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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 16 novembre 1999

• 0908

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia)): La séance est ouverte. Collègues, nous poursuivons notre étude conformément à la motion adoptée il y a plus d'une semaine.

Aujourd'hui, nous allons examiner ce que l'on pourrait appeler le financement agricole, et plus particulièrement l'aspect endettement. Nous aimerions mieux comprendre la situation des agriculteurs des Prairies.

Nous avons le bonheur d'accueillir parmi nous aujourd'hui des représentants de la Banque royale ainsi que de la Société du crédit agricole. J'avais espéré que nous puissions entendre également un représentant du mouvement des caisses de crédit, mais cela n'a apparemment pas été possible pour aujourd'hui, principalement à cause d'une réunion d'Agricore qui est en train de se dérouler quelque part en Saskatchewan. Je trouve cela décevant.

Nous sommes très heureux d'accueillir des porte-parole de la Banque royale et de la SCA. Je suis certain qu'ils pourront nous dresser un bon portrait de la situation telle qu'elle existe à l'heure actuelle.

Je propose que l'on commence avec M. Ryan, de la Société du crédit agricole. Cela vous convient-il, monsieur Ryan?

M. John Ryan (président-directeur général, Société du crédit agricole): Tout à fait, monsieur le président.

Le président: Nous passerons ensuite à M. Murphy, de la Banque royale.

M. John Ryan: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci d'être revenu nous voir, monsieur Ryan. Allez-y, je vous prie.

M. John Ryan: Très bien. Si j'ai bien compris, je dispose d'une dizaine de minutes environ pour faire mes remarques liminaires, après quoi nous passerons aux questions.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

[Français]

Bonjour à tous et à toutes.

[Traduction]

J'aimerais, avant d'entrer dans le vif du sujet, vous présenter M. Marshall Stachniak, vice-président national du financement agricole, et M. Jacques Lagacé, directeur national des relations gouvernementales, qui a son bureau ici, à Ottawa.

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'offrir cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de l'examen de vos initiatives destinées à appuyer une croissance stable dans le secteur agricole. Si j'ai bien compris, vous m'avez invité ici aujourd'hui afin que nous puissions vous soumettre nos observations et vues relativement à la situation de l'agriculture à l'heure actuelle, y compris la crise qui touche les céréaliculteurs des Prairies. Je crois savoir que vous suivez de très près la situation et que vous êtes tout comme nous préoccupés par son incidence sur les agriculteurs. Marshall et moi-même discuterons des mesures prises par la Société du crédit agricole pour aider ses clients à traverser cette période très difficile.

• 0910

Quand on parle de l'état de l'économie agricole, on parle d'une industrie qui est présente dans diverses régions géographiques ainsi que dans différents secteurs de l'économie, certains prospères, d'autres qui éprouvent des difficultés que nous espérons temporaires.

Comme vous le savez, traditionnellement, l'agriculture, a aussi été une industrie cyclique. Toutefois, elle se transforme rapidement et cette transformation aura sans doute une influence sur les cycles à venir. Des facteurs tels que la valeur ajoutée, la diversification accrue et la concurrence sur un marché davantage mondial auront vraisemblablement une incidence sur les cycles futurs de l'agriculture.

Au cours de la dernière décennie, le secteur agricole a connu une forte croissance. Le revenu net agricole est passé de 2,8 milliards de dollars en 1994 à 3,4 milliards de dollars en 1997, et, pendant cette période, notre portefeuille est passé de 3,5 milliards de dollars à 4,7 milliards de dollars. Si la demande de prêts est un indicateur de l'état de santé de l'industrie, nous pouvons dire que l'agriculture a connu une certaine croissance au pays, et que le portefeuille de prêts de la SCA a suivi cette même tendance. Vous trouverez un examen plus détaillé de notre croissance à l'annexe A du document que nous vous avons fourni.

Nous prévoyons toutefois un ralentissement de la croissance de notre portefeuille pendant l'exercice en cours par rapport à l'exercice précédent, en raison, notamment, du fléchissement de certains secteurs de production importants.

Les prêts consentis cette année par la SCA accusent un retard d'environ 7 p. 100 par rapport au chiffre de l'an dernier. Nous avons consenti quelque 7 300 prêts pendant les sept premiers mois de l'an dernier, comparativement à 6 800 prêts pour les sept premiers mois de l'année en cours. Les deux secteurs qui affichent la plus forte baisse sur le plan des nouveaux prêts consentis sont les cultures commerciales, particulièrement en Saskatchewan et au Manitoba, et la production porcine. En outre, les prévisions relatives aux arrérages et aux revenus agricoles nets permettent d'entrevoir des difficultés à court terme.

Bien qu'elle soit particulièrement présente dans les secteurs traditionnels de l'agriculture, tels que les cultures commerciales, la production laitière et les bovins, la SCA oeuvre dans presque tous les secteurs agricoles. Plus du tiers de son portefeuille est constitué de prêts au secteur des cultures commerciales, qui englobe une vaste gamme de produits allant des fruits et légumes au blé. Le grain est la culture commerciale la plus touchée par la crise actuelle, et les arrérages dans ce secteur augmentent en raison de la faiblesse des cours des denrées et, dans certains cas, du mauvais temps.

Traditionnellement, les niveaux des arrérages servent à évaluer l'incidence des prix agricoles sur les rentrées de producteurs. Bien qu'il s'écoule toujours un certain laps de temps entre les événements survenus sur le marché et leur incidence sur les niveaux d'arrérages, ceux-ci demeurent malgré tout le meilleur indicateur dont nous disposons pour évaluer l'état de l'industrie.

Les arrérages des comptes de la SCA n'ont pas augmenté de façon marquée au niveau national au cours du dernier exercice, et nous croyons que cela indique que certains secteurs de l'industrie vont bien et que le portefeuille de la SCA est diversifié. Cependant, nous sommes conscients du fait que bon nombre de familles agricoles, des secteurs plus gravement touchés, notamment les céréales et le porc, ont de la difficulté à faire leurs paiements.

En effet, les niveaux d'arrérages de ces deux secteurs augmentent. Dans le secteur de la production porcine, comme vous le verrez au graphique C du document que nous avons distribué, le nombre des comptes en arrérages est passé de 227 en octobre dernier à 264 en octobre de cette année. Du côté des cultures commerciales, ce qui englobe les céréales, le nombre de comptes en arrérages a augmenté de plus de 400, allant de quelque 1 900 à 2 300.

Comme vous le savez également, l'automne et l'hiver derniers, les prix des produits de l'industrie porcine ont connu une baisse marquée et, bien qu'ils se soient raffermis depuis, ils demeurent volatils et certains producteurs éprouvent encore aujourd'hui des difficultés.

Les arrérages de la SCA pour ce secteur se chiffrent à environ 2,9 millions de dollars, soit une augmentation de 900 000 $ par rapport à la même période l'an dernier. Le fléchissement du secteur du porc a touché les producteurs partout au pays. Les pluies abondantes et les faibles prix ont, ce qui était prévisible, touché les producteurs céréaliers de la Saskatchewan et du Manitoba.

Fin octobre de cette année, le total de nos arrérages pour la Saskatchewan et le Manitoba avait augmenté pour atteindre près de 13,6 millions de dollars, comparé à 8,5 millions de dollars pour la même période l'année précédente.

Si l'on envisage le problème sous l'angle des clients ou des familles agricoles qui ont du mal à faire leurs paiements, le nombre de familles agricoles en situation d'arrérages est passé de 1 184 à environ 1 500, soit une augmentation de 28 p. 100 en l'espace d'une année. En guise d'illustration du nombre de familles qui ont du mal à faire leurs paiements, les arrérages, exprimés en dollars, accusent une augmentation d'environ 60 p. 100. C'est cette augmentation qui explique la hausse des arrérages au niveau national.

• 0915

Si l'on passe à l'étape suivante, on voit que les arrérages pour le grain comptent pour environ 10,6 millions des 13,6 millions dans les deux provinces. Vu que cela correspond à environ 80 p. 100 de nos arrérages, il est facile de voir où sont les principaux problèmes. Sur une note plus positive, de nombreux producteurs des Prairies ont eu des récoltes supérieures à la moyenne cette année, ce qui compensera peut-être dans une certaine mesure la faiblesse des prix.

En résumé, lorsqu'on se penche sur notre portefeuille national, les arrérages sont passés de 32 millions de dollars à la fin du mois d'octobre de l'an dernier à quelque 38 millions de dollars cette année. Les arrérages des clients sont passés d'environ 3 000 $ à 3 200 $. Les arrérages étant un indicateur retardé, il est raisonnable de supposer que nous continuerons de voir une certaine augmentation des arriérés, au moins à court terme.

Vous vous demandez peut-être, étant donné les remarques que je viens de faire, ce que fait la Société du crédit agricole pour aider nos producteurs primaires qui vivent ces difficultés. Cela fait quatre décennies, 40 ans, que nous travaillons avec les familles agricoles, peu importe le cycle économique. Nous agissons rapidement pour aider nos clients en difficulté. Pour les secteurs du porc et des céréales, lorsque nous voyons que les producteurs connaissent des problèmes particuliers du fait de faibles prix, ou lorsque des inondations viennent en fait aggraver leurs problèmes particuliers, nous communiquons avec eux.

En bref, nous voulons que nos producteurs réussissent, et je pense que nous pourrions résumer cela en un mot. Ce que nous nous efforçons de faire, dans toute la mesure du possible, c'est assurer la plus grande flexibilité dans nos relations avec nos clients.

Depuis l'automne dernier, nos conseillers en matière de crédit communiquent activement avec nos clients pour offrir de s'asseoir avec eux et de trouver des arrangements de financement de rechange. Nous avons également rencontré plusieurs des groupes agricoles et leur avons dit très clairement que nous aimerions qu'ils encouragent leurs membres à venir nous voir lorsqu'ils ont des difficultés ou lorsqu'ils en prévoient, afin que nous puissions les aider à les surmonter.

Notre personnel a accordé de nombreuses entrevues aux médias dans le but de joindre de cette façon nos clients. Nous avons travaillé fort afin de faire passer aux producteurs primaires touchés le message que nous leur tendons la main dans cette période difficile.

Par exemple, notre personnel en Saskatchewan et au Manitoba a communiqué avec la plupart des nos clients dont on s'attend à ce qu'ils connaissent des problèmes accrus de disponibilité de fonds, ce afin de discuter d'options de financement flexibles et d'élaborer des plans adaptés à leur exploitation. En d'autres termes, que l'on travaille en tandem. Ces initiatives ont débouché et sur le report du paiement du principal jusqu'à la fin de la durée du prêt et sur la restructuration des prêts.

Nous savons que les mois à venir seront difficiles pour nombre de nos clients, surtout en Saskatchewan et au Manitoba, et nous tenons à travailler avec eux pour élaborer les meilleures solutions au cas par cas, y compris le report du paiement du principal jusqu'à la fin de la durée du prêt ainsi que la restructuration des prêts.

Nous avons reçu de nombreuses communications de clients qui sont encouragés par notre compréhension et par les conseils pratiques que nous leur avons donnés pour les aider à traverser cette période difficile.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, je compte que ce bref aperçu vous aura permis de comprendre ce que nous voyons aujourd'hui dans le secteur agricole et la façon dont nous réagissons aux problèmes et préoccupations de nos clients. Nous continuerons de travailler avec nos clients pendant ce cycle, les aidant lorsque cela est faisable, et nous continuerons d'appuyer le secteur agricole canadien à travers ces différents cycles.

Merci beaucoup. Marshall et moi-même nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions, à moins que vous ne vouliez entendre d'abord la Banque royale.

Le président: Oui, nous entendrons d'abord la Banque royale.

Merci beaucoup, monsieur Ryan. Je pense que vos propos nous seront utiles. Je suis certain que les membres du comité auront beaucoup de questions à poser, mais nous allons d'abord donner la parole à M. Murphy et à ses collègues.

Merci d'être venu, monsieur Murphy. Vous avez la parole, et vous pourrez peut-être commencer par nous présenter votre collègue.

M. John Murphy (vice-président, Agriculture, Banque royale du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs. Merci de nous avoir invités à vous soumettre ce matin nos vues au sujet de l'économie agricole.

Pour vous situer un petit peu ma perspective personnelle, j'ai été le neuvième spécialiste agricole embauché par la Banque royale en 1971, alors j'ai moi aussi été témoin de nombreux cycles dans le secteur agricole. J'ai débuté ma carrière en Ontario, alors je comprends un peu mieux la situation dans l'est du pays. Je suis par ailleurs né et ai grandi dans une ferme à Lindsay, en Ontario.

J'ai d'autre part eu le bonheur, pendant 20 ans, d'être un Canadien de l'Ouest. J'ai passé neuf ans en Saskatchewan, et, y ayant vécu de 1980 à 1989, je pense que j'ai vécu une centaine d'années d'histoire de l'économie agricole.

Le président: Ce qui explique votre bonne mine. C'est tout ce soleil et tout ce beau temps.

M. John Murphy: Et je dirige depuis dix ans la division agricole de la banque, à partir de Winnipeg, au Manitoba, et tout récemment, la semaine dernière en fait, je suis devenu résident de Guelph, en Ontario.

J'aimerais cependant que Carlos Leitao, de notre division économique, vous explique comment il voit, de son point de vue d'économiste, le secteur agricole canadien, et je vous expliquerai par la suite certaines de nos récentes expériences avec des clients.

• 0920

M. Carlos Leitao (économiste supérieur, Groupe financier de la Banque royale, Banque royale du Canada): Merci, John.

Bonjour. Comme vous l'a dit John, je suis économiste à la banque. J'examine les conditions économiques provinciales, surtout des provinces de l'Ouest, et je suis donc de très près l'agriculture et les prix des denrées.

Ce que nous avons constaté au cours des 18 derniers mois environ, mais particulièrement des six derniers, c'est, si vous voulez, l'impossibilité pour les prix du grain de récupérer alors que les prix d'autres produits ont remonté. Le pétrole brut, les métaux, etc., se sont remis de la crise asiatique, du ralentissement de la croissance mondiale. Les prix agricoles, et surtout ceux du grain, n'ont pas récupéré et sont en fait demeurés très faibles, et à notre avis, ils le demeureront pendant au moins six à douze mois encore.

La question est de savoir pourquoi. Pourquoi les prix du grain et tout particulièrement ceux du blé sont-ils si faibles à l'heure actuelle? Je pense que nous sommes en présence d'une chose dont nous avions pensé qu'elle avait disparu, mais qui est en fait toujours là, c'est-à-dire les subventions à l'exportation des deux principaux joueurs, soit les États-Unis et l'Europe. Nous avions pensé, après le Cycle de l'Uruguay, qui a été un processus fort laborieux, avoir réglé cela ou en tout cas avoir minimisé l'incidence. Et les choses ont fonctionné pendant que les prix étaient très forts au début des années 90. Mais lorsque les prix ont commencé à décliner, alors toutes ces gentilles ententes ont commencé à ne plus fonctionner et c'est ainsi que nous nous retrouvons dans une situation dans laquelle nous sommes confrontés à des prix très faibles et que vient aggraver une résurgence de subventions à l'exportation pratiquées par l'Union européenne et de paiements d'appoint pour prêts par les États-Unis. Cela vient donc aggraver une situation qui était déjà mauvaise.

Au départ, il nous faut, comme cela a déjà été dit, accepter que l'agriculture est très cyclique pour ce qui est des prix du grain et que nous vivons les conséquences de très bonnes années sur le plan prix au début de la décennie, lorsque les prix du blé étaient très élevés. Par la suite, la production a augmenté dans le monde. En règle générale, lorsque l'offre augmente, l'on doit s'attendre à ce que les prix commencent à reculer, et c'est ce qui s'est produit. L'on se serait alors attendu à ce que la production commence à reculer partout dans le monde, étant donné la faiblesse des prix, puis les prix auraient remonté dans le cycle suivant. Cela n'est pas arrivé. Nous avons eu de très bonnes récoltes au Canada, et cela a également été le cas en Europe et aux États-Unis. La production d'ensemble est donc demeurée très élevée, les stocks sont considérables et les prix sont bas. Ajoutez à cela les subventions à l'exportation, et cela donne une situation qui sera très difficile pendant six à douze mois encore, selon nous. Nous n'entrevoyons pas de récupération majeure des prix du grain pour un bon moment encore.

Je vais m'arrêter là pour l'instant.

M. John Murphy: Nous avons beaucoup appris au cours du dernier cycle négatif, dans les années 80, quant à la nécessité de balayer l'idée que la valeur nette doit être un facteur dans la décision de consentir ou non un prêt. Nous nous sommes plutôt appuyés très fortement sur les réserves liquides et la possibilité de servir la dette. Et, pour être en mesure de faire une telle évaluation, nous avons un critère selon lequel les agriculteurs qui empruntent plus de 100 000 $ doivent nous fournir des états financiers du couru qui nous permettent de faire les genres d'évaluations économiques, compte par compte, qui sont nécessaires pour conseiller nos clients et les aider à résister aux aléas du secteur.

L'autre question est qu'avec l'acquisition de Dominion Securities, nous avons maintenant une équipe qui travaille avec nos clients pour les aider à comprendre l'utilisation et la valeur des opérations internes et des options en tant qu'outils de gestion des risques. Il n'y a aucun doute dans mon esprit qu'il y a des familles agricoles en situation de crise financière, mais si vous définissez une crise comme étant l'état futur de la capacité de la communauté agricole canadienne de produire de la nourriture, alors je ne suis pas du tout convaincu que l'on puisse parler d'une crise dans ce contexte-là.

En tant qu'illustration de l'examen statistique, j'ai assisté à une réunion il y a deux semaines aux États-Unis: j'étais assis à la table avec mon homologue de la Bank of America, des représentants du système de crédit agricole américain, de John Deere Finance et de Pioneer Hi-Bred Finance, et nous nous sommes tous posés la même question. Nos portefeuilles se portent à peu près tous de la même façon, c'est-à-dire très bien. Nous sommes tous de la même génération et nous nous souvenons qu'en 1982 nous aurions dit la même chose: ce n'est pas si mal que cela. Cependant, il s'agit là d'un groupe de prêteurs en Amérique du Nord qui représente 77 milliards de dollars en prêts, et nous en sommes arrivés à la conclusion que les circonstances qui existent aujourd'hui sont entièrement différentes de celles des années 80, et que nous étions très à l'aise face à la durabilité de nos clients et à notre capacité de continuer de les soutenir.

• 0925

Pour revenir au scénario canadien, la Banque royale prête de l'argent à 57 000 agriculteurs. Fin septembre, nous affichions, pour ce groupe d'agriculteurs, des prêts non remboursés de 4,5 milliards de dollars. Là-dessus, il y en a pour 55 millions de dollars en prêts dits en souffrance, c'est-à-dire des prêts pour lesquels nous n'avons pas reçu de paiements depuis plus de 90 jours, et ces prêts intéressent 760 clients. Comparez cela à la situation en 1998, lorsque nous avions des prêts en souffrance de 45 millions de dollars consentis à 671 clients, et à celle de 1997, où nous en avions pour 45 millions de dollars en prêts correspondant à 592 clients.

La tendance est donc à la hausse, mais en ce qui concerne les montants par rapport au portefeuille bancaire d'ensemble, il est presque utopique d'avoir un portefeuille de prêts de cette envergure et d'avoir un si petit volume de prêts en souffrance. L'augmentation de 1998 à 1999 peut être attribuée à deux ou trois gros comptes agricoles intégrés.

Je pense que ce qui est tout particulièrement intéressant est ce qui est arrivé en Saskatchewan et au Manitoba. Au Manitoba, nous en avions pour 1,7 million de dollars en prêts en souffrance en 1997. Aujourd'hui, nous en avons pour 1,9 million de dollars en prêts en souffrance consentis à 58 clients. En Saskatchewan, l'économie a été davantage axée sur le grain, ce qui a posé problème au fil du temps. En Saskatchewan, nous en avions pour 26 millions de dollars en prêts en souffrance en 1997 et pour 27 millions de dollars en 1998, ce pour 350 clients. Vous voyez donc que de nos 760 clients agriculteurs en situation d'arriérés, près de la moitié se trouvent en Saskatchewan, et, comme l'a mentionné Carlos, cela peut être imputé aux prix du grain.

Un autre exemple qui illustre bien notre position nous est offert par la région de M. Borotsik, qui a été dévastée par des inondations au printemps dernier: nous sommes allés voir chacun de nos clients dans cette région et leur avons offert de reporter pendant des années s'ils le voulaient, tous les paiements de remboursement de principal. Huit de nos clients ont accepté notre offre. Voilà le genre de choses que nous pouvons faire pour les agriculteurs.

Chaque année pendant ma carrière de 26 ans en tant que banquier agricole, une région du Canada a été dévastée par des inondations, la sécheresse ou une autre catastrophe, ou encore un sous-secteur agricole s'est trouvé en difficulté. Il nous faut donc chaque année décider de la façon de traiter avec les agriculteurs qui se débattent avec des problèmes. Nous avons dans notre trousse un certain nombre d'outils financiers: report de paiements de remboursement de prêts, étalement du remboursement sur une période plus longue...

Notre but est de faire en sorte que nos clients réussissent. Nous faisons sonder nos clients par Angus Reid dans le but de déterminer leur niveau de satisfaction, et nous avons ainsi appris que 12 p. 100 d'entre eux ne sont pas très satisfaits de nous mais que 75 p. 100 sont ou extrêmement satisfaits ou très satisfaits de nous. Nous sommes donc plutôt fiers de notre bulletin.

Avec le critère de garantie que nous avons mentionné, il est des agriculteurs qui ne seraient pas admissibles à un prêt de la Banque royale, et je devine que nombre d'entre eux appartiennent aux secteurs qui connaissent à l'heure actuelle des difficultés. D'aucuns pensent que nombre d'entre eux ont accumulé des dettes très coûteuses sur leurs cartes de crédit et des sociétés agro-industrielles d'amont commencent, elles aussi, à allonger des crédits conséquents. Je pense donc qu'il y a un groupe d'agriculteurs qui ne seraient pas admissibles en vertu de nos normes de garantie et qui vivent une situation financière beaucoup plus difficile que celle correspondant au portefeuille que je vous ai exposé ici aujourd'hui.

Voilà, en gros, la façon dont nous voyons les choses. Je pense qu'il y a des agriculteurs qui vivent une période difficile, mais il y a des agriculteurs qui, en dépit des défis qui marquent notre époque, se débrouillent très bien. Les économistes appellent cela une distribution bimodale; l'on voit cela dans le secteur agricole, et à mon sens, cela ne cesse de s'accentuer.

Le président: Merci, monsieur Murphy.

Avant de passer aux questions, auriez-vous, monsieur Murphy, étant donné votre connaissance de la situation financière sur le terrain, un avis quant à l'efficacité de l'ACRA?

M. John Murphy: Je pense que l'ACRA est le bon outil pour l'époque, mais j'estime qu'il n'arrive même pas à la cheville du programme CSRN. Le programme CSRN était très bien implanté dans la communauté agricole pendant les années grasses, et pour les genres d'agriculteurs dont je parle, qui ont maintenu leur liquidité, le CSRN les a encouragés à améliorer encore la liquidité de leurs avoirs en vue de se préparer pour le cycle à la baisse dans l'agriculture.

• 0930

Je suis un farouche défenseur du programme CSRN. Nous avons consacré des centaines de milliers de dollars à faire de la publicité et de la promotion pour le programme CSRN auprès de nos clients, leur disant qu'ils devraient y adhérer. Il est beaucoup plus facile pour eux d'avoir des comptes CSRN que pour nous de traiter seuls du problème.

À mon avis, si le programme CSRN fonctionnait parfaitement, l'on nÂaurait pas besoin de l'ACRA. Mais l'ACRA offre peut-être la possibilité de boucher les trous.

Le président: Comment expliquez-vous alors l'étiolement des critiques visant l'ACRA?

M. John Murphy: Le défi est que le Canada compte environ 70 000 agriculteurs qui affichent chaque année des revenus bruts de plus de 100 000 $ et qui produisent environ 80 p. 100 de toute la nourriture produite au Canada. Historiquement, dans les bonnes années, les marges de profit n'ont pas changé dans le secteur agricole. Elles sont d'environ 15 à 20 p. 100. Une personne qui avait donc des ventes de 100 000 $ il y a 30 ans, réalisait un profit de 15 000 $. Cela allait loin. Les prix des denrées n'ont pas changé en 30 ans, même pendant les bonnes années. Vous avez donc le même agriculteur avec la même ferme et des dettes relativement faibles, mais ces 15 000 $ n'iront pas très loin aujourd'hui.

Même pendant les bonnes années, les 3 p. 100 de cet agriculteur avec le revenu net de 15 000 $ n'ont pas donné lieu à une très grosse accumulation dans son compte CSRN. Le CSRN n'est donc pas très intéressant pour ces gens-là. Avec des ventes brutes de 100 000 $, vous êtes trop gros pour être petit et trop petit pour être gros. C'est lourd de faire tourner une exploitation comme cela. Vous n'avez pas assez de temps pour travailler à temps plein à l'extérieur de la ferme, mais votre exploitation n'est pas suffisamment grosse pour assurer le bien-être de votre famille, même dans une bonne année.

De la même façon, avec l'ACRA, même si vous avez eu trois merveilleuses années à 20 000 $ chacune et que survient tout d'un coup une mauvaise année, le paiement maximal à une personne en vertu de l'ACRA ne va pas, même dans le scénario parfait, se chiffrer à grand-chose.

L'échec perçu de l'ACRA réside donc dans l'identification de ce que j'appellerais la question socio-économique dans le Canada rural. Il se passe la même chose aux États-Unis, où il y a des agriculteurs qui étaient viables il y a 20 ou 30 ans, qui n'ont pas changé et qui ne sont plus viables dans l'environnement économique d'aujourd'hui. Ils ne sont plus concurrentiels si on les compare à leurs voisins. Voilà, en gros, quelle est la situation. Ils ont mon âge ou plus, et ils ne sont pas non plus très désireux de s'agrandir. Ils sont donc en quelque sorte pris au milieu. Je pense pouvoir cerner le problème, comme d'autres l'ont fait, mais je suis un peu plus lent à trouver une solution.

Le président: Merci beaucoup. Vous nous avez donné beaucoup matière à réflexion.

Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par l'opposition officielle. Je pense que c'est M. Ritz qui va commencer, pour sept minutes.

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, d'être venus comparaître devant nous aujourd'hui. Nous nous débattons tous bien sûr pour trouver les réponses et celles-ci ne viennent jamais assez vite.

Monsieur Murphy, sur la feuille que vous nous avez remise, vous parlez strictement des hypothèques. Ces chiffres ne comprennent pas les marges de crédit, les prêts d'exploitation...

M. John Murphy: Oui, il s'agit de l'agriculture, y compris les hypothèques totales sur une vie. Il s'agit de notre portefeuille total de prêts aux agriculteurs au Canada.

M. Gerry Ritz: Vous parlez donc des marges de crédit consenties aux agriculteurs, des frais d'exploitation, de tout.

M. John Murphy: Oui.

M. Gerry Ritz: Les chiffres pour la Saskatchewan, les chiffres pour ceux qui sont en difficulté là-bas, correspondent en gros à la moitié du total national.

M. John Murphy: Oui.

M. Gerry Ritz: Cela ne signifie-t-il pas que la Saskatchewan est vraiment plongée dans cette crise? Vous dîtes que l'agriculture n'est pas en crise parce qu'il y aura toujours quelqu'un pour produire la nourriture, mais l'on parle d'un grave problème en Saskatchewan.

M. John Murphy: Nous avons 15 000 clients en Saskatchewan; les prêts de 350 d'entre eux sont en souffrance. Je ne qualifierais pas cela de crise.

M. Gerry Ritz: C'est sans doute une situation de crise pour ces 350.

M. John Murphy: Même la plupart d'entre eux... Peut-être parce qu'ils sont dans le sud-est de la Saskatchewan et qu'ils n'ont pas planté au printemps, ils sont en situation d'arriéré tout simplement parce qu'ils n'ont pas de disponibilités de caisse, mais nous avons confiance dans leurs capacités de gestion et nous appuierons la plupart d'entre eux jusqu'à ce qu'ils s'en sortent. D'après nos prédictions, rares seront ceux qui perdront leur exploitation par suite de la situation qu'ils vivent à l'heure actuelle. Toutefois, si Carlos a tort et que les prix du grain restent bas pour une période de temps plus longue, alors la crise viendra menacer chacun de ces agriculteurs.

M. Gerry Ritz: Mais la crise à laquelle nous nous trouvons confrontés en Saskatchewan est due au fait que l'an dernier nous avons réussi à planter et nous avons réussi à récolter, et la quantité est donc là, mais la qualité n'y est pas. Les prix sont toujours faibles, alors tout le monde se trouvera quand même confronté à des pertes nettes. Comment peut-on aller expliquer les choses aux gens et leur dire: «Écoutez, les choses ne vont pas aussi mal que vous le pensez. Le premier ministre a de nouveaux chiffres»?

Vous avez des chiffres formidables, mais ce ne sont pas des chiffres qui remboursent le banquier et qui paient la nourriture que vous mettez sur la table. Comment peut-on retourner les voir et leur dire: «Votre fardeau d'endettement est normal; le même problème survient aux États-Unis»? Comment peut-on leur vendre cela? Vous allez prolonger la période de remboursement, et c'est très bien, mais comment va-t-on faire l'an prochain? Je ne pense pas qu'on ait encore touché le fond.

• 0935

M. John Murphy: Pour certains agriculteurs, c'est une crise. Chaque année pendant ma carrière longue de 26 ans je suis allé sur des fermes et j'ai discuté avec les familles de ces mêmes situations.

Ce que nous pouvons faire pour ces gens c'est les encourager à aller voir leur banquier. Les gens ne dorment plus la nuit, inquiets qu'ils sont de ce que leur banquier va faire et dire.

Le printemps dernier, à cause de problèmes dans certaines régions, nous avons insisté pour que, pour tous les agriculteurs en situation d'arriéré—et nous ferons la même chose cette année-ci—l'examen soit fait avant la fin du mois de décembre afin que nous puissions commencer à travailler avec eux à temps et les rassurer quant à ce que nous pourrions ou ne pourrions pas faire. Chaque année, certaines petites régions en Saskatchewan vivent une sécheresse totale, avec des récoltes nulles. Nous nous occupons de ce genre de choses chaque année. À cause du scénario côté prix et de la piètre qualité de la récolte, cette année, le problème est un petit peu plus gros sur le plan chiffres et régions touchées.

Nous pouvons nous asseoir et établir un plan avec chaque client, montrant comment nous le voyons s'en sortir. S'ils connaissent une année vraiment mauvaise, ils ne récupéreront pas tout de suite même si l'année suivante est parfaite. Ce qui nous intéresse est de voir comment ils vont pouvoir s'en remettre au fil des cinq années suivantes. C'est là la question: il faut obtenir que les agriculteurs parlent tout de suite à ceux qui leur ont avancé des prêts afin qu'ils puissent arrêter de s'en inquiéter et mettre en place un plan pour corriger la situation.

Lorsque j'étais banquier, ce qui était le plus cruel c'était d'accorder cette «année de plus» dans ce genre de situation, lorsque vous saviez, au fond de vous-même que cela n'allait jamais aboutir. S'asseoir et convaincre votre client que son exploitation est dans une situation financière irrécupérable, mais lui montrer qu'il peut s'en sortir, conserver un peu de son avoir et passer à autre chose... Je pense que les banquiers ne devraient pas éviter ce genre de conversation. Nous espérons toujours que les choses s'arrangent. Mais dans certains cas, nous avons été cruel en n'aidant pas nos clients à voir la réalité de leur situation. Je pense que c'est là l'un des plus gros défis qui se posent à l'heure actuelle dans le cas de certains des plus durement touchés.

M. Gerry Ritz: Monsieur Ryan, j'ai aimé votre déclaration. J'ai l'impression que la Société du crédit agricole a retrouvé son coeur. Au départ, le mandat de la Société du crédit agricole était axé sur des prêts fonciers à long terme, étalés sur 30 ans, avec de faibles taux d'intérêt, etc, sur lesquels les fermiers pouvaient compter, à partir desquels ils pouvaient établir leur budget et leurs projets. Cela a disparu. Vous êtes encore un autre gros prêteur, à toutes fins pratiques, une autre banque. Vous vous êtes intéressés aux maisons, aux étables, et ainsi de suite. Les partenariats que vous établissez avec de gros groupes, en vous intéressant à la construction de terminaux et d'installations pour le bétail et pour la transformation à valeur ajoutée sont formidables. Je pense que l'avenir de l'agriculture réside dans la réalisation dans les Prairies du travail à valeur ajoutée; c'est là qu'il nous faut voir ces activités menées.

Le problème que j'ai avec la Société du crédit, c'est votre copain là-bas, Agri-Land. Serait-il possible pour nous d'établir un contact gouvernemental chez Agri-Land, la Société du crédit ou autre, de telle sorte que nous autres, députés puissions téléphoner pour court-circuiter les appels et récupérer un dossier lorsque nous en avons besoin? À l'heure actuelle, on nous renvoie d'une personne à l'autre et c'est terrible. Nous vous téléphonons, et vous dites que c'est Agri-Land. Nous téléphonons à Agri-Land et ils répondent qu'il faut retourner là-bas. Nous tournons en rond. Je comprends la frustration que ressentent nombre de nos électeurs agriculteurs. S'agit-il là d'une chose que nous pourrions envisager dans le court terme? La situation va aller s'aggravant.

Je dirais que notre impression est qu'Agri-Land est très dure. Elle détient certains des rachats à 14 fois la valeur de l'évaluation, alors qu'il est certain qu'une banque ne va pas vous prêter pareille somme. Personne n'a eu le temps de mettre de l'argent de côté pour verser des acomptes de rachat. Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire pour assouplir un petit peu cette position?

M. John Ryan: Je pense qu'il y a de nombreuses réponses aux questions que vous posez. J'aimerais commencer par répondre à l'une de vos questions clés: peut-on avoir nommer une personne d'avant- front? La réponse est oui, certainement.

M. Gerry Ritz: Très bien.

M. John Ryan: Ce serait soit Dan Bergen soit Darren Bly. Nous pourrions peut-être parler après de la question de savoir quelle personne conviendrait le mieux.

Je pense que si vous regardez la situation d'Agri-Land dans son entier, il y a eu beaucoup de discussions au sujet du sort des baux qui arrivent à expiration fin novembre. Nous avons entendu différents chiffres tout au long de la période, mais 800 environ doivent expirer fin novembre. Un peu plus de 500 agriculteurs ont déjà fait des arrangements pour en fait racheter les terres. Il nous faut remonter à l'année 1994, lorsqu'environ 1 100 acres relevaient du contrôle d'Agri-Land. Le total est aujourd'hui inférieur à 500. Sur les quelque 800 baux qui arrivent à expiration, plus de 500 ont déjà été réglés. Il y en a quelque 400 qui vont arriver à expiration l'an prochain, et 20 p. 100 des intéressés ont déjà fait des arrangements en vue d'acheter l'an prochain.

• 0940

Ce que nous essayons de faire depuis le premier jour chez Agri-Land c'est retourner ces terres au propriétaire original. À ce jour, environ 75 p. 100 de tout ce que nous avons vendu est retourné à l'agriculteur original. Cette année, nous nous sommes efforcés de faire de notre mieux pour faciliter la revente de ces terres aux propriétaires originaux.

Nous avons créé un programme de prêt spécial destiné à ne rien faire d'autre qu'aider ces fermiers qui sont intéressés à acheter. Nous avons réduit le montant du versement initial que nous exigeons. Il est possible de faire compter le loyer versé la première année ou cette année-ci dans le versement initial. Nous avons payé les taxes. Nous nous assoyons en tête-à-tête avec l'agriculteur et lui disons: si vous avez de nouveaux renseignements selon lesquels le prix que nous cherchons à obtenir serait trop élevé, alors mettez-les sur la table et nous rajusterons notre prix en conséquence.

Je vous donne une longue réponse, mais je tenais à vous dresser un tableau plus complet de ce qui se passe à l'heure actuelle chez Agri-Land.

Pour en revenir à votre question initiale, nous serions très à l'aise avec l'idée de nommer quelqu'un, afin qu'il vous soit possible d'avoir ce contact direct.

M. Gerry Ritz: Merci.

Le président: Si les membres du comité sont d'accord, j'aimerais maintenant donner la parole à M. Borotsik, car il a un engagement à la Chambre. Si je n'entends rien de négatif, Rick, vous disposez de cinq minutes.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Merci, monsieur le président, et merci aux membres du côté du parti au pouvoir ainsi qu'aux députés de l'opposition de me laisser intervenir maintenant.

Une voix: Vous nous redevrez quelque chose.

M. Rick Borotsik: Très bien. Je sais, vous avez toujours été coopératifs.

J'aimerais commencer par vous remercier beaucoup, messieurs, d'être venus nous rencontrer.

Monsieur Ryan, comme je l'ai déjà dit, j'entretiens d'excellentes relations de travail avec les représentants de la SCA dans ma région. À mon avis, ces personnes ont toujours été très accessibles et très directes face à des situations très graves survenues dans ma région, à cause non seulement de prix des denrées mais également de catastrophes naturelles.

J'aimerais vous poser quelques questions. Vous avez mentionné certaines situations dans lesquelles vous pouvez être un peu flexible en matière de restructuration de la durée des prêts, de renégociation des prêts et d'octroi de prêts. Avez-vous envisagé des choses qui se trouvent peut-être à l'extérieur de la boîte? Avez-vous envisagé l'annulation des intérêts dus dans des cas de catastrophes naturelles par opposition aux cas de fléchissement de prix de denrées? Je sais que l'annulation d'intérêts n'est pas le propre de vos affaires, mais il existe certaines circonstances dans lesquelles je pense qu'il vous faudrait aller un petit peu au-delà des limites de la boîte. Vous est-il jamais arrivé d'envisager cela comme philosophie de la SCA, ce afin d'aider certaines personnes qui se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles?

M. John Ryan: Nous avons envisagé quantité d'options, y compris l'annulation d'intérêts. Mais, bien franchement, lorsque vous examinez cela du point de vue de notre mandat actuel, le principe est de fonctionner selon une formule de pleine récupération des coûts. Cela nous poserait donc quelques difficultés d'annuler les intérêts.

Pour en revenir à votre programme d'aide en cas de catastrophe, vous avez dit qu'il nous faire en sorte qu'il soit très facile pour nos clients de venir s'asseoir et discuter de leurs problèmes. Il n'est pas nécessaire que cela remonte par tous les échelons. Plus on remonte, plus il est difficile de contrôler les choses. Ce que nous avons donc fait c'est établir ce que nous appelons un programme de récupération en cas de catastrophe en vertu duquel les conseillers locaux en matière de crédit ont le pouvoir de prendre les décisions qui s'imposent pour les différents clients.

M. Rick Borotsik: Très bien. Monsieur Ryan, on ne m'accorde que cinq minutes, alors je vais vous poser plusieurs questions.

M. Murphy a dit qu'il peut se présenter des situations dans lesquelles vous vous assoyez et vous dites que le prêt en souffrance ou que l'exploitation ne sont plus viables. J'aimerais que vous nous parliez tout d'abord de cela. Cela se passe-t-il également dans le cadre de vos services triannuels de conseil en matière de crédit?

Deuxièmement, que constatez-vous à l'heure actuelle en ce qui concerne les valeurs des terres? La SCA a bien sûr une certaine expérience de cette question, étant donné que non seulement vous êtes propriétaires mais vous louez également. Trouvez-vous que les valeurs foncières, surtout au Manitoba et en Saskatchewan, sont en train de baisser? Dans l'affirmative, alors cela a certainement une incidence sur la situation financière de vos clients. Si les prix chutent, alors que faire? Les prolongements de délais ne sont qu'une solution provisoire.

M. John Ryan: Comme vous le savez sans doute, tous les six mois nous publions un récapitulatif des valeurs des terres agricoles sur la base des prix de vente des terres à l'échelle du pays. Les résultats du dernier examen sont sortis en juillet 1999. L'on a relevé à l'échelle du Canada une augmentation de moins de 1 p. 100, et au Manitoba et en Saskatchewan une très légère baisse d'environ un demi pour cent.

M. Rick Borotsik: Prévoyez-vous que cette tendance se maintienne? Je pense qu'elle se maintiendra, car la campagne agricole de 1999 n'a jamais eu lieu et l'an 2000 sera une année difficile. Les économistes nous l'ont déjà dit. Trouvez-vous que les valeurs des terres soient en train de reculer?

M. John Ryan: Pour revenir à votre question antérieure au sujet des baux d'Agri-Land etc., il n'y a pas eu de baisse très marquée. Bien sûr, si les prix du grain continuent de demeurer aussi bas qu'ils le sont, cela aura une certaine incidence. Nous n'avons pas encore, à ce stade-ci, tenté de prévoir quelle pourrait être cette incidence.

M. Rick Borotsik: J'aimerais, si vous le voulez bien, poser une question à M. Murphy. Je ne me souviens pas du chiffre, mais vous avez donné le pourcentage des agriculteurs qui produisent 70 p. 100 des aliments. Pourriez-vous me répéter ces chiffres?

• 0945

M. John Murphy: Selon les données les plus récentes de Statistique Canada, 68 000 agriculteurs affichent des ventes agricoles de plus de 100 000 $, et ont produit 77 p. 100 de toutes les denrées alimentaires produites au Canada.

M. Rick Borotsik: Il s'agit là d'un chiffre assez intéressant, et cela nous renseigne peut-être davantage sur l'agriculture qu'on ne le pense à priori.

Vous parlez du programme ACRA et vous dites qu'il est peut-être approprié et qu'il pourrait fonctionner en tant que troisième palier de défense, mais j'aimerais pousser les choses un petit peu plus loin. Vous avez quitté Winnipeg et vous êtes maintenant installé à Guelph. Est-ce là un signal que la Banque royale estime que l'agriculture est en train de changer elle aussi? Dans l'affirmative, sur le plan philosophique, comment la Banque royale envisage-t-elle l'avenir de l'agriculture rurale dans les cinq à dix prochaines années? C'est là votre travail monsieur Murray. Vers quoi voyez-vous l'agriculture tendre?

M. John Murphy: Nous avons une vision très positive de l'avenir de l'agriculture. Dans le cadre de mon travail, j'ai essayé de voir de quelle façon nous devrions servir cette industrie dans cinq ans. Il me faut m'occuper du quotidien.

En guise d'exemple de certaines des choses que nous faisons en prévision de l'avenir, M. David Kohl, qui est sans doute le spécialiste en financement agricole le plus respecté en Amérique du Nord, a accepté de se joindre à la Banque royale et cela fait déjà plusieurs mois de congé sabbatique qu'il passe chez nous. Nous avons chargé M. David Kohl d'inventer pour nous ce que nous avons appelé le centre de connaissances agricoles. Existe-t-il un meilleur moyen de communiquer des renseignements à nos clients, qu'il s'agisse de ceux qui sont en difficulté ou de ceux qui cherchent à s'agrandir?

Autrefois, si un agriculteur songeait à acheter la ferme voisine, il allait en discuter avec quelques-uns de ses voisins. Mais, vu les sommes dont il est question aujourd'hui, ce n'est pas toujours de l'avis de son voisin qu'il a vraiment besoin. Ce que nous envisageons donc c'est un site Web de haut niveau qui fournirait des réponses aux questions dont on sait qu'elles préoccupent les agriculteurs. Nous passerions ensuite au stade suivant en offrant une ligne de groupe de discussion permettant aux agriculteurs d'avoir accès à des experts partout dans le monde. Et le niveau suivant serait une ligne 1-800, permettant à un client qui construit une nouvelle porcherie près de Brandon d'appeler un expert en commercialisation au Danemark, un expert en ventilation en Australie et peut-être un généticien quelque part en Amérique du Sud.

Voilà le genre de choses que nous envisageons en vue de rehausser la barre et d'aider les agriculteurs canadiens à être concurrentiels.

Personnellement, je regrette d'avoir quitté Winnipeg.

Le président: Je peux comprendre cela.

M. John Murphy: Winnipeg a été mon chez moi pendant dix ans. Il ne faudrait pas déduire de ce déménagement que la banque diminue son engagement envers l'agriculture.

Au fur et à mesure que nous tendons vers une plate-forme davantage électronique... Je ne sais pas pourquoi les Lignes aériennes Canadien International sont en difficulté, car j'ai certainement dépensé ma part de l'argent de la Banque royale pour me rendre de Winnipeg à Toronto. Pendant que nous vivons ces changements...

À l'heure actuelle, 14 p. 100 de nos clients agriculteurs utilisent nos services bancaires par Internet, et encore 60 p. 100 comptent bientôt s'y mettre. Au fur et à mesure que ces systèmes s'établissent à la banque, il faut que je sois sur place plus souvent, ainsi que mon équipe, afin de veiller à ce qu'au fur et à mesure de l'élaboration de ces programmes, on y intègre une composante agricole. Il a donc été important pour moi d'être... Ils auraient voulu que j'aille à Toronto. La solution de compromis a été Guelph.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant dire au revoir à M. Borotsik.

Une voix: Les larmes aux yeux.

Le président: Si j'ai bien compris, il doit prononcer un discours à la Chambre à l'appui du gouvernement.

Des voix: Oh! oh!

M. John Murphy: Avant que M. Borotsik ne s'en aille, puis-je faire une autre observation au sujet du programme CSRN?

Le président: Oui.

M. John Murphy: J'ai assisté il y a deux semaines à la réunion de l'American Bankers Association tenue dans le Colorado. Y étaient réunis quelque 700 banquiers des États-Unis et du Canada, et pour illustrer comment l'on devrait procéder aux États-Unis, quatre intervenants ont cité le programme CSRN à titre d'exemple à suivre dans l'élaboration de leur futur programme de sécurité du revenu. Ils ne voient pas le paiement forfaitaire unique qu'ils versent comme étant une solution durable.

M. Rick Borotsik: Cela ne nous console guère, monsieur Murphy, car, bien franchement, ils versent des paiements forfaitaires uniques considérables. Ils peuvent dire une chose d'un côté, mais ils continuent, de l'autre, de donner. Cela ne nous console donc pas du tout.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer à M. Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bienvenue, messieurs.

John, vous parliez des compagnies aériennes. Je siège également au Comité des transports, et cela fait longtemps que nous nous intéressons aux compagnies aériennes.

J'ai vécu la crise agricole du début des années 80, et j'ai beaucoup appris à l'époque. Je pense que les banques ont appris à être prudentes dans le choix de l'endroit où l'on gare la voiture et à fermer les portières à clé.

Je regarde ce qui se passe en Saskatchewan. Entre 1997 et 1999, chaque année environ 29 agriculteurs se sont retrouvés en situation de prêt en souffrance. Vous en êtes arrivé aujourd'hui à 350. Parmi ces 350, vous allez bien sûr voir qui est arrivé à son maximum en matière de prêts d'exploitation et qui recourt maintenant à la minoterie pour avoir du crédit. Combien parmi ces 350 ne peuvent pas être sauvés?

• 0950

M. John Murphy: Je ne connais vraiment pas la réponse à cette question. Notre réserve pour pertes sur créances en 1999 s'élève à un tout petit plus de 2 millions de dollars, et il s'agit en gros d'un seul et même compte. Je dirais qu'au cours des cinq prochaines années, 10 p. 100 de ces gens-là échoueront. Ce ne sera pas cette année, ni l'an prochain.

Ce nombre a quelque chose de dynamique. Le fermier expédie du blé, se rattrape et se met à jour à compter d'aujourd'hui, puis retombe en situation d'arriéré dans six mois. Il sera peut-être en retard sur ses paiements pendant quelque temps, mais il paiera ce qu'il doit à son fournisseur. Par conséquent, à partir du moment où l'agriculteur est vraiment en difficulté, il peut jongler avec l'un et l'autre pendant trois ou quatre ans avant d'être véritablement acculé. C'est pourquoi j'ai dit qu'il nous faut aider l'agriculteur à faire face à la réalité plutôt plus tôt que plus tard...

M. Murray Calder: Je suis d'accord avec vous.

M. John Murphy: ...en vue ou de sauver la ferme, ce qui est la première priorité, ou, si le type quitte sa ferme, de lui conserver une partie de son avoir. Il est facile d'essayer d'être gentil, de le plaindre et de lui allonger quelques dollars de plus dans le cadre de son prêt d'exploitation pour qu'il survive pendant une année encore, mais dans certains cas, ce n'est pas du tout gentil de faire cela.

M. Murray Calder: Comme je l'ai dit, j'étais là au début des années 80. Je discute régulièrement avec des représentants de la SCA dans notre région. Je viens de Holstein, qui est juste à l'extérieur de Mount Forest, alors je sais où se trouve Lindsay.

Je dis de ces gens-là qu'il s'agit d'agriculteurs de boîte à chaussures. En gros, leurs aptitudes en matière de gestion pourraient être de beaucoup supérieures à ce qu'elles sont. Parmi ceux avec lesquels vous avez un problème à l'heure actuelle—même la SCA voudra peut-être se prononcer là-dessus—quel pourcentage d'agriculteurs devraient vraiment acquérir de meilleures aptitudes pour la gestion financière?

M. Marshall Stachniak (vice-président, Financement agricole, Société du crédit agricole): Je pense que le nombre ne cesse de diminuer, à un point tel qu'il est aujourd'hui petit.

L'autre partie de la réponse est que l'on n'a jamais suffisamment de compétences et de connaissances. Vous devriez attacher une attention toute particulière aux observations de M. Murphy relativement à l'établissement d'une ligne de discussion pour les agriculteurs, afin de leur permettre de recourir à des experts de partout en Amérique du Nord et dans le monde. Je ne sais trop si je réponds à votre question.

Je pense que les marges dans le secteur agricole ont affecté les compétences en matière de gestion des agriculteurs. Parmi les agriculteurs avec lesquels nous faisons affaire, je n'en ai vu aucun, ou presque, qui pourrait être qualifié de fermier de boîte à chaussures. Je pense que la plupart d'entre eux sont des gens avec très peu de dettes, comparativement aux agriculteurs qui affichent des dettes conséquentes.

M. Murray Calder: Il s'agirait d'une personne qui serait manifestement calée en informatique, en gestion et en comptabilité, qui ferait sa déclaration de TPS à chaque trimestre, etc.

M. Marshall Stachniak: L'on voit cela de plus en plus chez les agriculteurs d'aujourd'hui.

M. John Murphy: Si vous permettez que je réponde, le sondage Angus Reid que j'ai mentionné a révélé que 78 p. 100 des agriculteurs interrogés avaient des plans d'affaires annuels. Je devine que ceux qui n'en ont pas sont des clients à nous à long terme, avec un très faible fardeau d'endettement. Cela m'a étonné que 35 p. 100 utilisent contrats à terme et options comme outils de gestion du risque et que 79 p. 100 utilisent l'ordinateur dans la gestion de leur exploitation. C'est pourquoi je pense que le sens des affaires des agriculteurs d'aujourd'hui a des années-lumière d'avance sur ce qu'il était en 1985.

M. Murray Calder: J'aimerais revenir sur une déclaration que vous avez faite, John. Vous avez dit que si le compte CSRN fonctionnait bien, nous n'aurions pas besoin de l'ACRA. Qu'y a-t-il donc qui ne tourne pas bien, avec le CSRN? Comment faire pour l'améliorer afin de ne plus avoir besoin de l'ACRA?

Ma dernière question s'adresse à Carlos. Les négociations à l'OMC vont débuter à la fin du mois à Seattle. Les Européens ont leur clause de report. J'aimerais que vous nous parliez de la recherche qui a été faite là-dessus jusqu'ici. Il s'agit d'un scénario du genre «on s'en sert ou on le perd». Je suis d'accord avec M. Ritz sur ce qu'il a dit. Nous avons de faibles prix parce que d'autres pays subventionnent leur grain—cela est évident. J'aimerais savoir si vous avez fait de la recherche sur ce que font les Européens avec cette clause de report.

• 0955

M. John Murphy: Je ne sais pas si c'est la conception du programme CSRN ou bien la façon dont certains agriculteurs en ont profité. Certains agriculteurs, qui auraient pu le faire, n'ont pas maximisé leurs cotisations au compte de stabilisation du revenu net. Quelle autre possibilité auriez-vous pour un rendement de 100 p. 100 sur votre argent la première année? C'est une occasion phénoménale.

D'un autre côté, nous avons vu des agriculteurs qui ont des comptes CSRN de taille demander des prêts pour les aider à résister. Ils ont, on ne sait trop pourquoi, l'impression que ce n'est pas leur programme de sécurité du revenu, mais leur programme de retraite.

M. Murray Calder: Comme un REER?

M. John Murphy: Oui.

L'autre question—et je pense qu'il s'agit d'un aspect unique au CSRN—est qu'il leur faut tout d'abord retirer les fonds qui correspondent à la partie du gouvernement. Cela veut dire que ce sera imposé. Cela limite donc les sommes que les agriculteurs vont retirer de leurs comptes de stabilisation du revenu net. Ils ne retireront de l'argent que jusqu'à concurrence du seuil à partir duquel ils devront de l'impôt. Cet impôt est une désincitation à utiliser le CSRN comme cela avait été prévu au départ. Il s'agit là d'une opinion très subjective.

Maintenant que le CSRN est arrivé à maturité, il faudrait peut-être faire de la recherche de marché sur la perception qu'en ont les agriculteurs et sur la façon dont ils l'utilisent. Utilisent-ils ces fonds lorsqu'ils en ont besoin, ou bien craignent-ils de devoir payer davantage d'impôt? C'est la première fois qu'on demande vraiment au CSRN de livrer la marchandise. Jusqu'ici, il ne s'était agi que d'un gentil programme de dépôt. Nous devrions peut-être donc voir comment les gens s'en servent et comment ils en perçoivent l'utilisation.

Nous devrions également faire la promotion du programme CSRN. Le secteur céréalier, comme l'a dit Carlos, a tout un défi à relever. La plupart des autres secteurs, comme par exemple le secteur bovin, se sont améliorés. L'industrie laitière, la production porcine et ainsi de suite se débrouillent très bien. Le moment est donc venu de vérifier comment fonctionne le CSRN et peut-être d'utiliser ces renseignements pour corriger au besoin le programme. Il n'est manifestement pas parfait. C'est un groupe d'agriculteurs des Prairies qui l'a mis au point. Je ne pense pas qu'ils auraient pu tout réussir du premier coup.

J'ai siégé à d'innombrables comités qui tentaient de faire le tri dans tout cela. Leur impression du programme CSRN lors de son établissement correspondait à la fin des épouvantables années 80. Nous vivons aujourd'hui un époque différente, et je pense qu'il faudrait revoir les choses avec une perspective plus à jour. Je pense néanmoins que le programme fonctionne pour les agriculteurs qui le comprennent et qui l'ont appliqué comme il se doit.

Le président: Monsieur Leitao, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

M. Carlos Leitao: Je n'ai pas fait de recherche sur la question européenne. J'ignore ce qu'ils feront.

J'aimerais dire, très rapidement, que la dynamique interne de l'Union européenne a sensiblement changé depuis la fin des années 80. La dynamique est différente aujourd'hui. Autrefois, l'Allemagne était prête à garantir le budget agricole européen tout entier. L'Allemagne n'est plus prête à le faire. Je serais donc un petit peu plus optimiste sur ce front. Je ne pense pas que les Européens vont maintenir le genre de subventions que l'on a vus récemment, mais je n'ai pas fait de recherche particulière à ce sujet.

Le président: Merci.

Avant de passer à M. Laliberte, j'aimerais poser cette question à M. Murphy ou à M. Ryan. Vos statistiques indiquent, monsieur Murphy, que vous avez à l'heure actuelle en Saskatchewan 350 prêts en souffrance. La SCA compte 1 267 clients en Saskatchewan. Y a-t-il un quelconque chevauchement entre ces deux groupes? Étant donné que ce ne sont pas toutes les institutions financières qui desservent les agriculteurs qui sont ici représentés, j'aimerais savoir si quelqu'un connaît le chiffre total, englobant toutes les institutions financières.

M. John Ryan: Je ne connais pas le chiffre d'ensemble, mais je pense pouvoir affirmer qu'il doit y avoir certains chevauchements. Vu que la Société du crédit agricole s'occupe également de prêts à terme aux agriculteurs, elle contrôlerait en même temps leur marge de crédit. Leur marge de crédit pourrait être avec la Banque royale, avec la Banque de Montréal ou avec l'une quelconque des autres banques. Si donc ils ont des difficultés avec nous, il y a toutes les raisons de croire qu'ils vivent les mêmes problèmes avec d'autres institutions financières.

Le président: Monsieur Murphy, êtes-vous le plus gros prêteur dans la communauté agricole?

M. John Murphy: Oui. Nous étions autrefois le plus gros en Amérique du Nord en ce qui concerne les prêts aux agriculteurs, mais depuis la fusion de la Bank of America et de la Nations Bank, ce sont eux qui détiennent aujourd'hui le titre de plus gros prêteur commercial au secteur agricole. Bien sûr, le réseau de crédit agricole aux États-Unis est beaucoup plus gros que l'une quelconque des banques.

Je pense qu'environ 40 à 50 p. 100 de nos clients ont des hypothèques auprès de la Société du crédit agricole, alors il y a donc une corrélation de 40 p. 100 entre nos clients et leurs clients pour ce qui est de ces listes d'arriérés.

Le président: Merci.

Rick.

• 1000

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Je vais tenter de changer un petit peu la perspective et de regarder toute l'industrie agricole d'un point de vue davantage mondial.

Étant amateur de musique country et tout le reste, j'ai regardé Farm Aid, dirigé par la société sans but lucratif américaine à laquelle Willie Nelson a prêté main-forte. Sa perspective, tout récemment, était que la crise agricole est en train d'être vécue aux États-Unis aussi, mais qu'on y met l'accent sur le contrôle multinational du secteur agricole et sur la façon dont les coûts des intrants et des extrants sont contrôlés par une poignée seulement de sociétés, les producteurs se retrouvant ainsi coincés entre les deux.

Prenez toute la question de la biotechnologie dans le secteur agricole et du contrôle des droits de propriété intellectuelle. Il y a les pesticides, l'impact sur l'environnement et le cycle du changement climatique. Il y a les puits de carbone dans le contexte du protocole de Kyoto puis il y a le coût élevé du carburant. La liste est fort longue.

On essaie de mettre le doigt sur le bobo, et cela dépasse l'entendement, et l'on se limite ici au côté du prêteur. J'adorerais voir invités devant le comité les commissaires-priseurs. Je pense que vous entendrez des histoires autour de la question de savoir si les familles partent parce qu'elles veulent partir ou bien si elles partent parce qu'elles y sont obligées. Je pense que les commissaires-priseurs seraient au courant des émotions d'une famille qui liquide ses biens, et je pense que ce serait une perspective intéressante.

Vous avez parlé du recrutement d'un spécialiste qui a une certaine crédibilité. Je vous demanderais de réfléchir à ceci: le Canada devrait-il envisager la création d'une commission royale sur l'exploitation agricole familiale et qui serait chargée d'examiner toute l'industrie agricole et l'exploitation familiale elle-même?

Regardez l'industrie agricole. C'est un concept très industrialisé, et l'invasion par les grosses sociétés est...

Votre exploitation pourrait continuer de réussir, et peu importe qui possède la terre ou qui produit. Il pourrait s'agir d'une exploitation multimillionnaire. Ce qui nous intéresse, ce sont les résidents des régions rurales et faire en sorte que nos régions et que nos localités demeurent fortes. Il faut des familles, et non pas une simple entreprise, pour qu'une collectivité continue d'exister. Ce sont les petites exploitations familiales qui alimentent la vie rurale. S'agit-il là d'une perspective qui devrait être...

En cette veille d'un nouveau millénaire, si les jeunes gens sont prêts à envisager une carrière dans l'agriculture, il faudrait peut-être qu'ils aient un cliché de ce à quoi ressemble ce secteur dans ce pays.

M. John Murphy: Vous avez évoqué un certain nombre de points clés qui me préoccupent. Les médias parlent tellement de la crise économique dans le secteur agricole que l'on risque d'être si préoccupé par cela que l'on passera à côté de certaines des questions plus importantes, de plus grande échelle. Les discussions sur le commerce mondial qui vont bientôt débuter à Seattle sont une question beaucoup plus importante pour l'avenir de l'agriculture canadienne que les prix actuels des céréales. L'acceptation ou le manque d'acceptation ou de compréhension dans le monde des organismes génétiquement modifiés utilisés dans l'agriculture constitue une question bien plus importante que l'actuel fléchissement économique à court terme.

Vous avez évoqué la question de l'exploitation familiale. La quasi-totalité des clients dont je parle ici, les 50 000 environ que j'ai évoqués, correspondent à des exploitations familiales, mais beaucoup de gens ont des perspectives différentes quant à la question de savoir ce qu'est une exploitation familiale.

Pour moi, une exploitation familiale est une entreprise familiale qui a une viabilité économique suffisante pour faire vivre une famille. Avec une marge nette de 15 à 20 p. 100, cela signifie que vous devez réaliser des ventes de 150 000 $ à 200 000 $ pour être une exploitation familiale.

Ce que nous avons au Canada est un défi socio-économique différent de ces exploitations familiales viables—en d'autres termes, des exploitations que mon ami M. Kohl appelle les «entre-deux», c'est-à-dire qu'elles sont trop grosses pour être petites et trop petites pour être grosses.

Quelque 120 000 agriculteurs vont passer le cap des 65 ans au cours des huit prochaines années, et ils détiennent des avoirs d'une valeur de 50 milliards de dollars. Nombre d'entre eux sont trop marginaux pour pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles.

Je suis donc de votre avis: il faudrait examiner cela, mais non pas dans le contexte de l'économie de l'agriculture. Il faudrait plutôt examiner cela dans le contexte d'un problème sociologique très réel dans le Canada rural.

• 1005

Vous avez raison, c'est exactement ce que me disent mes collègues des États-Unis, mais sur le plan politique gouvernementale, le risque est qu'il est très dangereux d'essayer d'apporter des solutions économiques à des questions qui sont en réalité socio-économiques. Cela pourrait entraîner l'agriculture dans la mauvaise direction au Canada si nous faisions cela.

Je pense donc qu'il nous faut nous pencher là-dessus, mais ce dans le contexte de ce qu'il faut faire pour ces agriculteurs marginaux dans les circonstances qu'ils connaissent, et bon nombre d'entre eux vont prendre leur retraite au cours des huit prochaines années. Que faire?

Le président: Merci.

Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer.

Je me demande tout simplement si la Banque royale... Je me rends compte que vous ne pouvez pas parler au nom des autres banques. Nous avons les statistiques, et j'apprécie tous ces renseignements que vous nous avez fournis ici aujourd'hui.

J'aimerais savoir si un plus grand nombre de demandes ont dû être refusées—pour toutes les bonnes raisons—au cours des 18 derniers mois que dans la période précédente. J'aimerais savoir si vous avez des renseignements là-dessus.

Pour ce qui est des personnes dans votre portefeuille, c'est très bien, mais l'on s'inquiète toujours de ceux qui tombent à travers les mailles du filet. Je ne suis pas convaincu que la crise soit reflétée ou puisse être reflétée dans son entier dans vos seuls chiffres. J'aimerais savoir si vous pourriez nous dire que vous avez entendu du côté de vos succursales quant au nombre de demandes d'aide que vous n'avez pas pu satisfaire.

M. John Murphy: Premièrement, en ce qui concerne les statistiques que j'ai fournies, l'Association des banquiers canadiens les compile pour chaque banque, je pense, en vue de fournir un tableau d'ensemble au comité.

Le gros de nos clients sont chez nous depuis cinq ans ou plus. En moyenne, nos clients sont chez nous depuis 15 ans. Dans ce genre de relations, nous continuons de satisfaire leurs besoins ou alors ces gens finissent par aller ailleurs s'ils pensent qu'on s'y occupera mieux d'eux.

Cela étant dit, je peux confirmer sans hésiter que le tiers des agriculteurs ne satisferaient pas nos critères d'admissibilité à un prêt. Dans la plupart des localités, le nombre d'agriculteurs qui changent de banque d'une année sur l'autre est très petit.

Nos prêts ont augmenté d'environ 7 p. 100 l'an dernier, mais le gros de cela est attribuable à des clients existants. Une part importante des 2 ou 3 p. 100 de croissance attribuable à de nouveaux clients correspond à de nouveaux immigrants désireux de construire des étables pour des vaches laitières, etc. Les gens dans les campagnes sont en général au courant de nos normes d'admissibilité. Les gens qui ne seraient pas admissibles ne nous soumettent tout simplement plus de demande.

M. Larry McCormick: J'avais également une question au sujet du porc, car nous examinons ici la situation des Prairies, ce qui est très important.

Je connais quelqu'un... et je ne sais pas du tout de quelle banque il s'agissait. Cela n'a plus d'importance. Il s'agit d'une exploitation familiale et elle est très grosse. Elle expédie des animaux d'élevage un petit peu partout dans le monde. Le principal associé n'a aucun prêt bancaire. Au début, ils ont pensé que c'était peut-être pour une question d'âge que la banque leur a opposé un refus l'autre jour, mais il a semblé par la suite que c'était parce qu'ils font dans le porc.

Je ne parle pas de quelqu'un qui lance une exploitation porcine avec des milliers de truies. Ce sont des gens qui sont dans le porc depuis des années, qui se sont agrandis et qui ont acheté d'autres exploitations. J'imagine qu'il s'agit d'une exploitation tout à fait responsable.

J'aimerais savoir comment vous expliquez qu'ils aient le sentiment que la banque a refusé leur demande du fait qu'elle ne s'intéresse pas au porc, monsieur Murphy.

M. John Murphy: Eh bien, en tant que banquier, j'adore le secteur du porc. Certains de mes clients qui réussissent le mieux ont des exploitations porcines. La plupart de nos clients du secteur porcin ont subi des prix dévastateurs au cours de l'année écoulée mais ils s'en sont sortis à l'autre bout en assez bon état.

Il y a des banquiers qui n'aiment pas le cochon, je peux vous le dire, mais une part disproportionnée de la croissance de nos prêts à l'agriculture l'an dernier est attribuable à la construction d'exploitations porcines et à la récupération d'éleveurs de cochons auprès d'autres institutions financières.

Y a-t-il des particuliers... J'ignore si c'est de notre banque que vous parlez ou non.

M. Larry McCormick: Non.

M. John Murphy: Il se pourrait très bien que, pour une raison ou une autre...

En ce qui nous concerne, nous examinons la capacité de gestion et la capacité de rembourser le prêt. Les garanties viennent au troisième rang. Mais si le type a les compétences en matière de gestion de la commercialisation, de gestion de la production, de gestion financière et de gestion des ressources humaines, d'après mon expérience, peu importe de quel genre d'entreprise il s'agit—que ce soit le porc, le grain, la production laitière ou autre—il réussira. Cependant, avec le porc, si vous avez une gestion médiocre, alors ce sera catastrophique pour vous. Il vous faut être doué, sans quoi vous devriez faire autre chose.

• 1010

Le président: Vous disiez qu'environ le tiers de vos clients se voient refuser des prêts, est-ce bien cela?

M. John Murphy: Je dirais que le tiers environ de tous les agriculteurs au Canada ne satisferaient sans doute pas nos critères de souscription de prêts s'ils faisaient une demande.

Le président: La situation a-t-elle toujours été ainsi, historiquement, monsieur Murphy?

M. John Murphy: Oui, bien que nous ayons peut-être relevé la barre au cours des cinq dernières années. Par exemple, pour un prêt de plus de 100 000 $, nous exigeons les états comptables du couru. Certains refuseraient de faire cela, et c'est leur choix.

Le président: Merci.

Monsieur Breitkreuz.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Réf.): Merci beaucoup, monsieur le président. Comme à l'habitude, j'ai beaucoup de questions. J'en ai sept pour l'instant, et je vais sans doute pouvoir les caser toutes car il n'y a pas d'autres députés de l'opposition ici.

J'aimerais vous dire à tous deux que j'ai beaucoup apprécié vos déclarations qui suscitent vraiment la réflexion. Serait-il juste de dire que les agriculteurs qui sont le plus à risque partout au pays, mais tout particulièrement dans les Prairies, ne sont pas admissibles à des prêts bancaires et que les statistiques que vous nous avez fournies ne reflètent peut-être pas fidèlement la crise dans les Prairies?

M. John Murphy: C'est définitivement une possibilité dans le contexte de la question socio-économique dont j'ai parlé plus tôt. Mais les agriculteurs dont je parle représentent 70 à 80 p. 100 de la production alimentaire des Prairies ou de toute autre région du pays. À mon avis, au moins le tiers des agriculteurs n'ont pas les moyens de s'endetter car ils ne pourraient pas payer les intérêts. Je devine que nombre d'entre eux recourent aujourd'hui aux cartes de crédit et à leurs agrofournisseurs.

Je ne doute pas un seul instant qu'il y a des milliers de personnes qui vivent des situations financières très délicates pour les raisons que j'ai mentionnées. Il ne faut pas en déduire que l'industrie de la production alimentaire au Canada vit une crise économique. C'est une crise pour de nombreuses personnes et de nombreuses localités. Je pense qu'il faut séparer les deux choses, alors je conviendrai avec vous que ces statistiques ne correspondent pas forcément à une moyenne.

M. Garry Breitkreuz: Dans le cadre de discussions avec des agriculteurs... la réponse pour nombre de ceux qui sont le plus à risque n'est pas un autre prêt. S'ils font ce que vous laissez entendre qu'ils font, cela les place dans une situation encore plus périlleuse, car ces prêts seraient frappés de taux d'intérêt encore plus élevés.

M. John Murphy: Absolument.

M. Garry Breitkreuz: Ces chiffres indiquent qu'il y a un problème en Saskatchewan, mais la crise va au-delà de ce que cernent vos chiffres à cause de ce que je...

M. John Murphy: Je suis d'accord avec vous. En Saskatchewan, on parle de 15 000 petits agriculteurs qui ont un prêt chez nous.

M. Garry Breitkreuz: Très bien. Merci.

Qu'aurait à dire la SCA là-dessus?

M. John Ryan: Sans doute plus ou moins la même chose. Cependant, je serai très précis en disant que la Société du crédit agricole a elle aussi 15 000 clients en Saskatchewan et encore 4 500, grosso modo, au Manitoba, soit environ 20 000 clients, dont la très grande majorité sont céréaliculteurs.

Il y a là des problèmes. Cela est incontestable, et nous ne pouvons pas les minimiser. Ce sur quoi j'aimerais néanmoins insister dans ma réponse à votre question est que la Banque royale, nous-mêmes et d'autres institutions financières avons tous ces clients. Je pense qu'il nous incombe d'encourager nos clients à venir s'asseoir pour discuter, pour voir s'il n'y aurait pas quelque chose à faire, au lieu d'attendre qu'arrive quelque chose qui n'arrivera peut-être pas ou encore qui pourrait venir aggraver encore la situation. Si nous regardons notre portefeuille, nous ne nous attendons pas à ce stade-ci à ce que les choses s'améliorent dans les mois à venir. Je pense que nous allons voir la détérioration se poursuivre. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, nous voyons les arriérés comme étant un indicateur retardé, et c'est vraiment le cas.

M. Garry Breitkreuz: Oui, vous avez expliqué cela, et je comprends.

Il a été dit que l'ACRA est peut-être l'un des meilleurs programmes. Ce que j'entends de la bouche d'agriculteurs est qu'à cause de la façon dont l'ACRA est structurée, s'il y a un déclin graduel des prix des denrées—ce qu'a vécu le secteur céréalier—l'ACRA ne peut pas fonctionner. J'aimerais savoir pourquoi vos conclusions sont différentes de celles des agriculteurs.

• 1015

M. John Murphy: Je pense avoir distribué un document qui établit certaines comparaisons pour situer les agriculteurs. Je regrette qu'il s'agisse de données américaines, mais je n'ai pas réussi à trouver de données canadiennes correspondantes.

Ce document répond très précisément à votre question. Si vous prenez le ratio de dépenses d'exploitation, il y a ici un groupe d'agriculteurs dans la tranche des 10 p. 100 supérieurs, puis il y a ceux qui sont bien placés dans les 20 p. 100, viennent ensuite les exploitations moyennes et ceux qui sont dans la tranche des 20 p. 100 inférieurs. Si vous prenez 1995, 1996 et 1997, les agriculteurs dans la tranche des 10 p. 100 supérieurs ont dépensé 60 cents pour chaque dollar de revenu. En 1998, ils ont dépensé 64 cents pour chaque dollar de revenu. Les agriculteurs de la tranche des 20 p. 100 inférieurs ont dépensé 96 cents pour chaque dollar de revenu. Je suis confiant à 100 p. 100 que si vous faisiez une enquête semblable auprès des céréaliculteurs de la Saskatchewan vous trouveriez le même genre de distribution en matière d'efficience comparative.

Ce que l'on retrouve c'est un rendement de trois boisseaux supérieur, du fait d'avoir fait les choses différemment. Le coût est légèrement inférieur parce qu'ils ont négocié différemment ou alors ont fait les choses différemment. C'est un prix de 10 p. 100 supérieur parce qu'ils ont choisi une position sur le marché qui est légèrement différente.

Puis vous prenez le ratio de couverture de la dette. Les agriculteurs de la tranche des 10 p. 100 supérieurs ont pu remplir leurs engagements d'endettement 2,74 fois en 1998, mais ceux de la tranche des 20 p. 100 inférieurs sont à 33 p. 100 dans le trou. Après examen des dossiers, je peux affirmer que c'est exactement la même chose pour les céréaliculteurs de la Saskatchewan. Les agriculteurs dans la catégorie de ceux qui réussissent bien restent bien tranquille. Ils ne diraient certainement rien au sujet des problèmes de leurs voisins.

Une statistique que vous voudrez peut-être examiner est celle des recettes différées des céréales. Avec ces recettes différées, lorsqu'un agriculteur serait en situation de payer des impôts cette année-ci et ne veut pas recevoir l'argent comptant en 1999, il reporte la rentrée des recettes jusqu'à l'an 2000. Je n'ai pas encore vu de statistiques, mais j'entends dire qu'il y a en Saskatchewan un important volume de recettes différées de céréales. En même temps, il y en a d'autres...

M. Garry Breitkreuz: Mais c'est à cause du programme ACRA.

M. John Murphy: Je ne sais pas. Même dans les années 80 l'on recourait beaucoup aux recettes différées de céréales. Nous sommes en présence d'une dichotomie: certains agriculteurs se débrouillent plutôt bien et d'autres sont en train de couler. C'est ce qui explique cette divergence d'opinions.

M. Garry Breitkreuz: Merci.

Le président: Merci. Il nous faudra attendre un peu pour entendre les autres questions de M. Breitkreuz.

Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai un peu de difficulté à faire l'équilibre entre ce que nous ont dit les témoins ce matin et ce que nous disent depuis plusieurs mois les premiers ministres provinciaux, les politiciens, les agriculteurs et les groupes agricoles. Vous peignez en tout cas un tableau très différent de celui qu'on nous a montré jusqu'ici. C'est pourquoi vous êtes ici aujourd'hui. C'est à cause du tableau qui a été brossé en novembre ou en décembre dernier, lorsque nous avons élaboré le programme ACRA en réaction à la chute abrupte des prix du grain et du porc.

J'essaie de cerner la différence entre cette année et les années précédentes. On nous dit qu'il y a 1 000 faillites en Saskatchewan dans une bonne année. On nous dit qu'il va y en avoir 6 000 à 7 000 cette année. Or, vos chiffres ne laissent pas entrevoir qu'il y aura cette année 6 000 ou 7 000 faillites en Saskatchewan. Qu'est-ce qui est différent? Pourquoi entendons-nous toutes ces choses en provenance de la Saskatchewan, du Manitoba, de Peace River et de la vallée de l'Annapolis? Certains des problèmes sont dus au mauvais temps, d'autres au prix des denrées. Quelle est la vraie différence entre cette année et les trois ou quatre dernières années?

M. John Ryan: Je pourrais peut-être commencer par vous donner une réponse du point de vue de la Société du crédit agricole. Premièrement, loin de moi l'intention de sous-estimer la situation. Ceux qui ont des problèmes ont des problèmes très réels, sauf que les chiffres qui vous ont été présentés ici aujourd'hui au sujet des arriérés sont un indicateur tardif. Ils ne vous dressent pas le tableau complet de la situation présente.

Quant à votre question sur l'évolution de la situation d'une année à l'autre, je pense que la différence peut jusqu'à un certain point s'expliquer du fait que dans la première année qu'ils éprouvent de la difficulté, le problème est loin d'être aussi grave que pour la personne qui vit ces difficultés depuis deux ou trois années de suite, que ce soit à cause de pluies trop abondantes ou de sécheresse. Nous avons constaté que la plupart survivent au premier choc, au premier fléchissement, mais lorsqu'ils sont frappés la deuxième ou la troisième année, ils ont déjà utilisé leurs réserves liquides ou se sont endettés au maximum selon les possibilités de crédit à leur disposition, que ce soit à court ou à long terme. C'est là l'une des choses que nous constatons chez les clients avec qui nous discutons.

• 1020

M. John Murphy: Je suis au courant des débats et des discussions. Je ne suis pas certain de comprendre la réponse. Cela ressort du sondage Angus Reid que nous avons fait. À l'échelle nationale, 41 p. 100 des agriculteurs interrogés étaient optimistes quant à l'état de l'agriculture; 23 p. 100 étaient pessimistes. En Saskatchewan, 24 p. 100 étaient optimistes et 45 p. 100 pessimistes. Au Québec, par contre, 63 p. 100 étaient optimistes et 8 p. 100 pessimistes.

Le point de vue des agriculteurs quant à la viabilité future de l'agriculture varie donc beaucoup d'une province à l'autre. Je ne sais pas du tout comment expliquer ces écarts.

M. Joe McGuire: Nous avons vu la Société Radio-Canada... La plupart des médias se rendent en Saskatchewan, discutent avec différents agriculteurs et rapportent ce qu'on leur dit et ce qu'ils voient. Cela est-il différent de ce qu'ils auraient pu voir l'an dernier ou il y a deux ans?

M. John Murphy: Chaque année de ma carrière longue de 26 ans il y a eu un certain nombre agriculteurs qui ont connu de sérieuses difficultés financières. Chaque année pendant les 26 dernières années, donc, j'aurais pu trouver pour CBC quelqu'un qui avait une histoire malheureuse à raconter. Certaines années, il aurait été plus facile que d'autres d'en trouver. D'un autre côté, les agriculteurs qui réussissent bien sont terrifiés à l'idée de parler à un journaliste.

M. Joe McGuire: Oui. Cela me fait penser aux pêcheurs de homard.

L'autre question est de nature davantage mondiale. Lors de votre conférence avec les banquiers américains... En ce qui concerne le nombre d'agriculteurs et de familles agricoles qui doivent recourir à un revenu en dehors de la ferme pour joindre les deux bouts, il semble que ce soit un phénomène nord-américain. J'ai entendu des gens de Pennsylvanie qui étaient à la conférence sur la sécurité agricole dire que la moitié des agriculteurs de la Pennsylvanie travaillent à l'extérieur de la ferme—et ils se trouvent au coeur d'un bassin de 100 millions de clients. On a entendu d'un bout à l'autre du Canada des histoires d'agriculteurs qui n'y arrivent plus, à moins que leur épouse voire que les deux travaillent à l'extérieur.

Comment s'y adapter? Quel est l'avenir de l'exploitation familiale ou de l'exploitation relativement petite—quelle qu'en soit votre interprétation—si les gens qui travaillent à la ferme ont besoin d'un revenu autre?

M. John Murphy: Encore une fois, si vous permettez que je vous parle statistique, 35 p. 100 de nos clients n'ont aucun revenu hors-ferme quel qu'il soit, tandis que 21 p. 100 reçoivent de 1 à 5 p. 100 de leur revenu à l'extérieur de la ferme, 15 p. 100 de 6 à 10 p. 100, 15 p. 100 de 11 à 30 p. 100 et 14 p. 100 plus de 31 p. 100. En moyenne, selon ce sondage, 14 p. 100 des revenus des agriculteurs proviennent d'activités autres qu'agricoles.

C'est en partie une question de choix. Il y a eu à la télévision cette fin de semaine une bonne émission au sujet d'un réseau de femmes qui aident des agricultrices à se trouver des carrières. C'est le choix de nombreuses familles agricoles d'avoir une carrière autre, en plus de la ferme. Il y a également le cas des jeunes agriculteurs qui se lancent-il y en a beaucoup, de ceux-là, aussi—et c'est une façon pour eux de donner un coup d'envoi à leur entreprise agricole. La vision idéale est d'avoir les deux conjoints et les enfants à la ferme, mais lorsque vous vous lancez, ce petit supplément de revenu extérieur est précieux.

Je ne pense pas que cela ait beaucoup changé. À Lindsay, en 1944, lorsque je suis né, ma mère était infirmière et elle a travaillé à temps partiel comme infirmière pendant le gros de la carrière d'agriculteur de mon père.

M. Joe McGuire: Merci.

M. John Murphy: C'était un choix.

Le président: Nous allons maintenant entendre Mme Ur, qui sera suivie de M. Casson.

Monsieur Murphy, vous avez mentionné que le tiers des agriculteurs ne seraient jamais admissibles, en vertu des critères d'octroi de prêts de la Banque royale. Pourriez-vous nous dire si vous avez une idée du nombre de dossiers que vous refusez? Pourriez-vous me donner ce chiffre? Vous semblez dire par ailleurs, outre ce nombre, que certains vont peut-être ailleurs, par exemple à des émetteurs de cartes de crédit—ce qui pourrait être votre banque—ou à des fournisseurs agricoles pour obtenir du crédit. Savez-vous si certains des agriculteurs qui seraient peut-être refusés par votre banque s'adressent par exemple à des fournisseurs agricoles et se retrouvent ensuite en difficulté avec ces fournisseurs, lesquels viennent se plaindre auprès de vous?

M. John Murphy: Nous ne tenons pas de statistiques sur les refus, alors je ne sais trop comment répondre à votre question. Je n'ai pas de chiffre. Je sais que le crédit consenti par les fournisseurs agricoles a augmenté sensiblement. Je devine qu'il y aura sans doute de nombreuses situations dans lesquelles ces prêts ne pourront pas être remboursés. Je connais des entreprises d'agrofournitures qui viennent nous voir pour demander des arrangements prioritaires s'ils vont financer certains de nos clients—il y a tout un débat là-dessus—un peu comme cela se passe avec les avances en comptant pour le programme de récoltes, en vertu duquel nous établissons des arrangements de priorité.

• 1025

Je discute pas mal avec des groupes représentant l'agro-industrie d'amont, et ce que je leur ai offert c'est ceci: tout ce que nous pouvons faire c'est traiter nos clients de façon juste, et s'il leur arrive de trouver quelqu'un qui ne les traite pas de façon juste, alors ils peuvent m'appeler et j'irai moi-même rendre visite à l'agriculteur en question en personne. L'an dernier, j'ai rencontré environ 300 sociétés d'agrofournitures un petit peu partout au pays pour leur faire cette offre, et je n'ai reçu qu'une seule demande. C'était une situation dans laquelle l'agriculteur en question était en difficulté. L'évaluation faite par la banque avait été juste. Il lui fallait faire certaines modifications dans ses affaires au lieu d'emprunter encore plus d'argent.

Le président: Je vois.

Madame Ur, puis M. Casson.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci.

J'apprécie les déclarations que vous nous avez faites ce matin. Elles étaient toutes deux très bonnes et nous ont en tout cas fourni une autre perspective à partir de laquelle analyser la période difficile que nous vivons.

Monsieur Ryan, à l'heure actuelle, combien de cas chez vous sont des affaires de médiation plutôt que de consultation? Cela a-t-il changé au fil de la crise? Comment nos bons agriculteurs canadiens peuvent-ils jamais espérer concurrencer les trésors de l'Europe et des États-Unis? S'il y a une crise ou un fléchissement, ces pays sont là avec un chèque.

Il y a un conférencier qui est venu dans ma circonscription il y a quelques semaines et qui a dit que certaines personnes vont à leur boîte à lettres et enfouissent tout de suite leur courrier dans leur poche parce qu'elles sont plutôt mal à l'aise avec ces chèques qu'elles reçoivent. Nous n'avons pas les moyens de faire cela ici au Canada.

À l'heure actuelle, donc, combien d'affaires relèvent de la médiation plutôt que de la consultation?

M. John Ryan: Je suppose que ce que je peux faire c'est vous donner une idée des comptes qui ont été renvoyés pour liquidation ou qui ont fait l'objet de poursuites. Si je regarde la situation d'une année sur l'autre, il n'y a vraiment pas eu d'augmentation. Nous avons à l'échelle du pays environ 200 dossiers qui font l'objet d'actions, et c'est à peu près ce que nous avions l'an dernier. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais il n'y a pas eu de montée en flèche.

Quant à votre question sur notre compétitivité, je regrette, mais je n'ai pas de réponse à cela dans le contexte des subventions qui sont versées dans les pays de l'Union européenne et aux États-Unis.

Mme Rose-Marie Ur: À votre avis, monsieur Murphy, ou monsieur Ryan, est-ce que la taille de l'exploitation ou l'âge de l'agriculteur sont des facteurs dans les difficultés que vivent les gens? Y voyez-vous quelque corrélation?

M. John Murphy: Non, je ne pense pas. L'aptitude générale pour la gestion est un facteur, et dans une certaine mesure, l'âge—le manque d'expérience—joue un rôle. Nous avons un si petit nombre. Je ne sais pas combien de dossiers font l'objet d'actions à l'heure actuelle, mais il n'y en a pas plus d'une poignée. Cependant, à long terme, au fil des ans, le nombre d'agriculteurs en difficulté financière avec lesquels nous avons traité s'est promené un petit peu partout. Cela ne s'est jamais limité à une seule denrée. Je ne dirais pas que ce soit particulier à un groupe d'âge non plus. Le problème est surtout dû au genre de système de gestion employé par les agriculteurs, et dans certains cas, dans les années 80 en particulier, certains des cas les plus tristes ont été ceux de parents qui s'étaient endettés pour aider leurs enfants à se lancer, pour ensuite se faire frapper par des taux d'intérêt de 20 p. 100, des sécheresses et des chutes de prix sur le marché. C'était ces cas-là qui étaient les plus difficiles.

Dans ces situations, les agriculteurs n'avaient rien fait de mal. Ils avaient tout simplement pris la mauvaise décision au mauvais moment.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord. Quel pourcentage de votre activité bancaire totale correspond à l'agriculture?

M. John Murphy: Si l'on inclut l'agriculture et l'agro-industrie, l'agriculture compte pour environ le tiers des prêts d'affaires, mais les avoirs totaux de la Banque royale se chiffrent à environ 280 milliards de dollars, et là-dessus, 4,5 milliards de dollars correspondent à des prêts consentis à des agriculteurs. Les prêts aux agriculteurs comptent pour une partie relativement petite des activités totales de la Banque royale, mais ce volet a toujours été un élément très important de notre histoire.

Mme Rose-Marie Ur: Et ce volet est-il allé en augmentant?

M. John Murphy: Oui.

Mme Rose-Marie Ur: Vous nous avez donné des pourcentages pour l'optimisme et le pessimiste des gens dans les provinces. Ces pourcentages ne sont-ils pas fonction de la diversité au sein d'une même province? Si vous prenez la Saskatchewan, le gros de l'activité agricole correspond aux céréales. Au Québec et en Ontario, il y a beaucoup plus de diversité et les perspectives pour l'agriculture y sont beaucoup plus roses que dans l'Ouest.

• 1030

M. John Murphy: Il s'agit là d'une hypothèse tout à fait valable. Il serait intéressant de faire une ventilation de ces statistiques pour voir si c'est le cas.

Ayant vécu en Saskatchewan et au Manitoba au cours des 19 dernières années, je sais qu'il y a une meilleure couverture médiatique dans les Prairies qu'en Ontario et au Québec. Par meilleure, j'entends qu'il y en a beaucoup. Les journalistes s'intéressent beaucoup à l'agriculture. En Ontario, l'agriculture est un petit joueur dans l'économie dans son ensemble. C'est peut-être la même chose au Québec. Mais j'ai habité Regina, et lorsque vous allez vous faire couper les cheveux, le coiffeur veut vous parler de ce que fait le prix du blé aux agriculteurs. Faites cela à Toronto, et on pensera que vous venez d'une autre planète.

L'agriculture est davantage dans les Prairies qu'ailleurs au Canada une question d'intérêt public général.

Mme Rose-Marie Ur: Comment pouvons-nous aider ces agriculteurs dont vous dites qu'ils viennent vous voir et qu'ils ne peuvent plus obtenir de prêts bancaires pour quelque raison? Je sais que vous ne les suivez plus lorsque vous ne pouvez pas les aider. Quelle suggestion auriez-vous? Comment pourrions-nous faire face à leurs problèmes? Est-ce que ce sont eux qui ont vraiment besoin de l'ACRA? En ont-ils plus besoin que...

M. John Murphy: Ils n'ont pas besoin de l'ACRA. Ils sont assis sur des avoirs nets relativement importants et ils n'ont pas d'argent liquide, et ils sont dans la cinquantaine ou dans la soixantaine.

Il y a eu une tentative il y a quelques années... J'oublie quel nom portait le programme, mais c'était un programme destiné à aider les agriculteurs à quitter leur ferme.

Une voix: De transition.

M. John Murphy: Oui, le programme de transition rurale. Il n'a pas été populaire, mais il nous faut quelque chose du genre, qui plairait à ces agriculteurs, qui les aiderait à prendre cette décision et ce avec élégance, et il nous faut avoir beaucoup de respect pour ces personnes. Qu'elles conservent leur dignité, qu'elles conservent leur avoir et qu'elles passent à autre chose.

Il nous faut trouver le moyen d'aider ces gens sur ce plan-là. Leur prêter plus d'argent et les enfoncer davantage n'est pas la chose à faire.

Mme Rose-Marie Ur: Merci.

Le président: Merci.

Je pense que M. Ryan voulait ajouter quelque chose à cela.

M. John Ryan: Je vais enchaîner un petit peu là-dessus. Dans le cadre de l'une des enquêtes que nous avons menées au cours des deux dernières années, nous avons demandé quel était le premier problème en importance auquel les agriculteurs étaient confrontés et c'était le transfert d'une génération à l'autre de l'exploitation familiale. Comment font-ils pour retirer leur avoir avant de céder l'exploitation à leur famille ou à quelqu'un d'autre?

L'une des choses que nous avons faites en réaction à cela a été d'élaborer un programme appelé programme de prêts d'exploitation familiale, et y ont fait beaucoup appel des personnes désireuses de transmettre leur exploitation à la génération suivante.

Le président: Merci.

Monsieur Casson.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci, messieurs, pour vos déclarations.

Monsieur Leitao, vous avez dit penser que cette situation mondiale dans laquelle nous nous trouvons, avec une production élevée et de faible prix, pourrait durer pendant six à douze mois encore. Le Canada, pour bien se placer dans l'économie mondiale, vu la taille de notre pays... On a parlé de notre incapacité de concurrencer les Américains et les pays de l'Union européenne sur le plan subventions. Qu'est-ce qui va changer cette situation si la situation des subventions ne change pas? Si les producteurs continuent d'être subventionnés dans ces pays, la production demeurera forte.

M. Carlos Leitao: Vous avez raison: si les subventions ne changent pas, alors la situation sera très grave. Cependant, je pense que la situation en matière de subventions va changer. Elle le doit. En fait, le lancement de la prochaine ronde de discussions mondiales sur le commerce, le Cycle de Seattle, est l'occasion parfaite pour donner le coup d'envoi en vue d'un nouvel ensemble de règles en matière de commerce international.

Le Canada a, par l'intermédiaire du groupe Cairns, un certain poids dans ses tentatives visant à obliger les États-Unis et l'Europe à en arriver à une entente. Et les États-Unis et l'Europe veulent obtenir dans le cadre de cette ronde de discussions commerciales des concessions dans d'autres dossiers. Je ne pense donc pas que nous soyons complètement désarmés ni que la situation soit sans espoir. Elle n'est pas désespérée. Il y a de l'espoir.

Comme je l'ai évoqué tout à l'heure, même au sein de l'Union européenne, la situation n'est pas ce qu'elle était dans les années 80 sur le plan soutien à l'agriculture. Le but de l'Union européenne... L'Union européenne compte à l'heure actuelle 15 membres, et l'Europe de l'Est est à la porte en train de demander à y entrer, alors ces pays ne peuvent plus se permettre de gaspiller autant d'argent sur l'agriculture qu'il y a dix ans.

Je pense donc que les éléments d'une entente éventuelle sont en place.

• 1035

M. Rick Casson: Oui. Espérons qu'ils saisiront l'occasion et qu'ils utiliseront la prochaine ronde comme excuse pour réduire les subventions, comme nous l'avons fait lors de la dernière ronde.

J'ai maintenant une question et pour M. Ryan et pour M. Murphy: vos clients vous disent-ils que l'augmentation du coût des intrants constitue un énorme problème? C'est ce qu'indiquent certains de ces graphiques, et en ce qui concerne le secteur céréalier des Prairies, qu'en est-il de la question des choix de commercialisation? Ces jeunes gens, ces agriculteurs qui sont en train de s'informatiser—ils sont de plus en plus nombreux à utiliser des ordinateurs et diverses méthodes pour suivre ce qui se passe et pour leur comptabilité. Vous parle-t-on de ces questions-là?

M. John Ryan: En ce qui nous concerne, nous entendons beaucoup parler des coûts des intrants. Ce qu'ils nous disent en vérité est que les prix, déjà bas, sont en train de baisser, que les coûts des intrants sont en train d'augmenter et que leurs marges rétrécissent de plus en plus. En fait, nous avons tout récemment discuté avec des gens de notre boutique, et les conseillers en matière de crédit dans les bureaux locaux rapportent qu'ils faudrait maintenant aux agriculteurs des récoltes exceptionnelles ne serait-ce que pour couvrir leurs coûts, et l'on ne peut pas s'attendre à une récolte exceptionnelle jour après jour.

M. Rick Casson: Année après année.

M. John Murphy: Dans la même veine, il est intéressant de constater que selon Agri-Week, un bulletin de nouvelles agricoles de l'ouest du Canada, les ventes d'automne d'engrais et de produits chimiques dans les Prairies ont été très fortes cette année, en dépit de l'augmentation des prix.

M. Rick Casson: Eh bien, c'est que vous en avez besoin pour obtenir cette récolte exceptionnelle.

J'aimerais vous interroger tous les deux au sujet d'un programme de sécurité du revenu à long terme. À quoi un tel programme devrait-il ressembler? Comment devrait-il être structuré? J'aimerais savoir ce que vous en penser. C'est ce que nous faisons ici. Nous essayons de trouver le moyen de faire mieux fonctionner quelque chose comme le programme ACRA. Vous avez parlé du programme CSRN et de l'éducation urbaine. Le coiffeur à Toronto ne veut pas entendre dire que les agriculteurs demandent plus d'argent. Si nous avions en place un système qui s'enclenchait automatiquement, qui prenait les choses en main, et qu'il ne nous fallait pas fois après fois lancer ce genre de programme d'aide d'urgence, cela arrangerait tout le monde. Qu'on mette cela en place pendant une période de vaches grasses, comme cela a été fait dans le cas du programme CSRN. Alors comment faudrait-il procéder?

M. John Murphy: Je pense que ce que nous entendons c'est que dans le cas de l'exploitation familiale viable, les programmes CSRN et ACRA fonctionnent. Mais en ce qui concerne ces plus petites fermes, le monde va les dépasser. Elles n'ont pas changé. Elles affichent des ventes brutes relativement faibles. Dans le cas d'une quelconque mesure liée aux marges brutes, leurs marges brutes les bonnes années sont si petites que les programmes CSRN et ACRA ne sont pas une solution. Je considère les programmes CSRN et ACRA comme étant des applications économiques aux cycles de l'agriculture, mais les fermiers qui éprouvent des difficultés ont des difficultés plus profondes dans la structure socio-économique de leur entreprise agricole.

Les programmes CSRN et ACRA ne sont bien sûr pas parfaits, mais je pense que la façon de faire soit d'améliorer ces programmes en puisant dans l'expérience que nous vivons à l'heure actuelle, au lieu de... Je pense que les chances de faire les bonnes mises au point à ces programmes sont aujourd'hui meilleures qu'elles ne l'ont été pendant très longtemps. Et il faudrait exclure la nécessite de paiements ponctuels, mais il nous faut examiner de près les situations dans lesquelles ces programmes ne fonctionnent pas et déterminer s'il existe des facteurs non économiques touchant ces fermes et qui doivent être traités d'une façon non agroéconomique.

M. Rick Casson: Cela fait-il donc partie du scénario dans lequel vous analysez les choses et dites qu'il y a 20 p. 100 d'agriculteurs que nous ne pouvons pas aider, avec l'ACRA, le CSRN, des prêts bancaires ou autre chose encore? Êtes-vous en train de recommander un programme de transition d'un genre ou d'un autre?

M. John Murphy: Je pense que oui. Quelqu'un a posé une question au sujet de la radiation d'intérêts. Nous avons fait cela quelques fois, mais cela fâche nos bons clients s'ils ont tout bien fait, ont vécu les mêmes cycles que leurs voisins et ont remboursé intégralement, pendant que nous radions des prêts consentis à leurs voisins qui ont peut-être commis des erreurs. Je conçois l'agriculture comme relevant de la libre entreprise. Chacun peut y réaliser un profit. Chacun peut également perdre de l'argent, et il n'y aura jamais de circonstances dans lesquelles tout le monde gagnera tout le temps. Il y aura toujours des perdants, et je ne sais pas s'il est juste envers ceux qui réussissent de récompenser de la même façon ceux qui ont moins bien réussi.

M. Rick Casson: Je suppose que si vous êtes acculé à la faillite à cause de circonstances qui sont hors de votre contrôle, alors c'est là l'aspect qu'il nous faut examiner.

Le président: Monsieur Ryan.

M. John Ryan: En ce qui concerne les programmes CSRN et ACRA, nous avons sans cesse entendu répéter que le programme CSRN a été un bon programme et qu'il a été bien reçu. Nous avons entendu des remarques positives au sujet de l'ACRA et nous avons également entendu des commentaires moins positifs à son sujet. Il y a eu des changements au programme ACRA qui ont été mieux reçus.

• 1040

D'après ce que j'ai compris, il se fait beaucoup de consultations, et j'aimerais encourager la poursuite de ces consultations et, par la suite, la prise de décisions quant à la nécessité d'apporter ou non d'autres changements.

Le président: Merci.

Monsieur McCormick, suivi de M. Breitkreuz.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je m'interroge tout simplement au sujet de la crise, tout particulièrement dans les Prairies. Nous avons mentionné et avons entendu mentionnées les localités. Bien sûr, les localités sont touchées. C'est une préoccupation constante. Nous voulons que le Canada rural résiste. Nous ne voudrions pas voir ce pays parsemé de villages fantômes. Nous en avons déjà en Alberta et ailleurs.

J'aimerais vous demander, dans le contexte de votre domaine de compétence ainsi qu'à l'extérieur de celui-ci, ce qui se passe à votre avis dans ces petites localités du côté des petites et moyennes entreprises. Cela ne ressort pas dans votre graphique pour ce qui est de vos clients.

Je pense souvent à Yorkton, en Saskatchewan. Je pense que cette localité se trouve dans la circonscription de M. Breitkreuz. Il y a là une compagnie de semences. On en a parlé dans les journaux; cela a été rendu public. Il y a un an environ, elle avait 1 600 employés; j'imagine qu'aujourd'hui il n'en reste que très peu. Cela fait un an que je ne suis pas allé à Yorkton.

Qu'il s'agisse de cela ou des concessionnaires automobiles, des vendeurs de camions, à votre avis, que se passe-t-il là-bas? Encore une fois, il s'agit de savoir s'il nous faut trouver des programmes pour ces 20 ou 30 p. 100, car je suis certain que cela a une forte incidence sur ces localités. Monsieur Murphy? Monsieur Ryan?

M. John Ryan: Une chose que j'aimerais dire est qu'il est difficile de généraliser. L'on peut trouver dans le Canada rural un certain nombre de très petites localités qui se débrouillent vraiment bien. Elles sont très indépendantes et ont un fort esprit d'entreprise. Elles ont trouvé des moyens de créer des entreprises et d'agrandir celles qui existent déjà. Je pense que l'on devrait dans le secteur agricole regarder plutôt côté valeur ajoutée, pour voir ce qu'on pourrait faire d'autre. Cela ne veut pas forcément dire grosses entreprises. On peut commencer petit puis s'agrandir au fil des années. Il existe cependant dans le Canada rural des défis très évidents, et je pense que le défi auquel nous sommes maintenant confrontés est celui de savoir comment élaborer des programmes qui favoriseront l'expansion et le développement dans ces économies locales.

M. John Murphy: Il s'agit d'un phénomène nord-américain. Il existe beaucoup de petites localités partout au Canada ainsi qu'aux États-Unis qui risquent de disparaître au fur et à mesure de la consolidation des fermes—les exploitations se consolident depuis 50 ans et cela continue. Les agriculteurs dont j'ai parlé, lorsqu'ils décident de vendre l'exploitation ou de réduire leurs activités, vont louer ou vendre leurs terres à un voisin, à des gens de la localité. Je m'inquiète, même pour la région de Winnipeg. Il y a des agriculteurs qui se plaignent de ce qu'il n'y ait plus d'épicerie dans leur localité, mais le dimanche après-midi, dans les campagnes, les terrains de stationnement des Costco sont remplis de camions.

L'autre question qui sera une nouvelle menace aux petites localités est le commerce électronique. Nos clients peuvent maintenant déposer de l'argent avec mbanx sans jamais se rendre à Yorkton, ou alors avoir une marge de crédit avec la Banque Wells Fargo sans jamais mettre les pieds à Yorkton. D'autre part, de plus en plus de sociétés d'agrofournitures cherchent des moyens de faire des ventes directes de carburant, d'engrais, de semences et de produits chimiques agricoles aux agriculteurs via l'Internet. La menace pour les petites localités est en train de prendre de l'ampleur.

M. Larry McCormick: Je m'interroge également au sujet de ceci, mais dans un autre contexte temporel. Les exploitations agricoles fusionnent et de gros exploitants en rachètent d'autres mais la menace des multinationales dans le secteur de la transformation nous ramène, je pense, tout droit à nos producteurs. Cette menace est certainement là aujourd'hui. C'est sans doute un facteur important dans le contexte de ce qui arrive dans l'industrie du porc. Je ne pense pas que le marché soit l'endroit où le gouvernement doit intervenir, mais cela n'a pas calmé la crise lorsque les prix ne se sont pas retrouvés dans le supermarché...

M. John Murphy: Oui. L'industrialisation de l'agriculture est à la fois une menace et une occasion. De plus en plus, la génétique, la nutrition, la transformation et l'agriculteur sont tous liés dans la chaîne agro-alimentaire. À titre d'exemple de ce qui peut mal se passer, la viabilité de mon client agriculteur dépend largement de son contrat avec le conditionneur et le fournisseur d'aliments pour bétail. Par exemple, tout récemment, la société Ralston Purina a été mise sous séquestre aux États-Unis. Cela vient rompre un maillon dans toute une série de chaînes alimentaires. Que cela fait-il à la viabilité des agriculteurs qui sont liés à ces chaînes?

Il nous faut en apprendre beaucoup plus au sujet de la loi en matière de contrats et des ramifications que cela aura du côté de nos clients. C'est la tendance qui s'annonce, mais je pense qu'il nous faut trouver le moyen d'aider nos clients à gérer aujourd'hui leurs relations dans ce contexte.

• 1045

Le président: Merci.

J'aimerais donner la parole à M. Breitkreuz, et il y a encore deux petites questions de M. McGuire et de M. Calder. J'aimerais nous réserver trois ou quatre minutes avant que l'heure ne sonne. Nous avons quelques petites questions d'organisation interne à régler.

Garry.

M. Garry Breitkreuz: Merci, monsieur le président.

Quelles sont à votre avis certaines des autres solutions à la crise agricole en dehors des programmes ACRA et CSRN? Vous y avez certainement réfléchi dans le contexte de vos relations avec les agriculteurs, etc. Des programmes de soutien gouvernementaux sont-ils la solution? Quelles solutions autres que les programmes ACRA et CSRN entrevoyez-vous?

M. John Murphy: L'un des problèmes centraux est celui de ce groupe d'agriculteurs qui veulent transférer leur exploitation à la génération suivante ou trouver une façon élégante de se retirer de l'agriculture. Nous sommes en train de mettre à l'essai un processus appelé «Buy a Farm» (acheter une ferme) en vertu duquel nous avons pris des dispositions avec des comptables, des avocats et des planificateurs financiers locaux pour qu'ils offrent aux familles agricoles une consultation gratuite d'un après-midi pour engager la réflexion au sujet des questions dont nous devons nous occuper. Il s'agit là d'une chose qui vient tout juste d'être lancée. Nous avons commencé au printemps dernier dans la région de M. Borotsik, mais à cause des inondations qu'il y a eu là-bas, rien ne s'est fait.

Dans chaque province du Canada, nous lançons deux ou trois projets pilotes et nous espérons pouvoir en tirer des leçons. J'ai déjà suffisamment à faire en tant que banquier sans essayer de me mettre dans la peau d'un politicien dans le but de régler ces problèmes, mais il m'a toujours semblé qu'il y avait une certaine disparité entre les gros exploitants qui réussissent et les petits agriculteurs qui débutent. Le gros exploitant qui réussit a un taux d'imposition de 50 p. 100, et ses intérêts après impôt sont donc 50 p. 100 de ce que nous lui facturons. Si vous êtes un agriculteur débutant et que vous arrivez à peine au seuil de rentabilité, vous ne bénéficiez pas, pour les intérêts que vous versez, du même avantage fiscal que celui qui revient au gros exploitant. Il serait peut-être possible de faire quelque chose sur ce plan pour venir en aide aux agriculteurs débutants.

La question sur laquelle vous devez vous concentrer est celle de savoir comment amener ces brillants jeunes agriculteurs à réussir. Il y en a toujours beaucoup qui ne font que se lancer. Les agriculteurs ne sont pas en voie d'extinction. Beaucoup de nouveaux agriculteurs se lancent. À l'autre extrémité, il faut se demander comment, avec un maximum de circonspection, aider les agriculteurs qui ont terminé leur carrière pour les amener à s'adapter à autre chose, qu'il s'agisse d'un départ en retraite en toute élégance ou d'un arrangement à temps partiel? Je pense qu'il s'agit là de deux questions auxquelles il nous faut travailler.

M. Garry Breitkreuz: J'avais pensé que vous aviez peut-être mal compris ma question lorsque vous avez parlé de transférer des exploitations à la génération suivante, car le crise tourne autour du fait que les marges sont très faibles. L'élément fiscal est une chose que nous devons souligner et je suis heureux que vous l'ayez mentionné.

Vous avez parlé des jeunes agriculteurs débutants. Je pense que l'une des statistiques inexactes que vous avez citées concerne les faillites, car les faillites ne sont pas beaucoup plus nombreuses qu'à la normale. S'il y a de moins en moins d'agriculteurs, il y en aura également de moins en moins qui feront faillite, et le pourcentage sera sans doute plus fort. Je pense qu'une indication plus juste serait le nombre de jeunes agriculteurs qui débutent. Avez-vous des statistiques là-dessus?

M. John Murphy: Oui, j'en ai, mais j'aimerais tout d'abord dire que les chiffres en matière de faillite n'ont jamais été un critère raisonnable d'évaluation de la situation économique de la ferme.

M. Garry Breitkreuz: Non.

M. John Murphy: Un très petit nombre des agriculteurs dont nous avons réduit progressivement les activités ont fait faillite. Il s'agit là d'une chose plutôt rare.

J'ai quelque part ici la ventilation pour les agriculteurs débutants.

M. Garry Breitkreuz: Avez-vous cela par province?

M. John Murphy: Oui.

Même si ceci ne raconte pas toute l'histoire, car, dans bien des cas, lorsqu'un agriculteur ne fait que commencer, il appartient à une famille agricole qui réussit bien et il travaille dans le sillon de papa et maman.

Au Canada, 3 p. 100 des agriculteurs disent qu'ils ne font que commencer, 51 p. 100 sont établis et s'agrandissent, 36 p. 100 sont stables et 9 p. 100 sont en train de réduire leurs activités.

Au niveau provincial, 1 p. 100 ne faisaient que commencer en Colombie-Britannique; 2 p. 100 dans l'ensemble des Prairies, avec 3 p. 100 en Alberta, 2 p. 100 en Saskatchewan et 1 p. 100 au Manitoba; 5 p. 100 en Ontario; et 1 p. 100 au Québec. Si vous démultipliez les 3 p. 100, 3 p. 100 suffisent pour assurer le roulement des fermes au cours des dix prochaines années.

M. Garry Breitkreuz: Mais ce n'est pas le cas dans les Prairies, car le rythme est beaucoup plus lent que cela dans les Prairies.

M. John Murphy: Cela varie également d'une année à l'autre. Mais pour les agriculteurs établis et en train de s'agrandir, dans les Prairies, c'est 48 p. 100 par opposition à 51 p. 100 à l'échelle nationale. Il y a donc dans les Prairies à peu près le même nombre d'agriculteurs qui sont en phase de croissance que dans le reste du pays.

• 1050

Le président: Il vous reste encore 30 secondes, Garry.

M. Garry Breitkreuz: Eh bien, j'aurais un commentaire à faire.

Cela m'inquiète lorsque vous dites que les prix vont remonter d'ici six à douze mois, car dans les années 80, les banques avaient prédit un avenir tout rose et elles ont en fait contribué au problème. Il y a d'autres experts qui disent qu'il faudra attendre 15 à 20 ans avant de pouvoir renverser la vapeur. Vous mettez tout le monde à l'aise et peut-être que les gens font alors davantage appel à vos services. Je pense qu'en leur donnant de telles impressions, cela ne fera que contribuer au problème. C'est une mise en garde que je fais là.

M. Carlos Leitao: Je disais la même chose, mais à l'envers. Nous ne nous attendons pas à ce que les prix récupèrent au cours des six à douze prochains mois. Ce sera peut-être le cas par la suite si les subventions baissent, si les volumes de production commencent à reculer. Si rien ne change, alors les prix ne vont bien sûr pas remonter.

Le président: Il nous reste assez de temps pour encore quelques petites questions rapides.

En passant, monsieur Murphy, êtes-vous en mesure de fournir au comité ces statistiques que vous avez devant vous?

M. John Murphy: Certains de ces renseignements sont privatifs, mais j'en extrairai les genres de choses dont je vous ai parlé et je fournirai cela au comité.

Le président: Pourriez-vous faire cela avec les renseignements non privatifs?

M. John Murphy: Oui, si vous le voulez.

Le président: Merci.

Monsieur McGuire.

M. Joe McGuire: Merci, monsieur le président.

Je me demande si les témoins ne pourraient pas se prononcer sur la façon de faire américaine pour les filets de sécurité par opposition à la façon de faire canadienne. Lors de leur récente réunion, monsieur Murphy, les banquiers américains ont brandi le programme CSRN comme étant une meilleure façon de faire. Mais dans l'ensemble, avec notre assurance-récolte et les programmes CSRN et ACRA versus les genres de paiements ponctuels auxquels recourent les Américains, quelle façon de faire est préférable et pourquoi?

Le président: Pourriez-vous être très bref, monsieur Murphy? Le temps va bientôt nous manquer.

M. John Murphy: Étant donné la façon dont ils procèdent aux États-Unis, ils ont autant de problèmes non réglés là-bas que nous, et ils y consacrent beaucoup plus d'argent proportionnellement à la taille de l'industrie.

M. Joe McGuire: Les agriculteurs américains sont donc aussi mal pris que les nôtres?

M. John Murphy: Je suis de cet avis. Ceux qui s'en tirent bien touchent de plus gros chèques que nos agriculteurs qui s'en tirent bien. C'est là la différence. Ceux qui se portent mal obtiennent de l'argent du gouvernement, mais ce n'est pas suffisant pour régler le problème.

Le président: Murray.

M. Murray Calder: John, j'aimerais revenir sur la question que vient de poser le président. Vous avez déjà en place en Saskatchewan un système de surveillance des prêts déjà consentis, et l'on constate que chaque année en moyenne 29 de ces prêts se retrouvent en situation d'arriérés. Vous avez également dit que les agriculteurs qui se font refuser à la banque vont bien sûr recourir aux fournisseurs car ils n'ont pas à se soumettre aux mêmes critères d'admissibilité pour obtenir crédit et que vous commencez à vivre des problèmes avec vos fournisseurs. Quelle est la gravité de ce problème avec les fournisseurs? C'est là, bien sûr, l'autre aspect de l'histoire.

M. John Murphy: Je ne sais pas. J'ai des preuves anecdotiques fournies par les fournisseurs selon lesquels ils ont des agriculteurs en difficulté, mais je ne dispose pas de statistiques là-dessus.

Le président: Oui, monsieur Ryan.

M. John Ryan: Pour répondre rapidement, monsieur le président, la réponse de certains des fournisseurs avec lesquels nous avons discuté laisse entendre qu'il y a une augmentation de l'endettement, mais que les gens sont nombreux à faire leurs versements en temps voulu, conformément à l'échéancier prévu. Ils ne paniquent donc pas encore.

Le président: Je demanderais aux témoins de rester en place, car nous avons quelques questions administratives que nous pourrons sans doute régler en l'espace de quelques secondes. C'est en tout cas mon espoir.

Mesdames et messieurs, j'aimerais porter à votre attention la motion—je pense que vous l'avez devant vous—qu'il nous faut adopter pour couvrir le coût de ces réunions. La motion prévoit un total de 60 000 $. Je ne pense pas que nous puissions jamais dépenser pareil montant, mais je pense qu'il serait préférable de nous réserver cette marge.

M. Garry Breitkreuz: J'aimerais vraiment poser une question là-dessus. En l'absence d'une liste de témoins, comment pouvons-nous savoir que cet argent sera dépensé à bon escient? Je tiens à ce que nous rencontrions un groupe très représentatif des agriculteurs des Prairies. À mon sens, à la lumière de ce que nous avons entendu, il nous faut vraiment avoir... Et ce n'est pas ce que nous avons ici, car on nous demande d'acheter chat en poche.

M. Larry McCormick: Les Réformistes veulent-ils dépenser plus d'argent pour qu'on entende plus de personnes? Le devrions-nous?

M. Garry Breitkreuz: Non, j'aimerais être certain que cet argent sera dépensé de façon à refléter la crise qui sévit là-bas. Je siège au comité depuis plusieurs années. Il arrive souvent que nous n'ayons pas un tableau juste, et cela ne nous rend pas service du tout.

M. Larry McCormick: Je suis certain que nous aurons l'occasion de travailler sur la liste.

M. Garry Breitkreuz: Eh bien, je ne pense pas que nous...

M. Larry McCormick: On nous raconte cela à chaque fois.

• 1055

Le président: Monsieur Breitkreuz, je pense que la question que vous soulevez est tout à fait juste, mais je ne crois pas qu'il s'agisse des dépenses en tant que telles. Il nous faut l'autorisation de payer les dépenses des témoins qui viendront comparaître. Si vous souhaitez avoir une discussion au sujet des genres de témoins que nous entendrons, alors c'est très bien. Mais cette motion-ci ne concerne pas les genres de témoins, comme le laisse entendre votre question.

M. Garry Breitkreuz: J'ai peut-être manqué quelque chose ici. Vous me corrigez si j'ai tort, car cela se pourrait fort bien. Allons-nous également nous rendre sur place pour rencontrer les gens là où ils se trouvent?

Le président: Non, je pense que cela a été décidé à la dernière réunion. Il y a eu une motion de M. Borotsik à cet effet, mais il l'a retirée. Nous avons adopté la motion proposée par M. Calder. En passant, monsieur Breitkreuz, votre parti a appuyé la motion.

M. Garry Breitkreuz: La motion de M. Borotsik?

Le président: Non, celle-là a été retirée, comme ce fut le cas de la vôtre également. C'est la motion de M. Calder qui a été adoptée, et ce à l'unanimité.

Quelqu'un veut-il bien proposer une motion à l'appui de cette motion?

M. Larry McCormick: J'en propose l'adoption.

M. Murray Calder: J'appuie.

(La motion est adopté—Voir les Procès-verbaux)

Le président: Il reste encore une chose. Vous vous souviendrez peut-être que fin mai ou début juin l'an dernier, le comité a adopté une motion à l'appui d'un voyage du comité en Europe. Cela avait été appuyé par le Bureau de régie interne. Cependant, étant donné la prorogation de la Chambre, cette autorisation a expiré et il nous faut donc la rétablir. Nous n'avons pas encore choisi de dates, mais j'imagine que ce sera en février ou dans ces environs- là. L'autorisation requise sera rétablie telle quelle, avec la participation de huit membres—quatre députés du parti au pouvoir et quatre députés de l'opposition. Vous connaissez la ventilation, car cela a été adopté en juin, alors tout ce qu'il faut c'est rétablir cette demande. Quelqu'un pourrait-il proposer une motion à cet effet.

M. Larry McCormick: Je propose l'adoption de cette motion.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): J'appuie.

Le président: Monsieur Casson.

M. Rick Casson: Monsieur le président, sommes-nous censés avoir un préavis de 24 heures pour ce genre de motion?

Une voix: C'est 48 heures.

Le président: En avons-nous besoin pour ce genre de motion, monsieur le greffier?

Le greffier: Pas s'il s'agit de la même chose.

Le président: Si nous donnons tout simplement notre accord, ce n'est pas nécessaire. Nous ne faisons que rétablir ce qui a déjà été fait.

M. Rick Casson: Oui, mais il y a ici de nouveaux membres du comité, et j'en suis. Je me demande tout simplement si l'on ne pourrait pas nous fournir la même documentation pour qu'on y revienne.

Le président: Votre parti a déjà appuyé la motion, monsieur Casson.

M. Rick Casson: Oui, je le sais.

Le président: Non seulement votre parti, mais...

M. Rick Casson: Qu'on s'y penche à nouveau. Est-il nécessaire que cela soit réglé tout de suite? Ne pouvons-nous pas attendre la semaine prochaine?

Le président: Il s'agit d'une chose si simple. Nous faisons tout simplement ce qui a déjà été entériné, c'est tout.

Une voix: C'est pour l'OMC.

Le président: Comme vous le savez, il s'agit de discuter avec certains de nos homologues là-bas de cette question de subventions, qui nous préoccupe tous tellement.

M. Rick Casson: Savez-vous quel était le montant, en dollars?

Le président: Oui, de façon très précise. C'était 70 000 $ pour le voyage et cela a été appuyé par nous tous ainsi que par le Bureau de régie interne.

(La motion est adoptée—Voir les Procès-verbaux)

Le président: J'aimerais remercier les témoins. Vous avez fait un excellent travail. J'apprécie les chiffres que vous nous avez donnés, monsieur Murphy, et j'attends avec impatience les autres.

M. John Murphy: Aimeriez-vous que je vous envoie le document à vous?

Le président: Oui, s'il vous plaît.

Merci, monsieur Ryan. Merci à vous tous.

La séance est levée.