HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE
COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 24 février 2000
Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité du patrimoine canadien, qui se réunit pour la première table ronde sur la question de l'édition du livre,
[Traduction]
de l'industrie canadienne de l'édition du livre.
[Français]
Nous sommes heureux de recevoir aujourd'hui,
[Traduction]
de Chapters Incorporated, M. Larry Stevenson, président-directeur général;
[Français]
le Groupe Renaud-Bray, qui devait être représenté par M. Pierre Renaud, son président, mais qui sera représenté par Mme Carole Morency.
[Traduction]
Nous accueillons également, de Pegasus Wholesale, M. Denis Zook, président-directeur général, et M. Nigel Berrisfford, premier vice-président, achats.
[Français]
Nous recevons aussi, de l'Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française, M. Georges Laberge, qui en est le directeur général. J'apprends que le groupe Indigo Books, Music, and Café ne comparaîtra pas.
M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le président, pour la gouverne des membres du comité, pourriez-vous nous expliquer vos intentions relativement au vote? À quelle heure ferons-nous relâche et à quelle heure reprendrons-nous ensuite?
Le président: Je pense que le vote aura lieu vers 12 h 05. Peut-être qu'on pourrait terminer juste avant midi parce que la distance est courte d'ici à la Chambre. Je vais faire aviser la Chambre que nous y serons. Nous serons ici jusqu'à, disons, trois minutes avant midi. Nous aurons le temps d'aller voter.
[Traduction]
La parole est à vous. Qui veut commencer?
Monsieur Stevenson, voulez-vous commencer?
M. Larry Stevenson (président-directeur général, Chapters Inc.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord m'excuser du fait que notre mémoire n'est pas dans les deux langues. Nous vous le ferons parvenir plus tard. Je ne vous en laisserai pas une copie. Nous vous enverrons le texte dans les deux langues dès que nous serons de retour à Toronto. Je vais en faire la lecture, et vous l'envoyer le plus tôt possible. Encore une fois, toutes mes excuses.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir invité Chapters à vous faire part de ses perspectives sur l'industrie du livre. Nous avons déposé un mémoire beaucoup plus complet auprès du comité, mais afin de ne pas prendre trop de votre temps, surtout aujourd'hui, je voudrais souligner brièvement trois facteurs clés.
Premièrement, le secteur de la vente du livre au détail profite actuellement d'une concurrence vigoureuse et efficace. Deuxièmement, Chapters a profité aux auteurs, aux éditeurs et aux consommateurs. Troisièmement, Chapters a contribué à assurer à l'industrie canadienne du livre un avenir prospère avec l'établissement d'une librairie en gros nationale, Pegasus.
[Traduction]
J'aimerais d'abord vous parler de la concurrence qui existe aujourd'hui dans le secteur de la vente du livre. Les représentants de la Canadian Booksellers Association ont laissé entendre, sans preuves à l'appui, lors de la réunion du 7 décembre, que Chapters détenait 55 p. 100 du marché canadien. C'est absolument faux.
De nombreuses études ont été réalisées au cours des dix dernières années sur la taille du marché du livre au Canada. D'après ces études, ce marché était évalué, en 1990, à 1,3 milliard de dollars. Nous estimons que le marché du livre au Canada, en 1999, représentait entre 2,3 milliards et 2,6 milliards de dollars. Si vous excluez les ventes de produits autres que les livres, qui comptent pour 18 p. 100 de notre chiffre d'affaires, nos ventes de livres, au cours de la présente année, tourneront autour de 520 millions de dollars, ce qui signifie que la part de marché de Chapters, au Canada, varie entre 20 et 23 p. 100.
D'après certains observateurs, le marché devrait défini de façon plus étroite, ne devrait pas englober les chaînes comme Costco, Loblaws ou tout autre détaillant qui ne se spécialise pas dans la vente de livres. Or, à mon avis, tous ceux qui vendent les mêmes livres aux mêmes consommateurs sont des concurrents et devraient être inclus dans la définition du marché.
• 1145
Par ailleurs, nous livrons également concurrence à nos
fournisseurs par le biais de leurs sites Web et de leurs clubs de
livres, et en vendant directement aux entreprises et consommateurs.
[Français]
Depuis l'ouverture de la première mégalibrairie Chapters, huit autres entreprises canadiennes ont investi pour lui faire concurrence en ouvrant de grandes surfaces. En même temps, on a vu se multiplier les commerces qui vendent des livres, dont beaucoup à des rabais considérables. Enfin, Internet a changé pour toujours le monde de la vente au détail. Des milliers de sites vendront des livres aux Canadiens. Le plus grand libraire sur Internet au Canada en 1999 n'était pas Chapters, mais bien Amazon, une entreprise qui n'a pas un seul employé au Canada.
[Traduction]
Chapters a beaucoup apporté au Canada. En fait, elle a transformé de façon radicale la façon dont les livres sont vendus dans ce pays. Les nombreux changements que nous avons apportés ont été bien accueillis par les Canadiens, mais ont fait l'objet d'attaques soutenues de la part de nos concurrents.
À notre avis, ces changements ont contribué à aider trois groupes différents: les éditeurs et auteurs, les consommateurs, et les collectivités au sein desquelles nous vivons.
Commençons d'abord par les auteurs et éditeurs. Grâce à nous, le marché du livre a connu un essor considérable au cours des cinq dernières années, ce qui a aidé les éditeurs et auteurs, surtout canadiens. Nos commandes ont augmenté de 63 p. 100 au cours des trois dernières années.
Plus important encore, nos commandes auprès d'éditeurs canadiens ont augmenté de 104 p. 100 au cours de cette même période de trois ans, ce qui veut dire que nous faisons beaucoup pour encourager les maisons d'édition canadiennes, et surtout les auteurs canadiens.
Patrimoine Canada a indiqué, dans son mémoire au comité, que 46 p. 100 de tous les livres vendus au Canada sont des ouvrages d'auteurs canadiens. Il s'agit là d'une hausse considérable par rapport au début des années 90, alors que, d'après la plupart des études, les ouvrages d'auteurs canadiens représentaient entre 30 et 35 p. 100 des ventes. Les auteurs, éditeurs et libraires canadiens, de même que le gouvernement fédéral, ont de quoi être fiers.
Nos concurrents soutiennent que c'est nous qui déterminons quels ouvrages seront publiés au Canada. J'ai demandé aux éditeurs de me fournir le nom d'un seul titre, au cours des cinq dernières années, qui n'a pas été publié parce que Chapters ne l'a pas commandé. Il n'y en a aucun. Je pose encore une fois la question au comité: quel titre n'a pas été publié au Canada parce que Chapters ne l'a pas commandé?
Chapters a un impact positif sur les éditeurs et auteurs, mais également sur les consommateurs, qui n'ont souvent pas voix au chapitre dans ces tables rondes. Les consommateurs sont heureux de la vaste sélection de livres que leur offrent les librairies grande surface. Avant l'arrivée de celles-ci, un bon libraire pouvait offrir 20 000 titres, alors que Chapters, Indigo, McNally Robinson ou Bolen peuvent en offrir plus de 125 000.
Certains de nos détracteurs soutiennent que les librairies grande surface entraînent une homogénéisation des livres, ce qui est tout à fait ridicule. Comment peut-on soutenir que le fait d'offrir aux consommateurs 125 000 titres, plutôt que 20 000, limite leur choix?
[Français]
Chapters a aussi procuré un grand avantage aux consommateurs. Lors de la fusion de Coles et SmithBooks, nos concurrents ont déclaré que la formation de Chapters donnerait lieu à une augmentation du prix des livres, mais nous voyons que les marges brutes dans le secteur de la vente des livres au détail ont diminué de 3 p. 100 depuis la fusion, en 1995.
[Traduction]
Selon Patrimoine Canada, les consommateurs canadiens bénéficient des prix les plus bas au monde. Nous avons apporté beaucoup aux collectivités canadiennes. Au cours des cinq dernières années, Chapters a perçu plus de 160 millions de dollars au titre de la TPS, a versé plus de 190 millions de dollars en impôt à divers paliers de gouvernement, et a créé plus de 2 000 emplois.
Le détaillant qui a connu la croissance la plus forte au Canada en 1999 n'était pas Chapters, mais Amazon. Or, Amazon ne perçoit pas la TPS, n'a pas un seul employé au Canada, ne verse pas d'impôts au gouvernement, et ne verse rien non plus aux éditeurs canadiens pour les livres vendus aux consommateurs canadiens. Le fait est que Chapters sert bien les intérêts du marché du livre canadien.
Mon troisième et dernier point est le suivant: Chapters a aidé l'industrie du livre en créant un grossiste national. Comme Pegasus va présenter son propre exposé, et pour ne pas perdre de temps, permettez-moi de vous dire deux choses au sujet de cette entreprise.
D'abord, contrairement à ce qu'a laissé entendre la CBA, la mise sur pied de Pegasus n'a pas nuit aux libraires indépendants, puisqu'ils peuvent continuer de passer des commandes comme ils le font depuis toujours. Ils peuvent s'approvisionner directement auprès de l'éditeur ou d'un autre grossiste. Ils ne sont pas obligés d'avoir recours aux services de Pegasus, de sorte qu'ils ne se trouvent pas dans une situation plus difficile du fait de l'arrivée de Pegasus.
Ensuite—et il s'agit là d'un fait important si le Canada veut être en mesure de livrer concurrence sur Internet—Chapters ne pourrait livrer concurrence à Amazon et fournir aux consommateurs un système canadien de commande en ligne sans l'aide de Pegasus.
À notre avis, les consommateurs ne passeront pas une commande par le biais d'un site Web qui les obligent à attendre de six à huit semaines pour un livre, alors que la plupart des ouvrages peuvent être obtenus en quelques jours d'autres sources d'approvisionnement américaines. Les gens n'aiment pas le changement...
M. Pierre de Savoye: J'ai un petit problème; je me rends compte que certains de mes collègues ont un document qui a été produit par Chapters. Ce document, je pense, leur a été remis par la greffière. Or, on se rappelle les règles que l'on s'est données: la greffière peut recevoir le document mais ne le distribuera que lorsque les deux versions, française et anglaise, seront disponibles. Je me trouve désavantagé et je vous avoue franchement que je n'aime pas cela.
Le président: D'accord. J'en prends bonne note. C'est vrai que nous avions adopté une motion à cet effet. Si certains députés ont des copies de ce document, on s'en excuse. Cependant, il y a des copies là, sur la table, et si les députés veulent les prendre eux-mêmes, c'est laissé à leur discrétion. Je pense qu'il faudrait accepter d'être un peu informel.
M. Stevenson s'est excusé du fait qu'il n'avait pas fourni le texte dans les deux langues. Je sais qu'on avait dit qu'on ne devait pas faire distribuer les textes dans ces conditions. En fait, la greffière n'a pas distribué les textes; elle les a laissés sur la table.
Monsieur de Savoye, je comprends très bien votre point de vue; je suis d'accord qu'on avait adopté cette motion. Toutefois, si vous étiez d'accord, pour aujourd'hui, je serais bien heureux que vous puissiez accepter, parce que la version française n'est malheureusement pas disponible, que les députés qui veulent s'en procurer en anglais puissent le faire.
M. Pierre de Savoye: Je me permettrai une dernière remarque. Nous sommes en train de faire indirectement ce que nous avions convenu de ne pas faire directement. De plus, tout en ayant compris les excuses de M. Stevenson, je vous ferai remarquer qu'il nous met dans une situation fort embarrassante et qu'une entreprise aussi considérable que la sienne aurait dû être beaucoup plus prévoyante.
Monsieur le président, je n'y peux rien. Les faits sont les faits, et je ne peux retirer aux députés les copies qu'ils ont déjà. Merci.
Le président: Je comprends, monsieur de Savoye. Tout ce que je peux vous affirmer, c'est qu'à l'avenir, on va s'assurer que les documents soient dans les deux langues avant de les distribuer. Je m'excuse du contretemps d'aujourd'hui.
[Traduction]
M. Larry Stevenson: Permettez-moi de terminer, monsieur le président.
Ils n'aiment pas le changement, vu l'incertitude énorme que cela crée. Toutefois, nous n'avons pas le choix, et nos concurrents non plus. Nous devons nous adapter.
La CBA a indiqué au gouvernement qu'il doit surveiller de près Chapters, et ce, pour six raisons. Bon nombre des affirmations de l'association sont fausses. Compte tenu de la gravité de ces propos, nous réfutons, dans notre mémoire, chacun des arguments qu'elle invoque.
Encore une fois, nos concurrents reprennent ce qu'ils ont dit en 1994 au moment de la fusion. Ils soutiennent, comme ils l'ont fait à l'époque, que les consommateurs auront moins de choix, que les prix des livres vont augmenter, que Chapters exercera un contrôle sur les livres qui seront publiés.
Il est vrai qu'il est difficile de prévoir l'avenir alors que nous ne savons pas ce qui va se passer. Toutefois, il serait utile de jeter en arrière pour voir si les prévisions des Cassandre se sont avérées justes.
Au moment de la fusion en 1994, ces mêmes personnes ont émis sept prédictions sur ce qui allait se passer. Elles se sont trompées sur toute la ligne, comme nous le démontrons dans notre mémoire. Il ne faut donc pas attacher de l'importance à leurs propos.
Nous sommes des pro-Canadiens et fiers de l'être, et nous enjoignons le comité à applaudir les 6 000 libraires canadiens qui ont beaucoup fait, à mon avis, pour l'industrie canadienne du livre. Nous ne savons pas, bien entendu, ce que l'avenir nous réserve, mais je dirais que, dans le cas de l'industrie du livre, les perspectives sont fort prometteuses. Comme l'a dit Arnold Bennett, le romancier anglais, tout changement, même pour le mieux, s'accompagne toujours d'inconvénients et de désagréments.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir invité Chapters à participer à cette table ronde. Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stevenson.
Madame Morency, vous savez que nous avons environ cinq minutes à notre disposition. La Chambre nous a fait dire que le vote serait pris juste après midi. Alors, voulez-vous commencer tout de suite ou préférez-vous attendre? Qu'est-ce que vous voulez faire?
Mme Carole Morency (directrice des communications, Groupe Renaud-Bray): Je pense que je préfère attendre. Je pense qu'en cinq minutes...
Le président: Oui, je comprends très bien votre situation. On s'excuse encore une fois de ce contretemps. C'est une chose sur laquelle nous n'avons aucun contrôle.
On se réunira à nouveau aussitôt le vote terminé. Ce devrait être vers 12 h 15, et à ce moment-là on continuera jusqu'à ce que tous les gens aient pu se faire entendre.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous reprendrons après le vote. La séance est levée pour l'instant.
Le président: Je déclare la séance ouverte.
[Français]
Je veux vous remercier pour votre patience.
[Traduction]
Nous allons reprendre là où nous avons laissé. Comme je dois malheureusement partir à 12 h 30, Mme Bulte va me remplacer.
[Français]
Je voudrais céder la parole à Mme Morency, que le vote avait interrompue. Madame Morency, la parole est à vous.
Mme Carole Morency: Je vous remercie, monsieur le président.
M. Renaud vous présente ses excuses de n'avoir pu être présent ce matin. Je le remplace donc au pied levé.
D'emblée, j'aimerais dire que les marchés du livre français...
Le président: Madame Morency, pourriez-vous nous dire quelle est votre fonction au sein du Groupe Renaud-Bray?
Mme Carole Morency: Bien sûr. Je suis directrice des communications pour le Groupe Renaud-Bray.
Le président: D'accord.
Mme Carole Morency: M. Renaud me donne pleins pouvoirs pour exposer les politiques de notre entreprise.
D'emblée, je tiens à souligner fortement que le marché du livre français et le marché du livre anglais sont deux choses très différentes, ne serait-ce que pour les deux raisons suivantes. D'abord, le marché potentiel est beaucoup plus vaste au Canada qu'il l'est au Québec, bien sûr. Il y a aussi une différence en ce qui concerne les remises consenties aux libraires du Québec.
Évidemment, au Québec, la Loi 51 dit à nos fournisseurs qu'ils doivent nous accorder une remise minimale de 40 p. 100. Pour nous, ce pourcentage constitue bien souvent une remise maximale.
Pour nous, il est important de mentionner ce point aujourd'hui parce qu'on sait bien que, du côté anglophone, les remises sont «escalatoires». Selon la quantité de livres qu'un libraire va acheter, il aura une remise plus ou moins importante, ce qui n'est pas notre cas. On nous consent parfois des remises supérieures sur des achats fermes.
Les conditions de mise en marché sont très différentes au Québec et dans le reste du Canada. C'est une différence qu'on tient beaucoup à porter à votre attention.
• 1225
Je n'ai pas de document, mais nous pourrons vous en faire parvenir un
plus tard.
Je réitère que c'est vraiment la remise qui est différente. Cela nous oblige à vendre plus de produits connexes pour tout simplement survivre en tant que libraires.
Ce que nous pensons du commerce électronique m'amène évidemment à vous reparler des remises, car on ne peut pas concurrencer Amazon et Barnes & Noble, qui offrent des rabais de 30 ou 40 p. 100 sur leur site. Pour nous, c'est impossible. On entend sans cesse des commentaires de gens qui nous disent que, sur Internet, ils devraient obtenir un meilleur prix. Mais si nous consentons de tels rabais, nous fermerons nos portes assez rapidement. Donc, la remise est un problème majeur.
Par contre, nous nous devons d'être sur Internet. Nous n'avons pas le choix. C'est la tendance du marché. Notre chiffre d'affaires sur Internet connaît une progression constante; d'année en année, il augmente de 50 à 75 p. 100. C'est une croissance assez phénoménale.
Comme je vous le disais, nous ne pouvons pas rivaliser. Pour nous, c'est très clairement une question de remise. Il est certain que nous, le Groupe Renaud-Bray, qui représentons 25 librairies au Québec, aimerions entretenir des relations courtoises avec les librairies indépendantes. Nous voudrions aussi que l'Association des libraires du Québec, dont nous faisons partie, nous défende. Pourtant, dans le moment, on défend plutôt les librairies indépendantes, et celles-ci accusent le Groupe Renaud-Bray d'être très méchant à cause de sa taille. Or, tout ce que nous essayons de faire, c'est de constituer un groupe sain, capable de fonctionner et de se développer encore davantage. C'est ce qu'on aimerait pour les librairies indépendantes.
Pour ce qui est des distributeurs, je vais revenir au leitmotiv de ma présentation, celui des remises. Nous pensons que si nous achetons des milliers et des milliers de livres, nous devrions pouvoir obtenir des remises un peu supérieures pour justement mieux fonctionner, mieux gérer et éventuellement mieux payer nos employés. C'est le problème qui se pose avec les distributeurs.
Évidemment, on aime maintenir des liens étroits avec les éditeurs parce qu'on cherche à promouvoir la lecture. On a instauré, dans les librairies Renaud-Bray, un système de coups de coeur. Un comité de lecture détermine les coups de coeur que nous proposons à nos clients, lesquels ont été essayés par différentes personnes provenant de différents milieux, parce que nous voulons offrir à notre clientèle des valeurs sûres. Pour nous, c'est important. Ces coups de coeur ne comportent pas seulement des nouveautés.
Nous avons donc vraiment à coeur de promouvoir la lecture. Pour ma part, je travaille beaucoup directement avec les éditeurs pour organiser des animations en librairie, pour inviter les gens à entrer dans les librairies. Pour répondre à votre question sur le rôle que le gouvernement du Canada devrait jouer, je dirai que ce rôle devrait être de promouvoir la lecture à l'échelle pancanadienne et non seulement sur le marché anglophone.
Par exemple, au Québec, nous allons célébrer la Journée mondiale du livre le 20 avril. Cela se fait traditionnellement en Europe. Presque au même moment, le 27 avril, il y a la Journée du livre canadien. C'est très difficile pour nous de promouvoir les deux. Vous voyez qu'il y a beaucoup de différences entre le Québec et le reste du Canada.
On sait qu'il y a des commissions qui existent, qu'il y a eu des sommets sur le livre au Québec et tout ça, mais que puis-je vous dire de plus?
Le président: Je crois que vous nous avez dit des choses bien importantes. Nous allons avoir du pain sur la planche.
[Traduction]
Je m'excuse. J'ai un rendez-vous. Mme Bulte va me remplacer. Merci.
Monsieur Zook.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Monsieur Zook, bienvenue.
M. Denis Zook (président-directeur général, Pegasus Wholesale): Bonjour. Je suis le président-directeur général de Pegasus Wholesale.
Comme tout le monde le sait, le Canada a besoin, et ce, depuis longtemps, d'un grossiste national spécialisé dans le livre. Les libraires de toute taille, y compris les bibliothèques, les écoles, les analyses du gouvernement et les éditeurs, ont cerné les avantages qu'une telle entreprise procurerait à l'ensemble de l'industrie canadienne du livre.
Les libraires, les détaillants et les bibliothèques au Canada doivent souvent attendre des semaines, et parfois des mois, avant de recevoir les ouvrages qu'ils ont commandés, contrairement à leurs homologues aux États-Unis et en Europe, qui comptent depuis longtemps sur les services de grossistes importants pour répondre en partie ou en totalité à leurs besoins.
La mise en oeuvre du projet de loi C-32 et l'essor d'Internet rendent ce besoin encore plus pressant. L'objectif de Pegasus est donc de répondre à ce besoin, et d'agir en tant que grossiste national pour d'autres produits connexes, comme les DVD, les vidéos, les disques et les logiciels.
On soutient que Pegasus n'est rien d'autre qu'une tentative de la part de Chapters d'obtenir de meilleurs rabais des maisons d'édition. Or, comme l'achat d'installations, de matériel et de systèmes a entraîné des frais de démarrage de plus de 15 millions de dollars et que Chapters a investi plus de 50 millions de dollars dans ce projet, il lui sera très difficile de récupérer cet argent par le biais des rabais modestes qu'on lui a consentis.
Troisièmement, personne n'est obligé de faire affaire avec Pegasus. La situation serait différente si Pegasus était le seul distributeur d'un ouvrage ou d'un éditeur. Pegasus n'a pas signé de contrat exclusif avec les maisons d'édition et n'a pas l'intention de le faire. Elle agit comme grossiste: elle achète des livres pour les revendre ensuite à des détaillants.
Pegasus ne limite d'aucune façon la concurrence. Les sources d'approvisionnement auxquelles avaient accès les détaillants et les libraires avant notre arrivée existent toujours. Pegasus ne fait que créer une nouvelle source d'approvisionnement; elle n'enlève rien à celles qui existaient déjà.
Pegasus est donc très différente de Barnes & Noble, aux États-Unis, à laquelle elle a été comparée. Barnes & Noble a tenté d'acheter Ingram, le grossiste le plus important aux États-Unis. Il approvisionne les libraires indépendants et les détaillants depuis plus de vingt ans. De nombreux libraires indépendants s'approvisionnent en partie, au même en totalité, auprès de ce grossiste. Par conséquent, l'offre aurait entraîné la disparition d'un important distributeur, ce qui n'est pas le cas ici, puisque nous avons mis sur pied une nouvelle entreprise et offert une option de plus.
Certains éditeurs dont le nom n'a pas été divulgué ont laissé entendre que la mise sur pied de Pegasus va entraîner une hausse du prix des livres. Si un éditeur choisit d'augmenter le prix des livres, ce n'est pas à cause du rabais qu'il a consenti à Pegasus. Pegasus ne souhaite qu'une chose: obtenir les mêmes rabais que ceux qu'obtiennent les autres grossistes au Canada. Si l'éditeur analyse à fond les frais de ramassage, d'emballage et d'expédition qu'il assume pour acheminer des livres à des centaines ou des milliers d'établissements au Canada et s'il les compare aux coûts que représente la livraison d'une seule cargaison à Pegasus, il va se rendre compte que non seulement les coûts ne varient pas, mais qu'ils sont peut-être inférieurs.
D'après une étude d'Industrie Canada, les commandes représentent pour les éditeurs canadiens entre 4,8 p. 100 et 20,3 p. 100 de leur chiffre d'affaires, suivant leur volume de ventes et leur système de distribution. Pour de nombreux éditeurs, le transport à lui seul représente entre 2 et 5 p. 100 de leur chiffre d'affaires. Le coût serait encore plus élevé s'ils offraient les mêmes services que Pegasus. Pour ce qui est des éditeurs avec qui je fais affaire, j'assume tous les frais de stockage, de ramassage et d'emballage, de même que tous les frais de transport qui doivent être engagés pour livrer ces livres aux détaillants.
Les éditeurs peuvent vendre des livres à Chapters sans passer par Pegasus. Certains ont laissé entendre que les éditeurs doivent obligatoirement passer par Pegasus. Il n'y a rien de plus faux.
• 1235
En outre, certains ont laissé entendre que nous cherchons à
obtenir des rabais additionnels. Comme je l'ai déjà mentionné, nous
demandons seulement à obtenir le même rabais que celui qui est
accordé aux autres. Les maisons d'édition affichent souvent dans
leur documentation les rabais qu'elles consentent aux grossistes.
Nous n'en demandons pas plus. En fait, nous savons que le même
rabais est offert aux nombreux grossistes qui ne desservent qu'un
seul point de vente au détail. Donc, le détaillant qui ne possède
qu'un seul point de vente et qui exploite un magasin de gros aura
droit au même rabais que moi.
Pegasus est une entreprise indépendante de Chapters. Elle compte sur le soutien d'investisseurs indépendants de l'extérieur dont les placements sont totalement tributaires du rendement de Pegasus comme entreprise autonome. Pegasus possède son propre conseil d'administration, qui a pour mandat de surveiller les activités de Pegasus; il est totalement indépendant de Chapters.
Enfin, l'équipe de gestion de Pegasus détient également des actions dans l'entreprise. Notre rémunération est donc fonction du rendement de Pegasus, pas de Chapters.
Nous avons déjà créé 450 emplois directs. Nous espérons, grâce aux commandes passées via Internet, qui sont à la hausse, porter ce chiffre à plus de 1 000 au cours des deux prochaines années.
Pour terminer, notre objectif est de devenir le grossiste le plus important du Canada, de vendre des livres et autres produits au plus grand nombre possible de détaillants, bibliothèques, écoles et entreprises. Nous espérons que les libraires indépendants et les membres de la CBA feront partie de notre clientèle. Autrement, ils pourront continuer d'utiliser les sources d'approvisionnement qui existaient avant l'arrivée de Pegasus. Nous allons, avec le temps, renforcer le système de distribution de livres au Canada, améliorer le volume des ventes ainsi que la rentabilité et des détaillants et des maisons d'édition.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Zook.
Monsieur Berrisfford, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Nigel Berrisfford (premier vice-président, achats, Pegasus Wholesale): Non, mon rôle ici est de répondre aux questions.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Monsieur Laberge.
M. Georges Laberge (directeur général, Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française): N'est-il pas intéressant, madame la présidente, que le tableau qui se trouve derrière vous s'intitule The Spirit of the Printed Word.
[Français]
Le rayonnement de l'imprimé. Quelle joie!
Nous ne présentons pas de mémoire écrit aujourd'hui, puisque nous n'avons découvert que vers 11 heures, hier matin, que nous faisions partie de cette table ronde. Nous aurions souhaité vivement en connaître l'existence avant et recevoir une invitation directe plutôt que de l'apprendre par des tierces parties.
Cependant, je vais quand même tenter de vous présenter les positions de l'Association des distributeurs et de ses membres. Ce que souhaite l'Association des distributeurs, c'est une diversification importante de la propriété des revendeurs de livres pour assurer une diversification de l'offre culturelle.
[Traduction]
Même si vous faites partie d'une importante chaîne de librairies, vous allez peut-être offrir 100 000 titres, sauf que les 300 ou 400 ouvrages en français, eux, seront exclus. Un autre propriétaire peut avoir des goûts différents, vouloir exercer une influence différente sur le milieu culturel et offrir à sa clientèle un choix qui diffère de celui des autres détaillants importants.
[Français]
Nous souhaitons une diversification de la propriété pour nous protéger de toute faillite possible et éventuelle. Les grandes chaînes n'ont pas encore démontré leur rentabilité. Selon un vieux dicton, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.
• 1240
Si les recevables sont diversifiés en nombre
suffisamment important, la faillite de l'un
d'entre eux ne mettra pas en faillite les secteurs
de l'édition et de la distribution, tant au Canada anglais
qu'au Canada français.
Je vais me permettre une parenthèse, parce que je crois qu'on ne comprend pas très bien, au Canada anglais, la façon dont la diffusion, la distribution et le commerce de détail sont pratiqués au Québec.
L'éditeur publie son livre—son auteur—, mais peut décider soit de le diffuser lui-même et d'en faire connaître l'existence par une équipe de promotion commerciale, soit d'en confier la distribution, c'est-à-dire la réception, l'entreposage, l'exécution de commande, la facturation, la livraison et la perception de comptes, à quelqu'un d'autre. Au Canada anglais, tout cela semble englobé dans les opérations d'un même fournisseur. Donc, la majorité des maisons québécoises confient à un diffuseur ou à un distributeur diffuseur la commercialisation de leurs titres. Le distributeur a donc deux clients: l'éditeur et le détaillant.
Je ne peux présenter de statistiques ici puisque nous n'avons pas eu le temps d'aller sonder les sources avant de nous présenter ici, mais nous mettrons plus tard à la disposition du comité les statistiques que nous pourrons rassembler.
Je me résume: diversification de la propriété afin de diversifier l'offre culturelle pour la protection à long terme des maisons d'édition, des maisons de distribution et, par le fait même, des librairies.
Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Laberge.
[Traduction]
Nous allons maintenant passer aux questions. Nous allons commencer par M. Mark, suivi de M. de Savoye, avant de donner la parole aux députés libéraux. Monsieur Mark.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, madame la présidente.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins et leur présenter mes excuses. Je n'ai pas entendu la première partie de leur exposé en raison de la sonnerie d'appel.
Mardi dernier, nous avons entendu le point de vue des petits détaillants, des distributeurs et des organismes subventionnaires. Ils nous ont parlé de la consolidation dans le secteur de l'édition et de la distribution. Ils craignent que la consolidation n'ait un impact négatif sur leurs activités et le milieu culturel canadien. J'aimerais savoir si, à votre avis, cette crainte est justifiée.
M. Larry Stevenson: Merci, monsieur Mark. Comme votre question comporte deux volets, je vais faire appel à mon expérience dans d'autres domaines pour y répondre.
L'année dernière, je présidais le Conseil du commerce de détail. Il est juste de dire que, vu la taille du marché canadien, on trouve habituellement un acteur très important dans presque tous les secteurs spécialisés de vente au détail. Par exemple, dans le secteur des jouets, il y a Toys R Us, dans celui de l'alimentation, Loblaws, et dans celui de la rénovation domiciliaire, Home Depot. Tous subissent la concurrence d'autres entreprises. Ce n'est plus comme c'était il y a 15 ans, en ce sens que la concurrence peut venir d'autres joueurs. Elle peut venir, dans mon cas et dans celui de Loblaws, de Costo, qui offre des produits différents.
Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, sur laquelle le comité doit se pencher, est-ce que la diversité culturelle sera préservée? Dans le cas des livres, aurons-nous accès à d'autres alternatives s'il y a un, deux ou même trois grands acteurs? La réponse est oui. Il suffit de voir ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années. On a invoqué le même argument en 1994, à savoir que si l'on permet à SmithBooks et à Coles de fusionner, il y aura moins de titres canadiens qui seront publiés. Tel était l'argument invoqué à l'époque. Or, c'est plutôt l'inverse qui s'est produit. La publication d'ouvrages d'auteurs canadiens a progressé d'au moins 10 et peut-être 15 points. Les auteurs et les éditeurs peuvent en être fiers.
• 1245
Les librairies grande surface qui voient le jour n'offrent pas
toutes les mêmes 125 000 titres. Il y a huit concurrents différents
qui sont en train de construire des grandes surfaces. Vous pouvez
avoir accès à des millions de titres sur Internet. Tous les livres
sont disponibles. Je pense que la diversité va s'accroître avec le
temps en raison de l'impact d'Internet. Une bonne part du pouvoir
que détenaient jusqu'ici les éditeurs, les distributeurs ou les
détaillants va maintenant se trouver entre les mains des
consommateurs.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Laberge. C'est à vous aussi.
[Traduction]
Mme Carole Morency: Puisqu'au Québec, nous sommes...
[Français]
Je vais vous parler en français. Comme au Québec, nous devenons le plus important groupe de librairies francophones, je pense qu'en achetant les librairies Champigny et les librairies Garneau, qui avaient des problèmes financiers, Renaud-Bray a pu augmenter son stock dans ces deux chaînes de librairies et offrir ainsi une plus grande variété de titres à ses consommateurs. Je pense que c'est une bonne chose. Sans ce regroupement, ni les librairies Garneau ni les librairies Champigny n'auraient été capables de remonter leur fonds ainsi. Donc, dans ce cas-ci, ce regroupement a permis d'offrir plus de produits aux consommateurs. Merci.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
Monsieur Zook.
[Traduction]
M. Denis Zook: Pour ce qui est de la diversité, je dirais que celle-ci ne pourra que s'accroître avec Internet et les technologies nouvelles. Il est très facile aujourd'hui pour un auteur, grâce à Internet, de publier un ouvrage. Je pense que nous allons voir un plus grand nombre de livres publiés à compte d'auteur, ou de petites maisons d'édition qui vont publier leurs livres via Internet. De plus, grâce aux technologies d'impression sur demande, les titres canadiens qui étaient épuisés dans le passé parce que la demande n'était pas suffisamment importante pourront être imprimés sur demande. L'ouvrage pourra être imprimé en une seule journée si le consommateur en fait la demande. Je pense que le marché du livre canadien va prendre de l'essor.
M. Inky Mark: J'ai été étonné d'apprendre que, d'après l'étude préparée par la direction de la recherche parlementaire, 81 p. 100 des éditeurs non rentables au Canada ont eu besoin de l'aide financière du gouvernement en 1998 et en 1999. Je sais que l'adaptation aux changements technologiques constitue, pour eux, un défi de taille, comme vous l'avez indiqué. Croyez-vous que le fait que 81 p. 100 de nos éditeurs aient besoin d'une subvention pour être rentables est une bonne chose pour l'industrie?
M. Nigel Berrisfford: Je peux peut-être répondre à la question.
Non, ce n'est pas une bonne chose pour l'industrie. Toutefois, ces données, si elles étaient recueillies aujourd'hui, montreraient qu'un grand nombre d'éditeurs canadiens sont maintenant rentables, grâce surtout à l'arrivée de Chapters. Le secteur du livre a connu un tel essor que les éditeurs qui étaient plus ou moins rentables ou qui ne l'étaient pas affichent maintenant, à tout le moins, une certaine rentabilité. Toutefois, comme le marché canadien est très petit, il est difficile pour les éditeurs canadiens d'être rentables et de publier un grand nombre d'ouvrages canadiens. Ils vont continuer d'avoir besoin de ces subventions dans un avenir prévisible. Mais je pense que les éditeurs ont fait d'énormes progrès et qu'ils arrivent à tout le moins à être rentables. Certains sont très rentables, en tout cas, beaucoup plus qu'il y a deux ans.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.
[Français]
Monsieur de Savoye.
M. Pierre de Savoye: Madame, messieurs, merci d'avoir pris la peine, presque au pied levé—si je vous comprends bien, monsieur Laberge—, de venir nous donner votre point de vue sur la situation de la diffusion, de la distribution, de l'édition et du commerce de détail du livre au Québec et au Canada.
C'est un sujet qui nous inquiète sous plusieurs rapports. Il y a des choses que la loi et la réglementation peuvent faire; il y en a d'autres qu'elles ne peuvent pas faire. La loi ne pourra pas arrêter l'avance de la technologie. La loi ne peut pas non plus s'immiscer dans les affaires commerciales comme telles, sauf s'il y a des problèmes qui nuisent à une saine concurrence. Je pense, monsieur Laberge, que vous avez exprimé quelques préoccupations quant au maintien de cette concurrence à un niveau de diversification suffisant.
• 1250
Mais il y a d'autres préoccupations qui me semblent
assez immédiates. Nous avons eu le plaisir
d'entendre M. Zook, de Pegasus, qui offre maintenant aux
consommateurs l'achat de volumes par
Internet. Et M. Berrisfford a
évoqué il y a quelques instants la possibilité
d'imprimer un volume à demande.
Cette tendance ne va sans doute pas
régresser.
J'entrevois deux problèmes majeurs à l'horizon et je vais vous demander votre opinion sur l'immédiateté de l'éventualité de ces deux problèmes. Je vais aussi vous demander de quelle façon ils pourraient être abordés.
Le premier de ces problèmes, c'est la pénétration du marché canadien par les Américains au moyen, entre autres et surtout, des technologies de l'information. Pensons à Amazon; vous l'avez mentionné plus tôt.
Le deuxième problème, c'est le fait que certaines techniques que nous utilisons depuis Gutenberg pourraient être à la veille de disparaître. Avant Gutenberg, il existait un métier de moine. On travaillait comme un moine: on copiait, recopiait et recopiait. Ce métier-là a disparu du jour au lendemain.
Beaucoup plus récemment, il y avait ces machines à additionner qu'on appelait ainsi parce qu'elles ne multipliaient pas. Elles additionnaient à répétition. Si on avait une répétition assez longue d'un même nombre, on attendait que la machine ait fini le nombre d'additions voulu.
Avec l'avènement de l'électronique, ces machines-là ont disparu, et les compagnies qui les fabriquaient ont disparu en même temps. On ne parlera pas des montres suisses, dont les mouvements ont été remplacés par l'électronique.
Voici mes deux questions. Est-ce que le marché américain pourrait envahir le marché canadien par voie électronique? Dans combien de temps cela deviendra-t-il un problème pour vous et qu'est-ce que vous pensez qu'on puisse faire pour contrecarrer les effets de ce problème? Deuxièmement, est-ce que vous pensez que les méthodes connues jusqu'à ce jour, c'est-à-dire la manipulation de livres et de papier, les tournées en librairie pour se les procurer, seront du domaine du passé dans un proche avenir ou plus tard?
Comment réagissez-vous à cela?
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il doit y avoir un vote d'ajournement de la Chambre dans 25 minutes. Veuillez m'excuser, mais je veux simplement vous dire que nous sommes assez limités par le temps.
[Français]
M. Georges Laberge: Autant, et avec raison, il ne faut pas se créer de peurs avec ce qui se passe dans le marché du livre actuellement au Canada, autant il ne faudrait pas se croire dans un monde de fiction quant à la pénétration des nouvelles technologies. Une étude de Sondagem faite l'automne dernier pour l'Association nationale des éditeurs et Le Devoir a démontré que les achats faits via Internet par des lecteurs québécois ne représentaient qu'un peu plus de 1 p. 100 du marché du livre.
À Québec, j'étais directeur des Presses de l'Université Laval, quand McLuhan a eu tellement d'influence au moment où s'est ouverte la bibliothèque de Sainte-Foy. On n'avait voulu acheter aucun livre, parce que le livre, c'était terminé et on n'allait plus l'utiliser.
• 1255
Bien sûr, une certaine utilisation de la nouvelle
technologie via l'électronique va permettre la
consultation d'une information qu'on ne pouvait jamais
faire auparavant. Une encyclopédie Britannica n'a
plus sa raison d'être. Qu'un Rimbaud imprimé ou un
Nelligan imprimé soit totalement remplacé, on peut se
l'imaginer, même si je n'en suis pas encore convaincu.
On ne peut pas prendre nos rêves d'avenir pour des
réalités qui seraient déjà arrivées chez nous, mais
il faut suivre cela de près.
Mme Carole Morency: Je suis d'accord avec M. Laberge là-dessus. De toute façon, éventuellement on offrira aux gens de faire imprimer leurs livres comme cela en librairie. Mais je ne crois pas que ce soit dans un avenir très rapproché.
[Traduction]
M. Larry Stevenson: Je fais sans doute bande à part à ce sujet, car je suis convaincu que cela va arriver très vite. Si vous examinez le marché canadien toutefois, il est absolument juste de dire que près de 2 p. 100 des ventes se font sur Internet, contre 4,5 p. 100 aux États-Unis. Par contre, la rapidité de la pénétration du marché est ahurissante. À mon avis, ce n'est pas tant le pourcentage qui importe, car je suis fermement convaincu—bien sûr, puisque nous avons beaucoup de ces librairies—qu'il y aura toujours des librairies. Les gens vont toujours avoir un besoin affectif et physique de toucher les livres.
Ceci étant dit, si de 15 à 20 p. 100 de l'industrie adopte Internet, ce que croient Forester, Jupiter et toutes les sociétés d'experts-conseils qui suivent Internet, le téléchargement direct de livres électroniques représentera 22 p. 100 du marché—ce qui veut dire que vous ne pourrez même pas servir d'intermédiaire, car cela va peut-être aller directement de l'auteur au consommateur—je crois que cela aura des répercussions sur tous les détaillants canadiens. Même si Wal-Mart, Home Depot ou Toys R Us sont des sociétés américaines dont le siège social se trouve peut-être au sud du 49e parallèle, elles emploient des Canadiens dans les magasins, dans le monde physique. Je pense que nous courrons beaucoup de risques si nous n'intervenons pas dans ce domaine.
Pour l'industrie que nous représentons, je dirais qu'il faut absolument faire preuve de flexibilité. Dans le contexte des changements énormes que nous connaissons, la flexibilité vaut mieux que la rigidité. Ce n'est pas un conseil merveilleux, mais je veux simplement dire que comme les gouvernements essaient de prendre les devants, la situation est très difficile. Si vous me demandez exactement comment le monde va se transformer, je dirais honnêtement que je ne le sais pas. Je me suis trompé chacune des cinq dernières années, alors que j'essayais de comprendre ce qui allait se passer sur Internet. Tout ce que nous essayons de faire, c'est d'être suffisamment flexibles pour pouvoir survivre, quelle que soit l'attaque des concurrents américains.
Le deuxième point est très important. L'industrie du livre ne jouera aucun rôle sur Internet à moins d'avoir un circuit de distribution très efficace entre l'éditeur et le consommateur. La plupart des livres, si vous examinez ce que nous vendons, sont les livres qui sont disponibles, expédiés en l'espace de 24 heures. C'est véritablement ce que recherchent nos clients. Si nous leur disons qu'ils doivent patienter six semaines avant de recevoir le livre, ils vont trouver d'autres solutions et nous perdrons ces ventes.
Je pense également qu'il est important d'avoir des sociétés canadiennes solides. Par conséquent, pour ce qui est de la question des éditeurs, de l'endroit où ils se trouvent et de l'importance des subventions, je crois qu'il est important d'avoir des livres canadiens; par conséquent, il est important d'avoir des éditeurs, des distributeurs et des détaillants canadiens solides.
Une année avant notre acquisition de SmithBooks, cette société avait perdu 8 millions de dollars. Les éditeurs prétendent aimer la concurrence entre deux sociétés, mais il n'y a pas de concurrence entre deux sociétés, lorsque l'une d'elle perd 8 millions de dollars pendant trop longtemps. Elle ne peut pas survivre et elle ne peut certainement pas investir les 30 millions de dollars que nous avons investis pour aller sur Internet.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Shepherd et monsieur Bélanger.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): J'aimerais m'adresser surtout aux représentants de Pegasus et à votre politique de rabais.
Il me semble que les éditeurs nous font des rabais importants et que, indirectement, le gouvernement du Canada les subventionne. Il me semble que les contribuables canadiens participent indirectement à vos politiques de rabais. Vous avez tenu des propos qui diffèrent de ceux tenus par certains des éditeurs. Vous avez dit que ces éditeurs ont le choix: soit, ils vendent directement, soit, ils vendent par votre entremise. Toutefois, si je comprends bien, à compter de ce matin, 49 éditeurs sur ces 50 sont liés par contrat à votre société.
Ils ont également indiqué que cela n'avait pas été un accord commercial conclu de façon honorable, que certaines négociations avaient été très difficiles. Certains ont dit que vous avez refusé de les payer pendant un certain temps pour qu'ils acceptent de respecter les règles du jeu. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
• 1300
Le problème de la fixation des prix pour grandes quantités est
sans doute plus important. Si vous achetez de grandes quantités de
livres, vous obtenez des rabais pour grandes quantités. J'imagine
que la même chose s'applique dans le cas des détaillants; en
d'autres termes, si Chapters est votre plus gros acheteur, ces
rabais se répercutent tout au long de la chaîne; si par contre, je
tiens une petite librairie à Port Perry, en Ontario, je n'obtiens
pas le rabais. Est-ce bien cela?
M. Denis Zook: Voudriez-vous que je réponde à toutes les questions ou simplement à la dernière?
M. Alex Shepherd: À toutes.
M. Denis Zook: En ce qui concerne le rabais, comme je l'ai dit dans ma déclaration, nous ne demandons pas un rabais supplémentaire. Le rabais accordé à Pegasus est exactement le même que celui que reçoit n'importe quel autre grossiste au Canada.
Il existe d'autres grossistes qui vendent aux librairies, comme Book Express et North 49. Ils obtiennent exactement le même rabais que moi, et c'est tout ce que j'ai demandé: je tiens à bénéficier du même rabais. Je n'ai donc rien demandé de plus et, par conséquent, je n'obtiens pas de rabais supplémentaire qui indirectement coûterait plus d'argent au gouvernement. C'est le même rabais que n'importe quel autre grossiste.
M. Alex Shepherd: Est-ce que les rabais augmentent en fonction de la commande?
M. Denis Zook: En ce moment, je réponds à la question posée, à savoir le genre de rabais que j'obtiens des éditeurs. Vous avez dit tout d'abord que les rabais que j'obtiens entraînent indirectement plus de subventions du gouvernement et je vous réponds en disant que j'obtiens exactement le même rabais que n'importe quel autre grossiste. Au sujet des rabais, vous avez dit que j'obtiens un rabais plus important en fonction des quantités et que j'accorde un rabais pour grandes quantités à mes clients.
Pour le premier point, comme je viens de le dire, je n'obtiens pas de rabais pour grandes quantités. Une librairie comme le Children's Bookstore à Toronto a reçu un rabais de 50 p. 100 des éditeurs pour son petit service de vente en gros et il s'agit simplement d'un magasin. J'obtiens ce même rabais de 50 p. 100. C'est donc la même chose.
J'accorde un rabais pour grandes quantités à mes clients. Je donne un rabais standard à tous mes clients et ensuite j'utilise une échelle mobile en fonction des quantités. J'aimerais faire remarquer que cette façon de faire n'est pas unique en son genre. Chaque éditeur et chaque grossiste au Canada utilise une échelle mobile pour calculer le rabais en fonction des quantités; plus la commande de livres est importante, plus le rabais est élevé. Cela ne s'applique pas uniquement à Pegasus, mais à n'importe qui dans l'industrie du livre.
Mme Carole Morency: L'industrie du livre anglais.
M. Alex Shepherd: Par définition, Chapters bénéficierait toutefois du plus gros rabais.
M. Denis Zook: Il existe d'autres détaillants au Canada qui vendent suffisamment de livres et qui recevraient le rabais maximum également si je pouvais être leur fournisseur.
M. Alex Shepherd: À l'heure actuelle, c'est Chapters qui reçoit le plus gros rabais.
M. Denis Zook: C'est exact et actuellement, c'est cette société qui achète le plus de livres; elle bénéficierait probablement—ou elle aimerait le croire—du plus gros rabais si elle achetait directement ses livres à un éditeur comme HarperCollins ou Penguin, parce que, comme je l'ai dit, tous les éditeurs donnent un rabais en fonction des quantités commandées. Par conséquent, la librairie du coin n'achète pas un livre à Penguin au même prix que Chapters ou Indigo, car Penguin accorde aussi un rabais pour grandes quantités.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Zook, pouvez-vous répondre à l'autre question, les éditeurs ont dit avoir été forcés de signer cet accord commercial?
M. Denis Zook: J'ai participé à beaucoup de ces négociations et j'aimerais croire que je l'ai toujours de façon honorable.
Le choix qu'ils devaient faire était clair. S'ils voulaient m'avoir comme grossiste et me donner le même rabais que celui qu'obtenaient mes concurrents, j'étais prêt à faire affaire avec eux. S'ils me donnaient un rabais moins élevé que celui des autres grossistes qui sont mes concurrents, je ne pouvais alors vraiment pas acheter leurs livres pour les revendre à des détaillants sans perdre de l'argent.
En fait, cela s'est produit. De grands éditeurs qui n'étaient pas prêts à me donner le même rabais que celui dont bénéficiaient tous les autres grossistes au Canada m'ont placé dans une situation où j'ai effectivement perdu l'occasion de faire affaire avec des détaillants, car je ne pouvais pas les fournir en livres de ces maisons d'édition. Les éditeurs n'ont absolument pas été forcés de signer l'accord. Je ne peux absolument pas les forcer de faire affaire avec moi. C'est leur choix et ils peuvent vendre directement aux magasins Chapters sans passer par Pegasus.
M. Alex Shepherd: Beaucoup d'entre eux ont déclaré que 60 p. 100 de leurs ventes étaient destinées à Chapters si bien qu'ils n'avaient pas beaucoup de choix et qu'ils devaient en quelque sorte continuer à avoir cette entente, faute de quoi, ils faisaient faillite.
M. Denis Zook: Eh bien, non, comme je viens juste de le dire, on ne leur a pas interdit de faire affaire avec Chapters. Pegasus n'a pas toujours existé. Ils vendaient directement à Chapters avant que Pegasus n'existe et s'ils choisissaient de ne pas faire affaire avec Pegasus, ils pouvaient continuer à vendre directement à Chapters.
M. Alex Shepherd: Si Chapters a mis sur pied Pegasus, c'est bien pour une raison.
M. Denis Zook: Chapters a investi dans la mise sur pied de Pegasus pour deux raisons. La première, c'est qu'il y a un besoin énorme au Canada d'avoir un grossiste national qui peut être une entreprise très rentable et qui peut investir dans une aventure très rentable. Deuxièmement, comme l'a fait remarquer M. Stevenson, il est véritablement impossible de soutenir la concurrence avec AMAZON.com ou barnesandnoble.com sans la présence d'un grossiste qui peut fournir les livres en l'espace de 24 heures.
J'ai 450 000 livres en stock, ce qui veut dire que si vous en commandez un sur Internet, je vous l'expédie le jour même. S'il n'y avait pas de grossiste, vous devriez commander ces livres auprès de l'éditeur et attendre de quatre à huit semaines avant d'en obtenir la livraison.
M. Nigel Berrisfford: J'aimerais ajouter un point aux propos de M. Zook; le plus grand éditeur du monde, Random House, n'a pas conclu d'accord avec nous, avec Pegasus...
M. Alex Shepherd: C'est le seul qui manque à l'appel.
M. Nigel Berrisfford: ... et ses livres sont présents dans tous les magasins Chapters. Par conséquent, il est complètement faux de dire qu'il est impossible d'avoir accès à Chapters si l'on n'a pas signé d'entente avec Pegasus.
M. Alex Shepherd: Votre société n'a commencé qu'en octobre et vous avez déjà 49 des 50 éditeurs.
M. Denis Zook: Nous avons en fait commencé en mai et j'ai commencé à négocier en mai. Cela fait donc déjà quelques mois.
Nous ne devrions même pas utiliser le mot «négocier», car j'ai ouvert une nouvelle société—une société de ventes de livres en gros—et je ne négociais pas; je leur demandais simplement de me donner le même rabais que celui qu'ils accordent à tous les autres grossistes qui sont aujourd'hui sur le marché.
Je n'aurais jamais imaginé que cela prendrait autant de temps et autant de négociations pour obtenir ce que, légalement, je suis en droit d'obtenir, soit un traitement équitable par rapport à tous les autres grossistes au Canada.
[Français]
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur Stevenson, je voulais simplement vous dire que j'ai lu le texte que vous m'avez fait parvenir à mon bureau. Je pense à prime abord que vous êtes peut-être un peu trop sur la défensive par rapport à ce que vous avez réussi à faire du côté de la vente au détail.
Je suis un de vos clients, tout comme je fréquente aussi les libraires indépendants, et je dois reconnaître que vous avez apporté aux consommateurs quelque chose de très encourageant. Là-dessus, je pense qu'il n'y a pas de difficulté. J'accepte en partie vos conclusions, dans lesquelles vous dites que vous avez aidé le marché à grandir. Je pense que vous l'avez aidé, mais peut-être pas de façon aussi importante que vous l'affirmez.
Mais là n'est pas la question. La question porte plutôt sur l'intégration verticale. Je me pose une question. Je veux bien reconnaître que Pegasus fonctionne, mais c'est quand même vous qui êtes, ultimement, le responsable de Pegasus; vous êtes l'actionnaire principal de Chapters qui, lui, détient une grande majorité des actions de Pegasus.
Dans une lettre qui a été envoyée par M. Richard Taylor, qui est
[Traduction]
sous-commissaire adjoint de la concurrence, Affaires civiles, division B,
[Français]
à Mme Sheryl McKean, de la Canadian Booksellers Association, au mois de novembre, deux phrases ont retenu mon attention, et je vais me permettre de les citer:
[Traduction]
-
L'examen préliminaire n'a pas révélé quoi que ce soit qui puisse
justifier l'introduction d'une instance en vertu de la Loi sur la
concurrence dans cette affaire.
... «cette affaire» visant l'intégration verticale de Pegasus...
-
Toutefois, il y a suffisamment matière à préoccupation pour
poursuivre notre enquête et surveiller l'évolution du marché.
Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Larry Stevenson: Certainement.
Tout d'abord, je crois que le Bureau de la concurrence remplit parfaitement son mandat vu qu'il surveille la concurrence. C'est son travail; étant donné que nous faisons l'objet d'un contrôle depuis la fusion, je dois dire que le Bureau a incroyablement bien joué son rôle. Il n'y a pas eu une seule plainte de ce côté là. Il y a un an, un de nos concurrents a prétendu que nous monopolisions tout l'immobilier au Canada; nous avons dû payer des centaines de milliers de dollars d'honoraires d'avocat pour lui remettre tous les documents relatifs à l'immobilier. À mon avis, le Bureau de la concurrence est en droit de s'assurer qu'il y a effectivement concurrence.
Pour ce qui est de la question de l'intégration verticale, je suis d'accord avec vous, c'est un point de préoccupation. Le Bureau de la concurrence nous a dit qu'il continuerait à surveiller la situation et qu'en cas d'abus de quelque sorte, il serait dans l'obligation d'envisager des mesures. De notre point de vue, il n'y a pas risque d'abus. Cette société est distincte et vous avez parfaitement raison de dire que nous en sommes propriétaires à 82 p. 100. Par conséquent, nous avons effectivement une certaine influence dans cette société.
La question qui se pose est la suivante: depuis la fusion, j'ai rencontré plusieurs des éditeurs qui font affaire avec des grossistes canadiens et certains grossistes américains, pour les inciter à investir afin que nous ayons au Canada un grossiste national. À mon avis, Chapters échouerait si le taux de renouvellement des stocks ne commençait pas à être supérieur au taux actuel de 1,8. On ne peut simplement pas survivre si on dit à des clients d'attendre de six à huit semaines alors qu'on se trouve à une époque où il est possible de télécharger électroniquement des livres et où il est possible de les acheter à Amazon.com. Si nous voulons soutenir la concurrence à l'avenir, nous devons exploiter nos magasins différemment. Nous devons également être en mesure de soutenir la concurrence avec Internet.
En toute honnêteté, nous aurions préféré être un actionnaire minoritaire. Par contre, comme nous avons investi 54 millions de dollars, je pense qu'il est assez normal de dire que nous devrions obtenir un rendement économique, puisque nous avons ouvert une société qui va créer plus d'un millier d'emplois et qui va desservir tout le monde de façon équitable.
M. Mauril Bélanger: Madame la présidente, par respect pour ma collègue, j'ai plusieurs questions à poser et nous pourrions nous y attarder pendant pas mal de temps. Je vais poser deux ou trois questions et les laisser en attente sans attendre de réponses immédiates pour que Wendy puisse...
J'aimerais examiner dans un proche avenir l'impact du projet de loi C-32. Vous en avez fait mention. Vous avez dit que les éditeurs et non les détaillants ont tout le pouvoir dans cette industrie et que si le gouvernement du Canada se propose d'étudier l'industrie canadienne de l'édition du livre, il faudrait non seulement se concentrer sur le commerce de détail—je suis complètement d'accord avec vous—mais aussi réévaluer l'impact des droits des éditeurs en matière de monopole. J'imagine que vous voulez parler du projet de loi C-32, de l'exclusion. À un moment donné, il va falloir s'attaquer à ce problème.
J'aimerais ensuite poser la question de propriété et du maintien de cette industrie au Canada. À un moment donné, certains d'entre nous vont peut-être vouloir une loi interdisant la propriété étrangère. J'aimerais savoir comment cela serait perçu par ceux qui sont propriétaires des chaînes de détail ou des systèmes à intégration verticale. Je pense que j'en ai assez dit.
Enfin, j'ai une question à poser à M. Zook. Vous avez dit, monsieur—et je l'accepte—que vous n'avez jamais agi de façon déshonorante. Êtes-vous prêt à dire la même chose dans le cas d'employés actuels ou passés de Pegasus ou de Chapters, à savoir qu'aucun n'a fait de tentative d'intimidation comme par exemple retenir des paiements, etc.?
M. Denis Zook: Je ne peux vraiment dire que ce que je sais. Je peux dire que je ne l'ai pas fait. Autant que je sache, aucun des employés qui travaillent pour moi ne l'a fait non plus, mais je ne peux pas vraiment en dire plus.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Bélanger.
Peut-être pourriez-vous prendre les questions de M. Bélanger et nous donner vos réponses par écrit.
Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Darmouth, NPD): J'aimerais tout d'abord demander si Chapters appartient à des actionnaires canadiens.
M. Larry Stevenson: Mme Lill, je ne connais pas tous les actionnaires. Je sais que Barnes & Noble, société américaine, détient 7 p. 100 des actions et que 93 p. 100 des actions appartiennent complètement à ... Pour ma part, je possède 5 p. 100 des actions de Chapters. Ontario Hydro et les hôpitaux de l'Ontario en possèdent 7 p. 100, mais il s'agit d'une série de fonds de pension. À cause de la façon dont une société ouverte est exploitée, je peux savoir qui est le propriétaire, mais non qui est actionnaire au bout du compte.
Mme Wendy Lill: J'aimerais connaître en fait le rôle de Barnes & Noble dans la direction de Chapters et savoir s'il est question de fusion en ce moment avec Barnes & Noble.
M. Larry Stevenson: Tout d'abord, il n'est pas question de fusion avec Barnes & Noble. Deuxièmement, cette société ne joue aucun rôle dans la direction. En fait, je suis directement en concurrence avec elle et Barnes & Noble.com est un concurrent féroce de Chapters.ca. Nous ne partageons pas d'information avec elle qui ne soit pas du domaine public. C'est une société ouverte. C'est un investisseur que je ne traite pas autrement que je traiterais Investors Group, à Winnipeg. Elle ne siège pas au conseil et ne participe pas à la gestion de cette société. Elle n'est qu'un investisseur de Chapters.
Mme Wendy Lill: J'aimerais vous poser une question, monsieur Zook. Vous avez fait mention de la situation Barnes & Noble-Ingram International aux États-Unis et dit que votre situation n'a rien à voir avec la leur. Toutefois, le Bureau de la concurrence s'est penché sur la question. Après une enquête approfondie, les sociétés ont décidé qu'elles n'iraient pas de l'avant étant donné qu'une injonction les en aurait probablement empêché. La question qui s'est posé porte sur la théorie qui vise à augmenter les coûts des concurrents. J'imagine que c'est une théorie dans l'industrie de l'édition du livre que sans doute, vous connaissez.
Je vais vous lire un court paragraphe au sujet des préoccupations et j'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.
-
Le problème, c'est que le conglomérat Barnes & Noble-Ingram
pourrait décider d'augmenter les coûts de ses détaillants et
concurrents en aval, comme les libraires indépendants et d'autres
chaînes nationales ou régionales ou des détaillants Internet, de
diverses façons, en ayant recours à diverses stratégies, sans aller
jusqu'à un refus pur et simple dans le cas des librairies
n'appartenant pas à Barnes & Noble. Par exemple, Barnes & Noble
pourrait décider de 1) vendre à des librairies n'appartenant pas à
Barnes & Noble à des prix plus élevés; 2) ralentir les livraisons
de livres aux concurrents; 3) limiter l'accès aux titres
recherchés; 4) limiter l'accès à l'inventaire élargi ou au fonds
d'Ingram; 5)augmenter le prix des services afin d'y mettre un terme
ou de les diminuer.
Tous les libraires qui ont comparu devant nous nous ont fait part de telles craintes; j'imagine donc qu'il est parfaitement possible qu'ils se sentent menacés. J'aimerais donc que vous répondiez également à ces questions.
M. Denis Zook: Je vais essayer de répondre, mais je ne sais pas trop le genre de réponse que vous recherchez. Je peux affirmer de façon catégorique que nous ne faisons rien de la sorte.
Les prix que nous demandons aux détaillants ou aux bibliothèques sont du domaine public et nos clients éventuels les connaissent. Ce sont les mêmes, que le détaillant ait un seul magasin ou qu'il en ait vingt. Les prix sont parfaitement connus, si bien qu'il m'est absolument impossible d'augmenter les prix pour un libraire moins important. Il se peut fort bien qu'il ne bénéficie pas d'un rabais pour grandes quantités, comme je l'ai fait remarquer, mais les conditions de base sont les mêmes pour tous.
Pour ce qui est de la limitation ou du ralentissement du produit, tout ce que je peux réellement vous dire, c'est que ce ne sont pas des pratiques que nous adoptons ou que nous avons l'intention d'adopter. Nous avons pour objectif de réaliser autant de ventes que possible pour Pegasus et de satisfaire autant de clients que possible avec Pegasus. Pour cette raison, nous allons leur offrir le meilleur service possible.
Nos systèmes nous permettent de traiter les demandes selon le principe du premier arrivé, premier servi. Les demandes sont traitées dans l'ordre dans lequel elles arrivent et aucune priorité n'est accordée en fonction du client. C'est fait exactement dans l'ordre de réception.
Tout ce que je peux faire, c'est vous redire que nous n'adoptons pas de telles pratiques et que nous ne le ferons jamais.
Mme Wendy Lill: Est-ce qu'il me reste une minute?
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il vous reste peut-être 30 secondes, si bien que vous devez faire vite. Tant que nous sommes tous les six ici, pas de problème; par contre, si l'un de nous s'en va, je devrais interrompre la séance.
Mme Wendy Lill: Je suis auteur de profession et personne n'a beaucoup parlé des auteurs aujourd'hui. Vous avez dit qu'il y a eu une augmentation de titres canadiens. Je suis heureuse de l'apprendre, mais j'aimerais savoir exactement ce que cela veut dire pour l'auteur. Je sais que les auteurs avaient l'habitude de recevoir 10 p. 100 de la vente d'un livre, mais je comprends qu'ils en reçoivent en fait moins maintenant à cause de la politique des rabais. Avez-vous une idée de la diminution des salaires des auteurs dans notre pays à cause de la conglomération des libraires et de la nouvelle écologie de l'industrie, si je puis m'exprimer ainsi?
M. Nigel Berrisford: Oui, j'aimerais répondre à cette question.
Les rabais n'entraînent pas de diminution des droits d'auteur. Dans certains cas, le contrat de l'auteur indique que si le rabais accordé par un détaillant est supérieur à 50 p. 100, les droits d'auteur sont réduits. Dans la plupart des cas, le rabais que nous donnons n'est pas supérieur à 50 p. 100, si bien que les droits d'auteur ne sont pas diminués.
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Je ne peux pas dire si les droits d'auteur ont augmenté ou
non. J'ai été éditeur pendant une année il y a cinq ans et les
droits d'auteur atteignaient en moyenne de 12 à 15 p. 100. Un
auteur comme John Grisham ou Alice Munro obtient 25 p. 100; un
auteur inconnu obtient probablement 9 p. 100. Je crois que rien de
tout cela n'a changé. Le fait que nous soyons sur le marché n'a eu
aucun effet sur les droits d'auteur si ce n'est que nous avons plus
de livres et que par conséquent les droits d'auteur ont monté
considérablement à cause des grandes quantités vendues.
La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.
Je suis désolée, mais nous devons terminer. Encore merci pour votre patience ce matin et cet après-midi et merci d'être venu. Pour certaines des questions auxquelles vous n'avez pas eu le temps de répondre ici, je vous demanderais de bien vouloir y donner suite par écrit et transmettre le tout à notre greffière.
Merci beaucoup, collègues, la séance est levée.