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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 6 décembre 1999

• 1459

[Traduction]

Le président (M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)): La séance est ouverte. Je suis le président du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Je vous souhaite à tous la bienvenue. Nous serons ensemble pendant trois heures et demie, soit jusqu'à 18 h 30, ce qui nous donnera l'occasion de prendre connaissance d'un bon nombre de préoccupations des agriculteurs du district.

• 1500

Mesdames et messieurs, nous avons eu ce matin une rencontre de trois heures à Southport, Portage la Prairie, et tout s'est très bien déroulé. Tous les membres du comité permanent trouvent utile d'entendre les agriculteurs s'exprimer directement et en personne, et c'est encore ce que nous allons faire cet après-midi.

Au profit des membres de l'auditoire, je précise qu'il s'agit d'une audience tenue par un comité parlementaire. À ce titre, nous devons obéir à quelques règles. Suivant les dispositions qui ont été prises, nous entendrons d'abord deux séries d'exposés officiels présentés par les agriculteurs, puis deux organisations. Cependant, les 45 dernières minutes de la rencontre seront consacrées aux personnes ici présentes. Si vous avez des observations ou des questions, mais que votre nom ne figure pas sur la liste, vous aurez l'occasion de vous faire entendre à la fin de la réunion.

À l'arrière de la salle, vous trouverez un dénommé Michel. Si vous souhaitez profiter du segment de 45 minutes réservé à la fin pour vous faire entendre, vous n'avez qu'à vous adresser à Michel, et il vous inscrira sur la liste.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Avant de commencer, monsieur le président, j'aimerais faire une suggestion. Peut-être pourriez-vous sonder les membres du groupe ici présents. Si nous n'avons pas besoin de traduction, peut-être pourrions-nous nous passer de l'interprète. Je constate que nous ne disposons pas du matériel requis pour l'interprétation simultanée.

Le président: C'est une bonne idée. Si personne n'a besoin de leurs services, j'invite les interprètes à s'asseoir avec nous et à écouter les agriculteurs. Pas d'objection? Alors, c'est adopté.

Je demande maintenant aux membres du comité de bien vouloir se présenter.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Je m'appelle Murray Calder. Je suis un agriculteur de l'Ontario. Je représente également la circonscription de Dufferin—Peel—Wellington—Grey, située à environ 52 milles au sud d'Owen Sound. Nous exploitons une ferme avicole.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Je m'appelle Larry McCormick, et je représente une circonscription de l'est de l'Ontario. Dans ma vie, j'ai seulement labouré quelques dizaines de milliers d'acres de terrain et chargé quelques dizaines de milliers de ballots de foin. J'ai aussi trait des vaches pendant deux ans, mais, au cours des deux ou trois dernières années, j'ai agi comme président du caucus rural du gouvernement. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui.

M. Joe McGuire (Egmont, Lib.): Je m'appelle Joe McGuire, je suis secrétaire parlementaire et je représente la circonscription d'Egmont, à l'Île-du-Prince-Édouard.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Je m'appelle Inky Mark. Je suis le député de Dauphin—Swan River. Au nom de tous les résidents de Dauphin—Swan River, je souhaite la bienvenue à Dauphin à tous les membres du comité permanent.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Bonjour. Je m'appelle Dick Proctor. Je suis le critique du NPD dans le domaine de l'agriculture et je représente la circonscription de Palliser, qui est située en Saskatchewan, au sud-ouest de Regina et de Moose Jaw.

M. Rick Borotsik: Je m'appelle Rick Borotsik. Je suis le critique du Parti progressiste-conservateur dans le domaine de l'agriculture et le député de Brandon—Souris. La plupart d'entre vous avez déjà été à Brandon. Comme vous le savez, je représente un secteur agricole qui a été très durement touché par l'humidité excessive que nous avons eue au printemps. Je suis toujours heureux de venir à Dauphin.

Le président: Je m'appelle John Harvard. Je préside le comité, et je viens de la merveilleuse ville de Winnipeg.

Je n'ai pas consulté les témoins, mais, à Portage, nous avons procédé par ordre alphabétique. Si personne n'y voit d'inconvénient, c'est donc M. Kolisnyk qui va commencer.

Je crois comprendre que chacun des témoins disposera de cinq à sept minutes pour présenter son exposé officiel. Par la suite, bien entendu, les députés auront tout le temps voulu pour poser des questions.

Je tiens également à souhaiter la bienvenue à Neil Stewart, Gert Schwickart et Duane Zimmer.

Monsieur Kolisnyk, soyez le bienvenu. Merci d'être venu.

M. Walter Kolisnyk (témoignage à titre personnel): Je vous remercie. Je m'appelle Walter Kolisnyk. Je suis un agriculteur de la région de la vallée de la rivière Swan. Je suis agriculteur depuis environ 25 ans. J'ai préparé certaines notes que vous pourrez lire et apporter avec vous.

Permettez-moi d'abord de vous remercier de nous donner l'occasion de rencontrer les membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il est plutôt rare que nous, agriculteurs, ayons la chance d'être assis face à face avec des représentants élus de la Chambre des communes.

• 1505

Je vais d'abord lire ce que j'ai écrit, et je vous ferai peut-être quelques commentaires au fur et à mesure.

Les agriculteurs de l'Ouest canadien traversent une crise financière très grave. Cette crise est le résultat direct de la faiblesse du prix des céréales. Si le prix des céréales est faible, c'est parce que d'autres pays, par l'intermédiaire de leur gouvernement national, subventionnent les ventes à l'exportation et le prix que les agriculteurs touchent à la ferme.

Pour étayer mes dires, je n'ai pas l'intention de vous noyer sous les chiffres. Le gouvernement n'a qu'à s'adresser au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire pour connaître les prix et les coûts de production.

Au cours des six à douze prochains mois, des milliers d'agriculteurs seront acculés à la faillite. Cette situation aura un effet dévastateur sur l'économie de l'Ouest canadien, c'est le moins qu'on puisse dire. À mon avis, le gouvernement fédéral doit intervenir maintenant. Son intervention devrait prendre la forme suivante: allouer des fonds le plus rapidement possible, en fonction des superficies ensemencées. Les agriculteurs disposeront ainsi de l'argent dont ils ont un urgent besoin pour payer leurs factures d'engrais et de produits chimiques. Il nous faut au moins 25 $ l'acre, je crois. Pour faire en sorte que l'investissement produise le plus d'effets possibles, on pourrait fixer une somme maximale ou un nombre maximal d'acres, ou encore effectuer un calcul proportionnel. En d'autres termes, on pourra aider un plus grand nombre de familles en imposant une limite.

Deuxièmement, le gouvernement devrait créer un filet de sécurité sociale à long terme pour assurer aux agriculteurs un minimum de sécurité et de prévisibilité. Les agriculteurs de même que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient participer à ce programme. En outre, on devrait axer le programme sur le prix des céréales et laisser au Programme d'assurance-récolte le soin de s'occuper de la production. En vertu d'un tel régime, les agriculteurs tireraient un rendement équitable des céréales qu'ils produisent.

Troisièmement, le gouvernement devrait profiter des pourparlers sur le commerce mondial pour obtenir un accord sur l'élimination des subventions à l'exportation. Les agriculteurs du Canada peuvent soutenir la concurrence des agriculteurs de partout, à condition d'être assujettis à des règles du jeu égales. J'ai parfois l'impression que le Canada est le seul pays exportateur qui respecte les règles du commerce mondial.

Le problème de la faiblesse du prix des céréales ne date pas d'hier. Depuis de nombreuses années, nous sommes confrontés à la diminution des prix et à la montée des coûts. Par le passé, nous étions admissibles à des programmes tels que le Compte de stabilisation pour le grain de l'Ouest, le Programme spécial canadien pour les grains et le Régime d'assurance-revenu brut (RARB). L'Aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole (ACRA) ne fonctionne tout simplement pas comme il se doit, et tout le monde le sait. Il s'ensuit que les agriculteurs tirent très peu d'argent du programme.

De toute évidence, il est temps que le gouvernement indique aux Canadiens qu'il est prêt à défendre les agriculteurs du pays. Tout l'argent que les agriculteurs recevront sera réinvesti dans l'économie.

Enfin, je tiens à préciser qu'il s'agit d'un problème international et que le Canada doit montrer au monde que nos agriculteurs ne seront pas traités comme des citoyens de deuxième classe.

Le président: Je vous remercie, monsieur Kolisnyk. Je suis certain que les membres du comité auront des questions à vous poser une fois que les autres intervenants auront terminé.

Nous allons maintenant entendre M. Schwickart.

M. Gert Schwickart (témoignage à titre personnel): Messieurs, bonjour.

Aujourd'hui, c'est la Saint-Nicolas. Dans notre pays, Saint-Nicolas vient la nuit, armé d'un livre doré et d'un livre noir, et fait lecture de tout ce qui est arrivé. Je pense que le moment est venu de sortir le livre noir. Normalement, il est muni d'une baguette avec laquelle il touche l'élu, mais, pour le moment, il n'est pas dans notre secteur.

Cependant, nous sommes au Canada, et j'ignore si vous célébrez la Saint-Nicolas.

J'ai préparé quelques notes. J'ai téléphoné à l'ACRA pour demander qu'on me fasse parvenir la trousse. Tout est ici. J'en ai pris 25 exemplaires, et, à temps perdu, vous pourrez l'examiner à l'hôtel ou ailleurs.

D'abord, nous avons reçu le guide d'instructions. Puis nous avons reçu le guide supplémentaire pour les formulaires agricoles; puis nous avons reçu un formulaire à remplir à la main; puis nous avons reçu la trousse de nouveau; puis nous avons reçu de nouveau le formulaire pour les fermes en expansion; puis nous avons reçu le guide d'instructions pour les paiements intérimaires, mais il était périmé parce que nous avons reçu un nouveau formulaire. Vous pouvez les regarder.

J'ai investi—c'est surtout ma femme qui l'a fait—de six à dix heures pour remplir ces formulaires. Je suis titulaire d'un diplôme en génie agricole et d'une maîtrise en agriculture. Je reçois 60 $ à la maison... Qui me paie pour remplir tous ces formulaires?

Le président: Vous devez remplir tous les formulaires?

M. Gert Schwickart: Oui.

Le président: Pas uniquement un ou deux, mais bien la totalité d'entre eux.

• 1510

M. Gert Schwickart: Non, parce qu'on pose sans cesse la même question et que nous sommes obligés de nous exécuter chaque fois. Si on oublie d'en faire la demande, les formulaires ne nous parviennent pas.

Ce qu'il y a, c'est que les personnes qui travaillent pour l'ACRA ne disposent pas de la formation voulue pour s'occuper des formulaires. J'ai téléphoné et posé la question suivante: «Quel est le prix de l'orge fourragère?» On ma répondu: «Nous ne l'avons pas.» J'ai demandé: «Vous savez ce qu'est l'Ouest canadien?» On m'a répondu: «Non.» J'ai dit: «C'est une catégorie d'orge fourragère.» Les employés n'ont pas la formation qu'il faut.

J'ai une entreprise de nettoyage du grain. J'ai téléphoné cinq fois pour demander aux responsables ce qu'il fallait en faire. Cinq fois, on m'a dit que je n'avais pas à l'inclure. Satisfait, je l'ai donc éliminée. Il s'agit maintenant d'une entreprise distincte.

L'ACRA est mal organisée. Il faut corriger la situation. L'argent que vous versez au type qui travaille pour l'ACRA à Winnipeg—je pense qu'il gagne 30 000 $ ou 40 000 $ par année—, c'est de l'argent qui n'aboutit pas dans mes poches. Je n'ai pas droit à des fonds de l'ACRA parce que je possède une exploitation agricole mixte.

Je reviens à mon texte, vous aurez peut-être plus de facilité à me suivre.

Les formulaires sont trop complexes. Regardez-les; j'en ai apporté 25 exemplaires. Il faut trop de temps pour les remplir. J'ai dit qu'il fallait de quatre à six heures, ou de huit à dix. Dans les formulaires de 1999, il faut répondre aux mêmes questions que dans ceux de 1998.

La liste de prix est très mal faite. On n'y retrouve pas les troupeaux d'animaux de race ni les troupeaux commerciaux. On ne tient compte que des taureaux de race inférieure ou des vaches destinées à l'abattoir. J'ai téléphoné pour demander qu'on tienne compte de la valeur de mon bétail. On ne me l'a pas permis. J'ai donc donné les chiffres pour le taureau de race inférieure. C'était un animal de race. Disons qu'il valait 2 000 $. J'ai dit qu'il en valait 1 000 $. Le coût des reproducteurs est donc absent ou, comme je l'ai indiqué, nous ne sommes pas autorisés à utiliser nos propres coûts.

Pourquoi considère-t-on en 1999 que les dépenses qui suivent ne sont pas admissibles? Le mot ACRA figure sur nos formulaires, celui qui porte sur les paiements intérimaires, mais j'excède déjà la limite fixée de 9 000 $ parce qu'on considère comme non admissibles les dépenses liées aux baux, aux taxes foncières et aux salaires versés à des parents. On me dit que les critères ont été changés et que je peux maintenant tenir compte du salaire versé à des membres de ma famille. Lorsque j'embauche un non-membre de ma famille, il s'agit d'une dépense admissible. Cependant, ce sont toutes des dépenses que je dois effectuer.

Le programme a été modifié trop souvent—on le constate déjà sur les formulaires—et les employés n'arrivent pas à suivre. En octobre ou en novembre, j'ai téléphoné pour savoir où en était mon formulaire, on m'a répondu que je ne recevrais rien en deçà du seuil de 70 p. 100. Jusqu'ici, on ne m'a pas indiqué par lettre que je ne recevrai rien du tout.

Puis j'ai demandé le formulaire sur le rajustement de la marge de référence. C'est cette petite chose que j'ai ici. Puis j'ai réuni mon troupeau de vaches, et j'ai téléphoné de nouveau. Ils ne connaissent pas le formulaire. Ils ne le connaissent pas. Ils ont dit: «Nous allons devoir repartir en formation.»

Lorsqu'un nouveau formulaire est publié, les agriculteurs, je l'ai déjà dit, doivent être mis au courant. Il faut le demander. Le formulaire n'aboutit pas automatiquement dans notre boîte aux lettres. Voilà que nous apprenons l'existence du formulaire sur le rajustement de la marge de référence. L'administration coûte trop cher, et cet argent devrait aller dans nos poches ou dans la mienne.

Je le répète, j'attends depuis le 17 septembre de savoir si je recevrai ou non des fonds. J'ai téléphoné pour dire que, dans mon cas, la limite prévue dans le nouveau formulaire était déjà dépassée de 9 000 $ et demandé ce que je devais faire. La dame m'a répondu: «Envoyez-nous les formulaires parce qu'on les modifie sans cesse. Vous allez peut-être recevoir quelque chose.»

Dans notre région, nombreux sont les agriculteurs qui n'ont pas demandé les formulaires en question. Ils sont en proie à une grande frustration. Bon nombre d'exploitants de fermes mixtes ont indiqué qu'ils n'allaient rien recevoir. Hier, j'ai parlé à un agriculteur qui a 50 quotas, une concession et un troupeau de 250 têtes. Il a, m'a-t-il dit, présenté une demande. Il a dû débourser 2 000 $ pour apprendre ensuite qu'il ne recevrait rien.

• 1515

Je pense que l'ACRA est bien adaptée pour les exploitations agricoles porcines. Tout a débloqué l'année dernière lorsqu'on a fixé le seuil à moins de 70 p. 100, je crois. Les agriculteurs de l'Ontario sont en droit de se réjouir à l'idée de recevoir de l'argent. Quant aux éleveurs de bétail du Manitoba ou du Nord, ils ne voient rien venir.

La solution que je propose est très simple. Depuis des années, les Européens pratiquent déjà... il suffit d'aller un peu plus loin à l'étranger pour obtenir cette information. Il nous faut des subventions en espèces. On ne doit pas avoir la naïveté de penser que les Européens ont supprimé les subventions. Ils n'en ont rien fait. Je ne sais pas si vous avez déjà travaillé en Allemagne. Pour ma part, j'ai vécu dans ce pays pendant 37 ou 38 ans. Impossible de cacher que nous le faisons: sans subventions, de l'ordre de 500 à 700 deutschmarks par hectare, les grands agriculteurs de l'Est ne pourraient pas survivre. S'ils touchent les subventions, ils survivent; sinon, c'est impossible.

Quant aux Français, nous connaissons bien leur subtilité. Nous en avons ici au Canada.

Le système ne fonctionne pas. Ne soyez pas naïfs. Le ministre Vanclief pense qu'il suffit de ne pas payer, que les exploitations agricoles feront faillite et que les prix augmenteront. C'est faux.

Je pense qu'il faudrait verser une allocation en espèces par acre, puis fixer une limite pour le nombre d'acres donné—verser moins d'argent—de façon que les plus petites exploitations puissent survivre. Il faudrait aussi que le programme de prêts impute des taux d'intérêt moins élevés ou des taux d'intérêt subventionnés—un tel programme existe déjà en Alberta. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Revenons maintenant au RARB. C'est par pure coïncidence que vous avez supprimé le programme au moment même où les prix chutaient. Vous saviez que vous alliez devoir dédommager les agriculteurs, c'est pourquoi vous avez abandonné le programme. Or, le RARB était un bon programme. Il y a des moutons noirs partout. Il y en avait chez les agriculteurs. Il y en avait.

Sans subventions, bon nombre d'agriculteurs ne survivront pas à la prochaine année. En Saskatchewan, plus de 40 p. 100, dit-on, seront acculés à la faillite le printemps prochain. J'ignore si vous le savez. Vous l'apprendrez, je crois, dans vos déplacements. À la radio, j'ai entendu dire que vous alliez vous rendre en Saskatchewan plus tard dans le courant de la semaine.

On aura moins d'argent pour vivre, c'est certain, et moins d'argent à dépenser. En ville, bon nombre d'entreprises, privées de 4 millions de dollars, fermeront leurs portes. En milieu rural, il n'y a pas d'avenir pour les jeunes. Je songe déjà à vendre ou à louer mon exploitation. Cette année, j'ai loué ma terre à de plus importantes exploitations. Certaines d'entre elles ont déjà manifesté leur intérêt. Cette année, je ne ferai pas pousser de céréales.

Il y a deux ou trois jours, mon petit garçon est allé dans un Wal-Mart. Vous savez ce qu'il a fait? Il a rapporté tous les cadeaux qu'il avait eus pour Noël.

Je vous remercie beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Schwickart.

Nous allons maintenant entendre M. Stewart.

M. Neil Stewart (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, et je vous souhaite la bienvenue dans la région de Parkland.

Je viens de Roblin, près de l'endroit où vit M. Schwickhart, à 60 milles à l'ouest d'ici, près de la frontière de la Saskatchewan. Je porte quelques chapeaux. Je suis agriculteur depuis des années, mais je suis aussi commissaire-priseur et agent immobilier détenteur d'un permis.

Je vais lire les notes que j'ai préparées, conformément à la demande du coordonnateur qui a communiqué avec moi.

En premier lieu, je vous soumets deux mots. Le premier est le mot «crise», qui a pour synonymes «tournant», «apogée» et «heure H», lesquels dénotent l'importance ou le changement. Le mot «aide» a comme synonymes «assistance», «soutien» ou «secours». Des synonymes de crise et d'aide nous aident à comprendre l'objet de vos travaux. L'aide vient en réaction à une crise. Le programme d'aide aux exploitations agricoles est au coeur de votre enquête. On doit constater l'existence d'une crise et intervenir et apporter une aide en conséquence.

L'agriculture est à un tournant. L'histoire a été marquée par quelques tournants de la sorte. Dans l'Ouest canadien, le premier a été l'adoption de la Homestead Act. On a attiré dans l'Ouest canadien des milliers d'Européens chargés de convertir à l'agriculture un territoire qui, jusque-là, n'avait jamais été cultivé. À l'horizon, pas une seule ferme en vue. Le territoire était porteur de rêves, de rêves de richesse, d'indépendance et de liberté.

Ces rêves ont vite été effacés par les sécheresses, les inondations, la peste, les maladies et les dépressions économiques. Pourtant, des agriculteurs, qui se caractérisent par leur persistance, ont sacrifié de nombreuses vies à l'espoir de jours meilleurs. Chez les agriculteurs, la persistance est à la fois un atout et une lacune.

À titre d'agriculteur, de commissaire-priseur et d'agent immobilier, je suis en mesure de me faire une idée de la situation générale de l'agriculture dans l'Ouest canadien. Certains secteurs, par exemple la production de bovins, semblent rentables. L'industrie porcine semble avoir échappé à un quasi-désastre. Des producteurs de céréales sont victimes de prix beaucoup trop bas, situation qu'aggravent les conditions météorologiques catastrophiques que connaissent les régions. Tous ces secteurs ont une chose en commun: un changement ou un tournant.

• 1520

Une bonne partie du changement est le résultat direct de l'adaptation à la technologie dans le secteur agricole. Les cowboys—je cesse de lire un instant pour préciser que j'utilise le terme de façon générale, étant entendu qu'aucun cheval ne tolère que je m'assoie sur lui—optent pour les machines, les ordinateurs et les médicaments issus de la haute technologie pour soigner leur bétail. Les besoins en main-d'oeuvre sont radicalement moins élevés. Un seul et même cowboy veut s'occuper d'un plus grand nombre de têtes de bétail et d'un plus vaste territoire. Nous sommes à un tournant: on a besoin de moins de cowboys.

Il en va de même pour les producteurs de porcs, les producteurs de céréales et tous les intervenants du secteur de l'agriculture. Il faut de moins en moins de personnes pour effectuer le même travail qu'auparavant. Les économies d'échelle changent—un autre tournant.

C'est en raison des difficultés financières que connaissent certains que bon nombre de tournants ont été reconnus. Des programmes gouvernementaux comme la Loi sur l'assistance à l'agriculture des Prairies, qui remontent à fort longtemps, l'ARAP, l'assurance-récolte, le programme de réduction des stocks de blé, le RARD, les offices de consolidation des dettes et, aujourd'hui, l'ACRA ne sont que quelques illustrations de cette reconnaissance. Ces programmes ont-ils donné de bons résultats? L'agriculture existe toujours. La production est toujours élevée. Ont-ils permis de préserver intact le nombre d'exploitations agricoles? Non. Doit-on apporter plus d'aide? Peut-être.

À l'examen des exploitations agricoles vendues aux enchères publiques, je ne constate aucune variation du nombre de ventes. Souvent, le matériel annoncé date de vingt ans, ce qui dénote peut-être que les exploitants ne se sont pas adaptés à la nouvelle technologie. Sur les listes privées de machines—j'entends par là non pas celles qui sont vendues aux enchères publiques, mais bien celles qui font l'objet d'annonces privées—on indique souvent le départ à la retraite comme motif de la vente. Les prix demandés sont très élevés. Le marché des équipements usagés semble bien se porter.

De la même façon, le marché foncier—après tout, la terre est à la base de toute activité agricole—est dynamique. À titre d'agent immobilier, je ne constate pas de variation du nombre de terres mises en vente. À l'heure actuelle, les ventes imputables à des difficultés financières sont rares. Suivant mon expérience, ce sont les départs à la retraite imputables à une mauvaise santé qui sont la principale raison des mandats de vente dans le secteur immobilier. Cependant, la stabilité financière du vendeur permet à ce dernier de ne pas céder à la panique.

Ce qui distingue les difficultés actuelles de l'agriculture de celles que le secteur a connues dans les années 80, c'est l'absence des taux d'intérêt de 24 p. 100. J'ai moi-même été confronté à de tels taux, et je dois avouer que la note a été salée. Si je divise par 24 le chiffre magique de 72, je constate que, à cette époque-là, la dette non remboursée doublait en seulement trois ans et quadruplait en six. Aujourd'hui, les taux d'intérêt ont beau monter, ils sont encore loin des sommets d'antan.

Soit dit en passant, j'ai eu une discussion avec un ami qui exploite une ferme très bien tenue. Si les taux revenaient à ce qu'ils ont déjà été, m'a-t-il dit, il ferait instantanément faillite. Si, en effet, les taux d'intérêt augmentaient pour atteindre les sommets de jadis, ce qui entraînerait une augmentation du service de la dette, bon nombre d'exploitations agricoles auraient tôt fait de sombrer dans les difficultés financières. Lorsque les taux d'intérêt franchissent le cap des 10 p. 100, l'agriculture n'est pas en mesure de soutenir la concurrence d'autres secteurs le moment venu de contracter des prêts dans le marché monétaire.

L'impôt sur le revenu aurait pour effet d'aggraver toute augmentation des taux d'intérêt. Au-dessus de 28 000 $ de revenu environ, les taux d'imposition passent environ à 45 p. 100. Voilà qui fait plutôt bien paraître les taux d'intérêt. Lorsqu'on doit hypothéquer sa terre ou ses biens immobiliers pour amortir des pertes d'exploitation, la dette ne peut être répartie sur la durée de l'hypothèque aux fins de l'impôt sur le revenu. Lorsqu'on refinance sa dette au moyen d'une hypothèque, l'impôt sur le revenu cause une détérioration du ratio d'endettement en alourdissant le fardeau de la dette. Le revenu réel chute. Les règles fiscales sont le reliquat de temps meilleurs.

C'est le genre de crises auxquelles on a affaire—difficultés financières temporaires, contre-coups des fluctuations normales du marché ou malheurs soutenus et invariables—qui dictent le genre d'intervention qu'il convient de prévoir. Le simple fait de verser de l'argent n'est peut-être pas la solution. L'argent permettra peut-être de différer le changement véritable, mais il ne l'empêchera pas. Le gouvernement devrait avoir pour priorité la sécurité de l'approvisionnement de tous les Canadiens, suivi par la sécurité de l'industrie de la production alimentaire. Le gouvernement—et par là j'entends les citoyens du Canada—doivent décider des mesures à prendre. Il pourrait suffire d'apporter des modifications aux règles fiscales ou à celles qui régissent les prêts à intérêt. Le gouvernement est plus apte à légiférer qu'à accorder de l'aide financière. Il devrait faire en premier ce qu'il fait le mieux.

• 1525

Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Stewart.

Nous allons maintenant entendre M. Zimmer.

M. Duane Zimmer (témoignage à titre personnel): Je souhaite le bonjour à tous les membres du comité. Je m'appelle Duane Zimmer. Je tiens à vous remercier d'être venus à Dauphin pour entendre de première main les problèmes auxquels sont confrontés les producteurs agricoles et de me donner l'occasion de me faire entendre. J'espère que mon exposé vous aidera à comprendre un peu mieux nos problèmes et que, par la suite, vos travaux pourront déboucher sur certaines solutions concrètes pour l'agriculture d'aujourd'hui aussi bien que pour celle du siècle prochain.

Avec ma femme et ma fille de 18 mois, je vis dans une ferme située près d'Inglis. Nous attendons notre prochain enfant pour la fin du mois de mars. Ma femme, qui est enseignante, travaille actuellement à mi-temps. Nous cultivons la terre en compagnie de mon père et de ma mère. Mon grand-père et mon arrière-grand-père ont exploité une partie de la terre que nous cultivons aujourd'hui.

Nous exploitons une ferme mixte, tournée vers la production céréalière, l'élevage des vaches et des veaux et l'exploitation de petits parcs d'engraissement. Nous avons plus que doublé la taille de notre troupeau depuis l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau, et nous finissons nous-mêmes nos veaux.

De nos jours, l'agriculture est confrontée à de nombreux problèmes qui tous concourent à l'apparition d'un problème plus vaste, c'est-à-dire des revenus nets bas ou négatifs, malgré un labeur, des risques et des investissements considérables. Le problème va bien au-delà de la perte de revenu. Les niveaux de stress ont connu une montée spectaculaire, ce qui a entraîné de nombreux suicides. La qualité de vie s'est détériorée en raison de l'augmentation de la taille des exploitations du fait que nous devons travailler à l'extérieur de la ferme pour nourrir notre famille.

Les coûts élevés du transport, les coûts élevés des intrants, les coûts élevés de la machinerie et des réparations, les impôts élevés, le faible prix des produits, l'érosion du pouvoir d'achat et les pressions de plus en plus grandes qui s'exercent sur nous pour que nous modifiions nos activités pour protéger l'environnement comptent parmi les problèmes auxquels nous faisons face.

Au cours des dernières années, le canola a été rentable. À lui seul, ce produit a permis à des agriculteurs de tenir le coup pendant des années. L'année dernière, le prix du canola a chuté de 30 à 40 p. 100, ce qui a aggravé les problèmes.

J'aimerais aussi que nous puissions vendre notre blé dans le cadre d'un régime de mise en marché double, même si je n'impute pas à la Commission canadienne du blé les problèmes que nous connaissons aujourd'hui.

Nous avons très peu de contrôle sur nos coûts, et c'est le marché mondial qui détermine le prix de nos produits. Même si nos coûts continuent d'augmenter, nous sommes donc incapables de faire passer ces augmentations aux consommateurs parce que, au contraire de la plupart des entreprises, ce n'est pas nous qui fixons les prix de nos produits. Aujourd'hui, le prix du grain est inférieur à ce qu'il était il y a 25 ans.

Je suis d'avis que l'agriculture est très importante pour la santé de l'économie du Canada. L'agriculture a des retombées colossales, et un grand nombre de particuliers et d'entreprises gagnent beaucoup d'argent grâce au travail des agriculteurs. Voilà pourquoi je suis en colère lorsqu'on constate qu'on ne nous laisse presque rien à nous, les producteurs primaires, même si nous sommes à l'origine de l'injection de milliards de dollars dans l'économie. L'argent que nous tirons d'une miche de pain, d'un contenant de margarine ou d'une livre de viande hachée ne représente qu'une fraction du coût de ces produits. Pourtant, les intermédiaires, qui réalisent déjà des profits considérables, s'accaparent une part de plus en plus grande du gâteau.

Ces problèmes ne datent pas d'hier. Nous y sommes confrontés depuis des années. S'ils font aujourd'hui la manchette, c'est en raison de la faiblesse du prix des produits. Les agriculteurs ont tenté de survivre à ces temps économiques difficiles en contractant des prêts d'exploitation plus élevés, en restructurant leurs dettes, en ne remplaçant pas le matériel, en obtenant du crédit, là où il était possible de le faire et, enfin, à travaillant à l'extérieur. Ce sont là des mesures à court terme, et non de bonnes décisions d'affaires à long terme.

Il est difficile de se faire une idée de l'érosion de notre pouvoir d'achat. Voici un exemple de déclin: au début des années 70, un boisseau de blé nous permettait d'acheter environ 20 gallons de diesel. Aujourd'hui, le même boisseau de blé ne nous permet plus que d'en acheter un seul.

Par ailleurs, nous n'avons pas été en mesure de remplacer l'équipement qui aurait dû l'être. Les coûts de l'équipement continuent d'augmenter. Étant donné la faiblesse de nos revenus, nous sommes contraints de continuer de réparer le vieil équipement. Le problème ne date pas d'hier: il s'est au contraire construit sur de nombreuses années. Les non-agriculteurs s'imaginent que les agriculteurs sont riches puisqu'ils possèdent un grand nombre de grosses machines. Or, ces machines ne sont pas un luxe; elles constituent un volet nécessaire de l'agriculture d'aujourd'hui. Pour assurer la réussite future des exploitations, on doit sans cesse les mettre à niveau. Les agriculteurs utilisent depuis trop longtemps l'équipement dans lequel ils ont investi. Pour que la mise à niveau du matériel représente une décision d'affaires avisée, l'agriculture doit générer des profits.

• 1530

En contractant des prêts d'exploitation plus élevés, nous nous endettons davantage; en restructurant nos prêts, nous augmentons l'intérêt que nous versons. Comment peut-on nous demander de continuer de nous endetter sans reconnaître les problèmes auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés?

Du fait de l'utilisation de subventions et de programmes, l'Union européenne et les États-Unis sont en grande partie responsables de la faiblesse du prix des produits. Ils utilisent les subventions pour assurer l'approvisionnement de leurs habitants. Ils valorisent leurs agriculteurs et s'en occupent. Les agriculteurs canadiens produisent des céréales et des viandes qui comptent parmi les meilleures du monde. Sur ce plan, ils sont très efficients. Depuis des années, nous sommes contraints de livrer concurrence à ces subventions, et nous avons jusqu'ici tenu le coup.

Les Canadiens valorisent-ils ces aliments sûrs et de bonne qualité? Ne les tiennent-ils pas plutôt pour acquis, sans se soucier de ceux qui les produisent et les fournissent? Les consommateurs savent-ils que la quasi-totalité des sommes qu'ils consacrent à la nourriture va aux détaillants, aux transformateurs et à d'autres intermédiaires qui s'enrichissent sur le dos des producteurs primaires?

Depuis des années, les organisations agricoles informent les gouvernements des problèmes de plus en plus graves que connaît l'agriculture, mais ces derniers ont fait la sourde oreille. Je sais que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ne comprend pas la situation et ne s'en inquiète tout simplement pas. Puisqu'il a dû vendre sa ferme, il semble croire que tous les agriculteurs du Canada qui éprouvent des difficultés financières, quelle qu'en soit la cause, devraient l'imiter.

Nous avons aussi été traités de haut par notre premier ministre, qui a réagi à la situation en affirmant que, selon les statistiques, la situation s'améliore.

Si le gouvernement fédéral tient à favoriser la croissance des fermes constituées en sociétés et l'aliénation de l'Ouest, le gouvernement fédéral a, à mon avis, opté pour la politique agricole idéale. Les fermes constituées en sociétés seront exploitées non pas par des agriculteurs, mais bien plutôt par des multinationales agricoles. Ces dernières n'ont que faire de la production des produits sûrs. Tout ce qui les intéresse, c'est d'assurer à leurs actionnaires les meilleurs rendements possible. Est-ce bien ce que le gouvernement souhaite? J'ai l'impression que les consommateurs pourraient bien s'alarmer d'une telle politique.

Pour faire face à ces problèmes, l'ACRA et le Compte de stabilisation du revenu net (CSRN) sont les programmes sur lesquels nous comptons. Le ministre de l'Agriculture a publiquement admis l'échec de l'ACRA. Dommage qu'il ne nous ait pas écoutés lorsque le programme a été conçu. Il y a des mois, soit au moment de la conception du programme, les agriculteurs et les organisations agricoles l'avaient pourtant mis en garde. Le CSRN est un bon programme qui en est toujours au stade embryonnaire. Il n'a pas été conçu pour faire concurrence aux trésors de l'UE et des États-Unis. Pour qu'il puisse stabiliser notre industrie, nous devrons compter sur un grand nombre de bonnes campagnes agricoles.

Pour faire en sorte que l'agriculture puisse non seulement survivre, mais aussi croître au siècle prochain, on doit dès maintenant injecter des sommes dans les exploitations agricoles et mettre au point un programme à long terme. Les nouveaux programmes agricoles doivent être conçus par des agriculteurs et des organisations agricoles, et non par des bureaucrates. Dans tout nouveau programme, on doit veiller à ce que l'administration demeure minimale. Nous n'avons pas besoin d'un autre projet de création d'emplois pour les fonctionnaires comme l'ACRA.

Il importe de mettre au point un programme à long terme grâce auquel les agriculteurs pourront, grâce à une saine gestion et à un travail acharné, s'assurer un avenir rentable. Le programme ne devrait pas avoir pour effet d'encourager l'expansion des exploitations. Au-delà d'un seuil convenu au préalable, on ne devrait pas récompenser la production excessive d'exploitations agricoles. Le programme doit encourager les agriculteurs à demeurer sur leurs terres et même en convaincre certains de revenir à l'agriculture. Il devrait encourager une plus grande diversification: étant donné nos coûts de transport élevés, on ne peut en effet encourager l'exportation de matières premières. Le programme devrait inciter les agriculteurs à ne pas s'en remettre à un revenu généré à l'extérieur de la ferme. Enfin, j'aimerais qu'il entraîne une diminution des niveaux de stress et qu'il assure aux familles agricoles du Canada une meilleure qualité de vie.

Au siècle prochain, les agriculteurs devront consacrer plus d'argent et de ressources à l'environnement en raison des pressions de plus en plus grandes que le public exerce sur eux. Dans le cadre de tout nouveau programme agricole, on devra convenir de ce problème et réagir en conséquence. Il n'y a pas de solutions faciles. Cependant, les personnes habilitées à apporter les changements nécessaires doivent dans un premier temps reconnaître l'existence des problèmes.

En conclusion, je tiens à dire que je suis fier d'être agriculteur et fier de mes ancêtres qui ont été agriculteurs avant moi. Grâce à leur saine gestion, à leur ingéniosité et à leur travail acharné, ils ont contribué à l'édification du pays. Au fil des ans, l'agriculture a beaucoup changé, mais les agriculteurs continuent d'être de bons gestionnaires, de faire preuve d'une ingéniosité remarquable et de travailler avec acharnement.

Mon père et mon grand-père m'ont aidé à prendre un bon départ dans le domaine de l'agriculture, et je tiens à être en mesure de faire la même chose pour mes enfants. Il est temps que nous soyons reconnus et récompensés pour ce que nous faisons pour le pays. Depuis trop longtemps, nous acceptons d'être tenus pour acquis et d'être ignorés par les citoyens aussi bien que par les gouvernements. Nous devons être reconnus pour l'importante contribution que nous apportons à l'économie du Canada et récompensés pour les risques considérables que nous courons aussi bien que pour notre travail acharné et les investissements substantiels que nous consentons.

Je vous remercie.

• 1535

Le président: Je vous remercie, monsieur Zimmer. Je vous remercie tous. Nous vous savons gré de vos remarques.

Nous allons maintenant passer à la première série de questions. Monsieur Mark, la parole est à vous.

M. Inky Mark: Je vous remercie, monsieur le président.

Permettez-moi d'abord de remercier les témoins. Il est certain que leurs propos sont le reflet de la frustration que la communauté agricole de Dauphin—Swan River a connue tout au long de l'été. À titre de député, je sais que l'agriculture est le moteur de la circonscription. L'économie de Dauphin—Swan River dépend des exploitations agricoles. Si ces dernières sont privées de revenu, aucune collectivité de la région ne peut espérer survivre.

Je dois avouer que les agriculteurs de Dauphin—Swan River ont tout au long de l'été exprimé très clairement les préoccupations que leur inspire l'état de l'agriculture. Ils ont pris part à des manifestations visant à ralentir la circulation. Ils ont organisé des rassemblements. Ils ont écrit au ministre. Les municipalités ont adopté des résolutions.

La question qui se pose à nous tous est la suivante: a-t-on bien reçu le message? Faire passer le message a été la toute première priorité. Je sais que bon nombre de résidents de Dauphin—Swan River se sont rendus à Ottawa pour discuter avec des politiciens et des organisations sur la colline du Parlement et que, à leur retour, ils étaient en proie à la frustration.

J'aimerais que chacun des témoins réponde à ma première question. Avez-vous le sentiment qu'Ottawa entend votre appel à l'aide? Sinon, pourquoi? Pourquoi Ottawa n'est-il pas à l'écoute de vos préoccupations?

M. Gert Schwickart: Ottawa, c'est loin, très loin de l'Ouest, et, lorsqu'on examine notre Parlement—je devrais dire nos Parlements—on constate que la plupart des députés ou des ministres viennent de l'Est. M. Vanclief vient lui aussi de l'Est. Je n'ai encore vu personne qui vienne de l'Ouest, du Manitoba ou de la Saskatchewan. À mon avis, voilà d'où vient le problème.

J'ai tenté de communiquer avec des responsables par téléphone, mais on a fait obstacle à mes démarches. Je dois assumer les frais de ma poche, et je ne suis pas disposé à le faire. Nous avons une ligne sans frais, mais vous n'en avez pas au Parlement, si bien que je ne peux pas m'exprimer. Voilà pourquoi je me rends souvent au bureau d'Inky Mark pour lui faire part de mes inquiétudes.

Nous sommes canadiens. Dans toute cette cohue, où se trouvent les Canadiens? À la queue. On parle, on parle, on discute de tout, mais on n'agit pas. Et c'est dans les moeurs canadiennes. On doit mener des enquêtes et accumuler les études. On étudie pendant longtemps, jusqu'à la mort du patient, puis on déclare: «Eh bien, nous avons fait quelque chose. Nous avons institué l'ACRA et d'autres programmes.»

Je le répète, les politiciens ne sont pas disposés à nous écouter. Nous avons tenté de nous faire entendre en organisant des rassemblements à Ottawa. En vain. À l'arrivée au pouvoir d'un autre parti, ce sera la même chose. Rien ne va changer parce que nous sommes trop loin d'Ottawa. Quel est le pourcentage de Canadiens qui vivent en Saskatchewan et au Manitoba? Il n'est pas bien élevé.

Le président: Monsieur Kolisnyk.

M. Walter Kolisnyk: D'abord, je ne pense pas que le gouvernement fédéral soit conscient de la véritable gravité de la situation. Je pense qu'il commence à s'en rendre compte.

Je dois avouer que M. Vanclief a été une déception—il me coûte de l'admettre—à titre de ministre de l'Agriculture. À l'analyse de ce qu'il a déclaré dans The Western Producer et The Free Press à un moment ou à un autre, il apparaît clairement que, en tant qu'agriculteur, il est tout à fait déconnecté, pour dire les choses simplement. C'est peut-être parce qu'il vit en Ontario et qu'il ne comprend pas l'agriculture de l'Ouest comme il le devrait.

Je pense que le gouvernement fédéral dans son ensemble commence à entendre le message et à le comprendre. Je pense que vous, à titre de député du Manitoba, commencez à prendre conscience de la gravité de la situation. Elle a des effets dévastateurs, pour dire le moins.

• 1540

Lorsqu'on y songe, qui, à Ottawa, défend vraiment les agriculteurs? Soyons honnêtes. À Ottawa, il n'y a qu'une poignée de Libéraux. Or, vous avez dépensé là où vos investissements vous rapporteront le plus sur le plan politique. Vous pouvez faire élire de nombreux Libéraux en Ontario et au Québec. Peu importe combien vous consacrerez aux agriculteurs, vous n'allez pas en faire élire beaucoup au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Voilà l'aspect politique du problème.

Par le passé, les députés du Parti réformiste ont élevé la voix et se sont prononcés fermement contre toute forme de subvention. À leur avis, le gouvernement ne devrait pas soutenir l'industrie agricole à même l'argent des contribuables. Ils ne parlent donc pas en notre nom.

Qui dont parle au nom des agriculteurs?

À mon avis, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et les députés du gouvernement doivent adopter une approche proactive de la situation et expliquer aux citoyens du Canada qu'il est important d'agir.

M. Inky Mark: Je dois nuancer votre réponse. Le Parti réformiste croit à l'adoption de solutions à court et à long termes. À court terme, nous savons que nous sommes confrontés à une forme de resserrement monétaire, à une crise. Les agriculteurs ont besoin d'argent. En fait, mon bureau reçoit tous les jours des appels d'agriculteurs de la circonscription qui se préoccupent de leur avenir. À la veille de Noël, cette incertitude a un effet dévastateur sur les agriculteurs et leur famille.

Quel effet ces tensions ont-elles jusqu'ici eu sur votre famille ou votre collectivité?

M. Duane Zimmer: Toutes les familles agricoles sont durement touchées—et pas seulement les famille agricoles. En fait, c'est l'économie rurale tout entière qui ressent les contrecoups de la situation. Je pense que certains propos qu'a tenus le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire sur les agriculteurs ont porté un rude coup à la fierté de ces derniers. Bon nombre des commentaires du ministre étaient fort injustes, et je me demande d'où il tient ses informations.

Le président: Je vous remercie.

La parle est à vous, monsieur Calder.

M. Murray Calder: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

En 1984, messieurs, j'ai connu à titre de producteur de porcs une situation analogue à celle que vous traversez aujourd'hui. Financièrement, j'étais acculé au pied du mur. Si je me suis tiré d'affaire, c'est parce que je me suis converti à la production avicole et, donc, à la gestion de l'offre. Mon exploitation était visée par l'article 88. Je sais donc de quoi vous parlez.

Duane, j'avais à peu près le même âge que vous, et ma famille en était à peu près au même point. J'avais deux jeunes enfants à la maison lorsque nous avons effectué la conversion. C'était très difficile.

Je suis venu ici en août pour me faire une meilleure idée de la situation. Je suis venu par moi-même pour discuter avec des agriculteurs. Je suis allé à Regina et dans la région de Yorkton. J'ai donc pu me faire une bonne idée de ce qui se passait.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral propose des programmes de protection du revenu d'une valeur d'environ 600 millions de dollars par année. L'une des questions que j'aimerais poser, d'entrée de jeu, c'est combien, à votre avis, nous devrions dépenser pour régler le problème? N'oubliez pas que, à titre d'agriculteur de l'Ontario, je réponds à des agriculteurs de la région qui, lorsque de l'argent est consacré à l'Ouest, tiennent à avoir une part équitable du gâteau. Voilà l'autre problème auquel je suis confronté. Cependant, je sais que la situation est beaucoup plus critique ici qu'elle ne l'est dans l'est du Canada.

L'autre question que j'aimerais poser a trait à un programme de retrait obligatoire des terres en culture. Lorsque, en 1995 et 1996, les prix des céréales étaient bons, bon nombre de terres supplémentaires ont été mises en culture. Franchement, on devrait procéder au retrait de ces terres. Je me demande ce que, à votre avis, nous devrions faire à ce propos.

Voilà mes deux questions.

• 1545

M. Walter Kolisnyk: Je vais répondre à votre première question. Vous voulez savoir de combien ont besoin les agriculteurs. Je ne suis pas assez au courant des chiffres pour pouvoir déterminer exactement comment l'argent devrait être réparti. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, je pense que nous avons tout de suite besoin de 25 $ l'acre. Je pense aussi qu'un problème à beaucoup plus long terme nous guette, abstraction faite de la somme de 25 $ l'acre. Je pense qu'il faudra adopter une solution à long terme à laquelle seront mêlés tous les intervenants, à savoir le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les producteurs.

À la radio, j'ai entendu aujourd'hui que les agriculteurs de la Saskatchewan disent avoir besoin de 1 milliard de dollars pour la Saskatchewan seulement. On peut donc dire que les trois provinces des Prairies réunies auront sans doute besoin de plus de 2 milliards de dollars.

M. Murray Calder: Dans le même ordre d'idées, je précise que, en Ontario, le RARB existe toujours parce que le gouvernement provincial, au contraire des gouvernements provinciaux d'ici, n'a pas, le moment venu, supprimé le programme.

Pensez-vous que nous devrions rétablir le RARB ici, étant donné que l'Ontario bénéficie aujourd'hui, pour ce seul programme, d'une réserve de quelque 350 millions de dollars, laquelle nous permettra probablement de tenir le coup pendant une année de plus en Ontario, peut-être même deux?

M. Walter Kolisnyk: Si je comprends bien, l'agriculture de l'Ontario est en bonne partie axée sur la gestion de l'offre, comme c'est le cas dans l'industrie avicole.

M. Murray Calder: C'est exact.

M. Walter Kolisnyk: Votre situation est donc tout à fait différente de la nôtre. Essentiellement, on vous garantit un profit. Si vous produisez, vous réalisez un profit.

M. Murray Calder: Les années 1995 et 1996 ont été difficiles pour nous: à l'époque, la nourriture pour mes animaux me coûtait environ 350 $ la tonne, et c'est parce que, ici, les prix des céréales étaient bons.

M. Walter Kolisnyk: Je ne pense pas que le RARB était un programme idéal, mais il avait l'avantage de mettre de l'argent dans les poches des agriculteurs. Il accomplissait ce qu'il avait pour but de faire. C'était un programme coûteux, pour les provinces aussi bien que pour le gouvernement fédéral, mais il débouchait au moins sur une injection de capitaux. Bon nombre d'agriculteurs ont reçu des sommes conséquentes, et on aurait probablement pu améliorer le programme plutôt que le supprimer.

Le président: Monsieur Stewart.

M. Neil Stewart: La question de savoir combien d'argent reçoivent aujourd'hui les agriculteurs et de combien ils ont besoin dépasse mon entendement et va au-delà de ma compétence. Comme vous dépensez 600 millions de dollars, vous devez bien avoir des données à ce sujet. Avec une telle somme, quelqu'un pourrait s'amuser longtemps.

Combien faudrait-il? À titre d'homme d'affaires, ainsi que je l'ai indiqué dans mon exposé, je ne constate pour le moment pas de signaux de détresse. Personne n'est encore venu me voir en dix ans pour me dire: «Neil, assoyons-nous et discutons de ce que je peux faire pour me départir de mes actifs qui ne me rapportent rien.» Cela vaut pour les terres aussi bien que pour la machinerie. Personne n'est venu me voir. Parlez à mes concurrents ou à mes collègues—selon le point de vue où on se place—du secteur de l'immobilier ou des ventes aux enchères, et ils vous diront la même chose. Nous n'en sommes pas encore là. À mon avis, c'est la première chose qu'il convient d'établir clairement.

En ce qui concerne maintenant le programme de retrait obligatoire des terres agricoles, des quatre témoins, je suis peut-être l'un des seuls à avoir assez vendu de biens pour être associé à la démarche au début des années 70, dans le cadre de ce que, dans l'Ouest, on a appelé le programme de réduction des terres agricoles. C'est peut-être ce programme qui a permis à notre ferme familiale de se tirer d'affaire. À l'époque, mon père était agriculteur, et je travaillais avec lui. Le programme nous a permis de cesser d'exploiter certaines terres et de les mettre en jachère. Le programme nous est venu en aide et nous a permis de bénéficier d'un influx de capitaux.

À l'époque, nous avions des problèmes... Dans la région d'Interlake, au Manitoba, à l'est d'ici, il y a un agriculteur qui a vendu de l'orge à 1 $ pour trois boisseaux. Tous les quotidiens et les hebdomadaires de l'Ouest canadien que je connaisse en ont parlé, et c'est ce qui a fixé le prix de l'orge fourragère dans l'Ouest canadien.

Je connais un type qui vit à six milles de la frontière du Montana, en Saskatchewan. À l'époque, il transportait des céréales sur 400 milles et des vendait à 0,25 $ le boisseau. J'ai moi-même franchi la frontière à 3 heures du matin—traverser une frontière provinciale était pour moi illégal—et livré des céréales au même endroit. C'est là que j'ai fait sa rencontre. Son travail ne lui rapportait rien, et il faisait preuve d'une témérité insensée.

Le programme de réduction des terres agricoles, à supposer qu'on s'oriente dans cette voie, devra être administré à long terme. Voilà pourquoi j'ai déclaré que nous devions déterminer la part de l'industrie que nous souhaitons soutenir et garantir pour le bien de la nation. Dans l'Ouest canadien, nous sommes d'abord et avant tout des exportateurs, et c'est pourquoi nous produisons plus que nous ne consommons. Monsieur Calder, si, dans l'est, vous êtes en mesure de fonctionner selon un régime de mise en marché fermé ou de production limitée, c'est parce que vous avez accès à un marché intérieur. Je pense que M. Zimmer pourrait s'en accommoder.

• 1550

Le président: Je vais maintenant céder la parole à M. Proctor.

M. Dick Proctor: Monsieur le président, je tiens d'abord à féliciter tous les témoins de leurs interventions, lesquelles ont été non seulement éloquentes, mais aussi empreintes d'émotion.

Monsieur Schwickart, il est clair que vous connaissez bien l'ACRA, mais vous n'avez pas répondu à la question que je me pose. Pensez-vous que le programme devrait être supprimé ou encore qu'il est possible de le réformer?

M. Gert Schwickart: Il devrait être supprimé.

M. Dick Proctor: Par quoi le remplaceriez-vous?

M. Gert Schwickart: J'aimerais qu'on rétablisse le RARD, qu'on retire ensuite les terres agricoles et qu'on verse 30 $ l'acre, ce qui représente une somme de 300 millions de dollars. Que représente une somme de 300 millions de dollars pour un gouvernement qui a des surplus? Eh bien, nous n'avons pas de surplus parce que nous avons une dette élevée. Voilà ce que je pense.

Une fois les terres retirées, nous pourrions utiliser le canola comme carburant. Voilà cependant qui nuirait aux compagnies de pétrole, et elles n'y tiennent pas du tout, ce qui pose un autre problème. On pourrait aussi planter du chanvre. On pourrait ensuite favoriser l'environnement en cultivant du canola plutôt qu'en laissant les terres en jachère. Nous pourrions continuer de cultiver du canola, mais ne pas l'utiliser aux fins du marché intérieur. En fait, on pourrait le réserver au marché industriel.

M. Dick Proctor: Ma question suivante s'adresse à M. Kolisnyk. Dans votre exposé, monsieur Kolisnyk, vous avez déclaré, je crois: «J'ai parfois l'impression que le Canada est le seul pays exportateur qui respecte les règles du commerce mondial.» Je suis plutôt d'avis que nous sommes probablement l'un des rares pays à ne pas les respecter.

Après les négociations du GATT de 1993, on a convenu que le Canada, au même titre que tous les autres pays du monde, allait réduire de 20 p. 100 l'aide allouée à l'intérieur sous forme de subventions. En fait, le Canada a réduit cette aide de plus de 60 p. 100, et c'est ce qui explique la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. À la lumière de l'évolution des marchés, nous ne sommes tout simplement pas en mesure de soutenir la concurrence.

Mike Gifford, soit l'un de nos principaux négociateurs, a, à l'occasion de son témoignage devant le comité et un comité du Sénat, déclaré que le gouvernement pourrait dès demain réinjecter 2 milliards de dollars au titre de l'aide intérieure sans prêter le flanc à quelque contestation que ce soit aux termes des obligations qui nous échoient en matière de commerce international.

Je tiens à ce que vous sachiez où nous en sommes. À mon avis, le Canada est demeuré sur la ligne de touche. Il est temps qu'il réintègre le jeu.

À la suite de l'échec apparent de la conférence de Seattle, la semaine dernière, qui visait à faire quelque chose, nous lisons dans le journal de ce matin une déclaration de Bob Friesen, président de la Fédération canadienne de l'agriculture, selon qui le Canada devra investir des sommes considérables pour que nous puissions soutenir la concurrence des Américains et des Européens. Voilà l'aboutissement de toute cette question.

J'aimerais entendre votre réaction à ce sujet, monsieur Kolisnyk.

M. Walter Kolisnyk: Je suis tout à fait d'accord. Je pense que la dernière ronde de négociations, en 1993, a été à l'origine de prières et d'espoirs nombreux. On a donné aux agriculteurs l'impression, me semble-t-il, que le Canada devait supprimer l'ensemble des subventions, les subventions au transport, le RARD et tous les autres programmes simplement parce que, dans le cas contraire, nous aurions été en contravention. Nous n'aurions pas suivi les règles.

Nous avons supprimé tous les programmes, les prix des céréales ont chuté, et les coûts ont augmenté. Les agriculteurs se sont trouvés aux prises avec des problèmes financiers. En même temps, le gouvernement nous disait: «Eh bien, nous ne pouvons revenir aux subventions à l'agriculture.» Pendant ce temps, toutefois, les Américains et les Européens n'ont jamais cessé de subventionner. En fait, ils ont même accru leur aide.

Je donne tout à fait raison à M. Schwickart: jamais on ne réussira à convaincre les Européens de supprimer ou même de réduire les subventions à l'agriculture. Ces mesures, qui sont en place depuis la Deuxième Guerre mondiale, ont en effet une bonne justification: les Européens tiennent à une économie agricole en santé.

Je ne crois pas que le Canada ait les moyens de consacrer des sommes mirobolantes aux subventions à l'agriculture. Cependant, nous devons parvenir à une certaine forme d'équilibre, réserver certaines sommes pour les subventions à l'agriculture et mettre au point un programme à long terme. Je suis pour ma part convaincu que les agriculteurs devraient y participer et verser des cotisations. On devrait y associer la province, qui pourrait peut-être contribuer à son administration, et on devrait aussi compter sur le concours du gouvernement fédéral. À mon avis, c'est là que nous pourrions tous mettre l'épaule à la roue. Nous devrions nous donner une certaine forme de sécurité et de prévisibilité à long terme.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: J'unis ma voix à celle de mes collègues pour vous remercier d'être ici et d'avoir présenté un exposé. Je vais vous poser mes questions rapidement, et je vous demande de répondre brièvement, parce que j'ai beaucoup de questions et peu de temps.

• 1555

Walter, vous avez évoqué le chiffre de 25 $. Je pense qu'un autre témoin—Gert, peut-être—a fait état d'une somme de 30 $. Monsieur Zimmer, je ne crois pas que vous ayez mentionné de chiffre. Si je comprends bien, Neil, vous n'avez pas de chiffre à avancer.

À combien l'aide à court et à long terme devrait-elle se chiffrer?

M. Duane Zimmer: Je n'ai pas vraiment de chiffre en tête. Il faut établir l'importance des revenus que l'agriculture assure au Canada et s'en servir comme point de départ.

M. Rick Borotsik: Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il existe un problème à court terme auquel on doit s'attaquer sans délai et aussi un problème à long terme? Soit dit en passant, le RARB et le CSRN ont été conçus avant 1993 par le gouvernement antérieur, et nous en tirons une certaine fierté. Avez-vous présenté une demande à l'ACRA?

Walter, avez-vous présenté une demande à l'ACRA?

M. Walter Kolisnyk: Non.

M. Rick Borotsik: Monsieur Zimmer, avez-vous présenté une demande à l'ACRA?

M. Duane Zimmer: Non.

M. Rick Borotsik: Aucun d'entre vous ne l'avez fait.

M. Duane Zimmer: J'ai reçu les formulaires de demande. Ils ont suffi à me décourager.

M. Rick Borotsik: Croyez-vous que vous recevriez de l'argent, à supposer que vous présentiez une demande?

M. Walter Kolisnyk: J'obtiendrai certaines sommes.

M. Rick Borotsik: Vous recevrez une certaine somme de l'ACRA. Savez-vous que, à l'heure actuelle, 60 p. 100 des Manitobains qui présentent une demande à l'ACRA essuient un refus?

M. Walter Kolisnyk: C'est exact.

M. Rick Borotsik: Laissez-moi vous poser une question. Je connais déjà la réponse, mais je veux l'entendre de votre bouche. Êtes-vous sincèrement convaincu que 60 p. 100 des personnes qui n'obtiennent rien de l'ACRA ou sont réputées non admissibles à l'ACRA n'ont pas besoin d'aide?

M. Walter Kolisnyk: Oui, ils en ont besoin.

M. Rick Borotsik: Je vous remercie beaucoup. C'est la réponse que j'attendais. Si j'ai posé la question, c'est parce que nombreux sont ceux qui échappent aux mailles du filet et ne reçoivent pas d'argent.

Voilà donc pour le problème à court terme. Je vais maintenant m'intéresser au problème à long terme.

Monsieur Stewart, votre exposé a suscité en moi une certaine confusion. En effet, j'entends à ce propos des commentaires contradictoires. À votre avis et selon votre expérience, les ventes de terrains ou les prix des terrains sont toujours relativement élevés. Vous avez dit qu'il n'y a pas de ventes imputables à des difficultés financières, ou qu'elles sont rares.

M. Neil Stewart: Non, du moins pas dans ma région.

M. Rick Borotsik: Le matériel usagé se vend encore à des prix raisonnablement élevés?

M. Neil Stewart: Oui, c'est le cas.

M. Gert Schwickart: Je n'y crois pas.

M. Duane Zimmer: Je n'y crois pas un instant.

M. Rick Borotsik: Puis-je vous entendre à ce propos, s'il vous plaît?

M. Gert Schwickart: Je n'y crois pas. Voilà pourquoi mon canola est toujours dans mes silos—je ne peux pas le vendre parce que le prix est inférieur à mes coûts de production. Je reste à la maison, et j'essaie de ne pas y penser. La plupart des agriculteurs, ou du moins certains, ne le font pas. J'ai téléphoné à l'élévateur pour demander si je pouvais livrer mon blé, et on m'a répondu que non.

M. Rick Borotsik: Puis-je vous interrompre un instant? Monsieur Stewart, les difficultés vont se manifester—peut-être dans quelques mois, peut-être au printemps ou à l'automne. Croyez-vous que le prix des terres va baisser et que les ventes de liquidation seront plus nombreuses au printemps ou à l'automne, l'an prochain?

M. Neil Stewart: Je crois que le cas classique, pour ce qui touche l'agriculture et le prix des terres, c'est que le prix des terrains de première qualité se maintiendra. S'il y a quoi que ce soit qui change, les ventes ralentiront simplement. Le prix ne changera pas là. Le moment où le prix des terres baissera, c'est celui où les zones peu rentables commencent à disparaître. Je vous dis que, pour l'instant, je n'ai pas vu de mandat de vente de liquidation dans l'industrie. Je mets ces bonnes gens au défi—nous sommes des amis, je ne veux pas créer ici des ennemis—de me nommer les cas qui, sur le marché aujourd'hui, représentent des ventes de liquidation.

M. Rick Borotsik: Vous avez dit «aujourd'hui»?

M. Neil Stewart: Oui.

M. Rick Borotsik: C'est donc «aujourd'hui» qui est le mot clé?

M. Neil Stewart: Oui.

M. Rick Borotsik: J'ai des amis dans l'industrie qui sont—

M. Neil Stewart: Eh bien, moi aussi.

M. Rick Borotsik: —parties à une liquidation éventuelle des actifs de producteurs. Il n'y a pas encore eu de liquidation, à ce jour, en décembre 1999.

M. Neil Stewart: Est-ce que ces gens s'adressent à des courtiers en immeubles? Je ne vois pas cela.

M. Rick Borotsik: Eh bien, monsieur Stewart, je ne veux pas me disputer avec vous. Tout ce que je veux, ce sont des renseignements.

M. Neil Stewart: D'accord.

M. Rick Borotsik: Vous me dites que vous ne prévoyez pas de telles ventes de liquidation une fois l'an 2000 arrivé?

M. Neil Stewart: Au cours des six derniers mois, dans la municipalité où j'habite, il y a eu six ventes de terrain qui sont sorties pour ainsi dire du «noyau»—c'est-à-dire que ce n'est pas un membre de la famille qui a acheté.

Par ailleurs, à titre d'encanteur—j'ai plus d'une corde à mon arc—j'ai été chargé d'une vente de terrain pour défaut de paiement d'impôt foncier par une municipalité locale en octobre. Deux heures avant la vente, le directeur municipal m'a appelé au téléphone pour me dire: «La vente est annulée, mais nous allons respecter votre contrat et payer votre entreprise pour les services rendus—tout l'impôt dû a été payé.» Il y avait là des lots et aussi des biens agricoles. Je crois qu'il est temps qu'on le sache. Nous n'en sommes donc pas encore aux liquidations.

Le président: Je dois vous limiter à 30 secondes, Rick.

M. Rick Borotsik: Monsieur Zimmer, vous avez présenté un bon exposé, dont j'aimerais examiner les propos de plus près. Vous avez parlé d'un programme à long terme, du fait que ce programme devrait favoriser l'agriculture et encourager les agriculteurs à cultiver des terres, du fait qu'il fallait injecter de l'argent et des ressources à court terme et que tout cela serait scruté par le public.

• 1600

Nous avons parlé du retrait obligatoire des terres. Est-ce que cela fait partie du programme que vous envisagez en ce moment, peut-être avec un paiement en espèces qui permet aux gens de demeurer à la ferme?

M. Duane Zimmer: C'est quelque chose qui pourrait fonctionner et qui pourrait se révéler bénéfique pour les agriculteurs de l'ouest du Canada en premier lieu.

M. Rick Borotsik: Seriez-vous d'accord avec une mesure qui correspondrait au retrait obligatoire de 20 p. 100 de vos propres terres agricoles?

M. Duane Zimmer: Oui, je le serais peut-être.

Le président: Je vous remercie tous. Nous allons maintenant passer au deuxième volet.

Nos prochains témoins seront Stuart Zander, Art Potoroka, Albert Dohan et Richard Hamilton. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Si le groupe ne s'y oppose pas, nous procéderons par ordre alphabétique. Monsieur Dohan, c'est à vous que revient le douteux honneur de commencer les choses. Si vous vous en tenez à cinq ou sept minutes, nous aurons le temps de poser des questions. Les exposés sont toujours très bons, mais l'échange de questions et de réponses qui s'ensuit est aussi très utile.

M. Albert Dohan (témoignage à titre personnel): Je tiens à vous remercier de m'avoir demandé de venir ici présenter un exposé. Je m'appelle Albert Dohan et je possède une ferme. Nous exploitons—moi-même, ma femme et mes trois filles—une ferme coopérative mixte de culture céréalière et d'élevage de bétail.

J'aimerais souligner trois points qui, à mon avis, sont très importants pour l'économie agricole. D'abord, je crois qu'il est nécessaire d'injecter immédiatement des fonds dans la société agricole. Ensuite, il devrait y avoir un programme à long terme. Je traiterai de ces deux points un peu plus loin dans mon exposé. Enfin, je vous dirais que l'ouest du Canada a besoin d'un nouveau ministre de l'Agriculture.

Il faut injecter des fonds immédiatement parce que, sinon, nous allons perdre des centaines et des centaines d'agriculteurs—et tout cela dépend de la façon dont les gens à Ottawa souhaitent voir l'ouest du Canada. Tiennent-ils à avoir des conglomérats agricoles ou tiennent-ils à ce que la ferme familiale survive?

Nous avons bien eu le programme ACRA. Dans mon cas à moi, j'ai étudié la chose avec mon comptable, mais je ne suis pas admissible. L'ACRA n'égalise pas les règles du jeu, essentiellement parce qu'il ne tient pas compte des marges. Si la marge n'est pas prise en considération, un grand nombre des agriculteurs dans ce secteur ne seront pas admissibles. Dans mon secteur, le climat est très humide depuis quatre ou cinq ans. Nous avons pu en tirer des récoltes, mais cela s'est fait dans des conditions très difficiles, avec une production amoindrie, de sorte que le revenu n'est pas là et que l'ACRA ne s'applique pas à nous.

Je dirais qu'en ce moment, environ 90 p. 100 des femmes des ménages agricoles travaillent à l'extérieur, et cela est très malheureux. Lorsque je me suis marié il y a 22 ans, nous avons décidé de fonder une famille en nous disant que la ferme allait subvenir à nos besoins. En ce moment, sans revenu extérieur, qu'il s'agisse du mari ou de la femme qui travaille hors de la ferme, il est très difficile de se maintenir.

• 1605

L'ACRA ne tient pas compte des revenus d'appoint. Je suis donc pénalisé—ni ma femme ni moi-même ne travaillons à l'extérieur, par comparaison avec ceux qui ont des revenus d'appoint, et cela ne s'applique toujours pas à nous.

Une autre chose: l'ACRA exclut certaines dépenses comme les frais d'intérêt, l'impôt foncier et les frais divers. Or, ces dépenses représentent en ce moment une très grande part de la vie à la ferme. L'impôt foncier que verse l'agriculteur, ou l'absence de paiement attribuable à une loi municipale... Si quelqu'un ne rembourse pas son impôt à la date prévue, la municipalité rurale doit prendre en charge la taxe municipale et la taxe scolaire, ce qui lui donne un déficit. D'ici quelques années, les divisions scolaires auront beaucoup de difficulté à continuer de fonctionner. Il faudra appliquer des intérêts sur la taxe scolaire.

Il nous faut élaborer un programme à long terme qui demeurera en place. Il y a eu le RARB, mais ce programme a été éliminé. Depuis dix ans, il y a probablement eu quatre ou cinq programmes qui ont été mis en place, puis abandonnés. Je crois qu'une fois le programme en place, il faut le laisser croître. Cultivons-le, efforçons-nous de le faire fonctionner.

Dans notre municipalité, encore une fois, il y a beaucoup de terres de la Couronne. La Louisiana-Pacific du Canada est venue couper tout le bois dur, et les terres de la Couronne n'ont pas été réévaluées. Au cours des dernières années, les propriétaires d'une ferme mixte ont pu acheter des terres publiques pour le permis de pâturage. Maintenant, il n'y a pas de vente, et l'impôt a augmenté, sinon le loyer, compte tenu de la valeur du bois.

Pour terminer, je dirais qu'il n'y a pas vraiment de crise agricole à mon avis; je crois qu'il y a une crise sociale qui s'annonce, car cela touche notre éducation, cela touche notre santé. Il y a des gens qui s'en vont. Quiconque ferme boutique dans le Manitoba rural n'y reviendra pas pour rouvrir ses portes, et quiconque s'en va en ville prendra l'emploi qu'une personne en ville devrait avoir. Il me semble donc que c'est un problème social bien plus qu'un problème agricole.

Les pressions qui s'exercent sur le réseau de la santé sont de plus en plus fortes. Nous avons de la difficulté à garder chez nous les médecins et les infirmières, à garder les lits ouverts. Plus les gens quitteront le milieu rural, plus les choses seront difficiles.

Pour ce qui est de l'aide étrangère, plutôt que de prévoir des fonds pour aider les autres pays, je crois que nous devrions donner du blé ou des céréales. Ça ne peut pas être meilleur marché qu'en ce moment.

Quant à l'OMC, il y a des pourparlers depuis trois ans. D'ici à ce qu'ils se terminent, nous allons faire faillite.

Pour ce qui touche la diversification, dans notre cas, à la ferme, il me semble que plus nous diversifions, plus nous nous endettons. Nous n'arrivons qu'à mi-chemin de la diversification lorsque les fonds s'épuisent. À ce moment-là, nous avons la dette antérieure et, maintenant, une nouvelle dette. Je crois que cela ne fonctionne pas correctement. C'est un grand stress sur la vie à la ferme, sur la famille, sur tous les autres.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Dohan.

Avant de céder la parole à M. Hamilton, puis-je obtenir des précisions sur quelques points? Vous avez parlé des terres de la Couronne et de Louisiana-Pacific. Ces terres publiques étaient-elles provinciales ou fédérales?

M. Albert Dohan: Provinciales.

Le président: Je ne pense pas avoir bien compris ce que vous avez dit à propos des marges négatives ou des marges positives. Qu'est-ce que vous avez dit? Je croyais vous avoir entendu dire que les marges avaient été exclues, et, bien sûr, les marges représentent un élément fondamental de l'ACRA. Cela a commencé naturellement avec les marges positives uniquement, et, maintenant, les marges négatives sont incluses. Pourriez-vous m'aider là-dessus?

M. Albert Dohan: Dans notre cas, les choses se détériorent depuis quatre ans. Nous n'avons pas de point de comparaison. Pour l'année précédente, cela doit être lié en partie aux récoltes déficitaires. Ils prendront 70 p. 100 de cela. Ici, nous n'avons pas de comparaison.

Le président: Oui, vous faites partie de ce groupe en difficulté. Oui, je vous comprends.

Monsieur Hamilton.

M. Richard Hamilton (témoignage à titre personnel): Nous exploitons une ferme mixte à Ochre River et souhaitons depuis toujours améliorer notre industrie agricole et notre collectivité. Lorsqu'on m'a demandé de faire cet exposé, j'ai accepté sans hésiter parce que je crois qu'il y a trop de discussions qui se tiennent chez le voisin ou au café du coin, mais que les mesures constructives sont rares, voire inexistantes. Je crois aussi que, pour chaque personne qui adresse une lettre au ministre de l'Agriculture pour faire valoir un point de vue, il y en a 1 000 autres qui sont du même avis.

L'aide agricole provenant du gouvernement fédéral est associée à trois grandes sources de préoccupation: les subventions et programmes de l'Union européenne et des États-Unis; l'opposition entre l'est du Canada et l'ouest du Canada; et l'abandon d'une industrie canadienne au profit d'une autre. Toutes mes observations s'articuleront autour de ces trois questions.

• 1610

Je sais que les pourparlers de l'OMC sont très compliqués et que notre gouvernement doit y être. Tout de même, il est tout à fait évident que ces pourparlers ne vont pas régler les difficultés des agriculteurs canadiens à court ou à moyen terme.

Les pays de l'Union européenne démontrent très clairement qu'ils n'ont pas l'intention de cesser de subventionner leurs producteurs, quelles que soient nos idées sur la question. Le gouvernement allemand a garanti à ses agriculteurs une subvention jusqu'en l'an 2007, au minimum. Il est évident que les agriculteurs canadiens ne peuvent attendre que l'Union européenne ou les États-Unis éliminent leurs subventions, s'ils ont le moindre espoir de survivre.

Les médias nous disent tous les jours que, en étant très optimistes, on peut envisager une entente à l'OMC d'ici trois ou quatre ans. En fait, cela prendra beaucoup plus de temps. Les agriculteurs du Canada n'ont pas le temps d'attendre de belles promesses ni de se faire montrer le bâton et la carotte. Il faut que les choses bougent, et ce, rapidement. Il y a de 40 à 50 p. 100 des agriculteurs qui affirment qu'ils ne seront peut-être plus là dans un an ou deux. N'est-ce pas une raison suffisante pour agir tout de suite?

Il n'est sûrement pas nécessaire que je reprenne les chiffres bien connus quant au maigre régime d'assistance auquel nous avons droit, par comparaison avec les États-Unis et l'Union européenne. Le prix des céréales et des oléagineux ne laisse aucunement présager une amélioration notable à l'horizon, même à long terme. Les céréales, les oléagineux et les viandes rouges représentent les secteurs dominants du Manitoba et comptent pour 72 p. 100 des recettes enregistrées. De même, 75 p. 100 de la production est exportée, si bien que nous sommes très vulnérables aux fluctuations des marchés mondiaux.

Je me considère comme un partisan de la libre entreprise et je n'aime pas tendre la main au gouvernement, mais je ne vois pas d'autre solution. Nous, agriculteurs, entendons dire constamment que le gouvernement n'a pas d'argent. Je crois que cela revient simplement à une question d'attitude et de volonté politique.

En Europe, les agriculteurs représenteraient environ 3 p. 100 de la population totale. Selon les chiffres de 1996, les agriculteurs du Canada compteraient pour un peu plus du tiers de la population totale. Si les gouvernements d'Europe peuvent justifier les subventions énormes versées aux agriculteurs, pourquoi les gouvernements du Canada ne peuvent-ils en faire au moins la moitié, et nous subventionner directement et simplement?

Il semble qu'au dernier volet des pourparlers de l'OMC, les négociateurs du Canada ont été mis en boîte. Ils croyaient s'être entendus sur un objectif, c'est-à-dire l'élimination des subventions. Il se sont donc empressés de revenir au Canada pour faire diligence et démanteler tout de go les quelques programmes que nous avions. Ils ont même été bien plus vite que prévu.

Est-ce vrai que c'était là une façon rapide de réduire le déficit? Je suis tout à fait favorable aux mesures qui permettent de réduire le déficit, mais n'allons pas faire cela au détriment de l'une des industries les plus importantes du Canada, celle qui est la moins bien placée pour en subir le choc. Entre-temps, les autres pays ont accepté des choses semblables, mais, en réalité, n'ont rien fait. Nous voilà donc, dix ans plus tard, en moins bonne posture que nous ne l'étions avant les pourparlers.

En deuxième et en troisième lieu, je veux aborder la question de l'opposition entre l'ouest et l'est du Canada et celle de l'opposition entre les industries, qui me paraissent particulièrement inquiétantes.

Le débat sur la gestion de l'offre est une source de grande inquiétude. M. Vanclief a affirmé qu'il entend défendre vigoureusement le droit de réguler l'offre. Ce sera probablement au détriment d'un autre secteur de l'agriculture. Deux choses nous viennent à l'esprit sur ce point: d'abord, 80 p. 100 de l'industrie laitière se trouvent au Québec et en Ontario; ensuite, cela ne coûte rien au gouvernement si la gestion de l'offre se poursuit.

Le tarif appliqué récemment au boeuf a été éliminé, grâce surtout à la défense vigoureuse de notre propre association canadienne des éleveurs de bovins. Je n'ai pas vraiment vu M. Vanclief mettre son poing sur la table et déclarer que ce tarif était injustifié et absurde.

L'histoire semble se dérouler autrement dans le cas de Bombardier, le fabricant d'aéronefs. Le gouvernement a affirmé qu'il exigeait un règlement dans les milliards de dollars de la part du Brésil, disant que les subventions injustes de ce pays le mettaient dans tous ses états. Il me semble bien que les contribuables canadiens aient versé un peu de menue monnaie à Bombardier. J'espère qu'ils se préoccupent tout autant de l'agriculture dans l'Ouest canadien.

Maintenant, je voudrais parler de l'ACRA. Ce programme a des lacunes évidentes, et il ne fonctionne pas. Selon les manchettes des médias, le gouvernement essaie de verser le plus d'argent possible aux agriculteurs. La réalité semble être tout à fait à l'opposé. Non seulement il est difficile d'être admissible à cette aide, mais en plus, il semble que les fonctionnaires aient eu pour consigne de retarder le plus longtemps possible tout versement possible.

J'ai envoyé ma propre demande en juillet. Ils ne m'ont pas donné de signe de vie avant la mi-octobre. À ce moment-là, ils m'ont posé une question concernant les recettes de l'élevage de bovins. Deux semaines plus tard, on m'a appelé pour dire qu'on n'avait pas besoin de ce renseignement en fin de compte. Deux semaines plus tard, on m'appelle pour me poser des questions sur les factures d'engrais et d'épandage. Au bout de deux semaines encore, c'est une autre personne qui m'appelle pour demander les reçus pour le bovin dont on avait dit qu'ils n'étaient pas nécessaires auparavant. Tout cela avec un programme qui devait permettre aux agriculteurs d'avoir en main l'argent au moment des semences.

• 1615

Je vois en ce moment la nécessité d'une façon rapide et simple de verser des fonds aux agriculteurs. Nous devrions continuer à travailler pour l'élimination des subventions dans d'autres pays, en sachant que cela prendra des années. Il n'y aura pas un seul et unique programme qui fera le bonheur de tous les producteurs. Je proposerais donc deux ou trois variantes qui tiennent compte de divers secteurs. Je crois qu'un programme fondé sur le revenu serait équitable, mais il faut que ce soit plus simple et plus efficace que l'ACRA.

Le renforcement et l'extension du CSRN ou encore le renforcement d'un programme d'assurance-récolte représentent d'autres possibilités. De même, le gouvernement pourrait prendre des mesures pour réduire le coût des intrants, ce qui produirait le même effet que l'augmentation du prix auquel se vendent nos produits. Une chose est claire: le gouvernement doit agir rapidement, sinon le séparatisme à la façon de l'Ouest va gagner des adeptes et devenir beaucoup plus important.

Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Merci, monsieur Hamilton.

Voici une autre personne dont le nom de famille commence par «Z». C'est intéressant. Merci de venir témoigner, monsieur Zanders.

M. Stuart Zanders (témoignage à titre personnel): Merci, honorables sénateurs. Je vous remercie de vous rendre dans l'Ouest rural pour voir ce qui s'y passe.

Les agriculteurs doivent composer avec une diminution des prix et une augmentation des coûts depuis nombre d'années. Les gouvernements changent, les programmes changent, mais la tendance se maintient. Les programmes ponctuels du passé n'étaient pas forcément équitables, mais ils ont permis d'aider les collectivités et de renforcer l'infrastructure, et d'aider les gens qu'ils étaient censés aider.

Au fil des ans, nous avons eu droit à des programmes provinciaux et fédéraux, dont un programme provincial de réduction des frais d'intérêt où quelques heureux élus se voyaient rembourser des intérêts et un régime fédéral d'assurance-revenu brut dont l'effet était de maintenir le revenu de la production à ce qu'il était, plus ou moins, l'année précédente—dans mon cas, pendant quelques années. Toutefois, cela était fondé sur une moyenne établie à long terme. Comme les prix baissaient, avant longtemps, le producteur versait des primes importantes sans espérer le moindrement pouvoir survivre, à moins que les prix ne rebondissent.

À l'heure actuelle, l'ACRA comporte une condition particulière: il faut que le revenu net baisse de 35 à 40 p. 100 environ en quatre ans. C'est le point de départ pour toucher des fonds; par conséquent, les agriculteurs sont très peu nombreux à pouvoir toucher une somme quelconque. Il faut avoir obtenu tout au moins des récoltes supérieures à la moyenne durant la période de référence, puis de mauvaises récoltes combinées à de mauvais prix durant l'année où le tout se déclenche.

Le diagramme qui suit illustre la situation de ma ferme ces quelques dernières années. J'ai déjà prévu des adaptations pour réduire les coûts et les risques durant les quelque 15 dernières années, pour survivre tout ce temps. Si tout le monde opte pour les mêmes adaptations, on ne sera pas très nombreux à s'en sortir.

Vous pouvez constater que, de 1993 à 1997—avant cela, je venais d'accroître un peu la surface de mes terres, si bien que les chiffres ne s'appliquent pas très bien—j'ai eu un revenu brut de 110 000 $. En 1998, c'était 89 000 $; en 1999, c'était 29 000 $; et en l'an 2000, ce sera 45 000 $. Mes dépenses se chiffraient à 76 000, 73 000, 44 000 et, selon mon estimation, 45 000 $—ce qui me laissait une marge faisant en moyenne 24 600 $ de 1993 à 1997; 16 000 $ en 1998; moins 15 000 $ en 1999; et, selon mes prévisions, 197 $ en l'an 2000.

En 1999, j'ai reçu du programme ACRA un versement de 6 025 $. Et puis, non, je ne veux plus remplir de formulaire pour cela. Le versement provisoire que je prévois recevoir en ce qui concerne l'ACRA, dans la mesure où je ne suis pas pénalisé pour avoir des acres de moins en culture, serait de 8 661 $ pour l'an 2000, à condition que les provinces fassent leur part.

La prévision pour l'an 2000 se rapporte aux céréales de l'an dernier qu'on a encore en main, et l'autre concerne le versement au titre de l'ACRA. Je déclare l'ensemble des revenus et des dépenses selon la méthode de la comptabilité de caisse, avec une bonne part de revenu qui n'est pas vendue avant l'année suivante. Normalement, le grain n'est pas récolté sec et ne peut être vendu que plus tard. Les ventes pour l'année 1998 représentaient la production de plus d'une année, dont une partie se rapportait à 1998, mais aurait normalement été reportée à 1999, du moins une bonne part. Pour l'année 1999, les ventes représentaient moins qu'un an, car une partie avait été vendue. Je reporte tout mon grain de 1999 vers 2000. Les dépenses sont considérées comme étant les mêmes que celles de l'année avant l'an 2000.

• 1620

En 1998, nous avons eu une récolte de canola désastreuse parce que c'était trop humide, et c'est un facteur qui a contribué au versement de l'ACRA pour 1999. Notre récolte pour 1999 se situe bien au-dessus de la moyenne.

Il semble que tous les coûts liés à l'exploitation d'une ferme aient connu une augmentation notable au fil des ans, mais je n'ai regardé que les augmentations valables depuis 1990 sur des éléments qui sont directement comparables. Je n'ai pas pris en considération les coûts en produits chimiques, car je n'utilise pas les mêmes produits chimiques qu'il y a dix ans.

La réparation du matériel agricole est coûteuse. Les coûts sur ce plan ont probablement augmenté davantage que ceux des automobiles et du matériel. Dans le domaine des pièces de matériel agricole, 100 $ permettent d'acheter un trousseau de clés, 1 000 $ une babiole pour se mettre dans les poches et 10 000 $ de quoi remplir l'habitacle d'un camion d'une demi-tonne.

Voici quelques comparaisons. Vous pouvez constater là les prix et leur évolution. Le prix du blé est fondé sur une estimation de l'ACRA qui se trouve dans nos formulaires. Notre paiement initial est considérablement inférieur à cela, mais le prix du blé a diminué de 62 p. 100 depuis 1990; celui du carburant diesel a augmenté de 30 p. 100, ce qui ne comprend pas la TPS; le 46-0-0 a augmenté de 40 p. 100; le 11-51-0 de 43 p. 100; mes impôts fonciers ont augmenté de 51 p. 100; la partie «taxe à l'éducation» de ces impôts a augmenté de 67 p. 100. Je suis revenu en arrière pour regarder quelques-unes des factures de 1990, pour l'arbre d'entraînement de mon tracteur. J'ai téléphoné au concessionnaire pour savoir le prix qui serait demandé aujourd'hui. Il y a eu une augmentation de 82 p. 100. Le prix des joints d'étanchéité statique a augmenté de 56 p. 100, et celui des roulements à billes des tringles, de 52 p. 100.

Mon tracteur le plus neuf est un modèle de 1978 et vaut environ 15 000 $. C'est-à-dire que je pourrais le vendre à ce prix à un encan si jamais deux gars saouls étaient là à ce moment-là. Le coût de remplacement serait d'environ 125 000 $, et il en est rendu à peu près au terme de sa vie utile pour ce qui est du nombre d'heures d'utilisation. Une panne majeure du moteur ou du groupe motopropulseur coûterait de 5 000 à 10 000 $ et surviendrait probablement en période de pointe, au moment où les choix d'une personnes sont limités.

C'est un problème auquel font face un très grand nombre d'agriculteurs, quelle que soit la taille de leur entreprise. J'espère que cela vous aura donné une idée de la situation des agriculteurs.

Le président: Merci, monsieur Zander.

Puis-je obtenir seulement une précision? À la deuxième page de votre mémoire, il est dit que votre revenu brut moyen pour les années 1993 à 1997 s'est élevé à 101 000 $. Est-ce cela?

M. Stuart Zander: Oui.

Le président: Mais vous avez parlé de 110 000 $. Vous êtes-vous trompé?

M. Stuart Zander: Je me suis probablement trompé.

Le président: Ce n'est pas grave.

Monsieur Potoroka, vous avez la parole.

M. Art Potoroka (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup.

Je m'appelle Art Potoroka. Je suis aussi agriculteur dans cette région. Je cultive quelque 3 000 acres depuis environ 25 ans. Je cultive des céréales, des oléagineux, du fourrage et des graines fourragères, et des récoltes spéciales. J'ai un travail en dehors de la ferme, même si je ne suis pas très actif dans le domaine. Ma femme et moi avons un bureau immobilier.

D'abord, le sujet que représente le programme d'aide agricole ne permet pas, à mon avis, d'exprimer clairement ou équitablement le problème que constitue la crise agricole aujourd'hui et la solution qui s'impose. Le domaine agricole au Canada est très rentable en dehors de la ferme. Tous, sans exception, sont très bien servis par des revenus élevés, stables et fiables qui proviennent de la production primaire de denrées dans les fermes, petites et grandes, de tout le pays. Cela comprend ceux qui se chargent du transport et de la manutention, les inspecteurs, les responsables de la transformation, les détaillants et les marchands, les exportateurs, les fonctionnaires, les politiciens, les consommateurs, etc. Pour chaque pain qui se consomme, la part de l'agriculteur ne représente toujours que quatre cents.

Dans cette chaîne qui va de la terre au consommateur, les nombreux bénéficiaires représentent autant de maillons, dont certains sont plus solides que d'autres. Le premier maillon est l'agriculteur, qui est à la genèse même des profits, mais qui ne touche aucun avantage.

Ce maillon faible peut-il donc être rompu au détriment des autres maillons de la chaîne? Songez aux beaux jours de la ferme, à l'époque où les usines de sidérurgie et de fabrication d'équipement de l'Ontario bourdonnaient d'activité. D'innombrables chargements passaient par Dauphin pour aller approvisionner les exploitations agricoles de l'Ouest. Dois-je vous rappeler qu'aujourd'hui la dernière usine d'assemblage de tracteurs est sur le point de fermer ses portes?

• 1625

Est-il important d'avoir une industrie agroalimentaire forte et fiable? Songez au degré de soutien que les membres de la Communauté européenne accordent à leurs agriculteurs ou même au cas de nos voisins du Sud. Pourquoi le gouvernement canadien perçoit-il l'industrie agricole de l'ouest du Canada comme une espèce de cancer dont la seule issue heureuse consisterait à tuer le patient?

Un grand nombre de pays, et notamment ceux de l'ancienne Union soviétique, ont cherché à assurer l'autonomie de l'approvisionnement alimentaire, mais en vain. Le consommateur canadien, quant à lui, peut compter sur un des approvisionnements les moins coûteux qui soit dans le monde. C'est la sagesse d'une société qui s'exprime lorsque les citoyens prennent au sérieux l'approvisionnement alimentaire et s'assurent que les futures générations d'agriculteurs seront là pour continuer à offrir une source d'aliments au pays même. Les politiciens responsables, sensibles, tournés vers l'avenir prendront bonne note de la crise qui sévit actuellement et en feront un appel à la mobilisation pour régler la question rapidement.

Voilà certaines des questions qui sont de nature à préoccuper. Je vais répéter beaucoup de choses qui ont déjà été dites, mais, en termes simples, la marge bénéficiaire de la ferme moyenne est quasi inexistante. Selon les chiffres du gouvernement fédéral, le revenu agricole moyen au Manitoba et en Saskatchewan, en 1999, s'élèvera à 9 000 $. Comme il y a une poignée de fermes qui se situent à la moyenne ou au-dessus de celle-ci, nous savons que la très grande majorité se retrouvera dans le rouge. La moindre erreur, des prix instables, de mauvaises conditions météorologiques ou l'absence d'une bonne politique peuvent faire basculer les choses. Je ne comprends pas comment les deux ordres de gouvernement peuvent se disputer et tenir un débat pour savoir s'il y a crise dans le milieu agricole.

Parmi les raisons qui expliquent les résultats négatifs, il y a le prix des denrées, qui est bas, et le coût des intrants, qui est élevé. C'est simple. La chute du prix des denrées et son maintien à des niveaux bas détruisent la stabilité des revenus à la ferme.

Par exemple, le prix du canola, qui se situe à 5,25 $ aujourd'hui, est inférieur de quelque 40 p. 100 à ce qu'il était il y a un an. Le prix actuel du blé représente environ la moitié de ce qu'il était au début des années 70. Je le sais parce que c'est à ce moment-là que je suis devenu agriculteur. Depuis, le coût de la production a monté en flèche. Dans certains cas, il est de huit à dix fois plus élevé. Cela s'applique aux articles coûteux comme l'équipement, le combustible, les produits chimiques et l'engrais. On ne sait trop comment, tous les bienfaiteurs dont j'ai parlé dans mon introduction continuent d'obtenir une part toujours plus grande du gâteau.

J'aimerais parler maintenant des services de transport et de manutention. Je ne suis pas très favorable aux subventions, mais la disparition de la subvention du Nid-de-Corbeau a eu un effet profond sur les résultats nets de mon exploitation agricole. La subvention a été éliminée durant cette courte période où les prix se sont améliorés, de sorte qu'il n'y a pas eu beaucoup d'opposition.

À la suite de cette catastrophe est venue la rationalisation des services de transport par rail et de manutention du grain. Cela a fait augmenter le coût du transport et de l'entreposage chez l'exploitant. La rationalisation du transport et de la manutention du grain est conçue pour en donner plus aux intervenants du secteur pour des services rendus amoindris, encore une fois au détriment de l'exploitant agricole.

Pour compenser, l'agriculteur a agrandi sa ferme et couru des risques plus grands, en s'endettant toujours plus.

Mère Nature peut être bonne pour l'agriculteur, mais elle peut aussi l'assommer. Des conditions météo difficiles ou anormales pour la saison peuvent causer une détérioration rapide d'une récolte qui, autrement, serait bonne. Ces dernières années, le mauvais temps a mis un grand nombre d'exploitations agricoles sur une trajectoire difficile qui mène à la faillite. Dans le sud-ouest du Manitoba, localement, la situation s'est résumée à cela.

On ne pourrait guère critiquer la politique agricole du gouvernement, car il n'y a pas de politique agricole digne de ce nom.

Il ne faudrait pas que je compte sur la Commission canadienne du blé pour mes revenus et mes rentrées de fonds à la ferme. Le dernier versement sur le grain produit peut prendre deux ans à arriver, sans qu'il n'y ait de compensation pour les frais de transport ou d'entreposage sur les chargements en suspens. Nous ne pouvons choisir la façon de mettre en marché le blé de mouture de première qualité que nous produisons. Du côté de la production, les factures sont payables en 30 jours, sinon on y applique des frais d'intérêt qui varient entre 21 et 28 p. 100.

Souvent, on annonce que des sommes supplémentaires seront versées durant la campagne agricole en citant un montant total qui fait les manchettes et que la population générale perçoit comme un autre cadeau fait aux agriculteurs. Il n'y a personne d'autre qui permettrait que son chèque de paie soit présenté ainsi à la vue de tous.

• 1630

Nous savons maintenant que les pourparlers de l'OMC à Seattle se sont soldés par un échec. Notre ministre, Lyle Vanclief, a cherché à éliminer les subventions à l'exportation comme moyen d'égaliser les règles du jeu pour les agriculteurs canadiens. C'est peut-être une solution viable à long terme, mais ce n'est pas demain la veille. Je crois qu'il faut s'efforcer davantage de se donner une politique canadienne qui préserve notre industrie agricole pour la prochaine génération.

Dans le cadre de l'ACRA, le pire programme que nous ayons jamais connu, une bonne part des fonds a déjà été affectée à l'administration, sans oublier le cadeau fait aux comptables.

L'ACRA ne s'attaque pas au véritable problème. N'essayez pas de le rafistoler. Mettez-le au rebut.

Le CSRN est un bon programme, mais il faut l'élargir pour renforcer la contribution du gouvernement.

«Diversification» est le mot à la mode en agriculture de nos jours. Encore une fois, c'est bon à long terme, mais cela ne fait rien devant les besoins pressants que nous connaissons aujourd'hui. La diversification est une option coûteuse, de sorte que ce ne sont pas tous les agriculteurs qui en ont besoin qui peuvent se la permettre.

Le gouvernement fédéral a économisé des milliards de dollars depuis l'abolition de la subvention du Nid-de-Corbeau, de sorte que l'excédent s'accumule. Il faut maintenant trouver des façons de renvoyer une partie de cet argent aux agriculteurs qui en ont désespérément besoin.

Au Canada, le consommateur compte sur l'un des approvisionnements alimentaires les moins coûteux qui soient dans le monde. Nous devrions peut-être prélever une taxe spéciale sur les produits alimentaires canadiens qui irait directement aux agriculteurs. Il faudrait peut-être envisager de revenir à une politique du double prix.

À la suite des catastrophes naturelles qui ont sévi au Manitoba en 1999, les deux ordres de gouvernement doivent agir avec rapidité et vigueur pour aider les agriculteurs et les entreprises de service à survivre à ce dilemme.

Il faut cesser d'appliquer les taxes scolaires à toute terre agricole, à l'exception de la portion où se trouve la maison de ferme. C'est une taxe tout à fait injuste.

Les décideurs du gouvernement doivent planifier et établir des objectifs et des buts qui éliminent le plus grand nombre d'incertitudes possible pour l'exploitation agricole, et pour que les agriculteurs puissent toucher un rendement décent.

En résumé, à l'aube d'un siècle nouveau et d'un nouveau millénaire, une chose est sûre: l'agriculture demeure essentielle. Elle est essentielle à la vie elle-même. Allons-nous pouvoir continuer de procéder comme nous le faisons aujourd'hui? Qui contrôlera la production alimentaire à l'avenir? La production alimentaire sera-t-elle viable sur le plan environnemental? Y a-t-il trop d'interférence politique pour que nous puissions trouver les bonnes réponses? Est-ce que nous mettons trop l'accent sur les règles internationales du commerce et est-ce que nous nous en servons comme prétexte?

Il y a là plus de questions que de réponses. Pour nombre d'agriculteurs, le temps file, et les réponses tardent à venir.

Le président: Merci, monsieur Potoroka.

À propos de l'administration, on me dit—et vous pouvez prendre cela avec un grain de sel—que le coût de l'administration représente 3 p. 100 du budget de l'ACRA.

M. Art Potoroka: Je ne connais pas la statistique exacte.

Le président: C'est ce qu'on dit: 3 p. 100. Cela revient à 26,8 millions de dollars, et il y a eu un coût de démarrage de 9,5 millions de dollars, assumé une seule fois. De toute manière, vous pouvez faire ce que vous voulez de ces chiffres.

M. Inky Mark: Je tiens à remercier tous les témoins d'être venus nous renseigner sur leurs préoccupations au sujet de cette crise. Le message ne pourrait être plus clair: les agriculteurs ont besoin d'aide. Ils ont besoin d'une injection de fonds. En fait, ce ne sont pas les fonds qui manquent. À la réunion que nous avons tenue à Portage, le président a signalé qu'il restait encore un milliard de dollars dans le fonds de l'ACRA. La grande difficulté consiste à savoir comment s'y prendre pour que cet argent passe de la table du Cabinet à la table de cuisine des agriculteurs.

Ma première question est la suivante: comment devons-nous faire cela et à qui devons-nous verser les sommes en question? Autrement dit, est-ce que tout le monde devrait recevoir un paiement égal, ou encore faut-il destiner les fonds à ceux qui sont dans le besoin?

Deuxièmement, le gouvernement provincial de la Saskatchewan a indiqué qu'il souhaite prendre sa part de l'ACRA et la verser en espèces aux agriculteurs. Que devrait faire le gouvernement du Manitoba, selon vous, en ce qui concerne le versement de l'ACRA?

• 1635

M. Albert Dohan: Je crois que la façon la plus équitable, la plus simple et la plus rapide serait d'établir un paiement par acre pour que l'argent puisse être injecté dans l'économie dès maintenant, puis de travailler à trouver une solution durable qui peut être façonnée et édifiée correctement. Et je crois que le paiement par acre devrait inclure toute la superficie ensemencée.

Le président: Si vous le permettez, monsieur Mark, j'aimerais poser une question à M. Dohan.

Pour ce qui touche le paiement à l'acre, la situation individuelle de l'agriculteur aurait-elle de l'importance? Faudrait-il savoir s'il s'en tire assez bien ou très mal, ou faut-il simplement verser le paiement, quelles que soient les circonstances?

M. Albert Dohan: Oui, car d'ici à ce que l'on puisse distinguer ceux qui le méritent de ceux qui ne le méritent pas, nous serons dans un tout autre pétrin, et rien ne se fera jamais. Les gens qui n'en ont pas besoin le rembourseront sous forme d'impôt ou encore le recycleront. L'argent sera recyclé dans l'économie et fera tourner la machine.

M. Richard Hamilton: Je crois que le paiement à l'acre représente certes la façon la plus simple et la plus rapide de verser l'argent, mais il ne fait aucun doute que cela comporte des lacunes et qu'il y aura des injustices. Comme je l'ai mentionné, je ne crois pas que le gouvernement puisse concevoir un programme qui satisfera tous les secteurs. Que vous envisagiez des paiements à la productivité ou à l'acre, quelqu'un sera toujours désavantagé.

Je suis d'accord pour dire qu'il nous faut agir rapidement—simplement et rapidement. Le paiement à l'acre est peut-être, dans l'intervalle, la meilleure façon d'y arriver. J'ai un voisin qui propose—ce n'est pas que nous en voulions à l'agriculteur qui cultive 10 000 acres—un maximum. Je crois toujours, pour être franc, qu'il faut revenir à un programme fondé sur le revenu à long terme. Nous avons essayé cela avec l'ACRA, mais visiblement, c'est trop compliqué. Il y a quelque chose qui cloche, ça ne fonctionne pas.

Le président: Vous avez terminé? D'accord, monsieur McCormick.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à remercier tous les témoins et tous les gens ici présents. Vous êtes tout à fait bienveillants envers le gouvernement, à mon avis, en étant ici.

Le seul cas où vous semblez vous approcher du blasphème, c'est celui où le terme «ACRA» vous sort de la bouche. Ce n'est certainement pas un terme qui a la faveur dans cette situation.

Au début, quand nous avons mis la main sur les 900 millions de dollars en question—en travaillant avec la FCA, Keystone et d'autres groupes—il y a bien des gens qui nous croyaient partis du bon pied. Bien sûr, ce bon départ ne nous a pas empêchés de couler comme le Titanic: nous avons manqué à notre engagement. C'était mal conçu, entre autres...

Je tiens à vous remercier. Vous avez mis votre âme à nu. Les mémoires présentés me seront d'une aide inestimable, car je préside le groupe parlementaire du gouvernement sur les récoltes en milieu rural. Nous discutons de la question depuis des mois et devons faire mieux, et vous nous avez mis tout cela devant les yeux.

Monsieur Zander, je m'interrogeais sur l'expérience des gens de votre région en ce qui concerne le compte de stabilisation du revenu net. Je ne dis pas qu'ils devraient accéder à ce compte à cause de cette crise; j'aimerais seulement voir ce qu'il en est.

De même, nous avons maintenant le CSRN. Il y a des sommes affectées pour 1999, pour cette année. Il nous faut certainement faire mieux et faire verser cet argent après le 1er janvier, et la date approche. Je crois que le gouvernement s'y est engagé, et il y a beaucoup de gens qui vont continuer à faire des pressions sur nous pour s'assurer que nous faisons cela.

J'aimerais avoir des suggestions quant à la façon de mieux s'occuper de cet argent qui est maintenant affecté. Je ne dis pas qu'il ne faut pas plus d'argent.

M. Stuart Zander: Premièrement, je crois qu'une bonne part de l'argent qui se trouve dans le compte de stabilisation du revenu des agriculteurs appartient à des agriculteurs d'un certain âge qui sont près de l'âge de la retraite, et dont la situation fiscale est différente, et ainsi de suite, et pas nécessairement dans les comptes des agriculteurs actifs et dynamiques. Il n'est pas si facile de faire déclencher cela. Il est difficile de faire sortir son argent de là. Je n'ai pas réussi à sortir mon argent depuis plusieurs années déjà, mais j'ai pris une mesure provisoire qui me procure des fonds assez importants de mon compte du CSRN. Mais je n'ai rien retiré de mon compte depuis sept ou huit ans, environ.

Je recommande aux agriculteurs avec qui je traite de sortir leur argent du CSRN et de renouveler les fonds.

• 1640

M. Larry McCormick: Vos observations personnelles sont appréciées. Elles nous permettront de faire ce que nous voulons faire.

Plus tard, nous allons accueillir la Western Rail Coalition. En comité, j'ai souvent entendu dire que les compagnies minières, les banques, les fabricants d'engrais et les chemins de fer ont construit leur fortune sur le dos du Canada rural. Sans rien enlever au gouvernement—c'est votre argent et votre gouvernement—la solution doit reposer sur la coopération de nombreux groupes de tout le pays.

L'autre jour, des représentants de la Banque Royale du Canada et de la Société du crédit agricole sont venus comparaître et nous ont dit qu'ils ne pouvaient venir en aide à quelque 30 p. 100 des agriculteurs du Manitoba et de la Saskatchewan, car ceux-ci ne relèvent pas de leur champ de compétence. Vous ne seriez pas admissibles. Je veux vous donner l'occasion de commenter cela. Que pensez-vous de la façon dont la Société du crédit agricole et les banques à charte se servent de vous? Bien sûr, cela comprend là où nous en sommes avec les gens qui s'occupent des intrants.

M. Richard Hamilton: Ayant discuté de la question avec d'autres agriculteurs—sans oublier que j'en suis un moi-même—il ne fait aucun doute dans mon esprit que les banques n'ont pas l'esprit très charitable en ce moment, c'est le moins que l'on puisse dire. Quand les temps sont durs, c'est à ce moment-là qu'elles semblent se durcir, et c'est précisément à ce moment-là que l'on a besoin d'aide. Quand les choses vont bien, elles sont prêtes à vous verser des tonnes d'argent, mais lorsque vous avez besoin d'aide, c'est très souvent le moment où elles n'offrent rien. C'est mon expérience de la chose.

M. Larry McCormick: Monsieur Hamilton, nous avons discuté quelque peu de cela aujourd'hui déjà. Bien sûr, chaque cas est différent, et je ne veux pas m'engager dans une dispute personnelle, mais certaines personnes nous ont dit que, jusqu'à maintenant, les banques se sont comportées assez correctement.

Que pensez-vous de la politique du transport par rail? Il y a peut-être quelques centaines de millions de dollars qui permettraient d'aider les producteurs des Prairies, si nous agissons sur ce front.

Avez-vous des idées là-dessus?

M. Stuart Zander: Je crois que les premiers qui auraient dû être là pour venir en aide aux agriculteurs, au moment où on fermait les élévateurs à grains, ce sont les gens qui travaillaient pour des sociétés ferroviaires. Ils vont perdre leur emploi dans assez peu de temps, lorsque les trains cesseront de rouler. On ne fera pas circuler les trains indéfiniment. Au fur et à mesure que les élévateurs seront fermés, on aura besoin de moins en moins de personnel, ce qui aura des conséquences pour beaucoup de gens à part les agriculteurs eux-mêmes.

M. Art Potoroka: Je suis étonné d'une mesure comme celle-là de la part du gouvernement. Ne sait-il pas que le programme des chemins de fer, et particulièrement le CN, c'est de démanteler toutes les lignes secondaires? Les gens responsables veulent un seul et unique chemin de fer qui va d'est en ouest. Ils n'ont que faire des chemins de fer secondaires, mais ils aimeraient bien que quelqu'un d'autre s'en occupe.

À mon avis, c'est un monopole qui perd la carte.

J'ai déjà participé à l'acquisition d'un chemin de fer secondaire. J'ai constaté que le ministre de l'époque, M. Collenette, était très difficile à joindre sur la question, et le gouvernement s'est dégagé de toute responsabilité en la matière.

M. Larry McCormick: Art, je tiens à dire pour conclure que j'espère que cela va vous encourager quelque peu de constater ce que nous allons peut-être proposer aux deux sociétés ferroviaires et ce qu'elles vont—

M. Art Potoroka: Il est peut-être trop tard dans bien des cas.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président.

M. Art Potoroka: En fait, il est trop tard.

M. Larry McCormick: Il est trop tard dans bien des cas.

M. Dick Proctor: Je vais poser à chacun de vous quatre la même question que j'ai posée à M. Schwickart durant la première série de questions: croyez-vous qu'il faut mettre l'ACRA au rebut?

Je vais donner un peu de contexte—mais je ne connais pas les pourcentages exacts. En Colombie-Britannique, sur le total des demandes traitées à ce jour dans le cadre de l'ACRA, il y a probablement 75 p. 100 des gens qui ont reçu des sommes d'argent. La moyenne, en Colombie-Britannique, si cela vous intéresse, est de près de 21 000 $. Je dirais que, dans le cas de l'Alberta, ce sont près de 80 p. 100 de demandeurs qui touchent un paiement de 19 164 $. En Ontario, cela se situe probablement autour de 80 p. 100, la somme s'élevant à 13 725 $. Pour la Saskatchewan et le Manitoba, les taux sont de 40 p. 100 et de 36 p. 100, dans l'ordre, pour ce qui est du nombre de demandes présentées jugées recevables.

• 1645

D'après ce que nous voyons, il y a un peu de tout. Dans certaines provinces, cela semble fonctionner assez bien. Dans d'autres, y compris celle où nous nous trouvons, ce n'est évidemment pas le cas.

La question qu'il faut se poser, encore une fois, est la suivante: faut-il mettre le programme au rebut?

Je crois que c'est M. Dohan qui a dit justement que nous ne devons pas avoir des programmes ponctuels qui apparaissent tous les deux ou trois ans. Nous devons échafauder quelque chose, réviser au besoin. Devons-nous réviser le programme ou le mettre au rancart?

M. Albert Dohan: J'ai un préjugé personnel parce que je n'y suis pas admissible; je le mettrai donc au rancart. Disons qu'il s'agit d'une province où il y a la gestion de l'offre et où les candidats admissibles sont très nombreux. Je dirais que cette province voudrait bien conserver le programme. C'est paradoxal: les trois provinces qui produisent le plus n'y sont pas admissibles. Comme il s'agit d'une mesure agricole, il me semble que cela n'a pas beaucoup de mérite.

M. Richard Hamilton: Si je comprends bien, la raison pour laquelle certaines des provinces mettent beaucoup de temps à sortir l'argent, c'est l'administration.

M. Joe McGuire: Il n'y a pas de frais.

M. Richard Hamilton: Je ne suis pas au courant des frais, mais l'Alberta—comme cela relève de la province—si je comprends bien, a versé les sommes d'argent beaucoup plus rapidement que les autres.

Quant à savoir s'il faut mettre le programme au rebut, je crois qu'il faut une mesure qui est nettement meilleure à long terme. C'est indéniable. Mais n'abandonnez pas le programme avant d'avoir trouvé autre chose.

M. Dick Proctor: Oui.

M. Steward Zander: Je crois que l'ACRA présentera la même difficulté que le RARP. C'est une moyenne mobile, et j'ose espérer que nous approchons du point le plus bas de cette moyenne. Si vous commencez à faire la moyenne de trois pertes et constatez qu'il faut perdre 40 p. 100 de plus avant qu'un paiement ne soit versé et que vous n'êtes pas admissible pour l'instant, il n'y a personne qui sera admissible.

M. Dick Proctor: Permettez-moi de poursuivre un peu le questionnement ici. Le mois dernier, au moment où M. Vanclief a témoigné devant le Saskatchewan Wheat Pool, il a dit qu'un programme à long terme devrait être en place d'ici mars 2000. Je vous pose la question au nom du comité permanent: quels éléments devrions-nous proposer à M. Vanclief pour ce programme à long terme?

M. Art Potoroka: Que pensez-vous d'une sorte de programme de soutien? Disons que cela serait l'équivalent du salaire d'un député d'arrière-ban. Cela serait convenable.

Je suis sérieux quand je dis que les gens sont nombreux à très bien gagner leur vie dans le domaine agricole, en dehors de la ferme elle-même. Je ne sais pas si c'est parce que les agriculteurs n'ont pas le temps de s'organiser ou si c'est parce que les politiques ne sont pas les bonnes. Nous sommes tous assujettis à ce genre de politiques. Il y a des choses que l'on peut faire, il y a des choses que l'on ne peut pas faire. Mais pourquoi s'en prendre à la poule aux oeufs d'or? Cela finira par nuire.

M. Dick Proctor: On a mentionné ce matin qu'au moment où nous nous sommes réunis à Portage, une dame qui habite près de la frontière américaine a présenté un exposé. Elle a dit que les gens ne recevaient absolument rien du côté du Manitoba, mais que de celui du Dakota du Nord, les gens recevaient non seulement une assurance-récolte, mais aussi de l'assurance-chômage. Les agriculteurs devraient-ils avoir l'occasion de verser des cotisations à l'assurance-chômage ou à des programmes sociaux pour pouvoir y accéder durant les périodes difficiles, comme celle qu'ils vivent actuellement?

M. Art Potoroka: Je ne sais pas. Il est peut-être un peu trop simpliste de dire qu'il faut quelque chose comme l'assurance-chômage. Certains agriculteurs sont admissibles à l'assurance-chômage, dans la mesure où ils travaillent en dehors de la ferme et ils organisent leurs ventes de manière à être admissibles. Mais c'est une situation qui est beaucoup plus complexe que, disons, celle d'un travailleur rémunéré à l'heure. Il faut réfléchir soigneusement à cela pour essayer d'éliminer les pics et les creux, car la situation n'est pas facile.

• 1650

Le président: Merci.

Avant de céder la parole à M. Borotsik, j'aimerais parler de la question des taux de refus. Il est vrai que le taux de refus au Manitoba et en Saskatchewan est plus élevé qu'en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique. Il est intéressant de constater que le taux de refus est plus élevé dans les provinces où l'ACRA relève de l'administration fédérale. Il est également intéressant de noter que là où c'est l'administration fédérale qui s'en occupe, il n'y a pas de droit de demande, alors que, disons, en Alberta, il faut dépenser 500 $ pour obtenir seulement les formulaires nécessaires. Il faut dépenser 500 $. À la lumière de ces faits, on pourrait—je dis bien: on pourrait—conclure que là où les droits sont élevés, certains agriculteurs sont dissuadés de présenter une demande. Cela explique peut-être pourquoi le taux de refus en Alberta ne s'élève qu'à 15 p. 100, alors qu'il s'établit à 50 p. 100 au Manitoba. Je mentionne tout simplement ça à titre de renseignement.

Le gouvernement fédéral croyait peut-être être généreux en n'appliquant aucun droit de demande, en ne dressant aucun obstacle, mais ce qui est arrivé, à mon avis, c'est qu'il a stimulé une vague de demandes, de sorte que le taux de refus est monté en flèche.

M. Rick Borotsik: J'envisagerais plutôt la question de l'autre optique. Ayant eu à traiter avec des vérificateurs de l'ACRA au Manitoba—et, Gert, je suis sûr que vous êtes en mesure de confirmer ce que j'ai à dire—certains des vérificateurs croient que l'argent leur appartient à eux. Ils ont beaucoup de difficultés à délier les cordons de la bourse et à trouver des façons de mettre l'argent entre les mains de l'agriculteur, plutôt que d'essayer de le garder. J'ai été témoin de cela, Gert, et je crois que vous allez probablement convenir du fait que cela est arrivé dans certains cas.

De même, au Manitoba, pour ce qui est du taux élevé de refus, en Alberta, l'administration relève du programme de la Loi sur la protection du revenu agricole, alors qu'en Ontario, cela passe par le ministère du Revenu, et il s'agit de programmes directs qui permettent de venir en aide aux agriculteurs et aux producteurs—il y a des bureaucrates qui administrent les programmes, plutôt que des gens qui connaissent vraiment l'agriculture dans les autres provinces. C'est l'autre élément de l'équation pour ce qui touche les refus.

Je n'ai pas à vous poser de question à propos de l'ACRA, Art. Dans votre exposé, vous avez dit que c'est le pire programme de tous les temps—il faut non pas le réparer, mais plutôt s'en débarrasser. Dites-vous qu'il faudrait s'en débarrasser dès maintenant, en 1999, et mettre une autre mesure à sa place, ou encore s'en débarrasser une fois qu'il sera parvenu à son terme, c'est-à-dire à la fin de 1999—je suis sûr que tu sais qu'il s'agit d'un programme de deux ans—et mettre quelque chose à sa place par la suite? Voulez-vous vous en débarrasser dès 1999?

M. Art Potoroka: Je crois que nous devrions nous en débarrasser dès que possible, car il ne permet pas d'aider les gens qui en ont le plus besoin. Il peut y avoir des gens pour qui le revenu n'a pas diminué depuis trois ans. C'est qu'ils n'ont pas eu de revenu depuis trois ans.

M. Rick Borotsik: J'allais poser la question à Albert, car il a mentionné que si on connaît trois années difficiles à la ferme, évidemment, les marges se situent à 0 p. 100. Or, 70 p. 100 de zéro est égal à zéro.

Je vous poserais la même question. Laissez-vous entendre que nous devrions nous débarrasser de l'ACRA pour 1999 et le remplacer par quelque chose d'autre, ou encore vous tournez-vous vers l'an 2000 pour envisager un autre programme?

M. Albert Dohan: Cela ne pourra se faire avant, de toute façon. Pour les gens qui ont présenté une demande, j'imagine que le programme devrait se poursuivre. Tout de même, comme je l'ai dit, dans mon cas à moi, cela ne marchera pas.

Je réitérerais le fait qu'il nous faut un programme sous une forme ou une autre. Mes banquiers sont assis derrière moi et ils m'écoutent, de sorte que je ne peux trop en dire. Mais c'est cela: nous n'avons rien eu. Nous avons eu un programme, mais le hic, c'est qu'il faut le laisser se développer et il faut le façonner. L'avoir pendant deux ou trois ans, puis s'en débarrasser, cela n'aide personne.

M. Rick Borotsik: J'aimerais poser une autre question. Je ne me rappelle plus qui a mentionné la question des taxes scolaires. Presque tous les témoins le font de toute manière.

Si je comprends bien—et je vous prie de me corriger si j'ai tort—les taxes scolaires varient entre 3 et 5 $ l'acre, suivant la municipalité où on se trouve. Le prélèvement d'une taxe scolaire ou d'une taxe spéciale pour l'éducation sur la facture d'impôt est une mesure que j'appuie, mais il s'agit seulement de 3 à 5 $ l'acre. Ce n'est pas la fin du monde. Pourquoi est-ce que tous les gens qui viennent présenter un exposé mentionnent les taxes scolaires? Est-ce une si grande source d'irritation ou est-ce plutôt une question financière?

M. Albert Dohan: Oui. Si vous survivez grâce à une marge de 2 $ l'acre, les 5 $ en question représentent une somme énorme.

M. Rick Borotsik: Je crois que vous l'aviez mentionné, Stuart. Avez-vous des commentaires là-dessus?

M. Stuart Zander: Je disais simplement que vous pouvez choisir un coût, n'importe lequel, et vous constaterez qu'il a augmenté.

M. Rick Borotsik: Est-ce bien de 3 à 5 $ l'acre? Est-ce que c'est proche, dans le cas des municipalités?

M. Art Potoroka: Dans la plupart des cas, cela représentera de 50 à 60 p. 100. C'est donc environ 3 $ l'acre.

• 1655

M. Rick Borotsik: Vous savez aussi que c'est provincial et non pas fédéral. Mais il y a peut-être quelque chose à faire.

M. Joe McGuire: J'aimerais souligner d'abord qu'à la même époque, l'an dernier, il n'y avait pas de fonds d'urgence. Les organisations d'agriculteurs et le comité du filet de sécurité sociale exerçaient de fortes pressions sur les deux ordres de gouvernement—le fédéral et le provincial—et il y a eu une annonce importante avant Noël selon laquelle il y aurait plus d'un milliard de dollars—900 millions de dollars en fonds fédéraux et 600 millions de dollars en fonds provinciaux—à l'intention des gens qui en ont besoin. L'argent n'irait pas à ceux qui n'en ont pas besoin. Les sommes devaient aller aux agriculteurs qui avaient besoin de fonds d'urgence, car l'industrie du porc et l'industrie des céréales vivaient une catastrophe.

Depuis, il semble que rien ne va plus, et la mesure très positive qui a été annoncée est devenue négative au fil du temps. Comme on l'a dit plus tôt, il y a encore un milliard de dollars qui attendent d'être distribués. Ce que nous voulons de vous, c'est que vous nous disiez comment il faut rendre cet argent aux gens. La comptabilité d'exercice sur laquelle est fondé le programme ACRA—est-ce une bonne idée?

Ce serait bien de convaincre toutes les provinces d'accepter un paiement à l'acre ou d'inclure toutes les marges négatives. Récemment, le ministre s'est prononcé vigoureusement contre la modification en ce qui concerne les marges négatives. Il existe des provinces qui s'y opposent farouchement. Il y a un an, le ministre a très bien fait, à mon avis, en obtenant le programme qu'il a obtenu, pour faire en sorte que les provinces acceptent au moins ce genre de programme aux côtés des organisations agricoles.

Pour revenir à la question du paiement à l'acre, il existe des provinces qui iront jusqu'au bout.

La politique, c'est l'art du possible. Voici ce qui était possible il y a un an. Nous essayons maintenant de déterminer ce qui est possible aujourd'hui. Comment faire pour verser le plus rapidement possible aux agriculteurs l'argent qui attend là? Le ministre a dit qu'il ferait parvenir au plus tard à Noël les chèques de l'ACRA.

Le président: Pour 1998.

M. Joe McGuire: Pour 1998. Il a fait la promesse à Regina. Présumons que cela se fait. Que se passe-t-il l'an prochain? Comment faire pour faire verser le reste de l'argent avant que trop de temps ne s'écoule, avant que le banquier ne vienne cogner à la porte?

Nous n'imaginions pas être ici. Avec l'annonce faite il y a un an, nous n'imaginions pas être ici à vous demander comment dépenser le milliard de dollars que les gouvernements ont trouvé et qui attendent d'être distribués. Ce que nous voulons savoir, c'est comment nous devrions, selon vous, distribuer ces fonds à la deuxième étape de l'ACRA.

M. Art Potoroka: Très souvent, lorsque le gouvernement fédéral annonce que des fonds seront versés, il ne dit pas que la condition est que la province verse sa part, et cela est presque toujours une surprise.

M. Joe McGuire: Excusez-moi. Il y a un an, nous avons dit que nous allions de l'avant avec nos 60 p. 100, que les provinces versent leurs 40 p. 100 ou non.

M. Art Potoroka: Pourquoi ne le faites-vous pas? Pourquoi ne pas simplement aller de l'avant avec le programme fédéral et oublier les provinces?

Le président: Les provinces sont d'accord. Il n'y a pas de condition. Il n'y pas de condition, Art. Les provinces sont d'accord.

M. Art Potoroka: Ce serait plus simple si ce n'était pas le cas, évidemment, parce qu'il semble y avoir cette volonté de le faire.

M. Joe McGuire: Merci.

Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut répondre à la question: comment accélérer les choses?

M. Richard Hamilton: La rapidité m'importe aussi. J'en ai parlé durant mon exposé.

Pourquoi diable cela prend-il tant de temps? Vous répétez toujours, tout comme les médias, qu'il y a ce milliard de dollars que l'on essaie de verser aux agriculteurs, mais l'argent ne se rend pas parce que nous ne présentons pas de demande, ou encore c'est une autre excuse ridicule. J'ai présenté une demande en juillet. Les conditions que je dois respecter pour obtenir cet argent, c'est un peu comme s'assujettir à une vérification de Revenu Canada. J'ai payé 450 $ à mes comptables. J'ai acquitté des droits.

Le président: Quelqu'un d'autre veut répondre à la question?

M. Stuart Zander: Combien de temps faudra-t-il avant que vous puissiez évaluer quelle part du paiement de la première année sera versée, sur les 900 millions de dollars? Lorsque la mesure a été annoncée, je croyais que, pour le programme de deux ans, la somme totale représenterait environ les deux tiers de ce que représentait le programme d'aide au transport des céréales fourragères et que, plutôt que d'aller à l'ouest du Canada, la somme allait être répartie parmi tous les agriculteurs du Canada. Dans bien des cas, les agriculteurs, dans le cadre du programme d'aide au transport des céréales fourragères ou de la subvention du Nid-de-Corbeau, pour le dernier paiement, touchaient un peu en deçà de 2 000 $. Cela ne représente que les deux tiers de cet argent, c'est versé en deux ans et c'est réparti partout au Canada.

• 1700

Nous parlons peut-être d'une somme d'argent qui, même si nous réussissons à la verser, ne représente pas grand chose par agriculteur de toute façon. Si vous ciblez les céréaliers, vous n'en trouverez pas un dont le revenu n'a pas diminué depuis 20 ans. J'ai pris une période de dix ans pour mon exposé, mais les prix avaient déjà connu une forte baisse en 1993. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes trouvés dans cette situation.

Le président: Merci beaucoup.

Je tiens à préciser à l'auditoire que nous allons entendre le témoignage d'Allard & Yakubchak Certified General Accountants et du regroupement Parkland Industrial Hemp Growers. Nous allons accueillir d'autres agriculteurs après ces groupes, et je souhaite signaler aux agriculteurs qui sera entendu, du moins au début: Calvin Gust, Terry Drebit, Don Fyk, Boris Michaleski et Alan Armstrong. Dès que nous aurons accueilli le témoignage de ces deux organisations, nous allons inviter les agriculteurs à venir présenter leur point de vue.

J'inviterais maintenant à la table George Allard et Russell Yakubchak, ainsi que Joe Federowich, des Parkland Industrial Hemp Growers.

Joe, vous cumulez deux fonctions, n'est-ce pas?

M. Joe Federowich (président, Parkland Industrial Hemp Growers): Oui.

Le président: Vous cultivez le chanvre et vous avez une autre occupation, n'est-ce pas?

M. Joe Federowich: Oui, je suis agriculteur.

Le président: Vous êtes agriculteur.

M. Joe Federowich: Malheureusement, oui.

Le président: Vous pouvez donc jouer sur les deux tableaux—enfin...

M. Joe Federowich: Je suis le président de l'association des cultivateurs de chanvre.

Le président: Monsieur Allard, votre associé Russell est-il ici?

M. George Allard (associé, Allard & Yakubchak Certified General Accountants): Non, je suis seul.

Le président: Bienvenue. Je vous en prie...

M. George Allard: Puis-je vous remettre un exemplaire de mon exposé?

Le président: Bien sûr. Vous n'avez qu'à le remettre à ce monsieur, qui se fera un plaisir de le distribuer aux membres.

M. George Allard: Nous sommes ici pour faire valoir le point de vue de nos clients, de nombreux agriculteurs, et des gens de notre entreprise qui ont une connaissance directe de certaines des questions en jeu. Nous reconnaissons le fait qu'il y a de nombreuses questions qui entrent en jeu, que chacune des régions du Canada est distincte et qu'il existe de nombreux problèmes distincts. Nous nous en sommes tenus au CSRN et à l'ACRA, et je crois que c'est, de manière générale, ce que l'on nous a demandé de faire.

Le CSRN semble avoir la cote dans la région de Parkland. L'agriculteur s'aide lui-même en contribuant à un fonds de réserve dans lequel le gouvernement verse une part correspondante.

Le CSRN est un bon programme, mais il pourrait être amélioré. La difficulté principale réside dans le fait que l'agriculteur qui connaît une année catastrophique et a besoin de tirer des sommes sur son compte pour survivre peut être pénalisé. Il ne peut verser d'autres contributions pendant les trois années qui suivent, à moins d'être admissible aux retraits nécessaires fondés sur le facteur de déclenchement de revenu net ou de marge brute.

C'est une restriction injuste, car les banques, les fournisseurs et d'autres établissements peuvent exercer sur les agriculteurs des exigences qui forcent les producteurs à accéder aux fonds durant les années où la catastrophe sévit ou celles où le marché connaît une évolution profonde.

Nous croyons qu'il faut modifier la donne pour que les agriculteurs puissent tirer des sommes sur leur compte du CSRN durant les années difficiles sans être pénalisés en ne pouvant faire de contributions futures au programme.

La mesure agricole dite ACRA, qui visait à venir en aide aux agriculteurs ayant subi des pertes en 1998 et 1999, représente une solution superficielle, à notre avis. Dans bien des cas, l'ACRA n'a pas permis d'aider ceux qui en ont vraiment besoin.

• 1705

Plus particulièrement, nous nourrissons les préoccupations suivantes:

Les agriculteurs ne réunissaient pas tous les critères voulus pour déterminer les prestations de l'ACRA. Un grand nombre d'entre eux n'ont donc pas présenté de demande.

Le calcul n'était pas cohérent. Le recours à une moyenne de trois ans par rapport à l'année marginale 1998, revient à comparer des pommes et des oranges. La moyenne de trois ans est établie à partir d'une comptabilité de caisse, alors que le montant pour l'année courante est établi à partir d'une comptabilité d'exercice.

Certains agriculteurs ont connu des difficultés de 1995 à 1997, si bien que, suivant le calcul de la moyenne pour trois ans, ils ne sont pas admissibles. Leur situation est peut-être bien pire que celle du producteur qui y a droit.

Dans certains cas, il était très difficile de produire les renseignements que demandait l'administration de l'ACRA; par exemple, le taux de protéine du blé durant les années précédentes et le poids du bétail jusqu'en 1995. Sur le plan administratif, il était pratiquement impossible pour certains des producteurs d'établir certains des renseignements recherchés.

Les exploitants de ferme mixte peuvent être pénalisés lorsque le prix des céréales est bas et le prix du bétail, élevé.

L'administration de l'ACRA est lente et lourde à la fois, et, dans bien des cas, l'argent arrive trop tard aux producteurs démunis.

En résumé, ayant écouté les agriculteurs qui sont nos clients, nous sommes d'avis—et c'est plus ou moins un plan à long terme—que les mesures d'aide ne représentent pas une solution véritable pour les agriculteurs de l'ouest du Canada. Plutôt que d'élaborer des programmes compliqués ou de créer des cauchemars administratifs, on pourrait adopter une approche plus raisonnée qui consisterait à s'assurer que les agriculteurs obtiennent un prix équitable en échange des denrées qu'ils produisent.

Par exemple, les agriculteurs d'Amérique du Nord touchent 9,50 $ le boisseau de canola, alors que ceux du Manitoba touchent environ 5,40 $ le boisseau. À l'heure actuelle, les agriculteurs canadiens sont les plus faiblement subventionnés de l'industrie. Les agriculteurs européens sont subventionnés à un taux allant de 49 à 60 p. 100, alors que les agriculteurs américains le sont à raison de 25 à 38 p. 100. Les agriculteurs canadiens sont subventionnés selon un taux de 9 ou 10 p. 100.

Si les agriculteurs obtiennent un prix raisonnable en échange des denrées qu'ils produisent, ils peuvent alors mettre à profit de bonnes pratiques agricoles pour compenser les années peu productives en raison du climat ou de circonstances malheureuses.

Ce ne sont pas là des solutions définitives, j'en suis sûr, mais ce sont des idées qui peuvent donner lieu à des solutions pour la stabilisation du prix des denrées.

Il est peut-être possible de mettre sur pied une commission comme la Commission du blé pour commercialiser toutes les céréales. Cette commission s'assurerait que les céréales sont commercialisées avec efficience et que les producteurs obtiennent le prix le plus élevé possible.

La production excessive a fait baisser le prix du grain. Il pourrait y avoir un mécanisme qui permettrait aux agriculteurs d'obtenir un taux raisonnable à partir d'un certain niveau de production. La production superflue ne serait pas subventionnée. Nous pourrions rémunérer les agriculteurs qui ne cultivent pas une partie de leurs terres, ce qui réduit les niveaux de production là où le marché l'exige.

Le coût des intrants monte en flèche. Il faudrait établir des contrôles gouvernementaux sur les grandes entités nationales pour contrôler le prix de leurs produits.

En résumé, nous espérons que les renseignements donnés ici vous aideront à recommander des solutions à notre gouvernement.

Le président: Merci, monsieur Allard.

Nous accueillons maintenant M. Federowich.

M. Joe Federowich: Bonjour, messieurs, mesdames les députés, messieurs, mesdames dans l'auditoire. J'ai une fonction double aujourd'hui. Je suis président de l'association des cultivateurs de chanvre. Je suis sûr que tout le monde a entendu parler du chanvre industriel. C'est un produit qui fait les manchettes assez régulièrement. Je suis aussi cultivateur. Nous travaillons à une récolte d'environ 7 500 acres. Nous faisons paître environ 300 têtes de bétail, vaches et veaux.

Je n'ai même pas présenté de demande pour l'ACRA. Je ne dis pas que je n'ai pas besoin de l'argent; j'ai dû aller à la banque pour faire augmenter mon budget d'exploitation de 60 000 $, seulement pour me rendre à la fin de l'année. Nous nous concentrons sur les mauvaises choses, d'une façon ou d'une autre.

Je suis ici pour parler des tentatives que font les agriculteurs pour diversifier, pour avoir d'autres récoltes, des secteurs de spécialité. L'élément clé dans une telle décision, c'est l'argent. Nous avons besoin des entrées de fonds nécessaires pour diversifier. Si vous vous adressez à un cultivateur de pommes de terre, pour s'engager seulement dans son domaine, pour avoir une demi-section de pommes de terre, cela représente 750 000 $. Ce n'est pas une somme que nous pouvons faire apparaître par magie, et nous ne pouvons aller à la banque pour dire: «Nous avons besoin de cet argent.» Là où il est question de haricots et ainsi de suite, il nous faut un équipement spécialisé. Nous devons acheter ce produit. Nous devons disposer de fonds d'une façon ou d'une autre, pour qu'une partie de cela se réalise.

• 1710

Un autre bon exemple est notre fameuse industrie du porc. Il y a trois ou quatre ans, le gouvernement donnait de l'argent à tout le monde en leur disant de se bâtir une porcherie. C'était censé être la meilleure chose à faire. J'ai investi dans une porcherie. Ça n'a pas été tout à fait la meilleure décision que j'ai prise dans ma vie, et personne n'a été là pour m'aider quand tout s'est écroulé.

En ce qui concerne le programme ACRA, je ne suis même pas admissible à des fonds, parce que je ne possède qu'une partie d'une porcherie, comme c'est le cas pour la plupart des exploitations, parce que c'est comme ça qu'on peut s'établir.

J'allais vous parler davantage de la diversification, mais à en juger par ce dont tout le monde parle ici, je pense qu'il est plus important de comprendre ce que vous voulez savoir de nous. Nous sommes bien prêts à modifier tous les contrôles climatiques qui doivent l'être, mais nous voulons continuer d'être fiers et préserver nos fermes familiales d'une certaine façon, qu'il s'agisse de la forme ou du fond. Ne vous méprenez pas: nous ne sommes pas contre le gouvernement, nous ne sommes pas contre les programmes, nous ne sommes contre rien. Nous sommes pour les agriculteurs, et nous voulons tout simplement que ce concept ne meure pas.

Il nous faut comprendre comment le gouvernement nous voit. Que sommes-nous à vos yeux?

Sur ce, je vais attendre vos questions.

Le président: Merci. C'est vous qui cultivez notre nourriture, et nous avons vraiment besoin de vous.

M. Inky Mark: J'aimerais vous remercier de vos exposés. Si vous me le permettez, j'aimerais féliciter Joe et les producteurs de chanvre de Parkland. Leur esprit d'initiative était si grand qu'ils se sont rendus à Ottawa il y a à peine une semaine. Ils voulaient obtenir des réponses. Ils ont rencontré des gens au ministère de l'Agriculture et d'autres gens importants. Ils cherchent de l'aide. Je sais que le gouvernement va faire des pieds et des mains pour les aider.

Ma question s'adresse à George. J'ai remarqué que vous aviez des bureaux dans toute la région de Parkland, à Roblin ainsi qu'à Shoal Lake. Comme vous êtes comptable, vous voyez beaucoup de gens qui, j'en suis sûr, ont besoin d'aide pour traverser cette crise. J'ai deux petites questions.

Premièrement, quels dégâts a fait le resserrement monétaire à Dauphin-Swan River? Deuxièmement, pouvez-vous prévoir, si le gouvernement fédéral n'injecte pas d'argent dans le système, le pourcentage de victimes, disons, au printemps ou encore l'été prochain?

M. George Allard: Je pense que cette région s'en tire moins mal que d'autres. Dans toutes les régions, il y a des poches où la météo et d'autres facteurs ont causé des désastres. De façon générale, je pense que, pour ce qui touche la production, cette région s'en est probablement mieux tirée que le reste du sud du Manitoba.

Je ne sais pas si ça répond à vos questions. Certaines régions ont été tellement frappées qu'on n'a pu y faire les récoltes. Je pense que c'est dans les environs de Gilbert Plains, dans ce secteur. La région de Parkland s'en est probablement tirée mieux que d'autres parties du Manitoba.

Je pense que le plus gros problème des producteurs de grain est le prix exigé actuellement.

M. Inky Mark: Quel pourcentage de vos clients ne veulent pas remplir les formulaires de l'ACRA?

M. George Allard: Je dirais probablement 75 p. 100.

M. Inky Mark: Ont-ils une raison pour ne pas le faire?

M. George Allard: Je pense qu'il s'agit d'une procédure très complexe. Fondamentalement, il y a certains producteurs qui, compte tenu de leur position, ne semblent pas être admissibles. Peut-être que dans certains cas ils ont été admissibles, parce que nous n'avions pas tous les critères, mais ils ne voulaient pas se donner autant de peine pour inscrire tous les détails et ainsi de suite.

M. Inky Mark: Connaissez-vous le taux de réussite des clients que vous avez aidés à remplir leur demande?

M. George Allard: Ça reste encore à déterminer, parce que bien des producteurs n'ont toujours pas terminé l'examen de l'ACRA. Je sais que, dans certains cas, nous ne nous attendions pas à un paiement, et l'ACRA en a calculé un. Dans certains cas, des agriculteurs en situation de crise ont fini par ne rien obtenir parce qu'ils avaient eu des problèmes en 1995, 1996 et 1997, et comme leur marge de profit avait été si faible, ils ont eu de nouveau des problèmes en 1998, mais ils n'étaient tout de même pas admissibles aux prestations de l'ACRA. Il y a eu des cas comme ceux-là. C'est vraiment là que ça fait mal, quand vous avez ce genre de programme et que les personnes qui en ont vraiment besoin n'y sont toujours pas admissibles.

• 1715

Le président: Avant que nous ne passions au représentant du gouvernement, monsieur Allard, vous avez mentionné dans vos remarques préliminaires que les agriculteurs du Dakota du Nord touchaient 4 $ de plus le boisseau pour leur canola que les agriculteurs canadiens. Pourriez-vous nous dire pourquoi la différence est si marquée?

M. George Allard: C'est une question de subventions. Cela a un lien direct avec les subventions.

Le président: Tout ça est affaire de subventions.

M. George Allard: C'est ce que je crois savoir, oui.

M. Murray Calder: George, j'ai trouvé votre exposé très intéressant. L'une des choses que je découvre lorsque nous procédons à des réunions semblables, c'est qu'un thème semble toujours commencer à se dégager, et je commence déjà à le voir.

Cinq points sont revenus constamment aujourd'hui. Premièrement, il faudrait ramener le RARB. Deuxièmement, il faudrait établir un programme qui permettrait d'éliminer la production sur certaines terres. Un chiffre de 20 p. 100 a été proposé, et il correspond aux arguments que vous nous avez présentés. Troisièmement, il faudrait établir un paiement à l'âcre, de 25 ou de 30 $. Quatrièmement, il faudrait renforcer le CSRN pour le rendre plus accessible, comme vous l'avez proposé. Et cinquièmement, il faudrait établir un programme d'assurance-récolte.

Saviez-vous que, en ce qui concerne la période de référence de l'ACRA, vous pouvez utiliser les trois dernières années ou trois des cinq dernières années? Étiez-vous au courant de ce changement?

M. George Allard: Je pense en avoir récemment entendu parler.

M. Murray Calder: Un autre changement y a aussi été apporté, parce que nous tentons de le peaufiner, c'est que la main-d'oeuvre familiale y est traitée sur le même pied que la main-d'oeuvre non familiale. C'est un autre point.

M. George Allard: D'accord.

M. Murray Calder: De plus, on a modifié la comptabilité d'exercice pour tous les agriculteurs en ce qui concerne le programme 1999.

On s'est demandé s'il valait la peine de sauver l'ACRA. Bien sûr, nous savons qu'il est trop compliqué et qu'il doit être simplifié. C'est le message qu'on m'a clairement transmis. S'il ne vaut pas la peine de le conserver, devrions-nous le remplacer par un programme comme le RARB? Que devrions-nous faire?

M. George Allard: L'ACRA est un programme d'une durée de deux ans. Son administration est en place, et sa première année est déjà écoulée. Selon moi, pour ce qui concerne les agriculteurs qui sont placés dans une situation de crise, le programme devrait être maintenu jusqu'à ce qu'il prenne fin. Ce que nous voulons faire valoir dans notre exposé, c'est qu'il devrait y avoir une meilleure solution à long terme.

Mais l'administration de l'ACRA est en place. Je pense que, pour 1998 et 1999, nous devrions nous en accommoder et chercher de meilleures solutions pour l'avenir.

M. Murray Calder: Il y a trois points secondaires que j'ai dégagés: une injection immédiate d'argent frais, le fait que l'ACRA est trop compliquée et la nécessité d'avoir une politique intérieure qui reconnaisse l'agriculture. C'est à ce dernier point que je veux m'attacher.

Nous savons que les problèmes que nous pose le prix des céréales ne vont pas disparaître l'an prochain et qu'ils pourraient substituer durant encore quelques années. Compte tenu de cela, quel serait selon vous l'avenir de l'ACRA ou du RARB ou d'un autre programme de ce genre? Comment pourrait-on instaurer un programme de ce genre pour longtemps?

M. George Allard: Je ne pense que je sois allé aussi loin.

M. Murray Calder: C'est manifestement une chose à laquelle il nous faut travailler.

M. George Allard: Oui, et si vous le faites, ce sera très bien.

M. Murray Calder: Merci.

M. Dick Proctor: Monsieur Allard, je vous remercie de votre exposé. J'ai une question au sujet du CSRN.

Au bas de la première page, vous dites qu'il faut apporter un changement pour permettre aux agriculteurs de puiser dans leur compte du CSRN au cours des années où ils en ont besoin sans qu'il leur soit impossible par la suite de faire des contributions supplémentaires. Je crois savoir que lorsque les représentants d'Agriculture ont comparu devant le comité l'an dernier, ils ont été étonnés d'apprendre que si quelqu'un voulait retirer de l'argent du CSRN, il ne pouvait le faire qu'une fois tous les 12 mois.

• 1720

Il y a un agriculteur dans mon district qui voulait le faire une seconde fois lorsqu'il a réalisé que sa situation était pire que ce qu'il avait d'abord pensé. On lui avait dit au départ qu'il n'y avait pas de problème, mais tout à coup, on lui a dit qu'il ne pouvait pas le faire.

Savez-vous si des changements ont été apportés au CSRN pour que les agriculteurs puissent faire plus d'un retrait au cours d'une période de 12 mois?

M. George Allard: Je pense que vous pouvez probablement le faire, dans certaines circonstances... Je pense qu'il peut y avoir une disposition provisoire qui vous permet de retirer des fonds supplémentaires du CSRN. Le problème auquel nous nous sommes attachés, c'est que si un paiement n'a pas été déclenché ou que vous n'y êtes pas admissible et que vous êtes forcé de faire un retrait dans une situation de crise, vous ne pouvez y revenir avant trois ans. C'est vraiment là le problème que nous tentons de corriger. Je pense que si cela correspond au facteur de déclenchement ou que ça se situe à l'intérieur de votre marge de profit brut, si ça déclenche un paiement, alors on va probablement vous permettre de revenir et de retirer de l'argent supplémentaire. Mais je sais que cela a posé des problèmes.

M. Dick Proctor: En ce qui concerne les trois années, pensez-vous que les gens commencent à vous écouter et à dire que vous avez un bon point, ou avez-vous porté la question à l'attention des représentants du CSRN?

M. George Allard: Nous n'avons pas vraiment eu l'occasion d'en discuter avec les représentants du CSRN.

M. Dick Proctor: J'aimerais, si vous le voulez bien, vous poser une question rapide sur le programme ACRA. Vous dites que, dans certains cas, les données administratives de ce programme sont très difficiles à produire si on remonte à plusieurs années. Cela me rappelle un agriculteur que nous avons rencontré dans le sud-ouest du Manitoba. Il disait: «Si vous me demandez combien ça me coûte pour nourrir ma famille en 1995, je peux vous le dire. Si vous voulez savoir combien de ketchup et de moutarde il me reste dans le réfrigérateur à la fin de l'année, je ne pourrais pas vous le dire.»

À ce propos, ma question est la suivante: comme des changements s'annoncent pour l'ACRA, a-t-on allégé quelque peu cette obligation si ferme de donner des renseignements au sujet des stocks des années antérieures?

M. George Allard: Eh bien, je ne suis pas tout à fait au courant de tous les changements qu'on a apportés aux demandes du CSRN. Vous parlez de l'ACRA?

M. Dick Proctor: Oui.

M. George Allard: Je ne sais pas très bien quels changements ils ont apportés jusqu'ici au calcul.

M. Dick Proctor: Nous avons vu et entendu que des changements ont été apportés le mois dernier aux marges négatives, à la moyenne olympique et au placement des familles dans des catégories différentes. Mais en ce qui concerne celui-là, avez-vous entendu parler de changement?

M. George Allard: Non.

M. Dick Proctor: D'accord. C'est tout.

Le président: Merci.

Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik: George, vous avez dit que 75 p. 100 de vos clients ne remplissent pas de demande de l'ACRA. Grosso modo—et 25 p. 100 pourraient l'avoir fait—combien de demandes de l'ACRA ont été traitées par vous ou votre entreprise?

M. George Allard: J'ai trois associés. Je ne sais pas exactement combien de demandes chacun a réellement remplies. Je dirais qu'au total nous avons fait environ 100 demandes.

M. Rick Borotsik: Par année?

M. George Allard: Je ne sais pas exactement.

M. Rick Borotsik: Non, votre chiffre approximatif me va très bien. C'est ce que je vous avais demandé, et je ne vais pas aller plus loin.

Ces 100 demandes étaient-elles pour 1998?

M. George Allard: Oui.

M. Rick Borotsik: De ces 100 demandes, savez-vous combien n'ont pas fait l'objet d'un avis ou d'un paiement?

M. George Allard: Eh bien, nous n'avons pas eu de commentaires pour toutes les demandes, mais je sais qu'il y en a quelques-unes qui sont en traitement depuis juillet.

M. Rick Borotsik: S'agissait-il de demandes plus importantes? Je crois comprendre que plus la demande est importante, plus les vérifications sont détaillées et plus on pose des questions. En fait, les demandes les plus importantes pourraient bien mener à une vérification sur la ferme.

M. George Allard: À vrai dire, plusieurs d'entre elles ont fait l'objet d'une vérification détaillée. Oui, on les a examinées en détail. Je dois vous donner raison, quelques demandes sont encore dans les limbes.

M. Rick Borotsik: Selon vous, après 1999, le programme de l'ACRA devrait-il être simplifié, rendu moins complexe et donner accès, peut-être, aux personnes qui ne peuvent actuellement présenter une demande ou être admissibles au programme, mais qui ont besoin d'argent et doivent se qualifier pour d'autres programmes?

• 1725

M. George Allard: Il me semble que le gouvernement obtient déjà beaucoup d'information par l'entremise du CSRN et de Revenu Canada. S'il veut mettre une administration en place, peut-être lui suffit-il d'obtenir toute l'information directement et d'inscrire les détails. Il serait peut-être alors plus facile d'en traiter une partie. Il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une question plutôt compliquée, mais il faut simplifier le processus, et les calculs doivent être plus simples pour les producteurs.

M. Rick Borotsik: Joe, je pense que vous avez mentionné que la superficie de votre ferme est d'environ 7 500 acres. Un peu plus tard dans votre exposé, vous avez affirmé qu'il nous faut chercher une façon de sauver les fermes familiales. Considérez-vous la vôtre comme une ferme familiale?

M. Joe Federowich: Oui, nous habitons sur une ferme depuis maintenant cinq générations. Malheureusement, mon fils est revenu à la ferme et je ne peux maintenant prendre ma retraite. Il faudra remettre ça à plus tard.

M. Rick Borotsik: Si vous avez des fils, vous ne prendrez jamais votre retraite. Mais considérez-vous votre ferme comme une ferme familiale, compte tenu de sa taille?

M. Joe Federowich: Oui.

M. Rick Borotsik: Pourtant, 7 500 acres est une grande superficie.

M. Joe Federowich: Vous devez comprendre que, même s'il s'agit d'une ferme familiale, il faut l'exploiter comme une entreprise. Si vous n'établissez pas les chiffres correctement, votre ferme ne sera pas viable.

M. Rick Borotsik: Êtes-vous constitué en société?

M. Joe Federowich: Non.

M. Rick Borotsik: À ce propos, j'ai une autre question. Je suis content d'avoir posé cette question. Il y a un problème ou une lacune grave du programme ACRA en ce qui concerne la fin de l'exercice. Avez-vous eu ce problème, George, en ce qui concerne le fait que la fin de l'exercice ne correspond pas à une fin d'exercice habituelle?

M. George Allard: Nous possédons bel et bien des sociétés agricoles, mais on ne m'a informé d'aucun problème réel, sauf peut-être le retard du traitement des demandes.

M. Rick Borotsik: Je pense que nous obtiendrons cette réponse de la part d'un comptable, peut-être demain.

Ce que j'ai entendu, c'est que si vous avez une entreprise, et que votre exercice ne se termine pas en même temps que l'exercice financier, qu'il se termine en juin ou en juillet, on antidate la demande présentée à l'ACRA. En fait, vous ne pouvez présenter une demande à l'ACRA pour la campagne agricole 1999. Bon, nous reconnaissons tous que la campagne agricole de 1999 était pire que celle de 1998, et certainement bien pire que celle de 1997. Est-ce que vous avez eu l'un ou l'autre de ces problèmes?

M. George Allard: Je ne pense que nous ayons rempli de formulaires de l'ACRA pour nos entreprises à ce moment.

M. Rick Borotsik: Alors, cela explique pourquoi vous n'avez pas eu de problème, croyez-moi.

Au sujet de la diversification, vous laissez entendre qu'il devrait y avoir un certain genre de programme ou de système de soutien qui permettrait aux agriculteurs de diversifier leurs activités. Vous avez parlé de la pomme de terre. Soit dit en passant, vous ne devriez pas parler de pomme de terre lorsque ces gens-là sont présents, et particulièrement Joe. Il pense encore que l'Île-du-Prince-Édouard est le meilleur endroit où cultiver des pommes de terre.

M. Joe McGuire: Faites attention quand vous parlez des pommes de terre.

M. Murray Calder: J'ai des cultivateurs de pommes de terre dans ma circonscription aussi.

M. Rick Borotsik: Lorsque vous dites que vous vouliez injecter 750 000 $ pour cultiver des pommes de terre, je sais que Joe a dit: «Oubliez ça. L'Île-du-Prince-Édouard peut s'en occuper.»

Vous diversifiez vos cultures. Je sais que vous cultivez du chanvre.

M. Joe Federowich: Du chanvre industriel. N'oubliez pas le mot industriel.

M. Rick Borotsik: Du chanvre industriel. Que cherchez-vous à faire?

M. Joe Federowich: Lorsque vous parlez de diversification, il faut comprendre qu'elle concerne les agriculteurs ou les agriculteurs traditionnels. Je ne sais pas où vous classeriez un agriculteur traditionnel, mais je pense qu'il faut d'abord établir un classement.

Cependant, si vous cultivez uniquement des céréales ou que vous élevez uniquement du bétail et que vous n'arrivez pas à joindre les deux bouts, que le gouvernement ou la politique vous dicte de cultiver autre chose, vous ne pouvez tout simplement dire: «D'accord, je vais faire cela.» Il y a des coûts d'équipement et des lois fiscales. C'est très compliqué. Vous ne pouvez pas tout simplement prendre de l'argent dans votre poche arrière lorsque vous traversez des difficultés financières, comme c'est le cas maintenant. Nous ne serions pas assis à cette table si le canola se vendait 9 $ le boisseau et le blé, 5,50 $. Nous aurions tous procédé à une diversification, ou nous penserions le faire.

M. Rick Borotsik: Ou vous auriez continué à cultiver du canola plutôt que du blé jusqu'à ce que les prix augmentent.

M. Joe Federowich: Eh bien, je pense que tout ça pourrait être une expérience instructive. Je pense que tout le monde ici présent réalise que la ferme a intérêt à diversifier et à étendre un peu plus ses activités. C'est difficile de simplement demeurer dans les cultures principales, et ça coûte beaucoup d'argent.

M. Rick Borotsik: Quelles sont vos demandes? Que cherchez-vous à obtenir de nous?

M. Joe Federowich: Eh bien, je pense que nous avons besoin d'un financement de base, d'un paiement à l'acre. C'est la façon la plus équitable et la plus facile de distribuer l'argent, et tout le monde en obtient. Et ça vous évitera d'avoir tous ces chiffres compliqués ou, si A n'est pas égal à B ou que B n'est pas égal à C, votre ferme fera l'objet d'une vérification. Lorsqu'on vient vérifier votre ferme, cela coûte aussi beaucoup d'argent. Je ne pense pas qu'il y ait de réponse toute faite. Selon moi, le paiement à l'acre est réellement la réponse la plus parfaite que nous puissions obtenir.

Le président: J'aime la définition qu'a donnée un professeur de l'Université de la Saskatchewan, M. Furtan, d'une ferme familiale. Cela n'a rien à voir avec la taille de la ferme. Cela n'a rien à voir non plus avec le revenu de la ferme, pas plus qu'avec le fait qu'elle soit constituée en société ou pas. Cela concerne uniquement ceux qui font le travail sur la ferme. Si c'est une famille qui fait le travail, alors c'est une ferme familiale. J'aime les définitions de ce genre.

Monsieur McCormick.

• 1730

M. Larry McCormick: Merci beaucoup, monsieur le président.

Seulement une ou deux choses. J'aimerais remercier George encore une fois. Je sais que l'on vous a déjà remercié de votre excellent exposé et vous nous avez donné des choses que nous pouvons ramener avec nous pour améliorer notre travail.

J'aimerais poser des questions à chaque témoin. J'aimerais entendre notre comptable pour savoir si la modification que nous avons apportée en permettant les marges négatives a eu des répercussions importantes dans votre secteur. Je profiterai aussi de l'occasion pour encourager les personnes ici présentes à veiller à ce que leur gouvernement provincial couvre les marges négatives, parce que cela a aidé certaines personnes.

J'aimerais aussi demander au comptable comment, à son avis, nous devrions mesurer le revenu aux fins de l'ACRA, compte tenu des diverses modifications. Est-ce que nous nous contenterons de laisser de côté les stocks pour nous fonder sur la comptabilité de caisse? Vous vous rendez compte que nous avons un important changement quand la céréale se trouve toujours dans le silo.

Ma question à l'intention de Joe concerne les défis et les occasions. Santé Canada a octroyé plusieurs centaines de licences pour la production de chanvre. Je suis sûr que cette culture semble très attrayante, mais elle n'a pas été sans risque. Je pense qu'il serait très utile que vous fassiez, aux fins du compte rendu, une mise à jour de votre situation en tant que cultivateur et de celle du produit que vous avez cultivé cette année.

Le président: Monsieur Allard, et ensuite M. Federowich.

M. George Allard: Je pense que la première question avait trait à la possibilité d'éliminer les stocks des calculs de l'ACRA. Quant on examine la question de façon raisonnable, je pense qu'on ne peut accepter cette solution. Il vous faut tenir compte des stocks, parce qu'ils font partie du revenu, qu'on en ait disposé ou non.

M. Larry McCormick: Ensuite, quand avons-nous permis qu'ils soient inclus?

M. George Allard: Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une mesure positive, comme il se doit. Oui, elle a certainement des avantages pour les producteurs qui ont des marges négatives.

Le président: Joe.

M. Joe Federowich: Je veux juste dire quelques mots au sujet du chanvre. C'est ce dont nous nous occupons actuellement. À l'heure actuelle, toute la production est mise en bottes, les bottes sont réunies et toutes sont entreposées dans ma ferme. Je recevrai à la fin du mois le paiement pour le premier tiers de ma récolte. Ce montant a été établi pour les personnes qui n'ont pas accepté de salaire. Ce sont les gens qui ne prennent aucun paiement jusqu'au 30 janvier, alors cela sera traité en janvier, mais dans le cas des personnes qui ont reçu un paiement le 30 novembre, les silos ont été mesurés, les arrêts ont été faits, les contrats ont été signés entre les producteurs et l'entreprise, et il semble que tout suit son cours.

En ce qui concerne la marche de l'usine, je crois que c'est aussi près qu'on puisse aller. Je n'ai vraiment pas d'idée de ce que cela veut dire concrètement. C'est comme pour l'ACRA. Je pense que rien ne peut être aussi imparfait.

Le président: Avant de passer à M. McGuire, nous entendrons un autre groupe d'agriculteurs dans un moment: MM. Gust, Drebit, Fyk et Michaleski.

Parmi ceux dont je n'ai pas mentionné le nom, combien aimeraient avoir l'occasion de dire quelques mots aux membres du comité? Notre réunion se poursuit jusqu'à 18 h 30. Personne d'autre? Très bien.

Nous passerons maintenant à M. McGuire.

M. Joe McGuire: Monsieur le président, M. Allard a dit dans son exposé que la moyenne sur trois ans repose sur la comptabilité de caisse tandis que celle de l'année en cours repose sur la comptabilité d'exercice. En tant que professionnel, recommanderiez-vous que tous les agriculteurs ou les pêcheurs produisent des déclarations de revenu selon la comptabilité d'exercice ou selon la comptabilité de caisse?

M. George Allard: À vrai dire, c'est une question sur laquelle notre bureau se penche constamment. Je pense que si l'on compare une entreprise agricole à d'autres entreprises, il ne fait aucun doute que les agriculteurs tirent un avantage fiscal de fonctionner selon une formule de comptabilité de caisse. Les agriculteurs font face à d'énormes enjeux en ce qui touche le risque, probablement plus que d'autres entreprises. Fondamentalement, une entreprise agricole qui fonctionne selon une comptabilité de caisse retire certains avantages fiscaux, surtout au cours des années de démarrage. Cela lui procure un fonds de roulement plus élevé, plus d'argent pour poursuivre son exploitation. Par conséquent, elle dépense probablement plus d'argent dans la collectivité, ce qui génère des impôts dans d'autres secteurs. Je pense qu'il s'agit d'une des mesures incitatives auxquelles ont accès les agriculteurs et qu'elle ne devrait pas leur être retirée.

• 1735

Je sais que, en Nouvelle-Zélande, on s'est converti à la comptabilité d'exercice. Cela a forcé les agriculteurs à adopter des pratiques de gestion différentes. Selon moi, le fait qu'ils fonctionnent selon une comptabilité de caisse au Canada leur procure un meilleur fonds de roulement.

M. Joe McGuire: Êtes-vous d'accord avec cela, Joe?

M. Joe Federowich: Oui.

Le président: Merci.

Avant que vous ne vous leviez, j'aimerais poser une question à tous les agriculteurs présents dans la salle. J'ai posé cette question à Portage La Prairie, et je veux aussi la poser à tous les agriculteurs ici présents. Elle n'a rien voir avec l'ACRA et concerne plutôt la philosophie.

Cette question est la suivante: êtes-vous en faveur d'un programme ciblé, d'un programme qui vise à réparer les dommages et qui ne s'adresse qu'aux seuls agriculteurs qui ont vraiment besoin d'aide? Vous pourriez dire qu'un programme ciblé comme l'ACRA est plus équitable, parce qu'il vise les agriculteurs qui en ont besoin et ne donne pas d'argent à ceux qui n'en ont pas besoin, mais il est, bien sûr, lent et compliqué.

L'autre solution, c'est un programme qui s'adresse à tout le monde. Vous pouvez l'appeler paiement à l'acre ou quelque chose du genre. Manifestement, il fonctionne beaucoup plus rapidement. Tout ce que vous avez à faire, c'est de dire au gouvernement combien d'acres vous avez, que vous êtes agriculteur, et il vous enverra un chèque. L'inconvénient de cette formule est peut-être qu'elle n'est pas équitable et, bien sûr, elle signifiera moins d'argent pour ceux qui en ont besoin, parce que ceux qui n'en ont pas autant besoin en recevront aussi une part.

J'aimerais simplement que vous leviez les mains pour me répondre: combien d'entre vous êtes en faveur d'un programme ciblé comme l'ACRA? Personne. Mon Dieu, je n'ai probablement pas à poser la deuxième question, mais vous avez probablement besoin d'exercice après être resté assis aussi longtemps.

Combien d'entre vous êtes en faveur d'un programme unilatéral de paiement à l'acre? Tout le monde. C'est intéressant, vous savez, parce que j'ai posé cette question à seulement quatre agriculteurs à Portage La Prairie, et je dirais que trois et demi d'entre eux étaient en faveur du programme ciblé.

M. Rick Borotsik: Monsieur le président, puis-je poser une autre question?

Le président: Allez-y.

M. Rick Borotsik: Combien de producteurs ici présents aujourd'hui ont vraiment présenté une demande à l'ACRA? Je ne vous demanderai pas si vous avez été accepté ou non, mais c'est très bien comme cela, merci. Ainsi donc, vous avez présenté une demande pour l'ACRA. Comme il y avait pas mal de mains levées, votre entreprise ne s'en tire pas très bien aujourd'hui, George.

Le président: Vouliez-vous dire quelque chose, monsieur Allard?

M. George Allard: Je voulais juste dire à Rick que mes pourcentages peuvent ne pas être tout à fait exacts.

Le président: Merci.

J'appellerai maintenant Calvin Gust, Terry Drebit, Don Fyk et Boris Michaleski. Nous allons ajouter un autre agriculteur à ce groupe, un homme du nom de Chris Dzisiak. Je pense qu'il peut y avoir cinq personnes dans ce groupe.

Terry, vous allez commencer.

• 1740

Messieurs, il nous reste environ 45 minutes. Si vous le pouvez, j'aimerais que votre exposé officiel ne dure pas plus de trois minutes, environ. Comme vous êtes cinq, ça nous prendra au moins 15 minutes. Il nous restera donc 25 ou 30 minutes pour les questions. Je sais qu'il est difficile de faire cela, mais l'information que vous devez laisser de côté durant votre exposé officiel peut être fournie sous forme de réponses aux questions un peu plus tard.

M. Terry Drebit (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président. Vous êtes conscient du fait que, comme je suis un représentant élu, il me faut plus de trois minutes pour me présenter.

Certaines personnes m'ont demandé pourquoi je suis ici aujourd'hui, et je vais vous le dire. Je suis maire d'une petite ville du sud-ouest du Manitoba. Nous avons été dévastés cette année par des inondations.

Le président: Quel est le nom de votre ville?

M. Terry Drebit: Minnedosa. C'est une ville magnifique.

Nous avons été dévastés par des inondations—pas seulement Minnedosa, mais aussi Neepawa. Mais le problème, c'est que le phénomène n'était pas aussi séduisant que la tempête de verglas du Québec ou l'immense inondation de la vallée de la Rivière Rouge: il s'agit tout simplement d'une coulée de boue.

Je peux vous dire que les agriculteurs de notre région ont fait des pieds et des mains pour rentrer leur récolte, et bon nombre n'y sont pas arrivés. Ceux qui n'ont pas réussi à le faire ont reçu un petit paiement en argent, et ceux qui ont réussi ont vraiment regretté de l'avoir fait.

Je pense qu'il faut nous attacher à deux problèmes. Tout d'abord, nous devons faire face à un désastre naturel, et ensuite, nous devons résoudre la crise agricole. Celle-ci est fondamentalement un problème de prix des denrées qui se pose à nous. Je suis ici, monsieur le président, pour vous parler des problèmes que nous pose l'inondation.

Il y a eu une coulée de boue à Minnedosa. Je sais que Melita a eu un problème avec de l'eau, mais nous avons eu de la boue. Je puis vous assurer qu'il est beaucoup plus facile de se débarrasser de l'eau que de la boue. Alors voilà notre problème.

De plus, j'ai simplement été trop poli lorsque je suis venu ici, parce que ma mère vit à Dawson et qu'elle m'a fait promettre d'être poli. Mais un homme parlait plus tôt, et honnêtement, quand j'étais assis à l'arrière de la salle, j'ai presque dit «Foutaise», mais je savais que je ne pouvais le faire dans cette pièce.

Des voix: Oh, oh!

M. Terry Drebit: Il a poursuivi en nous parlant des agriculteurs à qui il avait parlé et en nous disant qu'il ne croyait pas qu'il y avait véritablement un problème, qu'il ne croyait pas que le prix de l'équipement avait baissé et qu'il ne croyait pas que nous étions en crise. Eh bien, il se trompe.

Monsieur le président, je mets votre comité au défi de venir à Minnedosa. Je vous y présenterai un millier d'agriculteurs qui vous diront le contraire. J'espère que cet homme n'ira pas faire part de ses commentaires au ministre, parce que s'il le fait, nous aurons alors de graves problèmes, parce que le ministre ne sera pas sensibilisé au véritable problème.

Nous sommes dans une situation de crise. Je suis le maire d'une petite ville. La moitié des clients de mon petit restaurant sont des agriculteurs, et l'autre, des gens de la ville. Je siège au conseil depuis onze ans. J'en suis venu à connaître tout le monde. Ce sont mes amis et mes voisins.

J'ai parlé au type de l'épicerie qui a perdu son commerce parce que les agriculteurs n'avaient plus d'argent à dépenser. Nous pouvons parler aux gens du Meat and Deli Hut—le jeune père de famille que j'ai rencontré qui a aussi fait faillite parce que les agriculteurs n'avaient pas d'argent à dépenser. J'ai parlé au propriétaire d'un dépanneur dont le chiffre d'affaires est en baisse de 10 p. 100. L'autre dépanneur a fermé ses portes.

Ce n'est là que la pointe de l'iceberg, monsieur le président. Il ne s'agit pas seulement d'une crise agricole; cette crise touche le Manitoba tout entier. Et comme elle touche le Manitoba tout entier, c'est une crise fédérale.

Je pense que nous avons besoin d'un régime fédéral d'aide en cas de désastre qui nous aidera à faire face à notre crise. Quand nous aurons résolu notre crise immédiate, qui est attribuable à l'inondation... je sais que ça peut sembler très égoïste, parce que je parle pour les régions qui ont été touchées par l'inondation. J'appelle ça inondation parce que... comment lui donner un autre nom lorsque vous ne pouvez sortir votre tracteur avant le 20 juin et qu'un imbécile vous encourage à semer de toute façon?

Monsieur le président, il s'agit d'un désastre. Alors il nous faut nous attacher à deux problèmes: d'abord à l'inondation, puis à la crise économique.

Il y a une autre chose dont je voulais vous parler. Vous avez demandé aux gens ici présents de voter pour l'ACRA ou pour un programme ciblé. Eh bien, il est manifeste que l'ACRA ne fonctionne pas. Selon moi, c'est peut-être parce que ce programme a été créé par des comptables pour des comptables, parce qu'ils sont les seuls à le comprendre. Aucun de mes amis agriculteurs ne comprend l'ACRA.

Le président: Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le président: Monsieur Dzisiak, la parole est à vous.

M. Chris Dzisiak (témoignage à titre personnel): J'aimerais remercier tout le monde de me permettre de venir vous parler.

Je n'ai pas préparé d'exposé, mais lorsque j'étais assis dans l'assistance, j'ai pu saisir ce que vous recherchez. Je possède une ferme familiale et je connais mes préoccupations. Où il y a disparité, selon moi, c'est entre ce que vous voulez et ce que nous vous fournissons.

• 1745

Si je regarde un tableau où il y a une projection du revenu brut et des dépenses brutes sur une période de 15 ou de 18 ans—je ne peux pas vous le montrer, mais je vais vous le dessiner avec des gestes—le revenu brut augmentait avec le temps, c'est-à-dire il y a 15, 18 ou 20 ans. Tout juste en-dessous, il y avait des dépenses nettes. Où est allé le revenu net? Si vous examinez un tableau qui montre le revenu net, vous pourrez constater que celui-ci ondule tout juste au bas. Ce que cela nous montre, c'est que l'argent qu'il faut injecter dans l'entreprise agricole augmente sans cesse. Demandez à n'importe quel banquier combien d'argent est en cause.

Vous avez un manque à gagner. Je crois savoir que pour un compte moyen du CSRN, il faut environ 12 000 $ pour exploiter une ferme. Si vous avez une ferme de 1 000 acres, cette somme couvrirait probablement certains des produits chimiques. Ce montant n'équivaut pas à un montant d'argent réel qui servirait à une fin, de sorte que le compte du CSRN n'est pas suffisant.

De plus, la plupart des gens considèrent probablement cet argent comme une solution de dernier recours. Lorsque vous commencez à toucher à ces comptes du CSRN, et que l'argent arrive à la banque, je vous gage que c'est le dernier argent que ces agriculteurs pourront inclure à leur encaisse.

Je ne pense qu'il y ait beaucoup de comptes du CSRN qui sont activés, parce que je ne pense pas que c'est très bon.

Une grande partie des revenus de la ferme ne proviennent pas de son exploitation proprement dite. Si les gens qui travaillent dans de petites localités n'ont pas d'emploi parce que les agriculteurs ne dépensent pas d'argent, vous ne faites qu'aggraver le problème. Quand la plus grande partie de l'argent est dépensée par des agriculteurs, l'argent qui est injecté dans les revenus ou l'économie de la ferme ne demeure pas dans les poches des agriculteurs. Il ne va pas non plus dans le compte d'épargne de quelqu'un. Il est tout simplement réinjecté pour soutenir le banquier, le cordonnier et la personne qui vend de l'équipement. Tous vont embaucher quelqu'un de la localité. À qui fournissez-vous l'argent? Vous le fournissez aux localités de l'Ouest canadien. Vous ne faites pas qu'appuyer les agriculteurs, vous appuyez l'Ouest canadien tout entier.

Si la localité s'écroule, vous n'aurez pas de récolte de navette qui se transforme en récolte de canola et rapporte des milliards de dollars à la localité. Nous pouvons concurrencer quiconque est capable de produire des choses. Ce que nous ne pouvons pas concurrencer, ce sont les subventions étrangères et les comptes de banque étrangers. Si vous voulez que nous concurrencions cela, vous êtes fous.

Des voix: Bravo!

M. Chris Dzisiak: Ou bien nous restons vivants et vous nous aidez à survivre, ou vous vous retrouvez avec un problème social que vous ne pourrez plus contrôler. Si vous pensez que cela va vous coûter de l'argent, attendez voir.

Le président: Merci.

Des voix: Bravo!

Le président: Monsieur Fyk.

M. Don Fyk (témoignage à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à Dauphin.

J'aimerais vous donner une image légèrement différente du problème qui touche un producteur. J'ai quelques documents que je peux distribuer, et peut-être que monsieur ici voudra bien les distribuer aussi aux membres du comité.

Ce que je voudrais faire aujourd'hui, c'est tenter de vous donner un point de vue légèrement différent. Personne ne s'est vraiment attaché à ce problème, parce qu'il semble mourir lentement. Il s'agit du processus Estey-Kroeger.

Comme vous le savez, je m'appelle Don Fyk, et je suis le représentant, pour le Manitoba, de la Western Rail Coalition. Cette coalition est formée d'un groupe de membres des trois provinces des Prairies qui cherchent à mettre sur pied un système ferroviaire rationnel et concurrentiel.

À l'heure actuelle, la loi nous place, nous les producteurs, en situation de vulnérabilité face aux caprices des sociétés de chemin de fer lorsque vient le temps d'établir de courts tronçons. La Commission canadienne du blé est l'une des avenues vers lesquelles nous pouvons maintenant nous tourner pour garantir une certaine forme de traitement égal tandis que nous élaborons de nouvelles initiatives qui feront augmenter le rendement pour les agriculteurs.

Un conseil d'administration élu par des agriculteurs dirige la Commission canadienne du blé. C'est un processus démocratique, dont les agriculteurs ont fait la demande et que le gouvernement leur a donné. Il est inacceptable de contourner les souhaits des agriculteurs en minant la Commission du blé.

Maintenant, parce que personne n'en a encore parlé, il faut que je lance une pointe aux cultivateurs de blé de l'Ouest canadien. Personne ne semble venir au secours de la Commission canadienne du blé sauf la coalition et le SARM, le WRAP et le KAP, et tous les autres du genre.

Les agriculteurs devraient pouvoir déterminer le rôle de la Commission du blé par l'entremise de leurs membres démocratiquement élus. Tandis que je vous parle, un projet pilote est en voie d'être lancé en Saskatchewan. Comment fonctionne-t-il? La Commission canadienne du blé ou l'un de ses agents analysera le grain dans le silo de l'agriculteur. Lorsque la Commission fera une vente, elle communiquera avec l'agriculteur pour livrer le grain de ce silo en particulier.

• 1750

Lorsque l'agriculteur fait une livraison, la quantité de grain est déterminée. Le mélange est fait dans les wagons et le tout est envoyé directement au port, ce qu'on appelle un envoi direct. Voilà une autre économie.

Le profit d'un producteur qui fait un mélange pour la teneur protéinique, etc., est calculé à 50 à 78 cents le boisseau. Si vous prenez 30 millions de tonnes de blé, par exemple—et environ la moitié seulement du blé subit ce traitement—vous obtenez encore de 50 à 78 cents le boisseau, soit environ 350 millions de dollars qui vont directement dans la poche du producteur. Il n'a jamais à quitter la ferme. Il n'a pas à être partagé avec des entreprises ferroviaires ou des propriétaires de silo-élévateur; il reste sur la ferme, chez le producteur.

Tout le système semble laisser de côté le producteur. Nous parlons déjà des actionnaires et, si ce n'est pas des actionnaires, des compagnies de céréales ou des entreprises ferroviaires.

Une fois mis en place, ce projet favorisera la véritable concurrence, particulièrement chez les sociétés céréalières. La Western Rail Coalition appuie les réformes du système, et les agriculteurs doivent pouvoir en profiter.

Le gouvernement s'est engagé à établir un système axé sur le marché. Ce système ne fonctionne bien que s'il y a une concurrence adéquate et vigoureuse entre les intervenants. On n'a pas vu que ce soit le cas pour les deux grandes sociétés ferroviaires du Canada. C'est pourquoi il faut établir des mesures spéciales pour protéger la clientèle captive des sociétés ferroviaires, comme les agriculteurs qui doivent expédier du grain pour l'exporter.

Le rapport de M. Alcock recommandait de faire d'un accès ouvert une mesure de sécurité qui garantirait la concurrence. L'Office national des transports a rendu un jugement contre les sociétés ferroviaires qui nuisaient au mouvement du grain. Notre gouvernement doit protéger les producteurs en légiférant un accès ouvert, comme le préconise M. Alcock dans son rapport. La Western Rail Coalition appuie solidement cette recommandation et d'autres.

Nous appuyons aussi vos recommandations visant à maintenir la Commission canadienne du blé et le rôle qu'elle joue dans les transports—l'alinéa 28k), qui a soudainement fait surface. Des gens ont tenté de l'éliminer.

Afin de faciliter l'application de l'alinéa 28k), les courts tronçons fournissent le mécanisme. La Western Rail Coalition a pour mandat de promouvoir, protéger et préserver les courts tronçons. Nous ne pouvons tous les sauver, mais un bon pourcentage d'entre eux l'ont été. Nous représentons environ 22 comités, lesquels représentent 20 000 titulaires de compte permanents dans tout l'Ouest canadien.

Les principales sociétés ferroviaires du Canada veulent abandonner les voies secondaires, ce qui compromettra l'avenir des localités rurales des Prairies. La réforme législative de la Loi canadienne des transports doit être appliquée pour donner aux groupes communautaires une possibilité juste et équitable d'acheter ces voies secondaires.

Les sociétés céréalières parlent de l'investissement considérable qu'elles ont consenti. Si vous deviez prendre un terminal céréalier avec un investissement de 15 millions de dollars et tracer un cercle de six milles de rayon autour de lui, vous découvririez que cela vous donne environ 110 sections de terre. Cela représente un investissement d'environ 30 millions de dollars pour les producteurs, un investissement d'environ deux pour un, puisqu'un terminal intérieur coûte environ 15 millions de dollars.

Si vous deviez quadriller tout l'Ouest canadien, l'intégralité des provinces des Prairies, de haut en bas d'un sens et par là dans l'autre sens, l'économie de l'Ouest serait toujours le double de l'investissement des sociétés céréalières, quel que soit le facteur ou le nombre que vous souhaitez comparer. Pourtant, je pense que l'économie de l'Ouest vaut environ 100 milliards de dollars, tandis que les sociétés ferroviaires et les silos-élévateurs représentent ensemble environ 10 ou 12 milliards de dollars. Dans ce cas, c'est comme si la souris dictait sa conduite à l'éléphant.

La position de la Western Rail Coalition à ce sujet reprend celle des groupes d'agriculteurs de toutes les Prairies, nommément le SARM, le KAP et le WRAP. Nous appuyons tous ces groupes et travaillons avec eux. Nous croyons qu'un accès ouvert, des limites de revenu, une loi équitable sur les courts tronçons et le maintien de la Commission canadienne du blé à la ferme—l'alinéa 28k) de la Loi sur la commission canadienne du blé—sont des filets de sécurité dont dépend la survie de la ferme familiale.

Le président: Merci, monsieur Fyk.

Monsieur Gust.

M. Calvin Gust (témoignage à titre personnel): Je ne sais pas où commencer. Vous avez une copie de mon exposé. On m'a convoqué la semaine dernière, on m'a laissé tomber et on m'a convoqué de nouveau. Pour cela, je vous suis reconnaissant.

Je tiens seulement à dire que j'ai voté à l'occasion de la dernière élection. On doit normalement utiliser un crayon mine mais, ayant perdu mon crayon, j'ai dû utiliser un stylo. Malheureusement, mon stylo coulait, et je n'ai pu que mettre une tache d'encre à côté du nom de Marlene Cowling.

Des voix: Bravo!

Le président: C'est avec plaisir que nous vous accueillons ici.

M. Calvin Gust: Nous avons justement besoin d'une bouffée d'air frais.

• 1755

La feuille que je vous ai remise porte des numéros au verso et une lettre au recto. Je vous fais grâce de la lettre et je passe à l'essentiel. Le verso de la feuille compte deux astérisques et des sections soulignées. Je vous demanderais, dans le cadre de vos travaux cet après-midi, de prêter une attention particulière à la section qui commence par la phrase suivante: «Depuis 1995, cependant, j'ai l'impression que le gouvernement fédéral fait des pieds et des mains pour abandonner l'agriculture de l'Ouest.» Vous y trouverez une litanie de questions sur lesquelles j'aimerais que vous vous penchiez soigneusement.

Je tiens aussi à signaler que je considère ma ferme comme assez solide, pour l'instant. La banque sait que ma ferme se porte bien, mais tout cela peut changer en un rien de temps.

Les chiffres qui figurent au verso, messieurs, sont tirés de mes relevés d'impôt, c'est-à-dire des relevés d'impôt de Craigsford Farms Ltd. Mes données remontent à cinq ou six ans. Je me contenterai de mettre en relief certains éléments.

La ligne intitulée «impôt sur le revenu» indique les montants d'impôt que j'ai versés au cours des cinq ou six dernières années. Vous remarquerez que les montants varient considérablement. De 1995 à 1999, Craigsford Farms Ltd. a versé en moyenne 10 000 $ d'impôt sur le revenu par année et, comme vous le constaterez, les chiffres ne cessent de baisser depuis 1996. Mon exercice, en passant, se termine le 31 juillet, de sorte que j'ai déjà préparé ma déclaration pour 1998-1999, et mon exercice 1999-2000 est déjà bien entamé. Si la tendance se maintient, je ne paierai pas d'impôt en 2000.

J'ai un compte fiscal prépayé de 10 000 $ auprès de Revenu Canada, et ces emmerdeurs me renvoient cet argent, parce que nous avons coché la petite case, sur la déclaration de revenu, qui les oblige à le faire.

Je veux porter quelque chose à votre attention, messieurs. Dans un avenir prévisible, il y a en moyenne 10 000 $ par année que le gouvernement fédéral ne recevra pas de ma ferme. Envisageons cela d'une façon plus globale: cela représente 10 000 $ pour un seul agriculteur; pour 100 agriculteurs, à raison de 10 000 $ chacun, cela représente un million de dollars; si on compte 1 000 agriculteurs, le total s'élève à un milliard de dollars.

L'autre chiffre sur lequel je souhaite attirer votre attention est le bénéfice net, qui figure dans la colonne de droite. Nous affichions un déficit de 14 000 $ et des poussières en 1995. Grâce à de bonnes récoltes et à des prix élevés en 1995, l'année 1996 a été bonne, avec un bénéfice net de 61 000 $. En 1997, le montant passait à 21 700 $. En 1998, j'étais à moins 10 000 $, et en 1999, à moins 20 000 $.

Passons au tableau suivant pour voir ce que nous réserve l'an 2000. Le tableau 2 présente des données tirées des relevés préparés par ma banque. La valeur de la production correspond à la production totale de ma ferme au cours des quatre dernières années, c'est-à-dire de 1995 à 1998. La moyenne pour les années 1995 à 1998 est au bas du tableau. On constate que la valeur de production moyenne est de 425 000 $. Les coûts de production figurent dans l'autre colonne. Les quatre chiffres qui s'y trouvent donnent une moyenne de 359 000 $, presque 360 000 $, au chapitre des coûts de production. On suppose que cela procure des bénéfices assez intéressants.

Envisageons l'exercice 1999. En 1999, nous avons ajouté 290 acres à notre exploitation; cela représente 16 p. 100, car nous disposions de 1 800 acres avant cet ajout. Nous avons donc accru notre superficie de 16 p. 100 en 1999, pour passer à 2 100 acres. La valeur de production devrait donc augmenter de 16 p. 100 et passer à 493 580 $, comme on l'indique sur la feuille.

J'ai déjà calculé ma production pour 1999. Je sais déjà que ma production s'élève à 343 000 $. Encore une fois, les coûts de production sont inférieurs à ce montant. Supposons que l'augmentation de 16 p. 100 de ma surface d'exploitation me permet de réaliser des économies d'échelle, et je pourrai peut-être m'en tirer avec une hausse de 12 p. 100 des coûts de production. Donc, en multipliant 359 000 $ et des poussières par 1,12, on se retrouve avec un peu plus de 400 000 $ de coûts de production.

On se retrouve donc avec des coûts de production de 403 000 $ pour 1999, alors que la valeur de production ne s'élève qu'à 343 000 $, pour un manque à gagner de 60 000 $. Prenez ces 60 000 $, et placez-les dans le tableau qui se trouve plus haut, à l'endroit où j'ai mis un point d'interrogation. Vous constaterez que la tendance se maintient: on passe de moins 10 000 $ à moins 20 000 $ à moins 60 000 $.

Vous voyez maintenant ce qui arrive à ma ferme. Combien d'années encore puis-je tenir le coup?

• 1800

Si vous regardez la partie supérieure de la colonne centrale, vous constaterez que la valeur nette de ma ferme a baissé progressivement au cours des trois dernières années. Elle a baissé de 10 000 $, et ensuite, de 15 000 $. Elle baissera probablement de 40 000 $, 50 000 $ ou 60 000 $ dans la prochaine année.

Avant de présenter quelques commentaires généraux, j'aimerais vous renvoyer au dernier tableau, qui indique le montant net des dépenses en immobilisations pour ma ferme, par exemple un nouveau tracteur moins un vieux tracteur. Pour les exercices 1994 à 1998, le montant moyen des achats d'immobilisations pour la ferme est de 80 811 $. Les coûts en immobilisations pour 1999 s'élèvent à 18 265 $. Les coûts en immobilisations prévus pour 2000 sont nuls.

Vous remarquerez qu'on passe de 80 000 $ par année à 18 000 $, à zéro. Quelles sont les répercussions sur la collectivité jusque dans les villes? Quelqu'un a parlé des pertes au chapitre de la machinerie. J'ai parlé à mon concessionnaire, et il me confirme qu'il a peur de conserver de l'équipement usagé pendant un an, car cela occasionne des pertes importantes. Les machines s'accumulent.

Soit dit en passant, le concessionnaire auquel j'ai parlé affirme que sa rentabilité est presque identique à la mienne. L'entreprise, fondée en 1995, a connu de bonnes années en 1995 et 1996, et a commencé à perdre du terrain en 1997. Les années 1998 et 1999 ont été les pires. On peut donc dire que ce concessionnaire subit exactement les mêmes tendances que nous.

Si je cesse de dépenser 80 000 $ par année et que 20 agriculteurs font la même chose, cela représente 1,6 million de dollars. Si 200 agriculteurs cessent de dépenser 80 000 $ par année, le total s'élève à 160 millions de dollars. Ce montant est presque identique au montant annoncé dernièrement par M. Vanclief, ce qui nous a beaucoup contrarié.

Je présenterai maintenant quelques brefs commentaires. De nombreuses questions ont trouvé réponse ici, et j'étais impatient de m'adresser à vous, car je savais que je possédais toutes les réponses. J'aimerais donc vous en fournir quelques-unes.

On fait beaucoup trop de cas de la diversification. Quelqu'un a fait référence à l'élevage des porcs. J'ai eu l'occasion de diversifier mes activités en me lançant dans l'élevage des porcs, ou en investissant dans un salon funéraire. Savez-vous quelle option j'ai retenue? J'ai choisi le salon funéraire. Et je ne l'ai pas regretté!

Quelqu'un a parlé des banques. Les banques américaines sont à l'avant-plan pour ce qui est de l'aide financière aux agriculteurs. Les banques canadiennes sont plutôt absentes, et, de fait, la moitié du temps, elles nous mettent les bâtons dans les roues, si l'on en croit les commentaires formulés par M. Murphy.

Nous n'avons pas encore touché à notre CSRN, mais, l'an dernier, le gouvernement a payé ma part. J'ai cessé de placer de l'argent dans le CSRN. Je permets au gouvernement de verser ma part. Il faut reconnaître que dès qu'on retire de l'argent du CSRN, on nous enlève du coup 30 p. 100 du montant, car ces sommes sont imposables.

On a aussi fait référence aux ventes qui n'étaient pas provoquées par une situation financière difficile. Eh bien, on n'assiste plus bien souvent à de telles ventes, car les agriculteurs sont en train de s'embourber lentement. Ils se retireront avant que la banque ne les force à le faire. Ils ne risqueront pas une faillite, expérience trop publicisée et embarrassante. Un agriculteur de notre région s'est trouvé dans cette situation l'été dernier, et c'était un vrai cirque médiatique.

Lorsque la fin approche et que la valeur nette s'effrite, comme c'est le cas sur le tableau que je vous ai présenté, la plupart des agriculteurs n'attendent pas qu'il soit trop tard: ils placent une annonce dans le journal, selon laquelle ils prennent leur «retraite en raison de problèmes de santé». Savez-vous à quel problème de santé on fait référence? Ça les rend malades de perdre de l'argent.

Le prix des terrains est encore élevé. Oui, il l'était l'an dernier. Je suis coupable: j'ai dépensé beaucoup trop d'argent sur un terrain environ à la même époque l'an dernier. Quel idiot! Maintenant je sais combien ce geste va me coûter. Le prix de location au comptant des terrains devra baisser d'au moins 10 $ l'acre, partout. Les terres peu productives ne trouveront même pas preneur l'an prochain. Je prédis que c'est ce qui va se produire.

Le prix du canola. Quelqu'un a mentionné que le canola se vendait 8 $ l'an dernier. Il est actuellement à 5 $. Certains d'entre nous ont pu vendre leur canola à 8 $ le mois dernier. Nous avions fixé le prix un an à l'avance. Il n'y a plus de canola susceptible d'être vendu à 8 $. On l'a tout vendu. Désormais, tout le canola se vend à 5 $/5,50 $ le boisseau, c'est-à-dire à cinq huitièmes du prix de l'an dernier. Il n'y a pas d'argent à faire avec le canola. Peu importe la ferme qu'on envisage, on ne peut faire de l'argent à vendre du canola à 5 $.

Avec tout le respect que je vous dois, messieurs, les questions touchant l'ACRA faisaient figure de diversion. J'ai eu l'impression de perdre mon temps lorsque vous avez posé certaines de ces questions. Quand le gouvernement s'en est mêlé, quand Marlene Cowling a été élue en 1993, le livre rouge du gouvernement promettait un programme complet de soutien du revenu pour les agriculteurs. Cela ne s'est jamais réalisé.

• 1805

Si le gouvernement veut qu'une chose se produise, elle se produit. Vous n'avez qu'à le demander à Allan Rock.

M. Larry McCormick: Ai-je entendu un coup de feu?

M. Calvin Gust: Peut-être.

Le retrait obligatoire des terres en culture, le rétablissement du RARB, le renforcement de l'ACRA—toutes ces mesures sont positives et fonctionnent, mais leurs effets sont vraiment superficiels.

J'ai dit que le gouvernement fédéral faisait des pieds et des mains pour se débarrasser de l'agriculture. Vous avez tellement coupé au cours des cinq dernières années que vous êtes allés trop loin: vous nous avez coupé l'herbe sous le pied. Quelqu'un a demandé combien d'argent il y avait à dépenser dans la boîte verte. Il pourrait y avoir 2,2 milliards de dollars. C'est l'argent que nous devrions avoir.

Nous devrions recommencer à faire le maximum, tout comme le font la Communauté européenne et les États-Unis. Ils dépensent tout ce que leur permet l'OMC tout en respectant les dispositions de la boîte verte, et nous dépensons beaucoup moins qu'eux.

Il est louable que vous nous demandiez ce que nous voulons. Vous dites que les organismes agricoles, qui possèdent l'expertise et ont comparu devant des comités gouvernementaux pour montrer comment ils arrivent à leurs fins, ont demandé l'ACRA. Toutefois, lorsque les programmes demandés par les organismes agricoles sont mis en oeuvre, ils sont, bien souvent, tellement dilués que les organismes agricoles éprouvent de la difficulté à les soutenir. Ces programmes sont toujours décevants. Nos organismes agricoles se présentent de bonne foi devant les comités et demandent les choses qu'ils estiment justes et équitables, et leurs demandes sont toujours réduites à presque rien.

C'est vraiment le comble quand, un beau jour, M. Vanclief annonce l'injection de 170 millions de dollars dans l'ACRA, quand le Manitoba et la Saskatchewan demandaient 1,3 milliard de dollars. La même semaine, M. Martin, ministre des Finances, se demande publiquement ce qu'on va faire avec les importants excédents budgétaires qui s'accumulent. Ensuite, un autre membre du Cabinet annonce que 100 millions de dollars supplémentaires seront versés pour payer les heures supplémentaires travaillées par les fonctionnaires pendant la tempête de verglas qui a sévi au Québec. Ce genre de chose nous énerve vraiment. Les relations publiques, ce n'est pas une bonne chose.

Des voix: Bravo!

Le président: Vous avez mentionné que vous avez investi dans un salon funéraire. Alors, vous savez où se trouvent les cadavres, pas vrai?

M. Calvin Gust: Ils meurent d'envie de venir nous voir.

Le président: Monsieur Michaleski.

M. Boris Michaleski (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président, merci, membres du comité.

L'interprétation du mot «crise» varie d'une personne à l'autre. On peut envisager toutes sortes de scénarios différents. Pour moi, à titre de producteur, les éléments suivants signalent qu'un agriculteur fait face à une crise: un, il abandonne l'agriculture ou recourt à la consolidation; deux, il vend des actifs afin de payer les coûts de production; trois, au moins un des deux conjoints travaille à l'extérieur de la ferme afin d'avoir suffisamment d'argent pour nourrir la famille et assurer la survie de la ferme; ou quatre, il souffre émotionnellement et physiquement de sa situation.

Imaginez le scénario suivant: la personne A réside à Dauphin et occupe un emploi à temps plein dans une entreprise locale. Le salaire de cette personne procure à sa famille suffisamment d'argent pour acheter des vêtements et de la nourriture, payer l'hypothèque et les services publics et, peut-être, se permettre du luxe, comme des vacances, des activités culturelles et sportives et d'autres choses du genre.

Comparons maintenant la personne A à la personne B, agriculteur qui réside dans un secteur rural de Dauphin et qui occupe à temps plein un emploi similaire dans une entreprise locale. Le bon sens laisse croire que cette personne, qui travaille à temps plein en plus d'exploiter une ferme familiale devrait être en mesure de s'offrir les mêmes choses que la personne A et disposer d'un revenu supplémentaire qu'elle tire de la ferme.

Ce n'est pas le cas. Dans la majorité des familles agricoles de la région, au moins un des conjoints travaille à temps plein à l'extérieur de la ferme. Ces gens ne le font pour s'éloigner de leur famille de «8 à 5» à l'extérieur de la ferme, seulement pour revenir à la maison à toute vitesse, engloutir leur souper et travailler huit heures de plus à la ferme. Ces gens ne le font que pour assurer la survie de la ferme, et c'est pourquoi nous sommes encore là.

Un sondage rapide auprès de 20 familles agricoles de mon quartier montre que: 55 p. 100 des familles comptent un membre qui travaille à temps plein à l'extérieur de la ferme; dans 30 p. 100 des familles, les deux conjoints travaillent à temps plein à l'extérieur de la ferme; dans 10 p. 100 des familles, un conjoint travaille à temps plein à l'extérieur de la ferme, et l'autre, à temps partiel; et 5 p. 100 des familles, c'est-à-dire une sur vingt, ne comptent aucun membre qui travaille à l'extérieur de la ferme. Ces chiffres ne sont guère encourageants.

En réalité, à titre de producteurs, nous nourrissons le monde d'aliments de grande qualité à peu de frais, alors que nos revenus agricoles ne nous permettent pas de répondre aux besoins fondamentaux de nos familles, c'est-à-dire les aliments, les vêtements et l'hébergement.

• 1810

Quel message notre gouvernement transmet-il au milieu agricole? Sommes-nous, à titre de principaux producteurs d'aliments, supposés vendre nos produits à un prix inférieur au coût de production, seulement pour que les industries secondaires et la société en général tirent profit de la riche ressource que nous offrons, pendant que nous nous débattons pour joindre les deux bouts?

Je ne peux, comme producteur, faire concurrence aux coffres et aux subventions des États-Unis ou de l'Union européenne. Au fil des années, le gouvernement nous a dit de devenir plus efficients, de prendre de l'expansion et (ou) de diversifier nos activités. Nous avons fait toutes ces choses. Le simple fait que l'agriculture existe encore dans l'Ouest canadien montre que nous sommes des membres efficients, vaillants et solides de la société.

En réalité, les agriculteurs ne peuvent plus supporter ce fardeau. Nous nous sommes serré la ceinture, nous avons pris des emplois à l'extérieur de la ferme et nous nous sommes diversifiés, juste pour survivre. Pendant ce temps, l'économie dans son ensemble prospère grâce à nos produits.

Les diagrammes suivants, comme vous le voyez, ne montrent que quelques-uns des fardeaux financiers imposés aux agriculteurs de l'Ouest canadien. Comme vous pouvez le constater, monsieur le président, les chiffres sont frappants. De 1990 à 1999, le prix du blé roux de printemps a chuté d'environ 53 p. 100, et le prix du canola a subi une baisse d'à peu près 14 p. 100. Ces chiffres n'ont pas été rajustés en fonction de l'inflation ou du coût de la vie.

Histoire d'aggraver les choses, nos coûts d'importation ont connu une hausse importante. Entre 1990 et maintenant, le coût moyen de l'essence a augmenté de 12 p. 100, et celui de l'engrais, de 30 p. 100. Ce n'est qu'un petit exemple qui témoigne du resserrement des marges auquel sont confrontés les agriculteurs à l'heure actuelle.

La plupart des industries vendent leurs produits en appliquant une majoration au coût de production, et ce principe s'applique à la vente en gros et au détail. Les agriculteurs, pour leur part, sont forcés de vendre leurs produits sur un marché mondial et doivent composer avec des facteurs comme le climat, les coûts d'importation, l'OMC, le GATT, la disparition de la subvention du Nid-de-Corbeau, les subventions américaines et européennes et autres qui influent sur leurs prix. Ces facteurs ne s'appliquent pas au secteur secondaire, qui offre ses produits alimentaires finis au consommateur en appliquant une majoration aux coûts de production.

Supposons que les facteurs qui influent sur les prix des agriculteurs sont appliqués au marché de l'alimentation au détail. Un pain qui se vendait à 1,69 $ en 1998 serait offert à environ 0,92 $ aujourd'hui. Un pot de margarine à base de canola, dont le prix de détail en 1998 était de 2,99 $, se vendrait actuellement 1,76 $. Ces chiffres sont scandaleux, lorsqu'on tient compte du fait que le pain moyen contient environ 0,03 $ de blé.

Il est ahurissant de voir que les agriculteurs, en plus de fournir les ressources pour la majeure partie du secteur secondaire canadien, constituent aussi une source importante de revenus fiscaux pour le gouvernement fédéral.

Si un boisseau d'orge brassicole sert à produire en moyenne 333 bouteilles de bière, et qu'un camion contenant 500 boisseaux d'orge peut produire 166 500 bouteilles de bière, à 2,50 $ le boisseau, le chargement d'orge vaut 1 250 $. Une bouteille de bière contient 0,8 p. 100 d'orge. Si le prix de détail d'une bouteille de bière est de 2,75 $ et que 500 boisseaux d'orge permettent de produire 457 875 $ de bière, environ 52 p. 100, ou 238 095 $, seraient versés aux gouvernements fédéral et provincial sous forme de taxes et d'impôts. Ces retombées fiscales de 238 095 $ correspondent à 190 fois le prix de vente (1 250 $) de l'orge. Cet argent pourrait être d'une aide inestimable pour les agriculteurs.

L'agriculture est la principale richesse de notre pays, et il faut soutenir l'industrie agricole d'une façon équitable, non seulement à court terme, mais aussi à long terme, de façon à ce que tous les éléments de notre société puissent prospérer au sein d'une économie viable et durable.

Les programmes comme l'ACRA qui visaient à atténuer les répercussions de la crise financière auxquelles nous sommes confrontés ont échoué lamentablement. Nous avons besoin d'un programme équitable, simple et juste pour aider les agriculteurs canadiens. Ce programme doit être fondé sur le revenu et la production et doit être fiable, susceptible d'être valable aux yeux des banques et prévisible aujourd'hui et dans l'avenir.

De nombreux programmes de soutien à l'agriculture sont nés au fil des années, et on les abandonne toujours peu après avoir corrigé leurs défauts. Élaborons un programme qui aide tous les producteurs, et appliquons-le à long terme.

Merci.

Des voix: Bravo!

• 1815

Le président: Merci beaucoup, monsieur Michaleski.

Je tiens seulement à signaler que les membres du comité doivent partir à 18 h 30 pour prendre l'avion. Il nous reste donc 15 minutes.

Monsieur Mark, voulez-vous commencer?

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président, et merci à tous nos participants.

Nos participants ont certainement livré un message très clair et uniforme au cours des trois heures et demie qui viennent de s'écouler: c'est-à-dire qu'il y a une crise et que les agriculteurs de Dauphin—Swan River ont besoin d'aide. C'est le gouvernement qui déterminera en fait la façon dont cette aide sera fournie.

Au cours de la dernière année, il a fallu faire comprendre à Ottawa qu'il y avait une crise ici. Beaucoup de messagers sont venus à Ottawa, mais personne ne semble avoir entendu les préoccupations des agriculteurs ici à Dauphin—Swan River.

C'est plutôt ironique, parce qu'à l'approche du millénaire, tout le monde parle de célébrer la nouvelle année. Il n'y aura pas grand-chose à célébrer si des fonds ne sont pas injectés pour régler les problèmes que connaissent les agriculteurs à court terme.

Je poserai ma question au maire Drebit. Pourriez-vous nous dire ce qui risque de se produire si on ne vient pas en aide à l'économie et au monde agricole? Est-ce que ce sera comme à Minnedosa?

M. Terry Drebit: Je veux simplement dire une chose. La récolte est un moment de célébration pour les agriculteurs. Le mois de décembre est un moment de célébration et de récolte pour les détaillants. Si les agriculteurs n'ont pas de quoi célébrer, alors je peux vous assurer que les détaillants se trouvent dans la même situation. Tous ceux à qui j'ai parlé sur la rue principale m'ont dit que les ventes ont baissé. Je ne connais aucune personne en affaires à Minnedosa qui peut me regarder droit dans les yeux et honnêtement me dire que les ventes ont augmenté cette année.

Le président: C'est maintenant au tour de Larry.

M. Larry McCormick: Messieurs, je voudrais simplement mentionner que vos ministres de l'Agriculture sont venus à Ottawa récemment. Nous avons accueilli votre ministre Wowchuk du Manitoba. Inky, je vous répondrai franchement. Je me souviens que Howard Hilstrom, un Réformiste, a commencé par dire que les cinq partis politiques faisant partie de ce comité s'entendent effectivement.

Je sais que nos bureaucrates et sans doute certains de nos collègues du Cabinet n'ont pas reconnu suffisamment tôt que certaines régions se trouvaient en situation de crise. Dans bien des régions inondées, il s'agit d'une tragédie. Pendant la tempête du verglas, certaines parties de ma circonscription n'ont pas eu d'électricité pendant plus de trois semaines. Tout ce que je dis, c'est que parfois les milliards de dollars du gouvernement fédéral ne suffisent pas. C'est un bien mauvais programme, et je crois que certains d'entre nous reconnaissent qu'il y a une crise.

Messieurs, vous avez tous donné de très bons exposés. Je crois que Murray a bien résumé la situation en disant que les défis que nous devons relever comportent de multiples facettes.

Certaines personnes dans l'est de l'Ontario, où est située ma circonscription, ne sont pas au courant de la situation. Elles pensent simplement que nous n'aurons pas de nourriture. Nous leur avons répondu que nous étions censés en avoir, mais que nous ne savons pas qui va la fournir: les multinationales ou d'autres grands du marché. Ces gens ne nous donneront pas autant que ce que vous donnerez.

Merci, monsieur le président. Je crois que M. Calder a quelque chose à jouter.

Le président: Merci.

Monsieur Proctor.

M. Murray Calder: Pourvu que je passe après lui.

M. Dick Proctor: D'accord.

J'aimerais simplement avoir l'opinion des agriculteurs qui sont ici aujourd'hui. Nous avons abordé quelque peu les préoccupations sociales. Que pensez-vous en général des agriculteurs qui doivent occuper des emplois à l'extérieur de la ferme pour en maintenir l'exploitation? M. Gust, est-ce que vous ou votre femme, Beth, êtes obligés de le faire?

• 1820

Je suppose que je veux simplement dire que lorsque j'examine certaines de ces exploitations qui, sur papier valent peut-être un million ou un demi-million de dollars, je pense à une entreprise en ville qui aurait à peu près la même valeur. Nous ne nous attendons pas à ce que les dirigeants de ces entreprises soient aussi obligés d'avoir un autre emploi pour joindre les deux bouts, subvenir à leurs besoins et nourrir leur famille. C'est un aspect social du problème. J'aimerais avoir votre opinion sur la réalité qui semble être de plus en plus la norme pour qu'un agriculteur arrive à subvenir à ses besoins.

M. Calvin Gust: Dans notre cas, ma femme enseigne à temps partiel et gagne 15 000 $ par année. La ferme que j'exploite, si l'on compte les terres, les terres louées et ainsi de suite, vaut probablement 2,5 millions de dollars. Si l'année est bonne, son salaire est une goutte d'eau dans la mer, mais lorsque nous avons des chiffres comme ceux que je vous ai montrés aujourd'hui, il nous permet de manger.

Nous ne faisons pas particulièrement la grosse vie. En 20 ans, je suis allé dans les Antilles une fois et je ne suis jamais retourné dans une île du Sud. Je ne crois pas que je sois quelqu'un qui dépense beaucoup d'argent pour des vacances extravagantes et ce genre de choses. C'est un fait qu'afin d'arriver à joindre les deux bouts, bien des femmes et des hommes doivent se trouver un deuxième emploi.

M. Boris Michaleski: Je crois que c'est la réalité des familles agricoles de l'Ouest canadien. Je ne crois pas qu'il y ait bien des familles dont aucun membre ne travaille à l'extérieur de la ferme. En ce qui me concerne, si je n'avais pas eu un autre revenu, je n'aurais pas pu continuer à exploiter une ferme.

Le président: Je crois que, selon les derniers chiffres que j'ai vus—je ne me souviens plus en quelle année c'était, peut-être 1997-1998—69 p. 100 du total des revenus agricoles nets provenaient de l'extérieur de la ferme. Imaginez: 69 p. 100!

M. Boris Michaleski: Je crois que c'est pour ça que le public canadien n'est pas au courant du problème qui existe. Il est en fait masqué par les revenus provenant de l'extérieur de la ferme et d'autres entreprises qu'exploitent les agriculteurs. Nous devons faire la distinction entre les revenus et les entreprises de l'extérieur de la ferme et les revenus générés par la ferme. Prenons la ferme proprement dite, et là nous verrons les véritables chiffres.

Le président: Toutefois, il est intéressant de penser que malgré les énormes subventions versées aux États-Unis, le revenu provenant de l'extérieur de la ferme est semblable au nôtre. C'est un monde étrange.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup.

Don, j'ai un très court commentaire concernant votre question sur les chemins de fer. J'ai mis sur pied deux chemins de fer sur courte distance en Ontario. Je vous expliquerai brièvement comment j'y suis parvenu.

J'ai rencontré les municipalités et leur ai dit essentiellement que si elles parvenaient à amasser l'argent—et neuf fois sur dix elles y parvenaient très bien—elles pouvaient acheter l'emprise et louer les installations du chemin de fer. Habituellement, il y a un contrat de location concernant le nombre de wagons qui utilisent la ligne, et l'on fixe un prix. En premier lieu, on contourne les impôts fonciers par l'entremise de la Loi sur les municipalités, parce que les municipalités ne paient pas d'impôts sur leurs propres routes—l'hôtel de ville ou toute autre chose du genre. On diminue donc ainsi les frais généraux du chemin de fer.

Après cela, on rencontre un exploitant de chemin de fer sur courte distance et on signe un contrat de location avec lui, ou dans le cas qui nous occupe, parce que ces tronçons seront peu utilisés du fait qu'ils serviront presque uniquement au transport du grain pendant la récolte—ou s'il y a une autre industrie, alors, on peut probablement—je ne sais pas, on peut même utiliser un camion qui a été modifié pour rouler sur des rails pour tirer des wagons, parce que l'on a affaire à un faible volume de fret. Nous avons travaillé avec des exploitants de deux chemins de fer sur courte distance, et cela a très bien fonctionné.

M. Don Fyk: Avant de répondre à votre question, est-ce que je peux vous en poser une autre?

M. Murray Calder: Bien sûr.

M. Don Fyk: Combien de temps vous a-t-il fallu pour obtenir ces chemins de fer? En d'autres termes, combien de temps vous a-t-il fallu pour conclure l'affaire?

M. Murray Calder: Pour ce qui est du chemin de fer Barrie-Collingwood, par exemple, il nous a fallu environ quatre ans.

M. Don Fyk: Quel est le cas qui a pris environ 15 ans? Il y a un autre chemin de fer sur courte distance en Ontario à l'égard duquel il a fallu environ 15 ans pour conclure l'affaire.

M. Murray Calder: Vous parlez probablement du Goderich-Exeter.

M. Don Fyk: C'est très possible. C'était quelque part dans votre territoire.

Pour revenir en arrière, j'essaierai de répondre à votre question. Tout semble rose lorsque la Loi sur les transports entre en ligne de compte. Tout est censé bien fonctionner pour le bénéfice des municipalités, à long terme, si on en vient là. Mais, après un certain nombre d'années, le CN ou le CP décommercialise ce tronçon particulier. On peut bien faire affaire avec un facilitateur ou une agence pour essayer de conclure une affaire à l'égard de ce chemin de fer, on peut se battre pour l'obtenir, mais en fin de compte, on doit faire affaire avec le CN. Si le CN ne veut pas conclure l'entente, il n'y aura plus rien à faire. Avec ce qui se produit dans l'ouest du Canada et compte tenu du calendrier, tous les chemins de fer seront éliminés avant que quiconque ait eu l'occasion de récupérer l'un de ces chemins de fer.

• 1825

M. Murray Calder: Cependant, si vous pouvez prouver par l'entremise de l'OTC qu'une personne est prête à acheter le chemin de fer, à ce moment-là vous déclenchez, je crois, la clause des 90 jours qui prévoit que les chemins de fer doivent présenter une proposition ou se taire dans cette situation.

M. Don Fyk: C'est très possible, j'utiliserai un exemple simple.

La subdivision de Cowan juste au nord de Dauphin commence au mille zéro et s'étend sur 98,6 milles. À la conférence sur les transports tenue le 2 mai dans la circonscription du ministre Collenette, le CN a annoncé que le tronçon marginal qui est supposé être la subdivision de Cowan a été énormément décommercialisé, mais que tout à coup les gens ont réussi à renverser la situation et que le chemin de fer devrait fonctionner. Le CN a fait une annonce publique. Aujourd'hui, il n'y a toujours pas de train sur cette ligne, parce que le CN ne veut toujours pas faire affaire avec quiconque sur ce tronçon particulier.

M. Murray Calder: C'est pour ça que la clause de 90 jours est en place, parce qu'elle empêche la décommercialisation du chemin de fer.

Nous en reparlerons plus tard. Je veux passer à une autre question.

Le président: Essayez de demeurer bref.

M. Murray Calder: D'accord, je serai très bref.

Comme tout le monde l'a indiqué aujourd'hui, nous avons réduit les subventions, contrairement aux autres pays. En vertu du GATT actuel, nous avons de toute évidence un mouvement ici que l'on pourrait en fait ramener. Que diriez-vous si l'on augmentait le CSRN pendant que nous pouvons légalement le faire sans déclencher des représailles commerciales des États-Unis ou de l'Europe?

M. Don Fyk: Il faudrait que j'en parle à mon comptable, parce que lorsque je fais affaire avec les fonctionnaires fédéraux, je les renvoie toujours à mon comptable.

M. Murray Calder: En toute franchise, j'ai travaillé pour le gouvernement, et «le chèque est à la poste». J'ai déjà entendu ça auparavant.

M. Don Fyk: En toute honnêteté, je ne suis pas sûr de ce qu'il y a dans mon CSRN que j'ai bâti depuis les quatre ou cinq dernières années. Si je pouvais en utiliser la totalité, le montant servirait à payer peut-être la moitié de mes dépenses d'exploitation à la ferme.

J'aimerais revenir à la question de M. Proctor concernant une entreprise du sud de l'Ontario qui possède un actif de un million de dollars. Cela paraît bien sur le bilan, mais cette entreprise particulière ayant un million de dollars d'actif n'a pas besoin d'avoir 1,2 million de dollars d'investissements pour générer une marge de profit de quelque 10 p. 100. Même si ces gens obtiennent une marge bénéficiaire sur leur produit particulier et qu'il obtiennent un profit net de 10 p. 100, ils conserveront tout de même les 100 000 $ par année pour cette entreprise. Si nous pouvions simplement obtenir ces 10 p. 100 de nos intrants, nous ne serions pas assis à cette table.

Le président: Merci.

Une voix: Chris faisait signe de la tête.

Le président: D'accord, ensuite nous passons à Rick.

M. Chris Dzisiak: Si vous me permettez, la perspective d'avoir des fonds accumulés dans un CSRN est une bonne chose pour parer aux désastres localisés, lorsque de petites régions sont touchées par de fortes pluies, comme dans la région où Boris habite, lorsqu'il y a un désastre localisé. Le CSRN servirait à cette fin. Toutefois, vous maintenez le gars en vie, de sorte qu'il peut être ruiné l'année suivante. C'est une bonne chose, mais vous devez fournir certaines formes de soutien. Si tout le monde veut jouer au jeu de la subvention, alors nous devons jouer le jeu sinon nous pouvons dire adieu à l'économie agricole de l'Ouest. On ne peut aller d'obstacle en obstacle. Vous reviendrez ici tous les deux ans.

Le président: Merci.

Rick, vous avez la dernière question.

M. Rick Borotsik: J'ai une brève question. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. J'aimerais aborder la question sous un autre angle.

Votre ferme a une superficie de 2 100 acres maintenant, n'est-ce pas? Vous venez d'acheter 269 autres acres? Est-ce que vous louez des terres?

M. Calvin Gust: Oui, environ le tiers de nos terres sont louées à des gens qui ne font pas partie de la famille.

M. Rick Borotsik: C'est justement là où je veux en venir. Vu le prix actuel des denrées et le coût du loyer, qu'il s'agisse de loyer de métairie ou de loyer en espèces, est-ce que beaucoup d'agriculteurs louent leurs terres dans la région de Bowsman actuellement? Faites-vous partie de la norme? Est-ce que vous diriez qu'un tiers des terres environ sont louées?

M. Calvin Gust: Un tiers de notre ferme est louée.

M. Rick Borotsik: Est-ce habituel?

M. Calvin Gust: Oh oui. Je dirais qu'environ 40 p. 100 à 50 p. 100 des terres sont louées.

M. Rick Borotsik: C'est là où je veux en venir, Cal. J'aimerais que vous m'aidiez là-dessus.

Donc, environ 40 p. 100 des terres sont louées. Vu le prix actuel des denrées, est-ce que les agriculteurs continuent de louer les terres qu'ils louent et exploitent actuellement?

M. Calvin Gust: Je crois que les terres les plus pauvres sont déjà abandonnées cette année. Les gens ne cultiveront pas des terres qui ne devraient pas raisonnablement leur rapporter un profit, particulièrement à ces prix.

M. Rick Borotsik: Donc, on est témoin d'une baisse. Est-ce que vous croyez que cela affecte la valeur des terres?

M. Calvin Gust: Absolument.

• 1830

M. Rick Borotsik: Je commence à comprendre des choses maintenant en ce qui a trait à la valeur de l'actif.

M. Calvin Gust: Oui.

M. Rick Borotsik: Si ces terres perdent de la valeur, est-ce que vous croyez que cela aura une incidence sur les autres terres que possèdent les propriétaires? Est-ce que vos propres terres perdraient de la valeur?

M. Calvin Gust: Je dirais que mes propres terres perdraient de la valeur. Mon actif diminuera.

M. Rick Borotsik: La valeur de votre actif actuellement—vous nous avez montré les chiffres, je ne suis donc pas gêné de le dire—s'élève à 663 000 $. Je suppose que la majeure partie de cet actif est composée des terres.

M. Calvin Gust: C'est un bilan d'entreprise, donc, une grande partie des éléments d'actif sont établis selon le coût. Il n'y a pas beaucoup de terres. La machinerie représente probablement 500 000 $ de l'actif.

M. Rick Borotsik: Vraiment?

M. Calvin Gust: Oui.

M. Rick Borotsik: Donc, vous ne tenez pas compte de la valeur des terres dans ce chiffre?

M. Calvin Gust: Non.

M. Rick Borotsik: Eh bien, vous venez en quelque sorte de détruire mon argument.

M. Calvin Gust: C'est fait pour Revenu Canada.

M. Rick Borotsik: D'accord. Lorsque vous commencez à perdre des capitaux propres sur votre terre, c'est comme un jeu de cartes à ce moment-là. Si vous utilisez vos capitaux propres, de toute évidence vous ne cultiverez pas beaucoup. Si vous prévoyez une perte de 60 000 $, alors de toute évidence vous utiliserez vos capitaux propres, n'est-ce pas?

M. Calvin Gust: C'est exact.

M. Rick Borotsik: Ou le salon funéraire. Est-ce que votre salon funéraire génère 60 000 $ par année?

M. Calvin Gust: Je dois encore rembourser mon investissement initial.

M. Rick Borotsik: Oui, je sais.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Borotsik.

J'aimerais vous remercier tous d'avoir comparu ici aujourd'hui. Merci de nous avoir présenté d'excellents exposés et de nous avoir fait part de vos points de vue. J'aimerais remercier tout le monde. Je crois qu'il est fantastique que vous soyez venus ici et que vous nous ayez consacré du temps. Au nom des membres du comité, je vous remercie, et permettez-moi de vous donner une bonne main d'applaudissements.

La séance est levée.