FINA Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 2 novembre 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes à London, en Ontario.
Aujourd'hui, le Comité des finances entame ses consultations prébudgétaires pour le budget de l'an 2000. Le premier point à l'ordre du jour est l'exposé du ministre des Finances sur sa mise à jour économique et financière pour l'année 1999.
Bonjour monsieur le ministre. Vous avez la parole.
L'honorable Paul Martin (ministre des Finances): Merci bien, monsieur le président. Avant de commencer mon exposé, je voudrais faire deux observations personnelles.
Je remercie les habitants de cette belle ville de London pour la tenue de cette réunion. C'est une ville où j'ai passé beaucoup de temps.
Je sais que tu est très fier de ta ville, Joe; nous aussi.
Monsieur le président, étant donné que j'ai passé ma jeunesse pas très loin d'ici, à Windsor, je tiens à remercier le comité d'avoir choisi le sud-ouest de l'Ontario pour cet exposé.
La deuxième observation que j'ai à faire est d'un autre ordre. Le jargon économique s'exprime sous forme de ratios, d'équations et de graphiques. C'est parfait pour les économistes mais c'est un peu difficile pour les ministres des Finances.
Personnellement, j'ai eu la bonne fortune de rencontrer Larry Hagen il y a un peu plus de cinq ou six ans. Pendant ces six années, c'est lui qui a rédigé les exposés économiques que je vous présente à l'automne et tous les discours du budget. Il est parvenu à rendre la matière compréhensible en y ajoutant même une touche de poésie. Il avait un talent exceptionnel.
Il y a trois semaines, le ministère des Finances a organisé une réunion à laquelle Larry devait participer précisément dans le but de préparer le présent exposé. Larry était en retard. Il avait succombé le matin même à un infarctus massif du myocarde.
Monsieur le président, je sais qu'en disant qu'il nous manquera beaucoup j'exprime à la fois mes sentiments personnels et ceux de tous les représentants du ministère des Finances ici présents, ainsi que les vôtres, étant donné que nous avons tous joué un rôle très actif dans la préparation de ces exposés.
Monsieur le président, lors de notre rencontre de l'an dernier, l'inquiétude était vive au sujet des bouleversements en Asie, de l'effet de contagion sur l'économie mondiale et des répercussions possibles chez nous. Heureusement, bien que la reprise internationale demeure fragile, la situation est nettement meilleure que ce que craignaient beaucoup de gens. En fait, en ce qui concerne presque tous les indicateurs économiques importants, le Canada a fait des pas de géant.
Depuis janvier de l'an dernier, plus de 600 000 emplois ont été créés, un rythme qui n'est égalé par aucun autre pays du G-7. Ainsi, même s'il demeure trop élevé, le taux de chômage est tombé à 7,5 p. 100, son plus bas niveau en plus de neuf ans. Les taux d'intérêt demeurent faibles, et l'inflation se maintient à l'intérieur de notre fourchette cible. La situation du compte courant du Canada s'est nettement améliorée. Le prix de nos ressources naturelles sur les marchés internationaux est en nette reprise par rapport aux planchers enregistrés l'an dernier, tandis que le pays poursuit une saine progression en se diversifiant pour englober d'autres domaines en matière de fabrication, d'agriculture et de services.
Compte tenu de ces progrès, les estimations de la croissance économique moyenne pour 1999 sont passées d'un peu plus de 2 p. 100 à 3,6 p. 100. Quant à notre avenir immédiat, les grandes institutions économiques internationales que sont l'Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international prévoient que le Canada connaîtra, cette année et en l'an 2000, l'un des meilleurs taux de croissance économique parmi les grands pays industrialisés. Qui plus est, pendant cette même période, nous devrions devancer tous les pays du G-7 au chapitre de la création d'emplois.
Monsieur le président, la vigueur de notre performance économique résulte dans une certaine mesure de la solidité de notre performance financière. Grâce aux efforts des Canadiens et des Canadiennes, notre pays a amorcé le plus grand redressement financier de son histoire. Le déficit a été éliminé en quatre ans à peine. L'an dernier, nous annoncions que, pour l'exercice 1997-1998, le gouvernement avait enregistré son premier excédent budgétaire en 28 ans.
En septembre de cette année, lors de la parution des résultats définitifs de l'exercice 1998-1999, un exercice au cours duquel nous avions investi de façon importante dans la santé, le savoir et les baisses d'impôt, nous avons annoncé que le Canada avait dégagé un excédent budgétaire de 2,9 milliards de dollars. C'est la première fois en près de 50 ans que notre pays enregistre des excédents consécutifs, et je peux vous assurer, monsieur le président, que cette tendance se maintiendra. Il est clair que le Canada est entré dans une nouvelle ère, une ère d'excédents budgétaires.
Il est clair aussi qu'un grand débat sur la façon d'utiliser cet excédent est actuellement en cours. Ce débat est essentiel. Toutefois, c'est autour des valeurs fondamentales de notre pays, de nos objectifs et des options pour les atteindre qu'il doit s'articuler, et non sur des questions de chiffres. Malheureusement, c'est exactement ce qui arrive; c'est-à-dire que ce débat a trop gravité jusqu'ici autour de l'ampleur de l'excédent au lieu de l'usage qu'on pourrait en faire. C'est pourquoi, soucieux de dégager un plus grand terrain d'entente, le ministère des Finances a tenu au cours des derniers mois des consultations sans précédent auprès des économistes en chef des principales banques à charte canadiennes et de quatre grandes firmes de prévisionnistes.
Il s'agissait de s'entendre sur une série d'hypothèses économiques à partir desquelles les prévisionnistes pourraient ensuite élaborer des projections sur l'excédent pour chacune des cinq prochaines années. Permettez-moi de remercier sincèrement tous ceux et toutes celles qui ont participé à cet exercice; leur contribution a été des plus précieuses.
[Traduction]
Monsieur le président, le dialogue avec les économistes, qui se poursuit depuis plusieurs mois, nous a permis de nous entendre sur certains points importants.
Premièrement, les prévisionnistes estiment que nous devrions continuer d'affecter, chaque année, trois milliards de dollars à la réserve pour éventualités, afin de nous prémunir contre les changements imprévus, et que, dans la mesure où elle n'est pas requise, cette réserve devrait être utilisée à la fin de l'année pour rembourser la dette. Cela, nous continuerons de le faire. En réalité, nul ne peut prédire avec certitude quand et de combien les taux d'intérêt à l'échelle internationale augmenteront, ni prévoir de façon précise le moment, l'ampleur ou la durée d'un ralentissement économique.
Deuxièmement, les économistes ont approuvé notre pratique qui consiste à ajouter une marge de prudence pour éviter de connaître un nouveau déficit. Cette pratique sera elle aussi maintenue. Les prévisions économiques sont loin d'être l'objet d'une science exacte. La planification budgétaire doit tenir compte de cette réalité.
Troisièmement, tous les économistes s'entendent pour dire que la mesure supplémentaire de prudence que nous intégrons à nos prévisions doit être clairement indiquée. Désormais, c'est ce que nous ferons.
Enfin, dans le cadre du débat public concernant les options stratégiques, les économistes ont proposé d'utiliser des prévisions sur cinq ans plutôt que sur deux. Nous sommes toujours d'accord sur ce point. Lors du débat au sujet de l'utilisation de l'excédent, des stratégies seront nécessairement proposées en matière de réduction de la dette et des impôts, de même qu'en matière d'investissement, et ces stratégies auront des répercussions s'échelonnant sur une longue période. Par conséquent, il est bon que la discussion porte à la fois sur les ressources plus substantielles dont nous pourrions disposer à long terme et sur les ressources plus limitées dont nous pourrions disposer à court terme.
Mais soyons clairs. Même si des projections à long terme facilitent le débat public et la planification, les économistes conviennent avec nous que l'emploi de ces projections, pour les besoins de décisions budgétaires, doit se faire avec circonspection. Pourquoi? Parce que l'incertitude sous-jacente aux projections quinquennales est tout simplement trop grande. Comme nous l'avons vu au cours des dernières années, nous vivons dans un monde où règne l'instabilité, et ce serait donc une erreur d'engager dès aujourd'hui des ressources importantes qui ne seront peut-être pas à notre disposition dans cinq ans.
• 1510
Nous avons toujours été convaincus que le gouvernement doit
disposer d'une marge de manoeuvre suffisante pour combler les
besoins de demain, et que l'évolution de ces engagements financiers
doit suivre celle de l'économie. Par conséquent, les parlementaires
et les citoyens doivent débattre de l'utilisation de l'excédent à
long terme, et planifier en conséquence. En revanche, le
gouvernement continuera de prendre des décisions en se fondant sur
un horizon mobile de deux ans, approche qui nous a permis
d'éliminer le déficit. Puisque notre époque exige la plus grande
marge de manoeuvre possible, nous devons rester en mesure de
composer avec les situations imprévues. Dans cette perspective, la
prudence est beaucoup plus qu'un simple principe financier. Elle
est une condition préalable à l'élaboration de politiques
économiques et sociales saines.
En se basant sur la moyenne des prévisions du secteur privé quant à l'excédent, voici, à des fins de planification, le montant estimatif de l'excédent pour chacune des cinq prochaines années, après déduction de la réserve pour éventualités de trois milliards de dollars et de la marge de prudence, laquelle passera de un milliard de dollars la première année à quatre milliards la cinquième année; pour le prochain exercice, celui qui débutera en l'an 2000, un excédent de 5,5 milliards de dollars est prévu; on prévoit un excédent de 8,5 milliards de dollars pour 2001, un de 12,5 milliards de dollars pour 2002, un de 17,5 milliards de dollars pour 2003 et un de 23 milliards de dollars pour l'exercice 2004-2005.
[Français]
Monsieur le président, en se basant sur la moyenne des prévisions du secteur privé quant à l'excédent, voici, à des fins de planification, le montant estimatif pour les cinq prochaines années, tout cela après déduction de la réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars et de la marge de prudence, laquelle passera de 1 milliard de dollars la première année à 4 milliards de dollars la cinquième.
Pour le prochain exercice débutant en l'an 2000, un excédent de 5,5 milliards de dollars est prévu. Pour 2001, 8,5 milliards de dollars; pour 2002, 12,5 milliards de dollars; pour l'an 2003, 7,5 milliards de dollars; pour l'an 2004, un excédent de 23 milliards de dollars est anticipé. Évidemment, chaque année, ces projections devront être mises à jour et, à cet égard, nous continuerons de solliciter l'avis et les conseils des économistes et des prévisionnistes du secteur privé.
[Traduction]
Monsieur le président, voilà donc le contexte financier du débat qui nous attend. Cela dit, il manque encore un élément clé du contexte général pour garantir la tenue d'un débat constructif. Bien qu'essentielle, la responsabilité budgétaire ne saurait constituer en soi la route de l'avenir.
Avant de décider comment utiliser l'excédent et la façon de le répartir, il faut préciser le genre d'avenir que nous voulons et comment y arriver—tout en comprenant le monde dans lequel nos enfants vivront, puisque les conséquences des décisions prises aujourd'hui se feront sentir pendant plusieurs générations. Il nous faut donc répondre aux questions suivantes: Premièrement, que devons-nous faire pour prendre résolument notre place de chef de file au sein de la nouvelle économie mondiale du prochain millénaire? Deuxièmement, comment pouvons-nous donner à tous les Canadiens des chances égales de réussite? Troisièmement, comment pouvons-nous garantir la meilleure qualité de vie possible à tous les Canadiens, et non à quelques personnes privilégiées seulement?
Monsieur le président, en ces derniers jours du XXe siècle, le Canada a une occasion unique d'assumer son destin, de faire en sorte que l'assainissement des finances publiques signifie une meilleure qualité de vie pour tous, de donner aux Canadiens ce à quoi ils sont en droit de s'attendre, c'est-à-dire la promesse de revenus plus élevés et d'une plus grande sécurité. Nous devons toutefois accomplir tout cela avec, comme toile de fond, une économie aux prises avec des changements historiques.
• 1515
Certains parlent de la nouvelle économie comme d'un concept
abstrait, sans lien avec notre vie quotidienne et qui se réalisera
dans un avenir lointain. Ce n'est pas le cas. Cette nouvelle
économie est déjà parmi nous. Elle est là, déjà en place. En fait,
nous en sommes aux toutes premières étapes d'une nouvelle vague de
forte croissance, une vague aussi puissante qu'envahissante. Ce
phénomène engendre de toutes nouvelles industries—technologie de
l'information et technologies environnementales aujourd'hui,
biotechnologie et technologie des piles à combustible demain. Pour
nous, qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'en des temps
nouveaux, de nouvelles approches s'imposent.
Chaque jour, il devient de plus en plus évident que le défi fondamental qui s'offre à nous, et qui constitue en même temps une occasion unique, est de marquer l'économie tout entière du sceau de l'innovation et de l'excellence. Il ne s'agit pas de mettre au rancart l'ancienne économie et de la remplacer, comme par magie, par la nouvelle. Il s'agit plutôt de communiquer à toute l'économie les possibilités qu'offre la nouvelle, car la capacité de transformation des nouvelles technologies est telle que nos industries traditionnelles sont revitalisées et renouvelées.
D'une part, de nouveaux domaines d'activité voient le jour. D'autre part, les fondements de l'assise industrielle du Canada du XXe siècle sont en voie d'être remodelés à l'image de la nouvelle économie axée sur la technologie de pointe et la valeur ajoutée. Dans cette économie, les idées circulent de façon instantanée. Dans cette économie, les projets technologiques et une vive concurrence transforment les marchés et les règles qui les régissent. Dans cette économie, les défis peuvent tout aussi bien survenir de l'autre bout du monde que de l'autre bout de la ville.
Il va sans dire que les conséquences sont énormes. Pour les individus, cela se manifeste dans leur travail quotidien, par le fait que l'apprentissage permanent est la condition de l'avancement. Pour les entreprises, cela se traduit par une nouvelle définition de la réussite: elles dépenseront davantage pour la recherche et le développement que pour les immeubles et le matériel; elles devront absolument être les premières à mettre en marché des produits, des procédés et des services meilleurs et nouveaux; elles devront sans cesse chercher à recruter une main-d'oeuvre talentueuse et ingénieuse.
Ce changement pourrait mener à de grandes réalisations. Déjà, dans le monde, et à une vitesse foudroyante, le changement augmente la capacité d'engendrer la prospérité et crée de nouvelles et grandes possibilités. Il offre la promesse de nouveaux emplois et de salaires plus élevés, et d'un avenir meilleur et plus prospère. Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que la richesse chez les uns s'oppose trop souvent à l'inégalité et à l'insécurité chez les autres. Qui d'entre nous ne s'est pas inquiété de l'ampleur et de la profondeur des changements que nous vivons? Qui ne s'est pas inquiété de leurs conséquences pour nos collectivités et nos familles?
C'est pourquoi les Canadiens veulent savoir comment notre pays se propose d'affronter les défis qui les attendent. Ils veulent s'assurer que leur gouvernement a un plan dans lequel ils sont inclus. C'est dans ce contexte et dans cette perspective qu'il faudrait discuter de ce que nous ferons de l'excédent.
Le cadre économique dont le Canada a besoin pour entrer dans le XXIe siècle comporte de nombreux volets. Permettez-moi d'insister sur quatre éléments déterminants. Premièrement, nous devons asseoir la croissance économique sur des bases solides grâce à une saine gestion financière. Deuxièmement, nous devons promouvoir la croissance économique et une meilleure qualité de vie en réduisant les impôts. Troisièmement, nous devons reconnaître que pour rendre notre économie plus concurrentielle, il faut miser davantage sur l'innovation. Quatrièmement, nous devons reconnaître que, pour ménager aux Canadiens un avenir sûr et rempli de possibilités, nous devons investir dans leurs compétences, dans leur savoir et dans leur capacité d'apprendre.
De façon isolée, aucun de ces éléments ne permet de bâtir l'économie forte et la société solidaire que nous voulons. Cependant, leur combinaison assure l'équilibre d'un plan prospectif visant à faire du Canada le pays de prédilection du XXIe siècle et ceci, aussi longtemps que nous gardons en mémoire un principe fondamental: un plan de croissance est certes important, mais nous devons aussi partager cette croissance le plus largement possible.
Par conséquent, engageons-nous à profiter pleinement de ce moment et à faire en sorte que la nouvelle croissance nous permette de mieux affronter les anciens défis, que l'écart entre les riches et les pauvres soit réduit, que le Canada urbain progresse, que le Canada rural prospère et que chaque localité devienne un site potentiel de nouveaux emplois et de nouveaux espoirs. Une nation comme la nôtre, avec une population diversifiée et un vaste territoire, représente la vraie promesse du siècle nouveau et en fait, la nouvelle économie rend tout cela possible.
• 1520
En résumé, monsieur le président, il ne s'agit pas de nous
demander ce que nous faisons de l'excédent mais plutôt comment
utiliser les ressources financières à notre disposition pour
mobiliser notre capital humain, naturel et technologique, afin que
tous les Canadiens puissent profiter de l'univers excitant qui
s'ouvre à nous au XXIe siècle.
[Français]
Monsieur le président, pensons d'abord à la question d'une saine gestion financière. Que devons-nous faire sur ce plan? D'abord, nous devons maintenir l'inflation à un niveau bas et stable. Voilà pourquoi notre accord avec la Banque du Canada est si important.
Deuxièmement, nous devons constamment revoir notre cadre de réglementation afin maintenir un juste équilibre entre la réduction du fardeau réglementaire de nos entreprises et la promotion de l'innovation, d'une part, et la protection des intérêts du public et des consommateurs, d'autre part. Voilà, par exemple, la philosophie qui sous-tend la réforme du secteur financier que le gouvernement a proposée en juin dernier.
Enfin, troisièmement, nous devons continuer d'alléger le fardeau de la dette afin que nous puissions investir une part toujours croissante de nos ressources financières dans l'avenir au lieu de l'utiliser pour régler des factures du passé.
Monsieur le président, une saine gestion financière s'impose afin de se préserver de cycles d'expansion et de contraction douloureuse et des problèmes persistants qui en découlent. Prenons l'exemple de l'effet dévastateur des deux dernières récessions. Les taux d'intérêt ont grimpé de façon effarante, les investissements des entreprises ont chuté de plus de 11 milliards de dollars et plus d'un demi-million d'emplois se sont évanouis.
Il a fallu cinq longues années pour regagner le terrain que les investissements des entreprises avaient perdu au début des années 1980. Il a fallu quatre longues années pour récupérer les emplois perdus au début des années 1990. Nous savons qu'une saine gestion financière ne mettra pas fin au phénomène des cycles économiques avec leurs hauts et leurs bas, mais nous savons aussi qu'à certaines époques, alors que les politiques financières de notre pays laissaient à désirer, des situations difficiles se sont transformées en crises et des problèmes économiques se sont révélés dramatiques par rapport à nos principaux partenaires commerciaux.
[Traduction]
Monsieur le président, le fait de pouvoir enfin envisager une nouvelle ère d'excédents relève de l'exploit mais faut-il en conclure que nous avons entièrement relevé le défi financier auquel nous étions confrontés et que nous nous sommes acquittés de nos obligations envers les générations futures? Non. En fait, le fardeau de notre dette est trop élevé. Nous venons au deuxième rang parmi les pays du G-7 à ce chapitre. Il ne s'agit pas là d'un chiffre quelconque. Cette situation a des conséquences réelles et contraignantes pour tous les Canadiens.
Le service de la dette constitue à lui seul le plus important poste de dépense du gouvernement fédéral. Ces paiements—près de 42 milliards de dollars par année—représentent des ressources astronomiques, qui ne peuvent servir à réduire les impôts ou à investir dans l'éducation, l'environnement, les soins de santé ou la lutte contre la pauvreté chez les enfants. Ils limitent notre capacité de bâtir un avenir meilleur. C'est ainsi que les générations futures risquent d'écoper d'une lourde dette dont elles ne sont absolument pas responsables. Nous devons tout simplement alléger le fardeau de la dette.
La meilleure façon de mesurer ce fardeau est de le comparer à l'économie qui le sous-tend. Cette donnée s'appelle le ratio de la dette au produit intérieur brut (PIB). Plus le ratio est faible, plus la dette est facile à gérer. En 1995-1996, le ratio de la dette au PIB a atteint un sommet de 71,2 p. 100. En 1996-1997, en raison de nos progrès face au déficit et du regain de notre croissance économique, ce ratio a baissé de façon significative pour la première fois en plus de 20 ans. En 1998-1999, il a continué de reculer, pour s'établir à 64,4 p. 100. C'est ainsi que la portion de chaque dollar de recettes servant à payer l'intérêt sur la dette est passée de 36 cents il y a cinq ans à 27 cents aujourd'hui. Cela représente un progrès important, mais ce n'est pas encore assez.
Nous devons faire en sorte que le fardeau de la dette continue de diminuer, année après année. Et nous le ferons de deux manières.
D'une part, nous réduirons le montant de la dette proprement dite. Depuis deux ans, la dette publique nette a diminué de 6,4 milliards de dollars, ce qui représente des économiques d'intérêt de plus de 300 millions de dollars chaque année. Quant à la dette contractée sur les marchés financiers, elle a diminué davantage encore, puisque nous en avons remboursé une tranche de 16,4 milliards de dollars.
• 1525
D'autre part, et cela est plus important encore, le ratio de
la dette au PIB baissera également grâce à une solide croissance
économique. En d'autres mots, la poursuite d'une stratégie de
croissance constitue également la meilleure façon d'alléger le
fardeau de la dette.
[Français]
Jusqu'ici, monsieur le président, en décrivant les critères d'une économie prospère du XXIe siècle, nous avons parlé d'une saine gestion financière à l'intérieur du Canada. Or, une saine gestion financière à l'extérieur de nos frontières est également d'une importance capitale pour le bien-être économique de nos citoyens. La crise du peso mexicain d'il y a cinq ans et la récente crise financière asiatique en témoignent de façon éloquente. Dans les deux cas, notre pays a subi les effets d'un dollar affaibli et d'une flambée des taux d'intérêt. Lors de la crise asiatique, ces conséquences ont été aggravées par une baisse du prix des matières premières. En fait, aucun pays, aussi puissant soit-il, n'est à l'abri des bouleversements économiques et financiers qui surviennent hors de ses frontières.
Nous avons donc clairement intérêt à améliorer la gestion du système financier, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale. C'est pourquoi le Canada joue un rôle de premier plan dans la réforme de l'architecture financière mondiale. C'est également pourquoi le Canada a milité en faveur de la création du G-20, un nouveau groupe réunissant les pays du G-7 et plusieurs économies émergentes clés dont l'objectif est de réduire le risque d'une crise financière internationale ou, à défaut, d'en atténuer la gravité.
[Traduction]
Passons maintenant au régime fiscal. Le gouvernement estime que le besoin de réduire les impôts n'est pas sujet à débat. Il ne s'agit pas d'une option parmi d'autres. Il ne s'agit pas d'une mesure secondaire. Il ne s'agit pas non plus d'une idée que l'on ne considère qu'après avoir épuisé la liste des projets de dépenses. Une croissance économique vigoureuse et soutenue passe nécessairement par une réduction des impôts.
Évidemment, il y a beaucoup d'autres raisons de réduire les impôts. La plupart d'entre elles sont bien connues et il n'est pas nécessaire de les répéter ici. Je tiens toutefois à en souligner une, parce qu'on l'oublie trop souvent. C'est tout simplement que les Canadiens ont le droit de conserver une plus grande part de l'argent qu'ils gagnent. Après tout, les Canadiens travaillent pour cet argent. Il est à eux.
[Français]
Monsieur le président, les Canadiens ont dû payer plus d'impôts lorsque nous étions en déficit et que la dette augmentait. Ils ont maintenant le droit de s'attendre à ce que le gouvernement allège leur fardeau fiscal maintenant que nous traversons une période d'excédents budgétaires. Surtout, ils ont droit de s'attendre à ce que leur revenu disponible augmente, et c'est effectivement ce qui se produit.
Au début des années 1990, les Canadiens ont vu leur revenu réel après impôt diminuer. Heureusement, cette tendance s'est renversée. Aujourd'hui, le revenu réel après impôt par habitant est de près de 3 p. 100 supérieur à ce qu'il était il y a trois ans. Notre tâche est maintenant de tout mettre en oeuvre pour que leur revenu augmente davantage.
[Traduction]
Si on regarde vers l'avenir, les principes de notre plan de réduction des impôts sont clairs. Premièrement, notre approche doit être équitable. Les réductions d'impôt doivent, à terme, bénéficier à tous les Canadiens, mais elles doivent d'abord viser ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les Canadiens à revenu faible ou moyen, surtout les familles ayant des enfants.
Deuxièmement, les allégements fiscaux d'application générale doivent d'abord viser l'impôt sur le revenu des particuliers. C'est à ce chapitre que le fardeau est le plus lourd et que la situation des Canadiens et des Canadiennes est la plus aberrante si l'on considère notre réalité historique et d'autres pays.
Troisièmement, nous devons faire en sorte que notre régime d'impôt des sociétés soit concurrentiel à l'échelle internationale.
Quatrièmement, les allégements fiscaux d'application générale ne doivent pas être financés par des emprunts. Ce n'est pas en empruntant que nous allons remettre de l'argent dans les poches des Canadiens. Cela ne ferait qu'en enlever plus dans l'avenir.
• 1530
Monsieur le président, nous avons promis de réduire le déficit
année après année et nous l'avons fait. Il y a deux ans, lorsque
nous avons équilibré le budget, nous avons promis d'accorder des
réductions d'impôt d'application générale, et nous l'avons fait.
En 1998, les réductions d'impôt s'adressaient aux contribuables à faible revenu. Dans le budget de 1999, nous avons accordé des allégements fiscaux à tous les contribuables canadiens, sans oublier de privilégier ceux qui ont un revenu faible ou moyen. En fait, au total, les mesures contenues dans les budgets de 1997, de 1998 et de 1999 ont eu pour effet de réduire de quelque 10 p. 100 le fardeau fiscal des Canadiens. Or, ce ne sont là que les premières étapes. Nous devons et nous allons réduire les impôts davantage.
Dans notre prochain budget, nous exposerons un plan pluriannuel de réduction des impôts et nous expliquerons comment nous entendons l'exécuter. Nous fixerons des objectifs et nous les atteindrons le plus rapidement possible. C'est ainsi que nous avons éliminé le déficit et c'est ainsi que nous réduirons les impôts.
[Français]
Soyons clairs. Nous devons et nous allons réduire les impôts davantage. Dans notre prochain budget, nous exposerons un plan pluriannuel de réduction des impôts et nous expliquerons comment nous entendons l'exécuter. Nous fixerons des objectifs et nous les atteindrons le plus rapidement possible. C'est ainsi que nous avons éliminé le déficit. C'est ainsi que nous réduirons les impôts.
Monsieur le président, c'est dans le contexte de ce plan d'allègement de l'impôt sur le revenu que la question de la réduction du taux des cotisations de l'assurance-emploi doit être abordée. Au cours des cinq dernières années, soit chaque année depuis notre arrivée au pouvoir, les cotisations de l'assurance-emploi ont diminué. Il s'agit là d'une réalisation sans précédent, tant par l'ampleur que par la durée de la réduction.
La Commission de l'assurance-emploi vient d'établir le taux des cotisations à 2,40 $ en l'an 2000, au lieu de 2,55 $ cette année. Nous confirmons aujourd'hui que nous acceptons le taux établi par la commission.
Monsieur le président, cette réduction se reflète dans les chiffres sur les excédents présentés plus tôt dans cet exposé. Cela signifie que les employés et les employeurs économiseront 1,2 milliard de dollars de plus l'an prochain, ce qui portera le total économisé à 5,2 milliards de dollars par rapport au taux de cotisation qui prévalait en 1994.
[Traduction]
La prospérité dans la nouvelle économie mondiale passe par une saine gestion financière et des niveaux d'imposition adéquats, mais ce n'est pas tout. Il faut encore faire plus, beaucoup plus. En fait, le Canada n'est pas le seul pays à assainir ses finances publiques. Si nous voulons bénéficier d'un avantage concurrentiel, celui-ci devra provenir d'ailleurs.
La question est la suivante: quels choix pouvons-nous faire aujourd'hui, choix qui, dans 20 ans, auront fait toute la différence et auront fait du Canada un pays de possibilités? Les choix à faire sont ceux qui axeront notre culture économique sur l'innovation et qui nous permettront d'adopter la perspective d'un entrepreneur.
Les économies prospères au cours de la prochaine décennie seront celles qui excelleront dans l'art d'innover. Puisqu'il vient à l'avant-dernier rang des pays du G-7 pour ses investissements en recherche et développement, le Canada doit manifestement faire beaucoup plus. En fait, les plus importants gains de productivité dont nous bénéficions aujourd'hui, de même que les avantages économiques qui en découlent, sont le fruit de travaux de recherche effectués il y a des années, voire des décennies.
Ainsi, ce sont surtout les technologies de pointe les plus récentes qui alimentent l'économie des États-Unis, qui est la plus vigoureuse de la planète pour cette décennie. Toutefois, comme le démontrent de récentes études réalisées dans ce pays, la plupart des produits et des procédés nouveaux qui sous-tendent ces technologies de pointe sont le résultat de travaux de recherche fondamentale réalisés au cours des années 50, 60 et 70.
C'est pourquoi nous devons accélérer le soutien accordé aux recherches novatrices qui déboucheront sur les idées et les méthodes nouvelles qui alimenteront la croissance économique future du Canada. C'est pourquoi nous devons constamment mettre à jour nos installations de recherche et offrir à nos chercheurs les plus compétents et les plus brillants la possibilité de pousser plus loin leurs études et leurs travaux ici même au Canada.
Monsieur le président, c'est pourquoi, en 1997, nous avons mis sur pied la Fondation canadienne pour l'innovation qui, grâce à des partenariats, permettra à nos universités, à nos collèges et à nos hôpitaux d'acquérir pour plus de 3 milliards de dollars de nouvelles installations de recherche d'envergure internationale.
C'est pourquoi, en 1999, nous avons proposé de créer les Instituts canadiens de recherche en santé, qui vont grandement améliorer la gamme et la portée de nos recherches dans toutes les disciplines qui contribuent à la meilleure santé des Canadiens.
C'est pourquoi nous avons porté à un niveau sans précédent les budgets des conseils subventionnaires du gouvernement, lesquels accordent une aide financière aux chercheurs partout au Canada. Et c'est pourquoi le premier ministre a promis que l'on créera jusqu'à 2 000 nouvelles chaires de recherche dans les universités canadiennes, une aide financière qui permettra aux chercheurs de réputation internationale d'aujourd'hui et de demain de travailler au Canada et d'effectuer des travaux de recherche qui paieront des dividendes pendant des décennies.
[Traduction]
Il n'appartient pas uniquement aux gouvernements, aux scientifiques et aux ingénieurs canadiens de bâtir une économie innovatrice et concurrentielle pour le XXIe siècle. Comme le Conference Board le faisait remarquer dans une étude récente, la capacité des entreprises d'innover avec succès dépend de la qualité et du leadership de leurs dirigeants.
En fait, nous avons tous un rôle à jouer pour bâtir une économie capable d'innover et de soutenir la concurrence des plus grands de ce monde. Cela vaut pour les bailleurs de capital de risque qui avancent les fonds, les chercheurs qui formulent les idées nouvelles, les travailleurs qui transforment ces idées en produits et en services, les cadres et les gestionnaires qui dirigent le développement et la mise en marché de ces idées, de même que les gouvernements qui créent le climat approprié, le cadre social et économique approprié.
L'innovation n'est pas un phénomène spontané. Elle requiert des investissements. Elle requiert des travaux de recherche fondamentale, une infrastructure et de l'imagination. Elle requiert des méthodes de gestion créatrices. Elle requiert des changements en profondeur dans notre façon d'aborder l'économie, et ces changements doivent également faire partie du débat national.
L'innovation est le fondement de la nouvelle richesse des nations mais si nous voulons devenir une nation qui excelle dans l'art d'innover, nous devons également devenir une nation qui excelle dans le domaine du savoir, c'est-à-dire dans l'acquisition des compétences et des connaissances. Ce sont là les matières premières de l'économie moderne et notre défi consiste à les transformer en un produit fini qui se traduit en possibilités pour tous.
Les compétences permettent aux Canadiens de s'adapter à un monde qui évolue constamment et de façon imprévisible. Elles sont la clé qui donne accès à des revenus plus élevés. Elles sont au coeur d'une meilleure qualité de vie. Et, plus que jamais dans l'économie moderne d'aujourd'hui, elles constituent la meilleure façon d'englober plus de gens dans le courant de la société, de renforcer la classe moyenne et d'aplanir les différences entre les riches et les pauvres. En vérité, de solides compétences sont des mailles importantes du filet de sécurité sociale de demain. Ces compétences sont le gage à la fois de la croissance économique et d'une société saine.
À l'automne de 1997, mon exposé devant ce comité portait largement sur cette question et au budget de 1998—quatre mois plus tard—l'accès au savoir était notre grande priorité de l'après- déficit. C'est là que nous avons lancé la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, un plan en sept volets conçu pour faciliter l'accès de tous les Canadiens aux compétences, à la formation et aux études supérieures.
Grâce à cette stratégie, les étudiants de niveau postsecondaire bénéficient maintenant d'une aide substantielle du gouvernement du Canada pour financer leurs études. On distribuera 100 000 bourses au cours de chacune des dix prochaines années, et les étudiants profitent d'une aide fiscale accrue au titre des frais de scolarité et de subsistance, ainsi que d'un soutien pour rembourser leur dette à la fin de leurs études, y compris un crédit d'impôt au titre des intérêts sur les prêts d'études.
De plus, comme l'avait annoncé le budget de 1998, le gouvernement a versé, dans le cadre du régime enregistré d'épargne-études, 500 millions de dollars dans les comptes enregistrés d'épargne-études d'enfants de partout au pays.
[Français]
Monsieur le président, permettez-moi d'en dire un peu plus sur les résultats de ce dernier volet de la stratégie. Dans le budget de 1998, nous avons annoncé la création de la subvention canadienne pour l'épargne-étude. Cette initiative axée sur l'avenir est conçue pour aider les familles à épargner en prévision des études postsecondaires de leurs enfants. La réponse des Canadiens et des Canadiennes a été renversante. Pendant les 25 premières années d'existence des régimes d'épargne-étude, les Canadiens y ont investi 2,5 milliards de dollars. Dans le court délai d'à peine 21 mois écoulé depuis le lancement de la subvention, cette épargne privée a doublé pour s'établir à 5 milliards de dollars. Grâce à cette subvention, les régimes d'épargne-étude représenteront bientôt pour les études ce que les REER représentent pour la retraite.
À notre avis, nous devons pousser plus loin la stratégie amorcée en 1998. Nous devons continuer d'aider les Canadiens à financer la poursuite de leurs études. Nous devons aussi les aider à accroître leur capacité d'apprendre.
Le savoir constitue le lien entre les ambitions du citoyen et le potentiel du pays. Il sert de point de convergence entre la politique sociale et la politique économique. Il offre la meilleure garantie d'un emploi bien rémunéré et de la sécurité individuelle. Toutefois, dans l'économie du savoir, l'apprentissage ne se fait plus uniquement à un certain âge ou à une certaine place.
Nous sommes, je pense, tous de cet avis. Ici, cependant, il nous faut reconnaître que l'effort en ce sens doit débuter dès le plus jeune âge. En fait, la capacité d'apprendre ne démarre pas à l'école. Elle dépend d'un environnement chaleureux et propice, dès la plus tendre enfance.
Le Dr Fraser Mustard écrivait récemment ce qui suit à ce propos:
-
La neurologie fournit de nouvelles preuves éloquentes que les
premières années de développement, depuis la conception jusqu'à
l'âge de six ans, et plus particulièrement les trois premières
années, constituent la période au cours de laquelle l'enfant
acquiert les compétences et la capacité d'adaptation qui influeront
sur son apprentissage, son comportement et sa santé tout au long de
sa vie.
Monsieur le président, nous devons accélérer la recherche de moyens pour permettre à nos enfants de prendre le meilleur départ possible dans la vie. L'un des meilleurs investissements que nous puissions faire consiste à aider les familles canadiennes à instaurer un climat propice au développement de leurs enfants.
En fait, les enfants capables d'apprendre deviennent des adultes capables de réussir. Cette réalité est l'une des raisons pour lesquelles nous avons consacré de nouvelles ressources au Programme d'action communautaire pour les enfants, au Programme d'aide préscolaire aux Autochtones et au Programme canadien de nutrition prénatale.
Cette réalité est également à l'origine du nouveau partenariat établi avec les provinces pour mettre sur pied le régime national de prestations pour enfants, par l'intermédiaire duquel le gouvernement fédéral consacre près de sept milliards de dollars par année à l'aide aux familles à revenu faible ou moyen. C'est pourquoi le premier ministre a annoncé que le gouvernement effectuera un troisième investissement de taille dans la Prestation nationale pour enfants d'ici juillet 2001. C'est également pourquoi il a annoncé que le gouvernement prolongera la période de versement des prestations de maternité et des prestations parentales en vertu de l'assurance-emploi.
[Français]
Monsieur le président, nous constatons partout au pays un très large consensus sur la nécessité de soutenir le revenu des familles, d'améliorer les services à l'enfance et, plus particulièrement, à la petite enfance. On reconnaît aussi l'importance pour les divers paliers de gouvernement de collaborer. Ce consensus se reflète dans le Programme d'action nationale pour les enfants que les ministres fédéraux et provinciaux ont lancé l'an dernier et qui a été l'objet d'un dialogue avec les Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Les prochains budgets nous donneront l'occasion de transformer ce programme en mesures concrètes. Cette obligation procède d'une réalité toute simple. Nous ne savons peut-être pas de quoi notre avenir sera fait, mais nous savons par qui elle le sera: nos enfants.
Monsieur le président, le cadre que nous proposons soulève un certain nombre d'enjeux et de questions dont les Canadiens doivent débattre. En plus de discuter du cadre lui-même, votre comité peut jouer un rôle de premier plan pour solliciter le point de vue des Canadiens et des Canadiennes, entre autres sur les questions suivantes.
En ce qui a trait aux particuliers, quels devraient être les taux de l'impôt sur le revenu? À combien devrait s'élever le montant de revenu exempt d'impôt? Où devraient se situer les seuils de revenu où s'appliquent les divers taux d'imposition? Quand pourrons-nous y arriver?
En ce qui a trait aux entreprises, quand devra s'amorcer l'allègement de leur fardeau fiscal?
En ce qui a trait à l'assurance-chômage, ou plutôt à l'assurance-emploi, à quel rythme conviendrait-il de réduire davantage les taux de cotisation, compte tenu des autres priorités?
En ce qui a trait à la recherche et au développement, comment le gouvernement pourrait-il encourager au maximum le secteur privé à investir davantage dans ce domaine qui est vital pour l'avenir de notre pays?
Enfin, en ce qui a trait aux compétences et au savoir, quelle serait la façon de garantir l'accès de tous à l'apprentissage permanent?
Monsieur le président, il y a de cela fort longtemps, les Canadiens ont fait un choix déterminant. Ils ont décidé qu'une économie forte et une société solidaire constituaient les deux faces d'une même médaille. C'est pourquoi, il y a deux ans, le gouvernement fédéral et les provinces ont pris des mesures pour garantir l'avenir du Régime de pensions du Canada; il sera là quand les gens en auront besoin. C'est pourquoi la majeure partie des investissements effectués depuis notre arrivée au pouvoir a été faite l'an dernier et a été consacrée aux soins de santé. La raison pour laquelle nous avons été en mesure de le faire tient au fait que nous avons tourné la page quant à la gestion des finances de notre pays.
[Français]
Monsieur le président, la raison pour laquelle nous avons été en mesure de réinvestir dans nos programmes sociaux tient au fait que nous avons tourné la page quant à la gestion des finances de notre pays. Je souligne ce dernier point dans le contexte des questions que je viens de poser car, à mesure que vous y répondrez, vous devrez garder à l'esprit la nécessité d'éviter les erreurs du passé, d'un passé où aucune priorité n'avait préséance sur les autres, où chaque problème suscitait un nouveau programme, où les interventions du gouvernement étaient trop nombreuses, ses promesses démesurées et son rendement loin des attentes créées, bref une époque à ne jamais revivre. Nous avons trop progressé, trop accompli pour revenir sur nos pas. En d'autres mots, un gouvernement ne doit agir que dans les domaines où il peut faire la différence. Après tout, le but n'est pas de dépenser l'excédent budgétaire. Il s'agit d'améliorer la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes.
[Traduction]
Cela dit, monsieur le président, quel objectif devrions-nous donc poursuivre? Tout simplement, être un chef de file mondial là où cela compte. Nous devons bâtir un pays où tous les Canadiens, jeunes et vieux, auront toutes les chances de réaliser leurs rêves, un pays qui sait non seulement conserver les talents les plus brillants, mais qui en attire de nouveaux de partout dans le monde.
Comment en arriver là? Une chose est sûre: la réussite dans l'économie moderne n'a rien à voir avec la chance. Elle exige de connaître les composantes d'une société forte, puis de les fabriquer par des partenariats et des investissements. Les économies en expansion trouvent aujourd'hui leurs racines dans la création d'un environnement qui est propice à la génération de nouvelles idées, à la transformation de ces idées en nouveaux produits et à la commercialisation de ces produits. Elles engendrent de nouvelles vagues d'innovation, pour ensuite donner à notre économie les outils nécessaires à sa croissance et offrir à tous les Canadiens les moyens de partager les bienfaits de cette croissance. Voilà le principal message de mon exposé économique.
[Français]
Monsieur le président, je crois qu'il y a lieu de soulever un autre point. Nous brassons des statistiques, des taux moyens d'expansion économique, des données quantitatives de toutes sortes dont la fiabilité est très variable. À part ces chiffres, nous établissons des comparaisons avec nos propres antécédents et avec d'autres pays pour ensuite décider si nous sommes des gagnants ou des perdants.
Eh bien, les statistiques peuvent aveugler tout autant qu'elles peuvent éclairer. En vérité, nos indicateurs économiques sont trop étroits pour nous raconter la pauvreté chez les enfants, la pollution de l'air que nous respirons ou de l'eau que nous buvons. Ils sont muets quant à la sûreté de nos communautés ou à la tragédie des sans-abri. Pourtant, ce sont là des questions fondamentales qui importent pour les Canadiens et les Canadiennes, car ce sont des questions fondamentales qui importent pour l'avenir de notre pays. Ces questions aussi doivent faire l'objet du débat.
[Traduction]
Monsieur le président, je conclurai mon exposé en disant qu'une nation n'est jamais statique, pas plus que les économies ou les gens. Procédant d'une série de valeurs essentielles, notre plus grande force consiste à être en mesure de trouver des nouvelles façons de relever les défis qui nous attendent. Nous ne devons pas laisser passer cette période d'innovation d'envergure planétaire sans rien faire. Nous devons saisir ces possibilités et les transformer en une longue suite de réalisations.
• 1550
Donc, soyons très précis: nous allons renforcer notre
économie, nous allons réduire les impôts et nous allons jeter les
nouvelles bases de la sécurité individuelle pour les personnes
âgées, les personnes handicapées et tous les Canadiens. Mais nous
ferons aussi beaucoup plus que cela. Nous allons forger une culture
de l'innovation, nous allons faire fond sur nos industries
traditionnelles et nous allons bâtir une société qui chérit ses
enfants comme nulle autre. À l'aube du XXIe siècle, voilà l'objet
de notre ambition. Voilà le Canada que nous cherchons à bâtir.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci bien pour vos commentaires et votre mise à jour financière.
Nous passons maintenant aux questions. Vous avez chacun cinq minutes.
Monsieur Manning.
M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Je parlerai le premier, si vous me le permettez, monsieur le président.
Monsieur le président, après les 25 pages de texte que le ministre a lues, nous sommes toujours confrontés à la réalité de la hausse des impôts, de l'accroissement considérable des dépenses et du blocage du revenu disponible aux niveaux de 1980, d'après les informations récentes. Le ministre nous a montré quelques tableaux et nous voudrions lui en montrer d'autres parce que nous estimons qu'un dialogue est important. Un monologue n'est pas constructif.
Monsieur le président, voici un tableau qui indique que le revenu disponible a en fait considérablement diminué depuis l'arrivée du gouvernement actuel. Il a baissé de 39 200 $ à 38 300 $. Par ailleurs, le montant des impôts par contribuable augmente.
Monsieur le président, nous avons également d'autres tableaux. Le pourcentage du revenu personnel absorbé par le gouvernement est passé de 22,2 p. 100 à près de 25 p. 100. Le ministre vient de dire que l'impôt sur le revenu des particuliers avait diminué de 10 p. 100. Les chiffres qui suivent ont été publiés par les services économiques de la banque TD, c'est-à-dire par un observateur impartial. Ils ont analysé les chiffres en toute impartialité et ont constaté que les recettes générées par les impôts et taxes payés par les particuliers augmentent, grâce aux politiques du gouvernement.
Le tableau suivant indique que les recettes fiscales fédérales par famille ont considérablement augmenté sous la direction du présent gouvernement et qu'elles atteignent 4 200 $. En fait, les Canadiens n'ont pas reçu leur part de cet accroissement considérable des recettes de l'État.
Enfin, le dernier tableau indique ce qui arrivera à la suite des énormes dépenses que compte faire le gouvernement, dépenses qui se chiffreront à 47 milliards de dollars. Il y a quelques minutes, le ministre nous a parlé d'excédents de 67 milliards de dollars au cours des prochaines années. Ces chiffres ne tiennent pas compte, à ce que je sache, de l'accroissement des dépenses législatives auxquelles il faut ajouter les dépenses de 47 milliards de dollars prévues dans un document du Cabinet qui a été rendu public l'autre jour. Par conséquent, il ne nous restera pratiquement rien de ces excédents.
Je voudrais savoir comment le ministre en arrive malgré tout à affirmer que les impôts diminuent et que nous avons les moyens de prévoir des dépenses supplémentaires de 47 milliards de dollars.
Le président: Monsieur le ministre.
M. Paul Martin: Les beaux tableaux ne sont malheureusement pas très convaincants. En fait, le revenu disponible des Canadiens... Je devrai compter sur ma mémoire. Le ministère des Finances m'a remis des notes mais je n'arrive pas à déchiffrer l'écriture. Je pense toutefois pouvoir me passer d'aide dans ce domaine.
En fait, au cours des 10 dernières années et même des 15 dernières années, le revenu disponible des Canadiens avait considérablement diminué; il avait été très durement touché par la récession de la fin des années 80 et du début des années 90. Par contre, depuis deux ans et demi ou trois ans, le revenu disponible des Canadiens après impôt a augmenté de 3 p. 100. Ces chiffres sont exacts.
Par ailleurs, vous avez parfaitement raison quand vous affirmez que les recettes fiscales ont en fait augmenté. Elles n'ont toutefois pas augmenté à cause d'une hausse des taux d'imposition mais plutôt en raison d'un accroissement marqué de l'activité économique et du fait qu'il y a maintenant un million et demi de travailleurs de plus au Canada qu'à notre arrivée.
• 1555
Si vous voulez les chiffres... Le tableau préparé par la TD
indique en fait que l'augmentation des recettes fiscales est due à
un regain d'activité économique. Voici les chiffres exacts. En
l'an 2000, les recettes générées par l'impôt sur le revenu des
particuliers, qui oscillent présentement entre 75 et 77 milliards
de dollars par an, auront baissé d'environ 7,5 milliards de dollars
par rapport au niveau qu'elles auraient atteint si nous n'avions
pas commencé à diminuer les impôts dans les budgets de 1997, 1998
et 1999. Ça représente une diminution de 10 p. 100.
Vous avez parlé des familles. Les impôts ont en fait diminué d'environ 16 p. 100 pour une famille de deux personnes. Ces familles paient environ 25 milliards de dollars d'impôts et la diminution est d'environ 16 p. 100. Voilà les chiffres exacts.
En ce qui concerne les excédents, vous faites erreur, puisqu'ils tiennent compte des prévisions normales concernant les dépenses législatives. Contrairement à certaines personnes qui ont recommandé de le faire, nous ne comptons pas financer les réductions d'impôt en diminuant le montant des pensions de vieillesse. Pas du tout. Les pensions de vieillesse et autres dépenses législatives augmenteront comme prévu. Nous en tenons compte dans le calcul de l'excédent budgétaire.
À propos de votre dernière réflexion, je signale que nous en avons déjà discuté. Je crois que vous savez qu'il est parfaitement logique de faire une évaluation du coût de tout projet de dépense, qu'il soit mis à exécution ou non. Ça fait partie du processus décisionnel et ce sont les chiffres que vous avez vus. Nous ne comptons toutefois pas dépenser une telle somme.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Manning.
M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Merci, monsieur le président. Je voudrais faire circuler une feuille. Le secrétaire pourrait-il s'en occuper? Pourrais-je en donner un exemplaire au ministre?
Les membres du présent comité, le ministre et le ministère ainsi que le Parlement devraient examiner la situation financière en se mettant dans la peau du contribuable pressuré au lieu d'adopter la perspective du ministère. Selon moi, le citoyen grevé d'impôts ne jugera pas la situation financière d'après nos documents ou nos exposés vidéo, aussi élaborés soient-ils. Il jugera la performance financière du gouvernement fédéral en fonction de ses retombées sur sa paye et sur le compte en banque familial.
Ce modeste morceau de papier m'a été remis par un contribuable. Vous remarquerez qu'il n'est pas aussi élaboré que le document du ministère. Je suis allé à Saskatoon il y a deux semaines. J'ai fait une halte dans une cafétéria et j'ai eu une conversation avec un monteur de machines d'une usine de transformation de produits forestiers de cette région. Nous avons abordé le sujet des impôts et voici ce qu'il m'a dit à ce propos: «Je vais vous dire quelque chose au sujet des impôts. Laissez-moi vous montrer mon talon de chèque de paye.» Voici le morceau de papier qu'il m'a remis.
Je signale aux membres du comité et au ministre qu'il s'agit d'un monteur de machines. J'ai pris note de son nom et de celui de l'entreprise pour laquelle il travaille. Le fait qu'ils étaient inscrits sur le morceau de papier qu'il m'a remis ne semblait pas le préoccuper. Remarquez que pendant cette période de paye, cet ouvrier avait travaillé 40 heures et fait 20 heures de temps supplémentaire. Le premier chiffre encerclé représente ses gains bruts, qui s'élevaient à 2 000 $ mais, comme vous pouvez le voir plus bas sur le talon, ses gains nets étaient d'environ 1 000 $.
Autrement dit, les retenues, qui représentent en grosse partie l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales, sont supérieures à son salaire net. Est-ce que tout le monde comprend bien? Il s'agit d'un contribuable ordinaire. Son revenu disponible a été réduit de plus de moitié rien que par l'impôt sur le revenu et les cotisations sociales.
Or, il s'agit d'un salarié moyen. Il ne peut pas engager une flopée de comptables et d'avocats pour essayer de régler son problème. Il ne peut pas faire immatriculer son camion léger dans un pays qui est un refuge fiscal pour que ses avoirs soient soumis à un régime fiscal plus avantageux. Le comble, c'est qu'il doit payer des taxes quand il achète de l'essence, alors qu'il ne touche que la moitié de ce qu'il a gagné. Quand il va au magasin, il doit payer des taxes sur ses achats. Par conséquent, il lui reste moins de la moitié de son salaire brut. J'entends la même rengaine chaque fois que je vais dans une usine, un bureau, une fabrique ou que j'assiste à une réunion syndicale et que je demande à quelqu'un de me montrer son talon de chèque de paye.
• 1600
Que répond le ministre à ce travailleur? Il voudrait un
allégement réel de son fardeau fiscal et une hausse réelle de son
revenu disponible que ne lui ont apporté aucune des mesures prises
par le gouvernement au cours des deux dernières années. À mon avis,
votre document ne renferme aucune mesure concrète pour lui.
M. Paul Martin: Monsieur Manning, j'ai deux observations à faire.
D'une part, je ne suis évidemment pas en mesure de parler des cotisations professionnelles, des fonds de construction ni des cotisations syndicales ou autres charges analogues. Je ne nie pas non plus que nous voulons réduire le fardeau fiscal des particuliers au Canada. Nous voulons continuer de le faire. Je viens de le dire très clairement. C'est notre objectif. Je vous assure que nous diminuerons les impôts et les taxes et ce, précisément pour que ce monteur de machines de la Saskatchewan et tous les travailleurs puissent toucher un revenu net d'impôt de plus en plus élevé.
D'autre part, je crois qu'il faut tenir compte du fait qu'avant notre arrivée au pouvoir, ce travailleur payait une surtaxe de 3 p. 100, qui a été supprimée. Le seuil en dessous duquel personne ne paie d'impôt—qui s'applique aussi à cet ouvrier—a été augmenté de 675 $. En outre, si cette personne a des enfants, ils ont peut-être profité de l'augmentation assez substantielle des prestations fiscales pour enfants que nous avons accordée depuis notre arrivée et qui représente une dépense de près de deux milliards de dollars. L'augmentation des prestations fiscales pour enfants et le relèvement du seuil en deçà duquel on ne paie pas d'impôt ne paraissent pas sur ce talon. Comme vous êtes une personne juste, c'est un fait que vous reconnaîtrez certainement.
M. Preston Manning: Oui, mais je vous ai demandé également...
M. Paul Martin: J'ai autre chose à ajouter, monsieur Manning. Quand vous parlez d'impôts et de taxes, vous omettez toujours de dire qu'ils servent à financer les services. Nous allons réduire les impôts. Nous avons déjà commencé à le faire et nous continuerons. Par contre, monsieur Manning, nous ne le ferons pas au détriment des soins de santé. Nous ne le ferons pas au détriment des enfants. Nous ne le ferons pas au détriment de l'éducation.
La personne dont vous avez parlé, si elle a une famille, veut bénéficier de soins médicaux convenables, elle veut que ses enfants reçoivent une éducation convenable et obtenir des services adéquats. La fourniture de tels services est précisément une des responsabilités des pouvoirs publics.
Des voix: Bravo!
M. Preston Manning: Ce que j'allais dire...
Le président: Il ne vous reste plus de temps.
Monsieur Gallaway, puis M. Fontana.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Monsieur le ministre, vous avez beaucoup parlé des enfants. Je suis certain que personnes dans cette pièce ne s'oppose à ce que l'on se soucie du sort des enfants. Vous avez parlé d'éducation et aussi de soins de santé.
Je m'interroge quant au programme d'action pour les enfants. Comptez-vous réaliser vos projets concernant les enfants par le biais du régime fiscal, de crédits d'impôt ou d'allégements fiscaux ou comptez-vous au contraire créer de nouveaux programmes?
M. Paul Martin: Je crois que c'est une combinaison des deux. Par exemple, pour de nombreuses familles, c'est-à-dire pour les familles à très faible revenu et pour les nombreuses familles monoparentales qui ont absolument besoin des services communautaires, les crédits d'impôt ne sont pas une solution efficace. Il est à mon sens très important que les pouvoirs publics, à tous les échelons, collaborent avec ces services communautaires. Voilà donc un domaine où je pense que les gouvernements ont la responsabilité d'agir.
Par contre, il ne fait aucun doute non plus qu'il convient d'intervenir dans un certain nombre de secteurs par le biais de la Loi de l'impôt. Comme vous le savez, plusieurs d'entre nous ont signalé que cette loi ne tient pas suffisamment compte des frais d'éducation des enfants et qu'il faut améliorer la situation à cet égard.
Monsieur Gallaway, nous comptons intervenir à ces deux niveaux à la fois.
M. Roger Gallaway: Nous sommes à London. London est à la fois un centre régional et un centre national reconnu en matière de santé—en ce qui concerne la recherche dans ce domaine et la fourniture des soins—et en matière d'éducation. Vous avez parlé d'innovation, de recherche et vous avez dit que l'on peut transformer des institutions comme l'université Western Ontario en centre d'excellence.
• 1605
Il y a toutefois un problème plus fondamental qui se pose.
Dans cette province, les frais de scolarité ont augmenté de
100 p. 100 au cours des sept dernières années. Une étude récente
préparée par les facultés de médecine de cette province indique que
dans la promotion de l'an 2000, 40 p. 100 des futurs médecins
viennent de familles dont le revenu global n'atteint pas 60 000 $.
C'est pour la promotion de l'an 2000. En ce qui concerne celle
de 2002, la proportion n'est plus que de 27 p. 100, ce qui révèle
un changement dans l'accès à l'éducation supérieure.
Cette différence indique que, malgré le concept du régime enregistré d'épargne-études, qui constitue un excellent outil pour l'avenir, un certain nombre de jeunes appartenant à des familles à faible revenu n'arrivent pas à s'inscrire en médecine parce que les frais de scolarité s'élèvent à 15 000 $ et que les prêts étudiants sont établis en fonction de frais de scolarité de l'ordre de 4 000 $. Dans cette province, on ne peut pas faire des études universitaires pour 4 000 $.
Qu'avez-vous à dire alors à vos homologues provinciaux au sujet de paiements de transfert pour l'enseignement postsecondaire? Qu'avez-vous à leur annoncer ou que comptez-vous faire pour eux?
M. Paul Martin: Je trouve votre question très pertinente. D'après certaines études effectuées il y a un peu plus d'un an, il existe une corrélation regrettable entre l'accès à l'enseignement postsecondaire et le revenu familial. Si l'on veut uniformiser les règles du jeu et accorder des chances égales à toutes les générations, on ne peut évidemment pas tolérer ce genre de situation.
C'est pourquoi le gouvernement fédéral a énoncé dans son premier budget postdéficitaire un plan en sept points visant à aider les étudiants à affronter le problème de la hausse des frais de scolarité et de l'augmentation des prêts étudiants qui en résulte—étant donné que nous ne sommes pas en mesure d'intervenir directement puisque les frais de scolarité relèvent de la compétence des provinces. C'est également la raison pour laquelle nous tenons tellement à aider les universités à financer leur recherche-développement et nous créons les 2 000 nouvelles chaires pour les aider à attirer les enseignants les plus compétents et les plus brillants.
La nécessité d'une collaboration étroite entre tous les paliers de gouvernement pour rendre l'éducation postsecondaire accessible aux étudiants à faible revenu est bien entendu un objectif national important.
M. Roger Gallaway: Ma dernière question a trait aux sondages qui ont été faits à l'échelle nationale et à ceux qui ont été faits pour le compte de votre ministère—je suis au courant, puisque je les ai vus. Ces sondages indiquent que, dans une perspective fédérale, les Canadiens—et l'on est généralement d'accord sur ce point—s'intéressent aux soins de santé, à l'enseignement postsecondaire et aux réductions d'impôt.
Comme je l'ai dit, tout le monde est d'accord en ce qui concerne les enfants. Il est difficile d'être opposé aux mesures destinées à aider les enfants mais, étant donné la faible priorité accordée à un programme d'action pour les enfants, pourquoi financez-vous des programmes de sociologie appliquée au lieu de parler de réductions d'impôt. Vous en parlez certes, mais j'estime que l'engagement que vous prenez de consacrer d'une part la moitié de l'excédent aux dépenses à caractère social puis l'autre moitié au remboursement de la dette et aux réductions d'impôt ne doit pas nécessairement être statique puisque, comme vous l'avez signalé, un pays ou une économie ne sont pas statiques. On estime qu'il est important de s'occuper des enfants mais ce n'est apparemment pas une des premières priorités. Ça vient au troisième rang et c'est un peu vague.
Que comptez-vous répondre aux citoyens qui font remarquer que ce n'est que de la sociologie appliquée, s'inspirant de l'étude de Fraser Mustard? Tout cela relève du domaine des sciences sociales mais que comptez-vous dire à ces citoyens? Vous parlez de leur revenu disponible et de leurs priorités. Dès lors, pourquoi n'en tenez-vous pas compte? Pourquoi investissez-vous autant dans ce programme d'action pour les enfants?
M. Paul Martin: Je m'explique. Vous avez absolument raison de dire que les trois quarts de nos nouvelles dépenses se cantonnent dans le secteur des soins de santé et de l'éducation. Ce que je veux dire, c'est qu'en matière d'éducation, il faut adopter une perspective beaucoup plus large qu'autrefois. La préparation à l'apprentissage et la préparation des étudiants à l'éducation font partie de l'éducation parce que certaines études indiquent qu'en fait, mieux un enfant est préparé avant l'âge de six ans, avant l'âge scolaire officiel—dès la naissance en fait—, plus il sera en mesure d'assimiler cet enseignement supérieur. Par conséquent, ça fait partie d'un tout.
• 1610
Votre remarque principale est toutefois très pertinente. Je
répète ce que j'ai dit dans mon discours. La réduction des impôts
n'est pas une option pour la plupart d'entre nous. Ce n'est pas une
mesure ponctuelle. La liste des projets de dépenses est longue.
C'est un processus parallèle. Nous comptons investir dans ce qui
sera essentiel pour le Canada au cours du prochain millénaire et
nous comptons réduire les impôts avec autant de détermination qu'en
ce qui concerne la suppression du déficit. C'est un processus
parallèle et nous réussirons.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Monsieur Fontana.
M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je remercie le ministre ainsi que mes collègues d'être venus à London. Soyez les bienvenus. Certaines personnes pensent que Toronto est le centre de l'univers; pour ma part, je me plais à croire que c'est London, avec ses excellents hôpitaux et services médicaux et éducatifs—après la Saskatchewan, bien entendu, Lorne.
Je suis également heureux de revoir M. Manning à London. Je sais qu'il a décidé de choisir London à deux reprises, parce que c'est une excellente ville-test.
Monsieur Manning, c'est ici que vous avez lancé le programme Nouveau départ en 1997, qui n'a mené à rien.
Des voix: Oh, oh!
M. Joe Fontana: Vous êtes revenu avec l'Alternative unie il y a environ un an, qui n'a mené à rien non plus. Aussi, je tiens à vous remercier d'être revenu dans une bonne ville qui a la tête sur les épaules.
Des voix: Bravo!
M. Joe Fontana: Je voudrais faire deux ou trois commentaires.
London a fait la preuve de sa capacité d'innover. Je voudrais parler du troisième volet de votre stratégie en quatre volets qui a pour but d'engendrer cette économie innovatrice. Grâce à nos installations de recherche, à l'université, au collège et aux diverses entreprises biotechnologiques, nous avons démontré que si le gouvernement peut intervenir, comme vous l'avez annoncé, dans le domaine de la recherche fondamentale, nous pouvons créer des emplois à partir de cette recherche, à condition d'avoir des investisseurs et des capitaux. Les 1,6 million d'emplois qui ont été créés dans notre pays ont été créés pour la plupart par la petite entreprise.
Nous avons toutefois un handicap, et je pense que vous en avez entendu parler; vous êtes venu souvent ici. Nous avons un gros handicap. Nous sommes les plus grands inventeurs du Canada mais nous n'arrivons pas à commercialiser nos inventions et par conséquent à créer les richesses et les emplois nécessaires à cause d'un chaînon manquant. Le capital est en effet un facteur très important, mais des stimulants fiscaux seront nécessaires pour que cette innovation puisse donner naissance à des entreprises qui créeront des emplois pour les jeunes que nous formons.
Par conséquent, que peut-on faire pour que le troisième volet de votre stratégie soit efficace? Offrir davantage de stimulants fiscaux à la recherche et développement? Offrir davantage de stimulants fiscaux aux investisseurs pour leur permettre d'investir dans les entreprises biotechnologiques qui créeront ces emplois? Vous avez signalé qu'aux États-Unis, les dépenses en recherche-développement équivalent à 80 $ par habitant alors qu'au Canada, elles ne représentent que 9 $ par habitant. Je me demande si vous pourriez faire des commentaires sur l'influence de la R-D sur le plan économique.
M. Paul Martin: Étant donné que je représente Montréal au Parlement, je ne me permettrais pas de discuter de l'emplacement du centre de l'Ontario mais je vous recommanderais à tous de visiter Windsor également.
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Martin: La question que vous avez posée est très importante et ma réponse comprendra deux volets.
Le comité doit essayer de trouver une formule pour intensifier la recherche-développement au Canada. En fait, nous sommes le pays industrialisé qui offre les stimulants les plus généreux alors que nous faisons pâle figure parmi les pays membres du G-7 en matière de R-D. Est-ce en raison du nombre élevé de succursales d'entreprises étrangères que compte le Canada? Y a-t-il d'autres causes? Le comité devrait examiner la question.
J'ajouterais que bien des experts dans ce domaine ont indiqué qu'il conviendrait également d'examiner de très près notre aptitude à gérer les nouvelles technologies, notre aptitude à gérer et à évaluer les risques ainsi que notre structure financière en matière de mobilisation de capitaux.
• 1615
La question que vous avez posée est d'une importance cruciale,
Joe. Nous avons fait maintes fois la preuve—et cette ville en est
un exemple classique—des ressources intellectuelles que nous
pouvons mobiliser dans de nombreux secteurs de la nouvelle
économie. Nous possédons les incubateurs. En fait, plusieurs
d'entre eux se trouvent au sein des hôpitaux et des universités de
cette ville ou d'autres régions du pays. Pourtant, nous ne faisons
pas la percée que nous devrions faire dans la nouvelle économie.
J'espère que c'est une question que vous examinerez.
M. Joe Fontana: Monsieur le ministre, vous aviez invité les Canadiens et mes collègues Sue Barnes, Pat O'Brien et Gar Knutson—qui ne pouvaient malheureusement pas venir aujourd'hui parce qu'ils président diverses séances—à une séance de consultation prébudgétaire à London et vous aviez invité les habitants de la région à faire des commentaires. Je pense qu'il est exact de dire que l'approche équilibrée est celle que les habitants de cette ville ont proposée: la réduction de la dette est absolument essentielle, les réductions d'impôt sont une priorité et des dépenses stratégiques dans le domaine économique et social sont également très importantes, surtout dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la recherche-développement et dans quelques autres secteurs.
Je me demande si vous pourriez faire des commentaires en ce qui concerne les réductions d'impôt. À une certaine époque, il y avait 11 tranches d'imposition au Canada alors qu'il n'y en plus que trois. Un contribuable qui gagne près de 29 000 $ paie 17 p. 100 d'impôt fédéral sur le revenu mais si son revenu augmente à 29 501 $, il passe automatiquement de la tranche d'imposition de 17 p. 100 à celle de 26 p. 100.
Si l'on veut aider les familles et les enfants, surtout les familles à revenu moyen et à faible revenu, n'y aurait-il pas moyen de relever ces seuils de revenu ou de réduire la tranche d'imposition de 17 p. 100? Faudrait-il plutôt créer des tranches d'imposition supplémentaires, de 19 p. 100 ou 21 p. 100, puis de 27 p. 100 ou 28 p. 100, par exemple, pour rendre le système plus progressif et plus équitable?
M. Paul Martin: Ces suggestions ont déjà été faites. On nous a notamment suggéré d'abaisser la tranche d'imposition médiane, ou de relever le seuil ou encore de créer une quatrième tranche d'imposition. Je ne tiens pas à porter de jugement d'avance sur vos travaux. J'aimerais beaucoup que votre comité nous fasse des recommandations à ce sujet.
Chose certaine, nous allons réduire les impôts personnels. Nous ne savons pas encore quel mécanisme nous utiliserons; c'est pourquoi je souhaite vivement que vous examiniez notamment cette question.
Le président: Merci, monsieur Fontana.
Monsieur Nystrom.
L'honorable Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci bien, monsieur le président.
Je voudrais poser trois types de questions au ministre mais je signale d'abord que je suis très heureux que l'on tienne un débat national sur ce que l'on fera du dividende financier ou de l'excédent. Il faudra répartir soigneusement les dépenses entre divers secteurs. Nous avons besoin de fonds pour les urgences; nous avons besoin de fonds à réinvestir dans nos programmes sociaux dans lesquels on a fait des coupes sombres il y a quelques années; nous avons besoin de fonds à investir dans l'éducation et nous avons également besoin de réductions d'impôt progressives et ciblées.
Cet exposé financier ne nous apprend probablement pas grand-chose qui n'ait déjà été divulgué. Je suppose que vous serez considéré comme le ministre des Finances canadien dont les discours auront fait le plus l'objet de fuites. Au moins, les fuites ont été soigneusement réparties entre le National Post et le Globe and Mail.
Quoi qu'il en soit, je parlerai d'abord du problème des impôts qui a déjà été traité par M. Manning, mais en l'abordant sous un angle légèrement différent. En 1993, dans un livre rouge dont vous étiez le coauteur, vous avez dit textuellement ceci: «Nous substituerons à la TPS un dispositif qui produira des recettes tout aussi élevées, qui sera plus juste à l'égard des consommateurs et des petites entreprises...».
Quand il est devenu premier ministre, votre chef—ce n'est pas que je pense que vous puissiez ne pas être d'accord avec M. Chrétien—a fait la déclaration suivante à la Chambre des communes, le 2 mai 1994, à propos de la TPS: «Nous la détestons et nous la supprimerons». C'est la promesse qu'avait faite le premier ministre.
Vous ne parlez plus de la TPS même si la firme Earnscliffe a fait au cours de l'été un sondage indiquant que de toutes les options fiscales, une réduction de la TPS avait la préférence de 55 p. 100 des Canadiens. Ce changement ou cette réduction est l'option fiscale préférée des Canadiens.
Pouvez-vous confirmer officiellement que vous n'avez plus l'intention de tenir la promesse que vous avez faite en 1993, que le premier ministre a induit les Canadiens en erreur et qu'il n'a plus l'intention de tenir la promesse de supprimer la TPS qu'il a faite en 1994? Je suis certain que vous n'êtes jamais en désaccord avec le premier ministre, monsieur Martin, mais vous pourriez peut-être confirmer que le gouvernement ne tiendra pas cette promesse.
Des voix: Bravo!
M. Paul Martin: Nous avons dit clairement que la TPS serait remplacée par une autre taxe car il n'était pas possible de renoncer à des recettes de 18 milliards de dollars.
Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, ce comité a tenu des audiences nationales sur le remplacement de la TPS. La plupart des témoins ont dit que la TPS ne devait pas être remplacée, qu'elle était suffisamment ancrée dans la routine des petites et moyennes entreprises et qu'un tel changement leur causerait des perturbations énormes. Ils ont recommandé de maintenir la TPS telle quelle et c'est ce que nous avons fait.
Quand on voyage dans les diverses régions du pays, les représentants de PME nous disent que ce sont eux qui créent les emplois et qu'ils veulent qu'on maintienne la TPS telle quelle.
Nous avons décidé de la maintenir pour d'autres raisons également. Les charges sociales sont moins élevées au Canada qu'aux États-Unis et que dans la plupart des pays européens. Par contre, l'impôt sur le revenu des particuliers est plus élevé qu'aux États-Unis et que dans plusieurs pays européens. Par conséquent, j'estime qu'il est normal de réduire d'abord les taxes qui ont toujours été élevées ou qui sont plus élevées que dans d'autres pays. C'est la raison pour laquelle nous voulons réduire d'abord l'impôt sur le revenu des particuliers.
M. Lorne Nystrom: Étant donné que vous êtes ministre des Finances et que vous êtes un homme politique très digne de confiance, le fait que le premier ministre ait promis de supprimer la TPS et que, d'après un sondage fait par Earnscliffe, 55 p. 100 des Canadiens accordent la priorité à ce type de changement fiscal, ne vous met-il pas mal à l'aise?
Vous avez quelques amis qui travaillent pour Earnscliffe. C'est une firme très sérieuse. N'êtes-vous pas mal à l'aise de déclarer que vous oubliez la promesse faite par le Parti libéral du Canada?
Monsieur Martin, quand votre parti était dans l'opposition, vous ne cessiez de dire que la TPS était une taxe monstrueuse, injuste et catastrophique et que vous la supprimeriez, que vous la remplaceriez et que vous vous en débarrasseriez à tout jamais. Vous avez employé tous les termes et adjectifs possibles et imaginables. Cette promesse est maintenant définitivement mise au rancart, si j'ai bien compris.
M. Paul Martin: Premièrement, le Comité des finances de la Chambre des communes a tenu des audiences nationales et les représentants des petites entreprises ont recommandé de ne pas la supprimer. Deuxièmement, l'impôt sur le revenu des particuliers est trop élevé.
Monsieur Nystrom, un gouvernement est malheureusement confronté à certains choix, ce qui n'est pas toujours le cas quand on est dans l'opposition. On doit faire des choix parce que les fonds dont on dispose sont limités. Il faut établir des priorités et celles-ci indiquent que, compte tenu du fait que l'on ne dispose que de fonds limités, il est préférable de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, c'est que c'est la meilleure chose à faire. En fin de compte, je pense que l'on ne reproche jamais à quelqu'un d'avoir pris la bonne décision.
M. Lorne Nystrom: Bien. Dans ce cas, parlons de vos choix et de vos bonnes décisions.
Je connaissais déjà le contenu de votre mise à jour financière grâce au discours du Trône. Je sais que vous avez une réserve pour éventualités d'environ trois milliards de dollars pour les cas d'urgence.
La Saskatchewan et le Manitoba sont aux prises avec leur pire crise agricole depuis les années 30, et vous n'êtes bien entendu pas sans savoir que les premiers ministres Romanow et Doer sont venus à Ottawa la semaine dernière.
Dans ma province, les producteurs de céréales font actuellement du déficit et pourtant vous n'avez pas fait la moindre allusion à cette crise agricole dans le discours d'environ 45 minutes que vous avez fait aujourd'hui. Il passe complètement cette crise sous silence et le discours du Trône aussi.
Je me demande si vous pourriez nous expliquer pourquoi vous n'utilisez pas une partie de ce fonds de prévoyance pour aider les agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba, pour aider les producteurs céréaliers des Prairies. Je ne parle pas du programme ACRA, de l'argent qui était disponible l'année dernière. Je parle des 1,3 milliard de dollars qui ont été demandés par les premiers ministres du Manitoba et de la Saskatchewan. Pourquoi n'en avez-vous pas parlé? Pourquoi refusez-vous de les aider?
M. Paul Martin: Comme l'indiquent les chiffres que vous avez sous les yeux, monsieur Nystrom, le gouvernement a prévu 900 millions de dollars pour essayer de mettre fin à cette crise. Le premier ministre en a d'ailleurs parlé hier et le ministre de l'Agriculture l'avait déjà signalé. La gravité de cette situation ne fait aucun doute et il est évident qu'elle nous préoccupe beaucoup. Elle pose un grave problème à court terme et un problème à long terme que nous devons essayer de régler. Les deux paliers de gouvernement doivent essayer de le régler dans la mesure de leurs capacités.
Nous avons toutefois prévu 900 millions de dollars à cette fin. Le ministre de l'Agriculture est tout disposé à poursuivre ses réunions. Au bout du compte, il est capital que le pays reconnaisse que lorsqu'une région est en difficulté, il faut lui venir en aide; nous avons d'ailleurs toujours été en mesure d'aider les régions dans ces cas-là.
M. Lorne Nystrom: Voulez-vous dire que vous êtes prêts à débloquer des fonds supplémentaires? Je vous rappelle que c'est la pire crise depuis celle des années 30. Ce n'est pas de la faute des agriculteurs.
Monsieur le ministre, au Canada, les subventions aux producteurs céréaliers, et plus précisément aux producteurs de blé, se chiffrent à 9c. par dollar. Aux États-Unis, elles sont de 38c. par dollar et en Europe, de 55c. par dollar de revenu. C'est une des causes de la situation critique du revenu agricole. Ce problème de subventions ne se pose pas en ce qui concerne les producteurs laitiers ou les éleveurs de porcs; il concerne surtout les producteurs de blé canadiens. C'est précisément à cela que doit servir un fonds pour éventualités. Qu'est-ce qu'une situation de crise si celle-ci n'en est pas une? Pourquoi ne vous montreriez-vous pas plus généreux à leur égard?
M. Paul Martin: J'ai deux ou trois observations à faire à ce sujet. La première, c'est que vous avez parfaitement raison. D'ailleurs, le gouvernement a fait savoir clairement, aux négociations de l'OMC, qu'il allait adopter une position très dure à ce sujet. Les subventions agricoles européennes et américaines sont insensées. Le gouvernement canadien militera avec ferveur en faveur de la suppression de ces subventions.
Il y a une chose que j'avais complètement oubliée. Vous pourriez peut-être me rafraîchir la mémoire. Combien M. Romanow a-t-il promis de consacrer à la recherche d'une solution à la crise agricole?
M. Lorne Nystrom: Monsieur Martin, vous savez très bien que M. Romanow a déjà investi dans le programme ACRA. Il ne faut pas oublier qu'environ 40 p. 100 des producteurs céréaliers canadiens sont en Saskatchewan alors que la population de cette province ne représente que 3 ou 4 p. 100 de la population canadienne. Il est très injuste de l'obliger à partager les frais de ce programme dans les mêmes proportions que d'autres provinces, comme l'Alberta et l'Ontario, qui sont assez riches pour le faire et où le pourcentage d'agriculteurs est moins élevé.
Il ne faut pas oublier non plus qu'en Saskatchewan, les agriculteurs représentent un pourcentage élevé des contribuables et qu'ils sont en difficulté. Par conséquent, je trouve très injuste qu'on les oblige à partager les frais dans une proportion de 60 à 40 p. 100.
M. Paul Martin: Je dois reconnaître que ce n'est pas une demande déraisonnable. Je me demandais toutefois combien M. Romanow avait prévu. C'est effectivement une crise très grave. Ce n'est pas le moment pour les gouvernements de se quereller. Comme vous le savez, je suis allé sur place il y a une dizaine de jours. C'est une situation qui nous préoccupe tous au plus haut point.
M. Lorne Nystrom: Ma dernière question concerne les soins de santé en général.
Dans votre budget de 1995, vous aviez effectué des coupes sombres dans les paiements de transfert au chapitre des soins de santé. Malgré les fonds que vous avez réinvestis dans ce secteur dans votre dernier budget, les sommes restent inférieures à ce qu'elles auraient été si les investissements avaient été maintenus comme prévu au début des années 90.
Lorsque le système de soins de santé a été instauré au Canada, il s'agissait d'un programme dont les frais étaient partagés en deux parts à peu près égales entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Actuellement, je crois que la contribution du gouvernement fédéral n'est plus que de 12 ou 14 p. 100. Je me demande si vous seriez disposés à envisager d'investir beaucoup plus dans les soins de santé.
Nous sommes tous au courant des problèmes qui se posent dans ce secteur: longues listes d'attente, problèmes des salles d'urgence et fermetures d'hôpitaux dans toutes les régions. Malgré l'investissement que vous avez fait l'année dernière, ça représente toujours beaucoup moins que si vous n'aviez pas fait de compressions budgétaires dans ce secteur. Je trouve que vous êtes allés trop loin en 1995. Regrettez-vous votre décision? Envisagez- vous d'investir davantage dans ce secteur que l'année dernière?
M. Paul Martin: Vous savez très bien que l'investissement que nous avons fait dans ce secteur l'année dernière est le plus important depuis notre arrivée au pouvoir. Il se chiffrait à 3,5 milliards de dollars et il totalisera 11,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. C'est précisément pour les raisons que vous avez invoquées que nous avons fait cet investissement dans le secteur des soins de santé.
Je voudrais faire une petite rectification basée sur le cas de deux provinces seulement. Dans votre province, le gouvernement provincial avait déjà fermé 60 hôpitaux avant notre arrivée au pouvoir. La fermeture de ces hôpitaux ne peut donc nous être imputée de quelque façon que ce soit.
Dans le cas de l'Ontario, la réduction des paiements de transfert à la province était nettement inférieure aux réductions d'impôt sur le revenu instaurées par le gouvernement provincial. Je dirais même que la réduction des paiements de transfert effectués par le gouvernement fédéral au gouvernement provincial était inférieure aux compressions que le gouvernement provincial a effectuées dans les paiements de transfert aux municipalités.
Je ne pense pas que quiconque souhaite des tiraillements entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Tous les gouvernements se sont trouvés dans une situation très pénible. Certains gouvernements ont réagi d'une façon et d'autres ont réagi autrement. Ce qui est important en réalité, c'est que la situation financière générale se soit améliorée, que l'économie se soit assainie et que nous ayons tous la possibilité de travailler ensemble pour améliorer la condition des citoyens.
Le président: Merci, monsieur Nystrom.
Madame Leung.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre exposé très élaboré. Voilà déjà deux ans que vous le faites en Ontario; je crois qu'il serait temps que vous en fassiez un dans l'Ouest. Venez donc à Vancouver l'année prochaine.
Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il était important de faire davantage pour les diverses régions et localités. Que voulez-vous dire? Qu'allez-vous faire pour les provinces de l'Ouest? Allez-vous notamment aider la Colombie-Britannique à surmonter son déclin économique et notamment la récession actuelle? Comment comptez-vous renforcer ses secteurs industriels en déclin comme le secteur forestier, le secteur minier et celui de la pêche?
M. Paul Martin: On constate fort heureusement une certaine reprise dans le secteur forestier et dans le secteur minier. À propos d'investissement dans la nouvelle économie, je signale que malgré la profonde récession que connaît la Colombie-Britannique, on y a créé un nombre croissant d'emplois dans tous les secteurs de la nouvelle économie. Dans la plupart des cas, cela s'est fait dans le cadre d'activités subventionnées par le gouvernement fédéral.
Ainsi, la Fondation canadienne pour l'innovation a eu des répercussions très favorables sur les grandes universités de la Colombie-Britannique et elle a eu des retombées très bénéfiques en matière de développement économique.
L'expansion des échanges commerciaux avec la région Asie-Pacifique est une situation dont la Colombie-Britannique bénéficie directement. Il ne fait aucun doute que cette province a été touchée par le ralentissement économique qui a frappé la région Asie-Pacifique. Étant donné qu'une reprise économique s'amorce dans cette région, je suis convaincu que l'économie de la Colombie-Britannique reprendra vigueur. Cette province connaît divers problèmes politiques mais je vous laisserai le soin d'en parler.
Mme Sophia Leung: Merci.
Monsieur le ministre, vous avez signalé que le Canada arrivait autrefois à attirer de nombreuses entreprises et des investissements étrangers. Par contre, les investissements étrangers n'affluent pas dans l'Ouest à l'heure actuelle. C'est un fait connu. La plupart des investisseurs, surtout étrangers, évitent l'Ouest. Comment allez-vous faire pour régler ce problème? Allez-vous adopter des mesures incitatives visant à attirer davantage d'investisseurs dans ce marché mondial très concurrentiel?
M. Paul Martin: J'espère que ce comité—et je compte sur son président—aura des recommandations précises à nous faire, surtout dans le cadre des séances qu'il tiendra en Colombie-Britannique.
Je suis convaincu que des mesures incitatives ciblées peuvent être fructueuses, mais la meilleure formule pour améliorer le climat des affaires dans notre pays consiste à veiller à investir dans l'éducation, à appuyer la recherche fondamentale comme il se doit, à appuyer la nouvelle économie comme il se doit, à réduire les taux d'imposition et à être concurrentiels.
Si nous comprenons qu'il s'agit de processus parallèles et que, d'une part, nous ne réussirons pas dans l'économie moderne sans une éducation et des soins de santé de qualité—si la population ne bénéficie pas d'une bonne santé et d'un minimum d'assurance—et que, d'autre part, la portion des recettes totales que se réserve le gouvernement doit être concurrentielle et pas exagérée, bref si nous comprenons que ces deux conditions doivent être réunies, nous serons imbattables.
Le président: Merci, madame Leung.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre.
Je vous remercie pour les paroles encourageantes que vous avez eues à propos des familles et des enfants.
Je tenais également à vous signaler qu'à la suite de la discussion que vous avez eue avec M. Manning, j'ai rapidement vérifié les chiffres et M. Manning a parfaitement raison. Ce qu'il ne vous a toutefois pas dit, c'est que l'exemple typique qu'il vous a cité est celui d'une personne qui gagne 105 095 $ par an. Il considère ce genre de personne comme le travailleur canadien typique. Il est parfaitement exact que cette personne paie 40 p. 100 d'impôt sur le revenu, que les retenues légales sur sa paye sont de 6 p. 100 et que les cotisations syndicales ou autres types de cotisations représentent 4 p. 100 de son revenu, et que toutes ces retenues correspondent à la moitié de son revenu brut. Par conséquent, il a à la fois tort et raison.
M. Paul Martin: C'est ce que j'ai dit également.
Des voix: Oh, oh!
M. Paul Szabo: Je suppose que les réformistes n'ont pas tenu compte non plus de la prestation fiscale canadienne pour enfants dans le calcul des conséquences de l'impôt sur le revenu sur le revenu disponible, parce que le système a changé; cette prestation n'est plus reliée aux dispositions de la Loi de l'impôt.
Je n'ai pas l'intention de passer tout mon temps à énoncer tous les faits pour les réformistes; ils devront les découvrir par eux-mêmes.
• 1635
Monsieur le ministre, j'ai examiné le tableau ANDEX pour les
60 dernières années et j'ai constaté que le Canada a connu une
récession à la fin de chaque décennie. Les récessions se sont
produites avec la régularité d'un mouvement d'horloge: 1951, 1957,
1970, de 1980 à 1982 et de 1990 à 1992. Ce tableau indique que,
dans tous les cas, l'indicateur clé était une hausse de
l'inflation. Dès que le taux d'inflation commençait à augmenter et
qu'il atteignait un point culminant, le Canada entrait dans un
cycle de récession. À cet égard, je trouve que les mesures de
prudence que vous avez prévues dans le budget sont encourageantes.
La semaine dernière, Alan Greenspan, le président du U.S. Federal Reserve Board, a parlé de capacité de croissance. Il estime qu'aux États-Unis, il reste encore suffisamment de place pour que la croissance se poursuive sans pressions inflationnistes. Il y a encore place pour une certaine capacité de croissance. Par contre, l'année dernière, lorsqu'il est venu témoigner, le gouverneur de la Banque du Canada nous a fait part de ses craintes quant à la capacité de l'économie canadienne de poursuivre sa croissance sans subir de pressions inflationnistes.
Au cours des deux derniers trimestres, la croissance économique a été plus forte au Canada qu'aux États-Unis où l'inflation est demeurée relativement stable. Au Canada, on constate un très léger accroissement des pressions inflationnistes. En outre, quelques règlements salariaux risquent d'engendrer des pressions supplémentaires. Divers changements sectoriels risquent de provoquer un certain ralentissement économique. Ce doit être notamment le cas en ce qui concerne le secteur automobile, qui représente 30 p. 100 de notre économie.
Si j'en parle, c'est pour insister sur le fait que l'économie canadienne n'est pas inextricablement liée à l'économie américaine. Il serait intéressant d'entendre ce que vous avez à dire à ce sujet. Comment peut-on améliorer la productivité du Canada de façon à accroître sa capacité de croissance et à connaître une croissance économique durable sans l'inflation ou les pressions inflationnistes dont il est question dans votre exposé?
Enfin, je pense que les Canadiens vous seront reconnaissants de vous être engagés de façon prudente à instaurer un programme de réduction des impôts s'étalant sur plusieurs années. Monsieur le ministre, quand on s'engage à réduire les impôts, il est toutefois très difficile d'arrêter. Je crois qu'il faut se doter des mécanismes nécessaires pour faire face à un ralentissement économique. Voici ma question: estimez-vous que le comité devrait également examiner un plan de compression des dépenses s'étalant sur plusieurs années, qui ferait pendant à votre plan de réduction des impôts, afin de se doter des mécanismes ou des outils nécessaires—qu'ils soient d'ordre législatif, réglementaire ou autre—pour pouvoir faire face aux revirements de situation toujours possibles au Canada?
M. Paul Martin: Je pense que vos deux questions sont effectivement pertinentes. Je ne peux pas remonter 60 ans en arrière mais je me souviens de ce qui s'est passé dans les années 90, dans les années 80 et au début des années 70. Vous avez tout à fait raison. Ce n'est pas tellement l'inflation qui engendre une récession mais c'est plutôt le fait que les banques centrales interviennent inévitablement pour essayer de la juguler. Elles le font, bien entendu, en augmentant les taux d'intérêt. Lorsque l'inflation devient incontrôlable comme ce fut le cas à plusieurs reprises au cours des 20 ou 30 dernières années, la pression devient très grave et entraîne une récession. Je crois que votre analyse est parfaitement exacte et qu'elle démontre pourquoi il est très important que les banques centrales surveillent l'inflation de près.
Je trouve également que le commentaire que vous avez fait est absolument exact. Ce qui s'est passé, c'est que le Federal Reserve Board des États-Unis surveille les pressions inflationnistes et examine si la nouvelle économie n'a pas modifié quelque peu les conditions... Le fait que la nouvelle économie soit le moteur de toute cette croissance, au Canada comme aux États-Unis, est intéressant; cependant, les prix des produits de base de cette nouvelle économie ne cessent de diminuer. Par exemple, le prix des circuits intégrés ne cesse de baisser et entraîne une diminution générale des prix. Je crois que c'est ce qui a permis aux États-Unis de connaître cette longue période de croissance sans pressions inflationnistes, dont le Canada a profité également.
• 1640
Par conséquent, votre analyse est exacte. D'ailleurs,
plusieurs banques centrales, dont celle du Canada, ont démontré
leur capacité d'évaluer la situation; elles doivent constamment
faire appel à leur faculté de jugement.
En ce qui concerne votre deuxième question, vous avez parfaitement raison. Quand on réduit les impôts et les taxes, il faut que ces réductions soient permanentes. Nous ne tenons pas à réduire les taxes un jour pour les augmenter le lendemain. Nous voulons donner aux consommateurs et aux entreprises l'assurance qu'ils ne seront pas confrontés à de nouvelles hausses d'impôts ou de taxes.
Quand on veut prendre les initiatives que nous allons prendre en ce qui concerne les recettes, il faut aussi réduire les dépenses en conséquence. Je compte sur le président pour examiner votre suggestion; elle mérite assurément d'être étudiée.
Le président: Merci, monsieur Szabo.
Madame Guarnieri.
Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Avant que vous ne deveniez ministre des Finances, les gouvernements prenaient de plus en plus d'expansion pour exploiter toutes les ressources liquides disponibles. C'était pratiquement une loi physique. Si vous me permettez d'ajouter quelques mots à propos d'un sujet que Paul Szabo a déjà abordé, je dirais que votre examen des programmes de 1994 a modifié les habitudes des gouvernements à cet égard. Je suis sûre que tous mes collègues reconnaissent que si nous pouvons nous offrir le luxe de parler de la façon de dépenser l'excédent budgétaire, c'est grâce à ce changement de cap.
Puisque nous avons pu constater les avantages d'un examen sérieux des programmes et que certains programmes qui avaient cessé d'être efficaces ont cédé la place à de nouveaux programmes et à de nouvelles priorités, estimez-vous qu'il serait bon de faire actuellement un examen des programmes tout aussi sérieux, afin de trouver les fonds nécessaires pour financer les nouvelles priorités au lieu de compter uniquement sur l'excédent budgétaire?
M. Paul Martin: J'estime que les gouvernements ont à l'égard de leurs administrés la responsabilité de réexaminer constamment toutes leurs initiatives. J'estime que l'on devrait en évaluer les résultats de façon plus systématique. À propos des nouveaux programmes qui doivent être instaurés, on nous recommande généralement d'en évaluer les résultats au bout de trois ans par exemple, pour s'assurer qu'ils répondent bien aux attentes.
Je trouve par ailleurs que vous avez parfaitement raison et qu'il faut évaluer les résultats de façon à savoir si les programmes actuels répondent effectivement à nos attentes. Si ce n'est pas le cas, il faudrait se demander si ces programmes sont efficaces et s'il ne conviendrait pas de les modifier ou de les remplacer.
Si l'examen des programmes a été aussi efficace, c'est parce que le Cabinet et la fonction publique se sont serré les coudes pour mener cette tâche à bien. Le gouvernement souhaite ardemment que l'on fasse une évaluation plus sérieuse des résultats des nouveaux et des vieux programmes et que, contrairement à la dernière fois, cette évaluation soit continue. Elle doit faire partie intégrante des pratiques gouvernementales.
Mme Albina Guarnieri: J'en conclus que nous pouvons être assurés qu'il y aura davantage d'autocontrôle.
Ai-je le temps de poser rapidement une question, monsieur le président?
Vous avez fait une très brève allusion au nouveau Groupe des 20. Il est parfois difficile de faire la différence entre un groupe et un autre. Quels avantages pourraient présenter les travaux de ce groupe pour les Canadiens dans la vie courante?
M. Paul Martin: Je reviens au sujet abordé par Sophia, à savoir aux conséquences qu'a eues la crise asiatique en Colombie-Britannique.
La Colombie-Britannique a été très éprouvée. Les prix des denrées canadiennes, de la pâte à papier et des matières premières produites par l'industrie minière canadienne ont chuté à cause de la crise asiatique. Par conséquent, on peut en déduire que l'économie canadienne est une économie ouverte, c'est-à-dire qu'elle est tributaire de la santé de l'économie mondiale. Nous avons donc tout intérêt à ce que les rouages du système financier mondial soient bien huilés pour éviter des crises économiques aiguës qui, dans certaines régions du monde du moins, ont été en fait provoquées.
• 1645
La question est de savoir comment il faut faire pour que
l'économie mondiale soit saine. Le G-7 présente un énorme avantage.
Il regroupe sept pays dont l'économie est très importante et
compatible. Il permet par conséquent aux ministres des Finances de
ces pays de se réunir pour discuter et prendre des décisions
communes. Ce groupe n'est pas assujetti à une lourde bureaucratie
qui paralyse le processus décisionnel.
Le seul inconvénient est, bien entendu, qu'il ne regroupe que sept économies compatibles très importantes et que la plupart des économies émergentes—comme celle de la Chine, de l'Inde, du Brésil et de la Corée—n'en faisaient pas et n'en font toujours pas partie. C'est pourquoi l'on estime qu'il est nécessaire d'élargir ce groupe pour pouvoir réellement passer à l'action. Par contre, on ne veut pas que le nouveau groupe soit trop gros pour éviter d'être paralysés par les travaux courants.
Voilà pourquoi nous avons créé le G-20. J'estime que d'ici 25 ou 35 ans, la création du G-20 sera considérée comme une des étapes très importantes de la démarche entreprise par les gouvernements nationaux pour essayer de faire fonctionner les rouages du marché dans l'intérêt des citoyens. C'est le mobile principal. L'objectif n'est pas de servir l'intérêt des gouvernements. Il est de servir l'intérêt du pompier de Colombie-Britannique, de la secrétaire du nord de l'Ontario et de l'ouvrier d'usine de pâtes et papiers du Nouveau-Brunswick. L'objectif est de déterminer comment la mondialisation peut servir les intérêts des citoyens. Tel est l'objectif de ce groupe.
Mme Albina Guarnieri: Monsieur le président, comment le ministre des Finances s'adressera-t-il à la province l'année prochaine?
Le président: Je suis certain qu'il trouvera un moyen de le faire. Merci.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Nous sommes très impatients. Les conservateurs ont tendance à manquer de patience. Nous sommes toutefois très heureux que vous soyez là, monsieur Martin.
J'ai trouvé vos commentaires intéressants. C'est une étape très importante que nous franchissons grâce à notre excédent budgétaire. Il est toutefois très important de savoir à qui nous sommes redevables en premier lieu de cet excédent. En somme, c'est aux Canadiens, qui ont vu augmenter le degré d'imposition et ont vu leur revenu disponible personnel baisser de 8 p. 100 au cours des années 90, alors que celui des Américains augmentait de 10 p. 100, que nous devons cet exploit.
Quand on parle d'économie mondiale et plus particulièrement de notre situation concurrentielle par rapport aux États-Unis, il est très important d'examiner certains éléments fondamentaux. Aux États-Unis, les impôts et taxes absorbent 28 p. 100 du PIB alors qu'au Canada, c'est 40 p. 100. Aux États-Unis, les frais de service de la dette représentent 4 p. 100 du PIB alors qu'au Canada, ils en représentent 9 p. 100. Aux États-Unis, on consacre 3,3 p. 100 du PIB aux dépenses de défense alors qu'au Canada, ce n'est que 1,2 p. 100.
Tout à l'heure, vous avez eu l'air de dire qu'il fallait faire un choix entre les soins de santé et des réductions d'impôt. En fait, aux États-Unis, les dépenses dans le secteur de la santé absorbent 13 p. 100 du PIB, surtout en raison de l'inefficacité de leur système de paiement fondé sur des assurances. Au Canada, par contre, ces dépenses ne représentent que 9 p. 100 du PIB. Par conséquent, la comparaison est avantageuse pour le Canada.
Vous avez dit tout à l'heure que la réussite de l'économie américaine était due à un accroissement de la recherche fondamentale au cours des années 50. Je dirais plutôt que cette réussite est due en grande partie à deux des plus importantes réductions d'impôt qui soient dans les annales des États-Unis, la première ayant été effectuée au début des années 60 et la deuxième au cours des années 80. Ces deux réductions ont été faites sur les recommandations d'un Canadien, Robert Mundell.
Ma question est la suivante: pourquoi n'écoutez-vous pas les conseils d'un économiste canadien ou d'un Canadien expatrié, qui a reçu un prix Nobel il y a deux semaines pour ses travaux en économie? De toute évidence, votre approche équilibrée ne tient pas compte du déséquilibre profond qui existe entre le Canada et les États-Unis dans le domaine fiscal et au niveau de la dette.
M. Paul Martin: Monsieur Brison, il y a deux façons de répondre à votre question. L'une consiste à se lancer dans toutes sortes de considérations historiques, ce qui nous entraînerait dans des querelles partisanes et ne servirait à rien. Je ne pense pas que nous ayons l'un ou l'autre le désir de nous lancer dans de telles querelles, même si ça peut faire du bien à l'occasion.
M. Scott Brison: Ça m'amuse autant que vous, monsieur.
M. Paul Martin: Probablement pas autant.
M. Scott Brison: Je me réjouis toutefois de répondre à vos questions.
M. Paul Martin: Permettez-moi de répondre à votre question qui revient en fait à demander ce que nous allons faire. Il est indéniable que l'on peut se demander si les réductions d'impôt de l'administration Reagan ou de l'administration Kennedy ont été le moteur de cet accroissement de l'activité économique. Personnellement, j'en suis convaincu. Je ne pense pas qu'il soit possible pour un gouvernement de récupérer le manque à gagner dû à des réductions d'impôt mais il est indéniable qu'à court, à moyen et surtout à long terme, ces réductions aient un effet très stimulant sur l'économie ainsi qu'en matière de création d'emplois et qu'elles créent le climat de confiance nécessaire à l'esprit d'entreprise. Il ne fait aucun doute qu'elles permettent aux citoyens d'avoir beaucoup plus d'argent à leur disposition.
À propos des chiffres que j'ai cités, j'estime que la réduction d'impôt de 16 p. 100 pour une famille que nous appliquerons d'ici l'année prochaine nous donne matière à satisfaction et j'espère sincèrement que je pourrai ou qu'un autre ministre des Finances pourra envisager plus tard des réductions beaucoup plus fortes. Par conséquent, les bienfaits des réductions d'impôt sont absolument indéniables.
Le problème est toutefois le suivant. Un seul autre pays du G-7 a une dette supérieure à la nôtre par rapport à son PIB. Nous avons supprimé le déficit mais nous avons toujours une dette considérable. En ce qui concerne les taux d'intérêt, bien que nous soyons parvenus à en regagner la maîtrise dans une large mesure, aucun pays n'est à l'abri des événements qui se produisent à l'étranger. Par conséquent, vis-à-vis des marchés, nous sommes toujours dans une situation où il est nécessaire de comprendre les conséquences possibles d'un marché instable et d'un niveau d'endettement très élevé par rapport au PIB.
Le problème est que, à l'époque où nous sommes arrivés au pouvoir et depuis lors, il aurait suffi d'un rien pour que nos taux d'intérêt se mettent à grimper. Or, une hausse des taux d'intérêt annule complètement les effets de toute réduction d'impôt. Ce n'est pas deux fois ni trois fois mais cinq fois pire.
Par conséquent, quand on s'interroge sur l'opportunité de réduire les impôts, il faut se demander si une telle initiative ne risque pas de nous replonger dans une situation déficitaire ou ne compromet pas notre capacité de rembourser la dette et de réduire notre niveau d'endettement par rapport à notre PIB. C'est la première question qu'il faut se poser. Et même si le niveau d'endettement par rapport au PIB continue de diminuer, encore faut-il que ce soit à un rythme assez rapide pour éviter qu'une hausse des taux d'intérêt n'annihile nos efforts.
M. Scott Brison: Est-ce que...
M. Paul Martin: Sachez que je ne conteste pas vos affirmations; j'essaie d'expliquer le contexte dans lequel nous nous trouvons.
La deuxième considération est que, compte tenu de la nouvelle économie, des répercussions extrêmement bénéfiques de la recherche fondamentale et de l'éducation, et de la détérioration de notre réseau d'aqueduc—qui est néfaste pour l'environnement—et de notre réseau routier—qui joue un rôle très important sur le plan de la productivité—, il est absolument nécessaire d'atteindre un certain équilibre.
Par conséquent, la question n'est pas de savoir s'il convient de réduire les impôts. Il faut absolument les réduire. Les avantages d'une telle démarche sont indéniables. Par contre, nous devons nous assurer que notre situation financière est saine et que nous investissons bien dans les secteurs qui nous permettront d'asseoir les bases de cette nouvelle économie. C'est le genre d'équilibre qu'il faut atteindre.
M. Scott Brison: Il ne faut toutefois pas oublier que dans une nouvelle économie, on ne peut vivre isolé. Vous parlez de dette et d'impôts mais le niveau de nos dépenses publiques est très élevé en comparaison de celui de nos partenaires commerciaux, surtout des États-Unis. À ce propos, l'approche équilibrée que vous préconisez ne tient pas compte du fait que nos impôts et notre niveau d'endettement sont trop élevés par rapport aux autres pays.
Mon opinion et celle de mon parti est qu'il faudrait mettre l'accent sur ces deux priorités et établir un ordre de priorités dans les dépenses pour assurer avant tout la durabilité des programmes que les Canadiens apprécient déjà beaucoup. En principe, personne ne s'oppose à des investissements pour les enfants. Nous reconnaissons que c'est important. La question que les Canadiens doivent toutefois se poser, et qu'ils se posent d'ailleurs, est la suivante: avons-nous les moyens de financer un tel programme à long terme? Avons-nous les moyens de financer ces nouveaux programmes alors que la survie des programmes auxquels nous tenons déjà n'est nullement garantie, vu notre niveau d'endettement?
• 1655
Il suffirait d'une très légère fluctuation de la conjoncture
ou des taux d'intérêt pour que notre excédent budgétaire actuel
disparaisse, notre niveau d'endettement étant ce qu'il est.
Pourquoi ne nous attaquons-nous pas de façon plus résolue à la
dette et aux taxes?
M. Paul Martin: Il y a plusieurs façons de répondre à votre dernière question. Nous payons trop d'intérêts sur la dette nationale et nous n'avons pas le choix. Nous payons 42 milliards de dollars en intérêts. C'est la plus grosse dépense du gouvernement. C'est le double des dépenses que représentent les pensions de vieillesse. C'est un fardeau qui nous a été légué et nous devons le supporter.
Nos dépenses représentent actuellement 12,4 p. 100 du PIB, soit le niveau le plus bas depuis 50 ans. C'est dur à croire. Fait- on du gaspillage? Toute institution fait du gaspillage. Faudrait-il être plus efficace? Oui, il faut toujours s'efforcer de l'être. Nos dépenses ont toutefois atteint leur niveau le plus bas en 50 ans par rapport au PIB. Quand nous avons pris la relève, les dépenses de l'État se chiffraient à 120 milliards de dollars alors qu'elles sont actuellement de 112 milliards de dollars. Nous sommes dans une situation qui est étroitement liée à l'envergure de notre dette et à nos frais d'intérêts.
Par exemple, personne n'estime qu'il faille cesser de consacrer des fonds suffisants à la recherche et sauvetage. Je suis certain que vous ne nous demandez pas de le faire. Personne ne devrait nous reprocher de faire des dépenses suffisantes pour la GRC et pour ses nombreux programmes informatiques. Il y a tout un éventail de programmes que le gouvernement est obligé de financer si l'on veut que les citoyens se sentent en sécurité.
Je répète que c'est une question d'équilibre. En ce qui concerne presque tous les programmes concernant les enfants, le problème est que ce n'est pas seulement le coût dans l'immédiat qui importe. D'un point de vue strictement économique, il faut évaluer ce que l'inaction dans ce domaine nous coûterait dans sept ans par exemple. La plupart des études indiquent que chaque dollar investi dans ce genre de programme permet d'économiser sept fois plus après 10 ans. Pensez au déficit que nous laisserions si nous ne nous attaquions pas dès maintenant à ces problèmes.
Par conséquent, je vous dirais que nous ne pouvons pas intervenir de façon plus radicale parce que les intérêts nous coûtent trop cher. Nous devons réduire les impôts et c'est ce que nous ferons. Par contre, en ce qui concerne les programmes dans lesquels nous faisons des investissements, la question qui se pose n'est pas de savoir si nous en avons les moyens mais si nous pouvons nous offrir le luxe de nous en passer.
M. Scott Brison: Monsieur le président.
Le président: Une dernière question.
M. Scott Brison: Vous avez parlé de participation à une économie basée sur le savoir et des nouvelles réalités qui s'y rattachent. Une des réalités est que la réussite du pays dans ce genre d'environnement dépend de sa capacité d'attirer et de conserver des travailleurs très qualifiés et des personnes ayant les compétences nécessaires pour participer et prospérer dans ce milieu.
Au cours des dernières années, le nombre de Canadiens qui ont émigré aux États-Unis est passé de 19 000 à 86 000, je pense. La plupart d'entre eux sont le genre de personnes qu'il faudrait essayer d'attirer et de retenir au Canada. Ce sont des personnes qui ont une formation dans le secteur de la technologie de pointe et qui sont prêtes à être très productives dans ce milieu. L'impôt sur les sociétés est en partie responsable de cet exode. Les entreprises américaines peuvent mieux rémunérer leurs travailleurs grâce à leur régime fiscal. Le rapport Mintz contenait des recommandations à cet égard mais le gouvernement ne s'est jamais réellement attaqué à ce problème.
Sur le plan personnel, l'impôt sur les gains en capital a également une grande influence parce que les entreprises ont de plus en plus recours à l'octroi d'options d'achat d'actions pour rémunérer leurs employés. Le gouvernement compte-t-il s'attaquer au problème de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur les gains en capital? Ces deux types d'impôt touchent les travailleurs de tous les secteurs et surtout ceux du secteur de la technologie de pointe. Il faut retenir ces travailleurs au Canada si nous voulons réussir dans la nouvelle économie.
M. Paul Martin: Monsieur Brison, je voudrais que le comité fasse entre autres des recommandations en ce qui concerne les divers types d'impôts. Je me réjouis de savoir quelles sont ses opinions à ce sujet.
• 1700
Dans le genre de contexte dans lequel nous nous trouvons, les
travailleurs sont mobiles et on ne les empêchera pas de bouger. Il
est inévitable que certains Canadiens quittent le pays et que
d'autres personnes viennent s'établir au Canada. Il est à espérer
que ceux qui s'en vont acquerront de l'expérience et reviendront
ici.
Les raisons pour lesquelles on décide d'aller s'établir ailleurs sont nombreuses mais la principale est, bien entendu, les possibilités d'avenir. Si nous tenons à investir autant dans la recherche fondamentale, dans la recherche-développement et dans nos universités, c'est précisément pour offrir ce genre de possibilités aux Canadiens.
M. Scott Brison: Je voudrais faire une dernière observation.
Le président: D'accord.
M. Scott Brison: La différence fondamentale est que je pense que ces possibilités sont créées par le secteur privé. Je suis fermement convaincu que vous adhérez au modèle libéral des années 70 qui est fondé sur le principe que ces possibilités ne peuvent être créées que par des dépenses publiques. Nous sommes finalement d'accord quant au but à atteindre mais nous avons des divergences d'opinions marquées quant aux divers moyens à employer.
M. Paul Martin: Je crois effectivement que ces possibilités seront créées par le secteur privé. En fait, c'est la raison pour laquelle j'ai parlé de la perspective de l'entrepreneur dans mon exposé. Il faut toutefois comprendre que le secteur privé a besoin d'aide.
Je rappelle que, d'après ce qui se passe dans la nouvelle économie et d'après diverses études effectuées aux États-Unis, le secteur privé se chargera de la recherche appliquée et du développement des marchés. Par contre, si les gouvernements canadien ou américain ne se chargent pas de la recherche fondamentale, elle ne se fera pas dans la plupart des cas.
Un des problèmes des Américains, c'est que la recherche fondamentale ne se fait pas. Si cette tendance persiste, la source se tarira et l'économie américaine connaîtra un ralentissement d'ici une vingtaine d'années.
C'est encore une fois une question d'équilibre. Nous devons absolument réduire les impôts, c'est indéniable. Nous devons alléger la dette énorme dont nous avons hérité. Le gouvernement a la responsabilité non de sélectionner des champions—je tiens à le préciser—mais plutôt de fournir au secteur privé l'infrastructure de base dont il a besoin pour créer le type d'emplois souhaités par les deux parties.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Monsieur le ministre, j'ai une question à vous poser. Je vous remercie de nous avoir fait un schéma du type de débat que vous souhaitez. D'après ce que vous avez dit au sujet de l'impôt sur le revenu des particuliers, de l'assurance-emploi, de la recherche- développement, des compétences et du savoir, il ne fait aucun doute dans mon esprit, si je lis entre les lignes, qu'il s'agit d'un programme de croissance économique.
Un autre aspect de votre exposé que j'ai fort apprécié est que vous faites des prévisions pour une période de cinq ans. Ce qui est très intéressant pour nos travaux, c'est de constater que le gouvernement est décidé à utiliser la moitié de l'excédent pour réduire les impôts et la dette et l'autre moitié pour les investissements stratégiques et les dépenses dans le domaine économique et social. D'après la question que vous m'avez posée, je sens que vous voulez que ce débat soit aussi ouvert que possible. Vous voulez que les Canadiens donnent leur opinion sans être assujettis à quelque condition préalable que ce soit.
Comme président de ce comité, je connais évidemment cette formule de répartition de l'excédent en deux parts égales puisque nous l'examinons depuis deux ans. Étant donné que c'est la cinquième année que vous l'appliquez, soit plus que ce qui était prévu dans votre dernier mandat, puis-je en faire abstraction dans le cadre de ce débat?
M. Paul Martin: Nous espérons effectivement que ce débat soit aussi ouvert que possible. Nous espérons que des Canadiens des diverses régions du pays, des experts comme des profanes, donneront leur opinion.
Cette répartition en deux parts égales a un double but. C'est d'abord le symbole de l'approche équilibrée que nous estimons très importante. Cet engagement est pris dans le cadre du présent mandat; aussi, le gouvernement s'engage-t-il à faire une évaluation à la fin de ce mandat et à faire la preuve qu'il a suivi cette approche. Cet engagement s'inscrit toutefois dans le cadre du présent mandat. Les décisions qui seront prises ultérieurement seront des décisions stratégiques distinctes.
Le président: Pouvez-vous vous engager à tenir compte des questions qui ont été posées au sujet de l'examen des programmes, dont Mme Garnieri a parlé tout à l'heure, lorsque vos collègues du Cabinet vous feront part de leurs desiderata en matière de programmes?
M. Paul Martin: Je pense que ce sont de très bonnes questions. Comme je l'ai dit à Mme Garnieri, ce sont des questions très pertinentes qui peuvent s'appliquer en permanence aux nouveaux programmes et aux programmes en cours.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Manning.
M. Preston Manning: Merci, monsieur le président.
J'ai une autre question à poser au ministre mais j'aurais un commentaire à faire au sujet des calculs de M. Szabo, qui sont typiques des libéraux. Il a multiplié le revenu hebdomadaire du travailleur en question par 50 pour en arriver à ce chiffre de 100 000 $. De toute apparence, il n'a pas remarqué que cette semaine-là, le travailleur avait fait beaucoup de temps supplémentaire, ce qui n'arrive pas toutes les semaines. On ne peut donc multiplier le montant de ce chèque de paye par 50.
M. Paul Szabo: L'impôt est basé sur le revenu annuel projeté.
M. Preston Manning: Je signale aux contremaîtres ou aux monteurs de machines qu'un membre de ce comité, un libéral, pense que les monteurs de machines gagnent plus de 100 000 $ par an et je les encourage à faire des rectifications parce que ça améliorerait l'opinion qu'on peut se faire du comité.
À propos de ma question, j'ai demandé ce que le ministre dirait à ce travailleur qui estime se faire arnaquer par le fisc parce qu'il ne touche en fait que la moitié de ce qu'il pensait avoir gagné. Il importe que la réponse du ministre soit claire parce que nous comptons demander à des milliers de travailleurs—nous comptons visiter des usines et des bureaux au cours de la prochaine année—de nous montrer leur chèque de paye étant donné que c'est un excellent moyen de vérifier si le fardeau fiscal des Canadiens a été allégé.
Je tiens à ce que la réponse du ministre soit claire parce que j'ai l'intention de la communiquer aux travailleurs ou employés que je compte rencontrer pour vérifier auprès d'eux s'ils paient effectivement moins d'impôt qu'avant et s'ils reçoivent tous les services qui sont censés être financés par les retenues sur leur paye.
C'est bien entendu une réponse politique typique. Les travailleurs ne sont pas stupides. Quand je leur parle, je leur pose toujours une deuxième question après leur avoir demandé de me montrer leur chèque de paye. Je leur demande toujours s'ils ont l'impression d'être plus riches qu'il y a cinq ans.
La réponse est généralement négative. Les travailleurs ont l'impression que leur fardeau fiscal total est plus lourd qu'il y a cinq ans du fait que leur revenu disponible diminue.
Vous pouvez imaginer ce que ce monteur de machines—qui est de votre province, Lorne—répondrait si on lui faisait remarquer qu'il reçoit toutes sortes de services.
Le ministre ose-t-il prétendre que ce travailleur reçoit de meilleurs services de soins de santé dans une province où un hôpital sur six a été fermé—et il habite la région de Saskatoon—ou dans une province où le gouvernement fédéral, qui subventionnait la moitié des dépenses totales du secteur de la santé, n'en paie plus qu'un dixième? Comptez-vous dire à ce travailleur qu'il devrait s'en réjouir parce qu'il obtient de meilleurs services dans le domaine de la santé ou dans d'autres secteurs? Ça ne tient pas debout.
Par conséquent, je voudrais savoir ce que le ministre dirait à ce travailleur—et il y en a des millions d'autres qui sont dans le même cas—dont le chèque de paye a été mutilé par le ministère fédéral des Finances et qui a la conviction que son fardeau fiscal est plus lourd ou qu'il obtient moins de services qu'il y a cinq ans en contrepartie des impôts qu'il paie au gouvernement?
M. Paul Martin: Je pense que le lui dirais deux choses, monsieur Manning. Premièrement, je lui dirais, en regardant ce talon de paye, que les provinces et le gouvernement fédéral se sont entendus pour augmenter les cotisations du Régime de pensions du Canada afin de le sauver. Les deux paliers de gouvernement ont trouvé que ce travailleur, qui aurait dû payer en fin de compte 14 p. 100, ne devra pas payer plus de 9 p. 100 mais ils ont décidé d'accélérer l'augmentation des cotisations pour protéger le Régime de pensions du Canada.
D'après les témoignages que nous avons entendus dans les diverses régions du pays, les Canadiens veulent le protéger.
Deuxièmement, je lui signalerais que nous avons supprimé la surtaxe de 3 p. 100 et que ça représente une jolie somme.
J'ajouterais également que la portion du revenu qui est exonérée d'impôt a augmenté de 675 $ et que s'il a des enfants, il recevra, en trois étapes, des prestations fiscales pour enfants qui ne figurent pas sur ce talon.
Je lui ferais remarquer que toutes ces initiatives ont été prises moins de 18 mois après que nous ayons effacé le déficit. Je vous rappelle que votre province, pour des raisons parfaitement compréhensibles, n'a commencé à réduire les impôts que trois ans après avoir éliminé le déficit. Il s'agit en fait du programme du Parti réformiste, énoncé dans Nouveau départ. En ce qui nous concerne, nous avons entrepris de réduire les impôts immédiatement.
Par conséquent, monsieur Manning, vous êtes en train de critiquer le programme de votre parti, votre propre programme.
Quand vous ferez une tournée dans le pays et que vous parlerez aux travailleurs, je voudrais que vous leur disiez ce que le Parti réformiste ferait dans des circonstances analogues. Permettez-moi de citer un exemple.
• 1710
Le Parti réformiste a un plan fiscal basé sur un excédent de
52 milliards de dollars en trois ans. Vous avez pourtant vu les
chiffres, qui ont été confirmés par les économistes. Vous avez dit
que vous réduiriez les impôts et les taxes de 26 milliards de
dollars en trois ans et que vous feriez baisser le montant de la
dette de 26 milliards de dollars. Il faut par conséquent un
excédent de 52 milliards de dollars. C'est sur votre site Web.
Tout ce que j'ai à vous dire, monsieur Manning, c'est que vous devriez faire preuve de logique. Vous ne pouvez pas déclarer en début de semaine à la Chambre des communes qu'il faudrait investir davantage dans les soins de santé et dans divers autres secteurs, puis recommander à la fin de la semaine de laisser tomber tous ces programmes et de réduire les impôts.
Les Canadiens ont le droit de savoir si l'opposition officielle a un programme logique et cohérent. Nous attendons toujours, monsieur Manning. Lorsque vous reverrez le monteur de machines en question, vous vous devez absolument de lui communiquer ces chiffres sans faute.
Des voix: Bravo!
M. Preston Manning: Monsieur le président, je crois que ce n'est pas le moment d'entamer ce genre de discussion. Nous en reparlerons dans le cadre de l'étude du budget et nous sommes convaincus d'avoir raison. Nous avons la certitude que si le ministre parle d'allégements fiscaux aujourd'hui, c'est grâce aux déclarations faites par les réformistes.
Les commentaires que le ministre ferait à ce monteur de machines expliquent pourquoi les libéraux deviennent une espèce en péril en Saskatchewan.
Je cède la parole à mon collègue pour la dernière question.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci.
J'ai trois questions très brèves à vous poser, monsieur le ministre.
Cet après-midi, vous avez dit à plusieurs reprises que le gouvernement allait réduire les impôts, que ce n'était pas une option. Vous avez affirmé que l'on allait réduire l'impôt sur le revenu des particuliers. Par contre, depuis que vous êtes devenu ministre des Finances, les recettes du gouvernement ont augmenté d'environ 40 à 45 milliards de dollars, soit de 45 p. 100. Le nombre de contribuables a augmenté environ de 10 à 15 p. 100. Autrement dit, les recettes fiscales de l'État ont augmenté trois fois plus que le nombre de contribuables.
C'est le premier commentaire que j'avais à faire. Je me demande comment on pourrait croire que vous allez effectivement réduire les impôts alors que personne n'a encore vu la différence, même si vous proclamez depuis deux ans qu'ils diminuent.
Ma deuxième question porte sur l'exode des cerveaux. Je vous signale que vos politiques fiscales détruisent les aspirations des jeunes et étouffent l'économie canadienne. Vous incitez les chefs de file, les p.-d.g. et les entrepreneurs à aller s'établir à l'étranger alors que ce sont eux qui devront activer ce moteur économique dans 15 ans. Je reçois régulièrement dans mon bureau la visite de parents qui sont catastrophés parce que leurs enfants vont aux États-Unis pour travailler dans les secteurs de la santé, de la technologie et du génie. Pourtant, il sont l'avenir de notre société.
Je considère qu'il faut s'efforcer d'empêcher cet exode dès à présent. D'une part, vous dites dans votre exposé qu'une chose est sûre: la réussite dans l'économie moderne n'a rien à voir avec la chance et vous parlez d'un pays qui sait non seulement conserver les talents les plus brillants, mais qui en attire de nouveaux de partout dans le monde. Vous affirmez que la réussite n'a rien à voir avec la chance. Par conséquent, c'est un principe à ne pas perdre de vue.
J'aurais une dernière réflexion à vous soumettre sur laquelle je voudrais que vous fassiez des commentaires. Lorsque nous recevons un supplément d'argent ou quelque chose par erreur, ma femme s'enthousiasme. Elle me dit: «Tu sais, nous avons de l'argent qui nous tombe du ciel. Je vais aller acheter...». Elle pense toujours à combien de paires de chaussures cet argent lui permet d'acheter. Elle oublie toujours que je dois rendre cet argent, qu'il ne m'appartient pas. Elle est tout enthousiasmée.
Pendant que vous nous parliez d'une dette de 5,5 milliards de dollars, que d'autres économistes évaluent à 9 ou 10 milliards de dollars, je pensais que ce n'est pas de l'argent qui nous appartient, que cet argent n'appartient même pas au gouvernement. Il appartient aux contribuables.
N'estimez-vous pas qu'il faudrait établir un budget et prévoir une certaine somme pour le remboursement de la dette? L'excédent budgétaire ne nous appartient pas. Il appartient aux contribuables. Ce n'est pas de l'argent que l'on peut dépenser librement. Et même pour faire plaisir à ma femme, je ne voudrais fonctionner de cette façon.
Je voudrais que vous fassiez des commentaires à ce sujet.
M. Paul Martin: Je répondrai à vos questions en commençant par la dernière.
Je suis entièrement d'accord: les gouvernements ne possèdent pas d'argent; on leur donne de l'argent. Cet argent vient des poches des travailleurs de toutes les régions du pays. C'est pourquoi, en pensant aux questions posées par exemple par Mme Garnieri en ce qui concerne l'évaluation des résultats, j'estime que la façon d'utiliser ces fonds a une extrême importance. Vous avez raison d'affirmer que nous devons, dans la mesure du possible, réduire les impôts et rendre cet argent aux contribuables. Ça ne fait aucun doute.
• 1715
Je reconnais également qu'il est nécessaire de réduire la
dette. Au cours des deux dernières années, notre ratio dette-PIB a
diminué davantage que dans n'importe quel autre pays industriel.
Par conséquent, nous réduisons notre dette plus rapidement que tout
autre pays grâce à un remboursement de la dette et à la croissance
économique. Nous voulons continuer dans cette voie. Ça ne fait
aucun doute et par conséquent, nous sommes entièrement d'accord
avec vous.
En ce qui concerne votre autre suggestion, à savoir que nous devrions réduire les impôts jusqu'aux tranches supérieures de revenu, nous sommes également entièrement d'accord avec vous. Ce que nous avons dit, c'est qu'il fallait accorder la priorité aux citoyens qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire aux Canadiens à faible revenu ou à revenu moyen. C'est notre priorité. Ça ne veut pas dire qu'il ne faille pas réduire les impôts à des niveaux de revenu supérieurs mais qu'il faut accorder la priorité à ceux et celles qui en ont le plus besoin. Je laisse le soin à ce comité de déterminer comment on pourra s'y prendre.
En ce qui concerne votre dernier commentaire, j'ai quelques difficultés à être d'accord avec vous. Il est parfaitement exact que nos recettes ont augmenté mais pas parce que les taux d'imposition ont augmenté mais parce que...
M. Gary Lunn: Elles ont augmenté trois fois plus que le nombre de contribuables.
M. Paul Martin: Évidemment. En fait, nos recettes augmentent grâce à un accroissement de notre activité économique et à l'amélioration de la situation économique. Nous aurons cette année et l'année prochaine un des taux de croissance les plus élevés parmi les pays membres du G-7. C'est chez nous que le taux de création d'emplois sera le plus élevé. Nos recettes augmentent effectivement grâce à la conjecture économique favorable.
En ce qui concerne le nombre de contribuables, il a effectivement augmenté. S'il augmente, c'est parce qu'il y a un million et demi de travailleurs de plus qu'il y a cinq ans, ce qui est très bien. Nous tenons à ce que les Canadiens aient un emploi.
M. Gary Lunn: Ce que vous omettez de dire, c'est que les contribuables paient davantage. Les recettes de l'État augmentent trois fois plus vite que le nombre de contribuables et il ne faut pas être un génie pour faire le calcul. Par conséquent, les contribuables paient chacun davantage d'impôt qu'à l'époque où vous êtes devenu ministre des Finances.
M. Paul Martin: Ce n'est pas vrai. En fait, les réductions d'impôt que nous avons instaurées sont nettement supérieures à...
M. Gary Lunn: Je ne sais pas quels chiffres vous lisez. Nous devons avoir des exemplaires différents.
M. Paul Martin: C'est avec plaisir que je vous citerais des chiffres.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lunn. C'était la dernière question.
Monsieur le ministre, je tiens à exprimer notre sincère gratitude de nous avoir donné l'occasion d'entendre la mise à jour économique et financière pour 1999. Nous nous réjouissons de consulter les Canadiens au sujet des divers points de votre exposé et de préparer des recommandations à votre intention pour la semaine du 10 décembre.
M. Paul Martin: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: La séance est levée.