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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 7 décembre 1999

• 1525

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia)): Au nom du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes, je souhaite bienvenue à tous les témoins. Bienvenue aussi à vous tous d'Estevan et de la région qui êtes venus soit pour témoigner, soit pour observer et prendre part à ces délibérations.

Je peux vous assurer que tous les membres de notre comité prennent ces délibérations très au sérieux; c'est très important pour nous. Nous étions hier et ce matin au Manitoba; nous avons eu des réunions à Portage la Prairie, Dauphin et Brandon. Cela s'est très bien passé et je pense que nous profitons beaucoup de ces réunions. Je suppose que ce sera la même chose, ici en Saskatchewan.

Nous consacrerons la première partie de cette réunion à entendre un certain nombre d'agriculteurs. Nous entendrons ensuite le Saskatchewan Wheat Pool et le Saskatchewan Pulse Growers puis nous reviendrons pour finir aux témoignages des agriculteurs eux-mêmes.

Oui, monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le président, à Brandon, ce matin, il y a un certain nombre de personnes qui voulaient prendre la parole et nous n'avons donc pas posé de questions pour pouvoir en entendre davantage. Avons-nous aussi ici une longue liste de personnes qui ont demandé de s'adresser au comité?

Le président: Pour le moment, il y en a cinq.

M. Rick Borotsik: Cinq. Peut-être que nous pourrions raccourcir la période de questions.

Le président: Dans les 45 dernières minutes, certainement. C'est très bien.

Commençons le premier tour. Je crois qu'on vous a déjà dit que nous aimerions que vous preniez chacun cinq à sept minutes pour exposer votre point de vue afin que nous ayons suffisamment de temps pour poser des questions. Comme nous l'avons fait dans la bonne province du Manitoba, nous allons procéder dans l'ordre alphabétique, si bien que vous êtes le premier, Leroy. À vous. Merci d'être venu.

M. Leroy Berry (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et dans un sens, de participer aux délibérations de votre comité. Par contre, je préférerais ne pas être là car je pense qu'il ne devrait pas être absolument nécessaire d'en arriver à une telle situation dans le domaine de l'agriculture dans l'Ouest du Canada.

Notre exploitation se trouve dans le sud-est de la Saskatchewan et représente 26 quarts de section avec un troupeau de 100 têtes de bovin. Mon fils et moi cultivons un certain nombre de récoltes, dont les céréales traditionnelles mais aussi des oléagineux et des légumineuses comme les lentilles et les pois. Nous avons également cultivé des épices—coriandre, carvi, aneth et fenugrec—pour en faire l'expérience mais également pour nous diversifier et trouver de nouveaux marchés.

Notre coût de production dans cette zone de terre noire est inférieur à la moyenne établie par Saskatchewan Agriculture and Food pour ce type de sol. Nous avons l'assurance-récolte. Nous avons un compte CSRN très réduit. Autrefois, cette exploitation nous permettait de couvrir nos coûts de production, nos coûts de financement, notamment les terres, de remplacer le matériel nécessaire et évidemment le coût de la vie. C'est-à-dire que nous réussissions à équilibrer notre budget lorsque nous avions des récoltes moyennes et que nous obtenions un prix raisonnable pour nos produits. Toutefois, la situation a commencé à se détériorer en 1997.

Les premières pluies que nous devions avoir en 1997 sont arrivées le 1er juillet et il n'y a pas eu grand-chose de plus durant la saison de pousse. En 1998, la pluie a commencé le 15 juin et ensuite, cela n'a pas arrêté. Il en tombait des pouces et des pouces. Nous avons toutefois planté mais nous savons que beaucoup des récoltes souffrent des fortes précipitations. Par exemple, la gousse des lentilles ne se forme pas alors que c'est une des récoltes qui nous rapportait le plus par acre. Et pour 1999, alors que tout le monde sait que l'on n'a pas planté au printemps dans le sud-est de la Saskatchewan et le sud-ouest du Manitoba, ce fut un désastre.

Il y a un an, je me suis alarmé de notre situation financière et ai contacté le Service canadien de consultation agricole. Nous avions conclu qu'il fallait quelqu'un pour examiner notre situation et nous indiquer ce qui n'allait pas et ce que nous devrions faire pour améliorer notre gestion. Un représentant de ce service est venu plusieurs fois au cours de la dernière année et a tout examiné. Dans son analyse finale, il me dit: «Leroy, vous n'avez rien fait de mal. Vous êtes victime du mauvais temps et du faible prix du marché».

• 1530

Je dois dire que je suis en train de devenir un Canadien très déçu. On n'arrête pas de demander de l'aide pour traverser cette période difficile. La réaction dans certains milieux a été moins que sympathique. Il faut savoir qu'aux États-Unis, à 15 kilomètres d'ici, les autorités—le président, le secrétaire de l'Agriculture et des membres du Sénat et de la Chambre des représentants—se sont dits inquiets du sort du producteur agricole primaire. Les États-Unis ont fait quelque chose.

Avant les débuts des pourparlers de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle, un officiel de l'Union européenne a déclaré aux médias: «Nous ne considérons pas nos producteurs agricoles comme simplement un autre secteur. Nous ne les voyons pas simplement comme des producteurs d'aliments, mais également comme des gardiens de l'environnement dans nos campagnes.» Nous ne nous attendons pas à être financés comme les agriculteurs européens, mais faut-il pour autant laisser nos producteurs céréaliers faire faillite dans les Prairies, alors que ce n'est pas de leur faute s'ils se trouvent dans cette situation? Quand le coût de production l'emporte sur le prix que l'on touche pour le produit en question, comment peut-on espérer rester en affaires?

J'ai eu le privilège d'être membre du conseil du Fonds d'innovation agroalimentaire Canada-Saskatchewan. L'objet est d'encourager le développement dans le secteur agricole dans des domaines où il semble y avoir possibilité de diversification afin que les producteurs comptent moins sur les produits dont le cours varie tellement. Afin de profiter des nouvelles découvertes qui découlent de ces programmes, la Saskatchewan rurale doit rester peuplée. Nous devons conserver nos jeunes qui sont mieux instruits, qui ont le plus de possibilités et qui sont donc les plus vulnérables. Nos jeunes ont déjà commencé à quitter l'agriculture primaire. Nous arrivons à un seuil d'innovation en agriculture mais nous perdons les gens les plus nécessaires pour aider à bâtir cette industrie dans notre région. Pouvons-nous laisser les choses évoluer ainsi? Quelle est la solution?

Il est très difficile pour un producteur en particulier de dire exactement ce qu'il faut faire pour régler le problème. Chacun de notre côté, nous n'avons pas les ressources nécessaires pour étudier le problème et élaborer les programmes voulus. Nous pouvons simplement espérer que le gouvernement restera étroitement en contact avec tout un éventail de producteurs en activité et d'organisations agricoles pour faciliter un échange d'information dans tout ce processus. Les programmes doivent permettre d'aider en cas de catastrophes comme celles que nous en avons vues dans le sud-est de la Saskatchewan et le sud-ouest du Manitoba. Dans les circonstances, la Saskatchewan et le Manitoba ont besoin de 1,3 milliard de dollars d'assistance d'urgence. L'assurance-récolte doit être améliorée. Surtout, le programme de soutien sur lequel nous comptions pour nous aider sera nécessaire à long terme.

Je voudrais maintenant vous renvoyer à la troisième page de mon dossier. Il s'agit des coûts de production de récoltes dans la zone de sol noir de la Saskatchewan. Ce document vient du ministère de l'Agriculture et de l'alimentation de la Saskatchewan et concerne 1999. Je l'ai quelque peu résumé. Il s'agit de cultures semées traditionnelles. Beaucoup de gens font du semi sur sol nu, ce qui est assez semblable à ceci, et le document peut vous donner une idée de la situation. Regardez au bas de la page, nous avons le prix rentable par boisseau ou par livre. Dans le cas des lentilles et des graines à canari, c'est à la livre. Pour le reste, c'est au boisseau.

Par exemple, pour le blé de printemps, les charges décaissés ou les dépenses variables sont de 2,44 $ le boisseau. Pour couvrir le total des dépenses, c'est 5,50 $ le boisseau. Hier, à Carievale, notre silo local, dans les trémies de réception, le blé de printemps de première qualité était à 2,36 $. Au taux protéique maximum de 12 p. 100, on obtient 1,10 $ de plus. Le blé de printemps des Prairies canadiennes est à 2,00 $. Il coûte 4,41 $ au total à produire. Dans le cas de l'orge fourragère, nous en sommes aujourd'hui à 1,50 $.

Les prix que je donne des récoltes, à l'exclusion des prix de la Commission du blé, sont des prix tirés du réseau de transmission de données Stat Publishing. J'ai donc pris une moyenne en consultant diverses organisations de céréaliculture.

• 1535

Pour revenir à l'orge, je disais que c'était 1,50 $. L'orge fourragère coûte 3,06 $ à produire au total.

Dans le cas de l'avoine, c'est 1,00 $. Beaucoup de l'orge produite au sud-est de la Saskatchewan et au sud-ouest du Manitoba cette année est blanche. On ne peut donc attendre que 0,80c., si encore on trouve à les vendre. Les charges décaissées sont de 1,05 $ le coût total de production est de 2,60 $.

Dans le cas des lentilles, notre seule lueur d'espoir, c'est 0,20c. la livre, alors que le coût total, les dépenses de production s'élèvent à 0,20c. aussi. C'est donc équilibré. Il ne s'agit pas de bénéfice, c'est juste équilibré. Et la raison pour laquelle le prix des lentilles est bon est simplement que la récolte n'a pas été aussi importante que d'habitude dans l'Ouest du Canada. Nous avons donc obtenu un prix plus élevé. Dans notre cas, nous n'avons même pas pu planter de lentilles tellement c'était humide. Comme je le disais tout à l'heure, les lentilles ne résistent pas bien quand elles baignent dans l'eau.

Pour les pois fourragers, c'est 3,85 $, et le coût de production, le coût total, est de 7,21 $.

Le lin, 5,00 $. Coût total de production, 8,75 $.

Le canola, qui a sauvé les agriculteurs de l'Ouest du Canada qui font face depuis plusieurs années à des cours très bas pour les céréales, a aussi dégringolé. Nous sommes maintenant à 5,50 $, ou à peu près, pour le canola; or, cela coûte 9,21 $ à produire.

Comme je le disais tout à l'heure, je suis un Canadien très déçu parce que nous, producteurs agricoles, essayons depuis un an de signaler les problèmes que nous rencontrons et, très franchement, nous avons l'impression d'être complètement abandonnés. Il faut faire quelque chose pour permettre aux agriculteurs de l'Ouest de survivre.

Dans notre jardin, nous avons un mât à drapeau. Il n'y a plus de drapeau. Nous avons eu un drapeau pendant 30 ans. Ma femme et moi nous sommes mariés il y a 30 ans. Elle est alors devenue Canadienne. Je regardais une émission à la télévision sur le forum agricole de CBC à Carlisle, en Saskatchewan. Cela remonte à quelques semaines. Le jeune homme a pris la parole pour dire: «Nous avons toujours eu un drapeau à notre mât mais nous l'avons descendu parce que nous ne nous sentons plus aussi Canadiens dans cette situation». Je dois dire que je n'avais pas pensé à notre drapeau, tellement on y était habitué depuis 30 ans. Mais nous l'avons descendu.

Merci, monsieur le président.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Berry.

Nous entendrons maintenant Tom Cameron.

M. Tom Cameron (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur Harvard, et merci aux autres membres du comité de l'agriculture. Je suis très heureux d'avoir cette possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui.

En 1986, je suis revenu à l'exploitation familiale après avoir vécu à Flin Flon au Manitoba, et on m'a demandé pourquoi je voulais revenir à l'agriculture et abandonner l'enseignement, qui me permettrait de toucher une bonne pension de retraite. Je dois dire que ma réponse aujourd'hui serait sans doute très différente.

Pratiquement tous les ans, l'exploitation a couvert ses frais et nous a même déjà rapporté un bon bénéfice. Pour compléter mon revenu, j'ai continué à faire de la suppléance comme professeur.

L'année 1999 a commencé avec des prévisions de prix annonçant un déclin dans presque toutes les récoltes. Puis, à partir du 3 mai, la pluie n'a jamais cessé. J'ai semé 83 acres sur les 340 acres que je prévoyais d'ensemencer. Beaucoup de voisins ne pouvaient même pas semer. Les cultures qui ont été semées l'ont été tard et dans la boue. La récolte fut tardive. Il y a eu beaucoup de dégâts causés par la gelée. Mes 83 acres de blé ont rapporté 1 251 boisseaux. Livré directement au silo, cela représentait 2 824 $ net. Ça ne paie même pas les engrais chimiques et le carburant que j'ai utilisés pour cette récolte. Comme d'autres dans la région inondée, je n'aurai pas de revenu de récolte pendant près d'un an. C'était une année magnifique pour semer.

• 1540

Les inondations catastrophiques de 1999 sont des inondations comme on n'en avait pas vu depuis un siècle. Ce ne fut peut-être pas aussi spectaculaire ou dangereux que la tempête de verglas du Québec et de l'Ontario ou les inondations de la rivière Rouge, mais ce fut une catastrophe avec des conséquences à long terme. Il y a des problèmes de salinité et les mauvaises herbes ont proliféré.

Toutes les familles ont connu et connaissent de gros problèmes. Les visites en juillet de Mme McDonough, de M. Clark et de M. Manning dans toute la région du sud-est furent bonnes pour notre moral et nous espérons que l'on reconnaîtra notre région comme une région sinistrée. Je veux aussi signaler que M. Vanclief est venu à Carlyle et que nous lui en sommes reconnaissants. Il a eu une rencontre avec certains dirigeants locaux. Toutefois, nous aurions au moins aimé que notre premier ministre nous dise quelques mots réconfortants ou reconnaisse au moins la réalité de notre situation.

La région a reçu jusqu'à 50 $ par acre non semé. Malheureusement, après toutes les déductions, cela représentait beaucoup moins. Certains n'ont pas reçu plus que 10 $ l'acre. Personne n'a pu obtenir les 50 $ dont on parlait. Je sais que pour 2000, les 50 $ par acre non semé entreront peut-être dans l'assurance-récolte. Si ça avait été en place au 1er juin dernier, cela aurait été très bien. Nous aurions pu faire un choix rationnel au moment de décider si nous continuions à semer. Nous n'avions aucune idée de quoi faire. Les gens n'en dormaient plus parce qu'ils essayaient par tous les moyens possibles de semer et que l'on ne pouvait rien faire.

Ce que je voulais indiquer ici c'est que la moyenne reçue par acre pour les 50 $ annoncés fut probablement de 25 $ à 27 $. C'est ce que l'agriculteur aurait reçu.

Dans la région, 40 p. 100 des terres ne sont pas couvertes par l'assurance-récolte. Il y a beaucoup de raisons valides à cela. On nous a dit que nous devions participer aux programmes existants si nous voulions obtenir une aide supplémentaire. Je suis d'accord mais que l'on ne me force pas à adhérer à un programme médiocre.

Toute l'assistance que nous avons reçue a été utilisée pour essayer de lutter contre les mauvaises herbes. Je sais que la Rural Disaster Recovery Coalition travaille dur à la fois pour le sud-ouest du Manitoba et pour le sud-est de la Saskatchewan. Je les remercie personnellement de tout ce qu'ils font.

Assez parler de nous au niveau local.

Les coûts des céréales dégringolent et ne semblent pas vouloir remonter. Quand on se demande ce qu'il faut cultiver au printemps, on peut se demander s'il ne serait pas préférable d'avoir une autre récole de mauvaises herbes. Je ne sais pas. Blé, orge, avoine... tout dégringole. Les agriculteurs savent bien que les subventions européennes et américaines sont les principales coupables. Quand on vit tout près de la frontière, on a une bonne idée de ce qui se passe. Quelques agriculteurs américains qui exploitaient des terres des deux côtés de la frontière ont abandonné. Ils ont rendu les terres. Ils ne veulent plus les louer, ils sont partis. Ils repartent parce qu'ils ne veulent pas utiliser leurs revenus américains pour subventionner leurs exploitations canadiennes. Les exploitations canadiennes ne rapportent tout simplement pas.

J'ai regardé ce qui se passait à l'OMC à Seattle. M. Vanclief et d'autres ont réussi au moins à faire mentionner l'agriculture dans la déclaration finale mais il faudra attendre des années avant que cela se répercute sur les prix. Qu'arrivera-t-il à l'agriculture canadienne entre-temps? Je ne peux pas croire que les Canadiens sont prêts à laisser s'écrouler l'agriculture ni que le Canada aurait avantage à voir cette industrie disparaître.

Je sais que l'on vous a parlé et que l'on vous parlera des programmes de sécurité du revenu. Personnellement, le CSRN va m'apporter quelque chose cette année. Je devrais recevoir un petit chèque de l'assurance-récolte pour la perte de rendement et de qualité. L'ACRA, malgré tous ses défauts, va peut-être aussi m'aider, en fonction de l'année 1999. Beaucoup de gens estimeront que parce qu'ils n'ont pas eu de récoltes, ils devraient obtenir quelque chose du programme d'aide en cas de catastrophe. Beaucoup d'agriculteurs de cette région comptent sur le chèque de l'ACRA pour semer les cultures de l'année prochaine et pour survivre jusqu'à l'automne 2000, mais nous aimerions également recevoir quelque chose du gouvernement cet hiver.

M. Vanclief convient avec tous les agriculteurs des Prairies que l'ACRA n'est pas un programme très satisfaisant. Il contient trop de failles. Le cas le plus flagrant est le nord-ouest de la Saskatchewan. Trois ans de sécheresse suivis par la sécheresse de 1998 représentent certainement une catastrophe mais ils n'ont reçu aucune assistance dans le cadre de l'ACRA. Toutefois, une région qui aurait eu trois récoltes exceptionnelles à des prix raisonnables, suivies d'une récolte moyenne, aurait reçu un gros montant. Cela ne semble vraiment pas juste.

Il y a des producteurs qui n'auront droit à rien parce qu'ils ont une fin d'exercice 1999 qui tombe en 2000. Cela signifie que certains agriculteurs du sud-est ne recevront aucune aide de l'ACRA pour cette année de grosses catastrophes.

L'ACRA punit ceux qui diversifient. Toute nouvelle récolte nécessite des techniques modernes et du matériel spécialisé très coûteux. Ces dépenses ne peuvent être incluses dans les calculs de l'ACRA. Si l'on veut se diversifier, cela coûte plus cher mais on ne peut pas inclure cela dans les calculs.

La province va perdre cette année beaucoup d'agriculteurs. Le véritable exode va commencer si nous n'avons pas de programme à long terme assez rapidement. Les jeunes agriculteurs avaient souvent un emploi non agricole pour leurs quatre ou cinq premières années, tant qu'ils n'étaient pas bien établis. Maintenant ils s'aperçoivent que leurs parents et leurs voisins dans la cinquantaine continuent à travailler en dehors de l'exploitation. Ce n'est pas l'avenir qu'ils recherchent. La bonne qualité de vie qu'offrait l'agriculture est chose du passé. Les agriculteurs, jeunes et moins jeunes, perdent espoir en l'avenir.

• 1545

J'avais un bon au comptant qui représentait brut 1 434 $ pour 480 boisseaux de blé dur de printemps no 1. Cela m'a donné net 901,91 $. J'ai payé là-dessus 277,73 $ de transport. Je ne verrais vraiment pas d'inconvénient à ce que vous demandiez au ministre des Transports de prier les chemins de fer de nous faire profiter de certaines de leurs économies.

Il y a aussi 4,39 $ de cotisation que doivent verser les céréaliculteurs canadiens, autre frais que le gouvernement payait autrefois pour le bien commun.

En résumé, une catastrophe devrait être traitée comme une catastrophe. Il nous faut au pays une loi moderne pour les sinistrés. Suffisamment souple pour couvrir tout un éventail de circonstances. Je ne voudrais vraiment pas qu'une autre région du pays doive traverser ce que nous avons traversé cette année, souffrir de cette incertitude et de l'inconnu.

Considérez avec bienveillance le point de vue de la Rural Disaster Recovery Coalition.

Une assistance financière d'urgence est nécessaire pour les agriculteurs du Manitoba et de la Saskatchewan. Un montant de 1,3 milliard de dollars aidera au moins les agriculteurs à traverser l'hiver et nous donnera peut-être le temps d'examiner nos options pour l'année à venir. Cette assistance doit-elle être ciblée ou générale? Peu m'importe en fait. C'est urgent et il ne faut pas attendre qu'il soit trop tard.

Nous aimerions aussi que vous reconnaissiez que l'assurance-récolte devrait être révisée. Je serais certainement prêt à payer des primes un peu plus élevées si l'on pouvait nous offrir un programme mieux adapté.

L'ACRA ne devra pas présenter autant de lacunes dans sa dernière année.

Il est nécessaire d'envisager un troisième volet au filet de sécurité, et c'est probablement le plus important. Peut-être que pour éviter une autre situation comme l'ACRA, vous pourriez demander que soient consultés des groupes de discussion agricoles et des comptables la prochaine fois. Je sais que M. Wiens va comparaître tout à l'heure et que vous entendrez d'autres gens, mais il pourrait être utile de consulter des agriculteurs ou des comptables au sujet des programmes que l'on est en train de mettre sur pied, simplement pour voir comment cela va marcher.

Une politique agricole nationale s'impose.

J'ai récemment téléphoné à Dennis Mills, député libéral de Toronto, parce que j'avais entendu dire qu'il organisait une journée d'information sur l'aide agricole au Centre Air Canada. Je lui ai dit que j'étais agriculteur de l'Ouest du Canada et que je tenais à féliciter les libéraux. Je voulais qu'il sache que les agriculteurs de la Saskatchewan appréciaient ses efforts. Il m'a demandé de rappeler au comité de l'agriculture que c'est une initiative non partisane et qu'il serait heureux que tous les partis lui prêtent main-forte.

Je suis très reconnaissant au comité d'être venu à Estevan écouter ce que nous avions à dire. Merci.

Des Voix: Bravo!

Le président: M. Ed Keyowski.

M. Ed Keyowski (témoigne à titre personnel): Merci et bienvenue.

Bon après-midi, messieurs. Je m'appelle Ed Keyowski et je viens de la région de Hamton qui se trouve au centre-est de la Saskatchewan, à environ 18 milles au nord-est de Yorkton. Voilà 28 ans que je suis dans l'agriculture où je fais de la céréaliculture en terre sèche. À l'heure actuelle, je suis propriétaire de 1 220 acres et j'en loue 630 pour lesquels je verse un loyer et partage mes bénéfices. Je fais aussi de l'agriculture à forfait sur 1 250 acres.

Je suis marié depuis 27 ans et mon épouse Deb est depuis 29 ans représentante au service à la clientèle de SaskTel à Yorkton. Nous avons deux enfants: Dana qui est en troisième année d'études à l'Université de Saskatoon, au Collège de commerce; et Garrett, qui a terminé sa douzième année en 1999 et aimerait poursuivre une carrière en agriculture. Personnellement, je suis dessinateur de profession. J'ai travaillé chez Morris Rod Weeder, à Yorkton (Saskatchewan) pendant huit ans et demi jusqu'à ce que la charge de travail à la ferme devienne trop lourde.

Nous avons lancé cette entreprise agricole à partir de rien et avons travaillé avec beaucoup d'espoir, beaucoup de joie et d'efforts, planifiant un bel avenir. Nous sommes fiers de dire que nous avions acheté au moins une nouvelle machine agricole chaque année depuis 1985, jusqu'en 1997. Le premier coup dur qui a frappé notre entreprise agricole remonte à 1992, lorsque notre gouvernement provincial a considérablement changé notre régime d'assurance du revenu brut (RARB). Les seuls éléments qui n'ont pas changé d'un contrat à l'autre étaient nos signatures, ce qui est à mon avis un véritable crime. Ce fut une grosse injustice pour les agriculteurs de la Saskatchewan et probablement pour tous les contribuables de la province.

En 1996, il y a eu la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau. Certes, le gouvernement fédéral nous a un peu indemnisés mais cela nous a été repris sous forme d'augmentation des tarifs de transport. J'ajouterai que cela a été fait à un bon moment parce que les prix des céréales commençaient à augmenter, si bien que l'augmentation des tarifs de transport ne semblait pas à l'époque trop désastreuse. Toutefois, les années suivantes, le cours des céréales a dégringolé et les tarifs de transport augmentaient, ce qui nous retirait parfois de 30 à 35 p. 100 de notre revenu. Où le gouvernement fédéral a-t-il mis cet argent? Les agriculteurs de la Saskatchewan paient de 350 à 650 millions de dollars pour le transport de marchandises. Cet argent sort de la province chaque année.

• 1550

En 1998, les cours étaient très faibles et le coût des intrants très élevé—engrais, produits chimiques, carburant, frais de réparation et autres taxes ou augmentations de taxes. Nous avons alors dû réviser nos plans pour 1998. Tout d'abord, nous avons abandonné certaines terres louées. Nous avons ensuite décidé d'annuler l'achat d'un pulvérisateur enjambeur. La météo a joué un rôle important dans les pertes de revenu agricole en 1998 dans notre région. À l'hiver 1997-1998, nous avons eu peu de neige, si bien qu'il y avait que peu d'humidité au printemps. On a commencé à semer à la mi-avril. En général, dans notre région, c'est du 5 au 7 mai. La levée était inférieure à la moyenne. Du 26 mai au 5 juin nous avons connu trois fortes gelées, suivies par du temps sec. Les céréales de printemps furent retardées à cause du stress des cultures. La mi-juin nous a apporté 16,5 pouces de pluie en dix jours, inondant les récoltes dans les terres basses. Dans notre exploitation, nous avons perdu de 32 à 35 p. 100 de la superficie semée et la qualité de récolte était moindre.

En 1999, il n'a même pas été question d'acheter du matériel nouveau. D'autre part, en 1999, on n'a pas commencé à semer avant le 25 mai, du fait du froid et de la pluie. Il a fait beau en juin et juillet et les récoltes ont presque rattrapé le rythme normal. Au moment de la récolte, il a à nouveau fait mauvais, avec de la pluie et du froid, ce qui a amoindri la qualité des récoltes, les céréales étant dures et humides, et il a fallu reporter la récolte jusqu'à la fin octobre et en novembre.

Des milliers d'acres n'ont pas encore été récoltés dans notre région. Le cours des céréales n'a jamais été si bas et les céréales quittent les silos de collecte à pas d'escargots, si bien que les agriculteurs se retrouvent avec très peu ou pas d'argent du tout.

Tous les ans, de 1985 à 1998, nous avons acheté les engrais et les produits nécessaires pour notre ferme pendant l'année suivante. Aujourd'hui, nous n'achetons plus les ingrédients dont nous aurons besoin l'année prochaine, et nous n'avons plus d'argent. Cette année, nous sommes allés aider ponctuellement des voisins qui avaient des pannes ou des réparations coûteuses à faire et qui n'avaient pas les moyens de faire ces réparations ou de remplacer leur matériel.

Les discussions de l'hiver dernier ont débouché sur le programme ACRA, qui a redonné de l'espoir à beaucoup d'agriculteurs. Mais quand nous avons vu les documents, nous nous sommes rendu compte que c'était de la poudre aux yeux, tout juste bonne à faire les grands titres des journaux. Ce programme n'a été que d'une utilité réduite pour quelques agriculteurs et il n'a été d'aucune utilité à la plupart d'entre eux. Personnellement, j'aimerais bien voir une ventilation des frais administratifs, des coûts publicitaires, des frais de voyage pour les réunions, et du montant qui a réellement été versé aux producteurs.

À propos du programme ACRA, ma marge de référence pour 1995, 1996 et 1997 était de 98 000 $. Ma marge pour 1998 a été de 63 200 $. Vous n'avez pas besoin d'une calculatrice pour constater qu'il s'agissait d'une chute de 34 p. 100. Pourtant, je n'ai rien eu. Le revenu total de mon exploitation pour 1998 était de 315 000 $. Mon revenu pour cette année, 1999, s'élève actuellement à 221 000 $, soit de nouveau une chute de 95 000 $ par rapport à l'an dernier.

La crise agricole est bien réelle, et elle a brisé de nombreuses familles. Les gens sont stressés à l'extrême. Certains agriculteurs de notre région ont choisi la solution de facilité et se sont suicidés. Le Canada a de l'argent pour l'aide à l'étranger et aux pays du tiers monde. Commençons par nous pencher sur la crise du monde agricole, messieurs, et essayez donc de vous dire, la prochaine fois que vous vous mettrez à table, que tout ce que vous avez dans votre assiette a été produit par un agriculteur.

En conclusion, si l'on ne s'attaque pas rapidement à la crise de revenu que connaissent les agriculteurs, il se pourrait bien que je cesse d'exercer dans ce secteur l'année prochaine, et que je mette fin à 29 ans de travail à produire des aliments à bon marché non seulement pour notre pays mais pour le monde entier.

Dans mon cas comme celui de M. Berry, j'ai été fier de faire flotter le drapeau du Canada pendant 22 ans sur ma ferme près de Hamton en Saskatchewan. Depuis cet automne, depuis que j'ai vu tous les paliers de gouvernement ne pas tenir toutes leurs belles promesses, j'ai décidé de ne plus faire flotter la feuille d'érable au-dessus de ma cour.

Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

• 1555

Le président: Merci, monsieur Keyowski.

Nous passons maintenant à Ray Walton. Bienvenue, monsieur Walton.

M. Ray Walton (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, et messieurs les membres du comité, je vis à Estevan en Saskatchewan. Nos activités agricoles s'étendent sur cinq municipalités rurales, mais notre base est située à Stoughton en Saskatchewan. Vous comprendrez donc l'ampleur du problème, puisqu'il s'agit de plusieurs municipalités.

J'ai été heureux d'être invité à venir vous rencontrer. Nous avons de toute évidence un grave problème de liquidité dans l'agriculture en Saskatchewan, surtout dans le secteur des céréales. L'ACRA et le CSRN n'ont pas aidé suffisamment d'agriculteurs.

Si je comprends bien cette réunion, nous connaissons tous le problème et nous essayons de trouver une solution. En discutant avec d'autres agriculteurs, je suis parvenu à la conclusion qu'il fallait aborder le problème sous deux angles: pour régler le problème de liquidité à court terme, il faut débloquer des fonds immédiatement; et à long terme, il nous faut une politique agricole pour éviter que ce genre de situation se reproduise à l'avenir.

À court terme, les agriculteurs avec lesquels j'ai parlé sont en faveur d'un paiement à l'acre. Ils ont besoin de liquidités pour l'année qui vient. La plupart d'entre eux ont déjà contracté un emprunt pour la campagne agricole actuelle ou ont des factures à payer.

Ici, il s'est produit trois choses: la récolte n'a pas été aussi bonne qu'elle aurait pu l'être; les cours des céréales étaient trop faibles, la saison a été trop humide et on n'a pas ensemencé des superficies suffisantes.

Pour vous donner une idée, dans notre exploitation nous aurions dû ensemencer 5 700 acres. Nous n'en avons ensemencé qu'environ 2 600, c'est-à-dire 45 p. 100 de la surface. Une fois que nous aurons touché l'assurance-récolte, le versement du gouvernement fédéral, et récolté notre moisson, nous aurons perdu de 15 $ à 20 $ par acre, soit environ 100 000 $ cette année. Vous voyez que cela ne peut pas continuer bien longtemps.

Pour trouver une solution, il faut chercher dans plusieurs directions: l'assurance-récolte, l'ensemencement continu, la surface de couverture, un prix garanti au boisseau, qui soit au moins le prix de revient, les taux de fret, une meilleure utilisation des transports par camion, le coût des intrants, à savoir le carburant, les engrais, les produits chimiques et la main-d'oeuvre; naturellement aussi les subventions internationales, le rôle de la Commission canadienne du blé dans l'Ouest, les avances de liquidités et la double commercialisation.

Nos gouvernements fédéral et provinciaux devraient revenir sur l'ACRA et le CSRN. Il faudrait peut-être remplacer ces deux programmes par un autre programme combiné à l'assurance-récolte pour permettre aux agriculteurs d'avoir un revenu garanti, tant par acre ou tant par boisseau. Il faudrait naturellement que les exploitants aient une participation. Les primes pourraient consister en versements en espèces ou en un pourcentage prélevé au moment de la livraison. Pour que ce programme fonctionne, il faudrait à mon avis qu'il s'applique à toutes les ventes de céréales quelles qu'elles soient. Il ne faudrait pas que ce soit considéré comme une subvention mais comme un régime d'assurance. Il faudrait aussi que les primes soient en fonction des ventes de grain, de façon à être adaptées à toutes les tailles d'exploitation. Les exploitants qui n'auraient pas de récoltes pourraient se retourner vers un programme d'assurance-récolte remanié qui ferait partie du programme de revenu garanti.

Je suis sûr que d'autres personnes ont imaginé toutes sortes d'autres programmes possibles. Ceci n'est qu'une suggestion qui nous aidera, je l'espère, à trouver une solution à long terme aux problèmes financiers du secteur agricole. Mais en un mot, les agriculteurs ont besoin d'une aide en espèces immédiate.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Walton

Nous allons passer aux questions. Tout d'abord, je vais demander à mes collègues de se présenter, en commençant par M. Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Messieurs, je suis un agriculteur du centre de l'Ontario et j'ai traversé la crise du milieu des années 80. Je comprends donc très bien votre situation actuelle car j'ai connu cela aussi et je m'en suis sorti. Nous avons un élevage de volailles.

Le président: Larry.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Je suis Larry McCormick, député de l'est de l'Ontario et président du caucus rural pour l'ensemble du pays.

• 1600

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Je suis Joe McGuire, secrétaire parlementaire et député d'Egmont, dans l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Je suis Garry Breitkreuz, député du Nord d'ici, Yorkton—Melville, et je fais partie du comité de l'agriculture en tant que représentant de l'opposition officielle.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Je suis Dick Proctor, député de Palliser, d'une partie de Regina et de la totalité de Moose Jaw, et je suis porte-parole du NPD pour l'agriculture.

M. Rick Borotsik: Je suis Rick Borotsik, porte-parole pour l'agriculture du Parti progressiste conservateur et je représente Brandon—Souris dans le sud-ouest du Manitoba. Je suis très sensible aux problèmes que vous rencontrez ici dans le sud-est de la Saskatchewan.

Le président: Je suis John Harvard, président de ce comité et je viens de Winnipeg.

Nous allons commencer les questions avec M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz: Merci, monsieur le président.

Merci à tous d'être venus nous rencontrer.

Je voudrais aussi saluer toutes les personnes présentes qui sont venues assister à notre réunion aujourd'hui. C'est un appui très encourageant pour nous tous qui essayons de nous débattre avec ce problème à la Chambre des communes, et je vous en suis donc très reconnaissant.

J'ai aussi le plaisir de souhaiter la bienvenue à mes collègues du comité dans ma province, une province dont je suis très fier.

Je crois qu'on a minimisé l'importance de cette crise. Je vis dans une exploitation agricole près de Springside, un peu plus au nord, et j'ai été scandalisé par les changements qui se sont produits depuis une quinzaine de jours. De jeunes agriculteurs qui louaient peut-être la moitié de leurs terres ont abandonné. Ils se rendent compte que ce n'est absolument pas rentable. Bien des gens dans cette région ont du mal à trouver quelqu'un pour louer leurs terres.

C'est un changement incroyable par rapport à l'année dernière ou à n'importe quelle autre époque antérieure. Mon propre frère envisage sérieusement de vendre. Je ne pensais pas que cela arriverait un jour. Je suis donc touché de très près.

Nous avons du mal à faire comprendre aux grandes villes la gravité du problème et l'importance de l'agriculture pour tous les Canadiens.

J'ai fait un discours à la Chambre des communes il y a une quinzaine de jours, et comme l'un d'entre vous l'a dit, Dennis Mills a répondu sur-le-champ qu'il allait faire quelque chose à Toronto. Il s'agit d'une question qui n'a rien à voir avec les partis pris politiques. La politique n'a rien à voir dans cette question. Je le félicite pour ce qu'il a fait, et je le fais publiquement.

Comment pouvons-nous faire passer le message? Que faire? Il faut que tous les Canadiens soient avec nous.

J'étais à une réunion à Whitewood vendredi dernier. Deux d'entre vous ont dit que le drapeau canadien ne flottait plus sur leur exploitation. On a même prononcé le mot séparation et probablement 80 p. 100 des personnes présentes ont dit qu'elles ne voyaient pas pourquoi elles continueraient. Même notre propre premier ministre a dit sur la chaîne anglaise de Radio-Canada que la fédération ne marchait pas.

Comment attirer l'attention des Canadiens? Si l'on en est arrivé à de telles extrêmes, il doit y avoir des solutions. Je serais heureux d'avoir vos commentaires à ce sujet.

M. Leroy Berry: Ce qui nous aiderait énormément, ce serait que le chef de notre nation reconnaisse que nous avons un problème. Comme je le dis dans mon mémoire, quand on voit l'attitude du président Clinton ou du secrétaire Glickman aux États-Unis... Il y a quelque temps, au congrès des écrivains à Winnipeg, il y avait un écrivain américain spécialisé dans le domaine de l'agriculture qui a dit que si le ministre de l'Agriculture des États-Unis avait traité les agriculteurs américains avec autant de mépris qu'on le fait au Canada, il aurait été renvoyé.

Tout part d'en haut. Si le premier ministre et les hauts fonctionnaires de notre gouvernement à Ottawa... Si ces gens-là décidaient qu'il faut régler ce problème, leur décision finirait par être appliquée.

Ce qui m'a enragé... J'étais en train de réparer une clôture le jour où la délégation, les premiers ministres de la Saskatchewan et du Manitoba, sont allés en Ontario, à Ottawa. J'écoutais la radio dans ma camionnette et j'ai entendu la réponse de ce groupe qui allait à Ottawa. J'ai trouvé que c'était écoeurant.

• 1605

Si l'on avait fait preuve de sympathie, si les autres Canadiens, si quelqu'un vivant à Toronto avait entendu le premier ministre dire que nous avons un problème, un problème grave dans l'Ouest... Mais comment les citadins peuvent-ils prendre conscience du problème si les plus hautes autorités escamotent ce problème et disent: «Je crois que ce n'est pas si grave que vous le pensez; les choses sont en train de s'améliorer»? Comment s'attendre à ce que les citadins nous croient quand nous disons que nous avons un problème si ailleurs on dit qu'il n'y en a pas?

M. Garry Breitkreuz: Quelqu'un veut-il intervenir sur ce point ou nous suggérer ce que nous pourrions faire à court terme?

M. Ray Walton: Personnellement, je suis en faveur d'un paiement à l'acre. Je sais que ce n'est pas une solution à long terme, mais il faut aider les agriculteurs, y compris moi-même, à semer pour l'année prochaine. On les aiderait en leur versant un paiement à l'acre. Ce serait la solution la plus simple à administrer. La plupart des agriculteurs remplissent un carnet de permis, donc il serait facile d'avoir les superficies.

Toutefois, ce n'est pas la solution définitive. C'est une solution uniquement pour l'année prochaine. Si nous ne trouvons pas une solution à long terme, notre agriculture va être en très sérieuses difficultés, en Saskatchewan en tout cas, et probablement aussi au Manitoba.

M. Ed Keyowski: Je voudrais savoir si le gouvernement fédéral a l'intention de maintenir l'ACRA. Il paraît qu'il va l'abandonner. Est-ce vrai? Ou avez-vous l'intention de l'améliorer?

M. Garry Breitkreuz: Vous me poser la question, mais je ne peux pas répondre au nom du gouvernement. Voudriez-vous voir...

Le président: Ce programme avait été mis en place uniquement pour deux ans, monsieur Keyowski. Il portait sur 1998-1999, et il prend fin au terme de ces deux années. S'il y a quelque chose, ce sera quelque chose de différent. J'imagine qu'on ne parlera plus d'ACRA.

Des Voix: Oh, oh!

M. Garry Breitkreuz: Que proposez-vous?

M. Ed Keyowski: Nous avons de gros problèmes. Nous les avons examinés, en particulier la question des versements de la Commission canadienne du blé et des reports, qui changeraient beaucoup la situation des agriculteurs et donneraient une image exacte du revenu agricole, et non une image gonflée comme celle qu'on nous présente avec le programme ACRA.

Le président: Merci.

Avant de passer à M. Calder, j'aimerais vous poser une question, monsieur Walton. Vous dites que vous êtes en faveur d'un paiement à l'acre. Je ne sais pas si c'est acceptable dans le cadre de l'OMC, mais supposons que oui. Pensez-vous que cette méthode serait équitable dans la mesure où ces versements s'adresseraient à tous les agriculteurs sans exception quelle que soit leur situation financière?

M. Ray Walton: Oui. En fait, cela m'est complètement égal car si le système fonctionnait correctement, les gens qui n'auraient pas besoin de ces versements ou qui ne les mériteraient pas devraient payer des impôts sur le revenu à un moment ou à un autre, et par conséquent le gouvernement récupérerait une partie de cet argent. Donc cela ne me dérange pas. Je ne m'inquiète jamais pour les personnes qui n'en ont pas besoin, ce qui m'inquiète, ce sont les gens de ma collectivité et moi-même.

Le président: Sauf que certains diront peut-être qu'avec cette formule, où il y aura un plus grand nombre d'agriculteurs pour toucher l'argent, il y aura moins d'argent pour chaque individu, en particulier pour ceux qui en ont le plus besoin.

M. Ray Walton: C'est sans doute vrai, mais je pourrais passer cinq minutes à vous parler des divers programmes que nous avons eus. Avec un palliatif comme le paiement à l'acre, je pense que nous ne pouvons pas nous permettre de faire la fine bouche. Qu'on détermine un montant et qu'on le verse à tout le monde, et personne ne discutera.

Le président: Merci.

M. Calder.

M. Murray Calder: Merci, monsieur le président.

Comme je vous l'ai dit, au milieu des années 80, je me suis trouvé dans la même situation que vous à discuter avec des représentants du gouvernement.

Ce que j'ai essayé de faire ici, c'est de récapituler très brièvement ce que j'ai entendu depuis deux jours, et voici ce que j'ai entendu. Je vous demanderai ensuite ce que vous en pensez.

Qu'on rétablisse le programme RARB. Il faut un programme spécial si l'on veut diminuer de 20 p. 100 la superficie de terres actuellement exploitées. Il faut un programme d'aide à court terme qui représente de 20 $ à 30 $ l'acre. Qu'on renforce le CSRN et qu'on le rende plus accessible, parce qu'il est difficile d'y faire appel et que les 30 p. 100 supérieurs sont imposés. Il faut que ce programme s'adresse aux jeunes agriculteurs à faible revenu qui ont peu de liquidités. Il faut améliorer le programme d'assurance-récolte. Il faut mettre sur pied une aide à long terme pour le secteur agricole, et c'est d'ailleurs en gros ce que nous allons recommander une fois que le programme ACRA sera terminé, et ce nouveau programme aura probablement un autre nom. Il faut aussi aider les jeunes agriculteurs qui démarrent avec de faibles moyens.

• 1610

Enfin, voici quelque chose pour Rick, mon collègue d'en face. J'ai entendu parler d'un programme d'aide en cas de catastrophe agricole qui permettrait d'intervenir sur les terres inondées.

Ce sont les points que j'ai entendus jusqu'à présent. J'aimerais avoir vos commentaires.

Le président: Ed, voulez-vous commencer?

M. Ed Keyowski: Oui, merci.

J'aimerais voir le RARB rétabli pourvu que vous interdisiez au gouvernement provincial de s'en mêler.

Des voix: Bravo!

M. Murray Calder: Très bien, mais vous devez comprendre comment cela fonctionne. Nous avons des attachés de recherche, et le travail du comité consiste à trouver ces renseignements pour eux. C'est ce qu'ils veulent entendre.

Poursuivez.

M. Tom Cameron: En réponse à une autre idée, nous avons également parlé du programme de retrait obligatoire des terres en culture. Nous en avons parlé avec des représentants du ministère de M. Vanclief.

Si on a un programme de retrait obligatoire des terres en culture plutôt qu'un programme d'établissement d'une couverture végétale permanente, il faut de l'argent pour établir ce programme. Ce doit être pour les terres marginales, et il faut qu'il y ait un versement annuel si on veut que cela vaille la peine.

Je ne pense pas qu'il serait positif de voir 200 000 ou 300 000 acres de terres marginales aller à l'industrie du foin, du bétail et du pâturage en dedans de deux ans. Je pense que nous finirions sans doute par détruire ainsi l'industrie du bétail et qu'il ne nous resterait alors plus rien.

Si l'on veut retourner cette terre dans l'industrie du bovin, il faut une mise en circulation lente échelonnée sur plusieurs années, où on vous paie un certain montant et après cinq ans il faut remettre une partie des terres en circulation pour l'élevage du bétail. Ainsi, l'impact ne se sera pas trop fort et cela ne détruira pas l'industrie du bétail. Ce n'est qu'une idée parmi d'autres.

Ma femme et moi avons vraiment profité cette année du CSRN. Je ne devrais peut-être pas le dire, car des représentants du fisc ont dit à une jeune femme qu'elle n'était qu'une agricultrice amateur tandis que son mari était un agriculteur sérieux. Ils se partagent l'exploitation agricole. C'est la même chose pour ma femme et moi-même. Nous devrons peut-être changer cela maintenant.

Quoi qu'il en soit, elle a pu faire appeler le CSRN en vertu des nouvelles règles cette année. Nos exploitations se ressemblent à s'y méprendre. Je n'étais pas admissible en raison du deuxième critère. J'ai d'autres revenus.

Écoutez, je comprends pourquoi on a ces règles, mais c'était dur à avaler.

Merci.

Le président: Leroy.

M. Leroy Berry: Je voudrais tout simplement poser une question. J'ai parlé aux conseillers d'Agriculture Canada et à d'autres au sujet des programmes. Ils me disent qu'après l'élimination du RARB, un programme a été élaboré mais qu'il n'a cependant pas été mis en oeuvre. Si j'ai bien compris, il s'agissait d'un programme du secteur des céréales. Ce régime aurait versé jusqu'à 95 p. 100 de la moyenne des cinq années précédentes.

Je me demandais pourquoi ce programme a été abandonné.

M. Murray Calder: Je n'étais pas dans le parti ministériel à l'époque, et je n'ai pas de réponse pour vous, mais je vous en obtiendrai une.

Le président: Nous verrons si nous pouvons obtenir une réponse rapidement.

Voulez-vous dire quelque chose, Ray? Il nous reste encore une minute pour ce segment.

M. Ray Walton: Je conviens que tout programme de stabilisation du revenu doit comprendre l'assurance-récolte. Nous ne pouvons pas laisser l'assurance-récolte de côté.

Le fait que nous avions des cultures continues—eh bien, c'était le cas, mais nous avions beaucoup de cultures sur jachères que nous n'avions pas planifiées—était, sauf pour l'assurance grêle, la seule raison pour laquelle nous avons maintenu l'assurance-récolte, pour être honnête avec vous. Dans notre région, le taux de précipitation de grêle est très élevé et nous ne pouvions jamais avoir suffisamment de protection.

Ce programme ne profite pas à beaucoup de gens. S'il y a trois catastrophes de suite, par exemple, l'assurance-récolte ne fonctionne pas. L'assurance-récolte devrait donc être incorporée à un programme de stabilisation du revenu.

Le président: Vous avez mentionné dans vos observations que vous aimeriez avoir un programme d'assurance-récolte dans la mesure où il couvrira le coût de production, n'est-ce pas?

M. Ray Walton: Ce que je voulais dire, c'est qu'avec l'assurance-récolte, lorsqu'ils calculent quelle est votre protection pour chaque année, ils prennent votre garantie de superficie et ils vous disent ce que vaut un boisseau de blé, par exemple. Ce prix devrait refléter le prix de revient, non pas le prix de vente. Voilà ce que je dis.

Le président: Je me demande tout simplement si cela ne serait pas très coûteux.

• 1615

M. Ray Walton: Cela serait sans doute très coûteux, mais ce n'est qu'une idée sur la façon dont nous pourrions faire en sorte que ce programme puisse fonctionner à nouveau.

Le président: Eh bien, nous aimons qu'on nous donne des idées—coûteuses, ou pas.

Dick.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue à tous et merci pour vos exposés.

Je voulais revenir au paiement à l'acre dans le cadre du programme de retrait obligatoire des terres en culture. Permettez-moi de prendre quelques secondes pour expliquer plus longuement.

Certains d'entre nous discutaient de cette question à Brandon après la séance. Quelqu'un qui en sait davantage que moi à ce sujet a dit que dans d'autres pays où il y avait un paiement à l'acre, on s'apercevait toujours au cours des années suivant l'introduction du programme que la superficie des terres cultivées augmentait. Cela a bien fonctionné, cependant, dans le cadre d'un programme de retrait obligatoire des terres en culture, où on retire un certain nombre d'acres de terre pour éviter que la superficie des terres cultivées augmente.

J'aurais donc une question à poser à cet égard. Si nous pouvions avoir un paiement à l'acre sans aller à l'encontre de nos obligations commerciales internationales, devrions-nous le faire dans le cadre d'un programme de retrait obligatoire des terres en culture?

Tom, vous en parliez tout à l'heure.

M. Tom Cameron: Combiner les deux ne m'est jamais venu à l'esprit. Cette idée a peut-être du mérite. Je songeais aux terres marginales qui ne devraient vraiment pas être en production de toute façon, car on ne peut espérer en retirer quoi que ce soit. On ne fait que les labourer année après année. J'ai 80 acres qui auraient dû retourner à l'état naturel il y a longtemps. C'est qu'on espère tout simplement d'une année à l'autre pouvoir faire un peu de profit, mais ce n'est pas le cas.

Un paiement à l'acre dans le cadre d'un programme de retrait obligatoire des terres en culture pourrait faire partie de la solution, je pense. Cela pourrait peut-être répondre à plus d'une préoccupation. Je sais que tout le monde a quelques terres incultes ou des terres qui ne devraient pas être cultivées, mais dans toute la province, je ne sais pas exactement de quelle façon cela pourrait fonctionner.

M. Dick Proctor: Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à dire à ce sujet?

M. Ed Keyowski: Pour ce qui est d'un programme de retrait obligatoire des terres en culture, quelle serait la durée? Par exemple, est-ce que la mise en jachères d'été en ferait partie, pour quelqu'un qui a des cultures continues?

M. Dick Proctor: Il y aurait un certain nombre d'acres que l'on conviendrait...

M. Ed Keyowski: Ce serait donc un pourcentage.

M. Dick Proctor: Oui.

M. Ed Keyowski: Ces terres ne devraient pas être retirées pendant trois à cinq ans ou transformées en terres à foin, disons, mais elles seraient tout simplement retirées de la production.

M. Dick Proctor: C'est exact.

M. Ed Keyowski: Je pense que cela serait sans doute la solution.

M. Dick Proctor: J'ai remarqué en venant à Ottawa hier que quelqu'un, un fonctionnaire qui ne s'est pas nommé, a dit qu'il serait hypocrite de la part du gouvernement fédéral d'introduire des subventions ou des paiements de soutien à la suite de l'échec de Seattle. En d'autres termes, après être allé à Seattle pour parler contre les subventions et en préconiser l'élimination, même si cela a été presque un désastre total à Seattle, il serait hypocrite de la part du gouvernement du Canada de faire le contraire et d'introduire des subventions. C'était dans les nouvelles d'aujourd'hui.

M. Rick Borotsik: Qui était-ce?

M. Dick Proctor: On ne l'a pas nommé.

M. Rick Borotsik: Un fonctionnaire.

M. Dick Proctor: Oui.

Les agriculteurs qui sont présents voudraient-ils faire des observations—que l'on puisse imprimer, je précise?

Des voix: Oh, oh!

M. Tom Cameron: Ce serait sans doute une excellente idée. Je pense que cela pourrait certainement fonctionner. Si nous décidons de faire cela, alors enlevons toutes les clôtures et revenons au bison. Nous pourrions tous élever des bisons et avoir tout simplement des terrains de parcours libre.

Le président: Monsieur Berry.

M. Leroy Berry: Nous parlons de l'OMC et tout le reste?

M. Dick Proctor: Oui.

M. Leroy Berry: Les Européens ne vont pas changer. Je ne peux pas croire qu'ils changeront. Les gens qui sont allés en Suisse et en France et ailleurs ont vu les agriculteurs là-bas travailler, labourer leurs terres, etc. Les gens ne veulent pas que cela change. Le soutien pour leur agriculture ne va certainement pas être différent à l'avenir.

Nous savons que l'agriculture est cyclique. Tout change si rapidement que l'été prochain, nous pourrions avoir une sécheresse n'importe où dans le monde. Si c'est aux États-Unis, qui est le plus grand producteur, cela changerait tout le scénario. Ce qui est nécessaire, à mon avis, c'est d'avoir des programmes efficaces.

J'ai par ailleurs pu parler à des gens qui ont participé au programme ACRA et ils m'ont dit que si l'on avait incorporé certains points, cela aurait pu être un programme très efficace. Mais les points qu'ils ont présentés ont été rejetés.

• 1620

Je pense que nous avons des programmes qui seront mis en oeuvre. Comme je l'ai mentionné pour le sud-est de la Saskatchewan et le sud-ouest du Manitoba, quand verrons-nous à nouveau de telles situations? Peut-être jamais dans notre région, mais il faut avoir des programmes prêts à être appliqués, pour aider les gens.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci, monsieur le président.

Je partage les sentiments de mes collègues et je voudrais moi aussi remercier chacun d'entre vous d'être ici. Je sais que cela a certainement ouvert les yeux à bon nombre d'autres députés qui ne vivent pas cette situation tous les jours. Je vous remercie donc d'être ici.

Murray a mentionné un certain nombre de points qui ont été soulevés au cours des séances jusqu'à présent. Je tiens à dire que nous devons élaborer un programme à long terme d'aide aux sinistrés, un programme uniforme qui traite tout le monde de la même façon, qu'il s'agisse d'une tempête de verglas, d'une inondation dans la vallée la rivière Rouge ou des pluies abondantes comme nous avons connues dans le sud-ouest du Manitoba et dans le sud-est de la Saskatchewan. Ce sont des problèmes que nous avons connus par le passé, et je prévois qu'ils se reproduiront—non pas dans notre région, Leroy, je l'espère, mais je pense que c'est une chose que nous devons envisager.

À court terme, nous avons besoin de soutien immédiat pour l'agriculture en général lorsqu'il y a une crise concernant un produit agricole. À long terme, nous devons absolument élaborer un programme qui soit différent de l'ACRA et qui soit beaucoup mieux.

Il y a une chose qu'il a oubliée, et je voudrais en parler et connaître votre point de vue sur la question.

M. Murray Calder: J'ai oublié quelque chose?

M. Rick Borotsik: Eh bien, oui, et cela vous a échappé ce matin également lorsque je l'ai mentionné.

Le gouvernement n'a pas de stratégie agricole à long terme pour les 10, 15, 20, 25 ou 30 prochaines années. D'après ce que je peux constater, ce gouvernement en particulier n'a pas une telle stratégie à long terme—et ce n'est pas que je veuille m'attaquer au gouvernement. Les Européens, cependant, en ont une.

Et, Leroy, vous avez raison. J'ai parlé avec des parlementaires européens, comme l'a fait le président de votre comité, et ils ne changent pas leur stratégie. Ils vont continuer d'appuyer leurs agriculteurs pour qu'ils restent dans leurs villages, et ils continueront de le faire quoi qu'il arrive. Nous reconnaissons donc que nous devons faire quelque chose pour leur faire concurrence.

Je veux connaître votre point de vue sur une politique agricole à long terme. Vous avez abordé la question à plusieurs reprises dans vos exposés. La première chose à faire, c'est reconnaître l'importance de l'agriculture pour nous tous dans la société canadienne, mais comment faisons-nous cela? Faisons-nous concurrence aux Européens? Est-ce ce que nous disons? Avons-nous en fait une sorte de revenu garanti pour l'agriculture? Examinons-nous la multifonctionnalité dont ils parlent, où les questions environnementales sont importantes en agriculture? Les espèces en danger de disparition sont de toute évidence le prix que la société doit payer, avec l'agriculture.

Comment voyez-vous une stratégie agricole à long terme à élaborer dès maintenant? Aidez-moi ici. Vous avez parlé de politique, et j'aimerais connaître votre point de vue.

Le président: Allez-y.

M. Tom Cameron: Avec tout le respect que je dois à M. Calder, je ne pense pas que le gouvernement actuel soit le premier à ne pas avoir de politique agricole nationale. Je pense que c'est le cas d'autres gouvernements précédents également. Je n'arrive pas à me rappeler quand nous avons eu une vraie politique agricole.

Oui, nous avons besoin d'une telle politique, et elle doit être élaborée non pas seulement par le gouvernement au pouvoir, mais avec l'aide des partis d'opposition et en reconnaissant qu'il existe des problèmes dans toutes les régions du Canada. Qu'il s'agisse des pommes de terre à l'Île-du-Prince-Édouard, des vergers en Colombie-Britannique ou du maïs en Ontario, il y a des problèmes partout. De nombreux programmes spéciaux ont été mis en place au fil des ans. Ne le dites pas aux autres fonctionnaires, mais lorsque les fonctionnaires mettent un programme en place quelque part, ils aiment le maintenir, et il est difficile d'éliminer un programme lorsqu'il n'a plus sa raison d'être.

M. Rick Borotsik: L'une des choses que les Canadiens veulent avoir, c'est une politique d'aliments bon marché, ou du moins, c'est la politique qui est en place à l'heure actuelle. Que pensez-vous de cette question? Devons-nous maintenir une politique d'aliments bon marché? Est-ce qu'une plus grande partie des revenus provenant de la vente des aliments dans les épiceries devrait retourner à la ferme? Est-ce une question sur laquelle nous devrions nous pencher?

M. Ed Keyowski: Voulez-vous parler d'un système de double prix?

M. Rick Borotsik: Je parle d'une politique d'aliments bon marché qu'a adoptée notre société au Canada, particulièrement dans les centres urbains. Quelqu'un ce matin a dit que nous devrions peut-être avoir une taxe sur les aliments qui serait directement liée à la ferme où l'aliment est produit. Accepteriez-vous quelque chose de cette nature?

M. Ed Keyowski: Personnellement, entendre parler d'une autre taxe encore m'horripile.

M. Rick Borotsik: Je sais. Exactement.

M. Ed Keyowski: À bien y réfléchir, cela ne me dérange pas de vendre mon orge de brasserie à 1,70 $ pour qu'un Coréen puisse lui aussi prendre une bière une fois par semaine; il gagne 50c. par jour environ. Lorsque le conducteur du train du CN à Vancouver qui transporte mon orge de brasserie se fait payer 32 $ de l'heure et qu'il achète toujours mon orge de brasserie pour 1,50 $ le boisseau...

• 1625

M. Rick Borotsik: J'ai une autre question, monsieur le président.

Parmi les quatre producteurs qui sont ici aujourd'hui, combien d'entre vous ont présenté une demande dans le cadre de l'ACRA? Trois l'ont fait.

Combien ont reçu une aide? Deux d'entre vous. Très bien, ce n'est pas si mal. C'est mieux que la moyenne.

Le président: Qu'est-il arrivé dans votre cas, Ray?

M. Ray Walton: Ils ne m'aimaient tout simplement pas.

M. Rick Borotsik: Combien d'entre vous ont fait appel au CSRN?

M. Tom Cameron: J'ai pu le faire grâce aux nouveaux changements.

M. Rick Borotsik: Ray, vous ne l'avez pas fait?

M. Ray Walton: Ma femme l'a fait.

Le président: En plus d'y faire appel, est-ce que vous avez retiré ce que vous aviez?

M. Tom Cameron: Je l'ai retiré.

M. Rick Borotsik: Une observation que l'on fait très souvent, c'est qu'il y a 2 milliards de dollars dans le CSRN. C'est en quelque sorte un peu une fausse appellation, franchement, car à l'heure actuelle, beaucoup de gens ont retiré beaucoup d'argent de leur compte du CSRN.

Au fait, je ne veux pas vous faire peur, mais je ne prévois pas de changements réels dans le prix des marchandises pour l'année à venir. Je suis certain que vous êtes assez intelligents pour le reconnaître également.

Si en l'an 2000 nous nous retrouvons dans une situation semblable à celle que nous connaissons à l'heure actuelle, sans la catastrophe naturelle, aurez-vous suffisamment d'argent dans votre compte du CSRN pour pouvoir y faire appel ou retirer de l'argent?

M. Ed Keyowski: Pour ce qui est d'y faire appel, j'avais dans mon compte environ 50 000 $ en dollars après impôt et lorsque j'ai tenté de retirer ce montant, on m'a dit que je pouvais retirer 10 000 $ mais que c'était selon le montant pour le fédéral. J'ai décidé de le laisser dans le compte, parce que je n'avais pas les moyens de payer d'impôt sur ce montant de toute façon. J'imagine que je n'ai pas à m'inquiéter de l'impôt sur le revenu.

Je ne pouvais toucher mon argent qui était dans une banque. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire cela? L'argent est là à ne rien faire. Comme vous le dites, tous les jours nous lisons dans les journaux qu'il y a des millions de dollars et que nous ne les retirons pas, que nous n'avons pas de problème. Je dis que je veux cet argent.

Le président: Merci.

Larry, il nous reste suffisamment de temps pour que vous posiez une question.

M. Larry McCormick: Je voudrais mentionner quelques points.

En ce qui concerne l'hommage que Dennis Mills est en train de faire à Toronto, est-ce quelque chose que les caucus ruraux appuient? Nous pensons qu'une partie de la solution ici sur nos marchés intérieurs est la sensibilisation. Je pense que c'est un bon thème que de rendre hommage à la famille agricole. Je sais que cela ne fera pas couler l'argent à flot dans cette salle, mais je pense que c'est un des outils que nous devons utiliser.

Nous avons désigné des fonds dans le cadre du programme ACRA. Vous avez eu trois catastrophes ou trois crises—le mauvais temps, les prix des produits de base et, bien sûr, le programme qui, même s'il était bien intentionné, a été un échec au niveau de l'exécution. Nous avons cependant maintenant de l'argent pour l'année 1999 qui est presque terminée. Nous avons besoin de vos suggestions sur la façon dont nous pourrons intervenir rapidement l'an prochain en vertu du même programme cadre.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, Larry.

Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au groupe de témoins suivant.

M. Rick Borotsik: J'aimerais faire une observation.

Ne perdez pas confiance; notre pays est merveilleux. Le drapeau est très important. Nous avons un pays exceptionnel. Croyez-moi, il a été bon pour nous. Ne perdez pas confiance. Nous sommes là pour vous. Ce que nous devons faire, c'est élaborer une politique agricole qui sera là pour vous à long terme. Je vous prie de ne pas perdre confiance.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Lee Stanley, Trevor Doty, Eric Wilmot et Mark Alexander.

Nous allons procéder par ordre alphabétique. Mark, c'est à vous de commencer. Nous passerons ensuite à Trevor et à Lee Stanley. Eric Wilmot parlera en dernier.

Nous vous saurions gré de bien vouloir limiter vos remarques à cinq ou sept minutes environ.

Bienvenue. Vous pouvez commencer.

M. Mark Alexander (témoigne à titre personnel): Comme on l'a dit, je m'appelle Mark Alexander. Je suis un agriculteur de 30 ans qui vit à 15 milles au sud de Weyburn. J'ai une jeune famille: une femme, qui s'appelle Melanie, et trois enfants—une fillette de 6 ans qui s'appelle Britney, une autre de 3 ans qui s'appelle Brooke et une petite fille de deux mois qui s'appelle Autumn.

Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée d'être ici aujourd'hui, mais je ne suis pas heureux d'être ici aujourd'hui. Je ne sais pas combien d'autres mots il faudra prononcer, combien d'autres mots il faudra gaspiller, combien d'autre temps et d'efforts il faudra consacrer à la question.

À 30 ans, je peux abandonner ma ferme demain, une exploitation agricole qui est dans la famille depuis quatre générations, mais je détruirais mon père et je détruirais ce qui a été construit.

• 1630

Je fais partie de ce qui est peut-être l'un des plus petits groupes minoritaires au Canada: je suis un jeune agriculteur. Tant que quelque chose ne sera pas fait, tant qu'on ne se penchera pas de façon sérieuse sur le grave problème avec lequel nous sommes aux prises, je ne crois pas qu'il y aura quelqu'un comme moi pour me remplacer.

Hier soir, je présidais une réunion qui avait lieu au Weyburn Inn. Au moins 200 personnes y ont assisté. Par ailleurs, avec d'autres agriculteurs, j'ai participé à une visite éclair de la presse dans l'État du Dakota-Nord, pour rencontrer les agriculteurs américains. La pression de toute cette situation est très grande pour ma famille. Ce matin, lorsque j'ai réveillé ma fille de 6 ans pour aller à l'école, elle a dit: «Papa, as-tu une autre réunion ou autre chose demain?» J'ai dit non, que je pourrais être à la maison, que nous pourrions faire quelque chose à l'extérieur. Elle en était très heureuse.

Je ne sais pas combien d'autres lettres et d'autres messages par télécopieur il faudra envoyer et combien d'autres histoires il faudra raconter. À notre époque de l'information, je dirais que plus d'information est venue d'Ottawa à ce sujet que sur toute autre question—mais est-ce qu'ils ont reçu mon message...?

Pourtant, ils refusent de bouger. Je peux vous dire tout de suite que le gouvernement fait un choix. Je ne sais tout simplement pas quel est ce choix.

Je suis allé dans le Dakota du Nord rencontrer des agriculteurs de Bismarck, en passant par Jamestown et Fargo. Lorsqu'on a entendu un agriculteur américain dire les mêmes choses que l'on dit... Il a dit que la seule différence entre nous deux, c'est qu'ils avaient réussi à obtenir de l'argent. Il a dit qu'il n'aurait pas pu survivre sans cet argent dont ils avaient désespérément besoin. Que fera-t-on ici? L'histoire jugera le Canada pour ce qui arrive ici. Il a dit: «Je ne peux croire ce que vous faites, vous les agriculteurs canadiens. Est-ce que vous allez tout simplement plier l'échine et disparaître?»

L'agriculture dans le monde entier arrive à un tournant. Je ne pense pas que les gens puissent dire le contraire. Les banques enregistrent des profits record. Les multinationales enregistrent des profits record. Pourquoi? Elles fonctionnent dans un environnement stratégique qui le permet. Les agriculteurs travaillent dans un environnement stratégique qui leur permet de faire faillite.

Nous devons élaborer des programmes efficaces, sinon les agriculteurs vont prendre eux-mêmes les choses en main. Lorsque la clôture est brisée, on n'attend pas que quelqu'un d'autre vienne la réparer. On prend ses propres outils et on la répare. Nous n'attendons pas que quelqu'un d'autre vienne dans nos champs faire notre travail. Les agriculteurs vont s'unir et, j'en suis convaincu, car s'ils ne le font pas, les conséquences seront dévastatrices pour tout le monde.

La soeur de ma femme vit en Géorgie et nous avons eu l'occasion d'aller là-bas il y a quelques années lorsque l'agriculture rapportait un peu d'argent. J'ai visité la région d'Augusta, en Géorgie, et j'ai visité une usine de trituration d'ADM. C'est une usine qui allait fermer. Il restait un employé, un homme d'un certain âge, qui m'a dit qu'ADM venait tout juste de construire une nouvelle usine près de la frontière entre la Floride et la Géorgie. Il m'a dit des choses qui m'ont donné la chair de poule. Il m'a dit qu'ADM était en train d'acheter les meilleures terres que l'on pouvait trouver en Amérique.

Nous sommes tous réduits au plus petit dénominateur commun. Ils ne veulent peut-être pas de la ferme Alexander, mais ils ne veulent pas que je l'exploite.

Nous devons mettre en place des programmes efficaces afin de maintenir l'infrastructure rurale. M. Murray Calder a fait allusion à la liste des choses dont les agriculteurs ont parlé, la liste des idées que les gens ont présentées. Ce sont des idées pragmatiques. Nous devons élaborer des programmes qui comporteraient le retrait obligatoire des terres en culture, liés à des crédits pour les hydrocarbures.

• 1635

Dans notre exploitation agricole, nous faisons la culture sans labour depuis 10 ans maintenant. Une société d'énergie canadienne a tout récemment conclu une entente de crédits pour hydrocarbures avec certains agriculteurs américains de l'État de l'Iowa. Je ne comprends pas ce genre de chose. Je ne comprends pas pourquoi on permet une telle chose. Nous avons besoin d'un régime d'assurance-revenu qui soit souple et qui n'influence pas le marché. Il existe de nombreux régimes, mais je vais répéter que ce sont des régimes de cette nature qu'il nous faut; sinon, nous allons sûrement disparaître.

C'est tout ce que j'avais à dire. Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Nous allons maintenant donner la parole à une autre personne qui paraît bien jeune, Trevor Doty.

M. Trevor Doty (témoigne à titre personnel): Bon après-midi.

Avec ma femme et mes parents, j'exploite une ferme près de Carlyle. Notre ferme a son histoire. Elle a été déclarée propriété familiale en 1898 par mon arrière-grand-père qui à l'époque réussissait très bien comme agriculteur, un agriculteur important à l'époque. Il a prospéré et, en 1915, il a construit une magnifique maison à deux étages avec l'eau courante et l'électricité. La ferme a été ensuite reprise par mon grand-père qui lui aussi réussissait bien les premières années. Cependant, il a été obligé de quitter la ferme dans les années 30 pour aller trouver du travail afin de nourrir sa famille. Il est revenu plus tard et a joui de la prospérité qu'a connue le secteur agricole après la guerre.

Ensuite, mes parents ont pris l'affaire en main. La première année a été un désastre à cause de la sécheresse. Toutefois, ils ont persisté et vivent confortablement grâce à leur ferme. Ma mère n'a jamais eu à trouver du travail à l'extérieur de la ferme. Plutôt, elle a consacré sa vie à ses enfants et à des organismes de charité. Toutes les années n'ont pas été bonnes. Néanmoins, ils se sont débrouillés parce que, dans les années 60 et 70, les coûts et les risques financiers n'étaient pas aussi élevés qu'ils le sont aujourd'hui.

En 1996, ma femme et moi avons décidé de devenir agriculteurs nous aussi, comme nos parents et grands-parents à nous deux. Nous sommes très fiers de pouvoir dire que nous sommes la quatrième génération d'agriculteurs habitant dans la grandiose maison à deux étages qu'a bâtie mon arrière-grand-père. Nous avons acheté une terre et signé une entente avec mes parents prévoyant que nous exploiterions une partie de leur terre. Au total, nous exploitons environ 1 700 acres.

Les trois dernières années de récolte n'ont pas été faciles. Le printemps de 1997 a été sec et, lorsque la pluie est enfin arrivée, il a fallu réensemencer de nombreux acres en raison du faible taux de germination. Environ 500 acres ont été réensemencés. Ces récoltes tardives n'ont pas été très bonnes. Nous avons pu survivre en hypothéquant une partie de la terre de mes parents.

L'année 1998 s'annonçait sèche comme la précédente. Dans notre optimisme, nous restions convaincus que la pluie viendrait, et elle est venue. Elle a toutefois été accompagnée de températures fraîches et d'un gel imprévu en juin. Encore une fois, nous avons dû réensemencer, cette fois-là, 400 acres. Les rendements et les prix étaient bons, mais les récoltes qui ont été endommagées par le gel étaient les oléagineux, les plus rentables. La banque s'est mise à examiner notre exploitation plus attentivement et a exigé une garantie plus élevée sur le prêt d'exploitation de l'année suivante.

L'année suivante—cette année—s'est avérée extrêmement difficile. Il nous a été impossible d'ensemencer 600 acres à cause d'abondantes pluies printanières. Nous avons eu de la chance pour pouvoir faire ce que nous avons fait. Certaines récoltes ont très bien produit, d'autres ont été endommagées par la maladie et une humidité trop élevée.

Nous exploitons notre ferme depuis trois ans. Ma femme et moi travaillons tous les deux à la ferme, ma mère s'occupe de notre bébé et mon père, qui devrait travailler moins, se voit forcé d'en faire plus. Les pressions émotives et financières qui s'exercent sur notre famille sont énormes. Après trois ans, nous faisons face à un déficit financier de plus de 60 000 $. Encore une fois, nous envisageons le refinancement et nous continuons de nourrir des espoirs pour l'an prochain, mais nous ne nous rendrons peut-être pas à l'an prochain.

Vous vous demandez peut-être ce qu'il en est de l'assurance-récolte et de l'ACRA? Pour ces trois dernières années, nous avions une assurance-récolte; nous avons demandé et reçu des indemnisations. Toutefois, ce que nous avons reçu pour le réensemencement est bien loin du coût véritable. L'indemnité de non-ensemencement de 50 $ l'acre n'a finalement été qu'environ 30 $ l'acre, après les déductions et les calculs de l'assurance-récolte. Cela nous a donné un coup de pouce, mais de nos jours, les agriculteurs doivent être extrêmement efficients. Cela signifie que chaque acre doit produire car des coûts fixes sont associés à chaque acre. Lorsqu'un tiers des acres ne produisent pas, les deux autres tiers doivent compenser. Cela n'a pas été possible cette année.

Il y a aussi l'ACRA. Nous avons présenté une demande en juillet sachant que le traitement de cette demande serait assez long car nous sommes de nouveaux agriculteurs et nous n'avons pas de période de référence de trois ans. Par conséquent, il a fallu en concevoir une. À ce jour, après de nombreux appels téléphoniques, nous ne savons toujours pas si on nous indemnisera. Nous sommes donc loin d'avoir quelque chose de négociable en banque ou en poche pour le printemps.

Encore une fois, nous demandons de l'aide. Cela ne me plaît pas, et tous les autres agriculteurs vous diront la même chose: nous voulons recevoir ce que nous méritons en échange de nos produits, un point c'est tout.

• 1640

Ces trois dernières années, le prix des cultures que nous produisons a baissé radicalement. J'ai fait une comparaison des prix par boisseau de 1997 et de ceux auxquels nous nous attendons pour cette année. Cela s'applique aux céréales que nous faisons pousser sur notre ferme. Cela ne comprend pas toutes les céréales. En 1997, le prix du canola était d'au moins 8,50 $. À l'heure actuelle, il est d'environ 5,75 $. Le lin était à au moins 8 $. Il vaut maintenant autour de 5 $. En 1997, l'avoine était 2,50 à 3 $ le boisseau. Elle n'est plus qu'à 1,25 $. En 1997, nous recevions pour le seigle 4,25 $ à la sortie de la moissonneuse-batteuse. Cette année, le meilleur prix que j'ai pu trouver est de 75c. En 1997, le prix de l'orge fourragère était de 2,50 $, alors qu'en 1999, il est de 1,65 $.

Bien des gens demandent pourquoi on devrait aider le secteur agricole. Ils prétendent que ce secteur devrait être traité comme tous les autres. Peut-être bien, mais il y a deux raisons importantes pour lesquelles on devrait aider les agriculteurs. Premièrement, les agriculteurs canadiens sont désavantagés, contrairement à la plupart des autres entreprises canadiennes. Les agriculteurs doivent rivaliser avec le Trésor fédéral des États-Unis et l'Union européenne qui versent des subventions considérables à leurs agriculteurs.

Deuxièmement, et c'est le plus important, nous donnons aux Canadiens un approvisionnement sûr et garanti d'aliments. Si les agriculteurs canadiens ne peuvent survivre, les Canadiens seront forcés de payer davantage pour des aliments provenant d'autres pays et l'approvisionnement ne sera plus garanti.

Les gens ont l'impression que les agriculteurs sont riches. Si vous pouvez acheter une pièce d'équipement de 150 000 $, vous devez être riche, non? Non. La plupart des agriculteurs qui sont en mesure d'acheter les pièces d'équipement les plus coûteuses ne possèdent pas cet équipement. Ils l'ont loué ou c'est la banque qui en est propriétaire. Mais nous avons besoin de cet équipement pour faire pousser nos récoltes. La plupart des agriculteurs ne sont pas propriétaires de cet équipement. Vous n'avez qu'à demander à n'importe quel marchand d'équipement agricole; il vous dira que les ventes ont été peu nombreuses ces derniers mois. Plutôt, les fermiers réparent leurs vieilles machines pour qu'elles durent encore un an.

Sur notre ferme, en 1975, mon père a acheté un nouveau tracteur et un camion pour les céréales qu'il a payé comptant. Pour moi, ce genre d'achat est inconcevable. Nous utilisons encore ce tracteur et ce camion. En fait, nous avons encore aussi un camion pour les céréales et un tracteur qui ont été construits dans les années 60. Le tracteur le plus récent que nous possédons aura 15 ans l'an prochain. Nous aimerions bien nous défaire de notre vieil équipement pour en acheter du neuf, mais nous n'avons pas les moyens de le faire.

Dans bien des cas, ce vieil équipement n'est pas sûr et présente des dangers pour la santé. Le tracteur que j'utilise pour vaporiser des produits chimiques est doté d'un système de ventilation très médiocre. Lorsque je passe la journée à vaporiser des produits chimiques, à la fin de la journée, j'ai la peau collante de ces produits, j'ai mal à la tête et, souvent, je ne me sens pas bien pendant des jours. Je sais que ce n'est pas bon pour moi, mais que puis-je faire? L'autre tracteur que nous utilisons tous les jours n'a plus d'air climatisé mais n'a pas non plus de fenêtre qui s'ouvre, de sorte que, par les journées ensoleillées, la cabine du tracteur se transforme en four. Ma situation n'est pas unique. D'autres agriculteurs pourraient vous dire la même chose. Ils vous diraient aussi qu'ils n'ont d'autre choix que d'encaisser.

Cet hiver, messieurs, si vous allez en vacances dans un endroit chaud, j'aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi. Avant de partir, allez acheter de l'engrais chimique pour la pelouse. Une fois arrivés à destination, mettez un peu de ce produit chimique sur votre corps et promenez-vous ensuite pendant huit heures dans votre voiture louée, sans air climatisé et sans baisser les fenêtres. Cela vous donnera une idée de la situation que je tente de vous décrire.

Mais pour être honnêtes, ce n'est pas parce que nous, les agriculteurs, ne pouvons nous payer de l'équipement nouveau et perfectionné qu'il y a une crise agricole. Il y a une crise, parce que les fermiers n'arrivent pas à joindre les deux bouts, à subvenir aux besoins de leurs familles. Il y a une crise, car on demande aux enfants de travailler à la ferme très jeunes car on n'a pas d'argent pour engager des employés lorsqu'on en a besoin; il arrive que ces enfants se blessent ou se tuent dans des accidents à la ferme. Il y a une crise, parce que c'est tout un mode de vie qui est en pleine érosion et que les petites villes et localités sont moribondes. Il y a une crise, parce que les pressions émotives et financières sont au plus haut et qu'elles mènent à la dépression, au divorce et, parfois, au suicide.

Les agriculteurs n'ont pas les avantages sociaux de la plupart des employés rémunérés. Il n'y a pas, pour les fermiers, de régime d'assurance-médicaments, de régime d'assurance dentaire ou de régime de retraite financé par l'entreprise. Il y a des parents qui doivent choisir entre l'épicerie de la semaine prochaine et des lunettes pour leurs enfants; cela vous donne une idée de l'ampleur de la crise.

La crise agricole a toutefois eu pour effet de rassembler les Canadiens de l'ouest du pays. Elle a toutefois élargi le fossé qui existe entre les régions de l'est et de l'ouest. Dans une certaine mesure, c'est devenu une question d'unité nationale.

J'ai toujours cru que les habitants d'un pays devaient collaborer et que, lorsqu'une région du pays avait besoin d'aide, tous les gens devaient se serrer les coudes pour l'aider. C'est ce qui s'est passé en 1998 pendant la tempête de verglas qui s'est abattue sur l'est du Canada. L'ouest du pays a apporté toute l'aide possible. Nous avons envoyé de la main-d'oeuvre, de l'argent, des génératrices et de l'aide sous d'autres formes, outre la contribution du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral n'a pas chargé un comité d'enquêter sur la nécessité d'aider cette région. Il l'a crue sur parole. Je n'ai pas entendu notre premier ministre dire à l'Ontario et au Québec: «Débrouillez-vous. Nous n'avons pas d'argent pour vous aider.»

• 1645

Je ne peux que m'imaginer ce qu'ont subi les Canadiens de l'est du pays pendant cet hiver-là. Mais l'important, c'est qu'une région était dans le besoin, que des gens souffraient et qu'il était de notre devoir de Canadiens de l'aider. Je sais que la grande majorité des Canadiens ne comprend pas notre situation. Je vous en prie, croyez-nous, nous vivons une crise. Cette région-ci du Canada et ses habitants souffrent. Alors, encore une fois, c'est votre devoir de Canadiens que d'aider ceux qui sont dans le besoin.

Voilà maintenant un an que nous tentons de convaincre notre gouvernement de l'ampleur de nos difficultés et de la nécessité de nous accorder une aide immédiate et de prévoir un plan à long terme. En réponse à nos demandes, on nous a parlé de subventions sur les échanges commerciaux et on nous a dit que, bien que les Américains et l'Union européenne continuent d'augmenter les subventions qu'ils versent aux agriculteurs, ils ne toléreraient pas que le Canada en fasse autant.

Je ne suis pas convaincu. Si cela leur posait un problème que le Canada augmente ses subventions à l'agriculture—et je ne crois pas que ce soit le cas—le temps est venu pour nous de les envoyer au diable. J'estime que le Canada devrait augmenter ses subventions s'il veut les inciter à réduire les leurs. Nous n'avons qu'à leur dire: «Après vous. Nous avons déjà été les premiers.»

Il y a plusieurs semaines, j'ai pris la parole dans le cadre d'une tribune sur l'agriculture à Carlyle à laquelle participaient beaucoup de gens d'un peu partout au pays. J'ai reçu de nombreux appels téléphoniques et des lettres de toutes les régions. J'aimerais vous lire un extrait d'une lettre que j'ai reçue d'un monsieur de Brampton en Ontario.

    Monsieur Doty:

    Je suis furieux contre le gouvernement fédéral qui n'a pas su vous aider, vous et tous les agriculteurs de l'Ouest canadien. Si nous avons un ministre fédéral de l'Agriculture, il a préféré se taire ou il n'est qu'un incompétent submergé par la bureaucratie.

    N'oubliez pas les noms de Jean Chrétien et de Paul Martin aux prochaines élections fédérales.

    Je veux surtout que vous sachiez que tous les habitants de l'est du Canada s'inquiètent de vous et que nous savons aussi que les provinces de l'Atlantique font face à des difficultés.

    J'espère bien qu'on a entendu votre appel et que tous les paliers de gouvernement agiront SANS PLUS TARDER. Continuez d'exercer des pressions, car les politiciens détestent la publicité négative. NE PERDEZ PAS ESPOIR.

Je crois que cette opinion traduit bien celle de nombreux Canadiens, et cela en soi constitue un mandat d'aider les agriculteurs des Prairies. La crise est réelle. Les agriculteurs n'ont plus un sou. Des familles se déchirent. Si la majorité des agriculteurs abandonnait leur ferme et allait vivre en ville, les entrepreneurs des petites villes les suivraient rapidement, car ils perdraient tous leurs clients. Les grandes villes n'ont pas les emplois ni l'infrastructure leur permettant d'accueillir un tel flux de gens des régions rurales.

Je vous mets au défi; que ce comité ne serve pas qu'à votre publicité et qu'à celle de votre gouvernement. Retournez à Ottawa et faites quelque chose dès maintenant. Je l'ai déjà dit, c'est votre devoir de Canadiens d'aider toute région du pays qui connaît une crise.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous voulons entendre le plus grand nombre possible d'agriculteurs; je vous demanderais donc d'être aussi brefs que possible. Nous voulons bien sûr entendre l'essentiel de votre message, mais si vous pouviez...

Monsieur Stanley, soyez le bienvenu.

M. Lee Stanley (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président.

Messieurs, je m'appelle Lee Stanley. Ma famille et moi sommes propriétaires-exploitants d'une ferme mixte au sud de Carievale, en Saskatchewan. Je suis honoré de m'adresser à votre comité et de vous présenter mon opinion sur l'ampleur de la crise actuelle du revenu agricole et sur les mesures que, à mon avis, le gouvernement devrait prendre pour y mettre fin.

Si je peux me permettre une parenthèse, comme la plupart des fermiers, je ne suis pas très à l'aise dans ces habits. En fait, je ne porte habituellement un complet que lorsque je vais à des funérailles. Toutefois, aujourd'hui, cette tenue me semble convenir, car à mon avis, la ferme familiale du Canada est sur son lit de mort. Mais je ne veux pas aller à ses funérailles.

Messieurs, l'exploitation agricole familiale est l'épine dorsale de l'économie canadienne depuis la Confédération. L'agriculture est encore le secteur numéro un en Saskatchewan et parmi l'une des plus importantes dans l'ensemble du pays. Toutefois, en raison de facteurs indépendants de notre volonté, la ferme familiale risque maintenant de disparaître. Les agriculteurs de l'Ouest canadien sont forcés de rivaliser avec leurs homologues des États-Unis et de l'Europe, des agriculteurs qui reçoivent de fortes subventions de leurs gouvernements. Nous, agriculteurs, ne pouvons gagner suffisamment d'argent grâce à la vente de nos produits pour payer nos coûts de production. La logique élémentaire nous dit que si vous dépensez plus que vous ne gagnez, vous ne survivrez pas bien longtemps.

À notre ferme familiale, nous avons fait l'impossible pour rendre l'exploitation viable, mais, chaque année, nous semblons régresser plutôt que progresser. Comme tous ces messieurs, je suis très fier de ma ferme. C'est mon grand-père qui le premier s'est établi sur notre ferme en 1944. La maison de pierre centenaire où il a élevé sa famille et où mon père a élevé la sienne est maintenant notre maison, à ma femme et à moi. Si la situation actuelle perdure, je doute fort que la quatrième génération puisse y vivre ou travailler.

• 1650

Ma femme Laura et moi nous sommes mariés récemment, mais nous avons décidé d'attendre avant d'avoir des enfants car notre situation financière est telle que nous devons travailler à l'extérieur de la ferme. Ma femme est technicienne ambulancière et est rarement à la maison. Son cas n'est pas exceptionnel; c'est plutôt la règle générale sur les exploitations agricoles de nos jours, puisque n'importe quel emploi paie mieux que l'agriculture.

Ma famille et moi avons fait ce que, d'après les experts, il faut faire pour survivre, mais ça ne marche tout simplement pas. Nous avons accru notre superficie de cinq quarts de section à 24; nous avons fait passer nos têtes de bétail de 20 à un peu plus de 100; nous faisons maintenant pousser une variété de 10 cultures différentes et non pas seulement du blé. On nous a répété qu'il fallait agrandir et diversifier, et c'est ce que nous avons fait, mais notre niveau de vie est maintenant inférieur à ce qu'il était il y a 30 ans. Nous sommes forcés de travailler plus fort et de mieux exploiter la ferme, mais nous gagnons moins d'argent. Il nous a été impossible de remplacer notre équipement vieillissant et nous forçons nos moissonneuses-batteuses de 20 ans à parcourir plus de superficie que lorsqu'elles étaient neuves. Lorsque votre revenu net est inférieur au salaire minimal, un achat de 300 000 $ est hors de question.

Le plus important problème en matière d'agriculture à l'heure actuelle, c'est l'absence de tout espoir. Les jeunes de l'ouest du pays quittent les fermes en masse, car ils ne veulent pas se battre pour survivre comme ils ont vu leurs parents le faire. Une fois qu'ils sont partis, ils ne reviennent pas. Qui fera pousser notre nourriture une fois que les agriculteurs vieillissants prendront leur retraite?

Les agriculteurs d'aujourd'hui ont désespérément besoin d'une aide en espèces à court terme, outre les programmes existants, et ce, dans les meilleurs délais. Mais le plus important, à mon avis, c'est un filet de sécurité efficace et à long terme fondé sur le revenu. Ce programme compléterait l'assurance-récolte et ferait en sorte que les agriculteurs reçoivent un revenu suffisant pour au moins assumer leurs coûts de production. Administré et financé en collaboration avec les gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que grâce à des cotisations versées par les agriculteurs, un tel programme permettrait aux agriculteurs de connaître le rendement prévu avant de semer au printemps. Nous, les fermiers, avons besoin de savoir cela pour établir notre budget en conséquence. Les machines agricoles désuètes doivent être remplacées, mais l'équipement moderne est très coûteux. On ne peut permettre aux fermiers de s'endetter ainsi qu'en prévoyant un programme qui garantirait le coût entier de production cette année et les années suivantes.

Sans aide aucune, les agriculteurs seront forcés de quitter leur terre cet hiver sachant que personne n'en voudra. Cette terre restera inoccupée, se couvrira de mauvaises herbes et ne profitera à personne. Si cela se produit, l'Ouest canadien deviendra stérile et inculte et ne comptera plus que des chômeurs. Souhaitons-nous faire de notre pays un pays du tiers monde?

Mesdames et messieurs, lorsqu'une ferme familiale ferme ses portes, il n'y a pas là que la perte d'une entreprise, c'est aussi la perte de l'héritage d'une famille, la perte d'un foyer. Le temps est venu pour le Canada d'appuyer ses agriculteurs, parce que sans agriculteurs, il n'y a pas d'agriculture. Tous les Canadiens qui mangent doivent se préoccuper du sort des fermes familiales canadiennes. Les agriculteurs approvisionnent le Canada en nourriture sûre, fiable et bon marché. Cet approvisionnement est sérieusement menacé et, sans aide, il disparaîtra à jamais.

Je fais appel au gouvernement fédéral; je lui demande d'écouter ces inquiétudes et d'y répondre rapidement afin de nous aider à sauver nos fermes, nos familles et nos foyers. Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.

Le président: Merci, monsieur Stanley.

Nous passons maintenant à M. Wilmot. Soyez le bienvenu.

M. Eric Wilmot (témoigne à titre personnel): Bonjour.

J'aimerais profiter du temps qui m'est alloué pour attirer votre attention sur la perte d'intrants qui a été occasionnée par les pluies diluviennes qui ont inondé le sud-est de la Saskatchewan et le sud-ouest du Manitoba au printemps de 1999. Afin de bien vous faire comprendre pourquoi cela m'apparaît important, je vous décrirai un peu ma situation et mon exploitation agricole.

J'ai 46 ans. J'ai été élevé sur une ferme à Carnduff, en Saskatchewan. J'exploite une ferme depuis l'obtention de mon diplôme de l'école d'agriculture de l'Université de la Saskatchewan, en 1973. J'ai commencé par louer 600 acres d'un voisin. À l'heure actuelle, j'exploite 2 800 acres, dont 2 600 m'appartiennent. Pendant ces 26 dernières années, bien des choses ont changé. Notre ferme a toujours été assez efficiente et a su évoluer pour s'adapter au changement. Au départ, nous récoltions sur deux tiers de notre terre et mettions en jachère le dernier tiers. Nos récoltes se composaient à 80 p. 100 de blé ou de blé dur et à 20 p. 100 de seigle d'automne, de lin et, occasionnellement, d'orge. C'était les récoltes traditionnelles dans notre région. Aujourd'hui, nous récoltons sur tous nos acres mais nous avons diversifié nos cultures et adopté des cultures non traditionnelles. Environ un tiers de la superficie donne des cultures céréalières, environ un tiers, des oléagineux—surtout du colza canola—et le dernier tiers, des légumineuses telles que les pois verts et jaunes, diverses variétés de lentilles, des pois chiches et de la luzerne. De plus, nous avons commencé à faire pousser et à vendre des semences sélectionnées il y a environ 15 ans.

• 1655

Nous n'avons pas fait ces changements simplement pour rendre notre vie plus intéressante. Cette évolution était nécessaire si nous voulions augmenter le rendement. Les progrès technologiques ont permis ces changements. Des machines plus grosses, plus spécialisées, de meilleurs herbicides, des variétés de cultures améliorées et divers progrès au niveau du marché ont contribué à rendre ces changements possibles. Toutefois, ces changements et ces diversifications ne se sont pas faits du jour au lendemain. J'ai dû acquérir de nouvelles compétences en mise en marché et en production agronomique et j'ai dû acheter des pièces d'équipement spécialisées. Toutefois, j'ai persévéré et j'ai fait de mon mieux pour suivre les conseils des conseillers en agriculture et des organisations gouvernementales; j'ai diversifié mon exploitation afin qu'elle reste viable.

Il y a trois ans, j'ai fermé mon entreprise extérieure. Je croyais pouvoir améliorer les rendements si je consacrais davantage de temps à mon exploitation agricole. De plus, les jours n'étaient pas assez longs pour que je puisse bien mener les deux entreprises et consacrer du temps à l'éducation de mes trois enfants.

Il fallait consacrer davantage de temps au contrôle des cultures qu'à mes débuts dans l'agriculture. Nous devons maintenant surveiller les insectes, les maladies et les mauvaises herbes qui pourraient résister aux herbicides. Ces problèmes n'existaient pas à l'époque qui a précédé la diversification. La rotation des cultures, la rotation des produits chimiques et les études de marché nécessitent aussi davantage de temps et de planification qu'un système de production monoculture.

Ces trois dernières années, particulièrement, nous avons vu le prix des denrées baisser, ce qui signifie qu'il nous fallait des rendements supérieurs à la moyenne pour survivre. Le colza canola semblait donner un bon rendement; nous avons commencé à le faire pousser il y a environ six ans. Mais même le prix du colza canola a baissé, passant de 8 $ le boisseau à 5,50 $ dans l'année qui vient de s'écouler, sans que l'on prévoie de meilleurs prix dans un avenir rapproché.

En 1973, lorsque je me suis lancé dans l'agriculture, le meilleur blé rapportait environ 4 $ aux agriculteurs. En 1999, le meilleur blé, selon le point milieu des perspectives de rendement, rapporte 4,40 $. Entre-temps, le coût des intrants a augmenté de façon exponentielle. Le carburant agricole en est un bon exemple. En 1972, l'essence coûtait 19c le gallon. En 1999, elle coûte 2,66 $ le gallon. En 1972, cinq gallons de 2,4-D coûtaient 17,50 $, alors qu'en 1999, ils coûtent 134 $.

Comme vous pouvez le constater, le prix des denrées n'a tout simplement pas suivi le coût des intrants. C'est encore plus décourageant lorsqu'on regarde l'indice des prix à la consommation. C'est la réalité économique à laquelle je dois faire face depuis trois ans plus particulièrement. Des prix à la baisse, des coûts d'intrants à la hausse et des marges de profit réduites.

Arrive le printemps de 1999. Je n'ai pu ensemencer qu'environ 40 p. 100 de ma superficie en raison du taux élevé d'humidité. Je n'étais pas admissible à l'ACRA en 1998. Je croyais que, puisque je n'avais rien eu en 1998, je pourrais obtenir quelque chose en 1999, puisque je n'avais pu exploiter que moins de 40 p. 100 de ma ferme. Toutefois, lorsque j'ai présenté ma demande d'avance pour 1999, j'ai appris que je n'avais droit qu'à 7 000 $ dont 4 200 $ comme avance. Cela peut sembler considérable mais ce n'est rien comparé à ce que j'ai dépensé l'an dernier pour produire une récolte. Pour l'année fiscale 1998-1999, j'ai dépensé 408 000 $ pour ma ferme. Alors que j'ai déjà payé 42 000 $ en impôt, cette année, je n'en paierai pas du tout.

Bien des dépenses déductibles d'impôt ne sont pas incluses dans le calcul de l'indemnisation dans le cadre de l'ACRA. Toutefois, si elles ne sont pas prises en compte, elles devraient être considérées comme un don ou comme une subvention que je verse au consommateur. En conséquence, même avec les dépenses que j'ai engagées et moins de 40 p. 100 de ma superficie ensemencée, une indemnisation de 7 000 $ au titre de l'ACRA vaut très peu pour moi.

• 1700

La saturation du sol du printemps dernier a entraîné un autre problème. À l'automne de 1998, bien avant que ne commencent les pluies de 1999, j'ai répandu de l'engrais azoté et de l'herbicide granulaire d'une valeur de 16 000 $. Malheureusement, j'ai répandu ces produits dans des champs que je n'ai pu ensemencer. Par conséquent, ces produits ont été perdus tout comme l'argent que j'ai dépensé pour les acheter.

Je pensais que les intrants perdus feraient l'objet d'un programme d'aide en cas de désastre semblable à celui qui a été utilisé pour les agriculteurs, après l'inondation causée par la rivière Rouge en 1997. On a indemnisé ces agriculteurs pour les pertes d'intrants de ce genre. Dans ce cas-là, les terres se sont asséchées et si j'ai bien compris, 90 p. 100 des terres ont été ensemencées.

J'ai fait une demande dans le cadre du programme d'aide en cas de catastrophe du gouvernement provincial pour ce genre de choses. On m'a dit que les intrants perdus n'étaient pas couverts par ce programme, et on m'a conseillé de communiquer avec la Saskatchewan Crop Insurance Corporation de Melville, pour lui demander de l'aide. C'est ce que j'ai fait, et on m'a dit qu'on ne connaissait aucun programme d'assurance-récolte qui pouvait m'aider dans ce genre de situation. Mon enquête m'a mené aux bureaux du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de la Saskatchewan, où l'on m'a informé que le gouvernement fédéral ne voulait pas participer à un programme pour les pertes d'intrants utilisés à l'automne.

Pour une ferme comme la mienne, pour être rentable, il faut des récoltes supérieures à la moyenne, étant donné les prix actuellement faibles. Vous comprendrez donc qu'une année de production inférieure à la moyenne comme 1999 cause de graves problèmes. Si, de surcroît, le programme d'aide en cas de catastrophe, l'ACRA, offre peu de protection, la situation financière devient désespérante. Je n'ai aucun contrôle sur le climat, le prix des denrées et le prix des intrants. C'est pourquoi j'estime important d'être traité avec la même compassion que les agriculteurs du Manitoba, après les inondations causées par la rivière Rouge en 1997.

Beaucoup de questions interviennent dans la crise actuelle. Toutefois, si le gouvernement du Canada avait fait preuve d'un leadership réel au sujet des subventions internationales à l'agriculture, la crise actuelle aurait été évitée. L'assurance-récolte et le CSRN auraient été suffisants pour permettre aux agriculteurs d'éviter la crise actuelle. Actuellement, j'ai l'impression de subventionner les consommateurs de mes produits, et cela, depuis nombre d'années.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Merci, monsieur Wilmot. Nous apprécions beaucoup ce témoignage.

Il nous reste peu de temps pour cette partie de notre séance et nous allons donc donner immédiatement la parole à M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz: Merci, monsieur le président.

Merci aux témoins pour leurs exposés. Il vous a fallu beaucoup de courage pour venir faire ce que vous avez fait, et je vous ai trouvé très éloquents. Vous êtes très calmes. Je ne vois pas de pancartes et nous n'avons nul besoin de poivre de Cayenne pour vous maîtriser, malgré la gravité de la situation. Je vous félicite d'être venus.

Vous connaissez peut-être les raisons de notre présence ici: nous devons étudier l'efficacité des filets de sécurité à long terme et d'autres programmes nationaux destinés à assurer la stabilité et un environnement propice à une croissance stable du secteur de l'agriculture. On a entendu dire à Ottawa que les agriculteurs étaient divisés sur cette question. Que peut faire le gouvernement? Avez-vous observé beaucoup de dissensions dans les milieux que vous représentez, dans les communautés d'où vous venez? Se pourrait-il que les agriculteurs ne s'entendent pas sur l'existence d'une crise et la nécessité d'agir?

M. Lee Stanley: Je ne crois pas avoir déjà vu les agriculteurs se serrer les coudes comme ils l'ont fait cette année. Nous en sommes tous venus à la conclusion qu'il fallait une aide importante. Des groupes se sont créés comme nous ne pensions jamais en voir chez les agriculteurs. Nous ne pensions même pas qu'ils pourraient se rassembler pour former un groupe de lobbying réel. Comme vous le dites, chaque ferme est différente et il y a toujours des dissensions au sein des agriculteurs. Mais actuellement, nous sommes plutôt unis. Nous avons besoin d'argent, et nous en avons besoin maintenant.

• 1705

M. Garry Breitkreuz: Je comprends cela.

Quelqu'un d'autre veut-il formuler un commentaire? Je sais que dans mon propre milieu agricole, je n'avais jamais rien vu de tel: les agriculteurs se regroupent et s'entendent pour se serrer les coudes, dans leur propre intérêt. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à ce sujet.

Y a-t-il eu une réaction en chaîne au sein de vos communautés, sur les autres secteurs, en dehors de l'agriculture?

M. Trevor Doty: Tout à fait. On le voit dans un tas de petites villes, même si ce n'est pas dans chaque ville. En effet, certaines villes ont d'autres secteurs industriels, en dehors de l'agriculture. Mais pour certaines petites villes, qui dépendent à 100 p. 100 de l'agriculture, tout s'est écroulé. Si M. Chrétien venait dans ces villes, pour les visiter, pour s'entretenir avec certains de leurs commerçants, il comprendrait ce qui se passe. Quand il n'y a plus d'argent dans ces villes, quand les entreprises ferment leurs portes, c'est fini. C'est irréversible.

M. Eric Wilmot: Il y a autre chose, qu'on a déjà mentionné: combien de gens ont un emploi hors ferme? J'ai laissé tomber mon emploi pour essayer d'augmenter mon rendement, en espérant raccourcir un peu les journées. On ne peut pas retourner tous ses appels quand on revient de faire la récolte à 23 heures. Je me suis dit que si je me concentrais sur mon exploitation agricole, je n'aurais plus besoin de mon autre emploi, que quelqu'un d'autre pourrait occuper.

Il y a toutes sortes de gens en Saskatchewan. Je ne sais pas combien de familles ont des emplois à l'extérieur de la ferme, mais je vous parierais que c'est près de 80 p. 100. S'il n'était pas nécessaire pour ces personnes de travailler hors ferme pour soutenir l'exploitation agricole, essentiellement pour subventionner la production, il y aurait dans ces collectivités des occasions d'emploi pour d'autres personnes, qui pourraient aussi être enseignants, assistants dentaires et, dans mon cas, avocats.

Si nous avions une situation économique viable dans ces petites villes, tout le monde ne se chicanerait pas pour les emplois. Il y aurait dans la collectivité les églises, les écoles, les patinoires, etc. Davantage de gens s'en serviraient, et ils seraient plus nombreux à payer pour les avoir.

Cette situation des nombreux emplois hors ferme a évolué sur bon nombre d'années et n'est pas à notre avantage. Les gens ne prennent ces emplois que parce qu'ils en ont besoin. C'est nécessaire.

M. Garry Breitkreuz: Voici ma dernière question. Les sommes moyennes données par l'ACRA aux agriculteurs de la Saskatchewan sont parmi les plus basses du pays. Seulement 51 p. 100 des demandeurs ont obtenu un paiement. Le versement moyen est légèrement supérieur à 10 000 $. L'un d'entre vous a dit que ses dépenses atteignaient 408 000 $. Trouvez-vous que ce paiement de l'ACRA est suffisant?

Des voix: Oh, oh!

M. Dick Proctor: Voilà une question insidieuse.

M. Garry Breitkreuz: J'ai bien fait un préambule. Est-ce que ces filets de sécurité à long terme sont efficaces? Le versement moyen est de 10 000 $. Le pays doit connaître le montant de vos dépenses. L'un d'entre vous a parlé de 408 000 $. Est-ce que 10 000 $ suffisent? Dites-moi. On ne vous entend pas rire jusqu'à Ottawa, mais n'est-ce pas tout de même ridicule?

M. Trevor Doty: Je ne veux pas qu'Ottawa fasse de moi un homme riche. Je ne tiens pas à ce qu'Ottawa rembourse toutes mes dépenses. Mais les catastrophes de cette année et d'autres années ont des effets cumulatifs.

Je ne pense pas obtenir 60 000 $. Ce serait une bonne chose. Peut-être que c'est ce que j'aurai. Je ne sais pas encore. Mais pour beaucoup de grosses exploitations, 10 000 $, ce n'est rien. Mon exploitation compte 1 700 acres. Mes taxes foncières et mon assurance contre la grêle, que je paie au niveau municipal, me coûtent 10 000 $. Mes dépenses et mes pertes sont bien supérieures à cette somme.

M. Eric Wilmot: À ce sujet, c'est moi qui ai cité ce chiffre. Je sais que je n'obtiendrai pas davantage de l'ACRA. C'est pour ça que j'ai fait cette suggestion. Si je n'obtiens rien de ce côté, au moins, traitez-moi comme les agriculteurs manitobains après l'inondation et aidez-moi à récupérer une partie de ces pertes sur intrants.

Je sais que je dois oublier l'ACRA pour cette année. D'autres producteurs de ma communauté, ici, n'ont rien eu non plus. Reg connaît peut-être mieux l'administration de l'ACRA, mais j'ai parlé à des comptables et j'ai participé à la présentation d'un exposé aux responsables de l'ACRA à Winnipeg, en juillet ou au début du mois d'août; je ne me souviens plus très bien quand.

• 1710

Nous avons parlé à des comptables pour savoir qui recevait de l'aide du programme ACRA, qui en avait reçu des sommes substantielles. Savez-vous qui en a reçu? Les agriculteurs qui s'apprêtent à prendre leur retraite: des gens qui ralentissent les activités de leur exploitation agricole, qui ont loué une partie de leur terre, qui n'ont pas fait d'achats d'immobilisation depuis quelques années. Par conséquent, l'agriculteur plus jeune, sur sa lancée, qui fait des paiements sur du matériel, ne peut pas utiliser l'amortissement dans le cadre de la demande de l'ACRA.

Ce sont donc les agriculteurs au bord de la retraite, qui ont loué leur terre et qui n'ont pas fait d'achats d'immobilisation qui reçoivent l'argent. Ceux qui diversifient leurs activités, qui font des efforts et qui ont acheté du matériel supplémentaire ne reçoivent rien.

Le président: Merci.

Au sujet de la valeur moyenne des paiements, M. Breitkreuz a raison de dire que la moyenne des versements pour la Saskatchewan est de 10 000 $, mais ce chiffre est trompeur, étant donné le nombre de demandes. En Saskatchewan, on a approuvé plus de 9 000 demandes, ce qui réduit le montant du versement moyen à 10 000 $. Si l'on prend la Colombie-Britannique, le paiement moyen est de 20 000 $, mais il n'y a eu dans cette province que 630 demandes. En Alberta, c'est 19 000 $, presque autant qu'en Colombie-Britannique, pour 3 400 demandes, alors qu'il y en a eu 9 000 en Saskatchewan. La moyenne des versements est donc un chiffre qui peut être un peu trompeur.

M. Eric Wilmot: Si, du point de vue administratif, ce programme était plus facile d'approche pour l'agriculteur, nombre de demandes n'auraient peut-être pas été faites. Tout le monde a besoin d'argent. Il y a un programme ACRA. Chacun fait de son mieux, se débrouille comme il le peut, ou avec l'aide de comptables, et va faire sa demande à l'ACRA, qu'il puisse ou non en obtenir quoi que ce soit.

Dans mon cas, ma femme et moi-même avons passé une trentaine d'heures à remplir notre demande pour l'ACRA. Notre situation est un peu plus compliquée, parce que nous sommes copropriétaires de la ferme avec mon frère. Il a fallu beaucoup de temps, notamment à cause des semences sélectionnées et d'autres problèmes. Il a fallu 30 heures pour se préparer à voir le comptable. Nous avons ensuite passé quatre heures avec le comptable pour préparer la demande, nous avons reçu de lui une facture de 500 $, mais de l'ACRA, rien du tout. Ce n'est pas simple, du point de vue administratif.

Pour revenir à ce que vous disiez, beaucoup de gens font une demande avec le faible espoir d'obtenir quelque chose, mais évidemment, ils n'obtiennent rien du tout.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant à M. McGuire.

Vous pourriez peut-être poser votre question à Mark Alexander, qui a, je crois, quelque chose à dire. Allez-y.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

Je suis d'accord avec Mark Alexander, Leroy Berry et d'autres, qui ont comparu devant ce comité avec vous. Vous ne vous attendiez pas à être ici, et nous ne nous attendions pas non plus à vous voir, puisqu'il y a un an, nous avons annoncé un programme d'aide en cas de catastrophe de 1,5 milliard de dollars, qui avait été conçu par des représentants du gouvernement fédéral, des provinces et de l'industrie. À l'époque, c'était une annonce très positive, mais peu après Noël, les choses ont mal tourné et la situation n'est toujours pas corrigée. Seulement 400 millions de dollars ont été versés sur la somme de 1,5 milliard de dollars qui a depuis été augmentée, pour tenir compte notamment des marges négatives. Il y a donc encore un milliard de dollars à dépenser.

Bien entendu, les demandes ont été reçues et on les traite. Certaines, en provenance de la Saskatchewan, sont substantielles et la loi nous oblige à vérifier tout ce qui dépasse 40 000 $. Il faut donc y mettre du temps, mais le ministre a demandé à sa bureaucratie d'envoyer les chèques avant Noël.

Les responsables des niveaux fédéral et provincial, les ministres et les sous-ministres, auront une réunion jeudi, je crois, à Toronto, sur les filets de sécurité fédéraux-provinciaux. C'est la dernière réunion, je crois, avant l'entente finale de février prochain sur les nouveaux programmes de filets de sécurité du Canada. Ils écouteront ce que vous nous dites aujourd'hui. Des rapports seront préparés sur ce que vous et d'autres nous avez dit aujourd'hui. Je sais que vous cherchez des paiements à court terme, simplement pour pouvoir semer la récolte de l'an prochain, par exemple, mais vos commentaires permettront d'effectuer des changements pour la prochaine année de l'ACRA et pour l'avenir des filets de sécurité au Canada.

Est-ce qu'à vous quatre, vous pourriez faire des suggestions au sujet d'un programme d'aide en cas de catastrophe, à long terme? Nous voulons savoir ce que pensent les gens sur le terrain. Nous ne voulons pas les idées d'un sous-ministre ou d'un sous-ministre adjoint. Dites-nous ce que vous en pensez. De quoi devrait avoir l'air un programme à long terme d'aide en cas de catastrophe?

• 1715

Le président: Mark, voulez-vous essayer de répondre?

M. Mark Alexander: J'ai deux brefs commentaires.

Avec le programme ACRA actuel, nous sommes à 70 p. 100, mais ils n'ont pas fini d'évaluer la composante des changements structurels. Il semblerait qu'il y aura de l'argent pour ça dans l'ACRA de 1999. Je pense qu'il y aura beaucoup plus d'argent qui pourrait être versé par le programme ACRA 1999, mais tout le monde a oublié qu'il s'agit d'un programme calculé au prorata. Il y a suffisamment d'argent dans ce programme pour verser tout ce qui aurait pu être payé dans le cadre du scénario de 1999.

M. Joe McGuire: D'autres sont d'avis contraire, prétendant qu'on ne va pas tout dépenser, mais le ministre a dit officiellement à Regina qu'il dépensera chaque sou de ce programme d'aide en cas de catastrophe. Peut-être n'est-ce pas suffisant. Il faudra attendre, et voir ce qui se passera. Mais si ce n'est pas suffisant, je suis convaincu que nous...

M. Trevor Doty: Si le temps est calculé dans l'année, quel argent reste-t-il pour les versements? Plus d'un an déjà s'est écoulé depuis la catastrophe; il sera trop tard. Si je comprends bien ce que vous dites, au bout du compte, s'il reste 200 millions de dollars à la fin de l'an 2000, quand tous les chèques de l'ACRA auront été versés, ces 200 millions de dollars ne serviront à rien pour les agriculteurs qui auront fait faillite cette année, ou d'ici le printemps prochain.

M. Joe McGuire: Je sais que vous cherchez une solution à court terme, mais ce que je vous demande, c'est comment vous concevriez le programme à long terme? Vous êtes de jeunes agriculteurs et nous espérons vous garder encore longtemps. Si nous cherchons une troisième ligne de défense pour garder les agriculteurs en activité, nous voudrions en connaître les caractéristiques.

M. Mark Alexander: Personnellement, je crois qu'il nous faut un régime d'assurance-revenu, puisque c'est ce qui fonctionne partout au Canada. Nous n'avons pas actuellement de politique agricole nationale. Peu importe ce que vous cultivez, où que ce soit au Canada—le régime d'assurance-revenu pourrait aider. Il faudrait un programme élaboré en ce sens.

Le président: Monsieur Stanley, avez-vous un commentaire?

M. Lee Stanley: Messieurs, je crois que nous avions déjà un programme satisfaisant. C'était le RARB. Pour notre exploitation, nous avions une garantie de 100 $ l'acre. Je sais que ce n'est pas beaucoup d'argent, quand on considère même les chiffres de coût de production du gouvernement de la Saskatchewan, pour des produits comme le blé, le canola, ou d'autres. Mais si je regarde autour de moi, je vois que la plupart des agriculteurs sont très ingénieux, et si nous savons que notre bilan se fera à l'automne, nous trouverons moyen de ne pas dépenser beaucoup plus qu'il ne faut. Nous pouvons nous faire une idée de ce que ce sera. Mais vous ne pouvez pas, au printemps, dépenser certaines sommes sans savoir ce que vous récolterez à l'automne. Nous avons besoin d'un programme comme le RARB, il faut le rétablir à temps, avant que les tracteurs sortent de leurs abris, au printemps.

M. Trevor Doty: Je suis d'accord avec Lee. Il faut un programme axé sur le revenu. Le système américain, garantissant un certain prix par boisseau, est une autre possibilité, mais je ne sais pas si cela fonctionnera ici.

Lorsque j'ai dit à mon comptable que j'allais m'adresser à vous, je lui ai demandé s'il voulait que je dise quelque chose et il m'a répondu: «Gardez les choses simples, très simples». Sauf votre respect, messieurs, c'est exactement ce qu'il nous faut. Je ne veux pas payer 500 $ à mon comptable, chaque année, pour faire cela. Je veux pouvoir le faire moi-même. J'ai une formation en commerce, mais j'étais trop occupé pour remplir les formules moi-même. Je n'ai pas le temps. Il faut que ce soit une formule axée sur le revenu, toute simple, qui conviendra à l'agriculteur moyen.

Le président: Eric, vous aviez une observation?

M. Eric Wilmot: Oui. Je suis d'accord avec eux, sur ce qu'ils ont dit, ainsi que sur les suggestions du groupe précédent à l'effet que des terres qui ne sont pas en culture puissent constituer un atout. Mais le RARB comportait quelques problèmes, notamment qu'il ne traitait pas tous les produits de la même façon. Si on mettait quelques efforts là-dessus, autant qu'on en a mis dans le cadre de tout le travail qui a été fait depuis qu'on était censé mettre de l'argent dans nos poches avant Noël dernier, et si une partie de ces efforts pouvait être consacrée à un programme du type du RARB, je pense qu'on pourrait créer quelque chose qui tiendrait compte du marché.

Le président: Merci. Votre temps est épuisé.

Monsieur Proctor.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup. J'aimerais faire remarquer, en passant, que c'est le plus jeune quatuor d'agriculteurs que nous ayons reçus et que c'est une bonne chose que nous connaissions leurs idées.

Le président: C'est peut-être simplement nous qui vieillissons.

M. Dick Proctor: C'est peut-être vrai, de jour en jour.

Je sais qu'il y a les mensonges, les affreux mensonges et les statistiques, ou quelque chose comme ça, mais il est vrai que la Saskatchewan a le plus grand nombre de demandeurs pour le programme de l'ACRA. Mais on pouvait s'attendre à ce que, avec 47 p. 100 des terres arables du Canada, cette province compte le plus grand nombre de demandes à l'ACRA.

• 1720

Avant le début de la réunion, je parlais à un homme qui m'a montré des chiffres se rapportant à son secteur, à l'âge et au nombre de quarts de section qu'ont les agriculteurs. Je signale à nos jeunes agriculteurs qui, comme le disait Joe, seront là encore longtemps, espérons-nous, que d'après les chiffres de ce monsieur, il y a 15 agriculteurs qui sont dans la soixantaine, quatre qui ont 70 ans ou plus et un qui a plus de 80 ans. Il n'y en a pas dans la cinquantaine, et il y a une masse de 12 agriculteurs dans la quarantaine, et deux qui ont 40 ans ou moins.

Voici ma question: À la lumière de ces chiffres, qu'arrivera-t-il aux terres agricoles et qui reprendra ces 96 quarts de section, quand ils seront disponibles?

Mark, avez-vous une réponse?

M. Mark Alexander: Si je peux formuler un commentaire à ce sujet, lorsque nous avons parcouru le Dakota du Nord, nous sommes allés à un congrès à titre de conférenciers invités. En me déplaçant dans la salle, j'ai constaté, et n'en prenez pas ombrage, qu'il y avait beaucoup de têtes grises. C'est la même chose là-bas. Et je crois que si on ne fait rien maintenant pour garder les agriculteurs... Nous essayons de faire preuve d'innovation, nous nous efforçons de... J'ai un diplôme universitaire en agriculture et j'essaie de me servir de toutes ces connaissances. Mais si nous ne faisons rien maintenant, comme je le disais, je pourrais quitter ce domaine. Je suis assez jeune pour recommencer ailleurs. Il faudrait que je parte de rien, mais les multinationales risquent de gagner par défaut. C'est tout ce que je peux dire.

M. Dick Proctor: Quelqu'un d'autre?

M. Eric Wilmot: Dans toute politique à long terme, il faudra quelque chose qui a manqué jusqu'ici dans nos politiques agricoles, quelque chose qui incitera les jeunes agriculteurs à continuer, à rester. Autrement, les petites collectivités vont dépérir, et là où je vis, à Carnduff, et comme les membres de ma famille qui choisiront de rester dans le domaine de l'agriculture, je serai loin de tout service essentiel dont je pourrais avoir besoin.

M. Lee Stanley: J'aimerais ajouter une chose à ce que vient de dire Mark.

M. Proctor a demandé qui cultivera la terre. Comme Mark l'a dit, ce sera de grandes sociétés multinationales comme Cargill ou ADM. Et en passant, messieurs, une grande multinationale de ce genre n'acceptera pas les politiques alimentaires de faible prix du Canada. Ces entreprises ont le pouvoir de garder le grain. Si elles ont la mainmise sur les terres, elles garderont le grain jusqu'à ce qu'elles obtiennent le prix qu'il leur faut, le prix qu'elles veulent, et nous devrons payer ce prix.

M. Dick Proctor: Merci beaucoup pour ces réponses.

Mark, j'ai une question au sujet du RARB. Hier, à Dauphin, je crois, nous avons entendu un agriculteur qui pensait que le RARB n'était pas un mauvais programme. Il faisait toutefois remarquer qu'il était axé sur des moyennes à long terme et qu'à son avis, il en résultait que les producteurs se retrouvaient à payer des cotisations supérieures et à survivre difficilement, en attendant une remontée des prix. Un autre témoin a proposé que le RARB soit modifié avec une formule axée sur les coûts de production. Pensez-vous que ce serait une bonne idée, comme filet de sécurité à long terme?

Le président: Veuillez répondre rapidement. Nous n'avons plus qu'une minute pour cette partie de la séance.

Mark.

M. Mark Alexander: Oui, à mon avis, il faut que ce soit simplement un programme d'assurance-revenu. L'utilisateur pourrait choisir le niveau de garantie, et s'il n'atteint pas ce niveau dans son rendement, il doit payer un supplément. Avec un programme comme celui-là, on ne peut pas perdre. C'est à chaque agriculteur de choisir le niveau de garantie de revenu qu'il estime convenir à ses diverses cultures, peu importe la sorte de cultures.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: Merci. J'ai une question pour Mark, à ce sujet.

Au sujet du programme de garantie du revenu, ou du RARB, dont vous avez parlé, considérez-vous que c'est un accord tripartite entre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et les producteurs, et qu'ils sont partenaires dans ce genre de programme d'assurance-revenu?

M. Mark Alexander: C'est ce que je crois.

M. Rick Borotsik: Vous aimez le modèle du RARB.

M. Mark Alexander: Il faut bien commencer quelque part.

M. Rick Borotsik: Bien, je comprends.

Vous avez aussi dit, Mark, que lorsque vous étiez en Géorgie, ADM s'était rapprochée de la frontière, ce qui vous avait effrayé, parce que manifestement, l'entreprise achetait des terres et, je présume, y faisait une production. ADM cultivait ces terres ou du moins, les faisait cultiver par d'autres. Est-ce là où vous vouliez en venir, en parlant d'ADM?

• 1725

M. Mark Alexander: Oui. On en a vu les preuves, je crois. Ils ont réinstallé l'usine de trituration dans la région où ils avaient acheté ces excellentes terres.

Je n'ai aucun reproche à faire à l'agriculteur, étant donné la somme qui a été offerte, mais ils vont attendre de pouvoir en obtenir à 25c. pour chaque dollar investi, très bientôt.

M. Rick Borotsik: Vous aviez tous d'excellents exposés, mais j'ai quelques questions au sujet de celui d'Eric.

Je viens de la région qui a été touchée par les précipitations trop abondantes et j'ai toujours dit ceci: dans les programmes d'aide en cas de catastrophe, il faut être équitable. Si des programmes sont offerts pour l'inondation de la rivière Rouge, avec un élément pour les pertes d'intrants, on doit offrir la même chose ici aussi. En fait, nous avons souffert davantage. Dans la région de la rivière Rouge, ils ont eu une récolte, même si on ne leur a pas versé 50 p. 100 des intrants perdus, ce qui est très bien pour eux, mais pour nous, il y a une injustice.

Je dois également vous dire que ce programme ne relevait pas du ministère de l'Agriculture. Ce programme dépendait de l'AAFCC. Lorsque nous avons fait des démarches auprès du ministère de l'Agriculture, je sais que notre ministre de l'Agriculture s'est adressé aux administrateurs de l'AAFCC, au ministère de la Défense nationale. Ne me demandez pas pourquoi c'est ce ministère qui s'en occupe, c'est comme ça. La réponse a été négative. J'ai même une lettre à ce sujet sur mon bureau.

Pensez-vous que le ministère de l'Agriculture devrait alors mettre sur pied un programme qui permettrait d'obtenir l'uniformité que nous avions pour la vallée de la rivière Rouge.

M. Eric Wilmot: Je pense que l'un des principaux secteurs que devrait viser tout excédent, ce serait le programme actuel de l'ACRA. C'est peut-être là où cet argent, le cas échéant, pourrait être versé.

Mais oui, j'estime qu'il doit y avoir une certaine uniformité. J'ai moi-même fait des dons lors de l'inondation de la rivière Rouge et lors de la tempête de verglas. Tout à coup, les rôles sont inversés, et qu'est-ce que je deviens?

M. Rick Borotsik: Bon argument.

Vous avez présenté un autre argument au sujet duquel j'aimerais des éclaircissements. Vous avez dit que si le gouvernement du Canada avait fait preuve de vrai leadership au niveau des subventions internationales à l'agriculture, la crise actuelle n'aurait pas eu lieu. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire par là?

M. Eric Wilmot: Je peux vous donner quelques exemples. Le premier serait la subvention du Nid-de-Corbeau. Je suppose qu'à la suite de la dernière série de pourparlers de l'Organisation mondiale du commerce, le montant de la subvention du Nid-de-Corbeau a été jugé inacceptable, et nous avons eu un certain nombre d'années pour l'éliminer progressivement. Alors, le gouvernement fédéral n'a rien trouvé de mieux que de prendre immédiatement le train en marche et de dire, très bien, allons-y et faisons en sorte que les agriculteurs nous aident à équilibrer le budget. C'est un exemple.

Puis, il y a eu toutes ces responsabilités dont on s'est déchargé dans le secteur du transport ferroviaire. Les routes dans cette province sont dans un état lamentable. Le train n'est-il pas le mode de transport des céréales, le plus économique. Cela n'a aucun sens. Ces énormes camions sont constamment sur la route. Il faut penser à la sécurité. Il y a quelque chose qui ne va pas au niveau des politiques élaborées par nos dirigeants.

En voilà deux exemples.

M. Rick Borotsik: Cela explique où vous vouliez en venir.

Le président: Il vous reste une minute.

M. Rick Borotsik: Très bien.

Lee, je crois que vous avez mentionné dans votre exposé que vous exploitez environ 24 quarts de section à l'heure actuelle. Est-ce que toutes ces terres vous appartiennent ou y en a-t-il que vous louez?

M. Lee Stanley: Mon père, mon frère et moi-même, nous sommes propriétaires de 15 quarts de section, et nous louons le reste.

M. Rick Borotsik: Je crois que les autres ont indiqué également qu'ils louaient des terres.

Selon vous, quel serait le pourcentage moyen de terres louées dans une exploitation agricole normale à l'heure actuelle? Est-ce qu'environ 40 p. 100 des terres exploitées à l'heure actuelle sont des terres louées?

M. Trevor Doty: Dans mon cas, je loue les terres de mon père, donc cela représente les deux tiers, effectivement.

M. Rick Borotsik: Parlons maintenant des terres sans lien de dépendance. Lee, est-ce que vos terres sans lien de dépendance sont des terres louées?

M. Lee Stanley: Oui, nous louons de plusieurs propriétaires, mais j'aimerais en arriver au stade où...

J'ai commencé mon entreprise agricole lorsqu'un agriculteur voisin à la retraite m'a vendu ses terres. J'ai loué ces terres et je les ai achetées une parcelle à la fois jusqu'à en devenir propriétaire. C'était le plan de départ, de simplement continuer, parce que vu la situation dans laquelle nous nous trouvons à l'heure actuelle, nous ne faisons absolument pas d'argent avec les terres que nous possédons.

M. Rick Borotsik: Je vous pose la question parce que dans la région sinistrée, à cause des précipitations trop abondantes—je sais que la plupart d'entre vous ont été touchés par ce phénomène—,je me demande si vos propriétaires s'attendent à ce que vous payiez le loyer.

Une voix: Absolument.

M. Lee Stanley: Oh, bien sûr. Nous ne pouvons pas le leur reprocher car nous avons signé un contrat.

• 1730

M. Rick Borotsik: Non, je ne le leur reproche pas non plus, mais là où je veux en venir, c'est que certains paiements de non-ensemencement ont été faits et bien des gens semblent considérer cela pratiquement comme une manne. Cependant, si l'on tient compte du loyer que vous devez payer, de la pulvérisation supplémentaire que vous devez faire pour préparer les terres pour le prochain ensemencement et des investissements que vous avez faits dans ces terres louées et qui ne vous rapporteront rien, les paiements de non-ensemencement ne représentent pas grand-chose, n'est-ce pas?

Le président: Votre temps de parole est épuisé.

M. Rick Borotsik: J'ai besoin d'une réponse, monsieur le président.

Est-ce une somme importante?

M. Trevor Doty: Non.

M. Mark Alexander: Non.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Vos exposés étaient excellents. Nous vous remercions beaucoup d'être venus.

Des voix: Bravo!

Le président: Nous allons maintenant entendre Marvin Wiens, du Saskatchewan Wheat Pool, et Lyle Minogue, des Saskatchewan Pulse Growers.

Je tiens maintenant à informer l'auditoire que je vais tenter de réunir un groupe d'au moins cinq agriculteurs pour le prochain tour. J'aimerais donner leurs noms maintenant, afin de vous prévenir à l'avance. Les cinq agriculteurs que nous pourrons entendre sont Ian Cushon, Glen Seeman, Jack Pick, George Godenir et Arlynn Kurtz. Nous pourrons en entendre d'autres, le temps que chacun d'entre eux prendra. Je pense que nous pourrons en entendre au moins cinq autres.

Bienvenue, Marvin. Je suis heureux de vous revoir.

Très heureux de vous revoir aussi, Lyle. Il y a une paye qu'on ne s'est pas rencontrés.

Pour respecter l'ordre alphabétique, nous allons commencer avec vous, Lyle Minogue. Voyons ce que vous avez à nous dire pendant cinq à sept minutes, et nous passerons aux questions.

M. Lyle Minogue (directeur, Saskatchewan Pulse Growers): C'est un privilège, pour moi, de pouvoir exprimer devant vous l'opinion des membres de notre association au sujet de la crise des revenus agricoles et des filets protecteurs.

Nos membres croient qu'il y a à l'heure actuelle une crise du revenu agricole. Si les prix sont anémiés, c'est en partie à cause des subventions qu'accordent d'autres pays, mais il y a également d'autres raisons.

Depuis mes débuts dans l'agriculture, je vois que chaque année, des fermiers abandonnent en raison des changements technologiques et de la taille croissante des exploitations agricoles. Cette année, toutefois, nous allons perdre plus d'agriculteurs que d'habitude. Et le pire, c'est que nous allons également perdre beaucoup de nos communautés rurales, ainsi que l'infrastructure qui les accompagne. Or, nous avons besoin de cette infrastructure si nous désirons continuer d'exploiter nos fermes, et si nous désirons qu'il y ait une nouvelle génération qui reprenne le travail sur ces fermes.

Vous vouliez savoir si les agriculteurs étaient tous d'accord pour dire qu'il y avait une crise agricole. Je n'ai entendu personne dire le contraire au sein de ma communauté.

Personnellement, je peux vous dire que nous avons eu une bonne récolte l'an dernier. Nous avons été très chanceux. Nous avons obtenu de bonnes récoltes tandis que les prix n'étaient pas trop bas. En ce qui a trait à ma situation personnelle, je ne m'attends pas à ce que quelqu'un qui gagne 10 $ l'heure m'envoie une partie de son chèque de paye, mais je me rends bien compte que pas très loin de chez moi, il y a eu une grande sécheresse pendant trois ans. Là-bas, on n'a eu de très mauvaises récoltes et des revenus très faibles. On a pu obtenir que des prix très bas pour ces récoltes. Si rien n'est fait, je n'aurai plus de communautés vers lesquelles me tourner, pas plus que d'infrastructure avec laquelle je pourrai travailler à l'avenir.

Nous avons bien certains filets protecteurs. L'assurance-récolte est un bon programme. Je crois en l'assurance-récolte et j'y ai toujours cru. Le CSRN est un programme utile, je crois en ce programme. L'ACRA a également été utile, pour l'industrie du porc en particulier. Je suis heureux que les producteurs de porc aient pu en bénéficier, mais ce programme n'a fait que très peu pour les producteurs de céréales. Je pourrai entrer dans les détails plus tard, au sujet de ce qui n'a pas marché pour le secteur céréalier, mais le principal problème, c'est la méthode de calcul. Une bonne partie de nos céréales sont vendues par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé, ce qui fait que les revenus tendent à être ramenés à une moyenne au cours des années. Cette façon de faire ne reflète pas avec exactitude la période de référence. Il y a un certain nombre de questions techniques de ce genre.

Pour une raison ou pour une autre, donc, l'ACRA n'a tout simplement pas fonctionné en Saskatchewan, et je ne crois pas qu'il y a assez de temps pour créer un nouveau programme qui va sauver les agriculteurs qui sont en difficultés cette année. Si vous voulez que ces agriculteurs sèment à nouveau l'an prochain, vous allez devoir effectuer des paiements rapides par le biais du CSRN. Ce n'est pas fantastique, mais c'est la meilleure solution que vous avez. Si vous concevez un nouveau programme, que vous recevez l'approbation du Parlement l'hiver prochain et que vous travaillez dessus pendant deux ans pour peaufiner tous les détails, ces pauvres types ne seront plus là pour recevoir l'argent.

• 1735

Ce qu'il y a de malheureux au sujet des faibles prix que nous recevons, c'est qu'ils font oublier les autres problèmes qui forcent nos revenus à la baisse. La crise actuelle vient du fait que notre économie agricole est en mauvais état depuis un certain nombre d'années, et que les exploitants agricoles ne sont plus en position de se relever après une mauvaise année.

Laissez-moi vous parler brièvement de quelques-uns des problèmes que le gouvernement n'a pu résoudre adéquatement, et sur lesquels le comité devrait se pencher en même temps que vous travaillez à leur faire envoyer des chèques par la poste.

La récente grève, sur la côte ouest, a probablement coûté aux fermiers bien plus que ce que vous allez leur envoyer, par les différents programmes, au cours des deux prochaines années. Tout d'abord, il y a le coût des ventes perdues. N'importe quelle compagnie va vous dire, du point de vue du chiffre de vente, combien elle a perdu. Je fais pousser des lentilles roses. Leur prix s'établissait à 20c. la livre. À la fin de la grève, les compagnies ne prenaient plus les lentilles roses, point final. Il n'y a plus de demande, maintenant, parce que les lentilles encombrent les bateaux dans les ports.

Également, j'ai parcouru le monde avec d'autres producteurs de légumineuses pour vendre vos produits. Je suis allé dans bien des pays, et j'ai été présent avec des gens qui tentaient de vendre des céréales canadiennes. Il n'existe aucun doute sur la qualité de nos céréales, et sur le fait que nos produits sont excellents. Mais quand nous étions là-bas, et que nous parlions de nos excellents produits, on nous demandait toujours comment nous allions les faire transiter par Vancouver. Ce commentaire, je l'ai entendu aux Philippines, et je reviens tout juste de Sri Lanka, du Bangladesh et du Pakistan, et je l'ai également entendu au Chili, en Colombie, en Chine et dans bien d'autres endroits.

Lorsque des entreprises achètent des États-Unis, elles ne doivent donner qu'un avis de dix jours. Lorsqu'elles achètent de l'Australie, elles ne doivent donner qu'un avis de dix jours. Mais elles savent que si elles achètent du Canada, elles devront le faire 60 jours à l'avance, sans même être sûres de pouvoir recevoir leurs marchandises. Elles peuvent avoir à attendre 90 jours. Ces compagnies doivent obtenir des lettres de crédit, ce qui fait qu'elles ne peuvent se prévaloir de leur crédit pendant qu'elles attendent les produits qu'elles ont demandés. Quand ces produits n'arrivent pas, elles n'ont pas accès à des fonds additionnels pour acheter de quelqu'un d'autre entre-temps, ce qui fait qu'il y a un risque bien réel, pour elles, à acheter du Canada.

La réponse est simple. Si le Canada veut vendre ses produits, il faut qu'il accorde des escomptes jusqu'à ce que les acheteurs potentiels soient intéressés à acheter. Je suis sûr que cette perte, si on la calculait, serait plus grande que toutes les sommes qui ont été versées par les programmes de sécurité du revenu dans ce pays ces 20 dernières années. Je crois que cette tendance va se poursuivre si on ne cherche pas à remédier à ces problèmes.

Il règne un véritable marasme dans notre système de transport parce qu'il est axé sur le blé. Tout ce que nous avons fait dans le domaine des transports au pays était en rapport avec le blé. Regardez le rapport Estey. Dans ses recommandations, on veut nous convaincre d'envoyer des trains de 100 wagons de blé à partir de terminaux de la ligne principale. La réalité, c'est que même du côté de l'industrie du blé, on s'adresse à des marchés à créneaux et à des marchés plus petits, avec davantage de ségrégation et de plus petites quantités de céréales.

Il y a également le fait que 30 p. 100 de nos terres ne servent plus à la production de blé ou de céréales du même type. Elles servent à la production de cultures spéciales, comme les légumineuses. Ce sont des plantes à fort rapport économique, et il y a beaucoup de raisons pour lesquelles on les fait pousser. Le rapport Estey ne consacre qu'une seule ligne, sur sa première page, au fait que 30 p. 100 des terres actuelles ne servent plus à faire pousser des céréales relevant de la commission. Ensuite, on réussit à ne plus jamais mentionner ces plantes dans le reste du document.

Le rapport Kroeger se situe dans le droit-fil des recommandations du rapport Estey, et une fois de plus les récoltes spéciales qui rapportent beaucoup, telles que les légumineuses, sont complètement ignorées. Pourtant les légumineuses présentent de nombreux avantages. Elles permettent de bonifier les sols. Elles permettent de fixer l'azote, et on a donc moins besoin d'engrais industriels. Les légumineuses permettent de sortir du cycle des maladies et des insectes, ce qui permet d'avoir moins besoin de produits chimiques. Ces légumineuses sont également intéressantes pour la rotation des cultures, en réduisant l'étendue de la jachère d'été. Cela permet donc en même temps d'augmenter les surfaces de labour minimum, et donc de conserver le carbone dans le sol, ce qui réduit les émissions de gaz à effet de serre; cela devrait donc être mis à notre crédit au titre de la séquestration du carbone, si les choses étaient bien faites. En dépit de tous ces avantages que présentent les légumineuses, elles sont le parent pauvre d'Agriculture Canada où l'on n'a d'yeux que pour le blé.

Le blé qui a d'ailleurs été développé grâce à une recherche financée 100 p. 100 par l'État canadien et les provinces. Avec des compressions budgétaires à ce financement, la nouvelle politique consiste maintenant à demander le partage des coûts. La recherche sur le blé continue à être financée par un prélèvement assez lourd. Dans le domaine des légumineuses, nous avons également un système de prélèvement qui permet à ce mode de financement de fonctionner. Mais pour certaines nouvelles cultures telles que le sarrasin, la coriandre ou le cumin, ou pour certaines cultures qui pourraient fort bien être la révélation de demain, nous n'arrivons à obtenir aucun crédit de recherche.

Cela est caractéristique du domaine de la recherche, mais la situation est analogue dans les transports, et je pense notamment à l'Institut international du Canada pour le grain, ainsi qu'au Conseil des grains du Canada, et à de nombreux programmes provinciaux. Malgré cela, il y a eu une augmentation considérable des surfaces ensemencées de légumineuses et autres cultures spéciales dans l'Ouest du Canada. Mais je vous demanderais simplement de réfléchir à ce qui aurait été possible si les programmes de l'État s'étaient montrés plus agressifs au lieu de suivre une politique restrictive.

• 1740

Je vais maintenant citer un facteur supplémentaire de ces coûts de production élevés que l'on connaît dans notre province. Il y a quelques années, le gouvernement fédéral a commencé à rogner dans les budgets de l'éducation. Le coût de l'éducation a été transféré aux provinces, et celles-ci ont alors joué de l'impôt foncier. C'est-à-dire que la part normalement réservée à l'enseignement dans l'impôt foncier a augmenté, et que les agriculteurs de Saskatchewan supportent un pourcentage disproportionné du coût de l'enseignement. Posez la question à n'importe quel agriculteur présent dans la salle, et demandez-lui quelle part de l'impôt destiné aux écoles de la province il paye. Si les gouvernements pouvaient s'entendre là-dessus, je crois que cela permettrait mieux aux agriculteurs de traverser les périodes de vaches maigres.

En conclusion, je dirais que l'on pourra trouver des solutions au problème du revenu agricole en utilisant mieux nos modes de financement et nos ressources actuelles. Je sais que l'État ne dispose pas d'un trésor illimité, mais si les fonds disponibles étaient utilisés à meilleur escient, et notamment dans le cadre d'une politique agricole sachant prévoir, les agriculteurs s'en sortiraient mieux. Il faut également veiller à abaisser les coûts de production, et notamment en adoptant pour la côte ouest un code du travail plus satisfaisant; en se dotant de réseaux de transport plus efficaces et plus économiques mis à la disposition de toutes les cultures; en finançant la recherche pour l'amélioration des cultures et des techniques de production; en redéployant les ressources limitées dont on dispose en fonction des besoins de demain, plutôt que d'une volonté avérée de protéger les emplois et organismes traditionnels d'un secteur du blé archaïque; et enfin en trouvant des moyens plus équitables de financer l'enseignement.

Si l'on arrivait, grâce à ces mesures que je viens d'énoncer, à abaisser les coûts de production, les agriculteurs ne se retrouveraient pas aussi vulnérables à chaque fois que la situation se gâte. J'ajouterais que nous ne serions pas en train d'en discuter ici aujourd'hui si ces réformes avaient été adoptées il y a déjà 20 ans.

Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, Lyle.

Nous allons maintenant passer la parole à Marvin Wiens.

M. Marvin Wiens (vice-président du Saskatchewan Wheat Pool): Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. C'est un plaisir de voir le comité de l'agriculture en Saskatchewan. Je saisis effectivement l'occasion pour venir débattre avec vous de la crise financière du secteur agricole.

Vous vous êtes déplacés jusqu'en Saskatchewan, vous allez pouvoir entendre des témoignages directs des agriculteurs, ce qui vous permettra de voir des visages derrière tous ces récits, et je vous en félicite. Tout cela est très important, car il n'est pas simplement question ici de statistiques, mais bien d'hommes et de femmes en chair et en os. La politique de l'État s'adresse à la population, et non pas aux chiffres et à la statistique.

Mais pour un petit mieux me situer, je rappellerai d'abord que je suis vice-président du Saskatchewan Wheat Pool, responsabilité qui m'a été confiée à la suite d'un processus d'élection démocratique. Je suis également agriculteur. Ma femme et moi-même avons une exploitation dans le coin sud-ouest de la province. Mon fils et sa femme sont également dans l'agriculture, ainsi que mes deux filles et leurs époux. L'agriculture est un domaine important pour cette province, et nous avons fermement confiance en son avenir. Pourtant, de ces six membres de ma famille que je viens d'évoquer, six travaillent à l'extérieur de la ferme, à temps partiel ou à temps plein. Tout cela est tout à fait symptomatique de la situation des familles d'agriculteurs de cette province.

Nous sommes effectivement nombreux dans l'agriculture à connaître des difficultés financières graves, et cela de façon tout à fait indépendante de notre volonté. Je rappelle encore que les agriculteurs sont dans une situation critique en raison de circonstances qui leur échappent. Il ne s'agit pas du tout d'agriculteurs qui ne connaissent pas leur métier. Il ne s'agit pas d'un manque de compétitivité. Il s'agit simplement d'une agriculture aux prises avec des prix sur les marchés internationaux qui sont très bas alors que par ailleurs les coûts de production augmentent.

Il y a juste quelques semaines vous avez interrogé les professeurs Gray et Fulton de l'Université de Saskatchewan. Ils vous ont bien dit que les marges ont chuté de 30 p. 100 dans les années 60 à moins de 5 p. 100 aujourd'hui. Comment pouvez-vous rentabiliser une exploitation alors que les mauvaises années se succèdent et que la marge bénéficiaire est inférieure à 5 p. 100. Je pense qu'on vous en a suffisamment parlé dans la province, que la situation est claire pour vous, à savoir que pour beaucoup d'agriculteurs la situation est devenue impossible.

Tout le monde s'entend pour dire que la crise agricole des Prairies est grave. On vous a déjà expliqué l'an dernier ce qui était à l'origine de la crise. Nous sommes d'accord pour dire que les agriculteurs ne peuvent pas lutter avec le Trésor des autres États. C'est-à-dire que les prix s'imposent tels quels à nos agriculteurs, ça n'est pas eux qui les fixent.

Cette province est une province enclavée, et pourtant nous dépendons directement des marchés d'exportation. Nos coûts continuent à augmenter alors que le rendement diminue. Et la liste continue. Tous les agriculteurs présents dans la salle pourraient vous expliquer les conséquences de la crise financière pour l'agriculture et les collectivités rurales. Je vais donc essayer de vous expliquer aujourd'hui pourquoi il est si important que le pays vienne à leur secours.

L'agroalimentaire est une des cinq premières industries du Canada. Cela représente environ 8,5 p. 100 du produit intérieur brut et près de 2 millions d'emplois. Cela représente environ sept emplois dérivés pour chaque producteur du secteur primaire. Par ailleurs le prix de l'alimentation au Canada est parmi les plus bas du monde.

En 1996, par exemple, les Canadiens ont consacré 9,8 p. 100 de leur revenu disponible à l'achat de produits alimentaires de détail, alors que dans certains autres pays industrialisés ce pourcentage est de 26 p. 100. L'autre jour j'ai vu, sur un pare-chocs, un autocollant qui déclarait: «Si vous ne voulez pas soutenir l'agriculture, arrêtez de manger». Tout est dit.

• 1745

La première raison pour laquelle il faut effectivement soutenir les agriculteurs est, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous sommes des hommes et des femmes de chair et d'os, et non pas des statistiques. Il s'agit donc d'hommes et de femmes qui jouent un rôle important dans notre économie, et notamment en matière de création d'emplois, et grâce auxquels vous pouvez manger tous les jours.

Que faut-il alors faire? Alors que nous sommes heureux que vous vous montriez disposés à nous écouter, ce que nous attendons surtout des législateurs ce sont des actes. Il est donc important que vous sortiez de ces réunions avec des propositions de solutions constructives. J'aimerais donc vous proposer un certain nombre de mesures qui permettraient de répondre d'abord à la crise aiguë que connaît notre secteur, et ensuite d'améliorer la rentabilité à long terme de l'agriculture.

Parlons des divers programmes d'assistance en cas d'urgence. Le ministre, M. Vanclief, est venu à notre assemblée annuelle générale, le mois dernier et j'ai été très heureux de l'entendre reconnaître que le programme ACRA ne donnait pas de bons résultats. Il est très clair que ce programme ne permettra pas de résoudre le problème du revenu des agriculteurs en Saskatchewan. Cela nous laisse donc avec un problème grave sur les bras: comment le gouvernement fédéral peut-il acheminer des aides aux agriculteurs qui ont été les plus durement touchés, et comment leur faire parvenir cet argent à temps pour que les agriculteurs ne soient pas obligés de quitter la terre?

J'ai parfois un petit peu de mal à le dire, mais en réalité je fais partie du Comité d'examen du soutien agricole de Saskatchewan et du Comité consultatif national sur la protection du revenu; de ce fait je connais exactement les difficultés qu'il y a à trouver une solution, c'est-à-dire à faire parvenir une aide financière aux gens qui en ont besoin, sans que cela ne remette en cause nos échanges avec les autres pays. Ainsi, notre Comité sur la protection du revenu a recommandé récemment que nous multipliions par deux la part de l'État, en passant de 3 à 6 p. 100. Évidemment, il faut de l'argent pour cela, et on nous répond rapidement que l'État fédéral n'a pas cet argent. Voilà une réponse à laquelle il va falloir réfléchir un peu plus longtemps.

À notre congrès annuel, des délégués du Pool ont signalé à M. Vanclief les nombreuses insuffisances du programme ACRA. D'après ce que son bureau m'a dit, le ministère y travaille. Certaines modifications ont été apportées, nous les appuyons, mais tout cela a été très lent.

Je dois également rappeler que le programme ACRA seul ne suffira pas, étant donné la crise financière que connaît en ce moment l'agriculture. Il avait été conçu comme un programme de réponse à une situation de catastrophe, programme tout à fait insuffisant étant donné que les producteurs de grain et d'oléagineux connaissent depuis deux ans une situation de déclin soutenu. Comme on s'attend par ailleurs à une crise chronique, ACRA ne donnera pas aux agriculteurs l'aide dont ils ont besoin, quelle que soit la façon dont on l'applique.

Le refus du gouvernement fédéral de reconnaître l'ampleur de la crise et de débloquer les crédits nécessaires se traduit par des déséquilibres et disparités graves entre provinces. Les provinces les plus riches peuvent débloquer une aide supplémentaire pour leurs producteurs. La Saskatchewan, dont l'économie est relativement moins diversifiée, dispose d'une marge de manoeuvre limitée si l'on a besoin d'aide supplémentaire. À long terme, de telles disparités nationales se révéleront inacceptables.

Je viens d'entendre dire aujourd'hui que l'Ontario envisageait de se retirer du programme ACRA. Pourquoi? Je crois que la province se sent lésée. Je ne reproche évidemment pas aux agriculteurs ontariens l'aide que la province leur offre, c'est une aide plus importante qu'ailleurs, tout simplement du fait qu'il y a plus de contribuables à alimenter la recette.

Comme membre de la Farm Income Coalition de Saskatchewan, le Pool appuie la demande qui a été faite de paiements de péréquation immédiats au secteur agricole. Ces versements doivent venir en sus des versements du CSRN et de l'ACRA. Étant donné l'urgence de la situation que connaissent beaucoup de familles d'agriculteurs aujourd'hui, cet argent doit leur être versé aussi rapidement que possible.

Mais nous avons également besoin, et il ne faut pas perdre cela de vue, d'un programme à plus long terme permettant de faire face aux situations de catastrophe, pour répondre de façon adéquate à cette situation de risques permanents que connaissent les agriculteurs. Ce type de programme devra d'abord être discuté avec les agriculteurs. Si le programme ACRA, et c'est un bon exemple, avait été adopté dans des circonstances normales—ce que nous aimerions tous—lorsque les marges bénéficiaires ont été bonnes, les agriculteurs du sud-est de la Saskatchewan auraient pu toucher des chèques importants. Mais lorsque les marges ont été mauvaises, le programme ACRA ne donne rien.

Nous savons que les ministres, M. Vanclief et M. Goodale, défendent notre cause auprès du Cabinet. Nous aimerions également savoir que vous appuyez leurs efforts, et que le comité continuera à exercer des pressions auprès du Cabinet, afin que celui-ci alloue des crédits supplémentaires à l'enveloppe des programmes de sécurité.

J'aimerais aussi parler du recouvrement des coûts. L'initiative fédérale de recouvrement des coûts a fait augmenter le prix de certains services, et fait facturer d'autres services qui jusqu'ici ne l'étaient pas. Une étude d'Agriculture Canada montre que la facture dans le secteur de l'agroalimentaire a augmenté de près de 30 p. 100, passant de 109 millions de dollars à 139 millions de dollars. Il s'agit de l'augmentation cumulée de la facture pendant les cinq exercices se terminant en 1998.

Le secteur des céréales et oléagineux paye pour certains services tels que les pâturages et les inspections, l'homologation et la réévaluation des produits pour la protection des cultures, ainsi que les aides à la navigation. D'après des statistiques d'Agriculture Canada, le secteur des grains et oléagineux est plus lourdement touché que d'autres secteurs par cette politique de recouvrement des coûts. Pas moins de 2,5 p. 100 du revenu des agriculteurs est absorbé par cette facture de services fédéraux. Le rapport note également que la Commission canadienne des grains et l'ARAP, dont les agriculteurs des Prairies ont souvent besoin, ont une facture de recouvrement des coûts qui est la plus élevée, lorsqu'elle est calculée en pourcentage de leur budget de fonctionnement.

• 1750

Nous vous demandons d'appuyer la réduction des droits touchant le secteur des céréales et oléagineux et de faire en sorte que les droits exigés à l'avenir soient appliqués équitablement à tous les secteurs.

Je voudrais dire quelques mots sur le transport. Le transport est ce qui coûte le plus cher aux producteurs de céréales et oléagineux. Les coûts de transport ont doublé au cours des trois dernières années à cause de l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau. Dans sa réponse aux rapports Kroeger et Estey, le gouvernement a une occasion inouïe d'offrir une solution de rechange plus raisonnable aux taux de fret.

Cet été, l'OTC a effectué un examen qui a révélé que les chemins de fer empochent avec un peu trop de zèle les gains d'efficience qu'ils réalisent. Une part de ces gains devrait, en toute légitimité, revenir aux producteurs. C'est pourquoi je vous demande d'appuyer l'option C du rapport Kroeger. Ainsi, les taux de fret baisseront de 18 p. 100 par rapport au niveau de 1997. Cela permettra aux producteurs de remettre quelque 170 millions de dollars dans leurs poches, soit 5,71 $ de plus par tonne pour chacun des agriculteurs dans cette salle, et ce, sans que les contribuables n'aient à en faire les frais.

Pour ce qui est de la réforme fiscale, sachez que l'impôt foncier est l'une des mesures fiscales les plus chères et les plus injustes envers les agriculteurs. D'autres en ont parlé aujourd'hui. Je me rends bien compte que c'est une compétence provinciale. Ceci étant dit, je vous demande de nous aider à corriger cette injustice. La propriété foncière n'est pas une mesure efficace du revenu, vu qu'il n'y a de lien direct entre la propriété foncière et le système d'éducation. Le remboursement de l'impôt foncier serait utile, certes, mais ce dont nous avons réellement besoin, c'est une répartition plus équitable du fardeau fiscal, qui tienne compte de la richesse et non de la propriété foncière.

J'ai été ravi d'entendre le ministre Vanclief dire, lors d'une récente rencontre, qu'il était disposé à examiner les difficultés fiscales auxquelles font face les agriculteurs. J'espère que vous verrez à ce que cet examen se fasse avec célérité et que vous appuierez les différentes recommandations qui en découleront et qui auront pour effet d'alléger le fardeau financier des agriculteurs.

En guise de conclusion, je voudrais rappeler au ministre des Finances, M. Martin, que chaque dollar investi dans l'agriculture est multiplié par sept dans l'économie. Quand on investit dans les producteurs canadiens, dans les gens réunis ici cet après-midi, on investit dans l'ensemble du pays.

Je vous remercie beaucoup et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Des Voix: Bravo!

Le président: Je vous remercie, Marvin, pour vos observations. J'aimerais vous dire que je porte aujourd'hui une épingle de votre coopérative.

M. Marvin Wiens: Je vous remercie.

Le président: Il nous reste 20 minutes pour ce segment. Nous allons donc nous limiter à cinq minutes par parti, en commençant par M. Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz: Monsieur le président, nous avons convenu au début de laisser tomber une partie des questions pour permettre à plus de personnes de prendre la parole...

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]... dernier segment.

Le président: Oui, au dernier segment.

M. Garry Breitkreuz: Oui, je suis disposé à renoncer au temps qui m'est alloué pour permettre à plusieurs personnes de prendre la parole. J'ai seulement une observation à faire.

J'ai beaucoup aimé vos exposés.

Lyle, vous avez fait là bien des révélations. Ce que nous voyons aujourd'hui dure probablement depuis des années déjà, et les agriculteurs n'ont pas réussi à se constituer un pécule qui leur permette de passer à travers ces temps difficiles. La structure fiscale demande des changements depuis un certain temps. Pour leur part, les agriculteurs payent des sommes exorbitantes au titre de taxes et d'impôts qui sont compris dans les coûts des facteurs de production. Maintenant que les temps sont difficiles, ils ne peuvent pas s'en sortir parce qu'ils n'ont pas su se constituer un coussin de sécurité.

Je crois que vous avez fait un excellent exposé. Merci.

Le président: D'autres observations? Avez-vous une question?

M. Garry Breitkreuz: J'ai renoncé au temps qui m'est alloué, monsieur le président. Si quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose, je n'ai pas d'objection mais...

Le président: D'accord. Passons maintenant à M. McCormick.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup, messieurs, d'être ici. J'ai quelques questions à vous poser.

Lyle, les gens qui sont ici dans cette salle se sentent lésés, ils souffrent, et ceux-là ne représentent qu'une infime partie de... J'aurais donc aimé que les membres du Cabinet soient présents aujourd'hui pour sentir ce que ces gens ressentent, et je le dis en toute sincérité. Mais je vous remercie, Lyle, de ne pas vous être contenté de parler de la situation à court terme, que nous devons régler de toute façon, et de nous avoir parlé de l'avenir, de notre vision de l'agriculture.

J'ignore si vous avez lu ce document circulé clandestinement, qui contient la proposition du gouvernement au ministre des Transports, et la lettre envoyée à ce même ministre par le caucus de nos députés de l'Ouest et le caucus de nos députés des régions rurales. Je crois que ce document a fait le tour du pays et que vous êtes peut-être le seul à ne pas l'avoir eu sous les yeux. Je pense que les changements que nous proposons au Cabinet, à la lumière des rapports Estey et Kroeger, se traduiront par une aide et des sommes considérables pour le Manitoba et la Saskatchewan, et je dis bien des sommes considérables. Mais dans votre exposé, vous parlez de bien plus que de cela. Nous devons examiner tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte, et pour cela, je vous suis reconnaissant.

• 1755

Marvin, vous nous avez également dit—et vous vous êtes très bien exprimé d'ailleurs—que nous devrons, somme toute, adopter une démarche multidimensionnelle. Hier soir, quand nous avons quitté Dauphin et pris l'avion pour Brandon, nous avons vu les belles lumières des Prairies, mais nous pouvions presque voir... cette ligne entourant les lumières traversant les Prairies; le jour où nous aurons moins de collectivités. Nous devons faire quelque chose pour ces gens, et nous devons faire quelque chose pour ces collectivités.

Je vais faire un petit peu la promotion du premier ministre. Il mérite qu'on le fasse aujourd'hui, car pour la première fois dans l'histoire de notre pays, nous avons un ministre responsable du développement rural. Il y a des gens dans cette salle qui ont travaillé dans le secteur du développement économique local. Avec votre aide et votre soutien, ce nouveau ministre changera les choses. J'en suis sûr, parce qu'il y a tellement de personnes ici dans cette salle qui ont consacré leur vie à oeuvrer dans l'intérêt de la prochaine génération dans les collectivités.

Mais à court terme, pensez-vous que dans la situation actuelle le paiement à l'acre est la seule façon de traverser la saison d'ensemencement? De combien est-il question au juste?

J'ai une autre question à vous poser, puisque nous avons entendu autre chose des représentants du Crédit agricole et de la Banque Royale. Je suppose que les représentants locaux du Crédit agricole sont ici aujourd'hui. Ils ont dit qu'ils ne peuvent aider entre 30 et 33 p. 100 des agriculteurs.

Marvin, combien d'agriculteurs connaîtront des difficultés financières au cours des prochains mois?

M. Marvin Wiens: Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre question avec autant de précision que d'autres qui ont toutes les statistiques à portée de la main. Nous savons qu'une bonne partie des agriculteurs de la Saskatchewan sont aux prises avec des difficultés de taille. Selon une récente enquête, 42 p. 100 des agriculteurs de la Saskatchewan choisiraient un autre mode de vie s'ils le pouvaient. Ils n'ont plus d'espoir, et cela me préoccupe beaucoup. Ma famille illustre bien cette situation. Nous voulons être des agriculteurs plus que tout. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour continuer de vivre de l'agriculture, mais nous perdons tout espoir quand nous pensons à l'avenir.

Les récentes négociations de l'OMC ont été très décevantes, car il y a, à mon avis, trois façons de garder un nombre maximum d'agriculteurs sur la terre: les règles commerciales, mais cela se fait à très long terme, la réduction des coûts et le soutien du revenu agricole, et c'est ce que nous demandons à l'heure actuelle. La coalition de la Saskatchewan a besoin d'un milliard de dollars. Dites-nous que le milliard de dollars est là, et nous aurons très rapidement un groupe d'agriculteurs qui vous expliqueront comment on devrait le distribuer. Je ne pense pas que nous devrions faire un débat sur la façon dont le milliard en question devrait être payé. Dites-nous simplement que les fonds sont disponibles. Il y a des comités qui s'en occuperont. Dans notre province, nous avons un comité d'examen du soutien à l'agriculture qui compte 25 à 30 agriculteurs, de tous les secteurs. Des groupes comme ce comité pourraient vous faire des recommandations très rapidement, pourvu que les fonds soient disponibles.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, pour conclure, je dirais que certains intervenants ont parlé de la situation de l'ACRA aujourd'hui en précisant que ce programme a été prévu pour venir en aide aux producteurs de porc. Compte tenu de ce qu'on entend en Ontario ces jours-ci, je dois dire que dans ma circonscription de l'Est ontarien se trouve, à mon avis, le principal exportateur canadien de porc. Cet exportateur est l'un des meilleurs éleveurs de porc au monde. Il s'agit en fait d'une énorme ferme agricole. Ce sont des agriculteurs qui travaillent de concert avec le gouvernement, dans le cadre de l'ACRA. Je leur ai parlé jeudi, et j'ai appris qu'ils n'ont jamais reçu le moindre dollar.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Soit dit en passant, Lyle, est-ce que vous—vous personnellement ou les producteurs de légumineuses—êtes pour l'idée d'un programme ciblé, à court terme, pour les agriculteurs dans le besoin, ou d'un programme universel, pour tous les agriculteurs, quelle que soit leur situation financière?

M. Lyle Minogue: Avant de répondre à votre question, j'aimerais revenir à ce qu'a dit M. McCormick sur les producteurs de porc qui n'obtiennent pas assez. Si vous vérifiez auprès de Carl Moore, du Conseil du porc, vous apprendrez que tel n'est pas le cas. Parce qu'ils produisent un volume constant chaque année et que leur revenu s'est effondré, les producteurs de porc reçoivent depuis quelque temps des sommes considérables.

M. Larry McCormick: Oui, mais ce que je veux dire... L'entreprise s'appelle Hay Bay Genetics et elle est bien connue dans notre région. Aussi, Environnement Canada a déposé 24 accusations contre eux entraînant chacune une amende de 300 000 $. Même si je suis libéral, je ne suis pas toujours satisfait du gouvernement fédéral. Je dis simplement que Hay Bay Genetics a dit publiquement qu'elle n'obtenait pas un cent de tout cela. Bien d'autres l'ont dit aussi.

Merci.

M. Lyle Minogue: Je vois.

Pour en revenir à votre question, les producteurs de légumineuses de la Saskatchewan préféreraient un programme ciblé, mais ils estiment aussi que pour que ce programme soit efficace, comme je l'ai déjà indiqué, il faudra au moins deux ans pour élaborer un nouveau programme, et il sera trop tard pour eux. Nous aimerions qu'on nous permette dans l'intervalle de recourir au CSRN. Je sais que, la difficulté...

Le président: Le CSRN? Vous voulez être admissible au CSRN?

M. Lyle Minogue: Oui, parce que, dans le cadre du CSRN, ceux qui ont besoin d'argent peuvent l'obtenir en un mois.

• 1800

Certains disent toujours que, dans le cadre des programmes universels, même ceux qui n'ont pas besoin d'aide financière en obtiennent. Mais s'il s'agit de gens dont le revenu est élevé, la moitié de cet argent reviendra à l'État sous forme d'impôt. Aussi, si vous créez un programme pour les personnes à faible revenu, vous vous trouvez à aider aussi ceux qui ont mal géré leurs affaires ou qui n'ont pas déployé suffisamment d'efforts. Il y a peut-être des gens qui habitent en ville, qui ont un revenu très élevé et qui, parce qu'ils ont une ferme d'agrément, obtiendront de l'argent. Par conséquent, aucun programme n'est parfait, aucun programme ne peut faire en sorte que chaque dollar soit parfaitement ciblé.

Le président: Que faites-vous des agriculteurs qui ne cotisent pas au CSRN? Que fait-on dans leur cas?

M. Lyle Minogue: Ils n'auraient qu'à présenter une demande pour pouvoir adhérer au CSRN très rapidement. Je ne crois pas qu'il soit difficile d'être admis à ce programme.

Le président: Êtes-vous d'accord, Marvin?

M. Marvin Wiens: Oui, et j'aimerais ajouter une chose.

À l'heure actuelle, environ 90 p. 100 des ventes nettes admissibles sont couvertes par le programme du CSRN dans cette province-ci, et les rares qui ne font pas partie de ce programme pourraient y être admis. Mais si on a recourt au CSRN, il faudra tenir compte du fait que, dans certaines régions de la province, il y a eu des récoltes déficitaires trois ou quatre années de suite. Leurs ventes nettes admissibles sont donc très basses et ils obtiendraient moins que ceux qui ont eu de bonnes années. Dans de tels cas, on pourrait peut-être prévoir une moyenne sur cinq ans, ou une autre formule semblable. Je pense que le gouvernement peut adopter toutes sortes de mesures qui ne nuiront pas au commerce mais qui permettraient de verser des indemnisations maximales à ceux qui en ont besoin.

Le président: Merci.

M. Proctor.

M. Dick Proctor: À ce sujet, au cours des derniers jours—et je crois y avoir fait allusion un peu plus tôt—, nous avons entendu dire que le CSRN aide davantage les agriculteurs âgés que les jeunes agriculteurs. Voici donc ma question, Lyle: Pouvons-nous trouver une façon de verser rapidement des indemnisations par le biais du CSRN tout en protégeant les jeunes fermiers? Dans l'affirmative, comment cela se ferait-il?

M. Lyle Minogue: Si le jeune agriculteur avait une marge l'année précédente, il a droit à de l'aide au titre du CSRN; il peut donc demander une indemnisation et l'obtenir sans avoir à débourser. Il n'a qu'à faire déduire sa cotisation de son indemnisation.

Le système n'est pas parfait, mais chaque minute compte. Il ne servira à rien d'avoir un système parfait dans trois ans s'il n'y a plus d'agriculteurs. Nous vous demandons de prévoir comme mesure immédiate la possibilité de verser de l'aide financière par le biais du CSRN et d'envisager une autre solution à long terme.

Par ailleurs, la principale difficulté du programme ACRA a été l'établissement d'une période de référence équitable. Prenons le cas des céréales produites dans la zone relevant de la Commission canadienne du blé; vous faites pousser du blé une année, vous l'engranger pendant l'hiver jusqu'à l'année suivante et vous obtenez votre paiement l'année d'après. Aussi, les agriculteurs qui ont un bon revenu une année reportent parfois, pour des raisons fiscales, les ventes de céréales car celles de l'année suivante seront peut-être inférieures. Bon nombre des années qui auraient dû être incluses dans la période de référence ne l'ont pas été car le revenu avait été reporté selon la méthode de paiement de la Commission canadienne du blé. Je ne m'oppose pas à cette méthode, je dis simplement que cette formule de calcul ne convient pas à l'ACRA.

Neuf mille agriculteurs ont présenté une demande d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole. Bien d'autres fermiers qui auraient dû recevoir un chèque n'ont pas présenté de demande car ils savaient que, selon la formule mathématique employée, ils n'obtiendraient rien. Alors, qui sait, il y a peut-être 40 000 autres agriculteurs qui auraient dû recevoir de l'aide au titre de l'ACRA mais qui n'ont rien reçu.

Si on veut que le programme ACRA soit utile, il faut qu'il fonctionne comme le CSRN. Chaque année, lorsque vous faites votre déclaration de revenu aux fins d'impôt, vous trouvez une page, à la fin, qu'il vous suffit de remplir à partir des chiffres figurant déjà sur la déclaration. Adhérer au CSRN ne me coûte pratiquement rien en frais comptables et ne nécessite de ma part aucun effort. L'ACRA pourrait être conçue de la même façon. Il me suffirait de présenter mon inventaire à la fin de l'année—ce ne serait qu'un autre poste—et lorsque le versement serait déclenché, il serait déduit automatiquement. Je n'aurais pas à payer 500 $ chaque année en frais comptables.

Pensez aux conséquences. Les gens ici présents vous ont dit que le programme leur coûte 500 $ en frais comptables. Si cela vous coûte 500 $ par année pendant 10 bonnes années et que, la seule année où vous avez droit à de l'aide, vous obtenez 5 000$, vous ne faites que recouvrer vos coûts. Ce sont les comptables qui ont fait les profits.

Le programme doit être simple et facile à administrer. Il doit s'enclencher automatiquement si on veut qu'il soit utile. À cet égard, je crois qu'on pourrait tirer des leçons du fonctionnement du CSRN.

M. Dick Proctor: Merci. Il ne me reste qu'une seule courte question.

En venant de Brandon, j'ai lu dans le Globe que l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, un groupe de réflexion de Washington, estime que les agriculteurs du monde devront augmenter leur production de céréales de 40 p. 100 pour répondre aux besoins de la planète d'ici 2020. Ces experts disent aussi que l'on s'attend à ce que la population mondiale croisse de 73 millions d'habitants par année et que la demande de viande dans les pays en développement augmente aussi. L'article se termine sur une citation du directeur général de l'institut qui dit: «Pour ceux qui veulent se lancer dans l'agriculture cette année ou l'an prochain, les perspectives sont très, très bonnes.».

Des voix: Oh, oh!

Le président: Et tout va bien dans le meilleur des mondes.

Une voix: À condition d'être riche.

M. Dick Proctor: Qu'en pensez-vous?

Une voix: Ce type vit sur une autre planète.

M. Marvin Wiens: Ce que je tiens à dire, c'est que, à long terme, il y a un avenir pour les agriculteurs si nous pouvons obtenir de bonnes règles pour les échanges commerciaux et si les chances sont égales pour tous.

• 1805

Ma propre ferme est un bon exemple. Nous avons diversifié au point où la moitié de notre superficie est consacrée aux légumineuses. C'est précisément ce que disait Lyle. Les légumineuses ont été de très bonnes cultures pour nous. Mais si le marché des céréales et des oléagineux n'est pas bon, mon marché de légumineuses disparaîtra aussi, car, chaque année, on fera pousser davantage de légumineuses et on détruira ce marché. Il nous faut un marché sain, que ce soit pour le bétail, les légumineuses, les céréales ou les oléagineux. Si le marché n'est pas sain, nous continuerons de souffrir.

Le président: Nous allons maintenant passer à M. Borotsik.

M. Rick Borotsik: J'aurais quelques petites questions à poser rapidement.

Marvin, vous avez mentionné que votre comité consultatif sur le filet de sécurité a suggéré une augmentation de 3 à 6 p. 100. Parliez-vous de la contribution fédérale au CRSN?

M. Marvin Wiens: Oui. Ai-je dit ACRA? Désolé.

M. Rick Borotsik: Non, vous n'avez rien dit. Vous avez tout simplement mentionné la contribution de 3 a 6 p. 100. J'ai présumé que vous parliez de la contribution fédérale au programme CRSN.

Vous avez ensuite dit qu'à l'époque, on vous répondait systématiquement que cela coûtait trop cher et qu'il n'y avait tout simplement plus autant d'argent. Or, on se rend compte que nous avons certainement les moyens d'assumer les obligations découlant des règles de l'OMC. Ce n'est pas un problème. Ce n'est pas une question d'argent. Vous dites qu'il n'y a tout simplement plus d'argent parce que le gouvernement estime qu'il ne veut plus investir dans l'agriculture. Est-ce essentiellement ce que vous dites?

M. Marvin Wiens: On nous dit que le milliard et demi de dollars ciblé dans le cadre de l'ACRA constitue l'ensemble du filet de sécurité, mais cela comprend les fonds au titre du CRSN et l'assurance-récolte. Autrement dit, nous devons élaborer des programmes dans les limites de cette enveloppe. Mais comme vous le savez, les fonds prévus dans le cadre de l'ACRA disparaîtront après 1999, et nous nous retrouverons avec un milliard de dollars en soutien, soit la moitié de l'aide dont nous avons besoin.

M. Rick Borotsik: Évidemment, c'est à nous de convaincre le gouvernement et, surtout, M. Martin, qui est le gardien de cet énorme excédent budgétaire que nous escomptons, de faire de l'agriculture une priorité. Pour ce faire, Marvin, nous avons besoin de votre aide.

J'ai une autre question très brève, et ce sera ma dernière, pour que nous puissions donner la parole à d'autres agriculteurs ici.

Pour ce qui est du rapport Kroeger, votre coopérative, la Saskatchewan Wheat Pool, s'est prononcée en faveur de l'option C de ce rapport. Dans votre mémoire, vous dites qu'il y a nécessité de mise en oeuvre. Cela comprend-il l'intervention de la Commission canadienne du blé au port?

M. Marvin Wiens: Je pense que cela comprend l'intervention de la Commission canadienne du blé à l'étape du transport.

M. Rick Borotsik: Non, ce n'est pas le cas.

M. Marvin Wiens: L'intervention au port ou quelque part à mi-chemin doit être déterminée par la Commission du blé, par les agriculteurs et par l'industrie, pour que les choses soient mieux.

M. Rick Borotsik: Je vais vous mettre sur la sellette: Que pensez-vous personnellement de cette question du transport? Pensez-vous que la Commission du blé devrait intervenir au port, ou pensez-vous qu'elle devrait intervenir à l'étape du transport?

M. Marvin Wiens: Je crois qu'elle doit intervenir d'une certaine façon à l'étape du transport, mais la nature de cette intervention doit être déterminée de concert par la Commission canadienne du blé et le reste de l'industrie pour éviter toute forme de récrimination quand nous ne réussissons pas à répondre à la demande de nos marchés. Ainsi, nous éliminerons au moins certains de ces problèmes. Si nous pouvons garantir que nos produits arriveront à destination, et cela rejoint ce que Lyle disait tout à l'heure, nous pourrons au moins faire en sorte que les responsables rendent des comptes de leurs actions. J'entends par responsables tous les intervenants: les chemins de fer, la Commission du blé, les entreprises céréalières, etc. Tous doivent rendre des comptes.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie, Marvin.

Le président: Merci.

Nous avons le temps pour une question de M. Calder, mais auparavant, j'aimerais avoir une petite précision concernant le CRSN. Monsieur Wiens, pour l'exercice 1998-1999, le contribution du gouvernement fédéral au CRSN était de 254 millions de dollars. Le comité d'examen du filet de sécurité suggère-t-il de doubler ce montant?

M. Marvin Wiens: Oui, telle a été la recommandation du comité lors de la dernière réunion. Essentiellement, pour chaque dollar qu'un agriculteur doit payer, les gouvernements devront verser le double, de sorte que les comptes se remplissent beaucoup plus vite. Ainsi, les agriculteurs dont les comptes sont vides pourraient, par un processus de détermination, bénéficier des fonds dans d'autres comptes. Les comptes se rempliraient donc beaucoup plus vite qu'à l'heure actuelle. Je sais que cette demande n'est pas très populaire, mais c'est une façon de faire les choses avec beaucoup plus de rapidité.

Le président: Cette demande me plairait bien si c'était une façon de remettre plus vite de l'argent dans les poches des agriculteurs. Ce serait certainement doux à mon oreille. Ne l'oublions surtout pas.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

En fait, souvenez-vous, messieurs, je suis venu ici en août pour étudier les coopératives.

Ce dont je voudrais vous parler, c'est d'un programme de réserve. C'est la possibilité de mettre de côté 20 p. 100 des terres agricoles. Pour ce faire, il faudrait tenir compte des cultures antérieures. Ainsi, il y aurait une limite de 1 500 acres, assortie de crédits de carbone. Que pensez-vous d'une telle proposition?

• 1810

Mme Lyle Minogue: Je me souviens encore du Programme de réduction des stocks de blé. Nous avons écoulé tout notre surplus de céréales, mis de côté une partie des terres agricoles, et l'année d'après, nous avons eu une pénurie de céréales. Je verrais l'utilité de mettre de côté une partie des terres agricoles si on en prévoyait une utilisation précise, notamment comme parcs ou pour les habitats fauniques.

M. Murray Calder: Et que pensez-vous d'un programme de mise en jachère?

M. Lyle Minogue: Laissez les agriculteurs en décider. Donnez aux agriculteurs les outils nécessaires pour qu'ils s'adonnent à leurs activités durant l'année, et ils décideront de mettre la terre en jachère ou non. On pourrait se trouver avec un problème d'érosion accrue du sol ou on pourrait perdre une bonne quantité du carbone séquestré dans le sol au cours des dix dernières années.

M. Murray Calder: Aux États-Unis, on peut faire différents choix: jachère, pâturage et foin.

Avez-vous quelque chose à dire là-dessus, Marvin?

M. Marvin Wiens: Oui, je pense que cette idée peut se défendre. Ce serait une idée de plus dont les gouvernements pourraient s'inspirer. Mais il faut faire attention. Il faut que l'option retenue respecte l'environnement. Il ne faut pas non plus qu'elle compromette l'équilibre du marché. Par exemple, on ne devrait pas encourager les agriculteurs à semer du foin pour lequel il n'y aurait pas de marché ou qui ne réduirait pas le coût pour ceux qui en sèment déjà.

Le programme américain de mise de côté des terres et de conservation des récoltes comporte beaucoup de failles. En raison de ce programme, de vastes étendues du Dakota du Nord et du Montana sont presque vides. J'ai entendu dire que des agriculteurs ont vendu leurs terres et sont partis, parce qu'on leur avait fait des offres très alléchantes.

Autre solution possible: élaborer un programme d'établissement d'une couverture végétale permanente dans un pourcentage des terres érodables, pourvu que les agriculteurs soient dédommagés adéquatement.

Le président: D'accord.

M. Murray Calder: Merci, monsieur le président.

Le président: Dans le contexte de la crise financière actuelle que connaissent les agriculteurs, quel serait le but d'un programme de compensation? Nous avons entendu parler de conservation, de diversification, et j'en passe, mais dans le contexte de la crise du revenu agricole actuelle, quel serait le but d'un tel programme?

M. Marvin Wiens: Je présume qu'un tel programme viserait la plupart des terres érodables. Il viserait les terres qui ne sont probablement pas en état d'être cultivées, et permettrait aux agriculteurs de céder une petite portion de leur terre dans le cadre d'un programme de réserve. En contre partie, les agriculteurs recevraient des sommes d'argent et réduiraient une partie de leur production à court terme.

Le président: Le temps étant écoulé, je vous remercie tous les deux pour vos excellents exposés.

Nous allons maintenant entendre des agriculteurs qui comparaîtront à titre personnel pendant les 45 dernières minutes de notre séance. Nous avons un avion à prendre, aussi allons-nous essayer de nous en tenir à l'horaire prévu.

J'appelle maintenant Ian Cushon, George Godenir, Arlynn Kurtz, Jack Pick et Glen Seeman. Êtes-vous tous ici? Il semblerait que oui, je vois cinq personnes se dirigeant vers moi. Étant donné que nous procédons par ordre alphabétique, nous commencerons par M. Cushon.

M. Rick Borotsik: Y a-t-il d'autres personnes sur...

Le président: Il y en d'autres, mais... Y aura-t-il des questions? D'accord, il n'y aura pas de questions, à moins que quelqu'un le demande. Tout dépendra de la durée de l'intervention. Moins on parlera de ce côté-ci, plus ils parleront de l'autre côté.

Nous allons commencer avec vous, monsieur Cushon; essayez de vous limiter à trois ou quatre minutes, pour que nous puissions entendre le plus grand nombre d'intervenants. Soyez le bienvenue.

M. Ian Cushon (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

À titre de présentation, j'exploite une ferme de 1 900 acres à Oxbow, en Saskatchewan, située à 45 minutes vers l'est. Je suis heureux d'être ici et de pouvoir intervenir devant le comité, et j'ai hâte d'entendre vos commentaires.

Je n'ai pas rédigé de texte, mais j'aimerais insister sur quelques arguments essentiels. J'essaierai d'être aussi bref que possible.

Parmi les choses qui me viennent spontanément à l'esprit, c'est tout d'abord que la chaîne alimentaire renferme des richesses considérables, et le gros problème, c'est la part de cette richesse qui revient à l'agriculteur. Lors d'une conférence à laquelle j'assistais récemment, j'ai appris qu'en Amérique du Nord—et je crois que l'exemple portait directement sur les États-Unis—, on dépensait davantage en publicité et en emballage qu'en rémunération du producteur, c'est-à-dire de l'agriculteur. Cela m'indique que nous ne savons guère apprécier l'importance du rôle de l'agriculteur dans le système de production. Je suis persuadé que nous disposons de richesses considérables, et qu'il s'agit de savoir y puiser. Il faut sensibiliser les consommateurs au fait que nous jouons un rôle très important dans la production alimentaire et qu'il convient de nous rémunérer convenablement.

• 1815

Je voudrais aussi parler un peu de la question posée aujourd'hui, à savoir de quelle aide nous avons besoin. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je suis sûr que la plupart des agriculteurs qui sont ici aujourd'hui—et on a dû vous le dire à maintes reprises partout dans l'Ouest canadien—vous ont parlé des problèmes de l'agriculture et du système de soutien, des filets de sécurité dont nous disposons.

J'irai droit au but: Je pense qu'il n'y a jamais eu de politique à long terme pour les producteurs céréaliers de l'Ouest canadien. À mon avis, c'est là le principal problème: on ne sait pas ce qu'il faut faire pour l'Ouest canadien, du moins le gouvernement fédéral ne sait pas quoi faire. C'est très déconcertant pour les actuels producteurs de l'Ouest, qui ne savent pas vraiment à quoi s'attendre ou quel sera le sort de leur secteur d'activité. Il incombe au gouvernement fédéral d'énoncer clairement ce qu'il attend de l'Ouest canadien et de définir le rôle des producteurs dans la chaîne alimentaire. Je crois que c'est là la cause sous-jacente des problèmes que nous connaissons aujourd'hui, c'est cette absence de politique à long terme.

Évidemment, les programmes de soutien aux agriculteurs ont connu toute une série de compressions budgétaires, que ce soit par la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau ou par la facturation aux agriculteurs de divers coûts du système de production.

Je voudrais aussi aborder une question qui me semble très importante, à savoir la réforme des transports. À mon avis, c'est là un domaine où le gouvernement fédéral a la possibilité d'adresser un message précis aux agriculteurs, puisqu'il parle en leur nom. Il me semble assez évident qu'à bien des égards, les démarches Estey et Kroeger ont échoué, et que les intérêts des agriculteurs n'ont pas été pris en compte. Un organisme agricole qui proposerait le passage à un système de transport totalement commercial, déréglementé et non soumis à la concurrence ne peut que porter préjudice aux agriculteurs.

J'aimerais que votre comité prenne fermement position sur cette question et veille à ce que toute réforme garantisse aux agriculteurs qu'ils ne paieront qu'un tarif raisonnable pour faire transporter leurs céréales des Prairies jusqu'aux ports d'embarquement.

On peut certainement envisager la réduction de 18 p. 100 du plafonnement de revenu par rapport aux niveaux de 1997. Cette mesure remettra immédiatement 5 $ à 6 $ la tonne—soit plus de 150 millions de dollars—dans la poche des agriculteurs. Je suis persuadé que la majorité des agriculteurs sont en faveur de l'intervention de la Commission canadienne du blé dans les transports. Ils ont dit très clairement qu'à défaut d'un tel rôle de la part de la commission, leurs perspectives de commercialisation et leurs rémunérations s'en trouveront diminuées.

Je veux dire également que si le ministre entreprend une réforme sans renforcer la concurrence, sans ouvrir l'accès aux marchés et sans accorder des droits de circulation conjoints, nous n'obtiendrons même pas les tarifs de misère qu'on nous propose actuellement. C'est là un point fondamental sur lequel il faut insister: une véritable concurrence est indispensable dans ce domaine.

Mon dernier argument concerne le soutien accordé par les organismes de commercialisation présents dans l'Est du Canada et dans l'ensemble du pays et qui appliquent la gestion de l'offre. Les secteurs soumis à la gestion de l'offre ont généralement obtenu de bons résultats. Les producteurs laitiers, par exemple, sont parmi les agriculteurs les mieux rémunérés du pays. Ils ont bénéficié d'un soutien important de nature réglementaire. Ils jouissent d'un bon système qui les indemnise de leurs coûts de production. On peut en tirer un certain nombre de leçons, même s'il n'est pas possible de comparer directement le secteur laitier avec un secteur comme celui des céréales et des oléagineux, qui dépend des exportations. Mais les résultats obtenus en matière de stabilisation des marchés et des revenus sont intéressants, et je pense qu'il convient d'y prêter attention.

En conclusion, je voudrais parler du rôle de la Commission canadienne du blé, car nombreux sont les agriculteurs qui souhaiteraient voir son rôle diminuer. Je voudrais signaler une étude réalisée ici même par Daryl Kraft, Hartley Furtan et Edward Tyrchniewicz, intitulée «Performance Evaluation of the Canadian Wheat Board», publiée en janvier 1996. Elle indique clairement que la Commission canadienne du blé a payé la tonne métrique au prix fort, soit environ 13 $ la tonne, c'est-à-dire plus que nos concurrents. Sur l'ensemble de l'économie céréalière, elle a versé en moyenne 265 millions de dollars par an dans l'économie de l'Ouest. Si l'on y ajoute les 5 $ la tonne que la commission économise grâce au soutien qu'elle reçoit du gouvernement fédéral en matière de gestion du risque—le système très économique de gestion du risque sur les prix que propose la commission aux agriculteurs représente un autre 5 $ la tonne.

• 1820

Ce sont bien sûr des chiffres de base, car l'étude porte sur une période où nous avions de nombreuses subventions aux exportations dans le cadre du programme d'expansion des exportations. Le montant total versé par la Commission canadienne du blé à cette époque était près de 30 $ la tonne métrique.

Vous voyez qu'il s'agit là d'un rendement considérable pour les producteurs, par rapport à ce qu'ils obtiendraient sur un marché ouvert ou sur un marché mixte. Cela me semble très important. Il ne faut pas affaiblir les institutions qui mettent de l'argent dans nos poches. Faisons bien attention. Grâce au transfert de pouvoir en faveur des directeurs élus au sein de la Commission canadienne du blé, je suis persuadé que ces agriculteurs vont agir en notre nom et dans notre intérêt.

Le président: Merci beaucoup. Nous avons apprécié vos commentaires.

Nous passons maintenant à George Godenir.

M. George Godenir (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président. Chers invités, mesdames et messieurs, je suis heureux d'avoir été invité à vous dire quelques mots aujourd'hui.

Je suis le président du Pro-West Rally Group, qui a été constitué en février dernier, et qui a fait bien du chemin depuis. Notre objectif est de sauver l'exploitation familiale et les communautés agricoles. Nous sommes un organisme non politique et non syndiqué. Nous voulons uniquement sauver l'exploitation familiale. C'est notre objectif, et c'est ce à quoi nous nous employons.

L'exploitation familiale est menacée et disparaîtra si nous n'y prenons pas garde. Nous faisons pression auprès des gouvernements depuis plus d'un an. Pro-West est allé à Ottawa à trois reprises pour exprimer nos préoccupations. Nous avons rencontré la plupart des membres du Cabinet. Je crois qu'ils sont conscients de cette très grave crise agricole, mais le premier ministre a refusé de rencontrer les agriculteurs et de se rendre dans les provinces de l'Ouest.

Pro-West s'est rendu une quatrième fois à Ottawa au sein d'une coalition composée des premiers ministres de la Saskatchewan et du Manitoba, de tous les chefs de l'opposition et de nombreux dirigeants agricoles des deux provinces. Nous n'allions pas là pour demander l'aumône. Nous avions l'intention d'amener le gouvernement à assumer ses responsabilités concernant l'élimination trop rapide des programmes agricoles, qui s'est soldée par un manque à gagner de 1,3 milliard de dollars, principalement dans l'industrie céréalière de la Saskatchewan et du Manitoba.

Notre démarche auprès du premier ministre du Canada a échoué. Lorsqu'on lui a posé une question sur la crise agricole à la Chambre des communes, nous l'avons entendu répondre que le programme ACRA disposait encore de 900 millions, que les agriculteurs ne remplissaient pas leurs formulaires et qu'il n'y avait donc pas de crise. Jusqu'à maintenant, il refuse catégoriquement d'aborder le problème.

La crise agricole en Saskatchewan et au Manitoba a dépassé le stade de la gravité pour devenir tout à fait critique. À l'heure actuelle, les agriculteurs sont victimes de saisies et sont en train de vendre leurs terres. Aidez-nous à faire cesser tout cela. Dans les zones frappées par la sécheresse et les catastrophes, les agriculteurs n'ont plus de quoi acheter leurs épiceries. On leur coupe le crédit et ils n'ont pas droit à l'aide sociale. Ceux qui n'ont presque rien viennent en aide à ceux qui en ont encore moins qu'eux.

Devant l'ampleur de la crise, les Églises du Canada unissent leurs forces pour sauver l'exploitation familiale. Les Églises luthériennes, unie et mennonite ont déjà amorcé un travail de sensibilisation et s'attaquent au problème agricole au Canada, en particulier en Saskatchewan et au Manitoba.

Parmi les nombreux problèmes qui se posent, citons les fortes subventions versées aux agriculteurs européens et américains. Les autorités canadiennes ne peuvent pas s'attendre à ce que nos agriculteurs livrent la concurrence aux Trésors publics des pays d'Europe et des États-Unis. Le gouvernement fédéral a supprimé le tarif du Nid-de-Corbeau le 1er août 1995, ce qui a retiré environ 320 millions de dollars par année des poches des agriculteurs de Saskatchewan. Pour la campagne agricole 1994-1995, les tarifs ferroviaires pour le blé dans la région de Yorkton, en Saskatchewan, étaient de 11,58 $ la tonne. En 1999 et 2000, il est désormais de 35,75 $ la tonne, de sorte que le coût de transport pour les agriculteurs a triplé.

D'après le premier ministre, jusqu'à quand les agriculteurs canadiens vont-ils devoir subventionner la production alimentaire? Si le premier ministre ne veut pas nous rendre de comptes, nous lui demanderons de se retirer pour céder la place à une personne de coeur et de conscience. Le refus du premier ministre d'assumer ses responsabilités a des effets désastreux sur l'exploitation familiale. La crise agricole doit être considérée comme une infraction criminelle.

• 1825

À titre de solution, une partie des taxes perçues sur la bière et le rye devrait être versée directement aux agriculteurs qui produisent les matières premières utilisées dans la fabrication de ces produits. La bière et le rye apportent des millions de dollars de taxes au Trésor public. Les gouvernements devraient bien être capables d'accorder plus de 1,70 $ le boisseau aux agriculteurs pour le malte et l'orge.

Nous exigeons qu'on fasse une étude sur la taxe cachée de 49 p. 100 perçue par le gouvernement sur les produits chimiques, les engrais et le carburant, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de diminuer cette taxe, qui pénalise trop lourdement les producteurs alors qu'ils ne touchent que 1,70 $ le boisseau pour le malte et l'orge, et 2 $ le boisseau pour le blé. La simple mise en oeuvre de ces propositions devrait suffire à sauver l'exploitation familiale.

Lorsque j'étais à Ottawa, j'ai assisté à la réunion avec M. Goodale, à qui cette question avait été posée. Nous avons dénoncé la taxe de 50 p. 100 sur les produits chimiques et les produits achetés par les agriculteurs. Les ministres se sont retournés vers deux fonctionnaires qui les accompagnaient—c'est généralement ce qu'ils font—et leur ont demandé de répondre à la question. Ils ont dit: «Non, c'est 49 p. 100». C'est pourquoi nous parlons maintenant de 49 p. 100.

Pour une exploitation comptant une superficie ensemencée de 1 000 acres—je fais référence à la région de Yorkton, car c'est sur elle que portait l'étude—, les coûts de transport étaient de 9 607 $ en 1994-1995. En 1999-2000, ces coûts passent à 29 659 $, ce qui représente pour l'agriculteur une augmentation de 20 052 $. Dans mon exploitation agricole, le transport des grains me coûte environ 50 000 $ par an. Il faut y ajouter le coût du transport par camion de la ferme à l'élévateur. À cause du regroupement des élévateurs, la distance de transport par camion est passée dans notre cas de 6 milles à 60 milles.

Tous les agriculteurs présents ici aujourd'hui savent qu'à cause des nouveaux terminaux et de toutes les mesures mises en place, nous ne pouvons plus transporter le grain nous-mêmes, car nos vieilles remorques ne sont plus en état de prendre la route. Nous devons louer des camions pour faire transporter notre grain, ce qui augmente encore nos coûts. Autrefois, nous pouvions faire nous-mêmes les 4 milles qui nous séparent de la ville, mais désormais, c'est 40 milles qu'il faut faire.

Mon fils m'accompagne aujourd'hui; notre exploitation se trouve près de la frontière entre le Manitoba et la Saskatchewan. L'année dernière, nos frais de transport ont atteint 70 000 $. Si j'avais ces 70 000 $ en poche, je peux vous garantir que je ne serais pas ici aujourd'hui.

Je vais vous montrer que la déduction prélevée par les silos-élévateurs représente plus de la moitié du prix de cette charge de céréales. Le prix à la tonne est de 114 $ et j'avais un poids net de 35,571 tonnes, soit un montant brut de 2 915,09 $. Le versement initial de la Commission canadienne du blé était de 2 913,09 $. Le coût de transport était de 936,72 $. Les frais de l'élévateur étaient de 246,19 $, les frais de nettoyage du terminal étaient de 89,17 $, auxquels s'ajoutaient 9,76 $ de frais divers. Le transport par camion jusqu'à l'élévateur a coûté 162 $. Sur le montant initial de 2 915,09 $, l'agriculteur ne touche finalement que 1 421,18 $. Il faut encore retrancher les coûts de production, correspondant à environ 4,03 $ pour le blé. Notre seuil de rentabilité est à 6,87 $. Il y a donc une perte de 2,84 $ l'acre.

De l'avis du premier ministre, jusqu'à quand les agriculteurs canadiens vont-ils devoir subventionner la production alimentaire? Si le premier ministre ne veut pas nous rendre de comptes, nous lui demanderons de céder la place à une personne de coeur et de conscience. Son refus d'assumer ses responsabilités a des effets désastreux sur l'exploitation familiale, et il faut maintenant envisager une véritable solution de la crise agricole.

Voilà quelques-uns des arguments présentés par mon organisme, Pro-West. Deux de nos représentants sont à Ottawa actuellement. Ils ont assisté à la conférence agricole qui s'est tenue à Toronto. Ils nous en feront rapport à la fin de la semaine lorsqu'ils reviendront de leur voyage. Nous avons également tenu une réunion hier soir à Weyburn. Il y en a eu une autre à Yorkton, et nous tenons des réunions partout en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta. Nous accueillons également des agriculteurs de Colombie-Britannique, qui ont eux aussi leurs problèmes.

Je tiens à vous remercier de m'avoir écouté.

Le président: Merci, monsieur Godenir.

Arlynn Kurtz, soyez le bienvenu.

M. Arlynn Kurtz (témoigne à titre personnel): Je vous remercie de me donner la parole. Je suis un peu nerveux, car c'est la première fois que je fais ce genre d'intervention.

Ma femme et moi avons une exploitation agricole à Stockholm, en Saskatchewan, à une heure au sud-est de Yorkton. Je suis par ailleurs conseiller municipal de notre village. Je suis la troisième génération d'une famille d'agriculteurs qui a survécu à la crise des hauts taux d'intérêt des années 80. Nous exploitons environ 5 000 acres. Nous produisons les principales variétés de céréales, de légumineuses et d'oléagineux. Nous avons des employés à temps partiel. Aucun de nos enfants ne pratique l'agriculture. L'un de nos fils est revenu à la ferme pendant un an, mais il est reparti. Il ne voulait plus rien savoir de l'agriculture.

• 1830

Des voix: Ah, ah!

M. Arlynn Kurtz: Nous avons triplé notre surface d'exploitation au cours des cinq dernières années, mais nous l'avons fait à notre détriment. L'ACRA ne nous a rien apporté, et en fait, on ne peut bénéficier d'aucun programme lorsqu'on prend de l'expansion.

Nous étions à la croisée des chemins et nous avons vu qu'il fallait faire un choix. Nous avons non seulement augmenté notre exploitation, mais en plus, il y a cinq ans, nous avons vendu notre terre pour déménager dans une région où des terres étaient disponibles. Il a fallu améliorer notre équipement parce qu'il était vétuste, et nous avons commencé à prendre de l'expansion.

Pour moi, ma ferme est une entreprise, pas un mode de vie. Ce serait bon d'avoir la même souplesse que les autres entreprises.

Je voudrais dire quelques mots au sujet de l'ACRA, après quoi je parlerai du secteur agricole, de ce qui cause des problèmes dans le système et de la façon de les résoudre.

Je n'ai pas tout lu ce qu'il y avait sur les formulaires de l'ACRA, mon comptable les a remplis pour moi, mais l'ACRA est désavantageux pour les exploitations efficaces. Tous les agriculteurs devraient obtenir la même subvention le boisseau produit que leurs voisins. Si mon exploitation est plus efficace et que je produis plus de boisseaux, on devrait m'en récompenser. Après tout, c'est peut-être parce que nous avons acheté un semoir à grains moderne et efficace, qui coûte quelque 200 000 $, pour réduire les coûts d'intrants et maximiser la production. Je dois cependant payer pour ce matériel. ACRA n'en tient pas compte. Nous devrions pouvoir utiliser du matériel moderne. Ford ne construit pas d'automobiles avec du matériel désuet. Pourquoi devrais-je exploiter ma ferme avec du matériel désuet?

J'ai constaté un problème bien évident l'autre jour quand j'ai reçu la nouvelle trousse ACRA pour les paiements anticipés de cette année. J'ai tout de suite ouvert la trousse pour voir ce qu'elle contenait et j'y ai trouvé un formulaire pour le paiement anticipé. Qu'est-ce que j'ai appris? Je ne peux pas réclamer le loyer en espèces comme dépense. Je ne vois pas pourquoi. Quelqu'un a dû décider que les propriétaires d'exploitations porcines ne louent pas les pourceaux, ce qui veut dire que ce n'est pas une dépense admissible et que nous n'en avons pas besoin dans les Prairies où nous louons des terrains.

J'en ai assez dit sur l'ACRA. Nous avons besoin d'une injection immédiate de 80 $ l'acre. C'est simple. Les frais d'administration ne seraient pas élevés. Ce serait rapide. Je pourrais alors payer certains de mes comptes non réglés avant que les paiements anticipés ne se fassent gruger par l'intérêt sur des dettes et d'autres comptes.

Je voudrais expliquer pourquoi le système ne fonctionne plus. J'ai livré ce matin un demi-chargement de blé numéro trois. Voici mes chiffres.

Ce demi-chargement de blé a été récolté sur 28 acres produisant environ 30 boisseaux l'acre, ce qui est plus élevé que les dossiers d'assurance-récolte. C'est parfois plus faible que ce que nous obtenons, mais c'est probablement une bonne moyenne dans ma région. Nous avons produit 22,69 tonnes brutes, ou 833,7 boisseaux; après les criblures, nous avions 22,3 tonnes nettes, ou 819,5 boisseaux; le prix était de 126 $ la tonne, ou 3,43 $ le boisseau; notre paiement brut était de 2 810,30 $; on a déduit pour le transport 590,02 $; pour l'élévateur, 217,14 $; pour le nettoyage du terminal, 80,24 $; pour CGC, 8,61 $; et le facteur de rajustement du transport fédéral était de 231,29 $. Les déductions totales s'élevaient à 1 068,67 $, ou 29,08$ la tonne, ou 83,06 $ le boisseau. L'avance de fonds était de 1 338 $, ce qui veut dire que j'ai eu un chèque de 345 $. Le transport en camion jusqu'au terminal coûtait 90,76 $ et j'ai dû assécher le blé avant le transport, ce qui a coûté 208,50 $.

Vous savez quoi? Il me reste 45,74 $. Vous ne pouvez pas rester en agriculture très longtemps avec de telles recettes.

Voyons maintenant ce que cela coûte de produire ce blé. Mes chiffres se basent sur les taux des semis à forfait publiés par le ministère de l'Agriculture de la Saskatchewan. Les semences coûtent 9 $ l'acre, l'engrais, 30 $ l'acre, les produits chimiques et les pesticides, 30 $ l'acre. La pulvérisation coûte 3 $ l'acre et nous avons dû en faire quatre, donc 12 $. L'ensemencement coûte 11 $ l'acre, le dépoussiérage, 4 $ l'acre, le moissonnage-battage, 16 $ l'acre, le loyer en espèces, 20 $ l'acre, et l'assurance, 8 $ l'acre.

Le coût total est donc de 140 $ l'acre. Si vous multipliez par 28 acres, ce chargement de blé coûte 3 920 $ à produire.

• 1835

Examinons maintenant les perspectives de rendement pour le blé. Le chiffre le plus élevé pour le blé numéro trois est 164 $ la tonne. Cela me donne un paiement final possible de 38 $ la tonne. Le plus que je pourrais obtenir pour ce blé est donc 2 230,29 $. Cela me laisse un manque à gagner de 1 690 $. Autrement dit, j'ai un déficit de 60 $ l'acre.

Le problème de notre système, c'est qu'il y a trop peu d'argent et qui arrive trop lentement et qui se fait éroder par les intérêts. Cela me force à signer un contrat de report des intrants avec les fournisseurs et les compagnies de céréales et, quand il y a défaut de paiement, on nous impose des intérêts de 24 p. 100 rétroactivement à la date de l'achat.

Les paiements initiaux sont trop faibles, les avances de fonds sont trop faibles et les paiements finals n'arrivent que 18 mois plus tard. Les agriculteurs n'ont jamais d'argent en poche pour acheter comptant et n'ont pas la souplesse voulue pour mettre leurs produits en vente.

Si le gouvernement insiste pour intervenir dans mon secteur, il doit le faire aussi en période difficile. Il ne peut pas choisir.

Nous devons examiner les problèmes un à un. D'abord, il nous faut un régime d'assurance-récolte tous risques pour les coûts de production. Les cotisations au régime doivent être raisonnables et l'assurance doit s'appliquer à toutes les catastrophes sans qu'on fasse toutes sortes de déductions, comme on l'a fait pour ces 50 $ l'acre pour les récoltes non ensemencées. Dans notre cas, nous n'avons pas pu ensemencer 600 acres. Nous aurions dû recevoir 30 000 $, mais vous savez quoi? Nous avons obtenu environ 5 000 $. Il manque donc 25 000 $ pour mon exploitation. Les propriétaires des terrains que je loue voudraient bien se faire payer, mais j'ai un gros manque à gagner.

Deuxièmement, nous avons besoin d'un prix garanti pour nos denrées au moment de la livraison. Si nous avons besoin de 6 $ pour le blé, nous devrions recevoir 6 $ au moment de la livraison. Si ces deux programmes étaient séparés, les agriculteurs géreraient leur ferme pour maximiser leur production au lieu d'essayer de gérer le système pour maximiser les paiements.

Les Canadiens doivent prendre une décision. Devons-nous subventionner les agriculteurs ou attendre que les agriculteurs disparaissent et soient remplacés par de grandes entreprises agricoles? À ce moment-là, le pain coûtera 5 $ et non pas 1 $. Si ce sont de grosses entreprises qui contrôlent l'agriculture, elles ne vendront pas les céréales avant d'obtenir ce qu'elles veulent. Elles vendront seulement à ce moment-là. Elles bloqueront les frontières. On ne pourra pas importer les céréales. On mourra de faim alors qu'il y a des entrepôts remplis de céréales.

Comment allons-nous financer ces mesures? Je déteste les impôts, comme tout le monde, mais nous payons déjà des droits environnementaux sur tellement de choses que je pense que nous devrions instaurer un programme pour prélever un petit montant sur toutes les denrées cultivées ou produites au Canada. Qu'il s'agisse du poisson sur la côte est, des céréales, des produits laitiers ou d'autre chose, on pourrait faire payer un petit impôt sur le prix. À la longue, cela coûtera moins cher aux consommateurs que si nous ne faisons rien du tout. Cet argent servirait ensuite à subventionner les agriculteurs en période difficile et à grossir la caisse les bonnes années. Vous n'avez qu'à songer aux recettes produites par la TPS de 7 p. 100 au Canada.

Je voudrais dire quelques mots au sujet de la Commission canadienne du blé et du problème causé par la mise en commun des récoltes. Je ne vois pas quels sont les coûts réels à la Commission canadienne du blé et cela m'inquiète. Les comptes sont confidentiels. C'est très bien pour les responsables de la commission qui veulent profiter de toutes ces ressources parce que personne ne s'en rendra compte, et je songe aux salaires et aux avantages sociaux. À une époque où il y avait des compressions d'effectifs dans tous les secteurs, la Commission canadienne du blé n'a pas licencié qui que ce soit, il me semble.

En terminant, je signale que nous avons besoin d'une mise de fonds de 80 $ l'acre dès maintenant ou nous ne pourrons pas ensemencer en l'an 2000. Nous avons besoin d'un prix pour nos denrées garanti et calculé en fonction des coûts de production et nous avons besoin d'un régime d'assurance efficace.

On n'assure pas sa maison pour moins que sa valeur. Pourquoi devrais-je assurer mes récoltes pour moins que le coût de production? Nous n'avons ni le temps ni les moyens de créer une commission pour étudier la question. Demain sera trop tard pour recevoir des paiements, aujourd'hui serait bien et hier aurait été préférable.

• 1840

Lyle Vanclief dit que nous devons choisir la ligne dure et que ceux qui ne peuvent pas survivre doivent partir. J'aurais du mal à partir de ma région. Il ne reste plus personne en agriculture dans ma région. Dans un bloc, 16 quarts de section et demi sont en vente à l'heure actuelle. Si je vendais mon matériel aux enchères, cela ne me rapporterait pas assez d'argent pour rembourser mon emprunt.

Que puis-je faire? Si je ne peux pas vendre, tout ce qui reste, c'est la faillite. Est-ce la solution? Si je quitte la ferme pour un emploi en ville, quelqu'un d'autre sera sans travail. Ou bien je le serai moi-même. D'une façon ou d'une autre, il faut payer pour chaque agriculteur qui quitte la ferme. Peut-être que deux agriculteurs prendront un emploi et que deux personnes de la ville seront sans travail ou assistés sociaux.

Nous voudrions être indépendants et autonomes. Cependant, à cause de circonstances en dehors de ma volonté, nous avons besoin d'aide immédiatement. Si les Canadiens n'aident pas les agriculteurs, les conséquences de la catastrophe se feront ressentir pendant des années ou des générations.

Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Kurtz.

L'heure passe, mais je pense que nous pouvons entendre encore deux témoins.

Monsieur Pick.

M. Jack Pick (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, membres du comité d'examen, je vous félicite d'avoir pris le temps de venir entendre les conseils des simples agriculteurs. Très souvent, quand on annonce certains de ces programmes, les agriculteurs n'ont pas l'impression qu'ils ont été conçus par des gens qui connaissaient la moindre chose de l'agriculture. Je vous félicite donc d'être venus.

Je me présente. Je m'appelle Jack Pick. J'exploite une ferme dans la région de Macoun avec mon fils. Nous avons environ 3 500 acres et nous cultivons à peu près tout maintenant sauf la marijuana. Je tenais à bien le préciser.

Des voix: Oh, oh!

M. Murray Calder: C'est pourtant une bonne récolte commerciale.

M. Jack Pick: Ce l'est.

Je dois vous dire une chose. C'est humiliant, dégradant et démoralisant pour des gens qui ont une profession aussi honorable que l'agriculture de devoir demander de l'aide. Ma première réaction, c'est de me mettre en colère et je pense qu'à peu près tous ceux qui sont dans cette pièce aujourd'hui doivent faire face à cette réalité chaque jour avant de parler aux membres de leur famille et d'avoir des contacts avec leurs voisins.

Je voudrais aussi signaler que, quand on est la treizième personne à prendre la parole sur la même question le même après-midi, on constate que trois ou quatre autres intervenants ont dit ce qu'on voulait soi-même dire au départ. J'ai donc dû récrire mon discours dans ma tête et ce sera un peu décousu parce que je ne veux pas répéter tout ce qui a déjà été dit.

Je vais essayer d'expliquer ce qui s'est passé jusqu'à il y a 10 ans, quand les ministres des Finances ont commencé à parler couramment de réduire la dette et quand nous avons commencé à voir des coupures et des compressions budgétaires un peu partout. Je peux vous en dresser une liste. Cela va de quelque chose d'aussi simple que des droits de signature de 25 $ quand j'arrive à la frontière pour exporter mes bêtes de race jusqu'aux compressions budgétaires dans les domaines de la santé et de l'éducation.

Ensuite, bien sûr, il y a la coupure massive que représente le tarif du Nid-de-Corbeau. C'est venu comme un coup de massue. Au départ, on parlait d'une indemnisation de 6 milliards de dollars ou de 7 milliards de dollars, mais c'est tout à coup tombé à 1,5 milliard de dollars. Avant même d'avoir pu dire ouf, on a oublié cette indemnisation et on nous a dit que c'était exempt d'impôt et que nous pourrions le déduire de nos gains en capital quand nous vendrions notre ferme. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est insultant. Bon nombre des autres témoins ont déjà signalé quelles conséquences cela a eu pour notre exploitation.

Il faut aussi songer à la réforme fiscale. Demain à 11 heures, j'accompagnerai mon fils pour contresigner un emprunt qui lui permettra d'acheter une demi-section de terrain. Vous direz peut-être que je suis très courageux ou très stupide, mais mon fils veut être agriculteur et je vais donc devoir l'aider. Ce qui m'inquiète encore plus que le prix des denrées, c'est qu'il devra rembourser son emprunt alors que le dollar ne vaut que 60c. Après avoir payé l'impôt sur le revenu, la situation devient intenable. Contrairement à ce que pourrait dire Mlle Byers à Regina ou M. White en Ontario, il faut de l'argent pour maintenir une entreprise à flot.

Les Nations Unies ont déclaré que le Canada était l'un des meilleurs pays du monde où vivre, mais je sais que l'une des principales raisons à cela, c'est que les aliments coûtent moins cher. Cela représente 10 p. 100 ou 12 p. 100 du salaire moyen au Canada, ce qui veut dire qu'il reste 90 p. 100 pour autre chose. Ce n'est pas comparable avec ce que l'on voit dans les autres pays du monde. J'ai du mal à accepter que c'est moi qui paie la note pour cet honneur.

• 1845

Quand je songe à ce que j'obtenais pour mes céréales il y a 25 ans et à ce que cela coûte d'acheter un tracteur ou une automobile, j'ai l'impression d'être un magicien parce que j'arrive même à survivre.

J'ai eu la chance cette année de produire trois wagons et demi d'orge de brasserie. Je ne vais pas vous énumérer le coût pour l'élévateur, le camionnage, et ainsi de suite; d'autres en ont parlé déjà. Je voudrais cependant signaler une chose. Chaque boisseau d'orge de brasserie donne environ 300 bouteilles de bière. Cela fait 1 million de dollars pour un wagon d'orge malté. Faites un calcul rapide. Combien d'emplois cela peut-il créer? Combien d'impôt perçoit-on à tous les échelons? On perçoit de très lourds impôts sur l'alcool aux points de distribution, probablement surtout au niveau provincial. J'insiste là-dessus simplement pour montrer que le gouvernement doit comprendre que les agriculteurs contribuent énormément au PIB du Canada.

Je pourrais parler de la création d'emplois. J'ai entendu des chiffres aujourd'hui et j'en avais déjà entendu d'autres. Pour chaque dollar de produits agricoles, les retombées en emploi sont énormes.

Sur ma ferme, je dépense environ 150 000 $ par année en biens de consommation. C'est aussi avantageux pour l'économie.

Je voudrais dire une chose. Je n'ai aucune rancoeur envers les agriculteurs américains et européens. J'aimerais bien avoir comme eux des gouvernements prêts à appuyer l'agriculture comme ils le font. Ici même le printemps dernier, un commentateur agricole bien en vue a déclaré que des paiements à l'acre ne résoudraient pas le problème. Je peux vous dire pour ma part qu'il n'y a pas de solution unique au problème à une époque comme celle-ci. Si le gouvernement ne veut pas exercer d'influence sur le marché et ne veut pas non plus être injuste envers les agriculteurs qui innovent ou qui diversifient leurs cultures, que nous reste-t-il?

Je parle d'un système qui n'influe pas sur le marché parce que, quand j'ai fait partie de la commission spéciale d'appel sur les céréales dans les années 80, on tenait absolument à ne pas influer sur le marché. J'ai donc une question à poser à Lyle Minogue. Où est-il maintenant? Je serais tenté de m'esquiver. Il n'était pas d'accord pour avoir des paiements sélectifs.

Le président: Pas du tout, il était d'accord pour avoir des paiements sélectifs.

M. Jack Pick: Excusez-moi, il était d'accord.

Comment peut-on ne pas influer sur le marché et récompenser les agriculteurs? Il y a 10 ans, je cultivais uniquement du blé et je le moissonnais directement. Je ne faisais pas d'échange. Je n'avais pas besoin de le faire. Depuis, j'ai dû tout faire pour survivre. Je cultive toutes sortes de récoltes. Je fais des échanges. J'ai commencé à me servir de produits chimiques et d'autres nouveaux produits. Si je ne cultivais que du blé, je serais maintenant très bien placé pour recevoir de l'argent dans le cadre de l'ACRA. Je sais qu'il y en a dans ma région qui s'en tirent très bien et ils n'ont pas fait de pulvérisation contre les moucherons, ce qui les a aidés à recevoir des paiements.

Si l'on a un programme sélectif, cela risque d'éliminer les agriculteurs novateurs, dynamiques et progressistes.

Je voudrais dire une chose pour terminer. Je cotise à l'assurance-récolte pour essayer de me protéger contre les catastrophes. Le régime est tout à fait irréaliste. C'est impossible d'avoir de six à sept boisseaux l'acre de lin, de colza et de chaume. Ce n'est pas rentable.

Les deux échelons de gouvernement sont en partie à blâmer. Nous avons besoin d'une aide à court terme, mais il faut ensuite trouver le moyen de prévoir les problèmes d'avance au lieu d'attendre à la dernière minute, comme c'est le cas maintenant, pour essayer de mettre sur pied quelque chose en toute hâte. Nous devons élaborer un programme, l'instaurer et le maintenir. Le RARB a été supprimé il y a 10 ans et l'on n'a vraiment jamais essayé de le remplacer. Tout est resté en suspens jusqu'à maintenant.

Quelqu'un tout à l'heure a parlé de tout regrouper. Quand j'ai participé à cette commission spéciale d'appel sur les céréales, j'ai assisté à une réunion à Saskatoon. Je ne sais plus qui l'avait convoquée, mais tous les représentants étaient là, les éleveurs de porc, les éleveurs de bétail, les cultivateurs d'orge, de lin, etc. Quelqu'un a parlé de quelque chose qui s'appelait Grains 2000. Est-ce que vous avez entendu parler de cela?

Des voix: Oui.

M. Jack Pick: Je pense que le CSRN en a découlé. Mais dans cette proposition, on disait que tous les revenus liés à des exploitations agricoles, qu'il s'agisse de bétail, de céréales, de travail à façon, devaient être considérés comme une contribution d'un agriculteur qui serait égalée par une contribution du gouvernement. Ce montant serait versé dans la caisse où s'accumulerait un fonds de sécurité. Je pense qu'il faudrait peut-être revoir sérieusement ce programme.

Je vous remercie.

Le président: Merci, Jack.

Des voix: Bravo!

Le président: Nous avons juste assez de temps pour entendre Glen Seeman.

• 1850

Monsieur Seeman, vous avez environ sept minutes, donc faites pour le mieux.

M. Glen Seeman (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, il faudrait que je fasse changer mon nom pour avoir un nom qui commence par A ou B, ce qui me permettrait d'être entendu en premier et non pas en dernier à chaque fois.

Le président: Vous pourriez peut-être prendre ACRA.

M. Glen Seeman: ACRA, oui, c'est assez sinistre.

Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner la parole pour quelques instants.

Pour me présenter, je dirai que j'ai une exploitation agricole à 17 milles au nord d'Estevan. Mon épouse a été institutrice pendant 30 ans et vient de prendre sa retraite. C'est elle qui m'a permis de continuer à exploiter ma ferme. En fait, je me suis diversifié quand je l'ai épousée, car cela nous a permis d'avoir un autre revenu, et c'était une sorte de diversification.

On parlait tout à l'heure des gens qui travaillent en dehors de la ferme. Dans notre région en particulier, ce sont probablement 75 à 80 p. 100 des gens qui sont dans cette situation. Ou les agriculteurs ont un emploi à temps partiel, ou leurs épouses travaillent à plein temps pour leur permettre de payer les machines agricoles ou d'acheter éventuellement un peu de terre.

Avec tout le respect que je dois à notre premier ministre, il y a quelques semaines M. Chrétien a apparemment dit que le secteur agricole n'était manifestement pas en aussi mauvaise situation que nous le pensions. Il est évident qu'il n'était pas venu nous voir et qu'il n'avait pas assisté à ces réunions où les céréaliculteurs, comme nous l'avons constaté aujourd'hui, parlent de leur misère et de tout ce qui se passe dans le secteur agricole.

Dans un rapport de Statistique Canada du 2 décembre 1999, on lit que de janvier à septembre cette année, le cours du blé a baissé de 5,4 p. 100 par rapport à la même période l'année précédente; le cours du blé-dur a chuté de 22,9 p. 100, celui de l'orge, de 16,9 p. 100 et celui du canola, de 29,2 p. 100. Évidemment, dans le cas du canola, cette chute s'est encore aggravée, d'environ 40 p. 100 depuis la publication de ces statistiques.

Quand je regarde mes reçus d'élévateur, je constate qu'il y a 10 ans on me versait 4,36 $ par boisseau de blé, sans compter le paiement final. C'est ce que je touchais à l'élévateur à l'époque. Aujourd'hui, je ne reçois qu'environ 2,30 $ le boisseau.

Il y a 10 ans, le blé-dur me rapportait 4,69 $, et là encore sans parler du paiement final, ce qui n'était pas mal du tout à l'époque. Aujourd'hui, c'est 2,60 $ le boisseau. J'ajoute que si je veux racheter ce même blé-dur, catégorie 3, à la commission du blé, cela va me coûter 6,30 $, alors qu'on ne me paie que 2,60 $. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a quelque chose qui cloche dans nos chiffres.

Il y a 10 ans, l'essence me coûtait 34c le litre. Aujourd'hui, je la paie 65c. Le gazole a augmenté d'environ 50 p. 100 par rapport à il y a 10 ans.

Pas plus tard que la semaine dernière, on a dit dans une émission à la télévision qu'environ 20 000 agriculteurs allaient faire faillite au Canada—je ne devrais pas dire faire faillite, mais simplement disparaître d'ici l'année prochaine, lorsqu'il faudra semer, parce qu'ils n'auront pas les moyens d'acheter des semences. Ils vont disparaître. Ou ils vendront, ou ils feront faillite.

Toutes les statistiques que nous avons entendues aujourd'hui sont suffisamment inquiétantes, pas seulement pour moi, car je m'inquiète pour moi-même, mais je m'en sortirai probablement d'ici la retraite, mais aussi pour nos voisins. Il faut que nous pensions aux jeunes qui essaient de se lancer dans l'agriculture, aux enfants qui veulent se lancer dans ce domaine, à nos enfants, car eux aussi veulent devenir des agriculteurs. Comment pourront-ils survivre, comment pouvons-nous les aider? Comment assurer la relève?

Notre fils est mécanicien à Estevan, et il fait un peu d'agriculture aussi. Il vient nous aider le soir. Mais si je lui donnais ma terre, il ne pourrait pas acheter de machines usagées avec ce que nous touchons actuellement pour nos céréales. Il n'a aucune chance de réussir.

Je crois que les agriculteurs ont toujours été très optimistes parce qu'ils pensent toujours à l'année suivante. L'année prochaine, c'est toujours l'année où on va s'en sortir. L'année prochaine, les prix seront meilleurs. L'année prochaine, il y aura une récolte exceptionnelle. L'année prochaine, il n'y aura pas de parasites et nous ne serons pas obligés de dépenser 12 $ par acre pour pulvériser des insecticides. On disait toujours que ce serait mieux l'année prochaine. Mais pour certains agriculteurs, l'année prochaine, ce sera trop tard. Le rêve ne se réalisera plus.

• 1855

Il y a de nombreuses industries et de nombreux travailleurs dans ces industries, mais l'agriculture est la seule où l'on ne puisse pas intégrer le coût de production dans le prix de la denrée qu'on vend, et c'est ce que nous devrions avoir. Il nous faut un coût de production. Nous devons pouvoir inclure ce montant pour être en mesure de payer nos dépenses et d'avoir encore un petit quelque chose en plus pour être en mesure de mener une vie à peu près décente et d'avoir une petite retraite en ayant le sentiment d'avoir gagné un tout petit peu d'argent.

J'ai lu une devise il y a des années dans un magasin. C'était assez amusant, et je m'en suis souvenu, et c'est une devise qui s'applique bien à nous aujourd'hui. Elle disait: «Nous les récalcitrants, sous la direction des incompétents, après avoir fait tant de choses avec si peu, nous essayons maintenant de faire l'impossible avec rien». C'est à peu près là que nous en sommes.

Je pense que les agriculteurs ont à peu près atteint leur niveau d'efficacité maximum. Tout le monde vous a expliqué aujourd'hui comment nous essayons de réduire nos coûts. Nous avons essayé de diverses façons de produire pour moins cher. Nos enfants ou notre épouse sont allés travailler en dehors de la ferme et nous avons fait tout ce que nous pouvions, mais nous avons tout de même besoin d'un petit bénéfice pour pouvoir transmettre notre exploitation à la génération suivante.

Comment faire? Je ne voudrais pas que ce soit un versement dans le cadre de l'ACRA ou de quelque chose d'analogue, car nous ne sommes pas admissibles et nous n'y serons pas admissibles l'année prochaine. Je sais que beaucoup de mes voisins n'y seront pas admissibles non plus. Nous ne voulons donc pas que ce soit ce genre de choses. Ce qu'il nous faut c'est quelque chose qui nous permettra d'assurer la transition jusqu'à ce que nous ayons un plan qui apportera une solution à long terme pour permettre aux agriculteurs de survivre dans l'Ouest, et pas seulement dans l'Ouest, mais dans la totalité du Canada, car je crois qu'il faut voir la question à l'échelle du Canada tout entier.

Je sais que nous avons entendu beaucoup de propositions ici aujourd'hui, mais ce qu'il nous faudrait entre autres, selon moi, c'est sans doute un prix plancher ou, comme quelqu'un d'autre l'a dit, une forme quelconque de revenu garanti. Il nous faut quelque chose à long terme afin que nous sachions d'avance ce que nous rapportera notre exploitation l'an prochain. Je ne peux pas survivre sans savoir ce que je vais toucher l'an prochain. Je pourrais ne toucher qu'une rémunération partielle. Les salariés n'accepteraient pas une rémunération partielle. Si le patron disait: «Vous pouvez travailler pour moi pendant toute l'année, puis nous verrons à la fin de l'année ce que j'ai réalisé comme bénéfices et, s'il n'y a pas eu de bénéfices, je ne vous paierai que la moitié de votre salaire», ce serait la révolte. Il nous faut donc avoir quelque chose de ce genre en place.

En conclusion, je voudrais vous parler sur un ton un peu plus personnel.

Mes grands-parents ont immigré ici depuis l'Europe de l'Est. En fait, mon grand-père est venu ici juste avant la Première Guerre mondiale et ma grand-mère a été amenée ici par la suite. Mes grands-parents et mes parents m'ont parlé de certaines des difficultés et de la misère qu'ils avaient connues dans les années 20 et 30. Malgré tout, ils ont toujours été reconnaissants de pouvoir vivre au Canada.

Je suis fier d'être de cette lignée. Je suis en fait d'origine allemande, mais mes parents ne sont pas venus d'Allemagne, mais bien de la Pologne. Tout au long des années de misère qu'ils ont connues—j'ai noté un certain nombre de choses ici—, ils nous ont toujours appris à avoir confiance en Dieu, à valoriser le travail, à être reconnaissants de pouvoir vivre dans un pays comme le Canada et à être toujours francs et honnêtes dans nos rapports avec les autres. Ce sont des valeurs que je respecte et que j'apprécie.

Nous faisons de notre mieux pour vivre conformément à ces valeurs, mais malgré toutes les difficultés qu'ils ont connues, mes grands-parents et mes parents ont quand même pu transmettre à leurs descendants, à moi et à leurs petits-enfants, le feu sacré de la vocation agricole ainsi qu'une part de la ferme familiale.

Je vous dis simplement que j'aimerais pouvoir faire de même. Je voudrais pouvoir transmettre ce patrimoine à mes enfants et à mes petits-enfants pour qu'ils puissent continuer à travailler la terre comme nous l'avons fait. Je ne sais pas si nous pourrons le faire tous seuls. Nous avons besoin de votre aide, et nous avons besoin de l'aide du gouvernement. Les temps sont durs et nous avons besoin de votre aide.

Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le président: Nous avons entendu aujourd'hui des témoins très éloquents. Je tiens à présenter nos excuses aux trois ou quatre agriculteurs qui voulaient témoigner; nous n'avons tout simplement plus de temps.

• 1900

Avant que nous ne partions, je voudrais prendre quelques secondes pour demander à tous ceux qui sont dans l'auditoire de lever la main pour indiquer s'ils préfèrent un programme sélectif qui viserait les agriculteurs dans le besoin ou un programme universel qui viserait tous les agriculteurs, sans égard à leur situation financière.

Combien parmi vous sont en faveur d'un programme sélectif? Je vois qu'environ cinq personnes lèvent la main.

Combien sont en faveur d'un programme universel? Il n'y a aucun doute. La majorité des personnes présentes lèvent la main.

Sur ce, je tiens à vous remercier sincèrement. Ce fut un honneur de venir vous rencontrer ici à Estevan. J'aurais voulu que les circonstances soient meilleures, mais nous vous sommes très reconnaissants d'être venus nous rencontrer.

La séance est levée.