CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 novembre 1999
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration tient aujourd'hui sa quatrième réunion.
Avant que nous n'entamions l'audition de nos témoins dans le cadre de la poursuite de notre étude sur tous les aspects du processus de détermination du statut de réfugié et les migrants clandestins, j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'en ce moment même la ministre annonce la nomination d'un nouveau président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. M. Peter Showler occupera ce poste pendant trois ans. J'ai ici le communiqué dans les deux langues annonçant la nomination de M. Showler, pour ceux que cela intéresse.
Le moment d'annoncer cette nomination est bien choisi, et je suis sûr que le comité voudra rencontrer M. Showler le plus tôt possible. Si je ne m'abuse, il est membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié depuis 1994.
• 1535
Nous discuterons du moment où il pourrait comparaître devant
le comité lorsque nous parlerons de nos travaux futurs.
Oui, Bernard?
[Français]
M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Monsieur le président, je voudrais savoir si vous avez reçu le curriculum vitae de monsieur en même temps que l'autre information.
[Traduction]
Le président: Je regrette de vous décevoir, Bernard, mais nous n'avons pas la notice biographique de M. Showler, mais vous devriez la recevoir d'ici la fin de la journée. Si nous ne la recevons pas d'ici là, je veillerai moi-même à en obtenir copie.
Je tiens de nouveau à remercier les représentants du ministère d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui et de nous avoir fourni certains des renseignements que nous leur avions demandés. Nous accueillons aujourd'hui Mme Martha Nixon, sous-ministre adjointe, Opérations; M. Gerry Van Kessel, directeur général, Réfugiés; M. Dick Graham, directeur intérimaire, Révision législative, exécution de la loi; M. Daniel Therrien, avocat principal, Services juridiques; et M. George Varnai, gestionnaire régional, Programmes de citoyenneté et d'immigration, Colombie-Britannique, Prairies et territoires.
Je vous souhaite la bienvenue, madame Nixon, ainsi qu'à vos collaborateurs. Je crois que vous allez nous donner des précisions dans votre déclaration liminaire sur les documents que vous nous avez fournis. Il y aura ensuite une période de questions.
Mme Martha Nixon (sous-ministre adjointe, Opérations, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je vous remercie, monsieur le président. Nous espérons vous avoir fourni aujourd'hui toute l'information dont vous aviez besoin. Nous ne nous attendons pas à ce que vous puissiez en assimiler le contenu instantanément. Nous nous proposons de vous expliquer brièvement ce que vous trouverez dans ces trois documents. Nous espérons aussi pouvoir vous fournir un quatrième document avant la fin de la séance, si nous pouvons mettre la dernière main à la traduction du tableau comparant les systèmes de détermination du statut de réfugié en place dans différents pays. Nous espérons pouvoir vous fournir ce document avant la fin de la réunion, mais nous ne pourrons peut-être pas le faire avant demain matin.
Le premier document sur lequel j'attire votre attention est un document d'information qui traite des principales questions sur lesquelles nous nous penchons. J'aimerais que Gerry Van Kessel vous donne un bref aperçu du contenu de ce document.
M. Gerry Van Kessel (directeur général, Réfugiés, Bureau de la sous-ministre adjointe, Élaboration des politiques et des programmes, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je vous remercie.
Ce document vise à exposer les principaux défis auxquels fait face le système de détermination du statut de réfugié. Il ne s'agit absolument pas d'une liste exhaustive de ces défis, mais elle vous permettra de vous faire une idée des questions sur lesquelles nous nous penchons. Ces questions se répartissent en trois groupes qui ne sont pas mutuellement exclusifs.
Au nombre de ces questions, mentionnons d'abord les personnes qui présentent une demande de statut de réfugié sans cependant vraiment avoir besoin de protection. Il y a ensuite la question de savoir comment rendre le système plus efficace et accélérer le traitement des demandes. Enfin, la dernière question qui se pose, laquelle est dans une certaine mesure liée à la première, c'est de savoir que faire des migrants économiques, c'est-à-dire des personnes qui présentent une demande de statut de réfugié pour des raisons économiques, bien qu'ils soutiennent avoir besoin de protection.
Voici brièvement un certain nombre de questions sur lesquelles nous nous penchons également: les personnes qui n'ont pas de titres d'identité; les personnes qui pourraient ou qui devraient être exclues du processus; les personnes qui retirent leur demande de statut de réfugié; et enfin les personnes qui présentent des demandes de statut de réfugié à plusieurs reprises. Vous avez d'ailleurs peut-être lu un reportage là-dessus il y a une semaine dans le Globe and Mail. Dans le but d'améliorer l'efficacité du système, nous nous penchons sur son fonctionnement et nous analysons le genre de renseignements que nous fournissons aux décisionnaires. Il y a aussi la question importante de l'expulsion des personnes dont la demande de statut de réfugié a été rejetée. En ce qui touche les migrants économiques, il y a aussi toute la question de l'entrée clandestine au pays, comme nous l'avons vu cet été.
Voilà tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Je vous remercie.
Le président: Madame Nixon, aviez-vous...
Mme Martha Nixon: Je m'en remets à vous. On vient cependant de vous présenter les principales questions qui retiennent notre attention. Vous voudrez peut-être revenir sur ces questions lorsque vous aurez eu le temps de lire ces documents. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous vous donnerons un bref aperçu du contenu des deux autres documents, après quoi nous pourrons répondre à vos questions.
Le président: Très bien.
Mme Martha Nixon: Le deuxième document, que nous avons préparé à votre demande, fait le point sur le droit maritime actuel. Daniel Therrien va vous donner un bref aperçu du contenu de ce document.
M. Daniel Therrien (avocat, Services juridiques, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Le document en question commence par une explication des principes de droit international en la matière. Ensuite, on passe aux principes de droit canadien et à la politique canadienne pertinente, et ensuite à la politique américaine et à certains facteurs d'ordre pratique ou opérationnel.
Il est important de souligner que les pouvoirs en matière d'interception de navires dépendent beaucoup de l'endroit où l'interception se fait. Il y a trois zones principales: les eaux canadiennes, qui s'étendent jusqu'à 12 milles de la frontière terrestre; la zone contiguë, qui va de 12 à 24 milles; et la haute mer. En haute mer, les pouvoirs sont très limités. Dans les eaux canadiennes, on fait comme si on était au Canada: toutes les dispositions des lois canadiennes s'appliquent, y compris celle sur le droit de revendiquer le statut de réfugié et de faire étudier sa revendication par la CISR. Dans la zone contiguë, qui n'est pas au Canada, certains pouvoirs d'exécution ou d'interception prévus dans la loi peuvent être exercés.
[Traduction]
Mme Martha Nixon: Nous pourrions vous donner plus de détails, mais je crois qu'il serait préférable de répondre à vos questions.
Le président: Nous avons encore un peu de temps, madame Nixon. Commençons d'abord par le premier document. Au lieu de nous le lire, peut-être pourriez-vous nous donner des précisions utiles sur chacune des questions qui ont été soulevées par MM. Van Kessel et Therrien. Je pense que nous saurons alors tous à quoi nous en tenir.
Mme Martha Nixon: Voulez-vous que nous vous présentions plus à fond ces documents?
Le président: Bien sûr.
Mme Martha Nixon: Très bien.
Le président: Nous vous poserons ensuite des questions.
M. Gerry Van Kessel: Je vous remercie.
Parlons d'abord des demandeurs qui n'ont pas de titres d'identité. Certaines personnes détruisent parfois leurs titres d'identité pour qu'il soit plus difficile pour nous d'établir leur identité exacte et pour présenter une demande frauduleuse. Il arrive parfois que des demandeurs ont dû se munir de faux documents pour sortir de leur pays d'origine ou ont dû se débarrasser de ces documents à ce moment-là. La plupart des gens qui présentent une demande de statut de réfugié avaient cependant des documents lorsqu'ils sont montés à bord de l'avion qui les a amenés au Canada, même s'il s'agissait de documents frauduleux. C'est dans ce cas-là à bord de l'avion qu'ils ont détruit ces documents.
Le document énumère six mesures que nous mettons en oeuvre afin de lutter contre ce problème, et nous aimerions savoir ce qu'en pense le comité. Ce problème ne se pose pas seulement au Canada. C'est un problème grave qui se pose dans tous les pays qui accordent le droit d'asile.
Nous nous demandons aussi que faire des personnes qui présentent une demande de statut de réfugié non pas parce qu'elles ont besoin de protection, mais simplement parce qu'elles veulent améliorer leur sort, ce qui est très fréquent. Il s'agit d'abord de savoir à qui nous pouvons refuser l'accès au système. Certaines de ces personnes jouissent déjà de la protection d'un tiers pays. Il s'agit de savoir si nous devons imposer un régime fondé sur les tiers pays sûrs, ce dont nous avons déjà parlé avec le comité permanent lors d'une séance précédente. Il s'agit également de savoir si nous pouvons accélérer le traitement des demandes une fois qu'elles ont été présentées.
Le défi, c'est d'essayer de prendre des décisions rapidement. Les personnes qui ont besoin de protection veulent que nous prenions une décision rapidement à leur sujet. Quant aux personnes qui présentent une demande pour d'autres raisons, elles veulent trouver un moyen de rester au Canada aussi longtemps que possible. De cette façon, elles peuvent soutenir être ici depuis tellement longtemps que nous devrions leur permettre de rester.
Les demandes de statut de réfugié qui sont retirées ou abandonnées posent particulièrement problème. Aux termes de notre politique, il est rare que nous gardions en détention les personnes qui ont retiré ou annulé leur demande de statut de réfugié. Nous leur permettons de se déplacer librement dans le pays, et elles en profitent parfois pour s'intégrer à la population active au Canada ou aux États-Unis. Nous ne savons alors pas où sont ces gens. Ne pas savoir qui sont ces personnes est une chose, mais ne pas savoir où elles sont en est une autre.
• 1545
Aux termes de la loi actuelle, une personne qui quitte le pays
pendant 90 jours et y revient peut présenter une nouvelle demande
de statut de réfugié. Dans le Livre blanc du 6 janvier, le
gouvernement a proposé d'interdire aux personnes dont la première
demande avait été rejetée d'en présenter une seconde. Dans le cadre
des discussions que nous avons tenues avec divers groupes à ce
sujet après la publication du Livre blanc, on nous a signalé que
cela compromettait dans une certaine mesure la protection dont ont
besoin certaines personnes. Dans ce cas, combien de demandes
devrait-on permettre?
Je me permets de faire remarquer que le Livre blanc mentionne que 300 personnes ont présenté une nouvelle demande en 1998. Nous savons que le phénomène prend de plus en plus d'importance. Au seul port d'entrée de Niagara, 252 nouvelles demandes ont été présentées au cours des six premiers mois de l'année financière. Certaines personnes vont donc aux États-Unis, y restent 90 jours, et reviennent ensuite au Canada présenter une nouvelle demande de statut de réfugié. Cette situation discrédite le système parce qu'il est très rare que les circonstances entourant un cas aient changé après 90 jours.
Nous cherchons à améliorer l'efficacité du système. Comme vous le voyez, on met parfois de deux à deux ans et demi à régler un cas. La commission fait l'objet de fréquentes critiques pour cette raison, et voici certaines des mesures que nous proposons pour accélérer le processus.
Nous nous efforçons aussi d'améliorer l'information qui est transmise aux décisionnaires, car à défaut de cette information il est impossible de prendre les bonnes décisions. Si les bonnes décisions ne sont pas prises, nous craignons que certains groupes de gens ne profitent de la situation.
La façon dont l'information est fournie importe aussi. L'information sur les demandes de statut de réfugié est habituellement communiquée par écrit, mais nous savons qu'il y a parfois des cas où cela ne suffit pas. Il s'agit donc de savoir quand il faut avoir recours à des spécialistes.
Enfin, il nous faut lutter contre le phénomène des migrants clandestins. Il s'agit d'imposer des sanctions contre ceux qui organisent l'entrée au pays de migrants clandestins. Il s'agit de faire en sorte que ce genre d'opération ne soit pas rentable et d'imposer des amendes à ceux qui avancent des fonds aux gens pour leur permettre de quitter leur pays de cette façon. Merci.
Le président: C'était très bien.
Madame Nixon, ou... est-ce que Daniel pourrait peut-être...
Mme Martha Nixon: Pourrions-nous parler du Livre vert de façon un peu plus détaillée?
Le président: Bien sûr.
M. Daniel Therrien: Je mettrai l'accent sur les trois aires géographiques que j'ai décrites plus tôt, parce que c'est l'essentiel de la loi dans ce cas-ci. Si un navire est intercepté dans les eaux canadiennes, alors on considérerait que ce navire se trouve au Canada et que les personnes à bord du navire, qui revendiqueraient le statut de réfugié, auraient accès au système de détermination du statut de réfugié de la commission comme si elles avaient en fait mis le pied sur le sol canadien. En haute mer, les pouvoirs sont assez limités, en droit international et aussi parce qu'il n'existe pas de loi canadienne qui s'étend à ce territoire. Donc à l'heure actuelle on ne peut absolument rien faire pour les revendicateurs du statut de réfugié en haute mer.
Le seul endroit où on pourrait peut-être en faire plus serait dans la zone contiguë, c'est-à-dire la zone qui se trouve de 12 à 24 milles du territoire canadien. Il ne s'agit pas du territoire canadien proprement dit, mais en droit international les pays sont autorisés à prendre certaines mesures destinées à assurer l'application de certaines lois, y compris les lois sur l'immigration. Donc il serait possible dans cette zone d'intercepter un navire.
• 1550
Vous avez ensuite demandé s'il serait possible de simplement
renvoyer le navire ou s'il faut s'occuper d'une personne qui
réclame le statut de réfugié. Dans ce cas-ci, deux documents
juridiques interviennent—la Charte canadienne, qui s'applique à
tous les actes de hauts fonctionnaires canadiens, où qu'ils se
trouvent. Même s'il ne s'agirait pas du Canada proprement dit, la
Charte s'appliquerait, y compris une forme quelconque de
détermination du statut de réfugié, avant que le navire soit
renvoyé vers le pays d'origine de la personne en question. C'est le
premier instrument.
Le deuxième instrument, ce serait nos obligations internationales, y compris celles prévues par la convention des réfugiés, qui exige que le Canada ne refoule pas, pour reprendre l'expression utilisée dans la convention, les réfugiés vers leur pays d'origine s'ils craignent s'y être persécutés.
Autrement dit, il serait possible de renvoyer un navire, mais seulement après avoir déterminé d'une certaine façon qu'il s'agit de réfugiés—sans que l'on procède forcément comme le ferait la commission; il pourrait s'agir d'un processus plus simple, mais il faudrait qu'un mécanisme quelconque soit prévu pour évaluer une demande de revendication du statut de réfugié.
Le président: Je vous remercie.
Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter? Nous passerons alors aux questions.
Mme Martha Nixon: Pouvons-nous ajouter simplement un document de plus, monsieur le président?
Le président: Oui, bien sûr. Ah oui, il y en a un autre.
Mme Martha Nixon: Nous avons un autre document que nous vous avons laissé sur vos bureaux et qui décrit un peu plus clairement les politiques et pratiques en matière de détention, conformément à votre demande.
Le président: Oui.
Mme Martha Nixon: Si vous voulez bien nous accorder quelques minutes de plus, Dick Graham va rapidement parcourir ce document avec nous.
Le président: Je suis désolé, je n'avais que deux documents sur mon bureau.
M. Dick Graham (directeur intérimaire, Révision législative, exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Le document sur la détention a été en grande partie conçu pour répondre aux questions soulevées lors de la dernière séance tenue avec nous, à savoir pourquoi nous n'avons pas plus souvent recours à la détention et comment la Charte et d'autres lois interviennent lorsque nous décidons de détenir quelqu'un.
Dans le document que nous avons préparé, nous commençons par parler de la Charte; nous citons l'article 9 de la Charte, qui prévoit que chacun a droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraires, et l'article 7 de la Charte, qui prévoit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Dans ce cas-ci, la justice fondamentale exige essentiellement que l'on établisse un juste équilibre entre les droits d'une personne et les intérêts de l'État.
Puis nous passons aux motifs généraux de détention. La Loi sur l'immigration prévoit deux motifs généraux au départ. Y a-t-il lieu de croire que la personne constitue un danger? Deuxièmement, y a-t-il lieu de croire qu'il est peu probable que la personne comparaisse lors des audiences d'immigration? Si nous croyons que quelqu'un ne se présentera pas, nous pouvons le détenir, mais nous devons avoir des motifs raisonnables de le faire.
Une fois que nous avons détenu quelqu'un, cette personne a un droit d'examen. C'est là qu'intervient fondamentalement le principe de justice fondamentale, à savoir que quelqu'un doit examiner la situation et prendre une décision. On procède de la même façon que la personne soit en détention de l'immigration ou qu'elle soit accusée d'une infraction criminelle. Ce sont les arbitres de la commission qui procèdent à l'examen des motifs de la détention. Essentiellement, ils examinent la détention en fonction des mêmes motifs que ceux prévus par la Loi sur l'immigration.
Il existe des motifs supplémentaires qui s'appliquent uniquement aux ports d'entrée, lorsqu'une personne ne fournit pas des preuves d'identité suffisantes à un agent d'immigration. C'est le premier cas. L'autre cas, c'est lorsque le sous-ministre ou un fondé de pouvoir soupçonne qu'une personne fait partie de certaines catégories non admissibles. Il s'agit essentiellement de personnes qui présentent un risque pour la sécurité du Canada—des criminels de guerre ou des personnes de ce genre.
Les examens des motifs de la détention sont prévus dans les cas d'identité et de sécurité aux ports d'entrée, et ici encore c'est l'arbitre qui examinera ces cas. Lors de l'examen des motifs de la détention, les responsables du CIC exposeront les raisons pour lesquelles ils estiment que cette personne doit continuer à être détenue, le cas échéant. Par contre, si la personne en question ou son représentant expose les raisons pour lesquelles cette personne devrait être libérée et pour lesquelles les motifs ne s'appliquent pas à elle, nous prenons alors notre décision en conséquence.
• 1555
Nous devons justifier nos motifs, et il en va de même pour la
personne détenue. Les tribunaux ont établi certaines règles que
doivent suivre les arbitres. La première, c'est qu'il existe de
plus solides arguments pour justifier la détention d'une personne
qui représente un danger pour le public. Autrement dit, une fois
que nous arrivons à prouver qu'une personne représente un danger
pour le public, il est plus probable qu'elle restera en détention.
La deuxième préoccupation, c'est la durée de la détention future. Autrement dit, si nous détenons quelqu'un afin de le renvoyer du Canada, mais que nous ne pouvons pas préciser le moment où nous le ferons... ou si nous pouvons le justifier et indiquer que la personne sera renvoyée d'ici une certaine date, l'arbitre est plus susceptible de libérer cette personne.
Le troisième élément, c'est qui est responsable des retards. Dans un cas de renvoi, si nous avons de la difficulté à obtenir la documentation et que nous ne faisons rien pour obtenir la documentation de l'autre pays, alors la personne est plus susceptible d'être libérée. Si, par contre, la personne en question ne coopère pas et ne nous fournit pas suffisamment d'informations, elle est plus susceptible d'être détenue.
Le quatrième élément, c'est la disponibilité, l'efficacité et l'opportunité d'autres mesures, comme la libération, le cautionnement ou la communication de rapports aux responsables de l'immigration. C'est très semblable à ce qui se fait dans le système de justice pénale, où on prévoit d'autres options que la détention pendant qu'une personne attend de subir son procès.
Nous mentionnons brièvement la politique de détention ici, et essentiellement c'est que nous avons pour principe de ne pas détenir qui que ce soit, à moins que ce ne soit nécessaire. Comme nous l'avons indiqué à la dernière séance, la détention est coûteuse. C'est pourquoi nous n'y recourons que si nous jugeons que c'est absolument nécessaire. Les lignes directrices à l'intention des agents préconisent de recourir à la détention de façon efficace, mais de ne pas en abuser.
Et enfin, nous parlons de l'arrivée de bateaux, et je ne m'étendrai pas sur cette question, parce que je crois que nous pouvons vous donner des renseignements à jour à ce sujet tout au long de la séance d'aujourd'hui, si vous le souhaitez.
Mme Martha Nixon: Voilà donc un aperçu des trois documents que nous vous avons remis, et nous vous avons promis un document qui fait une analyse comparative que nous tenons absolument à vous fournir, mais nous attendons que l'on mette la dernière main à la traduction. Nous espérons qu'il sera prêt sous peu, sinon demain matin au plus tard.
Le président: Je vous remercie. Je tiens à vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, de nous avoir fourni cette information de façon opportune et d'avoir mis par écrit certaines de nos questions. Je suis sûr qu'il y en aura d'autres.
Nous allons passer directement aux questions. Leon, vous avez la parole.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Je vous remercie, et bonjour, mesdames et messieurs.
J'aimerais commencer par vous poser une question au sujet de la détention, ce dont nous venons de parler. Vous avez mentionné que la détention doit être de durée raisonnable. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus et que vous nous indiquiez ce que vous considérez être une durée raisonnable et s'il est possible en fait d'accélérer le processus, surtout le processus d'appel, de manière à assurer une période de détention raisonnable.
M. Dick Graham: Oui, nous sommes en train d'étudier des façons de raccourcir les délais. C'est l'un des facteurs que nous sommes en train d'examiner dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié. Nous tâchons d'accélérer les choses dans une certaine mesure, entre autres pour ne pas avoir à recourir à la détention, et nous tâchons ainsi de réduire nos coûts de détention.
M. Leon Benoit: La plupart de ceux qui sont arrivés par bateau, après le premier bateau, ont été détenus. Une fois que leur cause aura été entendue, si leur revendication du statut de réfugié est rejetée et qu'ils décident de faire appel auprès de la Cour fédérale, que se passera-t-il en ce qui concerne ces cas? Vous pourriez peut-être nous indiquer ce qui s'est passé jusqu'à présent. Je pense que dans les cas qui ont été traités jusqu'à présent, ces migrants n'ont pas été détenus au départ, puis leur demande a été rejetée, et ils vont aller en appel.
• 1600
Y a-t-il eu des cas où la personne a été détenue, où sa
demande a été rejetée et où elle a décidé d'aller en appel? Si oui,
que s'est-il passé dans ces cas-là, et sinon, que se passera-t-il
à votre avis dans un tel cas?
Mme Martha Nixon: Je vais céder la parole à George Varnai, à qui nous avons demandé de venir de la Colombie-Britannique parce qu'il suit de très, très près ce qui s'y passe à cet égard.
M. Leon Benoit: Je l'ai rencontré à plusieurs reprises.
Mme Martha Nixon: Je suis sûre que vous l'avez rencontré. Il est maintenant célèbre. Il a paru à la télévision sans doute plus souvent que certains députés.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Cela ne nous plaît pas.
M. George Varnai (gestionnaire régional, Programmes de citoyenneté et d'immigration, Colombie-Britannique, Prairies et territoires, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Et je suis très heureux d'en avoir eu l'occasion.
Je pense que votre question comporte deux aspects, si je vous ai bien compris. Vous avez demandé s'il y avait des cas où la commission a rendu une décision négative à l'endroit de personnes qui étaient détenues, et quelles mesures nous avons alors prises à leur endroit. Vous vouliez d'abord savoir ce qui pourrait se passer dans de tels cas.
M. Leon Benoit: Oui, c'est exact.
M. George Varnai: À ce stade, la commission a rendu 32 décisions défavorables, et je crois comprendre que neuf d'entre elles concernent les personnes à bord du deuxième navire. Étant donné que notre système de suivi actuel, du moins le système de suivi dont je dispose, n'est probablement pas suffisamment perfectionné pour permettre de détailler chaque décision, je pense que la grande majorité, pour ne pas dire la totalité, des neuf personnes en question sont en fait en détention, parce que, comme vous l'avez signalé, au départ nous n'avons libéré aucun adulte se trouvant sur le deuxième bateau.
Donc, notre intention serait de continuer à demander que la détention se poursuive dans ces cas pour les mêmes motifs que nous avons invoqués jusqu'à présent: que nous avons des motifs raisonnables de croire que s'ils sont libérés ils ne se présenteront pas lors des prochaines étapes du processus.
M. Leon Benoit: Après que vous avez demandé que se poursuive la détention une première fois, avec quelle fréquence alors...? Est-ce une fois par mois par la suite?
M. George Varnai: Dans ces cas particuliers, où il y a défaut de comparution, ou lorsqu'on prévoit qu'il y aura défaut de comparution après la période initiale de 48 heures, etc., ce serait tous les 30 jours.
M. Leon Benoit: Comment décide-t-on alors de procéder à un examen tous les 30 jours dans un tel cas, ou tous les sept jours au début?
M. George Varnai: C'est une exigence prévue par la loi. La loi prévoit, selon les motifs de détention, la fréquence et la période à laquelle...
M. Leon Benoit: Les spécialistes que vous devez consulter, ou les responsables des politiques que vous devez consulter, dans ce genre de cas, vous ont-ils indiqué que la Charte exige effectivement que vous devez tenir ces audiences tous les sept jours, ou est-ce simplement un chiffre...? Ce chiffre doit avoir été établi pour répondre aux exigences de la Charte après la décision Singh et les décisions suivantes, n'est-ce pas?
M. Daniel Therrien: La loi a été rédigée en tenant compte de la Charte, et c'est de là que provient la fréquence des examens. Bien entendu, ces chiffres n'ont rien de magique, mais la Charte renferme une disposition qui interdit une détention déraisonnable. Il existe une certaine analogie avec le processus du droit pénal, où les gens doivent comparaître dans un délai très court, puis à intervalles réguliers par la suite.
Voilà donc les considérations générales qui nous ont guidés lors de la préparation de la loi. En fait, un examen tous les 30 jours correspond à une période de détention relativement longue, mais cela n'a jamais été vraiment contesté, et c'est donc sur cette base que nous procédons.
M. Leon Benoit: La période initiale de sept jours me paraît extrêmement courte.
M. Daniel Therrien: Oui.
M. Leon Benoit: Envisage-t-on sérieusement de prolonger cette période?
M. Daniel Therrien: On est en train d'envisager de modifier ces délais, mais le délai de sept jours, ici encore, s'apparente un peu à ce qui se fait en droit pénal lorsque les gens qui sont arrêtés doivent être traduits en justice en un jour ou deux, et ensuite assez fréquemment.
Donc, nous voulions que l'examen des motifs de détention se fasse suffisamment fréquemment afin que les gens ne soient pas détenus pendant des périodes déraisonnables. Mais ici encore, ce délai de sept jours ou de 30 jours n'a rien de magique. On peut revoir ces délais tout en n'oubliant pas que les tribunaux s'attendront à ce que l'on tienne des examens périodiques en vertu de la Charte.
M. Leon Benoit: L'un d'entre vous m'a peut-être expliqué, peut-être plus d'une fois, pourquoi on a recours à la détention pour ceux qui arrivent par bateau, qu'il s'agisse du deuxième, du troisième et du quatrième bateau, mais que ceux qui arrivent aux aéroports, qui entrent au pays illégalement aussi, sont en fait traités assez différemment. Les raisons que l'on m'a données, c'est que lorsqu'ils arrivent par bateau, ils n'essaient pas de contourner notre système ou d'esquiver les autorités. Je trouve que c'est une déclaration assez discutable. Donc, j'aimerais simplement que vous m'expliquiez les raisons de ce traitement différent.
Mme Martha Nixon: Dans un certain sens, nous sommes en train d'innover, parce que ce phénomène de l'arrivée de réfugiés par bateau est inhabituel. Par le passé, nous avons eu un bateau, et c'était tout. Des bateaux sont arrivés sur la côte Est il y a quelques années. Dans le cas du premier bateau, nous considérions à l'époque qu'il s'agissait d'un phénomène inhabituel pour nous. C'est pourquoi nous avons suivi notre procédure habituelle dans le cas du premier bateau, ce qui est d'ailleurs la procédure que nous suivons aux aéroports le plus souvent maintenant, parce que nous n'avions pas l'habitude de mettre en détention autant de gens.
M. Leon Benoit: Lorsque 30 p. 100 des gens qui arrivent à nos aéroports disparaissent s'ils ne sont pas détenus, c'est un pourcentage extrêmement élevé. Les gens qui arrivent par avion ont souvent des papiers lorsqu'ils montent à bord de l'avion. Ils n'en ont pas lorsqu'on vérifie leur identité ou qu'ils se présentent devant les autorités. Il me semble qu'ils essaient eux aussi de contourner notre système. Je me demande pourquoi on ne prévoit pas de détention générale.
Mme Martha Nixon: C'est effectivement un des débats que nous avons eus autour de cette question. Si vous vous reportez à notre Livre blanc, étant donné que le nombre augmente, puisque 60 p. 100 des demandeurs du statut de réfugié n'ont pas de papiers au moment où ils se présentent, une des questions que nous devons nous poser, c'est de savoir si ce que nous faisons en ce moment doit être maintenu. Nous avons bien dit dans le Livre blanc que si ces personnes sans papiers ne cherchent pas à coopérer et à nous aider pour retrouver tous les renseignements nécessaires les concernant, nous devrions peut-être recourir de façon plus générale à la détention. C'est évidemment une décision grave à prendre, car, comme M. Anders l'a dit à la dernière réunion, cela coûte cher, et cela nous pose ensuite des tas de difficultés sur le plan de la question des droits de la personne.
M. Leon Benoit: Si nous accélérons le processus, je crois que cela permettra de faire évoluer la situation. Si vous arrivez à traiter les dossiers plus rapidement que maintenant, la période de détention sera plus courte.
Mme Martha Nixon: Certainement, et c'est aussi un de nos objectifs.
M. Leon Benoit: Très bien, monsieur le président.
Le président: Merci, Leon.
John.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, chers témoins, d'avoir ouvert la discussion sur ces documents, car ils sont très bons, et je vous en remercie.
Je vais d'abord me pencher sur le premier de ces documents que vous nous avez distribués. Il n'y a pas de titre, mais c'est à la page 2. Il s'agit de l'agent qui est le premier contact, et je me demande si cet agent ne devrait pas se révéler plus utile. En ce moment, il a un rôle très limité et laisse passer 98 p. 100 des personnes qui se présentent à lui et ensuite poursuivent leur chemin administratif.
J'imagine qu'après un certain temps ce genre d'agent aurait quelques qualités pour l'évaluation des personnes qui se présentent à lui. Je me demande, sachant très bien que 40 p. 100 des demandes vont être acceptées comme demandes du statut de réfugié, et que dans certains cas la situation ne pose aucun problème, je me demande si l'agent pourrait faire une recommandation au ministère pour que celui-ci accepte la personne sous forme d'entrée parrainée, ou que l'on fasse savoir tout simplement à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qu'il n'y a aucune difficulté à reconnaître à l'individu en question le statut de réfugié dans le sens de la convention, et comme c'est défini dans la loi. Je crois que cela permettrait de traiter les cas d'au moins 20 à 30 p. 100 des demandeurs.
• 1610
Y a-t-il des raisons sérieuses qui empêchent que l'on ne
traite de cette façon les cas les plus évidents de demandes de
statut de réfugié?
Mme Martha Nixon: C'est effectivement une excellente suggestion, et nous y avons nous-mêmes déjà réfléchi. Je vais demander à Gerry de répondre à la question, car c'est lui qui est en train de voir comment nous pourrions améliorer la procédure. Vous avez tout à fait raison, le premier contact est un moment important, et c'est là que nous devons essayer d'améliorer les choses.
Gerry.
M. Gerry Van Kessel: Dans notre examen de l'ensemble de ce dispositif de détermination du statut de réfugié, ces deux dernières années, nous avons beaucoup réfléchi à la question de savoir comment se faisait la collecte de renseignements, comment ensuite ces renseignements sont traités. Permettez-moi de vous dire comment nous aimerions faire les choses.
Ce que nous voulons faire, très clairement, c'est effectivement mieux utiliser ce premier contact, l'agent du port d'entrée, pour avoir un certain nombre de renseignements de base au dossier. Vous avez raison, les gens qui ont déjà de l'expérience devraient savoir rapidement à qui ils ont affaire. Pour une certaine frange de demandeurs, il est assez clair, immédiatement, que c'est oui ou non. Ensuite il y a le groupe du milieu sur lequel on passe beaucoup de temps. On passe également beaucoup de temps sur les refus, en raison de la procédure qui nous est imposée. Cela fait partie du travail.
La question que j'ai posée, et à laquelle on n'a jamais répondu, était de savoir si nous ne pourrions pas avoir un membre de la commission, puisque ce sont eux les experts, au point d'entrée. C'est d'ailleurs une question que vous pourriez poser aux représentants de la commission s'ils reviennent témoigner, car jusqu'ici nous ne sommes pas allés très loin avec cette proposition.
M. John McKay: À ce sujet, avez-vous véritablement besoin de quelqu'un de la commission pour prendre la décision?
M. Gerry Van Kessel: Dans l'état actuel des choses, oui; notre système au Canada est conçu pour assurer que celui qui prend la décision est tout à fait libre à l'égard du gouvernement, et qu'il n'y a aucune ingérence politique dans ce processus de décision. Ce sont simplement les faits, simplement le dossier, qui permettront de prendre la décision.
M. John McKay: Et dans les cas qui ne peuvent être que positifs, c'est-à-dire qui ne posent aucun problème sur le plan de la Charte, et qui sont conformes à la loi, cela vous fait gagner du temps, et cela évite d'encombrer votre système.
M. Gerry Van Kessel: Oui, mais n'étant pas un spécialiste de ces questions sur le plan juridique, je constate que l'on a toujours besoin de l'avis d'un avocat, car il faut alors se poser la question de ce que l'on fait des rejets.
M. John McKay: Vous les traitez à ce moment-là comme vous le feriez déjà maintenant.
M. Daniel Therrien: D'après la Charte il n'est pas nécessaire que ce soit quelqu'un de la commission qui prenne la décision, mais il faut alors quelqu'un qui soit sans rapport de dépendance avec les responsables de l'application de la loi et du règlement du ministère de l'Immigration, et il faut que ce soit quelqu'un capable d'évaluer le dossier correctement.
M. John McKay: L'agent qui rencontre les demandeurs, en ce moment, au point d'entrée, est-il quelqu'un du ministère?
M. Daniel Therrien: Oui, mais on pourrait envisager un système où cet agent ne ferait pas partie des services de l'application du règlement du ministère. La Charte, à proprement parler, n'interdit pas que ce soit un fonctionnaire du ministère qui décide d'accepter la demande, mais la loi exige bien sûr que la détermination soit faite par la commission.
M. John McKay: Voilà donc, en principe du moins, un domaine où l'on pourrait réfléchir à certaines améliorations?
M. Gerry Van Kessel: Oui, ce serait possible. Comme vous le savez sans doute, la commission a déjà une procédure accélérée pour tous les cas qui paraissent évidents et positifs, et qui sont alors réglés rapidement. La question est ensuite celle-ci: que se passe-t-il entre le moment où ces gens arrivent et le moment où ils rencontrent la commission?
M. John McKay: Je vais donc passer au deuxième volet de ma réflexion. Une fois que vous avez repéré les cas les plus évidents, positifs et négatifs, vous passez à ceux qui sont plus problématiques. Il s'agit cependant de demandes qui ont de bonnes chances d'être acceptées; pourquoi alors ne pas vous brancher sur la procédure accélérée pour tous ces DNRSRC?
M. Gerry Van Kessel: Votre recommandation est justement contenue dans le Livre blanc du 6 janvier, et c'est l'idée selon laquelle tout ce qui concerne la protection, et les décisions afférentes à celle-ci, serait sous un même chapeau, en l'occurrence la commission. Voilà une recommandation qui a été rendue publique et que nous allons appliquer.
M. John McKay: Je vais vous arrêter ici un instant. Si les demandes de la classe DNRSRC, ainsi que CH, sont confiées à la commission, le ministère perd toute maîtrise du processus. Le ministre également. Quelles en sont les conséquences?
M. Gerry Van Kessel: Je ne pense pas que cela ait quelque conséquence grave que ce soit pour la rationalisation et le regroupement des instances de décision. Pour les DNRSRC les réponses positives représentent à peu près 5 p. 100 de l'ensemble. Donc dans la plupart des cas on sait en général quelle va être l'issue de la procédure, au moins statistiquement. Il n'y a pas à se tromper.
Mais là les choses deviennent un petit peu plus techniques. Que fait-on des demandeurs qui sont exclus de la procédure de détermination du statut de réfugié au sens de la convention parce qu'ils bénéficient déjà d'une protection, ou parce qu'il s'agirait de criminels dangereux, etc.? Que ferait-on dans le cas de figure que vous évoquez?
Alors que personnellement je pense que cette procédure permettrait de gagner du temps, cette économie de temps n'est pas aussi importante qu'elle pourrait d'abord le paraître, et cela pour deux raisons. N'oubliez pas que la procédure des DNRSRC est assimilable à celle de la Cour fédérale, et en général ne demande pas plus de temps. Tant qu'il y aura une possibilité de recours à la Cour fédérale, les délais resteront les mêmes. Vous ferez quelques économies de ressources, etc., et ce sera cela l'avantage.
Et lorsqu'on nous dit que la situation et les circonstances ont évolué depuis qu'une décision négative a été rendue, les décisions de la cour exigent que nous réexaminions ces circonstances pour vérifier si c'est vrai. Mais lorsque l'on offre une protection, la question se précise au moment où la personne quitte le pays, et non pas au moment où la décision est prise... et cela en raison du décalage qu'il y a entre la date où la décision est prise et le moment où la personne quitte le pays.
Il faut donc prévoir quelque chose. Si nous nous défaisons de la procédure des DNRSRC, pas mal de gens, pour des raisons qui leur seront personnelles, profiteront de la procédure de prérenvoi, tout simplement parce que cela fait gagner du temps.
Le président: Merci.
Bernard, vous avez cinq minutes.
[Français]
M. Bernard Bigras: Monsieur le président, je n'ai qu'une petite question à poser.
Vous traitez dans votre document des réfugiés sans papiers. C'est un problème systémique. Un certain nombre de propositions intéressantes ont été faites. Cependant, il y a une nouvelle réalité. C'est que de nombreux citoyens passent la frontière avec des papiers, mais des papiers qui n'ont pas été autorisés par nos bureaux à l'étranger. S'ils l'ont été, le doute peut souvent s'installer quant à certains agents qui auraient accordé certains visas. Cet été, dans certains bureaux à l'étranger, il y a eu des cas assez révélateurs.
Comme je ne trouve pas votre document de mesures proposées, je voudrais savoir si, pour le court terme, vous avez pris des mesures et si, pour le long terme, vous avez l'intention de corriger la situation.
[Traduction]
M. Gerry Van Kessel: Nous avons proposé un certain nombre de mesures dans le Livre blanc de janvier en ce qui concerne les sans papiers... À la lumière de certains développements récents on peut se demander si ces mesures sont suffisantes.
La première consisterait à améliorer les vérifications faites à l'étranger, avant le départ à l'aéroport, pour voir si certains ont des faux papiers.
• 1620
La deuxième mesure consiste à faire des vérifications lorsque
les gens débarquent, pour s'assurer qu'ils ne détruisent pas ces
papiers avant d'entrer dans la zone de transit, ou qu'ils ne les
remettent pas à des trafiquants, à des passeurs, etc.
L'autre solution, déjà indiquée, est celle de la détention. Tout le problème est celui de l'identité. On ne sait pas à qui on a affaire. Comme nous l'avons proposé dans le Livre blanc du mois de janvier, et bien que nous comprenions que dans certains cas les gens se retrouvent sans véritables papiers d'identité, etc., nous leur demandons de nous dire qui ils sont, pour que nous puissions faire des vérifications, et être sûrs qu'il s'agit bien de la bonne identité, et que le demandeur ne dissimule pas quelque chose qui pourrait faire problème sur le plan du maintien de l'ordre au Canada. Voilà où la détention interviendrait.
Voilà un certain nombre de mesures qui ont été proposées. Ce que nous avons constaté, avec le deuxième bateau, c'est qu'après trois ou quatre jours de détention les gens, et George pourra le confirmer, ont commencé à nous dire qui ils étaient. Je pense que nous avons le droit de connaître leur identité, puisqu'ils nous demandent de les protéger.
Voilà donc certaines des questions que nous avons à résoudre.
La situation est grave. Il y a d'un côté le processus de détermination du statut de réfugié, mais dès qu'on est en dehors de ce cas de figure, la situation se complique, et nous rencontrons des tas de difficultés lorsqu'il s'agit de reconduire les gens à la frontière. Lorsque vous ne savez pas à qui vous avez affaire, que vous n'avez aucune façon de pouvoir le savoir, ou qu'ils vous racontent des balivernes sur leur identité, et que vous faites des vérifications dans le soi-disant pays d'origine, il n'est pas rare que l'on vous réponde que peut-être il ne s'agit pas de ressortissants du pays en question. Tout cela est en partie délibéré de leur part; il s'agit pour eux de nous compliquer la tâche pour tout ce qui déborde le cadre de protection du réfugié. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
[Français]
M. Bernard Bigras: Je dirais que vous y avez répondu à moitié. Il y a des documents illégaux que certains citoyens se sont procurés sur le marché illicite, sur le marché noir. C'est une chose. Il y a aussi des documents qui sont autorisés par des agents de visas dans des bureaux à l'étranger. C'est une réalité. Je voudrais savoir si des mesures correctives ont été prises au cours de l'été afin de s'assurer que le gouvernement ne cautionne pas l'illégalité. Qu'un citoyen se procure un document de voyage ou un visa sur le marché illégal, c'est une chose, mais c'en est une autre quand des agents des bureaux à l'étranger cautionnent de tels documents par un trafic interne.
[Traduction]
Mme Martha Nixon: Si je comprends bien, vous nous demandez si certains agents délivrent des documents qui d'après vous seraient des faux.
[Français]
M. Bernard Bigras: Je vous dis qu'à la fin de l'été, dans certains bureaux d'Asie, certains agents ont été soupçonnés d'émettre des visas illégaux à des citoyens. Est-ce qu'il y a eu enquête? Est-ce que des mesures correctives ont été prises?
[Traduction]
Mme Martha Nixon: Si nous avons vent de l'existence possible de pratiques malhonnêtes dans nos bureaux à l'étranger, nous faisons faire une enquête dès que nous sommes avertis. Nous en saisissons la GRC en général, et nous déclenchons immédiatement divers dispositifs de prévention et de contrôle. Mais si vous faites allusion à un bureau en particulier, ou à un service précis, je ne peux pas vous répondre, sauf si vous me dites exactement de quel service il s'agit.
Le président: Merci, madame Nixon.
Rob.
M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Réf.): Merci.
Dans son exposé, M. Van Kessel a parlé tout à l'heure des réseaux de passeurs. La dernière fois que vous avez comparu, je me souviens de vous avoir demandé quelles étaient les sanctions, quand elles avaient été appliquées et quand il y avait eu des poursuites qui s'étaient soldées par des condamnations. On m'a répondu que, la dernière fois, c'était en 1995 et que l'amende imposée s'élevait à 5 000 $. Ma question fait suite à la réponse que j'ai obtenue ce jour-là.
Y a-t-il une raison pour laquelle il y a si peu de poursuites ou d'accusations portées contre les passeurs, ou avez-vous davantage de renseignements à me fournir à ce sujet?
M. Dick Graham: En général, c'est la GRC qui est chargée de porter des accusations aux termes de la Loi sur l'immigration. Aucune politique ne l'empêche de porter des accusations ou d'intenter des poursuites. En fait, nous savons qu'elle mène de nombreuses enquêtes dans ce domaine. Elle porte des accusations contre des gens.
Je crois que Mme Nixon a quelque chose à ajouter.
Mme Martha Nixon: Une suggestion que nous pourrions faire, monsieur le président, c'est que vous invitiez la GRC à venir discuter de ce qu'elle fait sur ce plan-là, étant donné qu'elle est sans doute mieux placée que nous pour vous renseigner.
Je dirais qu'en général, comme nous en avons discuté la semaine dernière, il est difficile de trouver des témoins et de recueillir des preuves. Nous avons essayé d'obtenir des renseignements auprès des divers services du ministère. Nous avons pu établir que, par exemple, à l'Aéroport international de Vancouver, à la suite des vérifications à l'arrivée et de l'intervention de notre personnel... Entre 1995 et 1998, 178 accusations ont été portées pour diverses infractions, y compris l'importation et l'exportation illégales de documents de voyage reliés au trafic de migrants, des fausses déclarations et des fraudes ainsi que d'autres délits de ce genre. Nous vérifions auprès des autres grands aéroports pour obtenir d'autres données de cette nature, mais en général c'est la GRC qui doit nous fournir ces renseignements et c'est elle, bien entendu, qui mène ces enquêtes. Par conséquent, même si nous travaillons en collaboration étroite avec elle, nous n'avons pas toujours tous les renseignements qu'elle possède.
M. Rob Anders: Vous avez dit qu'il était difficile d'obtenir des témoins et des preuves. Je partirai sur cette tangente en vous demandant si c'est parce que certaines de ces personnes ne sont pas à l'intérieur de nos frontières qu'il est difficile de recueillir les preuves ou les témoignages dont vous avez besoin? Ou est-ce parce que...
Mme Martha Nixon: Encore une fois, c'est une question du ressort de la GRC. Nous sommes seulement au courant par ouï-dire, et souvent, d'après ce que nous avons compris, c'est davantage...
M. Rob Anders: Si vous le permettez, je vais me contenter de vos ouï-dire, étant donné que je n'ai pas d'agent de la GRC devant moi et que vos ouï-dire valent beaucoup mieux que rien. Je vais donc m'en contenter pour le moment.
Mme Martha Nixon: D'après ce que nous avons compris, du moins dans le cas des migrants arrivés par bateau, les gens ont peur de représailles de la part des passeurs, qui semblent très bien organisés et qui sont au courant de tout ce qui se passe. Dans la plupart des cas, les gens ont peur de se mettre en danger s'ils fournissent des renseignements.
M. Dick Graham: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose.
Vous avez mentionné, par exemple, le fait que ces gens se trouvent à l'étranger et qu'on ne peut pas obtenir de renseignements. Souvent, les passeurs se trouvent eux-mêmes à l'étranger, si bien qu'il nous est très difficile de les attraper.
Étant donné la situation, la GRC et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration nouent davantage de relations avec les autres pays, et surtout ceux d'où viennent ces gens, en essayant de travailler avec les autorités locales et de participer à des opérations conjointes. La GRC a signé des protocoles d'entente avec d'autres forces policières afin de pouvoir pousser ces enquêtes. Nous possédons certains renseignements, et la police étrangère peut en découvrir d'autres, ce qui, dans certains cas, permettra de porter des accusations dans d'autres pays contre les passeurs.
Le président: Merci, monsieur Graham. C'est tout pour le moment.
Mme Martha Nixon: M. Varnai pourrait-il ajouter quelque chose?
Le président: Certainement.
M. George Varnai: Pour revenir sur nos renseignements anecdotiques, dans le cas des bateaux, tout le monde sait, et nous l'avons dit à la GRC, que depuis l'arrivée du premier bateau nous nous sommes efforcés d'identifier les passeurs qui se trouvaient à bord, et qui n'étaient sans doute pas des trafiquants de haut vol, mais certainement des voyous et hommes de main. Nous avons essayé de les identifier. Nous les avons séparés des autres et mis en détention.
• 1630
Bien entendu, la GRC a entamé, dès le premier jour, une
enquête criminelle qui s'intéressait surtout à ces individus. Elle
a déclaré publiquement que si elle éprouvait des difficultés, c'est
parce qu'aucun des migrants ne voulait témoigner devant un tribunal
pour dire: voici le chef et voici la personne qui faisait ceci ou
cela à bord du bateau. Tout le monde sait, en Colombie-Britannique,
que c'est ce qui s'est passé pour les quatre bateaux. Mais même si
l'on sait que certains de ces individus se trouvaient peut-être à
bord des navires, rien ne permet de le prouver devant une cour de
justice.
Le président: Merci.
Je voudrais avoir un éclaircissement. Madame Nixon, vous avez dit qu'entre 1995 et 1998 environ 190 accusations avaient été portées.
Mme Martha Nixon: Il y en a eu 178.
Le président: Mais il n'y a eu qu'une seule condamnation. Gardez-vous trace des condamnations?
Mme Martha Nixon: Nous n'avons pas obtenu le nombre de condamnations.
Le président: Très bien. Nous pourrions avoir besoin de ce renseignement.
Le suivant est John Bryden.
M. John Bryden (Wentworth—Burlington, Lib.): Dans le cas des revendicateurs du statut de réfugié qui refusent de coopérer ou qui ont des documents falsifiés dans l'intention de tromper les autorités canadiennes, pourquoi ne pas les renvoyer immédiatement vers leur lieu d'origine? Pourquoi vous donner la peine de les détenir?
Mme Martha Nixon: C'est à cause de la Charte, monsieur.
M. John Bryden: Vous souriez en le disant. Mais quelqu'un a-t-il demandé un renvoi à la Cour suprême sur cette question ou demandé si la Charte s'applique à une personne qui refuse de s'identifier et qui tente délibérément de tromper le gouvernement canadien au sujet de son identité? Est-ce vraiment une personne visée par la Charte? Quelqu'un a-t-il jamais posé cette question?
M. Daniel Therrien: Pas de cette façon précise. Nous avons examiné à plusieurs reprises les moyens d'établir si la procédure de la commission était exigée par la Charte, et une partie de la réponse que j'ai donnée tout à l'heure était que l'on pouvait trouver un système permettant à un agent d'immigration de déterminer le statut de réfugié.
Lorsque vous excluez entièrement certaines personnes du processus de détermination du statut de réfugié, quel que soit le décideur, vous êtes plus directement en conflit avec ce qu'a dit la Cour suprême dans le fameux arrêt Singh, à savoir qu'une personne qui se trouve en sol canadien et qui réclame le statut de réfugié a le droit qu'on statue sur sa demande, et cela, à la suite d'une entrevue personnelle dans la plupart des cas. Cette détermination...
M. John Bryden: Je dois vous interrompre, car mon temps est limité, et vous allez donc devoir m'excuser.
Le président: Le président est juste. C'est une question qui m'intéresse beaucoup.
M. John Bryden: Oui.
Je me trompe peut-être, mais dans l'affaire Singh, M. Singh avait été identifié.
M. Daniel Therrien: C'est exact.
M. John Bryden: Je veux parler des gens qui refusent de s'identifier et qui donnent délibérément une fausse identité pour entrer illégalement au Canada. Quelqu'un a-t-il demandé à la Cour suprême ou quelqu'un s'est-il demandé si ce genre d'individu est considéré comme une personne au sens de la Charte?
M. Daniel Therrien: Nous n'avons pas demandé l'avis de la Cour suprême sur cette question. Personnellement, et je crois que c'est aussi l'avis de plusieurs de mes collègues du ministère de la Justice qui ont examiné des questions similaires, même si ce n'était pas directement celle-là, je crois qu'avec la Charte il est préférable de mettre en place un processus rapide pour se prononcer sur les revendications qui ne semblent pas valides au lieu de n'avoir aucune procédure.
M. John Bryden: Si vous le permettez, j'estime qu'il serait beaucoup plus charitable de renvoyer les gens dans l'avion qui les a conduits jusqu'ici que de les détenir indéfiniment aux frais de l'État parce qu'ils refusent de coopérer. Je vais m'arrêter là, mais j'espère que le comité notera qu'il faudrait peut-être explorer cette question.
M. Gerry Van Kessel: Je pourrais peut-être parler un peu de l'expérience européenne. Les Européens essaient de faire deux choses. Dans certains cas, lorsqu'ils reçoivent une personne sans papiers qui refuse de coopérer, ils examinent la possibilité—avec un succès limité selon moi—de la soustraire entièrement au système. En deuxième lieu, ils ont une procédure accélérée pour les revendications qu'ils qualifient de manifestement non valides. C'est une procédure rapide qui repose sur ce que nous appellerions une présomption réfutable négative. Autrement dit, nous considérons que ce que vous dites est faux, à moins que vous ne nous prouviez le contraire. C'est l'approche européenne.
Nous l'avons examinée, mais cela présente certaines limitations.
Le président: Voilà pourquoi le comité voulait une étude comparative, et la question a certainement été abordée.
Au nom de John, pourrais-je demander que la question soit soumise au ministère de la Justice pour qu'il nous fournisse un avis?
M. John Bryden: Monsieur Van Kessel, je vous remercie de votre intervention, car je ne veux pas laisser entendre qu'il faudrait traiter ces gens de façon arbitraire et injuste s'ils ne sont pas considérés comme des personnes au sens de la Charte. C'est simplement que cela pourrait vous offrir des possibilités que vous n'avez peut-être pas encore envisagées.
Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
Le président: Comme j'ai pris 15 secondes de votre temps, il vous reste 45 secondes.
M. John Bryden: Merci beaucoup.
Je vous remercie pour vos documents. Ils sont excellents, et il est très pratique de disposer de ces renseignements pour travailler.
Vous avez mentionné que les pouvoirs du Canada en haute mer sont très limités parce qu'il ne peut pas invoquer le droit international ou national. Vous décrivez ensuite la façon dont procèdent les États-Unis, qui consiste à intercepter en haute mer les navires sans pavillon. Les Américains ont-ils une loi qui leur permet de le faire et que vous voudriez peut-être avoir aussi à votre disposition?
M. Daniel Therrien: Il existe une directive présidentielle équivalant à une loi qui autorise les agents des services d'immigration américains à interdire l'accès au pays et à sélectionner les immigrants. Il existe une certaine forme de détermination du statut de réfugié. Voilà pour l'aspect juridique. En pratique, les Américains ont des territoires situés en dehors de la partie continentale des États-Unis où cette sélection peut se faire, ce que nous n'avons pas.
Le président: Merci.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Je recherche des chiffres, mais je vais poser des questions dans la même veine que mes collègues afin d'obtenir plus de renseignements sur le processus.
Je commencerai par le total des demandes de statut présentées au Canada selon les plus récents chiffres disponibles en indiquant combien de ces demandes ont été retirées, abandonnées ou ont fait l'objet d'une décision négative.
Je peux vous livrer cette information, puis nous pourrons la commenter.
Voici ensuite le nombre de requérants qui ont reçu une décision négative, qui ont renoncé à leur demande ou qui l'ont retirée avant de quitter le pays, ou qui ne semblent pas avoir été expulsés. J'essaie avant tout de déterminer quel est le pourcentage de requérants qui réussissent à rester ou qui ne sont pas signalés comme ayant été expulsés.
Le président: Le calcul semble un peu compliqué. Je ne sais pas si vous souhaitez qu'on le fasse immédiatement.
M. Leon Benoit: Traitons une question à la fois.
Un témoin: Je peux répondre.
M. Leon Benoit: Ils devraient pouvoir répondre, en effet. Nous avons déjà soulevé cette question à plusieurs reprises.
Le président: D'accord. Vous l'avez consignée par écrit, et j'ai cru que vous nous soumettiez un jeu questionnaire.
M. Leon Benoit: Je pourrais vous le donner après.
Le président: Allez-y, Gerry.
M. Gerry Van Kessel: J'ai presque tout ce que vous avez demandé. Jusqu'au 15 octobre 1999, le nombre total des demandes de statut de réfugié était de 21 318.
M. Leon Benoit: Pouvez-vous indiquer les données de l'année dernière, qui sont moins aléatoires. Il s'écoule un certain temps entre l'adoption d'une ordonnance de renvoi et son éventuelle exécution.
Le président: Écoutez, Gerry, pourquoi ne pas faire comme vous l'avez indiqué au début? Nous pourrons ensuite revenir en arrière, et j'inviterai Leon à poser sa question sur les données de 1998. Donnez-nous ce que vous avez pour 1999.
M. Gerry Van Kessel: En 1998, il y a eu 23 838 demandes... vous voudrez m'excuser, car j'étais certain d'avoir des renseignements plus complets, mais je n'arrive pas à mettre la main dessus. Je vous confirmerai ces chiffres ultérieurement, mais je veux vous donner dès maintenant un ordre de grandeur. Il y a eu 23 838 demandes présentées en 1998.
M. Leon Benoit: Présentées au Canada.
M. Gerry Van Kessel: Je ne suis pas certain de ce que vous entendez par «au Canada». Voulez-vous parler du point d'entrée, que ce soit un aéroport, une frontière terrestre, ou de l'intérieur du territoire proprement dit?
M. Leon Benoit: C'est cela, c'est le contraire de l'étranger.
M. Gerry Van Kessel: Jusqu'au 15 octobre de cette année, il y en a eu 21 318. Nous nous attendons à un total légèrement supérieur cette année à celui de l'année dernière.
La question suivante concernait le total des demandes retirées ou abandonnées: l'année dernière, il y en a eu 6 210, et jusqu'à maintenant cette année, il y a eu 1 511 demandes retirées et 2 815 abandonnées, soit un total de 4 326.
Vous avez aussi demandé le nombre de décisions négatives.
M. Leon Benoit: C'est exact.
M. Gerry Van Kessel: L'année dernière, il y en a eu 10 231; et cette année, jusqu'au 15 octobre, il y en a eu 7 317.
M. Leon Benoit: Nous arrivons maintenant aux renseignements que je cherche. Il y a eu un peu plus de 6 000 retraits et abandons, et 10 000 décisions négatives. Quelle est la proportion de ces requérants qui ont quitté le pays, c'est-à-dire qui ont été accompagnés jusqu'à la frontière ou jusqu'à un avion?
M. Gerry Van Kessel: J'aimerais confier cette question à mon collègue spécialiste de l'exécution de la loi.
Mme Martha Nixon: Il les fait entrer et sortir à sa guise.
M. Gerry Van Kessel: Oui, moi, je suis le bon.
M. Dick Graham: En fait, cette information devait faire partie du document sur les renvois que nous devions vous apporter aujourd'hui, mais malheureusement nous avons eu des problèmes pour réunir les statistiques, et nous vous ferons parvenir le document très prochainement. Nous avons été retardés parce que nous devons réunir des statistiques provenant des régions.
Le président: Pendant que vous cherchez, Dick, nous allons continuer. Au besoin, Leon, je vous redonnerai la parole au deuxième tour.
M. Dick Graham: J'ai ici quelques chiffres.
Le président: Sophia.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs très bons exposés. J'aurais quelques questions à poser.
La première concerne les détentions. Combien de requérants du statut sont détenus actuellement au Canada et quelle est la durée moyenne des détentions? Troisièmement, qu'avez-vous l'intention de faire de ces requérants?
M. Dick Graham: Pour ce qui de la première question, c'est-à-dire combien de requérants sont actuellement en détention...
Mme Sophia Leung: Au Canada.
M. Dick Graham: ...en toute franchise, nous ne pouvons pas vous le dire. Nous n'avons pas la répartition des requérants qui sont actuellement en détention. Nous ne tenons pas nos statistiques de cette façon.
Le plus grand nombre de détenus se trouvent en Colombie-Britannique, mais nous ne...
Mme Sophia Leung: J'ai posé cette question parce que l'année dernière j'ai visité un centre de détention à Toronto... c'est un très grand établissement. Je me demande combien il y en a au Canada. Pouvez-vous nous faire parvenir la réponse ultérieurement?
Par ailleurs, quelle est la durée moyenne des détentions? Si vous ne le savez pas, vous devriez être en mesure d'établir une moyenne.
M. Dick Graham: Nous ne connaissons pas la durée moyenne des détentions.
Le président: Dans l'intérêt des membres du comité, car j'ai cru voir des expressions d'étonnement sur les visages, je voudrais vous demander ceci: lorsque vous dites que personne ne cherche à savoir combien de requérants sont en détention, qui compulse ces données si ce n'est pas vous?
M. Dick Graham: Actuellement, personne. C'est un sujet sur lequel nous travaillons; nous essayons de mettre au point un système qui compulsera cette information ainsi que d'autres pour nous. Nous avons actuellement un certain nombre d'ordinateurs qui suivent l'évolution de la situation dans l'ensemble du pays, mais nous n'avons pas de système complet qui nous indiquerait l'identité des détenus, éventuellement, leur casier judiciaire et les raisons de leur détention. Nous n'avons pas ces données.
Cela ne veut pas dire qu'elles ne nous intéressent pas. Il y a un certain chevauchement, évidemment, entre ceux qui sont détenus pour activités criminelles et ceux qui ont demandé le statut de réfugié, mais nous pourrions le savoir si nous avions un système approprié, et nous travaillons pour en créer un. Mais pour l'instant nous n'en avons pas.
Mme Martha Nixon: Chaque région devrait avoir ces données, mais nous ne les avons pas rassemblées au niveau national. Pour le moment, on peut sans doute dire que la majorité des requérants du statut de réfugié qui sont en détention sont des migrants chinois. Dans la plupart des autres régions, il est rare que des requérants soient placés en détention.
• 1645
Lors de ma dernière comparution, j'ai parlé d'un groupe de 22
personnes arrivées à l'Aéroport international Pearson qui ont été
placées en détention. J'imagine qu'il y en a d'autres à Montréal,
peut-être parce qu'on craignait de les voir s'enfuir ou parce qu'on
ne savait pas qui ils étaient. À part les migrants chinois, il n'y
a sans doute pas beaucoup de requérants en détention actuellement.
M. Dick Graham: Je peux vous dire, par exemple, qu'en 1998-1999 il y a eu 7 968 détentions au Canada, pour un total de 118 197 jours, ce qui donne une durée moyenne de 14,83 jours de détention.
Mme Sophia Leung: La deuxième partie de ma question concerne les renvois. George pourra sans doute me répondre.
Il me semble que dans certains cas le consulat doit émettre un document qui permet à la personne de retourner dans son pays. Avez-vous des difficultés à obtenir ces documents? Jusqu'à maintenant y a-t-il eu des renvois parmi les personnes arrivées à bord de ces quatre navires?
M. George Varnai: Tout d'abord, chaque fois qu'un pays veut renvoyer quelqu'un dans un autre pays, il doit obtenir des documents de voyage qui soient acceptables par ce dernier. Autrement, rien ne garantit que le pays de destination accueillera la personne expulsée. Et surtout, la plupart des compagnies aériennes du monde refusent de transporter quelqu'un qui n'est pas muni de documents de voyage adéquats.
Donc, effectivement, les personnes qui sont expulsées ou renvoyées du Canada, qu'elles aient demandé ou non le statut de réfugié, doivent être munies de titres de voyage. Si elles n'en ont pas, nous avons besoin de leur coopération et de celle du pays dont elles prétendent provenir.
Comme la plupart des autres pays, le Canada obtient la coopération du pays de destination pour obtenir différents titres de voyage. Pour répondre à votre dernière question concernant les personnes arrivées à bord des quatre navires, aucune d'entre elles n'a encore été renvoyée du Canada, et ce, pour diverses raisons.
La grande majorité de ces personnes sont actuellement en train de demander le statut de réfugié. Et celles qui ont déjà fait l'objet d'une décision négative ont encore des recours judiciaires et autres qui n'ont pas été épuisés. De surcroît, aucune d'entre elles n'a de titres de voyage pour le moment.
Nous avons transmis aux autorités chinoises l'information concernant les personnes qui n'ont pas demandé le statut de réfugié. Pour l'instant, je ne peux pas vous dire quand nous obtiendrons des réponses. L'obtention des titres de voyage nécessite une certaine coopération.
Mme Sophia Leung: Quelles sont les mesures de prévention que vous envisagez? Il y a toutes sortes de possibilités concernant l'arrivée de navires de réfugiés à l'avenir. Quelles mesures avez-vous déjà prises? Je crois que la marine est intervenue à Esquimalt.
Mme Martha Nixon: On peut dire que les changements législatifs font partie des mesures de planification prises en prévision de l'arrivée d'autres navires et d'autres personnes qui, en un sens, essaient d'abuser du statut de réfugié. Il se pourrait qu'à l'avenir Vancouver et la Colombie-Britannique ne soient plus le seul secteur visé par ces navires. D'après les tendances observées ailleurs, il est certain que de nombreux pays doivent s'attendre à voir arriver un grand nombre de navires.
Nous faisons donc de la planification en Colombie-Britannique et sur la côte Est. Nous essayons d'élaborer des plans qui nous permettront de faire face à la situation, grâce à un système plus rapide de détermination, à un resserrement de notre politique de détention et à la collaboration internationale, non seulement par des contacts avec les autorités chinoises, mais aussi en tirant partie des visites que nous avons déjà effectuées en Chine.
• 1650
Vous vous en souvenez, Mme Robillard, la visite des
parlementaires et des fonctionnaires que nous avons récemment
accueillis... et vous savez que nous poursuivons les contacts par
l'intermédiaire de notre ambassadeur en Chine et de l'ambassadeur
de Chine au Canada. Par ailleurs, nous travaillons intensément avec
d'autres pays pour imposer des mesures conjointes d'interdiction,
pour envisager un partage d'information et pour mettre en commun
des méthodes permettant d'aborder conjointement le problème. Nous
avons plusieurs fers au feu.
Le président: Steve.
M. Steve Mahoney: J'ai dû quitter la salle pendant un certain temps, et je suppose que John a posé mes questions.
Le président: Posez-les quand même, et je vous dirai si on y a déjà répondu.
M. Steve Mahoney: Je m'intéresse au débat sur les papiers d'identité et sur la formule du lecteur électronique. Est-ce que vous en avez parlé?
Le président: Pas particulièrement, du moins en ce qui concerne les documents.
M. Steve Mahoney: Au cours de la dernière session, nous avons parlé de la possibilité d'installer des lecteurs optiques qui permettraient de prouver l'authenticité des documents présentés. Même les faux documents peuvent au moins constituer le point de départ d'une enquête; en tout cas, c'est mieux que rien du tout.
C'est une source de contrariétés, en particulier pour les gens de ma municipalité, car ces nouveaux arrivants accaparent 20 p. 100 des budgets du bien-être social et du logement social. Les autorités municipales envoient constamment la facture au ministre responsable, pour un montant de plusieurs millions de dollars. Elles savent qu'elles ne seront jamais payées, mais elles veulent exprimer leur mécontentement, puisqu'elles doivent imputer ces coûts sur l'impôt foncier.
Le problème des pièces d'identité semble insoluble. J'ai appris qu'on avait essayé des lecteurs optiques, mais qu'ils ne marchent pas. Je ne sais pas si c'est vrai. Pouvez-vous m'en parler?
Mme Martha Nixon: On en a beaucoup parlé, et Dick en connaît peut-être plus long que moi à ce sujet actuellement. On a beaucoup parlé d'un modèle particulier de lecteur à balayage. Nous en discutons entre nous, ainsi qu'avec les Américains et certains pays d'Europe. Il serait intéressant que plusieurs pays le mette à l'épreuve en même temps que nous.
Je sais que nous avons eu des contacts étroits avec une société qui propose ce genre de technologie. Nous avons inclus l'appareil en question parmi d'autres mesures pour lesquelles nous essayons de trouver du financement. Il faudrait faire des appels d'offre auprès de différentes sociétés. L'idée est toujours à l'étude. Nous n'avons pas pris de décision finale concernant la technologie la plus efficace.
M. Dick Graham: Par ailleurs, nous avons envisagé un essai pilote. Nous avons fait de la recherche. Nous essayons de trouver l'appareil qui conviendra le mieux à nos besoins. Nous avons quelques difficultés à trouver la technologie adaptée à nos plans, c'est-à-dire qui permette de lire le document, d'en extraire les données électroniques et de prendre des photos, de façon qu'on puisse suivre l'individu grâce à son document. Nous travaillons sur cette question. Elle figure sur notre liste.
M. Steve Mahoney: J'allais vous demander si vous aviez envisagé un projet pilote. Au lieu de déclencher tout un appel d'offres pour un appareil qui n'est pas entièrement convaincant, vous pourriez entreprendre un projet pilote et négocier l'installation, à titre provisoire, d'un appareil à un point d'entrée.
M. Dick Graham: Même un projet pilote risque de coûter assez cher, mais c'est ce que nous avons l'intention de faire.
M. Steve Mahoney: Vous dites que la question est sur votre liste. Est-ce que la liste est longue?
M. Dick Graham: Lorsque je dis qu'elle est sur la liste, je veux dire que nous y travaillons. Ce n'est pas une simple intention.
Mme Martha Nixon: Pour nous, il est avantageux d'avoir les Américains pour partenaires. De façon générale, s'ils peuvent contribuer au projet, celui-ci sera un peu moins cher pour tout le monde. Les Douanes s'y intéressent beaucoup, puisqu'elles travaillent comme nous aux frontières. Les Douanes et l'Immigration s'intéressent beaucoup à différentes techniques perfectionnées d'information sur les passagers.
M. Steve Mahoney: Pensez-vous qu'il y aura du nouveau dans ce domaine d'ici la fin du millénaire?
M. Dick Graham: Non, ce sera pour le prochain.
M. Steve Mahoney: J'aimerais qu'il y ait un rapport de suivi sur cette question. Le comité pourrait même s'en charger, parce que le sujet est excellent. En fait, au cours des deux dernières années, je ne me souviens pas d'avoir obtenu une réponse aussi détaillée à une question posée ainsi, à l'improviste. C'est formidable.
[Note de la rédaction: Difficultés techniques]
Le président: Rob.
M. Rob Anders: Je veux revenir à cette question des opérations d'interception conjointes avec d'autres pays, dont Martha Nixon a parlé. Quels sont les types d'activités auxquelles nous participons avec les États-Unis à cet égard? Pourriez-vous me donner des informations générales, même si elles sont d'ordre anecdotique?
Le président: Vous aimez bien ce mot...
M. Rob Anders: C'est ce qu'on me donne, et j'en suis satisfait. C'est ce dont je dois me contenter.
Mme Martha Nixon: Nous travaillons actuellement en collaboration assez étroite avec les États-Unis, pour régler notamment certains des problèmes auxquels se heurtent nos deux pays à notre frontière commune. Nous cherchons notamment à accroître notre capacité à intercepter les personnes dont nous ne voulons pas sur le continent nord-américain.
Nous avons entrepris d'examiner divers moyens à prendre pour améliorer notre rendement à ce chapitre. Nous nous sommes notamment rendu compte, dès le départ, que l'échange d'information était un moyen utile, puisque nos deux pays recueillent des informations sur des personnes jugées indésirables, qu'il s'agisse de terroristes ou de criminels. Nous avons maintenant une entente officielle de partage d'information que nous avons signée avec les États-Unis.
Nous avons également essayé de déterminer l'emplacement du personnel que nous affectons au contrôle, de notre personnel d'enquête et de contrôle. Où les Américains ont-ils de leurs agents en poste à l'étranger et où sont nos agents? Nous avons comparé la carte ainsi obtenue aux routes qu'utilisent normalement la plupart des passeurs clandestins pour essayer de déterminer où nous avions des lacunes. Nous voulons faire de même avec d'autres pays.
En outre, nous avons participé déjà—et nous tentons d'accroître nos efforts à ce chapitre—à des opérations d'interception conjointes, et je vous signale qu'il y en a une en cours ce mois-ci. Il vaut sans doute mieux que je ne vous donne pas beaucoup de détails au sujet de cette opération...
Le président: Pas si nous voulons garder cela confidentiel.
Mme Martha Nixon: ...mais il y a quatre pays avec qui nous travaillons. Nous essayons de déterminer ensemble quelles sont les routes qu'empruntent les passeurs. Nous travaillons avec les lignes aériennes afin de cibler une route en particulier. Nous travaillons ensemble afin de déterminer si nous pouvons en apprendre davantage au sujet de la façon dont les choses se passent sur cette route-là, afin de faire échec aux passeurs clandestins qui l'utilisent. Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses activités conjointes que nous avons avec les États-Unis.
M. Rob Anders: J'ai rencontré un type cet été, le 4 juillet plus précisément, chez le consul général américain, qui s'occupe de questions semblables à celles dont vous vous occupez—il était extrêmement frustré. Vous avez parlé de ces personnes qui passent du Canada aux États-Unis pour une période de 90 jours ou plus et qui reviennent ensuite au Canada pour présenter une nouvelle demande. Il a été question des demandes à répétition et de cas de ce genre.
Mme Martha Nixon: Dans le document.
M. Rob Anders: Oui. Ainsi, quand vous parlez d'opérations conjointes, j'ai l'impression qu'il s'agit de personnes venues de loin, que ce soit par avion ou par navire. Qu'en est-il de ces personnes qui passent et repassent la frontière pour présenter une nouvelle demande?
Mme Martha Nixon: Nous prenons diverses mesures, sans qu'aucune d'elles ne soit vraiment suffisante semble-t-il, mais pour ce qui est, par exemple, du passage clandestin par la réserve d'Akwesasne, nous avons des opérations conjointes. Nous avons notamment travaillé ensemble à l'opération Rainbow, qui a reçu beaucoup de publicité il y a environ un an, afin d'essayer de cibler cette route en particulier.
• 1700
En outre, nous parlons beaucoup avec les Américains de leur
politique des visas et de ses répercussions sur la migration de
certaines populations. Si, par exemple, les États-Unis délivrent
beaucoup de visas à des gens venus d'Éthiopie et que ces gens-là
semblent être nombreux à arriver chez nous et à faire une demande
de statut de réfugié, nous allons en parler aux Américains une fois
que nous aurons constaté l'existence du phénomène. Nous allons
travaillé avec eux afin d'essayer de voir s'ils ne pourraient pas
modifier leur politique de visas ou leurs pratiques afin de nous
aider à stopper cette migration. Nous prenons donc des mesures de
ce genre quand nous constatons des tendances comme celles-là.
Il y a sans doute bien plus de mesures que nous pourrions prendre, mais pour l'instant nous avons des réunions régulières. Avec un certain nombre de groupes de travail conjoints nous travaillons à divers niveaux. Il y a certains domaines où nous ne sommes pas très présents, et vous auriez sans doute intérêt à discuter, par exemple, avec le solliciteur général des efforts au chapitre du crime organisé. Son ministère mène beaucoup d'activités conjointes, et il serait peut-être intéressant de faire venir les fonctionnaires pour vous en parler.
Le président: Nous entendrons John, rapidement, puis Leon, et je crois que ce sera tout pour aujourd'hui. Je vous demande à tous de rester toutefois parce que nous devons tenir une petite réunion du comité directeur.
M. John McKay: Merci, monsieur le président.
J'ai ici le texte du paragraphe 19(1) de la Loi et j'ai une question assez simple à vous poser à ce sujet. Serait-il utile de modifier l'alinéa 19(1)g) afin d'élargir les motifs raisonnables afin d'y inclure les passeurs ou les personnes soupçonnées d'être des passeurs. Voici le libellé actuel de cet alinéa:
-
celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles
commettront des actes de violence de nature à porter atteinte à la
vie ou à la sécurité humaines au Canada, ou qu'elles appartiennent
à une organisation susceptible de commettre de tels actes ou
qu'elles sont susceptibles de prendre part aux activités illégales
d'une telle organisation;
Serait-il utile d'explorer la possibilité d'étendre la portée de cet alinéa ou d'inclure un alinéa distinct relatif aux passeurs clandestins?
M. Dick Graham: Ce dont il s'agit en fait à l'article 19, ce sont les motifs qui rendent certaines personnes ou certaines catégories de personnes non admissibles. Nous avons discuté de la possibilité d'ajouter une mention relative aux passeurs clandestins, afin d'en faire une catégorie de personnes non admissibles. C'est là une des propositions que nous avons faites. Par contre, les personnes déjà reconnues coupables d'être des passeurs clandestins peuvent se voir refuser l'entrée au Canada.
M. John McKay: C'est facile quand il s'agit d'une personne déjà reconnue coupable. Les motifs raisonnables qui permettraient de penser...
M. Dick Graham: C'est pour cette raison que nous voulons inclure cette mention.
M. John McKay: En lisant cet alinéa, je me demandais s'il s'agissait de motifs raisonnables de penser que la personne pourrait commettre un acte de violence. C'est là un motif assez vague à partir duquel déclarer une personne non admissible. Si ce motif-là résiste à une contestation en vertu de la Charte, pourquoi ne pourrions-nous pas également inclure «dont on peut penser, pour des motifs raisonnables, qu'elles se livreront au passage clandestin de personnes»—ou quelque autre définition juridique.
M. Dick Graham: Rien ne nous en empêche.
M. John McKay: C'est aussi une possibilité que vous envisagez?
M. Dick Graham: Oui.
Le président: Il en est question dans le Livre blanc. Nous allons étudier ce Livre blanc. Nous allons prendre en considération toutes les excellentes propositions faites par les deux côtés—par votre côté aussi, bien entendu.
Leon.
M. Leon Benoit: Je voudrais revenir un peu à ce que disait Rob au sujet de l'interception. Vous avez dit que nous pourrions faire plus à ce chapitre dans la zone contiguë—la zone à l'intérieur de la limite de 12 à 24 milles. Rob vous interrogeait sur ce qu'il en était de votre collaboration avec d'autres pays.
Je me demande si le Canada travaille déjà à ce problème avec les États-Unis et peut-être avec d'autres pays, au-delà même de la limite de 24 milles. Même si nous ne pouvons rien faire nous-mêmes mais que nous ayons des informations sur un navire suspect qui approche de nos côtes, transmettons-nous ces informations aux Américains ou à quelqu'un d'autre qui pourrait obliger le navire à rebrousser chemin?
M. Dick Graham: Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous avons des ententes avec les États-Unis sur le partage de l'information. Nous partagerions avec les Américains toute information de cette nature qui serait portée à notre attention.
M. Leon Benoit: Ainsi, même si nous ne pouvons pas obliger nous-mêmes ces navires à rebrousser chemin, nous pouvons transmettre l'information à d'autres pays qui pourraient le faire.
M. Dick Graham: Si l'on en décidait ainsi, oui.
M. Leon Benoit: Oui, d'accord.
Mme Martha Nixon: Pour obliger un navire à rebrousser chemin, il faudrait aussi... Je ne sais pas s'il arrive vraiment souvent qu'on oblige des navires à rebrousser chemin, parce qu'il faut évaluer en profondeur le risque.
M. Leon Benoit: J'ai utilisé le terme dans un sens très large.
Mme Martha Nixon: D'accord.
M. Leon Benoit: Voilà pour une réponse.
Maintenant, j'aimerais revenir aux questions que je posais tout à l'heure; il y a des chiffres que vous ne m'avez toujours pas donnés. Je vais donc revenir un peu sur ce sujet.
M. Dick Graham: J'ai fait un rapide calcul. Vous nous avez demandé combien de personnes sont renvoyées qui appartiennent à ce groupe. C'est un chiffre approximatif car je n'ai pas une ventilation précise. Comme je l'ai dit, nous avons un document plus important sur les renvois que vous recevrez d'ici peu et où vous trouverez ces informations. L'année dernière, environ 5 200 personnes qui avaient réclamé le statut de réfugié ont été renvoyées.
M. Leon Benoit: Ce sont des demandes de statut; 5 200. Des réfugiés...?
M. Dick Graham: Oui, des gens qui n'ont pas obtenu le statut de réfugié après l'avoir sollicité.
M. Leon Benoit: Et qui ont été renvoyés. Qu'est-ce que cela veut dire?
M. Dick Graham: Cela signifie qu'ils ont quitté le Canada et que nous avons tout lieu de croire qu'ils sont toujours à l'extérieur de nos frontières.
M. Leon Benoit: D'accord. Sur ces 5 200 personnes, combien sont passées aux États-Unis?
M. Dick Graham: Je ne le sais pas pour l'instant.
M. Leon Benoit: Approximativement, l'hypothèse qui vous semble la plus vraisemblable?
M. Dick Graham: Cela risque d'être très fantaisiste.
M. Leon Benoit: Cela ne fait rien, est-ce que c'est la moitié, les trois quarts?
M. Dick Graham: J'ai l'impression que cela représente un très petit pourcentage du nombre total, mais je ne peux même pas vous donner une estimation. Il va falloir que je vous réponde plus tard.
M. Leon Benoit: C'est très intéressant. J'ai entendu dire que les gens qui sont déportés aux États-Unis reviennent très souvent immédiatement, que c'est très fréquent. D'après certaines sources, cela se pratique couramment.
M. Gerry Van Kessel: Je ne sais pas si vous étiez là quand j'ai cité nos chiffres pour 1998. J'ai dit que 300 personnes avaient été renvoyées aux États-Unis et étaient revenues après 90 jours. J'ai dit également qu'entre le 1er avril et la fin de septembre, ce nombre était presque le même, seulement pour le poste-frontière des Chutes du Niagara. Cela devient de plus en plus fréquent.
Cela dit, quand on considère vraiment le nombre de gens qui sollicitent le statut de réfugié au Canada... si nous les renvoyons aux États-Unis, c'est qu'ils sont venus par les États-Unis, et sur ce nombre—j'ai cela ici quelque part—ce n'est pas une proportion très importante du total.
M. Leon Benoit: D'accord. Il y en a environ 300 qui reviennent dans les 90 jours et qui demandent encore une fois le statut de réfugié.
M. Gerry Van Kessel: Oui.
M. Leon Benoit: Mais ces gens qui ont été refusés, ils savent qu'ils n'ont pas beaucoup de chances de réussir la deuxième fois, mais ils reviennent tout de même? C'est de cette catégorie qu'on m'a parlé. Je sais qu'on ne peut jamais en être certain, mais vous devez avoir une bonne idée de la fréquence de ce genre de choses.
M. Gerry Van Kessel: Je ne pense pas que notre banque de données nous donne cela immédiatement, mais il me semble que les gens qui sont déjà venus une fois sont déjà dans votre système de données. S'ils reviennent, ils sont réinscrits une deuxième fois dans le système de données. Je ne sais pas s'il est possible de faire des vérifications et de comparer les deux séries de données.
L'impression générale des gens est tout à fait conforme à ce que vous dites: il y a plus de deuxièmes tentatives dans la réalité que dans nos statistiques. Nos agents sont particulièrement frustrés lorsqu'ils revoient les mêmes personnes se représenter. Certains se représentent plusieurs fois. Je ne peux vraiment vous dire si l'impression qu'ont les agents et les statistiques concordent ou pas. Je ne le sais vraiment pas.
Mme Martha Nixon: Il est important de signaler que ce problème nous préoccupe beaucoup. Nous en discutons d'ailleurs dans le Libre blanc. Nous avons fait une proposition qui est toujours en discussion. Lorsque nous avons fait nos consultations sur le Livre blanc, c'est un des sujets qui inquiétaient beaucoup les gens, le fait qu'il soit vraiment nécessaire de protéger certaines personnes et de leur permettre de faire une seconde demande, mais sans pour autant...
M. Gerry Van Kessel: Éternellement.
Mme Martha Nixon: Éternellement. Il serait probablement bon d'essayer d'établir un délai raisonnable, un délai au cours duquel les circonstances peuvent avoir légitimement changé, ce qui justifierait une deuxième demande de statut de réfugié qui serait différente de la première.
M. Leon Benoit: Évidemment, plus nous réussissons à éliminer rapidement les demandes, pour une raison ou pour une autre, soit qu'elles soient acceptées rapidement, ou rejetées rapidement... ou encore, s'il est possible d'accélérer les audiences. Évidemment, il y a des gens à qui nous tenons à accorder un refuge, les gens qui sont visés par le système, et eux aussi seront beaucoup mieux servis de cette façon-là. C'est la raison pour laquelle nous essayons tous d'améliorer le système.
• 1710
Le président me fait signe que j'ai le temps de poser une
dernière question.
Sur la base des renseignements que vous m'avez communiqués aujourd'hui, et d'après ceux que j'avais déjà, en 1998 il y a eu environ 23 000 demandes de réfugiés présentées au Canada. Sur ce nombre, il y a 5 200 personnes dont on est certain qu'elles ont quitté le pays. Cela vous donne une idée—je ne suis pas très bon en calcul—on peut donc dire que près de 80 p. 100 des gens qui ont sollicité le statut de réfugié à l'intérieur des frontières ou à la frontière sont probablement encore ici. Est-ce que je me trompe?
M. Gerry Van Kessel: Je pense que le terme «probablement» est encore trop fort. Certains d'entre eux, que ce soit grâce au programme destiné aux réfugiés qui sont encore au Canada après que leur cas a été tranché ou pour des raisons humanitaires qu'ils peuvent invoquer, seront autorisés à rester définitivement. Parmi ce nombre total de refus, il y a un certain nombre de gens qui trouvent d'autres moyens légaux de rester au Canada.
Certains d'entre eux se disent tout simplement que c'est désespéré, ils rentrent chez eux et ne nous préviennent pas. Dans certains cas, nous gardons les passeports, dans d'autres cas, nous ne le faisons pas. Il y a d'autres personnes qui s'en vont volontairement. Nous ne le savons vraiment pas. En fin de compte, des chiffres précis seraient intéressants, mais je ne les ais tout simplement pas.
George, je ne sais pas si vous avez des...
Le président: Leon, je sais que ces aspects statistiques sont importants et que vous vous basez sur les recherches très solides de votre assistant. Peut-être pourriez-vous nous en donner à tous un exemplaire, et en donner un exemplaire également aux fonctionnaires, ce qui leur donnerait un peu plus de temps pour entrer dans les détails. Si vous avez d'autres questions, vous pouvez les leur soumettre, je suis certain qu'ils pourront nous faire parvenir les réponses.
Si vous le voulez bien, j'aimerais poser moi-même une ou deux questions, demander des précisions, ce sera très court.
Vous dites que vous parlez beaucoup aux Américains des problèmes que nous avons en commun avec eux. Évidemment, ils nous accusent de leur renvoyer du monde; évidemment, il y en a qui passent par le Canada, par New York, mais en fait ils rentrent. Il y a également les pratiques d'embauche illégales aux États-Unis. En fait, si les employeurs américains ne se livraient pas à ce genre de pratique, nous n'aurions plus à nous préoccuper ni les uns ni les autres de ce genre de trafic.
Mme Martha Nixon: Vous voulez dire que si les Américains avaient des pratique d'embauche plus rigoureuses, les gens ne seraient plus aussi tentés d'aller aux États-Unis?
Le président: Certainement.
Mme Martha Nixon: Nous n'avons pas vraiment discuté de ce sujet en particulier. Nous avons beaucoup parlé des pratiques dans le cadre de l'ALENA, mais vous soulevez là un sujet qui pourrait être très intéressant.
Le président: D'accord.
M. Dick Graham: En fait, c'est un sujet qui intéresse vivement les Américains, et cela depuis un certain nombre d'années.
Le président: Oui.
M. Dick Graham: Ils adoptent une législation de plus en plus sévère pour contrôler les employeurs, parce que c'est un énorme problème. C'est un phénomène aux États-Unis, et la situation est loin d'être aussi grave de ce côté-ci de la frontière. Là-bas, c'est tout à fait différent.
Le président: Deuxièmement, je reviens à la question posée par Sophia au sujet des Chinois. Dois-je comprendre que le gouvernement chinois a déclaré à quelqu'un qu'il était prêt à accepter la totalité des gens à bord du bateau ou bien absolument personne? Autrement dit, ils vont refuser d'en récupérer un, deux, trois, 20 ou 40, ils les veulent tous, n'est-ce pas. Avez-vous des précisions?
Mme Martha Nixon: C'est la position qu'ils adoptent systématiquement depuis que Mme Robillard y est allé aux environs de Pâques. Ils nous l'ont répété lorsque nous y sommes allés récemment. D'autre part, nous savons qu'ils ont dit la même chose à d'autres pays.
Ce qui semble évident, c'est que pour eux il n'est pas du tout approprié que nous considérions ces gens comme des réfugiés. Pour cette raison, ils nous ont expliqué que le fait de récupérer une partie de ces gens-là leur poserait beaucoup de problèmes. Nous continuons à espérer que le dialogue va se poursuivre et que nous réussirons à trouver une solution.
Le président: Et bien, comme Steve l'a dit, qu'est-ce qu'ils en savent? Après tout, c'est nous qui devons leur dire combien il y en avait, leur fournir une forme de documentation, leur demander leur opinion, n'est-ce pas?
Mme Martha Nixon: Nous avons été très franc en ce qui concerne le nombre...
Le président: Ou encore, ils lisent nos journaux...
Mme Martha Nixon: ...tout simplement parce que c'est une habitude que nous avons dans ce pays. Nous ne leur avons pas envoyé les nombres directement, mais effectivement, ils peuvent probablement les trouver dans les journaux.
Le président: D'accord.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier infiniment pour cette documentation que vous nous avez apportée. À mon avis, vous avez fait un excellent travail, nous apprécions beaucoup ce format, qui nous donne la possibilité de poser des questions beaucoup plus intelligentes, et bien sûr, d'avoir des réponses plus intelligentes également. Je vous remercie beaucoup pour tous ces efforts que vous avez déployés et je sais que si nous avons des questions au sujet du quatrième document que vous allez nous envoyer, nous pourrons toujours...
Mme Martha Nixon: Nous allons vous envoyer deux documents, un sur les renvois et l'autre avec la comparaison. En ce qui concerne le tableau de comparaison, il faudra probablement que nous le parcourions avec vous car c'est assez complexe.
Le président: Nous n'avons aucune objection à ce que vous reveniez, ce n'est pas un problème.
M. Gerry Van Kessel: Sinon, nous pouvons en expliquer les principaux aspects à Margaret. Si vous avez pensé que ce n'était pas complexe, vous allez changer d'avis.
Le président: Vous savez, au fur et à mesure que nous nous informons, la seule chose... Dès que vous serez sorti...
M. Gerry Van Kessel: D'accord.
Le président: ...nous allons nous réunir entre nous pour discuter d'autres témoins que nous pourrions convoquer. Après avoir parlé à ces témoins, il est fort possible que nous souhaitions vous rencontrer à nouveau...
M. Gerry Van Kessel: Très volontiers.
Le président: ...pour vous poser de nouvelles questions. Encore une fois, merci beaucoup.
Chers collègues, nous allons lever la séance pour pouvoir nous réunir à huis clos en tant que comité directeur, pour discuter de notre programme à venir. Merci.
[La séance se poursuit à huis clos—rédaction]