FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 4 octobre 2000
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.
Monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Monsieur le président, j'aimerais présenter ma collègue de Drummond, Pauline Picard, qui sera ma collaboratrice aux finances pour le Bloc québécois. Elle sera dorénavant avec nous pour les travaux du Comité des finances.
[Traduction]
Le président: Bienvenue. Je tiens aussi à dire qu'au cours de notre première réunion, madame Picard, je vous avais officiellement souhaité la bienvenue au comité. Nous nous attendons bien sûr à ce que vous participiez tout autant que M. Loubier, bien sûr, sinon davantage, si c'est possible. Je vous souhaite à nouveau la bienvenue.
[Français]
Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci.
[Traduction]
Le président: Nous allons commencer, vous le savez, par le sujet à l'ordre du jour, soit le projet de loi C-38, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières.
Nous accueillons les témoins suivants: de T-Base Research & Communications Inc., Sharlyn Ayotte, présidente-directrice générale, et Len Fowler, président; de l'Organisation nationale anti-pauvreté, Laurie Rektor, directrice générale et Liz Sutherland, directrice adjointe; de l'Association de protection des épargnants et des investisseurs du Québec Inc., M. Paul Lussier, président; d'Option Consommateurs, Jacques St-Amant, analyste et Louise Rozon, directrice générale; de la Coalition québécoise pour le maintien des services bancaires personnalisés, Louise Aubert, de la Fédération de l'âge d'or du Québec. Soyez les bienvenus.
Un bon nombre d'entre vous avez déjà comparu au comité. Vous avez de cinq à sept minutes environ pour faire votre déclaration, après quoi nous vous poserons des questions.
Nous allons suivre l'ordre des témoins figurant au programme, à commencer par Sharlyn Ayotte, présidente-directrice générale de T-Base Communications Inc. Soyez la bienvenue.
Mme Sharlyn Ayotte (présidente-directrice générale, T-Base Communications Inc.): Merci de m'inviter à prendre à nouveau la parole devant le Comité permanent des finances. C'est un honneur et une responsabilité qui me tiennent à coeur en tant que canadienne.
• 1535
En ma qualité de présidente-directrice générale d'une société
canadienne dont les clients comptent les principaux fournisseurs de
services financiers d'Amérique du Nord et en tant que consommatrice
de services financiers d'entreprises et personnels, je considère
que l'avenir du secteur des services financiers est une question
préoccupante.
Comme la plupart des gens d'affaires, je m'en remets à diverses sources d'information pour m'informer. Toutefois, pour une femme d'affaires non voyante, les possibilités sont souvent limitées à cause de processus et de sources d'information inaccessibles. Lorsque je ne suis pas en mesure d'avoir accès à des informations facilement accessibles pour la population générale, cela a un impact sur mes employés et sur moi, ainsi que sur l'avenir de notre entreprise.
Durant la préparation de ma présentation au Comité permanent des finances en octobre 1998 relativement au rapport MacKay, j'ai appelé le Conseil du Trésor... Pas le Conseil du Trésor, excusez-moi. Je vais me défaire de cette habitude. Cela ne me vaut rien. J'ai appelé au ministère des Finances pour demander une version sonore du rapport MacKay. On m'a informé que ce rapport n'était disponible que sous format imprimé conventionnel et sous format électronique sur l'Internet. Mon droit, tout comme celui de tous les autres Canadiens, d'avoir accès à l'information sous d'autres formats est garanti par la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pour être en mesure de présenter pour la première fois ma réaction au comité, j'ai dû engager un client pour me lire à haute voix un rapport de 800 pages.
Cette année, je comparais à nouveau devant le comité, mais j'ai maintenant accès aux technologies informatiques et je peux lire et naviguer sur l'Internet et faire toutes sortes de choses fascinantes que je ne pouvais pas faire avant. Mieux encore, je ne dépends plus totalement d'enregistrements sonores pour obtenir mon information sur des services financiers. Je peux maintenant naviguer sur l'Internet.
Donc, cette fois-ci quand j'ai reçu l'invitation du comité à comparaître, j'étais ravie. Je me suis immédiatement mise à la tâche, et comme je prends cette responsabilité très au sérieux, j'ai visité le site du ministère des Finances du Canada pour prendre connaissance des documents dont j'avais besoin pour donner mon avis sur les activités du comité. Malheureusement, malgré la nouvelle technologie et même si je me suis débrouillée pour apprendre à utiliser un tout nouveau logiciel de conversion voix-texte synthétisée, j'ai constaté que certains des documents du site Web du ministère des Finances du Canada était en format PDF et donc incompatible avec le type de technologie qui me permet de participer au processus décisionnel du gouvernement.
L'avenir du secteur des services financiers et son incidence sur les gens qui n'ont pas accès à l'information par les méthodes conventionnelles, soit par l'Internet soit sous format imprimé traditionnel, est très préoccupant, parce qu'il s'agit de services financiers sur lesquels nous comptons tous quotidiennement pour pouvoir prendre des décisions concernant des hypothèques, des retraits en espèces ou pour toute autre question financière.
C'est en fait la troisième fois que je comparais ici. Chaque fois j'ai souligné les obstacles à l'information, à la communication et à la technologie qui empêchent à environ 40 p. 100 de la population canadienne de disposer des renseignements voulus pour prendre d'importantes décisions. Chaque année nous avons exposé les statistiques, les données démographiques et la nécessité de disposer d'information et de technologies accessibles. Chaque année, nous avons présenté des recommandations. Cette année, nous allons demander au comité de faire preuve d'un véritable leadership et de prendre des mesures dans des domaines où ils pourront vraiment exercer une influence.
• 1540
Len va maintenant vous parler de la technologie qui empêche
des gens d'accéder au secteur des services financiers.
M. Len Fowler (président, T-Base Communications Inc.): Le problème est celui-ci: quelles mesures le gouvernement du Canada peut-il prendre pour veiller à ce que les services financiers et l'information fournis aux Canadiens par le secteur des services financiers soient accessibles à tous?
Le gouvernement du Canada affirme publiquement, par le biais de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le droit de tous les citoyens à jouir d'un accès égal à tous les services essentiels. Le projet de loi omnibus C-78 et l'amendement du projet de loi S-5 de 1998 à la Loi canadienne sur les droits de la personne portent sur la prestation équitable de services au public et se penchent particulièrement sur la question des personnes handicapées.
Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens, le rapport MacKay de 1998, déclare que les institutions financières ne serviront tous les Canadiens bien et équitablement que lorsque les consommateurs seront investis d'un pouvoir et lorsque des règles de conduite, de communication et de transparence strictes seront maintenues dans un cadre de responsabilisation puissant. Le rapport souligne que les institutions financières offrent des services essentiels aux Canadiens et qu'elles doivent donc servir tous les intéressés de façon équitable. La question n'est pas de contester ce qui est proposé, mais plutôt la manière dont c'est proposé afin de veiller à ce que tous les Canadiens soient servis.
L'Internet, le commerce électronique et la technologie: l'Internet a été accepté par le public plus rapidement que tout autre moyen de communication dans l'histoire. La radio a séduit 50 millions d'utilisateurs en 39 ans, la télévision a mis 12 ans à obtenir la même audience et l'Internet a dépassé ce chiffre en seulement 4 ans.
La technologie de l'Internet a entraîné une révolution et une restructuration mondiale énormes dans la manière dont sont menées les affaires. Les activités de commerce électronique qui sont réalisées par réseau d'information électronique avancé comptent les services gouvernementaux, les services bancaires et les transactions financières, la commercialisation au détail et la prestation de services, la recherche et l'extraction d'informations, et plus encore.
Dans le secteur des services financiers, l'application de la technologie change considérablement la nature et la quantité de services offerts ainsi que la manière dont les consommateurs peuvent y accéder et l'endroit où ils peuvent les trouver. La rapidité du développement de la technologie encourage une concurrence saine sur le marché et offre aux consommateurs la possibilité de profiter de produits et services nouveaux et plus nombreux. Aujourd'hui, pour fournir des produits et services, les institutions financières canadiennes font appel à un certain nombre de technologies, dont les guichets automatiques bancaires, les systèmes de terminaux de points de vente, les comptoirs-retraits, les comptoirs mise à jour, les services bancaires en ligne, les services bancaires par téléphone, les cartes de crédit, les cartes de débit, les cartes de paiement, etc.
Les promoteurs de la technologie canadiens comptent parmi les meilleurs du monde en matière de création de technologie bancaire accessible et de conception de systèmes de prestation de services électroniques accessibles. Par exemple, grâce à la technologie canadienne innovatrice, la Banque Royale du Canada a lancé le premier guichet bancaire sonore à Ottawa en 1997. En 1999, soit deux ans plus tard, le premier guichet bancaire parlant était lancé en Californie, aux États-Unis, par la même source canadienne. D'ici la fin de l'année, la Bank of America, la Wells Fargo et la Citicorp mettront en place 4 500 guichets bancaires parlants aux États-Unis—utilisant tous une technologie mise au point au Canada.
L'information, les systèmes et les technologies électroniques peuvent être rendus universellement accessibles pour des applications usuelles avec facilité et rentabilité grâce à l'établissement d'interfaces humain/machine appropriés et à la conception d'un programme, de services et d'informations accessibles.
Quels sont les problèmes? L'utilisation de la technologie dans tous les secteurs de prestation de services creuse l'écart entre les gens qui ont accès à cette technologie et aux réseaux électroniques et ceux qui n'y ont pas accès. On appelle cela le «fossé numérique». Le gouvernement du Canada est résolu à rendre l'Internet et le commerce électronique largement disponibles pour la population canadienne générale grâce à des initiatives telles que «Un Canada branché» et «access.ca». Toutefois, ils ne sont pas et ne seront jamais vraiment «accessibles» à tous les citoyens à moins que nous ne prenions l'engagement de faire tomber les barrières systémiques qui excluent certains citoyens. Si l'Internet doit fournir des services essentiels à la population générale et apporter des avantages sociaux, économiques et culturels importants aux Canadiens, les questions d'accessibilité doivent être abordées et résolues.
• 1545
Bien que les agences canadiennes de protection du
consommateur, qui représentent les personnes âgées et les personnes
handicapées et qui s'occupent de questions telles que les droits de
la personne, l'alphabétisation, la lutte contre la pauvreté et
autres, demandent constamment aux institutions financières qui
servent les Canadiens de rendre leurs systèmes et leurs services
accessibles, la situation progresse hélas lentement. Le processus
de soutien des droits de la personne au Canada dépend du mécanisme
de règlement des plaintes individuelles pour imposer une pression
morale et l'avantage concurrentiel afin d'éliminer les inégalités
dans la prestation de services dans le secteur des services
financiers.
Bien que le premier guichet bancaire sonore ait été mis au point et fabriqué au Canada par des Canadiens, il y en a moins de 20 actuellement en service au Canada. Si des promoteurs canadiens de la technologie comptent parmi les meilleurs du monde en matière de création de technologie bancaire accessible et de conception de systèmes de prestation de services électroniques accessibles, pourquoi l'industrie financière canadienne est-elle en retard pour utiliser des technologies et services accessibles?
Le succès de la mise en place de guichets bancaires parlants aux États-Unis est principalement attribuable à l'application de la Americans with Disabilities Act. Afin de veiller à ce que tous les citoyens soient servis de façon équitable comme aux États-Unis, il existe au Canada une loi qui peut être invoquée pour garantir la prestation de services équitables—il s'agit de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La grande différence est que la loi américaine qui exige la prestation de services accessibles est appliquée de façon proactive alors que la loi canadienne ne l'est pas.
De plus, les institutions financières canadiennes attendent que des normes soient présentées, mais le processus d'élaboration des normes canadiennes semble avoir rencontré une série d'obstacles. Puisqu'il n'existe pas de normes d'accessibilité dans l'industrie financière canadienne et que l'accessibilité n'est pas considérée comme une priorité pour l'économie de marché, les clients handicapés sont désavantagés et le resteront probablement jusqu'à ce que les exigences réglementaires soient modifiées.
Tout cela montre clairement que l'approche combinée pression morale/concurrence ne fonctionne pas lorsqu'il s'agit de mettre en place des services équitables dans le secteur des services financiers canadiens.
Nous avons donc des recommandations à présenter. Les systèmes électroniques utilisés pour fournir des informations et des services au Canada doivent être conçus pour répondre aux exigences d'accessibilité de tous les Canadiens afin de refléter nos divers besoins en matière d'information et de communication. Notre gouvernement doit rendre obligatoire le fait que les institutions financières qui sont autorisées à fournir des services aux Canadiens le fassent de façon équitable.
Nos recommandations:
(1) Exiger que le gouverneur en conseil, le Cabinet, tire avantage de son pouvoir considérable en vertu de la Loi sur les droits de la personne pour ordonner au gouvernement de formuler des stratégies afin de s'attaquer aux barrières systémiques et de résoudre les inégalités qui nuisent à la prestation équitable de produits et services financiers au Canada.
(2) Faire appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui concerne la fourniture de biens et services en exigeant l'entière conformité de tous les fournisseurs de services financiers et de commerce électronique au Canada.
(3) Modifier la Loi sur les banques et toutes les autres lois pertinentes portant sur la réglementation du secteur des services financiers afin de veiller à ce que la prestation équitable de services et l'accès à l'information afférente soient garantis et offerts par tous les organismes financiers réglementés au niveau fédéral opérant au Canada. De plus, le gouvernement du Canada devrait encourager les législateurs à suivre cet exemple et à inclure des critères axés sur la conformité pour la prestation de services équitables dans les règlements qui régissent les organismes du secteur des services financiers sous juridiction provinciale et territoriale et il devrait encourager toutes les associations de l'industrie financière autoréglementées à mettre en place des critères de prestation équitable de services dans leurs règlements et leurs codes de conduite.
(4) Veiller à ce que l'Association canadienne de normalisation formule des critères complets d'accessibilité pour la technologie et les applications de l'Internet et pour les systèmes de prestation de services électroniques au Canada et à ce qu'elle rende obligatoire la conformité à ces normes dans le secteur des services financiers.
(5) Formuler et fournir un modèle de «meilleures pratiques» pour la prestation des services électroniques accessibles qui sera utilisé dans le secteur des services financiers et aidera à fournir des services équitables au public canadien.
(6) Promouvoir la publication de DRHC intitulée Instructions générales et spécifications afin de fournir les informations dans les médias substituts et la fournir à tous les fournisseurs de services financiers opérant au Canada.
(7) Fournir aux consommateurs canadiens des services financiers avec des dispositions adéquates de recours dans le contexte de l'Agence des consommateurs des produits et services financiers proposés par le gouvernement fédéral.
(8) Démontrer l'engagement du gouvernement pour l'équité pour tous dans la prestation de services en rendant toute l'information liée au processus de consultation publique dans le secteur des services financiers accessible aux Canadiens handicapés.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Fowler et madame Ayotte.
Nous allons maintenant entendre les représentantes de l'Organisation nationale anti-pauvreté, soit Laurie Rektor, directrice générale, et Liz Sutherland, directrice adjointe. Soyez les bienvenues.
Mme Laurie Rektor (directrice générale, Organisation nationale anti-pauvreté): Bonjour. Je vous remercie à nouveau de nous avoir invités. Nous faisons partie des groupes qui ont déjà eu l'occasion de comparaître, et nous vous remercions de nous avoir invité à nouveau cet après-midi.
Brièvement, l'Organisation nationale anti-pauvreté a été créée en 1971. Il s'agit d'une organisation nationale et non partisane qui représente un peu plus de 5 millions de citoyens à faible revenu au Canada. Notre conseil d'administration est représentatif de la population canadienne et compte des personnes qui sont pauvres ou qui ont déjà connu la pauvreté au cours de leur vie.
L'une des principales tâches de notre organisation consiste à faire connaître les préoccupations et les opinions des Canadiens à faible revenu surtout en ce qui concerne les mesures gouvernementales. Notre but ultime est d'éliminer la pauvreté au Canada.
L'une des grandes hypothèses dont nous partons lorsque nous étudions le projet de loi C-38 est que l'accès aux services bancaires essentiels n'est pas un luxe mais un droit. C'est une nécessité dans notre société que de veiller à ce que les citoyens puissent participer également et équitablement en tant que membres de la société canadienne. L'ONAP s'occupe de cette question depuis très longtemps, depuis au moins 15 ans. C'est une question des plus préoccupantes. Nous savons qu'au moins 8 p. 100 des familles qui ont un revenu de moins de 25 000 $ n'ont pas de compte en banque.
Le projet de loi C-38 est une occasion sans précédent de respecter l'obligation que nous avons de protéger le droit d'accès aux services financiers et, compte tenu des récentes recommandations du comité d'examen de la Loi canadienne sur les droits de la personne, nous pouvons apporter d'importantes et nécessaires améliorations à la vie des citoyens à faible revenu.
Nous reconnaissons qu'il est très difficile pour les gens qui ne se trouvent pas dans cette situation de concevoir et de comprendre les réalités auxquelles font face les gens à faible revenu, surtout en ce qui concerne les services bancaires. Par exemple, je ne pense pas que beaucoup de gens sachent qu'on n'obtient pas automatiquement une carte de guichet automatique parce qu'on a un compte en banque, que les clients à faible revenu n'en obtiennent pas nécessairement une.
Si on n'est pas une personne à revenu modeste on suppose naturellement que tous sont traités comme on l'est. Ce n'est pas le cas et ce n'est pas juste de penser ainsi. Il est très important que nous tenions compte de la réalité et de l'expérience des autres, surtout quand on pense aux dispositions d'accès du projet de loi C-38, et ce sont celles sur lesquelles l'ONAP formule ses remarques.
Avant d'aborder la question du projet de loi C-38, je reviens au Livre blanc de juin 1999. Dans le Livre blanc on prenait l'engagement d'accorder un accès en tenant compte des conclusions du groupe de travail MacKay et l'on reconnaissait que les consommateurs, peu importe leur niveau de revenu, devaient obtenir le plus haut niveau possible de qualité et de service par les institutions financières. Le Livre blanc assurait de plus tous les Canadiens qu'ils bénéficieraient d'un accès équitable aux services bancaires. À l'époque, l'ONAP était très encouragée et attendait impatiemment la mesure législative qui permettrait la mise en oeuvre des engagements pris.
Pour ce qui est du projet de loi C-38, l'ONAP est optimiste et reconnaît que certaines des dispositions contribuent dans une certaine mesure à améliorer l'accès dont jouiront les Canadiens à faible revenu. Par exemple, aucun dépôt ni solde créditeur minimal n'est requis pour ouvrir ou conserver un compte en banque. La création d'une Agence de la consommation en matière financière qui surveillera et protégera les intérêts des consommateurs est également importante. L'ONAP tient toutefois absolument à ce que l'Agence soit dirigée par un ardent défenseur des droits des consommateurs afin d'être efficace et crédible. En outre, dans le projet de loi C-38, la disposition concernant l'encaissement des chèques du gouvernement fédéral sans qu'on soit tenu d'avoir un compte en banque constitue un changement important.
Nous avons certaines inquiétudes. Pour ce qui est de l'encaissement de chèques, nous aimerions que le gouvernement fédéral s'engage à accorder les mêmes privilèges et garanties pour l'encaissement des chèques des gouvernements provinciaux. Surtout pour un grand nombre—par la totalité, mais un grand nombre—de Canadiens dont la principale source de revenu est l'assistance sociale ou les prestations de bien-être social. C'est un chèque du gouvernement provincial, et sans cette même garantie d'encaissement de chèques sans solde créditeur minimal, ou si l'on n'a pas de compte en banque, des citoyens se trouvent dépourvus des ressources financières dont ils ont besoin pour survivre.
• 1555
Nous sommes au courant de cas où des gens sont allés à la
banque avec leur chèque d'assistance sociale et ont présenté des
documents d'identité prouvant qui ils étaient et on les a
éconduits, même si le chèque du gouvernement fédéral avait été tiré
sur cette banque même où il s'était présenté pour encaisser ledit
chèque. Ils sont repartis avec leurs documents d'identité et leur
chèque en main et ils sont retournés avec des lettres confirmant
qu'ils étaient bien ceux qu'ils disaient être, et encore là on a
refusé d'encaisser leur chèque. C'est donc un grave problème.
Notre organisation se préoccupe énormément du fait que le projet de loi C-38 ne fait rien pour fixer un délai d'encaissement raisonnable des chèques qui soit conforme au délai prévu par l'Association canadienne des paiements. C'est une lacune grave en matière d'accès équitable garanti aux citoyens à faible revenu. Nous savons que dans une province un chèque peut presque toujours être encaissé dans les 24 heures. Il semblerait raisonnable de légiférer de manière que le délai d'encaissement dans la province ne dépasse pas les deux jours.
À défaut d'une mesure législative garantissant un délai d'encaissement juste et raisonnable, tous les efforts visant à améliorer l'accès aux citoyens à faible revenu des services bancaires seront vains. Si on ne peut pas obtenir ces fonds dans un délai raisonnable, c'est tout simplement que l'accès n'est pas équitable. L'absence d'une mesure législative fixant un délai d'encaissement raisonnable permet aux banques de refuser leurs services aux citoyens à faible revenu et cela sans avoir à expliquer ce refus. On n'a pas besoin d'agir de façon discriminatoire envers quelqu'un qui n'a pas même pas accès à ses fonds. Cela suffit, on n'a pas besoin d'ajouter quoi que ce soit.
Pour ce qui est d'un compte à frais modiques, dans le document de juin 1999 on s'engageait à légiférer à ce sujet. Le projet de loi C-38 ne contient aucune disposition à ce propos. Au lieu de cela, on y opte pour l'autoréglementation et on collaborera avec les banques au moyen de protocoles d'entente pour mettre en place des comptes à frais modiques. L'organisation croit que nous disposons désormais de suffisamment de preuves pour montrer l'échec de l'autoréglementation et pour affirmer qu'il y a lieu de légiférer pour créer un compte à frais modiques. Nous savons que les banques ne collaborent pas spontanément pour faire en sorte de répondre aux besoins des consommateurs à faible revenu.
En 1999, la CCDE a effectué une enquête pour voir quels résultats donnait l'application volontaire du code de 1997. Or elle a constaté que 96 p. 100 des banques examinées enfreignaient de quelque façon ce code. C'était plus de deux ans après la conclusion de l'entente.
Nous avons aussi brièvement examiné le mémoire de l'Association des banquiers canadiens présenté à votre comité. Les auteurs du document indiquent que les banques estiment avoir été injustement visées par des mesures de protection des consommateurs alors que d'autres services financiers ne sont pas inclus. Je pense sincèrement que cette déclaration montre que les banques ne comprennent peut-être pas l'obligation et la responsabilité qu'elles ont en tant qu'institutions à charte de traiter tous les consommateurs équitablement, et qu'elles ne le feront vraisemblablement pas si elles n'y sont pas forcées par la loi.
Outre la nécessité de légiférer en ce qui concerne le compte de base, l'ONAP croit que ce compte ne devrait pas être un compte à frais modiques mais plutôt un compte sans frais garantissant un nombre donné d'opérations par mois, soit des opérations électroniques et en personne à la banque. Les banques soutiennent, et continueront de le faire, que leur rentabilité serait fortement touchée par la création d'un compte sans frais. Sauf le respect que je leur dois, je ne crois pas que la société canadienne ait à s'inquiéter du sort des six institutions financières dont les profits conjugués d'août 1999 à juillet 2000 totalisent 9,5 milliards de dollars.
Enfin, pour ce qui est des fermetures de succursales, nous sommes assez préoccupés de voir qu'on en traite par voie de réglementation plutôt qu'au moyen d'une loi. Nous croyons que les règles régissant les fermetures de succursales doivent être incluses dans la loi. Il faut légiférer rapidement avant qu'il ne subsiste plus de succursales dans les communautés à faible revenu et les communautés rurales. Cette semaine encore, le Centre pour la défense de l'intérêt public a publié une étude montrant que dans les collectivités étudiées près de 50 p. 100 des succursales rurales avaient été fermées dans les 10 dernières années.
Les banques bénéficient énormément de mesures législatives et réglementaires qui les protègent et continueront d'en profiter et elles ont donc l'obligation et la responsabilité de fournir des services aux Canadiens. Nous sommes particulièrement préoccupés par la longueur des préavis de fermeture de succursales et par la responsabilité des banques de fournir aux collectivités où elles ont l'intention de fermer une succursale, la documentation et la justification de cette fermeture. Si une banque procède à la fermeture de la dernière succursale d'une collectivité, l'ONAP croit que la banque doit être contrainte par la loi à collaborer avec la collectivité en question pour trouver une solution de rechange mutuellement acceptable avant que disparaisse l'institution financière et que ce service essentiel soit retiré.
• 1600
Les autres questions d'accès qui nous préoccupent sont
examinées dans le document que nous avons fourni, intitulé «Banking
on Justice», ainsi que certaines de nos autres recommandations.
Pour terminer, j'aimerais demander au comité de tenir compte de l'obligation que nous avons en tant que société envers tous nos citoyens. Le secteur bancaire est un exemple de ceux qui ne traitent pas les citoyens à faible revenu de façon équitable et qui même ne traitent pas du tout avec eux. Dans l'examen des témoignages que vous entendrez et que vous avez déjà entendus, je vous prie de tenir compte des extraordinaires ressources dont le secteur dispose pour faciliter ces interventions comparativement aux moyens, relativement modestes, que les groupes et les organisations de consommateurs ont à leur disposition et de pondérer en conséquence les points de vue ainsi présentés.
Merci.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre le représentant de l'Association québécoise pour la protection des épargnants et des investisseurs Inc. M. Paul Lussier, président.
[Français]
M. Paul Lussier (président, Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec): Monsieur le président, l'APEIQ, l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec, est un groupe de pression, un organisme sans but lucratif. Il est le seul au Canada à s'occuper exclusivement de la protection des épargnants et des petits investisseurs qui confient leurs épargnes aux institutions financières et investissent dans les entreprises canadiennes et très souvent dans les banques.
Notre effectif dépasse 1 500 personnes et nous avons eu certains succès auprès des banques et de quelques autres grandes sociétés canadiennes à capital ouvert et ayant un actionnariat diffus en présentant, lors des assemblées annuelles d'actionnaires, des propositions pour améliorer les questions de régie d'entreprises et de communication avec les actionnaires.
Malheureusement, nos démarches et nos efforts auprès des instances réglementaires, en particulier ici, au gouvernement fédéral, n'ont pas donné les résultats espérés. Lors des présentations que nous avions faites à votre comité en 1998, au Groupe de travail MacKay en 1997 et devant le comité sénatorial en 1998, nous avions été, croyions-nous, bien accueillis et nous pensions obtenir une certaine sympathie, mais il semble que nos recommandations n'aient pas été acheminées là où elles auraient dû l'être et qu'elles n'aient pas donné les résultats que nous espérions, en tout cas auprès du gouvernement.
L'APEIQ a fait des présentations qui touchent essentiellement une quinzaine de points, tous reliés aux questions de régie d'entreprises les plus fondamentales, qui rejoignent les points de vue de beaucoup d'autres organismes ou même de comités comme le Comité Dey de la Bourse de Toronto, en 1995 je crois, dont certaines recommandations étaient les mêmes. On se surprend de voir que le gouvernement n'a pas cru bon, dans le projet de loi C-38, de donner suite à ces recommandations, à tel point qu'on se demande si, au niveau de la régie d'entreprises, le Canada n'aura pas l'air d'une république de bananes avant longtemps, surtout à la lumière de ce qui se passe présentement au sud de la frontière américaine.
Les principales recommandations que nous avions faites touchaient une quinzaine de points. La première portait sur la séparation des postes de président du conseil et de chef de la direction des banques ou des grandes entreprises, parce que les mêmes recommandations sont faites quant à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. C'est un sujet qui avait aussi fait l'objet d'une recommandation semblable dans le rapport du comité Dey et le rapport MacKay. On ne comprend pas pourquoi le gouvernement n'a pas cru bon d'y donner suite.
• 1605
Deuxièmement, on proposait la réduction
des barrières à l'élection, aux conseils
d'administration, de candidats choisis par les
actionnaires en général plutôt que par le conseil et
la direction en place dans les banques exclusivement.
Présentement, il faut posséder
au moins 5 p. 100 des actions d'une
institution financière ou d'une compagnie publique,
ou en avoir le contrôle pour
pouvoir proposer une personne au conseil
d'administration. Savez-vous combien représentent
5 p. 100 des actions de la Banque
Royale? Cela représente 900 millions de dollars. Je ne
connais pas beaucoup de petits et même de grands épargnants
qui ont de tels moyens.
Troisièmement, notre proposition portait sur la limitation du nombre de conseils sur lesquels un administrateur peut siéger simultanément. Présentement, c'est un old boys' club: je te nomme, tu me nommes, on se nomme. Les conseils d'administration deviennent ainsi de moins en moins efficaces et de moins en moins représentatifs des actionnaires. Nous croyons que le nombre de conseils d'administration sur lesquels une personne peut siéger devrait être limité, et même très limité, car pour bien faire le travail, il faut du temps et un peu de dévouement. Le projet de loi ne tient aucunement compte de ces recommandations.
Quatrièmement, on proposait l'instauration de mécanismes plus démocratiques pour l'élection des administrateurs par votes distincts et cumulatifs, sans restriction à la liste préétablie. Il s'agit d'un mécanisme prévu dans la Loi sur les banques, mais qui n'est pas appliqué, parce qu'il faudrait que les banques adoptent des règlements de régie interne pour que cela puisse s'appliquer. Avec ce mécanisme, il pourrait arriver que chaque actionnaire ait un nombre de votes équivalent au nombre de personnes proposées au conseil d'administration et chacun pourrait donner tous ses votes à un seul candidat. Cela donnerait au moins l'occasion aux actionnaires de faire connaître à l'entreprise comment ils évaluent ou perçoivent le travail des administrateurs de la banque. Le projet de loi ne tient aucunement compte de cela. Au contraire, il augmente le plafond auquel pourrait s'appliquer un tel mécanisme s'il était adopté dans les règlements de la banque, lorsque celle-ci est détenue à 20 p. 100 ou plus par une seule personne ou un seul groupe.
Notre cinquième proposition portait sur l'élimination des conflits d'intérêts potentiels entre les administrateurs et les fournisseurs de services. Aucune disposition n'est prévue dans le projet de loi C-38 à cet effet, sauf la disposition générale sur les conflits d'intérêts très généraux. On sait qu'aux États-Unis et même au Canada, on a déjà obtenu un certain succès en faisant adopter par les assemblées d'actionnaires, souvent contre la volonté et les recommandations des directions de banques et de certaines entreprises, une obligation de divulguer au moins les honoraires qui sont versés aux vérificateurs externes par rapport aux services de vérification, d'une part, et aux services de consultation générale, d'autre part. Vous pouvez imaginer qu'un consultant qui reçoit 1 million de dollars pour faire le travail de vérification des livres et qui, par ailleurs, reçoit 10 millions de dollars pour des services de consultation de toutes sortes, peut avoir une certaine difficulté à faire un rapport critique en tant que vérificateur interne.
Une proposition a été soumise à la Securities and Exchange Commission aux États-Unis. En fait, le président Arthur Levitt propose lui-même d'obliger les firmes de vérificateurs externes à offrir exclusivement ces services. Peut-être n'est-il pas obligatoire d'aller aussi loin. D'ailleurs, on ne sait pas encore tout à fait comment sortiront les choses aux États-Unis. Néanmoins, il faudrait profiter de l'occasion, nous semble-t-il, pour modifier la loi canadienne afin que les actionnaires puissent obtenir un meilleur rapport, un rapport plus objectif de la part des vérificateurs externes.
• 1610
Sixièmement, quant à l'obligation de
soumettre les états financiers pour examen et
discussion lors des assemblées annuelles des
actionnaires, la loi actuelle et le projet de loi
peuvent être interprétés comme si la seule obligation
imposée à la direction des banques est
celle de déposer les
rapports financiers, alors que les actionnaires peuvent
poser des questions. La direction interprète la
loi—elle continuera sûrement de l'interpréter ainsi
puisqu'il n'y a pas de changement—comme si elle ne
lui donne pas
l'obligation de répondre aux questions des actionnaires,
ce qui nous semble tout à fait impertinent et
inacceptable.
Septièmement, nous avons présenté des propositions concernant la présentation aux actionnaires pour approbation de la politique de rémunération des dirigeants. Dans le cas des banques, qui sont essentiellement des services publics, comme le laissait entendre Mme Rektor, et qui sont dans un environnement très protégé par rapport aux autres entreprises du secteur privé, nous considérons comme littéralement scandaleuses les rémunérations qui sont payées à leurs hauts dirigeants. Évidemment, nous connaissons le processus par lequel ils reçoivent des recommandations très positives quant à leurs systèmes de rémunération qui leur permettent de recevoir tant et tant. Néanmoins, le résultat final est que les dirigeants de ces institutions ne reçoivent pas nécessairement le salaire de base, mais des rémunérations globales avec un système d'options qui est très généreux, ce qui est inacceptable.
Notre huitième recommandation concerne l'adoption d'un code de procédure pour la tenue des assemblées des actionnaires. Certaines banques, plus spécifiquement la Banque Laurentienne, ont volontairement adopté un tel code de procédure, mais il n'y a pas d'obligation de prévue dans le projet de loi à ce sujet.
Neuvièmement, nous recommandons qu'on oblige les entreprises à rédiger un procès-verbal intégral de toutes et chacune des assemblées des actionnaires et à le faire parvenir à tous les actionnaires. Certaines le font maintenant, depuis que nous avons fait nos propositions, mais il n'y a pas encore d'obligation de prévue au projet de loi.
Dixièmement, nous recommandons une réduction des barrières au droit des actionnaires de faire des propositions en vue et lors des assemblées d'actionnaires. En ce moment, comme vous le savez, la loi et le projet de loi prévoient que la direction d'une banque peut refuser une proposition d'actionnaire qui a pour objet principal de servir à des fins générales d'ordre économique, politique, racial, religieux, social ou analogue. Essentiellement, elle peut refuser à peu près n'importe quoi, et ce ne sont que les pressions publiques, pour ainsi dire, qui obligent les banques à accepter des propositions d'actionnaires. Cette même disposition se retrouve dans le projet de loi. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cela nous semble un anachronisme.
Onzièmement, nous demandons qu'on confie aux commissions des valeurs mobilières le pouvoir de juger de la recevabilité des propositions d'actionnaires. C'est un peu un corollaire de la proposition précédente. S'il n'y a pas d'organisme spécifique, peut-être que les commissions des valeurs mobilières pourraient servir d'arbitres en cette matière.
Monsieur le président, je vous ferai remarquer que mes prédécesseurs ont dépassé le temps qui leur était alloué.
M. Yvan Loubier: Vous avez raison.
M. Paul Lussier: Merci.
[Traduction]
Le président: Vous avez raison, malheureusement. J'aimerais que tout le monde respecte son temps de parole.
[Français]
M. Paul Lussier: J'achève, tout de même.
Douzièmement, nous recommandons qu'on limite le pouvoir accordé par procuration aux dirigeants quant aux propositions d'actionnaires non encore débattues devant l'assemblée des actionnaires et qu'on étende ce pouvoir, ainsi que les moyens qui y correspondent, à tous les actionnaires qui ont inscrit une proposition. Ce n'est pas dans le projet de loi; je ne vous expliquerai pas ce que ça veut dire.
Treizièmement, on devrait permettre l'accès à tous les actionnaires au nom des actionnaires véritables, parce que, présentement, il faut faire des coalitions pour présenter des propositions qui puissent passer.
Quatorzièmement, il faudrait assouplir la loi de manière à permettre les communications entre actionnaires; encore une fois, ce n'est pas prévu dans le projet de loi.
Quinzièmement, il faudrait interdire aux entreprises de faire des contributions à des partis politiques ou à des mouvements similaires. De toute évidence, le projet de loi démontre que le lobby bancaire est bien plus fort que ne le sont les organismes de protection de consommateurs et d'actionnaires.
• 1615
Seizièmement, sur la question de la règle de
propriété des banques, nous avons des propositions, au
sujet desquelles je vous ai d'ailleurs écrit une lettre
le 4 août dernier, concernant les Banques Nationale
et Laurentienne au Québec. Nous croyons
que le processus de prise de contrôle de ces
institutions financières par des investisseurs autres
que l'investisseur multiple—l'actionnariat multiple et varié
est ce qu'on voit présentement—peut
représenter un problème au Québec, en particulier à
cause du rôle spécial qu'y jouent ces deux entreprises.
Ce sont des entreprises particulièrement
québécoises, et le processus de la passation de la
propriété de l'actionnariat général actuel à un
propriétaire unique devrait faire l'objet, selon nous,
d'une consultation régionale beaucoup plus étendue que
ce qui est prévu au projet de loi avant qu'on permette au
ministre des Finances de prendre une décision. Merci,
monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Lussier.
Nous allons entendre M. Jacques St-Amant et Mme Louise Rozon, d'Option consommateurs.
M. Jacques St-Amant (analyste, Option consommateurs): Je cède la parole à Mme Rozon.
Le président: Vous voulez bien?
Mme Louise Rozon (directrice générale, Option consommateurs): Merci.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs, Option consommateurs défend activement les droits des consommateurs en matière de services bancaires depuis une dizaine d'années. Entre autres, nous avons mesuré des phénomènes tels que la difficulté d'accès aux services bancaires de base, les fermetures de succursales et l'efficacité des mécanismes de traitement des plaintes.
C'est donc avec le plus grand intérêt que nous avons accueilli le projet de loi C-38, et nous vous remercions de nous donner aujourd'hui l'occasion de vous signaler que, malgré ses grandes qualités, il comporte encore quelques lacunes qui pourraient assez facilement être corrigées. Nous en avons fait une recension assez complète dans notre mémoire, que nous avons fait parvenir au comité au mois d'août dernier. Aujourd'hui, nous insisterons principalement sur deux aspects: l'encadrement des pratiques bancaires par la nouvelle agence et par les mécanismes de traitement des réclamations, ainsi que l'encadrement des fusions bancaires et des opérations similaires.
En ce qui a trait à l'agence, en juin 1999, le gouvernement proposait la mise en place de ce qu'on appelle maintenant l'Agence de la consommation en matière financière. Cela nous semblait être une très bonne idée. En juin 2000, nous avons cependant été fort déçus en prenant connaissance du projet de loi lui-même. Le champ d'action de l'agence est en effet limité à l'application de quelques dispositions législatives et, peut-être, de quelques codes de pratique. Ses pouvoirs sont restreints. On espérait trouver un organisme qui pourrait exercer une certaine influence et policer les pratiques bancaires. En lisant le projet de loi, on a plutôt l'impression d'avoir simplement affaire à un préposé qui pourra émettre des contraventions de stationnement.
Par exemple, l'agence ne pourra rien dire ou rien faire à l'égard de questions importantes comme la lisibilité des contrats, l'application des règles de l'Association canadienne des paiements concernant les débits préautorisés, les gels de fonds—tel que l'a mentionné notre collègue de l'ONAP—les difficultés qui pourraient surgir entre clients et banquiers qui apparaîtront dans les prochaines années, et qui ne seront donc pas visées par les «dispositions concernant les consommateurs» que l'agence fera appliquer.
L'agence ne pourra pas évaluer les politiques de traitement des plaintes mises en place par les banques. Elle devra «surveiller la mise en oeuvre des codes de conduite», mais elle ne pourra à peu près rien dire sur ces codes, même si leur contenu est médiocre. Elle ne voudra pas non plus aider un consommateur donné à régler un problème précis: ce n'est pas sa mission. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas évident que ses pouvoirs et son prestige convaincront les banquiers de changer des pratiques commerciales néfastes pour la clientèle.
Les consommateurs et les associations ressentent le besoin d'un guichet unique qui servirait d'interlocuteur et avec qui ils pourraient collaborer dans une foule de dossiers pour faire avancer les droits des consommateurs. C'est ce qu'ils espéraient que l'agence serait, et c'est ce dont les consommateurs canadiens ont besoin. Mais c'est précisément ce que ne sera pas l'agence.
Il serait pourtant assez simple de modifier le projet de loi pour étendre au moins le champ d'intervention de l'agence à la supervision de l'ensemble des relations entre les groupes bancaires et les consommateurs. À défaut de telles modifications, nous demeurons très pessimistes à l'égard de l'impact qu'aura l'agence sur les pratiques bancaires.
• 1620
En ce qui a trait au traitement des plaintes, le
projet de loi propose la mise en place d'un ombudsman
des services financiers canadiens. La formule
envisagée nous paraît acceptable. Nous avons beaucoup
plus de difficulté avec les mécanismes internes de
traitement des plaintes au sein des institutions
financières, qui fonctionnent pour la plupart assez mal.
Malheureusement, le projet de loi ne propose rien qui
pourra améliorer les choses.
Nous recevons toutes les semaines des plaintes de consommateurs concernant les traitements en place dans les institutions financières. Ces consommateurs constatent que les mécanismes sont trop lourds, et beaucoup de consommateurs en arrivent à s'épuiser et à conclure que l'ombudsman des banques est en fait partial.
Cela décourage les consommateurs et jette du discrédit sur l'ensemble du processus de traitement des plaintes, y compris sur le rôle du futur ombudsman des services financiers. Par ailleurs, on précise que la banque devra inviter le consommateur à porter plainte auprès de l'agence, ce qui sera une démarche essentiellement inutile puisque l'agence n'interviendra pas dans le traitement des plaintes.
Il nous paraît donc essentiel qu'on confie à l'agence le pouvoir d'agréer les politiques bancaires de traitement des réclamations et d'en surveiller l'application.
Parlons maintenant de l'encadrement des fusions bancaires. On sait que plusieurs grandes institutions financières canadiennes rêvent de fusions. On sait aussi que ces opérations peuvent avoir des conséquences très importantes pour les consommateurs et pour l'économie. Des opérations de ce genre devraient donc être examinées avec beaucoup de soin et selon des critères justes, stables et précis.
Le ministre des Finances a rendu publique une politique d'évaluation des fusions bancaires dont le contenu est, à notre avis, adéquat. Malheureusement, rien dans le projet de loi ne vient donner à cette politique la stabilité qui serait nécessaire. Nous recommandons donc qu'il y ait dans le projet de loi une disposition telle qu'un pouvoir réglementaire en vertu duquel une politique d'évaluation des fusions ou d'opérations du même genre pourrait être adoptée.
On doit aussi signaler quelques autres éléments. Nous constatons que le nouvel article 448.2 de la Loi sur les banques donne au gouvernement le pouvoir d'adopter des règlements obligeant une banque à offrir un compte à un prix abordable. Nous aurions préféré que cette obligation soit inscrite dans la loi elle-même, les règlements servant à préciser les caractéristiques de ces comptes.
On sait que les règles de l'Association canadienne des paiements jouent un rôle important dans le fonctionnement des systèmes de paiement au Canada et ont un effet sur les droits des consommateurs. Ils n'ont pourtant aucun moyen efficace de se plaindre lorsqu'une banque enfreint ces règles. Nous recommandons donc au gouvernement d'élargir l'accès au mécanisme de sanction de l'ACP et de préciser que tout client peut invoquer ces règles.
En conclusion, dans le mémoire qu'elle a adressé au comité, l'Association des banquiers canadiens—comme l'a d'ailleurs mentionné l'ONAP—dit trouver injuste que certaines dispositions protégeant les consommateurs les visent particulièrement. Cela s'explique pourtant très bien: elles sont les principales institutions de dépôt et les principaux intermédiaires de paiement au Canada, ce qui leur donne un rôle économique essentiel. Mais elles veulent de moins en moins jouer ce rôle auprès d'une partie de la population, qui a maintenant l'impression de recevoir un meilleur service chez Insta-Chèques qu'à la banque.
Le gouvernement du Canada invite le Parlement à freiner cette évolution absurde. Nous sommes d'accord et nous vous invitons, quant à nous, à effectuer quelques modifications législatives sans lesquelles l'objectif du gouvernement ne pourra être atteint dans un avenir prévisible.
Nous vous remercions de votre attention et nous sommes évidemment disposés à répondre à vos questions. Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, madame Rozon.
Nous allons maintenant entendre la Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés, par l'intermédiaire de sa représentante Mme Louise Aubert.
Bienvenue.
[Français]
Mme Louise Aubert (porte-parole, Coalition québécoise pour le maintien des emplois et services bancaires personnalisés): Monsieur le président, mesdames et messieurs, nous tenons d'abord à vous remercier de nous donner l'occasion de vous faire part brièvement de l'essentiel de nos réactions à l'égard du projet de loi C-38. Nous en approuvons l'orientation générale, mais nous sommes convaincus que quelques modifications sont nécessaires afin que cette loi atteigne les objectifs du gouvernement en matière d'accès à des services bancaires qui répondent aux besoins des citoyens.
Comme vous le savez, notre coalition compte une vingtaine d'organismes qui représentent le Québec social presque au complet. Tous les jours, nos membres sont en contact avec des personnes démunies, des aînés, des jeunes, des consommateurs, dans les villes ou dans les campagnes, qui obtiennent de moins en moins les services bancaires qu'ils désirent. Nous dirons d'abord un mot de quelques initiatives heureuses pour ensuite aborder deux questions qui nous préoccupent grandement, soit les gels de fonds et les fermetures de succursales.
• 1625
Par ce projet de loi, le gouvernement a, avec raison,
choisi de contrer certaines tendances qui provoquent
la dégradation des services. On pense par exemple
aux nouveaux articles 448.1 et 448.2 de la Loi sur les
banques, qui obligeraient les banques à ouvrir des
comptes et à offrir des comptes abordables. À quelques
détails techniques près, il s'agit là de mesures urgentes
et essentielles, qui favoriseront l'accès aux services bancaires.
Évidemment, leur effet dépendra du contenu de règlements
que nous ne connaissons pas encore. Jusqu'à maintenant, le
ministre et le personnel du ministère ont toutefois
démontré leur sensibilité aux besoins des citoyens dans
ces domaines.
En ce qui concerne les gels de fonds, nous constatons que les banquiers savent faire preuve d'une grande imagination quand il s'agit d'inventer des moyens pour éloigner une clientèle qui les intéresse moins. Il faudra d'ailleurs en tenir compte dans les règlements adoptés en vertu de l'article 448.1. On peut en trouver une preuve dans les pratiques reliées aux gels de fonds. Un sondage CROP réalisé en février 2000 pour Option consommateurs démontre que 13 p. 100 des consommateurs québécois avaient subi au moins un gel lors du dépôt d'un chèque non gouvernemental dans les deux dernières années. Cette proportion monte à 21 p. 100 chez les jeunes de 18 à 34 ans. Dans la moitié des cas, le gel le plus long que ces personnes avaient subi était de six jours ou plus; au moins 10 p. 100 ont dit avoir subi des gels de 10 jours et plus.
Le problème n'est pas nouveau: le rapport MacKay faisait déjà état des difficultés liées au gel de fonds. En novembre 1998, le groupe de travail du caucus libéral recommandait d'interdire aux banques d'établir des délais de gel supérieurs à la période requise pour compenser un chèque. Pourtant, en pratique, la situation se détériore.
Dans son état actuel, le projet de loi ne propose aucune solution réelle à cet égard. Bien sûr, un règlement adopté en vertu du nouvel article 459.4 de la Loi sur les banques pourrait obliger une banque à afficher sa politique de gel. Mais que se passera-t-il? On annoncera que la période de gel «normale» est d'une semaine, par exemple, puis on fera des exceptions pour les bons clients. On écartera ainsi tous ceux dont on ne veut pas. Bien sûr, et c'est une fort bonne chose, le nouvel article 458.1 de la loi obligera les banques à encaisser des chèques provenant du gouvernement fédéral. Mais cette disposition ne servira que les non-clients, et non pas les milliers de citoyens à petit revenu qui n'ont pas les moyens d'attendre une semaine que leur chèque de paye soit disponible.
Il est d'autre part illusoire de penser que l'Association canadienne des paiements puisse intervenir dans ce domaine. Elle n'a en effet aucun pouvoir sur les politiques internes des banques qui fixent les délais de mise à disposition des fonds. Or, c'est là que se trouve le véritable problème. Si la direction de l'ACP a l'occasion de comparaître devant vous, nous vous invitons vivement à leur poser directement la question.
Aux États-Unis, on a réglé une bonne partie du problème en adoptant une loi qui fixe des délais maximaux de mise à disposition des fonds. C'était en 1987, sous le régime Reagan. Treize ans plus tard, notre Parlement se montrera-t-il moins soucieux de régler cette question? Ce serait pourtant facile. Il s'agirait en effet, par un simple amendement au projet actuel, d'attribuer au gouvernement le pouvoir d'adopter des règlements dans ce domaine. Option consommateurs a présenté une proposition précise à cet égard, que nous appuyons.
Il appartiendra ensuite au gouvernement de discuter avec l'industrie bancaire, tout comme il le fait actuellement en ce qui concerne les comptes à coût modique. Il disposera au moins d'un levier de négociation qui fait présentement défaut. Rien ne saurait justifier qu'on attende encore cinq ans pour intervenir, qu'on laisse pendant cinq ans des citoyens canadiens incapables pendant des jours d'avoir accès à leur argent.
D'autre part, nous constatons partout un autre problème: les succursales bancaires ferment par dizaines au Canada et au Québec. Une étude toute récente du Centre de défense de l'intérêt public mesure le phénomène et ses conséquences dans certaines régions rurales. Quinze pour cent des résidants de la région de Montréal affirmaient en février 2000 dans un sondage CROP que leur succursale principale avait fermé dans les deux années précédentes et 10 p. 100 affirmaient qu'une autre succursale où ils avaient un compte avait fermé dans la même période. C'est énorme et cela entraîne des conséquences pour les citoyens et pour l'économie.
Pour les citoyens, les services sont de moins en moins accessibles. Pourtant, le même sondage CROP fait au début de l'année démontre que le consommateur québécois moyen va encore au comptoir de son institution financière deux fois par mois et que 17 p. 100 des Québécois ne vont jamais au guichet automatique, une proportion qui monte à 41 p. 100 chez les personnes de 55 ans et plus. Les gens veulent, et ont besoin, de services personnalisés.
Malheureusement, les mesures proposées dans le projet de loi ne sont pas à la hauteur du problème. Une banque qui veut fermer un point de service devra simplement donner un préavis et elle pourra être invitée à une rencontre avec la nouvelle Agence de la consommation en matière financière du Canada et, peut-être, avec des représentants de la «communauté locale». Le délai du préavis serait fixé par règlement.
• 1630
Ces mesures sont clairement insuffisantes pour
ralentir l'effondrement du réseau des succursales
bancaires au Canada. À tout le moins, il devrait
obligatoirement y avoir rencontre avec l'agence et,
dans presque tous les cas, consultation avec la
communauté touchée. Le texte législatif devrait viser
la fermeture de tous les points de service où on peut
procéder à une sortie de fonds par l'entremise d'une
personne physique, et non seulement les succursales au
sens technique du terme, comme c'est présentement le
cas. Ce sont là des changements assez faciles à
effectuer.
La coalition maintient d'autre part que, dans les cas où la fermeture d'un point de service aura un impact important sur la communauté, un mécanisme de compensation devra être mis en place. Quand une banque ferme une succursale, elle fait peut-être des économies, mais elle occasionne des coûts parfois importants à l'ensemble de la communauté, et ce n'est pas aux gens des campagnes ou des quartiers urbains défavorisés de payer le prix des réorientations décidées sur Bay Street.
Voici nos conclusions. On voit présentement le nombre de comptoirs Insta-Chèques ou Money Mart augmenter un peu partout au Canada. On peut y changer des chèques sans délai, y payer des comptes et même, de plus en plus, y emprunter de l'argent. C'est un réseau quasi bancaire parallèle, non réglementé et très coûteux qui se développe parce que les banques fournissent de moins en moins de services de base et mécontentent de plus en plus la population. C'est un phénomène que nous trouvons extrêmement inquiétant, parce qu'il crée des citoyens de seconde classe et les exploite, et parce qu'on confie à une industrie non réglementée et peu efficiente des fonctions économiques essentielles.
Pour contrer ces tendances, il faut améliorer certains aspects du projet de loi C-38. Nous vous y invitons avec la plus profonde conviction. Notre coalition a en effet pour raison d'être d'insister afin que toute personne au Canada puisse avoir accès à des services bancaires personnalisés à une distance raisonnable de son domicile et selon des horaires adéquats. Nous en sommes encore loin.
Merci.
[Traduction]
Le président: Merci.
Nous allons maintenant entendre William H. Loewen, président de TelPay, division de CTI-Com Tel Inc.; et Bryan Denysuik, directeur des fonds salariaux en fiducie, Ceridian Canada Ltd.
Comme vous le savez sans doute, vous avez environ sept minutes pour faire votre exposé, puis nous poserons des questions. Soyez les bienvenus.
M. William H. Loewen (président, TelPay Bill Payment Service): Merci. Merci de nous avoir invités à comparaître.
À première vue, les changements proposés au projet de loi C-38 semblent très prometteurs. Toutefois quand on examine la question de plus près et que l'on tient compte des réactions aux questions, on commence à s'inquiéter. L'un des objectifs déclarés du projet de loi est d'accroître la concurrence. En 1980, on visait aussi le même objectif. À cette époque, de grands changements ont été apportés et les sociétés de fiducie et des caisses de crédit ont été admises au sein de l'Association canadienne des paiements. Les sociétés de fiducie ont presque disparu depuis, et les caisses de crédit—par nécessité, je suppose—ont joint les rangs du club.
En 1980, on a invité les banques étrangères à s'installer au Canada. Plus d'une cinquantaine d'entre elles l'ont fait, sans que cela ait un véritable impact sur le marché. Le fait de permettre aux sociétés d'assurance et aux fonds mutuels de se joindre à l'ACP n'en aura pas davantage en vertu des règlements actuels puisque ces intervenants deviendront de simples sous-adhérents. Ce sont les membres adhérents, et surtout les cinq principales banques, qui continueront de faire la pluie et le beau temps. Assouplir les conditions d'entrée des banques étrangères sur le marché n'y fera pas non plus grand-chose. Et je ne suis pas le seul à le dire. Lorsque j'ai discuté de la question avec Mme Helen Sinclair, ancienne présidente de l'Association des banquiers canadiens, elle m'a dit que tout cela lui donnait une impression de déjà vu.
La plupart des restrictions imposées à la concurrence découlent du contrôle qu'exercent les membres adhérents sur le système des paiements. Les modifications proposées dans le projet de loi C-38 donnent l'impression d'un changement de cap, mais lorsqu'on y regarde de près, on a la nette impression qu'il ne s'agit que d'une façade. Qu'on songe au fait que le ministre pourra désigner les systèmes de paiement afin d'influer sur le fonctionnement de ces systèmes. La réponse à la question de savoir si Interac sera désigné comme un système de paiement est non. Les banques ne le veulent pas apparemment.
• 1635
Les fournisseurs de services comme TelPay peuvent constituer
la véritable réponse au problème de la concurrence. Comcheq
Services Limited, société avec laquelle j'ai été lié, illustre la
façon dont les petites sociétés peuvent faire vraiment concurrence
aux banques. Ces sociétés n'ont cependant pas pu compter sur une
aide gouvernementale pour continuer de faire concurrence aux
banques.
Nous pouvons faire concurrence aux banques, mais nous ne pouvons pas faire concurrence à la fois aux banques et à un gouvernement qui fait preuve d'indifférence. TelPay fait concurrence en ce moment aux principales banques. La société offre des services qui permettent aux petites institutions financières de pouvoir faire concurrence aux grandes banques. Pour pouvoir maintenir cette concurrence, nous devons pouvoir compter sur l'appui du gouvernement qui doit prendre les mesures voulues afin d'empêcher que les banques ne réduisent notre marge de manoeuvre en contrôlant l'ACP.
Force nous est de constater que les banques ont déjà joué un rôle important dans la rédaction du projet de loi C-38. Nous pouvons présumer qu'elles participeront aussi de très près à la rédaction des règlements en cours d'élaboration, règlements que nous ne serons cependant pas autorisés à voir avant le mois de décembre au plus tôt. Le projet de loi n'atteindra ses objectifs que si les règlements font en sorte de placer sur le même pied les petites institutions financières et les membres adhérents de l'ACP.
Nous voulons en particulier qu'on permette à nos clients de pouvoir faire des transactions de débit en direct à partir de leurs comptes de façon efficace. Nous pouvons déjà faire des transactions de débit de nuit, mais ceux-ci comportent d'importants inconvénients pour nous. Donnez-nous le droit d'effectuer des débits en direct et nous pouvons vous assurer que nous serons très compétitifs ainsi que les petites institutions financières que nous desservons.
Pour nous permettre d'être compétitifs, nous devons participer à un dialogue constructif et nous devons pouvoir compter sur l'appui du gouvernement pour ce qui est de la façon dont ces transactions de débit seront traitées. Nous devons participer à des discussions de fond avec les fonctionnaires gouvernementaux et l'ACP. Il est possible de trouver une solution aux problèmes qui se posent; vous devez simplement insister pour que les parties visées collaborent à trouver cette solution. Nous ne pouvons rien sans votre plein appui.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
Nous entendrons maintenant le représentant de Ceridian Canada Ltd. Je vous prie de bien vouloir commencer.
M. Brian Denysuik (directeur, Services de paie, Ceridian Canada Ltd.): Ceridian Canada Ltd. est l'un des plus importants fournisseurs de services de paie au Canada. Nous émettons un chèque de paie au nom de plus de 2,3 millions de Canadiens. L'efficacité du système de paiements canadien revêt donc beaucoup d'importance pour nous. Nous émettons plus de 60 millions de chèques de paie et administrons chaque année plus de 60 milliards de dollars en fonds de paie.
Le secteur privé est très favorable aux changements proposés dans le projet de loi C-38 qui visent à accorder au ministre un droit de regard plus poussé sur le fonctionnement de l'Association canadienne des paiements. Le bon fonctionnement du système des paiements revêt beaucoup d'importance pour les fournisseurs de services de paie comme Ceridian Canada Ltd. Nous ne disposons malheureusement pas de l'influence voulue auprès des banques pour qu'elles tiennent compte de nos intérêts. Le système des paiements doit répondre aux besoins de tous les intervenants, y compris à ceux de l'usager final, soit l'employé qui touche un chèque de paie.
Interac est un système de paiements électroniques efficace qui n'est pas réglementé par l'ACP. Or, nous estimons que tous les systèmes de paiements doivent l'être. Par l'intermédiaire d'Interac, les banques peuvent facilement débiter de l'argent de votre compte de banque lorsque vous faites un achat. Le système des dépôts ne fonctionne cependant pas de la même façon. Les dépôts directs, par exemple, sont réglementés par l'ACP.
Les banques n'ont pas besoin d'un entrepôt pour effectuer les transactions de paiement puisqu'ils utilisent à cette fin des enregistrements magnétiques et des services de messagerie. Ces transactions comportent les dépôts directs de salaire, les remboursements d'impôts, les débits de frais d'assurance, les débits pour retenue à la source, le règlement des factures et beaucoup d'autres types de transactions. La technologie n'est pas ainsi exploitée au maximum. Si cet échange manuel de transactions flanche, l'employé n'est pas rémunéré. L'employé peut se retrouver devant une caissière qui l'informera que sa carte de débit indique que le compte en banque est à sec. Le tout pourrait être attribuable au fait que le messager devant transmettre le paiement a eu un accident de voiture et que l'institution recevant le paiement n'a donc pas pu traiter l'information contenue sur la bande magnétique.
• 1640
Les deux plus importants fournisseurs de service de paie
défalquent 120 milliards de dollars par année des comptes bancaires
des employeurs et versent cette somme dans des fonds de paie. Si le
gouvernement appuie l'élargissement de son mandat, l'ACP serait
prête à aider les entreprises qui utilisent le système des
paiements à réduire les risques de règlement.
Dans le système actuel, plusieurs jours peuvent s'écouler avant qu'on ne sache qu'un débit pour services de paie n'a pas été honoré. S'il était possible de débiter en direct la somme voulue des comptes des employeurs au moment du traitement des paiements liés à la paie, nous pourrions supprimer 120 milliards de dollars en risques de règlement.
À titre d'utilisateur du système canadien de paiement, nous voulons que le gouvernement s'engage à favoriser le développement d'un système de paiement efficace, sûr et solide qui soit dans l'intérêt public.
Nous ne voulons pas imputer à qui que ce soit les lacunes actuelles du système de paiement. Nous voulons continuer de collaborer avec les institutions financières et les organismes de réglementation à faire en sorte que le système de paiements tienne compte des changements technologiques actuels et futurs. Sous l'influence du ministère des Finances, le système de paiement ne continuera de répondre qu'aux besoins des banques.
À titre d'utilisateur important du système de paiement, Ceridian Canada Ltd. demande qu'on tienne compte de ses besoins et de son avis en ce qui touche l'évolution du système de paiement. Nous espérons que l'élargissement du mandat de l'ACP qui est prévu dans le projet de loi C-38 permettra d'atteindre cet objectif.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup, messieurs Denysuik et Loewen.
J'accorde maintenant la parole aux représentants de la Co-operative Trust Company of Canada.
Je vous signale que nous allons maintenant entendre quelques témoins de plus que ceux que nous avions prévus pour ce tour-ci parce que nous devrons participer à un vote et que je veux ainsi éviter que nous prenions du retard. Je sollicite votre indulgence.
Messieurs King et Deirker, je vous souhaite la bienvenue.
M. C. Wayne King (vice-président et secrétaire de la société, Co-operative Trust Company of Canada): Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis accompagné aujourd'hui de notre avocat, M. Joe Deirker.
J'aimerais vous remercier de l'occasion que nous avons de comparaître devant le comité pour lui faire part de notre appui à ce projet de loi. Co-operative Trust a étudié les dispositions du projet de loi qui la concernent et est en mesure de dire qu'il appuie les importantes modifications proposées dans le projet de loi C-38.
J'aimerais vous signaler, pour votre gouverne, que Co-operative Trust Company est un important fournisseur de services de soutien aux caisses d'épargne et de crédit du Canada et qu'elle participe à ce titre à leur succès économique. Les caisses d'épargne et de crédit possèdent 90 p. 100 du capital de Co-operative Trust et les deux sociétés d'assurance coopérative canadiennes possèdent le reste soit 10 p. 100.
Co-operative Trust offre actuellement en collaboration avec les caisses d'épargne et de crédit une vaste de gamme de services bancaires de détail. Ces services vont des produits permettant de reporter le paiement de l'impôt comme les R.E.R., les F.R.R. et les R.E.E.E. au financement des hypothèques. Co-operative Trust accroîtra bientôt la gamme des services qu'elle offre par l'intermédiaire d'un nouveau programme lui permettant d'offrir des services bancaires commerciaux aux petites entreprises, comme les prêts. Ces améliorations permettront aux caisses d'épargne et de crédit d'offrir des services dont ont besoin leurs membres.
Je vous signale que nous offrons tous nos services de façon à accroître la relation entre le membre de la caisse d'épargne et de crédit et sa caisse. Nous ne traitons pas directement avec le membre de la caisse.
Le projet de loi C-38 permet la création d'une association coopérative de détail qui pourra offrir des services financiers de détail en vertu de la Loi sur les associations coopératives de crédit, soit la LACC. Le projet de loi ne permet cependant pas à Co-operative Trust de poursuivre ses activités comme association de détail et d'invoquer à cet égard les dispositions de la Loi sur les associations coopératives de crédit.
Il est nécessaire que Co-operative Trust puisse se doter d'une structure qui lui permettra d'offrir des services efficaces aux coopératives d'épargne et de crédit qu'elle dessert.
En vertu du projet de loi C-38, Co-operative Trust, pour poursuivre ses activités, doit demeurer une société de fiducie ou devenir une banque à charte. Le projet de loi C-38 accorde cependant une grande souplesse aux banques qui peuvent se restructurer de la façon qui leur convient pour fournir des services au détail. Co-operative Trust doit pouvoir planifier ses activités futures en disposant de la même souplesse.
• 1645
Dans son mémoire, Co-operative Trust demande au comité
d'appuyer des amendements au projet de loi C-38 qui lui accordera
la souplesse voulue pour se restructurer de la façon qui lui semble
plus efficace.
La Loi sur les sociétés de fiducie et de prêts reconnaît actuellement le régime de propriété particulier de Co-operative Trust et prévoit des exceptions aux règles normales touchant les sociétés de fiducie pour lui permettre de conserver sa structure de régie coopérative. Co-operative Trust demande à votre comité d'appuyer un amendement à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêts pour lui permettre de continuer d'être considérée comme une association aux termes de la Loi sur les associations coopératives de crédit.
Nous demandons au comité de se pencher d'abord sur la question de la souplesse en matière de restructuration, mais nous lui demandons aussi de se pencher sur les autres questions que nous avons soulevées dans le mémoire que nous lui faisions parvenir le 2 octobre 2000. Co-operative Trust remercie le président du comité et les membres de celui-ci de l'attention qu'ils lui ont accordée.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur King.
Tous les intervenants auront dix minutes. Ce sera d'abord le tour de M. Epp qui sera suivi de M. Loubier et de M. Cullen.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): J'ai écouté avec grand intérêt vos exposés et je vous remercie d'avoir pris le temps de venir personnellement nous exposer votre point de vue. Il est toujours bon de pouvoir discuter en personne de ces questions.
J'ai plusieurs questions à poser et j'espère pouvoir toutes les poser en dix minutes. J'adresserai ma première question à Sharlyn qui a déjà comparu devant le comité. Je suis heureux de vous revoir Sharlyn. J'aimerais que vous ou votre adjoint, dont je n'ai pas compris le nom, nous expliquiez ce que vous réclamez au juste. Si je ne m'abuse, vous réclamez de toute évidence l'autorisation de pouvoir offrir des services bancaires au moyen de la nouvelle technologie au lieu d'être obligé d'offrir ces services au comptoir. Vous ai-je bien compris? Vous voulez pouvoir offrir des services par guichet bancaire automatique ainsi que des services bancaires électroniques comme les autres établissements financiers, n'est-ce pas?
Mme Sharlyn Ayotte: Nous demandons essentiellement à ce qu'on tienne compte de la question de l'accessibilité aux services dans l'ensemble du projet de loi C-38. Nous voulons, par exemple, nous assurer que les aveugles puissent avoir accès aux services financiers et que les gens qui vivent en milieu rural puissent aussi avoir accès à ces services par des guichets automatiques. Ceux qui ont du mal à lire devraient pouvoir avoir accès aux services financiers grâce à un guichet automatique sonore. Il devrait être possible aux gens d'obtenir des services financiers au moyen de la nouvelle technologie dans les centres communautaires. Nous demandons donc à ce qu'on tienne compte de la question de l'accessibilité aux services dans l'ensemble du projet de loi.
M. Ken Epp: Avez-vous une idée du nombre de personnes pour qui l'accessibilité aux services pose des difficultés?
Mme Sharlyn Ayotte: Vous voulez dire de façon générale?
M. Ken Epp: Oui.
Mme Sharlyn Ayotte: Environ 40 p. 100 des gens n'ont pas accès à la technologie de l'information et des communications. Environ 8 p. 100 des Canadiens n'y ont pas accès en raison d'une déficience. Et si l'on en juge par l'enquête internationale portant sur le niveau d'alphabétisation effectuée en 1997, si je ne m'abuse, 48 p. 100 des adultes canadiens ont du mal à lire. Le Canada accueille chaque année environ 250 000 nouveaux immigrants qui apprennent à parler la langue du pays avant de savoir l'écrire. En outre, un nombre incroyable de gens développent des déficiences en vieillissant qui les empêchent d'utiliser la technologie.
M. Ken Epp: Peut-on vraiment s'attendre, à votre avis, à ce que des gens qui aient du mal à lire apprennent à se servir d'un ordinateur ou d'un GBA?
Mme Sharlyn Ayotte: Les GBA peuvent utiliser le son comme moyen de transmission de l'information. Les gens qui ont du mal à lire et écrire peuvent très bien s'intégrer à la société et parviennent à masquer leurs déficiences. Tout ce qui les distingue des autres, c'est qu'ils traitent l'information au moyen des sons, comme moi. Les services sont-ils inaccessibles à ces gens parce qu'ils ne savent pas lire ou écrire ou parce que les systèmes n'ont pas été conçus pour fournir l'information par d'autres méthodes? On peut supprimer la déficience liée à la lecture et l'écriture si l'on élargit les critères d'accessibilité au système.
M. Ken Epp: J'aimerais vraiment discuter plus longuement de cette question, mais j'ai d'autres questions à poser. Le temps qui m'est imparti est court.
Mme Sharlyn Ayotte: Je comprends.
M. Ken Epp: Je vous remercie beaucoup.
Madame Rektor, je crois comme vous que les services bancaires doivent être accessibles aux moins bien nantis. J'aimerais d'abord vous demander ce que vous considérez comme un compte à frais modiques. Êtes-vous d'accord ou non avec ce que propose à cet égard le projet de loi C-38?
Mme Laurie Rektor: Nous aimerions que les gens à faible revenu puissent effectuer un certain nombre de transactions en succursales et par voie électronique qui ne comporteraient aucun frais. Je songe aux transactions courantes comme le paiement du loyer et des factures.
M. Ken Epp: Vous voudriez donc que le gouvernement adopte une loi obligeant les banques à offrir certains services gratuitement, c'est-à-dire des services qui ne leur rapporteraient rien. Vous ai-je bien compris?
Mme Laurie Rektor: Je ne dirais pas que ces services ne rapporteraient rien aux banques. Compte tenu de la position privilégiée qui est celle des banques, et dont nous ont parlé d'autres témoins aujourd'hui, je pense que les banques ont l'obligation d'offrir aux consommateurs qui en ont besoin un compte qui leur permettrait de faire un certain nombre de transactions gratuites.
M. Ken Epp: J'ai une question à poser au sujet de la gestion de ces comptes à frais modiques. J'aimerais savoir combien de temps il faudrait attendre pour avoir accès aux fonds. Un certain nombre d'entre vous avez soulevé ce problème. Peut-être d'autres personnes voudront-elles intervenir après vous sur ce point.
Nous devons poser la question aux banquiers lorsqu'ils comparaîtront, mais je suppose que lorsque les banques retiennent des fonds, c'est qu'elles ne sont pas certaines que le paiement sera honoré ou qu'il y a des raisons technologiques qui les empêchent de vérifier si ce sera le cas. On peut évidemment se demander pourquoi une banque retiendrait des fonds lorsqu'il s'agit d'un chèque émis par le gouvernement. Il arrive cependant aux gens d'égarer parfois leurs chèques ou de se les faire voler. Quelqu'un peut donc se présenter pour encaisser un chèque qui ne lui appartient pas. Pendant combien de temps les banques devraient-elles pouvoir retenir les fonds? Je crois que c'est vous ou c'est peut-être un autre témoin qui a dit qu'elles devraient pouvoir les retenir pendant un jour.
Mme Laurie Rektor: J'ai proposé que le délai soit de deux jours pour un chèque qui a été émis dans la même province parce que l'Association canadienne des paiements met 24 heures à compenser un chèque, si je ne m'abuse. Ce délai semble donc raisonnable.
Comme vous l'avez fait remarquer, je pense que d'autres témoins voudraient aussi intervenir sur cette question parce qu'il s'agit là d'une des plus importantes lacunes du projet de loi C-38 en ce qui touche l'accès aux services. On a donné des exemples de cas où des fonds ont été retenus pendant au moins dix jours même si le titulaire du chèque pouvait présenter les pièces d'identité voulues et même si le système des paiements met beaucoup moins de temps à compenser un chèque. Je me trompe peut-être, mais je pense que c'est Louise qui a dit que c'était l'une des nombreuses façons créatrices par lesquelles les institutions financières privent de service les consommateurs à faible revenu.
M. Ken Epp: Soyez sûre que nous demanderons des comptes à ce sujet aux représentants des banques lorsqu'ils comparaîtront devant le comité et ce qu'ils auront à dire vous intéressera sans doute.
Louise ou Jacques, voudriez-vous ajouter quelque chose?
M. Jacques St-Amant: J'aimerais bien dire quelque chose.
Je connais bien le fonctionnement de l'ACP en ma qualité de membre du conseil consultatif. Six pour cent des consommateurs au Québec qui ont participé à un sondage CROP en janvier 2000 ont dit qu'ils avaient dû attendre plus de 21 jours pour toucher des fonds au cours des deux dernières années. Je ne vois aucune raison qui justifie cette situation. Il n'existe aucune raison technique de retenir des fonds aussi longtemps. Il n'y a pas lieu de douter de l'efficacité de notre système de paiement. La fraude n'est pas à ce point répandue dans le système de paiement pour justifier cette façon d'agir. Cela ne fait aucun sens. On ne cherche par là qu'à empêcher certaines personnes d'avoir accès aux services de paiement comme j'ai pu m'en rendre compte.
• 1655
Il y a quelques années, j'ai voulu ouvrir un compte dans une
banque dont je tairai le nom. La caissière m'a dit que la banque
retiendrait les fonds pendant au moins dix jours lorsque je
voudrais encaisser un chèque, et ce pendant trois mois. Je lui ai
dit que cela m'empêcherait d'ouvrir un compte dans cette banque.
Elle m'a dit qu'elle allait discuter de la question avec son
superviseur. Elle m'a ensuite dit que la banque ne retiendrait pas
les fonds du tout puisque j'étais avocat. Cela m'est arrivé à
Montréal il y a deux ans et beaucoup de gens nous appellent pour se
plaindre de la même chose. Rien ne justifie pareille situation qui
illustre bien qu'une partie de la population fait l'objet d'une
discrimination systémique.
Le président: Ken.
M. Ken Epp: J'ai 30 secondes, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
M. Ken Epp: Très bien.
Monsieur Lussier, vous proposez dans votre mémoire qu'on interdise aux établissements financiers de participer au financement des partis politiques. Qu'est-ce qui vous amène à faire une recommandation semblable?
[Français]
M. Paul Lussier: Non seulement les entreprises du secteur financier, mais aussi toutes les entreprises. À ma connaissance, ce sont les individus qui ont droit de vote au Canada et non les entreprises. Si les employés de banques ou d'entreprises veulent faire des contributions individuelles, libre à eux. Toutefois, les entreprises ne devraient pas avoir le droit de faire des contributions parce que ça fausse le système démocratique. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a adopté il y a déjà plusieurs années des mesures pour défendre aux entreprises de contribuer aux fonds des partis politiques au Québec. La démocratie au Québec se porte très bien.
Je fais peut-être de la calomnie, à peine de la médisance, mais nous croyons que le processus actuel de la révision de la Loi sur les banques favorise les institutions financières, en bonne partie probablement à cause de leur lien très étroit avec les partis politiques. Je n'ai pas les montants avec moi aujourd'hui, mais les institutions financières canadiennes sont les plus grandes cotisantes aux partis politiques du Canada, en particulier au Parti libéral et au Parti progressiste-conservateur.
M. Yvan Loubier: Nous les avons, ces montants.
[Traduction]
M. Ken Epp: Vous soulevez un point intéressant.
J'aimerais poursuivre la discussion, monsieur le président, mais je dois céder la parole à mon collègue.
Le président: Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous allons interrompre pendant un instant la période des questions pour permettre à l'honorable Doug Peters de faire son exposé. Nous reviendrons ensuite à la période des questions et je veillerai à répartir le temps équitablement entre tous.
Je vous souhaite la bienvenue.
M. Douglas D. Peters (témoignage à titre personnel): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je présume que vous avez reçu un exemplaire de notre mémoire. Ce mémoire, que nous avons rédigé à la demande du président du comité, renferme les vues du coauteur et les miennes. Nous ne prétendons pas représenter les vues de qui que ce soit d'autre.
Mon coauteur, M. David Peters, aurait bien aimé comparaître avec moi devant vous, mais il donne actuellement un cours à son université qui est loin d'ici.
Nous aimerions d'abord féliciter le ministère des Finances d'avoir produit un énorme projet de loi qui compte près de 1 000 pages. Je n'ai pas l'intention aujourd'hui d'analyser ce projet de loi page par page. Notre mémoire se concentre plutôt sur deux points importants du projet de loi. Il fait d'abord ressortir dans quelle mesure il n'atteint pas les objectifs que se fixait le gouvernement dans son propre Livre blanc et précise de quelle façon la loi devrait réglementer les établissements financiers au XXIe siècle.
Le Livre blanc sur lequel repose le projet de loi faisait ressortir que les établissements financiers canadiens devaient disposer de la souplesse voulue pour pouvoir s'adapter aux nouveaux impératifs commerciaux, qu'il fallait favoriser la concurrence, que les consommateurs devaient obtenir des services de qualité et qu'il fallait alléger le fardeau réglementaire. Nous estimons que le projet de loi n'atteint aucun de ces objectifs.
Le projet de loi ne permet pas aux consommateurs de bénéficier des avantages d'une concurrence accrue dans le domaine de l'assurance et du crédit-bail automobile et conserve plutôt les règles qui soustraient à la concurrence les sociétés d'assurances et les grandes sociétés de crédit automobile appartenant en grande partie à des intérêts étrangers.
Au lieu de réduire le fardeau réglementaire des établissements financiers, le projet de loi l'accroît sensiblement en proposant que l'Agence de la consommation en matière financière du Canada ne réglemente que les activités des banques. Or, d'autres établissements financiers offrent des services aux consommateurs et ceux-ci auraient grandement besoin d'une protection adéquate. Mentionnons les fonds mutuels, les contrats de crédit-bail et les opérations sur valeur et leur réglementation.
• 1700
Il convient également de se préoccuper du fait que le projet
de loi augmente énormément le nombre de questions qui relèveront de
la discrétion du ministre. Nous déplorons dans notre mémoire la
complexité accrue de certaines règles, et notamment la règle qui
remplace celle qui limitait le droit de propriété étrangère à
10 p. 100 ainsi que la règle touchant la capitalisation des
sociétés de portefeuille.
Le groupe de travail MacKay a formulé de nombreuses recommandations, mais la plus importante d'entre elles était qu'il convenait d'éliminer les règles s'opposant à la concurrence qui empêchaient les banques de vendre de l'assurance dans leurs succursales et de faire une publicité sélective et visant également à éliminer les règles empêchant les établissements de dépôt de faire du crédit-bail. Le Canada est à peu près le seul pays développé à restreindre la concurrence de cette façon.
Le projet de loi rend beaucoup plus complexes les règles sur la propriété. Je me demande si quelqu'un a établi combien de pages dans le nouveau projet de loi portent sur la question. Or, la règle des 10 p. 100, en vigueur depuis 30 ans, a donné de bons résultats. Nous estimons qu'il conviendrait de la conserver.
La création de banques disposant de très peu de capital—seulement un million—présente à notre avis de grands risques. Le bilan des petits établissements de dépôt au Canada est catastrophique. Permettre qu'un plus grand nombre de ce genre d'institutions puissent être créées ne ferait que rendre la supervision encore plus coûteuse et accroîtrait les risques de pertes. Il est bien évident que la création de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et que la création d'un nouvel ombudsman fédéral viennent accroître considérablement le fardeau réglementaire auquel sont assujettis les établissements financiers canadiens. Six organismes gouvernementaux fédéraux distincts réglementeront maintenant les établissements financiers, ce qui risque de créer beaucoup de confusion.
Nous proposons dans notre mémoire un certain nombre de domaines qui devraient être réglementés par le gouvernement fédéral. C'est dans ces domaines de portée nationale qui sont cependant de compétence provinciale qu'il convient le plus de protéger l'intérêt des consommateurs. Ce sont les contrats d'assurance, les fonds mutuels et les commissions auxquelles ils donnent droit, l'absence de normes dans les contrats de crédit-bail automobile et la réglementation des opérations sur valeur qui posent le plus de difficultés aux consommateurs.
Notre mémoire traite enfin du processus d'approbation des fusions des établissements financiers. Il aurait peut-être été utile de suivre la procédure proposée dans le cas des fusions récentes qui ont été proposées et où les partenaires étaient des établissements financiers viables. Dans le passé, les fusions constituaient des mariages de convenance lorsqu'un établissement financier était sur le point de faire faillite. Étant donné que ce genre de situation risque de se reproduire, nous estimons qu'il convient de prévoir une procédure pour l'approbation des fusions.
Je vous remercie de votre attention, mesdames et messieurs. Je répondrai maintenant volontiers à vos questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup. Ayant déjà été secrétaire d'État aux institutions financières, vous nous avez présenté un point de vue intéressant.
Monsieur Loubier, vous aurez cinq minutes de plus. Cela fera 15 minutes pour chaque tour de table et nous donnerons ensuite cinq minutes supplémentaires à M. Epp.
[Français]
M. Yvan Loubier: J'aurai plusieurs questions à poser, mais je ferai d'abord des remarques à M. Lussier de l'APEIQ. Notre parti va faire en sorte que vos revendications entourant le système archaïque de l'administration des banques puissent progresser. Donc, nous faisons nôtres vos propositions à l'égard du fonctionnement des conseils d'administration et des salaires et traitements des dirigeants. Je trouve cela effroyable. Cela n'a aucun sens. Également, l'aspect quasi féodal de ce qui est imposé aux petits actionnaires qui veulent faire des propositions n'a aucun sens et, si ma mémoire est bonne, le projet de loi S-19 qui est à l'étude au Sénat pose exactement le même diagnostic. Donc, ce régime n'a pas de bon sens et il faut changer les choses.
La même chose vaut pour Mme Ayotte. Notre parti est très sensible à vos exigences, d'autant plus que pour les personnes sourdes et les malentendants, par exemple, nous avons été les premiers à demander que le sous-titrage des émissions soit généralisé sur tous les canaux de télévision et devienne pratique courante. On est très sensibles aux besoins des personnes non voyantes. On va se faire le porte-parole de vos revendications.
J'ai certaines questions à poser au sujet d'Option consommateurs et à Mme Rektor, qui a parlé de la fermeture des banques. Je me souviens du moment où le ministre des Finances a annoncé ses positions, ses orientations. C'était le 24 juin. Il n'a même pas respecté la Fête nationale des Québécois, ce qui est encore plus décevant.
• 1705
Si ma mémoire est bonne, vous, d'Option
consommateurs, étiez satisfaits des orientations du
ministre des Finances. D'ailleurs, ce dernier se
réclamait de vous pour dire que les représentants des
consommateurs étaient satisfaits de l'orientation prise
par le ministère.
Pourtant, de notre côté, nous avions évalué que la fermeture des succursales, par exemple, était quelque chose d'horrible: un préavis de quatre ou six mois, selon les régions, pour annoncer la fermeture d'une banque, quand cela veut dire qu'à brève échéance, il n'y aura plus de services en milieu rural éloigné et dans les quartiers défavorisés des grandes villes québécoises et canadiennes. Bref, nous ne trouvions pas que c'était un pas dans la bonne direction.
Je me demande, par conséquent, si vous avez changé d'idée. Êtes-vous prêts à dire aujourd'hui que nous n'avons pas de garantie quant aux services octroyés aux populations rurales et aux populations les plus défavorisés? Pensons à certains quartiers de Montréal, comme Hochelaga—Maisonneuve, représenté par quelqu'un que vous connaissez, Réal Ménard du Bloc québécois, où il n'y a plus de succursales bancaires ou presque. Ce sont des prêteurs sur gages qui offrent des services douteux sur le plan bancaire.
J'aimerais que vous m'apportiez des précisions concernant cet aspect de la question. J'aimerais aussi que vous me disiez—Mme Rektor pourrait elle aussi participer à la discussion—ce qu'il aurait été souhaitable de voir dans le projet de loi qui aurait fait en sorte que les services soient maintenus, même dans des régions où ce n'est pas rentable sur le plan comptable. Qu'aurait dû contenir le projet de loi pour assurer un service personnalisé et de qualité, comme vous l'avez si bien mentionné, madame Aubert?
M. Jacques St-Amant: En juin 1999, nous constations que le ministre des Finances faisait des pas que le gouvernement du Canada n'avait pas faits en 30 ans ou à peu près. Donc, un certain nombre de choses, par exemple l'obligation faite aux banques d'ouvrir un compte, constituaient effectivement, nous semblait-il, un pas dans la bonne direction.
Nous avons cependant toujours dit, tant Option consommateurs que la Coalition québécoise pour le maintien des services bancaires personnalisés, qu'il y avait d'autres choses à régler, d'autres problèmes, notamment les fermetures de succursales. La lecture du document d'orientation de juin 1999 nous avait donné l'impression qu'on mettrait sur pied une agence qui aurait des dents.
Oui, nous avons été déçus à certains égards quand nous avons lu, en juin 2000, le projet de loi. Nous avons été déçus également par d'autres choses auxquelles vous vous intéressez sans doute: par exemple, toute la procédure d'évaluation de l'incidence d'une fusion ou d'une opération du même genre ne se trouve pas dans la loi.
Oui, nous avons des critiques que nous avons formulées. Nous avons également fait des recommandations précises de reformulation de certaines dispositions législatives. Vous les trouverez en détail dans le mémoire que nous avons fait parvenir au comité. Pour en faire le tour, il faudrait bien plus de temps que les 15 minutes qui nous sont allouées.
M. Yvan Loubier: J'aimerais vous demander une précision. Sur la question des fermetures de succursales, est-ce que vous avez une proposition à faire? Je trouve que l'encadrement des fusions bancaires est important, mais la fermeture des succursales est aussi importante. En matière de services, quand il n'y a plus de succursale, il n'y a plus de services. Est-ce que vous avez des propositions précises à cet égard?
Ainsi, pourrait-on demander à une banque, en se fondant sur le réinvestissement communautaire que fait une succursale ou en examinant les dépôts qu'on y faits et les prêts et les avances qu'elle consent dans une région, de la maintenir ouverte et aurait-elle le pouvoir de le faire?
Vous avez mentionné tout à l'heure, madame Aubert, qu'avec 9,5 milliards de dollars de profits, les banques pourraient pratiquer une certaine péréquation entre les régions rurales éloignées et les quartiers défavorisés des grandes villes. Est-ce que ce serait une avenue à envisager?
M. Jacques St-Amant: À ma connaissance, Option consommateurs a été le premier organisme au Canada à quantifier le phénomène des fermetures de succursales dans ce pays. Il n'y a pas beaucoup de gens qui se sont attaqués à cela depuis, sauf le Centre pour la défense de l'intérêt public récemment.
Nous avons effectivement formulé des propositions précises. Il nous paraît absolument essentiel que les communautés touchées soient consultées, qu'il y ait un délai de préavis suffisant et qu'il y ait obligatoirement une consultation des communautés touchées. Cela permet au moins aux gens, comme l'expérience l'a démontré dans certaines régions au Canada, de dire que ça ne va pas, de réagir et de chercher d'autres méthodes.
De toute évidence, la mise en place, au Canada, de mécanismes de réinvestissement communautaire serait souhaitable. Nous avons cru comprendre, à la lumière des débats des deux ou trois dernières années, que ce ne serait sans doute pas contenu dans cette modification législative. Nous n'avons pas insisté là-dessus parce qu'il arrive, à un moment donné, que nos ressources soient quelque peu limitées. Mais, en principe, nous nous sommes toujours dits d'accord sur cette notion, et il faudrait voir comment elle pourrait s'appliquer au Canada.
M. Yvan Loubier: Cela pourrait-il être une réponse à la diminution de services dans certaines régions?
M. Jacques St-Amant: Il faudrait voir la forme que cela prendrait. Aux États-Unis, par exemple, on n'interdit pas formellement les fermetures de succursales; c'est pris en compte dans l'évaluation, par exemple, de processus de fusion. On n'empêche donc pas une banque de fermer une succursale, mais on tient compte de ses politiques. Une telle mesure n'est vraiment pas suffisante au Canada; alors il faudrait vraiment adapter beaucoup.
M. Yvan Loubier: Merci.
Monsieur Peters, vous allez bien? Ça fait longtemps qu'on vous a vu.
Vous parlez des règles de propriété. J'aimerais que vous précisiez votre pensée là-dessus parce que je n'ai pas tout à fait compris, dans votre présentation, ce que vous reprochiez aux nouvelles règles de propriété par rapport aux anciennes. C'est une question qui m'intéresse au plus haut point en regard d'un des dossiers dont M. Lussier a fait état tout à l'heure; il s'agit de la question des prises de contrôle des banques de moyenne capitalisation, celles avec des avoirs propres de moins de 5 milliards de dollars dont, entre autres, la Banque Nationale et la Banque Laurentienne. Que pensez-vous de cette règle de 65 p. 100? Êtes-vous en accord ou en désaccord?
Vous parliez tout à l'heure de revenir aux règles initiales. Pourriez-vous préciser votre pensée à ce sujet?
[Traduction]
M. Douglas Peters: Merci beaucoup. Je suis ravi de vous voir.
Nous parlons effectivement de ces questions dans notre mémoire. La Banque laurentienne et la Banque nationale font nettement partie de la catégorie de banques qui peuvent appartenir à 100 p. 100 à des particuliers.
L'autre chose à noter, c'est que les très grosses banques pourraient maintenant appartenir à 20 p. 100 à la même personne ou au même groupe, ce qui nous pousse à nous demander quel contrôle une personne ou un groupe d'actionnaires pourrait exercer sur une banque donnée. C'est une question que nous nous posons depuis longtemps. Le fait qu'une institution financière soit à participation multiple ne garantit pas qu'elle sera bien ou mal gérée, mais cela empêche qu'une institution financière visée par l'assurance-dépôt, c'est-à-dire assujettie aux règles du gouvernement, soit vraiment compromise. Cela veut dire qu'un investisseur ne peut pas administrer l'institution à son propre avantage.
Il y a déjà eu des problèmes reliés à la propriété au Canada. Je n'ai pas besoin de nommer qui que ce soit; vous savez certainement de qui je veux parler.
Ce que je pense, et ce que pense aussi mon coauteur, c'est que les établissements bancaires peuvent fonctionner très bien avec la règle des 10 p. 100. Cette règle limite l'effet qu'une seule personne ou un seul groupe d'actionnaires peut avoir sur l'administration de l'établissement et sur sa viabilité financière.
[Français]
M. Yvan Loubier: Si vous n'êtes pas d'accord sur le fait qu'on passe de 10 à 20 p. 100 pour les grandes banques, vous n'êtes sûrement pas d'accord sur le fait qu'on passe de 10 à 65 p. 100 de propriété par un seul individu pour les banques de moyenne capitalisation.
[Traduction]
M. Douglas Peters: Tout à fait. C'est le risque que l'on court à de tels niveaux. Une personne ou un groupe d'actionnaires peut avoir des conséquences pour le passif de l'institution financière si l'on met en doute ses autres avoirs. C'est l'aspect clé.
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur Peters, ce que vous dites m'intéresse au plus haut point. Le ministre des Finances parlait de flexibilité pour les banques avec des avoirs propres inférieurs à 5 milliards de dollars. Il disait qu'on avait cette flexibilité avec les nouvelles règles et qu'on pouvait avoir plus d'intérêt pour les investisseurs. J'ai demandé au ministre en quoi le fait qu'un seul investisseur détienne 65 p. 100 des actions d'une institution au lieu de 65 personnes en détenant 1 p. 100 pouvait accroître la flexibilité. Je n'ai pas eu de réponse et je n'en aurai probablement jamais parce qu'il n'y a pas de différence, si ce n'est le danger que vous avez mentionné.
N'a-t-on pas raison d'être craintif lorsqu'on dit, comme dans le cas de la Banque Nationale, que les possibilités de prise de contrôle d'une banque par un seul individu, éliminant de ce fait tout le principe de la propriété diffuse, peuvent être dangereuses, non seulement pour la banque comme telle, qui est la plus grosse banque du Québec et qui sert bien les PME à l'heure actuelle, mais aussi au niveau de la concurrence qu'un seul détenteur d'actions pourrait faire à des emprunteurs qui évolueraient dans le même secteur industriel que lui?
• 1715
Est-ce que nos craintes
sont fondées ou si, comme certains intervenants nous
disent, nous exagérons un peu? J'aimerais vous entendre
là-dessus.
[Traduction]
M. Douglas Peters: Je pense que votre question reflète une crainte bien fondée. Je ne veux pas que les banques aient des problèmes à rassembler des capitaux, mais la règle des 10 p. 100 existe depuis 33 ans déjà. Jusqu'ici, aucune banque n'a eu des problèmes à trouver des capitaux. Au contraire, il me semble qu'elles ont eu vraiment beaucoup de succès à trouver des capitaux pendant cette période de 33 ans. Ce n'est donc pas un problème.
Relativement au risque que présente la règle proposée, c'est devant un comité du Sénat, je pense, que le président d'une des banques avait dit il y a quelques années qu'il aurait pu transférer tous les capitaux à l'étranger dans l'espace de 24 ou 36 heures et que seules deux ou trois personnes auraient besoin d'être mises au courant. Aucun surintendant ne serait là pour s'en rendre compte ni aucun inspecteur bancaire. Si cela arrivait, on s'en rendrait compte un an plus tard. C'est le risque que l'on court avec une structure à capital fermé.
[Français]
M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Peters.
[Traduction]
Le président: Il vous reste encore une minute. Voulez-vous l'utiliser ou vous reprendrez-vous plus tard?
[Français]
M. Yvan Loubier: Monsieur le président, vous êtes tellement généreux à mon égard! Cela n'a aucun sens. M. Peters est comme un cadeau du ciel.
J'ai une question à vous poser, monsieur Peters. Vous avez suivi tout le débat. Vous étiez même responsable, à un moment donné, de l'évolution du dossier et on a eu le plaisir de travailler avec vous aussi. Il y a eu plusieurs propositions pour accroître justement la flexibilité des petites et moyennes institutions financières.
Est-ce que les nouvelles possibilités d'alliance stratégique, par exemple entre une banque, une société de fiducie, une société d'assurance, etc., chapeautée par une société de portefeuilles, ne pourraient pas être une réponse à l'absence d'une fusion, qui nous fait toujours craindre le pouvoir des mégabanques? Est-ce que ce serait une réponse aux banques et aux institutions financières qui veulent renforcer leur position pour affronter la concurrence internationale sans devoir fusionner avec les mégabanques, étant donné toute l'impopularité de ce geste-là? Est-ce qu'on ne retrouve pas là la flexibilité voulue, même pour les banques à moyenne capitalisation, complètement en dehors de la règle de propriété?
[Traduction]
M. Douglas Peters: C'est une bonne question et nous en parlons dans notre mémoire. Il y a trois types de fusion: les fusions d'institutions du même type, par exemple deux banques; les fusions d'institutions dans le même domaine, par exemple une banque et une compagnie d'assurance, ce qu'on appelle les fusions congénères; et les fusions verticales et horizontales, par exemple les fusions verticales ou l'une des parties fournit absolument tout.
Les fusions congénères ne peuvent pas réduire la concurrence de la même façon que les fusions horizontales, c'est-à-dire lorsqu'une banque acquiert une autre banque. Le fait d'offrir des produits similaires, mais non identiques, par exemple de l'assurance et des services banques, peut avoir des effets positifs sur la rentabilité, la mise en marché et divers autres éléments et représente moins de problèmes sur le plan de la concurrence que la fusion de deux institutions financières identiques.
Le président: Merci, monsieur Peters. Merci, monsieur Loubier.
[Français]
M. Yvan Loubier: Ne me dites pas que j'ai encore 10 minutes. Je ne vous croirais pas.
[Traduction]
Le président: Vous pourrez poser des questions après la réunion.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
[Français]
Merci beaucoup à tous les témoins pour leurs présentations.
[Traduction]
Monsieur Peters, j'avais des questions à poser à d'autres témoins, mais je commencerai par vous. Vous ne voulez sans doute pas dire que le simple fait d'avoir eu les mêmes règles pendant 33 ans veut nécessairement dire que ce sont les bonnes règles. Dans d'autres secteurs, notamment le secteur industriel dans lequel j'ai travaillé, l'industrie des produits forestiers, et bien d'autres, on a vu des sociétés former des alliances stratégiques, se lancer dans des entreprises conjointes, échanger des actions, et le reste, parce que c'était la seule façon ou le meilleur moyen de prendre de l'expansion.
• 1720
Vous dites qu'une banque nationale pourrait appartenir à part
entière à une seule personne...
M. Douglas Peters: À 65 p. 100.
M. Roy Cullen: Jusqu'à 65 p. 100.
M. Douglas Peters: Cela permettrait d'exercer le contrôle. C'est ce que je veux dire. Cela donnerait le contrôle à la même personne.
M. Roy Cullen: Oui. J'en reviens à ce que je disais. Si nous voulons permettre aux banques et aux institutions financières d'être plus concurrentielles et de prendre de l'expansion plus facilement, pourquoi les obliger à respecter cette règle qui existe depuis 33 ans?
M. Douglas Peters: Le fait est que cette règle a fonctionné assez bien jusqu'ici. Les banques n'ont pas eu tellement de mal à obtenir des capitaux. Les banques n'ont pas éprouvé de difficulté à former des alliances stratégiques. Je me rappelle qu'il y avait eu des alliances stratégiques pendant les années 60 quand Midland et certaines banques internationales avaient formé un consortium de quatre banques pour se lancer sur les marchés de prêts internationaux dans les années 60 et 70. Ce groupe avait été l'un des premiers à avoir des opérations bancaires collectives à Londres.
À mon avis, cette règle n'a pas jusqu'ici limite les activités des banques, et je ne pense pas qu'elle puisse les restreindre beaucoup ou le moindrement à l'avenir. Les entreprises du secteur industriel ont effectivement des plans d'activité différents et doivent respecter des règles différentes de celles du secteur financier. Il y a une chose qui distingue le secteur financier, et c'est l'assurance-dépôt. Le facteur risque est donc beaucoup plus élevé qu'une entreprise du secteur industriel.
M. Roy Cullen: Oui, je m'en rends compte, et il faut toujours faire preuve de prudence. Vous reconnaîtrez cependant que le monde a bien évolué. Je sais que l'expression «économie mondiale» est bien à la mode, mais j'ai l'impression que les banques et les institutions financières auront un peu de mal à évoluer si nous leur fixions de telles limites pour des échanges d'actions et la formation d'alliances de ce genre. Je comprends néanmoins votre point de vue.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais maintenant poser des questions à Mme Ayotte et à M. Fowler, qui ont aussi parlé d'une question très importante.
Madame Ayotte, vous avez mentionné le guichet automatique sonore. Je vois ce que vous voulez dire. Vous excuserez mon ignorance, mais dans le monde des transactions bancaires par Internet par ordinateur, où les gens vont pouvoir faire une bonne partie de leurs transactions bancaires sur leur ordinateur personnel à la maison ou ailleurs, quelle technologie avons-nous ou aurons-nous plus tard pour les non-voyants comme vous-même pour leur permettre d'avoir accès à ces services, peu importe les règles que nous appliquons? Vous devrez excuser mon ignorance, parce que je ne sais pas au juste quels outils existent maintenant.
Mme Sharlyn Ayotte: Je vais laisser Len vous répondre vu que c'est notre expert en technologie.
M. Len Fowler: Il existe très peu de possibilités à l'heure actuelle parce que la technologie des services bancaires n'est pas conçue pour fonctionner de pair avec la technologie que nous avons maintenant, comme les lecteurs écran.
Il y a aussi les renseignements eux-mêmes. Si un non-voyant réussit à aller au site Web, la plupart du temps, les renseignements y sont donnés d'habitude en format PDF, que le lecteur d'écran ne reconnaît pas, exactement comme les renseignements fournis par votre comité.
M. Roy Cullen: Justement. Si nous ajoutons une disposition au projet de loi pour obliger les banques à fournir de telles possibilités ou établir un tel principe, pensez-vous que des technologies surgiront? Je veux parler des opérations bancaires par l'Internet et, bien sûr, des opérations bancaires sonores. J'essaie de savoir quelle technologie existe et pourrait être utilisée.
M. Len Fowler: Il existe maintenant des technologies qui permettraient aux gens d'avoir accès aux services sur Internet si ceux-ci étaient bien conçus. S'ils sont conçus pour être accessibles, même ceux qui n'ont pas la technologie voulue, ou qui n'ont pas les moyens de l'acheter, pourront y avoir accès.
• 1725
Industrie Canada a déjà 10 000 sites PAO qui sont maintenant
ou qui deviendront accessibles. Cependant, peu importe si le site
PAO est accessible ou non et peu importe la technologie dont on
dispose à la maison, si le système de fourniture du service n'est
pas compatible avec cette technologie, cela ne sert vraiment à
rien.
M. Roy Cullen: D'accord.
Mme Sharlyn Ayotte: Vu que de plus en plus de services sont fournis grâce à l'électronique, que fait-on pour ceux qui ne peuvent pas avoir accès à ces services? C'est la ligne de démarcation numérique que nous avons au Canada et qui assume de plus en plus d'importance parce que nous n'avons pas envisagé cet aspect de la situation encore.
M. Roy Cullen: Je comprends tout à fait le problème, mais je ne suis pas certain de connaître la solution. Si vous avez d'autres idées là-dessus, je voudrais bien les entendre.
Je voulais aussi poser une question à Mme Rektor de l'Organisation nationale anti-pauvreté. Vous avez dit quelque chose d'intéressant au sujet du dépôt des chèques provinciaux. Il y a beaucoup de réfugiés somaliens dans ma circonscription d'Etobicoke-Nord qui reçoivent souvent des prestations d'aide sociale, et cela leur pose un grave problème.
Vous voudriez que le gouvernement accepte un plus grand nombre de pièces d'identité. Je sais que cela pose toujours un problème. Vous semblez dire que nous avons une liste de pièces d'identité acceptables. Est-ce vrai?
Mme Laurie Rektor: L'entente de 1997 donne la liste des pièces d'identité acceptables.
M. Roy Cullen: Ne pourrait-on pas rallonger la liste? Ce serait souhaitable, il me semble, mais il y a toujours la possibilité de fraude, comme l'a dit le député d'en face. Selon vous, quelles pièces d'identité pourrait-on ajouter à la liste qui seraient aussi acceptées par les banques?
Mme Laurie Rektor: Il n'y a pas de pièces d'identité que nous pouvons recommander pour l'instant. Nous en avons discuté avec les membres du conseil et certains de nos membres qui représentent les gagne-petit. Ce que nous voudrions, c'est pouvoir formuler certaines suggestions après les avoir consultés davantage.
Une bonne partie des pièces d'identité mentionnées dans la liste en 1997 présupposent une certaine affluence économique, par exemple le permis de conduire, la carte de guichet automatique, la carte de crédit et le passeport. C'est facile de voir pourquoi ces pièces d'identité sont sur la liste, mais elles supposent que le détenteur est relativement à l'aise. Nous voudrions pouvoir consulter les membres de notre conseil avant de proposer d'autres pièces d'identité.
Le projet de loi C-38 s'appliquera aussi à l'accord de 1997 vu qu'il stipule que la banque peut réclamer seulement deux de ces pièces d'identité. Il ne serait donc pas difficile de trouver quelques autres pièces d'identité qu'on pourrait ajouter à la liste pour rendre ce service plus accessible.
Le président: Une dernière question.
M. Roy Cullen: D'accord.
J'ai une question pour Mme Rozon et M. St-Amant d'Option Consommateurs. Dans votre mémoire, vous parlez du fait qu'on retient l'argent de chèques parfois pendant plusieurs jours et même plusieurs semaines. Vous en avez donné un exemple, monsieur St-Amant. S'agit-il de chèques établis au Canada et qui passent par une banque canadienne qui retient l'argent pendant tout ce temps?
M. Jacques St-Amant: Il y a peut-être eu des cas où les chèques étaient tirés sur des banques étrangères, mais j'imagine que la plupart sont tirés sur des banques canadiennes. Nous recevons régulièrement des plaintes de gens parce que certains montants ont été retenus dans leurs comptes. Ce sont des résidents du Canada et il s'agit de chèques tirés au Canada.
Dans le rapport du groupe MacKay, on note que, selon le sondage fait par Ekos pour le groupe MacKay, 8 p. 100 des sujets interrogés s'étaient vu retenir les fonds d'un chèque du gouvernement. Je suis pas mal certain que la situation ne s'est pas améliorée depuis. Le problème ne touche donc pas uniquement les cas exceptionnels de chèques tirés à l'extérieur du Canada.
M. Roy Cullen: Mais s'il s'agit de chèques tirés dans le système bancaire canadien et si les chèques sont retenus tout ce temps-là, ils le sont pour s'assurer qu'il n'y a pas eu de contrefaçon ou autre fraude. Ce que vous dites, c'est que la décision prise de façon arbitraire de retenir des chèques pendant trois ou quatre semaines en disant: «Nous allons attendre pour voir si le chèque passera auquel cas nous libérerons les fonds à ce moment-là.» Le processus semble quelque peu arbitraire. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Jacques St-Amant: Oui, c'est ce que nous avons constaté. Il faut bien signaler que cela ne relève pas du tout de la compétence de l'ACP. L'ACP vous dira tout de suite qu'elle ne peut absolument rien faire pour changer les politiques internes d'une banque et que ces questions relèvent maintenant des politiques internes des banques.
Le président: Merci, monsieur Cullen.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai seulement quelques petites questions.
Le président: Excusez-moi, monsieur Pillitteri, mais j'entends la sonnerie. Je pense qu'elle durera 15 minutes, mais comme nous sommes ici et qu'il faut aller voter en haut, nous prendrons 14 de ces 15 minutes.
M. Gary Pillitteri: Je n'ai pas besoin de 15 minutes, monsieur le président.
Le président: Il vous faut seulement une minute. Je voulais seulement vous aider. Vous pourrez partir après avoir posé votre question.
M. Gary Pillitteri: Monsieur le président, une partie de ma question s'adresse à Louise Aubert.
Vous avez parlé de la façon dont les chèques sont compensés au Canada. Nous en avons déjà discuté: n'importe quel chèque peut être compensé dans les 24 heures. Je n'ai cependant pas très bien compris ce que vous avez dit au sujet d'une loi adoptée par M. Reagan en 1986 ou 1987. Vu que le système américain pour compenser les chèques est tellement archaïque par rapport au nôtre, quelle loi M. Reagan a-t-il pu adopter pour protéger les consommateurs au Canada?
M. Jacques St-Amant: Il s'agit d'une mesure appelée Expedited Funds Availability Act. Comme vous dites, le système de paiement aux États-Unis est relativement complexe et ne fonctionne pas très bien. Cependant, cette loi fixe des délais pour l'accessibilité de fonds qui devraient faire honte à tous les banquiers canadiens parce qu'elle prévoit deux à trois jours au maximum dans la plupart des cas. C'est précisé dans la loi. Si vous voulez, nous vous ferons volontiers parvenir un exemplaire de cette loi. Cela fait maintenant 13 ans qu'elle existe. Il a été question de la remettre à jour, l'année dernière, je pense, mais l'on a constaté essentiellement qu'elle fonctionne relativement bien et qu'on n'avait pas besoin de la modifier. La loi précise de façon très claire la période pendant laquelle on peut retenir des fonds dans tous les cas possibles, y compris les cas assez curieux qui se posent dans les Îles Vierges. Le projet de loi est très détaillé.
M. Gary Pillitteri: Vous voulez donc dire que ce serait utile que nous ayons une telle loi au Canada?
M. Jacques St-Amant: Je crois que oui. Comme d'autres l'ont dit, cela aiderait ceux qui n'ont pas d'économies et qui ont besoin de leur chèque d'aide sociale ou de leur dernier chèque de paye pour payer leur loyer et dont les chèques sont maintenant retenus pour une semaine. Ils doivent aller au Money Mart et payer le prix, c'est-à-dire 2 p. 100 de la valeur du chèque, mais ensuite ils ont l'argent. Ils nous disent qu'ils préfèrent le service qu'ils obtiennent au Money Mart.
On est en train de bâtir un service financier parallèle qui n'est pas du tout réglementé, qui coûte très cher et qui est tout à fait dysfonctionnel.
M. Gary Pillitteri: Ma deuxième question s'adresse à notre bon ami M. Peters. Soyez le bienvenu.
Je voudrais vous demander deux choses, monsieur Peters. Vous avez mentionné la location-bail d'automobile et la vente d'assurance par les institutions financières dans votre bref exposé. Nous savons tous que les institutions de prêts aux États-Unis, notamment les banques, s'occupent d'assurance, ou peut-être pas d'assurance, mais certainement de location-bail d'automobile. Vu les montants qu'elles font payer, cela n'économise pas tellement d'argent aux consommateurs américains, et nous l'avons vérifié dans le cadre de notre étude des fusions bancaires. Les banques se font concurrence pour le marché de la location-bail.
Vous avez dit aussi que c'est à l'avantage des gens au Canada quand il s'agit de compagnies appartenant à des étrangers, par exemple General Motors, Ford, Chrysler, et ainsi de suite. Le siège social est aux États-Unis. Pourtant, chacune de ces compagnies offre maintenant des taux de location de 0,9 p. 100 ou de 0,0 p. 100. Je pense donc que cela offre certaines possibilités pour ceux qui veulent louer.
Par ailleurs, monsieur Peters, Canada Trust s'occupait de la location-bail d'automobile au Canada. À un moment donné, elle offrait le service dans tout le pays, mais a décidé de centraliser ses opérations dans les grosses villes comme Toronto et Montréal et a laissé tomber tout le reste.
• 1735
Cela veut dire que certaines de ces opérations sont vouées à
disparaître. Les consommateurs en profiteraient dans les régions
plus peuplées, mais dans les petites localités ou les régions
rurales du Canada, les consommateurs n'auraient aucun avantage à ce
que les banques s'occupent de location-bail ou d'assurance. Qu'en
pensez-vous?
M. Douglas Peters: Vous soulevez là un point très intéressant.
Je pense que ce serait utile de voir ce qui est arrivé au marché hypothécaire au Canada quand les banques ont été autorisées à se lancer sur le marché des hypothèques immobilières dans les années 50 et 60. Dans toutes les régions rurales du Canada où l'on ne pouvait pas obtenir d'hypothèque auparavant par l'entremise d'une compagnie d'assurance, par exemple, on a commencé à pouvoir en obtenir à des taux préférentiels dans toutes les localités quand les banques ont commencé à les offrir. C'est ce qui est arrivé quand le gouvernement du Canada a laissé les banques s'occuper d'hypothèques.
C'est la même chose pour les prêts personnels. Les taux sur les prêts personnels ou individuels se situaient dans les 20 p. 100. Quand les banques ont commencé à s'en occuper, les taux ont baissé sensiblement dans tout le pays.
D'après moi, c'est exactement ce qui arriverait pour la location-bail et l'assurance. Cela améliorerait le service au public canadien. Si les banques ne fournissaient pas de bons services, le public n'en achèterait pas. À mon avis, on devrait leur permettre d'offrir le service et l'on verra bien ce qui se passera.
Le président: Merci, monsieur Pillitteri.
Madame Bennett.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais poser une question aux représentants de T-Base Communications.
Certaines des recommandations que vous formulez portent sur des aspects administratifs de la loi. Il me semble que vos recommandations 3, 4 et 7 sont celles qui portent le plus directement sur le projet de loi C-38. Je voudrais savoir si, d'après vous...
Dans vos recommandations, vous dites qu'il faudrait modifier la Loi sur les banques, appliquer les critères de l'Association canadienne de normalisation et, dans la recommandation 7, fournir aux consommateurs... D'après vous, ce genre de choses devraient-elles être prévues dans le règlement qui découlera du projet de loi et qui établira les modalités de fonctionnement de l'Agence des consommateurs de produits et services financiers? Ce que je veux savoir, en réalité, c'est si vos recommandations 5 et 6 s'adressent davantage à l'ABC et si le gouvernement devrait s'occuper de vos recommandations 1, 2 et 8 dans le cadre de ses programmes relatifs aux droits de la personne.
Autrement dit, pensez-vous que l'on pourrait donner suite à vos recommandations 3, 4 et 7 en établissant un règlement qui contiendra des normes qu'appliquerait l'Agence des consommateurs? Ou bien s'agit-il de changements que vous voudriez qu'on apporte au projet de loi lui-même?
M. Len Fowler: Il me semble qu'on pourrait certainement donner suite à la recommandation 7 en modifiant le projet de loi lui-même. On a constaté dans le passé que si l'on se contente de demander aux institutions financières de rendre leurs services accessibles, on aura du succès uniquement si cela coïncide avec une vérification relative aux droits de la personne, par exemple. Il y a beaucoup d'activités sur le coup, mais ensuite on revient aux vieilles habitudes parce que rien n'oblige l'institution à faire quoi que ce soit.
Mme Carolyn Bennett: C'est ce que vise le projet de loi. Il y aurait des amendes. Je pense que c'est prévu.
M. Len Fowler: Ce que nous disons, c'est que même le fait de prévoir des amendes n'oblige pas les institutions à fournir des services de façon équitable. On ne tient pas nécessairement compte des besoins des personnes handicapées. Nous voudrions que leurs droits soient mentionnés de façon explicite pour garantir que la partie de la population que l'on désigne sous le nom de personnes handicapées aura accès à tous les services et à tous les renseignements relatifs à ces services. Cela comprend non seulement les non-voyants et les personnes handicapées, mais aussi le groupe des consommateurs à très faible revenu, où le taux d'analphabétisme peut être élevé, et les aînés, pour qui la facilité de compréhension peut poser un problème.
Mme Carolyn Bennett: Au sujet du format PDF, vous dites que les institutions ne devraient pas fournir de renseignements en format PDF et que le comité et le gouvernement ne devraient pas le faire non plus. Existe-t-il des solutions pour éviter ces problèmes sur l'Internet et devons-nous éviter d'utiliser uniquement le format PDF quand nous voulons fournir des renseignements? Croyez-vous qu'on en arrivera à des solutions comme celles que nous visons pour les soins de santé sur le Web et que tout le monde pourra se parler peu importe le format utilisé?
M. Len Fowler: Il existe maintenant des solutions à la majorité des problèmes sur le Web. Malheureusement, on ne s'en sert pas parce que ceux qui s'occupent des sites Web et qui disent aux administrateurs des sites ce qu'ils doivent faire n'insistent pas pour qu'on respecte le principe de l'accessibilité au Web.
Les choses deviendront de plus en plus accessibles à l'avenir. En tout cas, nous l'espérons. Cependant, ça ne sera certainement pas le cas si l'on ne précise pas dans les mesures comme le projet de loi C-38 qu'il faut plus d'accessibilité.
Il existe une multitude de lois qui régissent le secteur des services financiers. Aucune de ces lois ne précise la façon de fournir les services. Il y est question en général du genre de services qu'on peut fournir et des limites à respecter. Mais on ne dit nulle part s'il s'agit d'un service essentiel ou non et si certains groupes de la population peuvent être laissés à l'écart parce qu'on ne veut pas s'occuper d'eux. Ces groupes ont tendance à être les personnes à faible revenu et les personnes handicapées.
Mme Sharlyn Ayotte: La situation est en train de changer parce que de plus en plus de personnes deviennent handicapées en vieillissant et que ces personnes sont nanties. Elles commencent à se voir refuser certains services.
Mme Carolyn Bennett: Vous pensez donc que l'ombudsman ou l'Agence des consommateurs devrait pouvoir faire des vérifications de façon proactive au lieu d'attendre de recevoir des plaintes?
Mme Sharlyn Ayotte: Absolument.
M. Len Fowler: Absolument.
Le président: Merci, monsieur Bennett.
Monsieur Epp, vous aurez la dernière question.
M. Ken Epp: Je voudrais poser une petite question à M. Loewen.
Je me souviens que quand vous avez comparu auparavant devant notre comité, nous avons parlé de MacKay. Vous nous avez dit que vous étiez très handicapé parce que vous ne pouviez pas intervenir directement dans le régime de paiements. Pouvez-vous le faire maintenant avec le projet de loi C-38? Pensez-vous que vous allez pouvoir participer à l'ACP?
M. William Loewen: Non.
M. Ken Epp: Toujours pas?
M. William Loewen: Non.
M. Ken Epp: Donc vous n'êtes pas content?
M. William Loewen: Je ne suis pas sûr que nous souhaitions en être membre. Comme je l'ai plus ou moins dit, je ne pense pas que le fait d'être membre indirectement vous apporte quelque chose.
Ce que nous voulons, c'est pouvoir faire en ligne ce que nous faisons maintenant pour les lots. Nous traitons déjà par lots des paiements représentant des millions de dollars. Si nous pouvions faire cela immédiatement en ligne, nous pourrions verser l'argent plus rapidement. Nous ne serions pas obligés de retarder les paiements pour des questions de compensation. En gros, cela améliorerait l'efficacité de notre système et du système financier. Je pense que cela aurait des répercussions considérables sur les autres banques que nous concurrençons car nous améliorerions considérablement le niveau de service.
M. Ken Epp: Bon, merci.
C'est tout pour moi, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Epp. C'était la dernière question.
Au nom du comité, je remercie notre groupe de témoins. Vous nous avez été très utiles. Vous vous souviendrez sans doute du rapport que nous avons publié, L'avenir commence maintenant. C'était au sujet des institutions financières, et vous en faisiez partie. Il y a eu toute une longue procédure qui a abouti au projet de loi C-38. Mais voilà que nous avons encore d'autres exemples aujourd'hui. Nous avons d'excellentes idées que nous allons certainement examiner très sérieusement pour améliorer le projet de loi.
• 1745
Au nom des membres du comité, je vous remercie. Comme vous
l'avez sans doute remarqué, nous avons dans la salle plusieurs
observateurs qui suivent l'évolution du projet de loi C-38. Je suis
sûr qu'ils retransmettront à leurs groupes respectifs les idées que
vous nous avez suggérées. Merci beaucoup.
La séance est levée.