur la concurrence.
Ce que nous avons, du point de vue de la technologie, est la capacité de regarder la télévision et d'écouter la radio sur l'Internet. Ce sont là des questions que le pays se verra obligé d'examiner dans la prochaine ronde du GATT sur la libéralisation des services, qui est censée débuter en l'an 2000, lorsqu'on abordera toute la question des télécommunications avancées et de l'audio-visuel.
La préoccupation de l'industrie est qu' au fur et à mesure que ces secteurs continuent de converger, nous autres Canadiens devrons décider de l'orientation de notre politique culturelle.
Ces associations de l'industrie appuient une réserve culturelle, mais nous ne voudrions pas que cela vienne élargir arbitrairement ou spécifiquement la définition de la culture pour inclure l'Internet. C'est que nous croyons que ce serait catastrophique pour tous les petits diffuseurs à contenu très concentré au Québec et au reste du Canada. Comme vous le savez très bien, si l'on regarde le contenu en langue française de l'Internet, c'est le Québec qui est le leader mondial sur le plan nombre de sites Web de langue française.
Il n'y a clairement pas de problème en ce qui concerne la représentation de contenu canadien sur l'Internet. Élaborer un régime réglementaire et d'investissement étranger qui reproduirait le régime applicable à la radiodiffusion pour ensuite tenter d'imposer cela à l'Internet serait catastrophique pour les entreprises canadiennes de technologie de pointe.
Le président: Merci.
Monsieur Blaikie, pour dix minutes.
M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.
Je m'excuse auprès du comité et des témoins d'avoir à aller et venir cet après-midi, mais je suis leader de mon parti à la Chambre et il y a des négociations en cours dont je dois m'occuper.
Je voulais dire que cela m'a tout particulièrement ennuyé de manquer l'exposé de M. Orchard. Je le connais depuis dix ans. Il a été un critique éloquent des accords de libre-échange.
J'adresse la question suivante à tout le monde, mais plus particulièrement aux représentants des milieux d'affaires que nous avons devant nous. Il me semble que le Canada que bon nombre d'entre nous connaissons et aimons est un Canada qui s'est bâti par suite d'une combinaison de politiques contre lesquelles l'AMI vient précisément militer et s'opposer philosophiquement. S'établit ainsi une philosophie contre laquelle on doit ériger des réserves.
Mais ce que nous disons, fondamentalement c'est que c'est ainsi que le monde devrait être, que nous autres Canadiens devrions nous excuser de ne pas nous y conformer et que nous aimerions rester tels que nous sommes à de nombreux égards, que nous énumérons.
J'adresse donc ma question aux représentants des milieux d'affaires, mais les autres pourront bien sûr y répondre également: pourquoi devrions-nous céder la capacité d'être ce que nous avons été, de continuer d'être le genre de pays que nous avons été, tout cela tout simplement pour que vous puissiez gagner plus d'argent dans un autre pays? C'est de cela qu'il s'agit ici, en tout cas à première vue. Il est question ici de ce que les investisseurs internationaux peuvent faire au Canada.
Prenez l'argument du loup déguisé en brebis. Ces pauvres compagnies canadiennes investissent dans un hôtel en Russie et se font tondre. Comme si l'AMI allait traiter de la corruption qui existe en Russie, mais peu importe.
• 1655
Ils veulent tout simplement gagner un profit honnête dans ces
autres pays et ils éprouvent quelques difficultés, alors ils
pensent que le pays tout entier devrait abandonner sa capacité
d'être le genre de pays qu'il a été jusqu'ici, tout simplement pour
qu'ils puissent gagner plus d'argent dans d'autres pays.
Pour commencer, d'où vous vient ce cran?
M. Stuart Carre: Je ne connais pas très bien le mode de fonctionnement de la Chambre des communes, mais d'où vous vient le cran de poser une question comme celle-là?
M. Bill Blaikie: Je peux vous poser toutes les questions que je veux, et vous pouvez répondre.
M. Stuart Carre: Les milieux d'affaires sont en train d'essayer de créer de l'emploi.
M. Bill Blaikie: Oui, ailleurs. Vous gagnez de l'argent ailleurs et vous y exploitez des gens qui travaillent à bas salaire. Oui, vous êtes des citoyens formidables.
Le président: Monsieur Blaikie, laissez le témoin répondre, je vous prie.
M. Stuart Carre: Vous n'étiez pas ici plus tôt lorsque j'ai bien dit que...
M. Bill Blaikie: Peut-être qu'il ne répondra pas à la question.
M. Stuart Carre: Non, je veux répondre à la question, et j'étais en train de le faire.
M. Bill Blaikie: D'accord, les choses ont changé: je vous écoute maintenant.
M. Stuart Carre: Premièrement, il est clair que c'est beaucoup plus qu'un débat sur l'AMI; c'est un débat sur les opinions des gens relativement à des choses comme l'Agence d'examen de l'investissement étranger et l'ALENA.
Notre position et notre opinion sont que le fait de s'éloigner de l'AEIE et de signer l'ALENA a été très bénéfique pour les Canadiens. Nous avons créé des emplois. Nous avons pu nous positionner de façon à être en mesure à l'avenir de profiter de choses comme la mondialisation.
Quant à notre opinion en tant qu'organisme représentant les milieux d'affaires, nous épousons clairement un point de vue différent de celui de M. Orchard ou peut-être de vous-même. Ce que je tiens à dire, c'est qu'en plus, nous avons pu créer davantage de souveraineté pour le Canada que si nous avions, par exemple...
J'aimerais revenir à l'essence de ce que M. Orchard, et vous-même, peut-être, essayiez de dire: je veux parler de la question de savoir si l'ALENA est ou non une bonne chose. Nous avons pu établir des règles et des régimes qui protègent les entreprises canadiennes et, partant, les travailleurs et les employés canadiens, en négociant des règles dans le cadre de l'ALENA.
En ce qui concerne la dimension investissement de l'AMI, il s'agit en fait d'un petit élément qui découle du modèle de l'ALENA et qui couvre, peut-être, 20 p. 100 de nos investissements bruts. C'est de cela que nous parlons.
M. Douglas Gregory: Monsieur Blaikie, je contesterais votre prémisse selon laquelle l'AMI va à l'encontre des notions sur lesquelles le Canada a été bâti. J'arguerais qu'il est très difficile dans l'économie d'aujourd'hui de regarder...
L'on pourrait adopter une perspective très tranchée et dire que les entreprises, quels que soient leurs propriétaires, ne devraient exister que dans les pays où elles ont été fondées. Lorsque vous avez ce genre de modèle, vous commencez à ériger des barrières entre pays. Nous avons des applications de technologies de l'information qui sont à la fine pointe et des services financiers qui sont en train de développer une économie mondiale. Par le passé, il y a eu des guerres par suite des différences qui existaient entre les pays, qu'il s'agisse de différences culturelles, économiques ou autres.
Ce que je pense, Bill, c'est que si nous reconnaissons que nos économies sont en train de s'intégrer, il y aura moins de risque à l'avenir que l'on se trouve confronté aux frictions terribles qui ont causé des problèmes par le passé.
Le Canada peut réussir. Nous avons les ressources naturelles nécessaires pour nous lancer dans l'économie du XXIe siècle. Ces ressources naturelles sont les cerveaux de tous les citoyens canadiens. Nous sommes très bien placés pour en tirer profit.
Si on limite les entreprises canadiennes à ne travailler qu'avec des Canadiens, à ne traiter qu'avec des Canadiens, à ne vendre qu'à des Canadiens, c'est-à-dire un marché de quelque 30 millions de personnes, l'on passera complètement à côté des possibilités qui s'offrent selon nous dans le monde de demain. Je ne parviens pas à comprendre pourquoi l'on voudrait agir ainsi.
Pourquoi ne voudrions-nous pas jouer notre rôle de leader sur la scène mondiale, comme nous l'avons fait par le passé, comme nous continuons de le faire et comme nous devrions le faire à l'avenir?
M. Paul Hellyer: Personnellement, je pense que c'est le droit de tout pays, et tout particulièrement les très petits pays comme le Canada, de décider qui devrait investir dans son pays et qui ne le devrait pas, et dans quelles conditions. Je ne suis pas partisan d'une multiplication des restrictions, mais je pense que nous avons le droit de prendre certaines décisions et de dire: «Vous êtes les bienvenus, mais seulement dans les circonstances suivantes: vous devez faire certaines choses qui sont bénéfiques pour l'économie canadienne, au lieu de tout simplement tirer profit de nos ressources et repartir avec les profits».
• 1700
Il est difficile de discuter de toute cette question en
l'absence d'une discussion plus générale sur la politique
monétaire, la théorie économique néo-classique et le prolongement
du monétarisme, adoptés par la Banque du Canada en 1974.
M. Reed parlait du fait qu'il nous fallait aller à l'étranger pour emprunter de l'argent devant servir au financement de notre déficit. Ce n'est pas vrai. Il nous a fallu aller à l'étranger pour emprunter de l'argent parce que la Banque du Canada a adopté cette religion économique étrangère, qu'elle a imposée aux citoyens canadiens qui ont ainsi dû payer un coût faramineux. C'est la Banque du Canada qui nous a endettés, et non pas les dépenses faites par les gouvernements, comme cela a été allégué, sauf pour un tout petit pourcentage.
La Banque du Canada achetait autrefois des obligations canadiennes. En 1974, elle possédait 20 p. 100 de la dette du gouvernement fédéral canadien. Elle a cessé de faire cela conformément à cette religion économique qu'elle a adoptée et elle possède aujourd'hui moins de 5 p. 100 des obligations du gouvernement canadien. Voici ce qui s'est passé: lorsqu'elle a arrêté d'acheter sa part des obligations, il lui a fallu soudoyer des étrangers pour qu'ils achètent les obligations qu'elle ne voulait plus acheter. Cela n'a donc rien à voir avec une dépendance à l'égard d'investissements étrangers. C'était tout simplement une très mauvaise décision de la part de ceux qui dirigent selon moi le pays, soit la Banque du Canada et le ministère des Finances, et je pense que cela s'est fait à notre détriment.
Ils sont également responsables, vu la façon dont ils se sont comportés, de la situation de l'emploi au Canada. Il est vrai que certains emplois ont été disponibles dans les secteurs de pointe. Or, je peux nommer six ou sept amis intimes qui sont au chômage à l'heure actuelle et qui ont tous des diplômes universitaires—il me semble même que l'un d'eux en a quatre ou cinq—et ils ne parviennent pas à trouver des emplois dans ce pays. Nous avons des infirmières, des médecins et des chercheurs qui sont au chômage. On parle d'exporter. On exporte un grand nombre de nos meilleurs chercheurs parce qu'il n'existe pas ici de possibilités pour eux dans le domaine scientifique.
Je pense qu'il vous faut vraiment envisager l'AMI comme étant un prolongement de tout ce processus entamé avec Friedman et l'école de sciences économiques de Chicago dans les années 70 et tout ce que cela a amené dans le monde. Cela a ralenti les économies. Cela a mis des millions de personnes au chômage. Cela a créé toutes sortes de problèmes, faisant sans doute plus de victimes que n'importe quelle autre idée qui est arrivée sur la scène mondiale ce siècle-ci. Nous nous sommes fait avoir et c'est pourquoi nous nous trouvons maintenant dans ce bourbier. Il faut voir l'AMI comme étant le prolongement de cela.
Ce qui m'ennuie avec l'AMI c'est la durée pendant laquelle ce sera coulé dans le béton. Cet accord va lier les gouvernements de demain, les enfermant dans des situations dont ils voudront peut-être s'échapper. S'il y avait un délai d'abrogation de six mois, alors ce serait peut-être—je dis bien peut-être—acceptable. Mais avec une abrogation à très long terme, je pense que vous coulez dans le béton un système, une philosophie, une religion, comme je le disais, qui s'avérera être une mauvaise religion et qui amènera en bout de ligne l'autodestruction. Il n'y a aucun doute là-dessus, car cela fait partie de ce qui se passe à l'heure actuelle en Asie. Ce genre de chose deviendra de plus en plus fréquent par suite de ce qui se passe.
Le président: Merci, monsieur Hellyer. Nous n'avons plus de temps.
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'ai une question pour chacun de vous sur des sujets bien précis. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, je poserai mes questions, puis...
Tout d'abord, monsieur Orchard, l'une des choses que vous avez dites est que nous étions mieux avec le GATT. Je pense que cette récente décision de l'Organisation mondiale du commerce relativement aux revues à double tirage résulte en fait du GATT, c'est-à-dire des barrières tarifaires négociées dans le cadre du GATT en 1947. Il est donc clair que notre situation n'est pas meilleure. J'aimerais que vous nous aidiez en nous disant ce que nous pourrions faire pour tenter d'améliorer cet accord.
Vous avez dit, entre autres, que les dispositions en matière de statu quo et de démantèlement ne devraient pas demeurer pour toujours. Des porte-parole du secteur des arts prônent des dispositions inconditionnelles, qui ne seraient pas assujetties aux dispositions en matière de démantèlement et de statu quo. Est-ce là quelque chose que vous pourriez accepter? Comment pouvons-nous continuer ou bâtir à partir de cela? Voilà ma question pour vous.
Le président: Monsieur Orchard.
Mme Sarmite Bulte: Monsieur Hellyer, en ce qui concerne...
Le président: Permettez-moi...
Mme Sarmite Bulte: Aimeriez-vous que je pose mes questions une à la fois?
Le président: Oui, s'il vous plaît.
Monsieur Orchard.
M. David Orchard: En vertu du GATT, il y avait toutes sortes de mécanismes auxquels nous pouvions recourir. Nous pouvions imposer des taxes à l'exportation et faire toutes sortes d'autres choses pour contourner les problèmes s'il y en avait. C'était le cas avec l'affaire des pêcheries, mais en vertu de l'ALENA, ces mécanismes sont interdits. Nos mains sont donc liées. C'est là le problème. Tant et aussi longtemps que nous restons enfermés à l'intérieur de l'ALENA, nos mains sont liées quant au contrôle que nous pouvons exercer sur notre propre destin. Quant à la possibilité d'améliorer les choses, la seule façon d'améliorer cela serait que le Canada se retire complètement des négociations.
L'ALENA et l'ALE sont des ententes illégitimes. Le Canada a deux fois voté contre elles. Clinton est arrivé au pouvoir aux États-Unis en faisant campagne contre l'ALENA de George Bush. Il est arrivé au pouvoir et il l'a ratifié de toute façon et Salinas l'a imposé au peuple mexicain sans l'avoir consulté et maintenant il est en fuite. S'il remet les pieds au Mexique, il sera emprisonné. Dans notre pays, bien sûr, Brian Mulroney devrait être en prison, mais au lieu de cela, les libéraux sont en train de lui payer 2 millions de dollars pour atteinte à sa réputation.
Ce que je veux dire c'est qu'aucun de ces hommes n'avait le mandat d'aller de l'avant avec l'ALENA. C'est là le problème...
Le président: Monsieur Orchard, ce sont là des opinions politiques très intéressantes, mais nous sommes ici davantage pour...
M. David Orchard: En ce qui concerne l'OMC, ce qu'il faut, c'est tout simplement retourner à l'OMC. Qu'on se retire de l'AMI et de l'ALENA, qui sont complètement dominés par les États-Unis.
Mme Sarmite Bulte: Monsieur Hellyer, l'une des choses que vous avez déclarées est que vous ne pensez pas que le gouvernement doive garantir les investissements. Je suis moi-même entrepreneure et je viens d'une famille d'entrepreneurs. Ne pensez-vous pas que le gouvernement a un rôle à jouer dans la protection de l'investissement? On ne parle pas ici des sociétés multinationales. Lorsqu'on parle d'investissements, il peut également s'agir d'investissement dans nos régimes de pension, et les investisseurs peuvent être de simples citoyens qui investissent dans des fonds mutuels pour leurs REER. Ne pensez-vous pas qu'il y a un avantage à cela?
Deuxièmement, vous avez parlé de notre perte du droit de limiter les investissements. Je suis fermement convaincue—je suis de votre avis—qu'il y a certains domaines et certains secteurs de notre économie, notamment la culture, qu'il nous faut protéger. Nous devons protéger notre société nationale de radiodiffusion. Si nous déterminons les secteurs qui sont selon nous importants et les exemptons de l'accord, ne serait-ce pas là une solution?
Le président: Monsieur Hellyer.
M. Paul Hellyer: Je pense que le secteur le plus préoccupant est le secteur financier. Comme vous le savez sans doute, les banques font énergiquement campagne pour faire supprimer la règle de propriété des 10 p. 100. Il nous est permis de croire qu'elles en ont déjà discuté avec le gouvernement et voici que le groupe de travail tente maintenant de formuler des recommandations disant que ce n'est pas forcément une mauvaise chose d'être plus gros.
Ma crainte, bien sûr, est que nos banques fusionnent et qu'il y ait donc moins de concurrence, dans un premier temps, pour qu'elles se fassent ensuite accaparer par des banques américaines, et que l'on se retrouve, en bout de ligne, avec absolument aucun contrôle sur nos politiques monétaires. Nous n'aurons ainsi aucun pouvoir de fournir du financement aux petites entreprises canadiennes et aux petits entrepreneurs canadiens.
Le tout se déballe à un point tel qu'on ne voit même plus où l'on va. J'entrevois une partie de l'avenir. Je vois Bell Canada se faire racheter. Je vois nos banques se faire racheter. Je vois pointer le jour où il ne restera plus rien et nous ne pourrons plus en payer le coût. Il nous faudra abaisser notre drapeau pour hisser celui de quelqu'un d'autre car financièrement nous n'aurons aucun choix.
Pour revenir maintenant aux banques, elles pourraient devenir si grosses que l'on se trouverait confronté au problème que vit le Japon à l'heure actuelle. Il faut décider si l'on veut leur venir en aide ou non; elles sont trop grosses pour qu'on les laisse s'effondrer, étant donné l'effet domino. Tant que vous avez un système bancaire à réserve partielle ou un système bancaire sans réserve, comme c'est le cas au Canada, vous allez vivre ce genre de crise, et cela pourrait bien faire s'écrouler de nouveau tout le système occidental. En fin de course, ce sera parce que l'on aura créé trop de crédit.
Enfin, en ce qui concerne l'AMI, et il s'agit ici de l'une des choses que je mentionne dans le livre, celui qui crée le plus d'argent—et comme vous le savez, les banques créent de l'argent avec rien; elles ne le reconnaissent pas, mais c'est ce qu'elles font et c'est ainsi qu'augmente notre masse monétaire—peut acheter le monde, mais ce ne sera certainement pas le cas du Canada. C'est là ma crainte. Je crains que ceux qui sont en mesure de créer le plus d'argent dans certains des plus gros pays vont tout simplement dire qu'il y a à tel endroit de merveilleuses ressources—mines, forêts, agriculture, eau ou autre chose—et qu'ils les veulent. Ils vont les acheter et cela va leur appartenir.
Mme Sarmite Bulte: Monsieur Carre, vous avez dit vouloir que les infranationaux fassent eux aussi partie de cet accord. Est-ce bien cela?
Vous me corrigerez si j'ai tort, mais n'est-il pas vrai que l'une des choses qui se sont passées avec l'ALENA est que les infranationaux... les États avaient un fort lobby et ils ont été exemptés de l'accord en vertu de réserves. Si c'est le cas, comment allons-nous franchir cet obstacle si nous voulons que chaque État américain entérine cet accord que nous allons négocier? J'aimerais tout simplement que vous nous fassiez part de vos conseils et de l'orientation que vous adopteriez dans ce domaine.
M. Stuart Carre: D'après ce que j'ai compris, les États-Unis ont déposé toute une gamme d'exceptions et de réserves très détaillées. Ce que j'ai essayé de dire dans ma déclaration est que nous aimerions que ces exceptions et réserves soient amoindries et limitées afin que nous puissions au moins partiellement couvrir dans cet accord ce que l'on appelle les infranationaux. Cependant, nous savons que les États-Unis veulent protéger d'importants éléments des domaines qui sont de la compétence des États. Je sais également très bien qu'ici au Canada le gouvernement fédéral n'a pas terminé ses consultations avec les provinces.
Le président: Monsieur Knoerr.
M. Don Knoerr: Je n'ai pas vu le libellé de l'exemption américaine, mais l'exemption canadienne pour l'ALENA vise toutes les mesures provinciales existant au moment de la ratification de l'entente qui étaient en conflit avec les dispositions de la plupart des principaux éléments des dispositions de l'ALENA.
Je tente toujours de tirer cela au clair, mais je pense que nous pourrions réécrire l'exemption de l'ALENA afin qu'elle nous soit plus utile à long terme, car tout est au point mort. Cela n'aura aucun effet sur de nouvelles mesures, mais ce serait moins restrictif pour un investisseur, car ce serait plus clairement défini et plus transparent.
L'organisation que je représente dit que, nous fondant sur l'hypothèse voulant que l'on ne peut pas changer l'ALENA—c'est une donnée de départ et nous n'y pouvons rien—nous ne voudrions pas d'exemptions qui n'aillent pas aussi loin que l'ALENA. Nous ne voudrions pas de mesures provinciales existantes non conformes sur ces éléments principaux que sont le traitement national et les obligations de résultat. Nous voulons la même exemption dans l'AMI. Si nous pouvons avoir un dialogue rationnel sur la façon de faire inscrire dans les deux accords de bonnes exemptions à long terme plus claires et plus étroitement définies, alors très bien, mais c'est là le minimum.
Le président: Merci.
Monsieur Nault.
M. Robert Nault (Kenora—Rainy River, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Carre, l'un des domaines qui semblent faire défaut dans l'AMI jusqu'ici est l'environnement. J'aurais pensé que s'il était une chose sur laquelle on pouvait s'entendre c'était pour dire que plus l'accord est solide en ce qui concerne l'environnement et la structure environnementale qui sera mise en place, mieux ce sera pour les entreprises canadiennes en pays étranger.
Il n'y a à cet égard aucune pierre d'achoppement pour le Conseil national des chefs d'entreprise et je serais curieux de savoir pourquoi le CNCE ne juge pas cela important. Ne devrions-nous pas insister en ce sens, étant donné que nous avons des normes environnementales qui comptent sans doute parmi les plus élevées dans le monde? Si nous allons faire affaire dans un autre pays, ne voudrions-nous pas que celui-ci reconnaisse ce fait et travaille dans le même sens?
Comment se fait-il que cela ne soit pas une pierre d'achoppement et pourquoi ne pourrait-on pas faire quelque chose sur ce plan? Autant on veut jouer avec de l'argent, comme l'a expliqué M. Hellyer, en bout de ligne, c'est celui qui aura le plus beau territoire qui existera et qui survivra. Vous pouvez jouer avec du papier tant que vous voulez, mais si nous polluons tout ce que nous touchons... vous avez beau avoir un portefeuille bien garni, il ne vous servira pas à grand-chose. Je peux comprendre la perspective des gens d'affaires qui craignent que des normes en matière de travail posent problème et qui ne veulent pas avoir un processus exécutoire, mais pourquoi ne pourrait-il pas y avoir des exigences du côté de l'environnement?
Le président: Monsieur Carre.
M. Stuart Carre: Nous n'avons rien inclus relativement à l'environnement dans cette partie que nous avons appelée celle des pierres d'achoppement. Tout d'abord, à notre avis, rien de ce qui sera négocié dans l'AMI ne viendra abaisser les normes. Je n'en suis pas certain, mais j'ai entendu des craintes exprimées par certains qu'en signant dès maintenant l'ébauche des dispositions de l'accord, cela amène un abaissement des normes environnementales. Je ne pense pas que ce soit le cas.
• 1715
Deuxièmement, si nous envisagions d'ajouter à ce genre
d'accord des dispositions relatives à l'environnement, je ne pense
pas que cela pose des difficultés énormes pour les milieux
d'affaires. Mais nous n'avons rien à examiner et, partant, rien sur
quoi nous prononcer, en tout cas pas encore. Cela est donc un petit
peu difficile pour nous.
Ça n'y a pas été inséré, car nous ne considérons pas cette question comme une pierre d'achoppement.
M. Robert Nault: Dans sa présentation, M. Knoerr a une partie qui traite des expropriations et de la compensation. En bas de cette partie, il fait état de la Ethyl Corporation et des difficultés qui pourraient survenir relativement à toute cette question de compensation en cas d'expropriation. J'imagine que cela cadre très bien avec l'absence d'engagement ou de direction au Conseil national des chefs d'entreprise.
Le dernier passage dit ceci:
-
Cette conclusion serait inacceptable et pourrait sérieusement
entraver la capacité du Canada d'exécuter les pratiques
réglementaires nécessaires.
Dans ces circonstances, il faudrait changer le libellé. On parle ici bien évidemment de nos normes environnementales et de notre désir, en tant que pays, de protéger la qualité de notre eau et notre air. C'est là l'une des raisons pour lesquelles nous nous sommes débarrassés des additifs à base de plomb dans l'essence. Et maintenant on est en train de nous poursuivre à cause de cela.
Ma question est donc la suivante: si cela va devenir une grosse pierre d'achoppement pour les gouvernements, ne serait-il pas dans l'intérêt de nos négociateurs et d'organisations comme les vôtres de proposer des libellés qui mettraient les gens à l'aise, si—et c'est un gros si—nous perdons dans l'affaire de la Ethyl Corporation?
J'essaie de cerner un peu cela, car c'est l'une des questions qu'utilise l'opposition pour laisser entendre qu'on s'est trompé de route ici. Il doit y avoir moyen de protéger notre propre environnement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le président: Monsieur Knoerr.
M. Don Knoerr: Vous me demandez peut-être un niveau de sagesse que je n'ai pas. Nous avons été très nerveux à l'idée d'utiliser ces munitions.
Tout d'abord, en vertu des règles de l'ALENA, étant donné que les deux parties ne se sont pas entendues, il n'y a pas de renseignements sur l'affaire qui soient disponibles. J'ai parlé avec l'un des avocats du gouvernement et il a tout simplement dit... Une fois la décision prise, elle sera rendue publique. Vous pourrez l'examiner. Vous pourrez décider.
Il est certain que le Canada n'estime pas que la Ethyl Corporation a droit... en vertu de cela, à cette fin.
Je ne peux pas vous dire qu'il n'existe pas un risque significatif. Ce que nous essayons de faire ressortir, c'est que... Je peux vous citer quantité d'exemples en dehors de l'AMI où nous avons réglé...
Lorsque vous négociez des accords, lorsque vous vous aventurez dans des territoires nouveaux, lorsqu'il y a de nombreux pays qui définissent les termes, ce n'est même pas la même chose. On a déjà assez de mal à l'intérieur d'un même pays, lorsqu'un avocat définit une intention déclarée de quelque chose. Le problème existe toujours.
Nous avons fait état de deux articles, mais nous avons un exemple. Nous allons surveiller cela de très près. C'est tout ce que je peux vous dire.
Je signalerais cependant que nous faisons beaucoup de travail réglementaire... ce pourrait avoir une dimension environnementale... mais ce n'était pas la seule chose.
Nous faisons des choses qui limitent la capacité des gens de faire affaire. À tort ou à raison, la Colombie-Britannique a instauré un régime d'assurance automobile gouvernemental. Que je sache, aucune compagnie n'a officiellement reçu de compensation. Bien évidemment, on a fait de son mieux pour arranger les gens.
L'essentiel est qu'en premier lieu il est inacceptable de consentir à un investisseur étranger un droit ou un avantage dont ne jouit pas un Canadien. C'est l'inverse.
Cela ne vous empêche pas de le faire dans ce cas-là, mais vous ne voulez pas imposer un coût additionnel dont le gouvernement devra tenir compte dans le cadre de l'exécution de l'activité de réglementation qui n'aurait pas eu lieu si vous n'aviez pas eu... Il faut attendre de voir, c'est tout ce que je peux vous recommander.
Quant à votre préoccupation, je ne me suis jamais penché sur cette question, et je ne possède pas forcément la compétence requise. Je pense que si je voulais répondre à votre question au sujet des conséquences environnementales, je dirais que je recourrais aux obligations de résultat du point de vue environnemental.
Je ne suis au courant d'aucun problème, mais cela s'applique à tout le monde. Cela couvre le genre de choses dont vous traitez dans le cadre de réglementation environnementale.
M. David Orchard: J'aimerais que vous vous prononciez sur ce qui suit. Les clauses en matière de normes de travail et de normes environnementales ne font selon nous pas le poids du tout.
Quant à cette question de ce qui se passe en vertu de l'ALENA, l'affaire Ethyl ne va pas être entendue devant les tribunaux canadiens. Ce qui se passe, c'est que la Ethyl Corporation peut choisir l'un des membres du panel, le gouvernement canadien peut choisir l'autre, et les deux s'entendent sur un troisième.
Comme l'a souligné M. Knoerr, cela demeure un processus secret tant que le résultat final n'est pas décidé. L'affaire va être tranchée sur la base de l'ALENA, et non pas du droit canadien, et ce qu'ils feront dans le cadre de l'AMI, c'est tout à fait la même chose. Tout sera fondé sur les lois et les règlements inscrits dans l'AMI et non pas les lois canadiennes. C'est à cet égard que l'on va céder notre souveraineté.
La question de savoir ce qui pourrait être fait pour... La Norvège est restée à l'extérieur de l'Union européenne en 1994. Il y a eu un débat enflammé. Les gens ont dit aux Norvégiens que leur économie reculerait et qu'ils se porteraient très mal. Ils sont restés à l'écart. Aujourd'hui, la Norvège a le plus bas taux de chômage de toute l'Europe, un taux de croissance qui est le double du taux européen, des soins de santé et dentaires gratuits pour tous; ils viennent d'abaisser l'âge de la retraite de 67 à 64 ans, et ils parlent maintenant de le ramener à 62 ans, avec pension intégrale. Voilà ce qu'a réalisé la Norvège. Elle doit utiliser ses ressources pétrolières pour financer les plus riches programmes sociaux au monde.
Ici, on est en train de vendre toutes nos ressources, puis on va dire qu'on va repousser l'âge de la retraite et qu'on n'a plus un sou. Ce sera parce qu'on aura bradé toutes les ressources naturelles du pays.
C'est là le problème, et ces clauses en matière de normes environnementales et de travail ne vont rien y changer, comme on l'a constaté lorsque Clinton les a insérées dans l'ALENA. Elles n'ont absolument aucun poids.
M. Robert Nault: J'aurais encore une question pour M. Carre: je reviens encore une fois sur toute la question des infranationaux.
J'ai beaucoup de mal à comprendre cet accord si en fait les provinces, bien sûr, dans ce cas-ci les infranationaux, semblables aux États aux États-Unis... si ces gouvernements ne signent pas, ne s'entendent pas ou bien demandent leurs propres réserves, alors que sommes-nous en train de signer ici véritablement? Cela n'a que très peu d'impact étant donné le pouvoir qu'a chacune des provinces à l'intérieur de notre fédération et les domaines qui relèvent d'elles.
J'ai l'impression à la lecture de votre mémoire, et tout particulièrement de la troisième partie, traitant des pierres d'achoppement, que si les provinces ne signent pas, vous n'y verrez plus un accord aussi sérieux et aussi productif.
Le président: Monsieur Carre, très brièvement.
M. Stuart Carre: Le Conseil national des chefs d'entreprise aimerait y voir inclus des niveaux de compétence infranationaux, car dans bien des cas c'est à ce niveau-là que l'on retrouve les barrières à l'investissement.
De façon plus générale, le CNCE n'est pas le groupe qui essaie de dire de l'AMI que c'est la panacée ni que c'est le plus grand mal qui soit. Nous sommes d'avis que de bonnes règles augmenteront l'investissement au Canada et abaisseront les barrières à l'étranger.
Mais il intervient toute une gamme d'autres questions si l'on veut veiller à ce qu'il y ait de l'investissement à l'intérieur du pays et à réduire les barrières à l'investissement pour les sociétés canadiennes qui sont actives à l'étranger. Ce n'est donc pas une panacée, mais c'est un important premier pas. Les infranationaux en sont un élément dont nous espérons qu'il pourra aboutir.
Le président: Merci, monsieur Carre.
Le temps qui vous était alloué est écoulé, monsieur Nault.
J'ai une question pour et M. Knoerr et Mme Heselton ou M. Gregory relativement à votre définition d'investissement.
Monsieur Knoerr, vous dites:
-
Le terme «investissement» doit être défini de façon très serrée, ne
doit pas déborder de l'ALENA et ne doit pas inclure «concessions»,
«licences», «autorisations» et «permis».
Madame Heselton, vous dites que la définition devrait aller au-delà de cela et qu'elle devrait être la suivante:
-
droits de propriété intellectuelle
-
et toute autre propriété tangible et intangible et tout autre droit
de propriété connexe, par exemple baux, hypothèques et cautions.
Il y a véritable divergence d'opinions ici.
Monsieur Knoerr, pourriez-vous expliquer, tout d'abord, pourquoi vous pensez que cela pourrait être plus serré, et madame Heselton ou monsieur Gregory, pourriez-vous expliquer pourquoi vous pensez que ce devrait être beaucoup plus large?
M. Don Knoerr: Pour parler très simplement, je soulignerai tout d'abord que je pense qu'il serait juste de dire qu'il n'y a personne à l'heure actuelle au gouvernement qui ait fait une analyse approfondie ne serait-ce que des dispositions en matière d'investissement de l'ALENA, pour déterminer leurs ramifications précises pour la vaste gamme d'exigences réglementaires que nous exécutons dans le domaine agricole, dont bon nombre sont selon nous utiles, bien faites et devraient se poursuivre.
• 1725
Sur cette base, donc, comme je le disais, nous n'avons trouvé
aucun problème avec l'ALENA. Nous nous réservons toujours le droit
de les rapporter si nous en constatons.
Il y a une multitude d'activités à l'intérieur des structures de commercialisation dans le domaine agricole pour lesquelles des permis, des licences et des quotas sont émis. De par leur nature même, des conditions doivent leur être imposées. Malheureusement, de mon point de vue, les obligations de résultat vont au-delà de ce que vous demandez. Cela ne se limite pas à veiller tout simplement à ce qu'un investisseur étranger n'ait pas plus d'obligations de résultat que celles qui sont imposées aux Canadiens; il s'agit d'imposer une liste beaucoup plus longue que celle de l'Entente sur les mesures concernant les investissements liés au commerce (MIC) et dans un contexte différent, sans les conditions dont est assorti l'objet des mesures concernant les investissements liés au commerce (MIC). Ils imposent cela à tous les investisseurs.
Donc, d'un côté vous avez une ébauche qui dit que l'investissement doit inclure les permis, les licences, etc., et de l'autre vous avez une ébauche qui commence à élargir le nombre d'obligations de résultat, par exemple, pour produire une quantité donnée de biens. Vous savez aussi bien que moi que dans un système de commercialisation réglementé, pour conserver le droit à un quota ou le droit de vendre à un moment donné, vous devez respecter vos engagements; vous devez produire une quantité donnée de produits.
Répéter sans cesse que pour nous assurer que cela fonctionne et que l'on ne se fasse pas prendre, et nous savons également ce que font nos amis américains... veillons à ce que nous définissions ce côté-là de façon très serrée, et à moins que quelqu'un ne puisse prouver qu'il existe un besoin clair et sans risque, tenons-nous-en à ce que nous connaissons—en tout cas en attendant qu'on comprenne le tout à fond—soit l'ALENA, de l'autre côté. Nous ne faisons que renforcer l'importance de notre mandat actuel.
L'autre aspect que nous tentons de faire ressortir est qu'il existe un nouveau contexte; il y a de nouveaux libellés—pas seulement pour les options spécifiques qui sont définies, mais ce sont des domaines, des exceptions, des obligations de résultat, des définitions, à l'intérieur desquels il nous faut veiller à ce que nous ayons l'effet équivalent dans l'AMI, dans ce contexte, quel que soit le libellé, et à ce que cela n'aille pas au-delà de ce que nous avons dans l'ALENA.
Le président: Monsieur Knoerr, ce que vous dites, c'est que vous craignez que les Américains s'en servent pour attaquer les offices de commercialisation, la Commission canadienne du blé, ou...
M. Don Knoerr: C'est un bon exemple, mais il y a d'autres choses.
Une réglementation responsable... elle pourrait couvrir des aspects environnementaux. Encore une fois, nous n'aimons pas la surréglementation; vous connaissez les agriculteurs aussi bien que moi. D'un autre côté, il nous faut un environnement stable à l'intérieur duquel fonctionner. Une certaine quantité de règles est parfois utile, et parfois nécessaire. Nous tenons tout simplement à veiller à ce que cela fonctionne suffisamment bien.
Le président: Madame Heselton.
Mme Norine Heselton: Les observations de l'ACTI concernaient la nouvelle économie fondée sur la connaissance, et non pas l'économie fondée sur les ressources naturelles à partir de laquelle le pays a été bâti en 1867.
Par conséquent, nous avons argué en faveur d'une définition plutôt large des avoirs, car ce n'est pas uniquement les briques et le mortier et les biens tangibles; c'est également les partenariats et les alliances qui sont typiquement forgés entre compagnies. La question de la protection de la propriété intellectuelle est très importante si l'on veut développer des marchés et garantir aux entreprises que leurs droits et obligations seront protégés.
Quant à d'autres secteurs, si vous êtes préoccupés par les règles qui sont en train d'être proposées à l'heure actuelle, alors vous devriez peut-être retrancher ce secteur en vue de le préserver et de le protéger.
Le président: Chers collègues, nous n'avons plus de temps. Vous serez heureux de savoir qu'il y a 18 votes qui vous attendent d'ici quelques instants.
J'aimerais remercier nos invités qui sont venus nous voir aujourd'hui. Le comité va poursuivre ses travaux et, comme je le disais, il va suivre ce dossier, et pas seulement jusqu'au dépôt du rapport, mais au-delà, une fois que la question aura été débattue en janvier, et il se pourrait que nous fassions de nouveau appel à vous.
Merci, collègues. La séance est levée.