JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 11 avril 2000
Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): La séance est ouverte; nous attendons avec impatience la suite de ces propos éclairés.
[Français]
M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): C'est parfait.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je pensais que M. Bellehumeur avait terminé.
M. Michel Bellehumeur: Bien écoutez... Pardon?
M. Paul DeVillers: Tu finissais de parler quand la séance s'est terminée.
M. Michel Bellehumeur: J'avais à peine abordé l'introduction.
Mais pour nous remettre dans le bain, monsieur le président, de façon beaucoup plus... C'est que c'est sérieux. Nous discutions d'une motion que j'ai déposée le 5 avril et que je présente cet après-midi. Elle est libellée de la façon suivante:
-
Que l'examen article par article du projet de loi C-3,
intitulé Loi concernant le système de justice pénale
pour les adolescents, et modifiant et abrogeant
certaines lois en conséquence, soit reporté au mardi 2
mai 2000 à 9 h 30.
Pourquoi, monsieur le président, est-ce que je présente cette motion à ce stade-ci de l'étude? C'est pour donner suite au dépôt par la ministre d'une série d'amendements qui nous sont soumis et que nous devons étudier aujourd'hui article par article.
Avant de le faire, je pense très sincèrement, en me fondant sur les discussions que j'ai eues avec certains députés du gouvernement et des partis de l'opposition, soit du Parti conservateur, du NPD et de l'Alliance canadienne—moins nombreux cependant parmi les membres de ce dernier—, que les méthodes employées au Québec sont probablement mal comprises et mal connues. Tout bien considéré, ce que j'offre au comité en présentant cette motion, c'est de suspendre l'étude article par article que nous devions faire ce matin afin de permettre aux députés d'en face de revoir un peu tout ce que j'ai dit et surtout de mettre la main sur le document fait en 1995 par un groupe de travail. En reportant l'étude article par article au mardi 2 mai 2000, nous aurions le temps de le faire.
Je vois que M. McKay est là. Je ne sais pas si je dois recommencer à zéro ou s'il va lire mes notes pour être bien au fait de ce que j'aurai dit ce matin. De toute façon, il va pouvoir se rattraper en cours d'après-midi, car je vais revenir très succinctement sur chacun des points. Je sais que toute la question de la délinquance juvénile le préoccupe. Il se fera donc sûrement un plaisir de me relire pour vraiment savoir ce qui se fait au Québec.
M. McKay voudra surtout savoir ce qu'un groupe d'étude formé par le juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse du Québec, le juge Michel Jasmin, et certains intervenants du milieu ont écrit dans un rapport intitulé Les jeunes contrevenants: au nom et au-delà de la loi. Ce rapport a été produit en 1995 après que ces personnes aient étudié toute la question pendant deux ans et demi environ.
Avec ce document, je crois que les personnes qui auront à mettre aux voix les articles un à un seront à même de comprendre l'approche québécoise et verront peut-être d'un oeil nouveau et dans une nouvelle perspective les amendements proposés par la ministre à son projet de loi C-3. Elles se rangeront peut-être finalement de mon côté pour demander à la ministre de proposer un article ou un amendement permettant au Québec, ou à toute autre province, de continuer à appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'elle existe.
Comme je l'ai dit ce matin, ce n'est pas que la Loi sur les jeunes contrevenants soit la panacée, mais il n'y a pas d'autre remède à la criminalité, et je pense très sincèrement...
[Traduction]
Le président: Rappel au Règlement, monsieur Bellehumeur.
Monsieur Saada.
[Français]
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci.
Je comprends que M. Bellehumeur intervienne sur la question qu'il pose dans sa motion, qui est de renvoyer au 2 mai les délibérations de l'étude article par article. Est-ce bien de cela qu'il s'agit?
M. Michel Bellehumeur: Nous discutons de la motion suivante:
-
Que l'examen article par article du projet de loi C-3,
intitulé Loi concernant le système de justice pénale
pour les adolescents, et modifiant et abrogeant
certaines lois en conséquence, soit reporté au mardi 2
mai 2000 à 9 h 30.
J'en suis, dans mon argumentaire, à tenter de vous convaincre de voter en faveur de cette motion et, conformément à l'article 116...
M. Jacques Saada: Rappel au Règlement.
[Traduction]
Le président: M. Saada veut faire un rappel au Règlement.
M. Jacques Saada: Dois-je comprendre, d'après ce que contient la motion, que l'étude article par article commencerait dès demain si on l'adoptait? Est-ce ce que cela veut dire? Je voudrais seulement m'assurer que nous comprenons la même chose.
M. Michel Bellehumeur: Cela veut dire que d'ici le 2 mai 2000, si jamais la motion était adoptée aujourd'hui, chacun des membres du gouvernement ferait, j'imagine, une étude approfondie de ce qui se passe au Québec et aurait entre les mains certains documents. Le mardi 2 mai, nous pourrions alors revoir toute la question et décider si, justement, le Québec pourrait être exclu de l'application du projet de loi C-3.
Si la question du député est de savoir ce qui va se produire le 2 mai, je ne peux lui répondre. Qu'est-ce qui va se passer durant les deux semaines de relâche du congé pascal? Qu'est-ce que les députés, autant ceux du gouvernement que ceux des partis de l'opposition, auront saisi? Quelles questions voudront-ils poser? Peut-être aussi que, d'ici le mardi 2 mai, une autre motion aura été déposée pour reporter l'étude article par article au mois de septembre.
M. Jacques Saada: Ah, bon!
M. Michel Bellehumeur: Ce n'est pas «ah, bon!». Moi,...
M. Jacques Saada: Je vous dis que je suis content d'avoir posé la question.
M. Michel Bellehumeur: Alors, c'est que vous ne m'avez pas compris ou que vous ne m'avez pas écouté ce matin, car je l'ai dit textuellement, monsieur Saada. Je l'ai dit textuellement. Et j'ai même dit espérer que monsieur le président allait demander lui-même le report de cette étude au mois de septembre, après que nous ayons étudié sérieusement ce qui se fait au Québec.
Je ne vous comprends pas, monsieur Saada. Vous tombez d'un nuage ou quoi? Vous semblez surpris, je semble vous surprendre. Pourtant, dans tout ce que j'ai dit ce matin, plusieurs témoins de cette plaidoirie très éloquente pourront le confirmer, il ressortait clairement que, d'ici le mardi 2 mai, je ne pouvais savoir ce qui allait arriver à cette étude et qu'il y aurait peut-être une autre motion.
Si vous avez terminé, puis-je continuer? Oui? D'accord.
M. Jacques Saada: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Michel Bellehumeur: C'est ça. Il faut vraiment que ce soit clair.
Une voix: Exact.
M. Michel Bellehumeur: Je sais que le gouvernement d'en face aime beaucoup la clarté. On l'a bien vu dans les propos qu'a tenus le premier ministre en Israël. Lui aussi est très clair. Nous allons donc poursuivre dans cette veine de clarté. Nous allons nous pencher directement sur la motion, monsieur le président. Je la répète et vous invite, monsieur Saada, à l'écouter attentivement:
-
Que l'examen article par article du projet de loi C-3,
intitulé Loi concernant le système de justice pénale
pour adolescents, et modifiant et abrogeant certaines
lois en conséquence, soit reporté au mardi 2 mai 2000
à 9 h 30.
M. Jacques Saada: Sans aucune réserve.
M. Michel Bellehumeur: Eh bien, votez en faveur de la motion et on verra ce qu'il en sera de «sans aucune réserve», ou de sans aucune autre chose. Je ne peux d'ailleurs pas vous garantir, compte tenu de ce qui va se passer cet après-midi, au cours de la semaine ou au cours de la semaine prochaine, qu'il n'y aura pas éventuellement une autre motion venant d'un autre parti, même du Bloc québécois. On s'entend là-dessus.
Donc, j'essaie, monsieur le président, de convaincre les membres du gouvernement, y compris les députés québécois, incluant M. Saada et compagnie du Québec, lequel sait fort bien qu'un consensus s'est dégagé au cours des années. Tout à l'heure, je lui rappellerai certains extraits de certains mémoires extrêmement importants qui ont été déposés afin que la lumière se fasse, ou encore, pour le remettre sur le droit chemin et lui faire comprendre que le gouvernement fait fausse route.
Je trouve déplorable qu'il revienne à l'opposition de le faire. Les députés d'en face se vantent souvent du fait que d'être au pouvoir permet de représenter plus adéquatement la population québécoise. Alors, qu'ils le démontrent très clairement à l'occasion du projet de loi C-3. Qu'ils se lèvent et qu'ils dénoncent l'approche que la ministre préconise, monsieur le président.
Ce que j'ai fait ce matin pour tenter de les convaincre a été de mentionner, de faire appel sommairement à un document fort important, Les jeunes contrevenants: au nom et au-delà de la loi, qui a été écrit au Québec dans les années 1990 et dans lequel sont examinées toutes les questions entourant l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Au moment où j'ai demandé si nous avions quorum, parce que je trouvais que mes collègues autour de la table étaient de moins en moins nombreux et que je prêchais dans le désert, je venais d'aborder toute la question des mesures, et plus spécifiquement, à ce qui a trait à la probation, monsieur le président.
• 1550
Pour ceux qui n'étaient pas là, comme M. McKay,
je rappellerai—et j'invite M. McKay à le lire dans le
document—que j'ai parlé de pistes de réflexion
avant même qu'on s'arrête à l'examen du fondement même
de la loi. Il s'agit d'une série de pistes d'analyse,
telles que: la délinquance; la protection de la
société; la gravité de l'infraction; la responsabilité
et les droits des adolescents; les besoins des
adolescents, des victimes et des parents; la célérité
des interventions, point extrêmement important; la
cohésion entre les diverses responsabilités de chacun
des intervenants; une prise de décision qui tienne
compte de l'ensemble de la situation du jeune, ce qui
est extrêmement important et que je répète à l'intention
de M. McKay qui n'était pas là ce matin; enfin toute la
question de la prévention et des types de prévention,
prévention primaire, secondaire et tertiaire, pour ceux
qui ne le savent pas. J'y reviendrai plus en détail au
cours de l'après-midi.
Un autre point également très important est celui de l'intervention policière, comprenant la prise de déclaration, la discrétion des policiers, la mise en liberté ou la détention avant comparution. M. McKay étant avocat, il doit savoir toutes ces choses. Mais il est important qu'au moins un membre de ce comité les lui rappelle car la Loi sur les jeunes contrevenants, ou sa modification le projet de loi C-3, c'est un ensemble qu'il faut lire dans son entier.
Donc, en ce qui a trait à l'intervention policière, il y avait la participation des parents et des victimes. Il est faux de dire que la Loi sur les jeunes contrevenants ne tient pas compte de l'intérêt des victimes et des parents. J'ai entendu certains membres du gouvernement et de l'opposition dire qu'il fallait modifier la Loi sur les jeunes contrevenants pour prendre en considération l'intérêt des victimes. C'est important, en effet, mais c'est déjà prévu dans la Loi sur les jeunes contrevenants.
Afin de voter de façon éclairée sur la motion que je présente, il est important que je vous parle, cet après-midi, des critères, des ces éléments qui se trouvent dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous aurons ainsi un vote éclairé sur la motion que je présente pour que soit reportée l'étude au 2 mai et qu'on attende de voir ce qui va se produire d'ici là.
J'ai parlé également, je le dis à l'intention de ceux qui n'étaient pas là ce matin, de tous les programmes de mesures de rechange que j'évoque très sommairement étant donné que je dois y revenir plus tard. Les mesures de rechange sont extrêmement importantes.
L'intervention judiciaire est évidemment le noeud central. Je pense que c'est ce qui touche le plus à la juridiction fédérale. Puisque nous légiférons au niveau fédéral, examinons ce qui nous concerne plus particulièrement. L'intervention judiciaire, nous regarde directement. Dans toute la question de la dénonciation, de la détention provisoire, de la comparution, de la communication de la preuve, des plaidoyers et de la comparution, les délais sont extrêmement importants. Il y a aussi les négociations relatives aux plaidoyers, le plaidoyer de culpabilité et le procès.
Finalement, ce matin, je n'ai fait qu'effleurer cela. Ce dont je vous parle cet après-midi est quasiment tout nouveau. Ce sont pourtant des points extrêmement importantes sur lesquels des améliorations auraient pu être apportées quant aux délais, à la Loi sur les jeunes contrevenants. De cela, nous convenons. Les intervenants du Québec, chez qui il y a consensus par rapport à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, reconnaissent volontiers qu'il y avait peut-être des modifications à apporter à cette Loi, mais des modifications, somme toute, mineures. Entre autres, des modifications relativement aux délais afin d'augmenter ou améliorer la célérité des interventions.
Tout le monde, au Québec, s'entend là-dessus, mais non sur une modification majeure de la loi, comme celle que propose le projet de loi C-3. Ce projet de loi vient modifier de fond en comble l'approche qu'on pouvait prôner au Québec, ou même l'approche qui résultait au Québec en une bonne application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les juges qui sont venus témoigner ici nous l'ont dit, monsieur le président.
Donc, la question des délais est très importante relativement à la comparution, à la communication de la preuve, aux négociations concernant les plaidoyers. Il arrive qu'il y ait des plaidoyers de culpabilité ou de non-culpabilité et les intervenants doivent savoir comment agir dans tout cela. Il faut véritablement se pencher là-dessus avant de mettre aux voix quoi que ce soit à titre de législateur. Il faut voir ce qui se fait dans les provinces.
Pour ceux qui n'étaient pas là ce matin, je reviens à mon point de départ où je reprenais pour mon compte une question formulée par le juge Michel Jasmin le 22 février dernier:
-
Si j'étais législateur, je
suspendrais l'application et l'étude de mon projet de loi
pour l'instant et je demanderais aux provinces comment
elles appliquent la loi actuelle et quelles politiques
jeunesse elles ont chez elles.
• 1555
Ces politiques-là, monsieur le président, on va les
revoir tout le long du processus judiciaire qui inclut
la comparution, la dénonciation, la façon dont les
policiers vont agir avec les éléments de la preuve,
les déclarations qu'ils vont obtenir du jeune, la façon
dont les intervenants sociaux vont intervenir dans le
dossier, les parents et les victimes. Ce sont les
politiques jeunesse de la province qui déterminent comment
on va appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants.
C'est important que vous sachiez cela avant de mettre
aux voix la motion que je présente ce matin et dont on
débattra cet après-midi.
Il y a aussi les négociations relatives au plaidoyer de culpabilité et au procès. Ensuite, il y a toute la procédure relative à la décision sur la mesure. J'ai insisté ce matin sur le rapport prédécisionnel—dont la prononciation me posait des problèmes, ce matin également—et les sources d'information, le contenu du rapport, le dépôt, la distribution et la communication du rapport. Ce n'est pas tout le monde qui peut mettre la main là-dessus, naturellement. Vous comprendrez qu'il y a l'aspect de la confidentialité qui entre en ligne de compte. On y reviendra tantôt. Il y a aussi le rapport psychiatrique, la décision sur la mesure, l'examen de la décision sur la mesure et tout le grand thème du renvoi.
Tel que je le mentionnais, on a modifié certaines choses en 1995, si je ne m'abuse. Je pense que c'était en 1995. C'était en 1992 et en 1995 exactement que le fédéral a introduit la notion de présomption au niveau du renvoi. Or, on n'attend pas d'avoir obtenu les résultats des dernières modifications que l'on tente encore une fois de modifier la loi, mais de fond en comble cette fois-ci. Le projet de loi C-3 sur les jeunes contrevenants qu'on désigne sous le titre de Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, a été déposé à deux reprises. Je pense qu'il portait le numéro C-68 à la législature précédente. Maintenant, c'est le projet de loi C-3.
On discutera également du renvoi tantôt, parce que je pense que lorsque la ministre parle de flexibilité dans le projet de loi C-3, elle fait allusion à certaines choses au niveau du renvoi. Aujourd'hui, monsieur le président, j'ai l'occasion d'expliquer en détail aux membres du comité qui sont en face de moi la raison pour laquelle il n'y a pas de flexibilité, la raison pour laquelle c'est une erreur que de dire que le projet de loi est flexible et la raison pour laquelle le Québec, à la fin, aura de la difficulté à poursuivre l'approche qu'il poursuit.
En tout cas, il y a plusieurs modifications dans le projet de loi C-3. On modifie de façon assez importante les principes et on ne parle presque pas des besoins. Dans la première version, on a des amendements—on y reviendra un peu plus tard—qui font que, finalement, l'application ou l'interprétation que les tribunaux feront de cette nouvelle loi soulève des doutes extrêmement importants.
Dans l'étude que le juge Jasmin et d'autres ont faite dans les années 1990, on a soulevé toute la question reliée au problème du déroulement des procédures. Et cela aussi, monsieur le président, c'est important qu'on s'y attarde et qu'on voie ce qui se fait. Cela, je pense, va convaincre les députés du gouvernement et de l'opposition de voter en faveur de la motion que je présente afin de leur permettre d'avoir un peu de temps pour étudier toute cette question-là.
Les délais sont extrêmement importants. Il faut vraiment que le jeune se sente impliqué dans ce qui se passe après l'infraction, après les mésaventures juridiques qui commencent avec son délit et qui se poursuivent jusqu'au procès. À cet effet, les délais sont extrêmement importants et c'est un problème. À l'heure actuelle, monsieur le président, c'est un problème, et le projet de loi C-3 ne va pas régler ce problème des délais. Je pense qu'il va l'accentuer. Compte tenu des nombreux témoignages que nous avons entendus, les délais vont être encore plus longs avec les amendements du projet de loi C-3.
L'organisation des horaires constitue un problème. Plus c'est long, plus ça demande des horaires complexes et plus ça coûte cher également au niveau de l'administration de la justice, qui ne relève pas du fédéral, mais des provinces.
• 1600
Je pense qu'il n'y a
pas trop de problèmes au niveau du décorum lors des
audiences. Il y a aussi les règles de
pratique, la place de certains acteurs au tribunal, les
parents et les victimes. Encore une fois, on fait
allusion aux parents et aux victimes.
J'ai fait cela très rapidement cet après-midi, mais j'ai un petit résumé de ce dont j'ai parlé ce matin, pour la gouverne de ceux qui n'y étaient pas.
Ensuite, le comité de M. Michel Jasmin, juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse du Québec, a examiné toutes les mesures, dont la mise sous garde. Je pense, encore une fois, que c'est important de réfléchir à cette question et de voir ce qui se fait au Québec par rapport aux autres provinces afin de voir si cela vaut la peine d'apporter des sanctions ou des mesures extrajudiciaires nouvelles, sachant fort bien, monsieur le président, que les provinces qui respectent à l'heure actuelle la Loi sur les jeunes contrevenants ou qui l'appliquent adéquatement obtiennent des résultats. Et je pense qu'il y a un consensus, même canadien, une certaine unanimité même chez les ministres de la Justice du Canada depuis que je suis député, pour reconnaître volontiers qu'au Québec, on applique bien la Loi sur les jeunes contrevenants. On applique la loi, telle quelle. On investit dans les jeunes plutôt que d'investir dans le béton, comme le font certaines autres provinces.
Donc, chez nous, nous avons étudié toute cette question et nous sommes arrivés à certaines conclusions. Depuis ce moment-là, depuis 1995, c'est sûr, monsieur le président, qu'on a amélioré certaines choses. On s'est rendu compte qu'il y avait plusieurs types de gardes: le mode de désignation des milieux de garde fermée ou ouverte; les ordonnances mixtes; la mise sous garde discontinue; la séparation entre la mise sous garde en milieu fermé et l'hébergement en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Vous comprendrez qu'il y a d'autres lois. Lorsqu'on a un système qui couvre tous les aspects de la question, vous comprendrez que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas suspendue dans le paysage juridique québécois sans qu'il n'y ait d'autres lois qui l'appuient et qui l'aident afin que nous obtenions les résultats escomptés, tels qu'on les retrouve à l'alinéa 3(1)a) de la déclaration de principes, où on lit:
-
a) la prévention du crime est essentielle pour protéger la
société à long terme et exige que l'on s'attaque aux
causes sous-jacentes de la criminalité des
adolescents...
Pour atteindre des objectifs aussi nobles et aussi précis, ça prend, dans la province, certaines mesures législatives dont, entre autres, la Loi sur la protection de la jeunesse. Ce n'est pas seulement la Loi sur les jeunes contrevenants qui va régler tous les maux de la terre. Je comprends que ça relève du fédéral, mais si on veut comprendre l'objection majeure et le grand consensus québécois à l'égard du projet de loi C-3, il faut connaître et comprendre tous les outils législatifs que le Québec a mis à la disposition des intervenants. Un de ceux-là, c'est la Loi sur la protection de la jeunesse.
Il y a une multitude de règlements au niveau de la santé et des services sociaux également. Il en va de même au niveau des règles de l'aide sociale, où on a mis certains outils à la disposition des intervenants sociaux pour faire de la prévention, comme on pourra le voir un peu plus loin.
Il y a tout le contrôle, monsieur le président, qui est important aussi. Le contrôle des comportements pendant la mise sous garde. Les comportements violents, les évasions et les mesures disciplinaires, ce sont des choses qu'il faut avoir en tête lorsqu'on va mettre aux voix chacun des articles du projet de loi C-3.
Tout cela, j'en fais mention, encore une fois, pour obtenir l'appui de mes collègues pour que l'on reporte l'étude au mardi 2 mai 2000 à 9 h 30 afin qu'on puisse voir où on en est, et surtout s'assurer que le gouvernement a fait ses devoirs et posé les bonnes questions aux législatures provinciales durant le congé pascal, à savoir quelles sont leurs politiques jeunesse. C'est un point de départ. Au Québec, on l'a fait durant les années 1990.
Le rôle du centre de réadaptation dans l'application des mesures, la réinsertion sociale des adolescents mis sous garde, le transfert dans un établissement de détention pour adultes, ce sont des choses extrêmement importantes. Ce sont des choses qu'il faut vérifier, monsieur le président. Il faut vérifier tout cela avant de se prononcer sur chacun des articles du projet de loi C-3. Je sens que vous regardez si on a le quorum, monsieur le président.
Le président: Monsieur Saada.
M. Michel Bellehumeur: Je ne sais pas où est M. Saada, mais je vais continuer parce que si vous m'interrompez, il va falloir que je recommence quand on aura le quorum.
Alors, cela m'amène à la probation, au contexte entourant la décision, aux conditions de l'ordonnance et à la probation sans suivi.
Monsieur le président, j'ai une petite remarque à faire sur quelque chose qui me dérange un peu. Je pense qu'au Comité de la justice, on s'est entendus pour dire que les téléphones cellulaires, ou bien on les ferme, ou bien on va jaser à l'extérieur. Je ne sais pas si M. DeVillers pourrait aller jaser à l'extérieur. Je l'entends et ça me dérange un peu. Est-ce que vous pouvez...
[Traduction]
Le président: Le Comité de la justice a-t-il déjà pris une telle décision?
Le greffier du comité: Il n'y a pas de décision officielle à ce sujet.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: Ce n'est pas officiel, mais on a toujours agi ainsi. Je suis sûr que M. DeVillers l'avait oublié. C'est que vous me dérangiez un peu. Je ne veux pas vous déranger, moi.
M. Paul DeVillers: Un petit peu?
M. Michel Bellehumeur: Juste un peu, car je voulais entendre ce que vous disiez. On pourrait parler de moi et je n'aimerais pas bien cela. Alors, on va continuer, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bellehumeur, je puis vous rassurer; personne ne s'est rendu compte que vous étiez dérangé.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: D'accord. C'est beau. Alors, on va poursuivre, toujours en espérant qu'on aura un jour le quorum.
Vous m'avez tous mêlé. J'en étais rendu au chapitre sur la probation. Encore là, pour comprendre les modifications que la ministre a présentées, il faudrait voir ce qu'on faisait avant. On semble croire que c'est une approche nouvelle et qu'on vient juste de découvrir toutes les mesures extrajudiciaires, les programmes et tout le volet de la probation pour les jeunes.
Il faudrait peut-être voir également, avant de mettre aux voix chacun des articles, ce qui se fait dans une province comme le Québec. Je pense que c'est l'occasion de le faire, en se penchant sur le rapport que j'ai entre les mains. J'invite les membres du comité à le lire le plus rapidement possible, d'ici le 2 mai 2000, afin qu'on soit tous sur la même longueur d'ondes.
La question de la condition de la résidence, monsieur le président, est très importante également, tout comme les outils de gestion du déroulement de la probation, le rapport prédécisionnel et la probation—on en est à une nouvelle phase—, le transfert au service de probation pour adultes, les horaires de travail et le suivi de la situation.
On s'est aussi penchés, monsieur le président, sur les travaux communautaires. C'est une chose que la loi actuelle nous permet de faire. On peut se pencher sur toute la question des travaux communautaires et, encore là, ce n'est rien de nouveau. Dans le projet de loi C-3, il y a une nouvelle approche qui peut soulever des doutes. Il y a des choses qu'on fait à l'heure actuelle avec la Loi sur les jeunes contrevenants dont il serait important que les membres du gouvernement prennent connaissance.
Je passe aux mesures orientées vers les victimes, à la question pertinente à diverses mesures, au défaut de se conformer à la décision sur les mesures et à la participation des parents. Encore à ce niveau-là, monsieur le président, au niveau des mesures orientées vers les victimes, au Québec, on fait participer les parents. Donc, il n'y a rien de nouveau, là. Au Québec, on le fait à l'heure actuelle, monsieur le président. C'est ce que je veux faire comprendre aux députés du gouvernement et même aux députés des partis d'opposition.
Toutes leurs bonnes intentions, monsieur le président, toutes les bonnes intentions que le gouvernement peut avoir ou que les députés des partis de l'opposition peuvent avoir peuvent se concrétiser avec la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle. Alors, pourquoi prendre le risque de faire en sorte qu'à cause des modifications, il y ait certains objectifs qui ne soient plus atteints?
De toute évidence, il n'y a plus le quorum, monsieur le président. J'aimerais que vous vérifiiez s'il y a quorum.
Le président: Je demande le quorum. Je crois que certains ont suivi votre conseil et sont au téléphone à l'extérieur de la pièce, alors nous allons leur donner le temps de revenir.
Nous avons maintenant le quorum, monsieur Bellehumeur.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: D'accord. On va recommencer, monsieur le président. Je ne veux pas repartir à zéro, parce qu'on en sera encore au point de départ à minuit ce soir.
Il y avait toute la question pertinente à diverses mesures, monsieur le président, dont le défaut de se conformer à la décision sur mesure et la participation des parents. C'est là où j'en étais, monsieur le président. À plusieurs reprises, j'ai entendu dire, surtout par les députés de l'Alliance canadienne et par certains députés du gouvernement, qu'il faut faire participer davantage les parents à certaines décisions. Il faut que les parents voient ce que leurs jeunes ont fait, et inversement, il faut que les jeunes voient que les parents ont une certaine responsabilité. Pour ce faire, on va modifier la Loi sur les jeunes contrevenants, ou plutôt on va l'abroger et on va en faire une nouvelle.
Je vous dis, monsieur le président, qu'une fois qu'on a examiné toute cette question-là, on constate qu'il y a des choses qui se font au Québec au niveau de la participation des parents. Il y a donc des choses qu'on peut faire en appliquant correctement la Loi sur les jeunes contrevenants. Est-ce qu'il faut la modifier de fond en comble? Est-ce qu'il faut, pour faire plaisir aux autres provinces, jeter au panier une loi qui fonctionne au Québec? C'est une loi qui soulève de nombreuses interrogations et des doutes très sérieux dans l'esprit de grands juristes, de juges, d'intervenants sociaux et de personnes qui appliquent quotidiennement cette loi. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Est-ce que nous devons prendre ce risque-là afin de répondre entre autres à certains problèmes pour lesquels on a déjà certaines solutions en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants? Je vous dis que cela n'en vaut pas la peine.
Je vous demande de vous réveiller, surtout vous, les députés d'en face. Je sais que vous êtes des gens de bonne volonté. Je sais que vous êtes des gens attentifs à ce qui se passe et je sais fort bien que vous n'êtes pas d'accord sur certains éléments de ce projet de loi. Je vous demande de vous faire entendre. Faites-vous entendre, premièrement, en votant en faveur de ma motion, qui donnerait à la ministre le temps de réfléchir. Et espérons que le Saint-Esprit descende sur elle comme une colombe pascale, pour l'orienter correctement dans toute cette question-là.
Je fais peut-être des farces, mais chez-nous, on dit bien souvent que c'est en riant que les chiens mordent. Ce n'est pas un bon projet de loi et j'espère très sincèrement que vous surtout, les députés d'en face, comprendrez qu'il y a un danger avec un projet de loi semblable. J'espère que vous allez voter, à la fin de la journée ou demain, ou je ne sais trop quand, en faveur de ma motion, afin qu'on puisse profiter de deux semaines supplémentaires pour faire une analyse approfondie. Je veux avoir suscité chez vous le désir d'en savoir plus et de mettre la main sur le rapport que j'ai entre les mains. C'est un excellent rapport, je vous le mentionne encore une fois.
Mon but est de vous faire comprendre qu'il faut étudier tout cela avant de passer à l'étude article par article. Pour ce faire, il faut que vous disposiez du temps nécessaire. C'est pourquoi ma motion vous demande de reporter l'étude article par article au 2 mai prochain.
Il y a une autre chose dont on doit également tenir compte: il s'agit de la meilleure application. Ça, c'est important. Au chapitre 7 de ce document-là, on voit qu'il n'y a rien de parfait, comme je le disais plus tôt et comme on le sait fort bien. La Loi sur les jeunes contrevenants ne satisfait pas à 100 p. 100 nos attentes. On ne dit pas qu'elle est intouchable; on dit qu'elle serait modifiable, qu'il y aurait de légers amendements qu'on devrait y apporter avec l'accord du Québec et de tous les intervenants qui se sont penchés sur cette question. On en voit quelques-uns que je vais vous nommer et que nous pourrons approfondir un peu plus tard. Ce chapitre est extrêmement important. C'est partir de là que vous verrez peut-être qu'effectivement, la Loi sur les jeunes contrevenants peut être modifiée sans qu'il soit nécessaire de présenter un projet de loi nouveau comme le projet de loi C-3.
• 1615
On va parler de la concertation, ainsi que de la
formation et de la spécialisation des intervenants.
C'est un travail à long terme, et non pas
un travail qui se fait du jour au lendemain. Il
faut que vous sachiez que cela s'est fait quelque part.
Je veux que vous sachiez que c'est parce que le
Québec a investi dans ce domaine depuis
30 ans que nous avons un bon taux de réussite et
le plus bas taux de criminalité
juvénile au Canada. Nous avons investi depuis
longtemps et nous avons développé une expertise et
des outils de travail spécifiques. Nous avons donné
une bonne formation à nos spécialistes et
nos intervenants.
Je traiterai également de la recherche et des systèmes d'information qui nous permettent de compiler nos statistiques. Il est important de voir d'où on vient pour savoir où l'on va.
Je soulèverai également la question de l'information de la population. Un groupe a déposé un mémoire extrêmement important à ce sujet et relevé un aspect très important. C'est peut-être un rôle qu'a esquivé le gouvernement fédéral. Au lieu de modifier la loi, il aurait pu faire une campagne d'information et de sensibilisation auprès de la population afin de remettre les choses à la bonne place. Lorsqu'un mineur tue une personne âgée, c'est extrêmement répugnant. Je trouve moi aussi que cela est effrayant et répugnant. Mais ce n'est pas plus répugnant que si un adulte l'avait fait. Pourtant, on va monter ce cas en épingle, en parler pendant des semaines et des semaines, suivre le procès et disséminer de la fausse information. Des députés d'un parti à la Chambre des communes feront des déclarations en vertu de l'article 31 du Règlement et monter ce cas en épingle. Cela va être épouvantable et effrayant. Oui, c'est vrai que c'est effrayant, mais il faut se rappeler qu'il y a des choses qui se passent également dans le système carcéral pour adultes qui sont effrayantes aussi.
Ce qu'on ne nous dit pas, c'est que c'est une infime partie des jeunes qui font ça. Ce ne sont pas tous les jeunes qui sont des bandits, des voleurs et des tueurs. Ce n'est pas vrai. Moi, j'ai des jeunes et j'ai confiance en leur avenir. Je suis sûr et certain que vous avez confiance dans la grande majorité des jeunes que vous connaissez. Mais les lois ne sont pas pour eux; les lois sont pour ceux qui vont dévier de la ligne sociale acceptable. Mais ça ne fait pas pour autant de tous les jeunes des criminels.
Sincèrement, monsieur le président, lorsque je regarde le système carcéral pour adultes, la loi, le Code criminel et son application pour les adultes, je ne comprends pas qu'on veuille nous donner ce système en exemple et l'appliquer aux jeunes contrevenants puisqu'il est un échec. Tout le monde s'entend pour dire que c'est un échec. Ne faites donc pas l'erreur de vouloir appliquer le système pour adultes aux enfants, aux jeunes contrevenants. Il faut faire une distinction. Il faut vraiment avoir deux systèmes parallèles, deux systèmes qui à certains égards pourront se compléter, par exemple au niveau des questions de renvoi, comme le fait la Loi sur les jeunes contrevenants à l'heure actuelle. Il faut vraiment qu'il y ait deux systèmes parallèles, et non pas un petit code criminel pour les jeunes contrevenants et un gros code criminel pour les adultes contrevenants. Il nous faut des systèmes parallèles semblables à ceux qu'on a à l'heure actuelle avec la Loi sur les jeunes contrevenants d'une part, et le Code criminel et tout le système pour adultes d'autre part. C'est une des trois grandes craintes, comme vous le savez tous, de la Coalition pour la justice des mineurs du Québec. C'est une des trois grandes préoccupations à l'heure actuelle que d'avoir deux systèmes parallèles indépendants ce que, de toute évidence, nous n'aurons pas une fois que le projet de loi C-3 aura été adopté, si c'est malheureusement le cas.
• 1620
Ce n'est pas seulement moi qui le dis,
monsieur le président. J'ai peut-être été un des
premiers à le dire, mais je n'ai pas vraiment de mérite
puisque j'assiste aux séances du Comité de la justice
depuis février 1994 et que j'ai assisté à plusieurs
échanges alors que Mme Cohen était la présidente et que
nous étudiions cette question dans le cadre du
mandat que nous avait confié
la ministre de la Justice.
Je savais fort bien que l'objectif avait déjà été déterminé par la ministre. On n'avait qu'à lire le Livre rouge publié lors de la dernière campagne électorale pour savoir qu'il y aurait éventuellement, au bout du compte, un durcissement au niveau de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Donc, pour moi, il n'y avait rien de surprenant. Lorsque j'ai feuilleté le projet de loi C-68 ou le projet de loi C-3 qui y est identique, ma réaction immédiate a été: il y a un durcissement. Ce n'est pas vrai qu'il y a une flexibilité. C'est sûr que la ministre, comme bonne charmeuse de serpent, en a pris un ou deux au Québec dans son jeu. Mais depuis ce temps-là, ils se sont réveillés. Le plus bel exemple que j'ai est celui de l'ancien bâtonnier du Québec qui a dit que s'il y a vraiment une flexibilité et si la ministre lui donne l'assurance qu'il y a une flexibilité, il n'y verrait aucun problème. Je suis avec attention le cheminement de la carrière de l'ancien bâtonnier du Québec. Je suis sûr et certain qu'il sera un jour nommé juge, en reconnaissance de ses bons services.
Mais depuis, le Barreau du Québec a réorienté de façon majeure sa position, qu'on retrouve d'ailleurs dans son mémoire. Je ferai allusion à certains passages extrêmement importants, dont un qui est directement relié à ce que je viens de mentionner. J'invite les membres du comité à examiner cette question-là lorsqu'ils maintiennent que le problème n'est pas la loi, mais son application.
Vous allez retrouver ça, monsieur le président, à la page 16 du mémoire qu'a présenté en février 2000 le Barreau du Québec. Tantôt, je pourrai détailler un petit peu les commentaires généraux parce qu'ils sont très bien expliqués et qu'ils sauront, à mon avis, mettre dans la tête des membres du comité tout le sérieux dont a fait preuve le Barreau du Québec lors de la rédaction de son mémoire. Ça va sûrement vous inciter à vous pencher sur la motion que je présente ce matin, à me donner raison et à voter favorablement avec moi pour reporter l'étude article par article au mardi 2 mai.
On dit à la page 16, comme je le disais plus tôt, après avoir fait une petit analyse:
-
Le Barreau du Québec ne croit pas que ce soit la Loi
sur les jeunes contrevenants qui pose problème mais
plutôt son application.
Comme vous pouvez le voir, il n'y a pas grand-chose qui change. On est en février 2000 et je me souviens d'avoir répété cela à plusieurs reprises dans les années 1995-1996, lors des séances du présent Comité de la justice. C'est une des grandes conclusions du rapport que je vous cite depuis ce matin: ne touchez pas à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce n'est pas la loi qui représente un problème mais son application.
On arrivait à cette conclusion-là même au Québec alors qu'on appliquait la Loi sur les jeunes contrevenants. Lorsqu'on disait que le problème était au niveau de son application, on faisait allusion au manque d'argent. Il y a une facture de 77 millions de dollars qui traîne depuis belle lurette. On continue quand même d'appliquer au Québec la loi correctement et on n'attend pas que le chèque arrive pour le faire. On le fait encore et je crois qu'on peut dire qu'on le fait correctement parce qu'on a encore un taux de réussite appréciable.
Vous savez, monsieur le président, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas zéro comme pourcentage de criminalité chez les jeunes, ce sera insatisfaisant pour nous. Idéalement, dans une société idéale, il n'y aurait aucun criminel et surtout pas des jeunes contrevenants. Mais est-ce que c'est pensable, monsieur le président? Non. On doit cependant continuer à travailler afin qu'il y en ait le moins possible. La bonne application qu'on fait de la Loi sur les jeunes contrevenants nous donne de bons résultats.
Si le gouvernement a quelque chose à faire, ce n'est pas de modifier la loi, mais plutôt de voir comment on l'applique au Québec. Il faut tenter de convaincre les autres provinces de faire cette application. Dites-leur que vous ne leur donnerez plus de chèques pour bâtir leurs prisons et qu'ils ne pourront plus investir au niveau de l'incarcération. Vous verrez qu'ils seront beaucoup plus enclins à écouter ce que le Québec fait et à examiner ce qu'on peut faire pour améliorer le taux de réussite au niveau des jeunes contrevenants. Ce n'est pas sorcier.
• 1625
Ce n'est pas en modifiant une loi qui, de toute
évidence, devait être mal écrite puisque la
ministre... Moi, depuis 1993, c'est la première fois que
je vois qu'on propose pour
un projet de loi de cette envergure-là
plus de 100 amendements qui viennent s'ajouter à
toute la complexité qui existe déjà.
J'en ai vu plusieurs projets de loi
ici, et parfois des projets de loi pas le
fun,
ni bien drôles qui impliquaient beaucoup de choses.
Mais lorsque la ministre présentait quelque
chose, elle avait auparavant fait ses devoirs et
elle savait où elle
s'en allait. On ne peut pas dire qu'elle ignorait
quelle était la position des intervenants québécois
ou la position des intervenants tout court du Canada,
compte tenu qu'on avait déjà fait une étude qui
avait coûté des milliers de dollars et qu'on avait
présenté un rapport. La ministre et
tout le ministère connaissaient les grandes orientations
qu'on voulait et celles qu'on rejetait. Ils savaient ce
que le Québec voulait.
Le ministère sait fort bien que le Québec ne veut pas
de modifications. Qu'on ne vienne pas nous dire que ces
amendements ont pour but de répondre
aux interrogations que les témoins du Québec ont soulevées
lorsqu'ils sont venus témoigner ici. Qu'ils ne viennent
pas nous dire ça parce que vous le saviez avant de
déposer ces amendements-là.
Donc, ma motion d'aujourd'hui, monsieur le président, ne s'adresse pas à la ministre de la Justice, ni aux gens de son ministère. Je comprends que vous ayez un seul maître et que c'est votre ministre. Vous faites ce que la ministre vous dit et je ne vous en veux pas personnellement. Je suis sûr que vous êtes toutes de bonnes personnes. Ma motion ne s'adresse pas à la ministre parce qu'elle sait ce qu'elle veut. Elle se protège et pense probablement à elle, mais non pas aux intérêts suprêmes du Canada comme je peux m'intéresser aux intérêts suprêmes du Québec.
Je m'adresse particulièrement aux députés qui suivent toute cette question-là depuis longtemps. Je vois des députés en face qui connaissent depuis longtemps la position du Québec et qui savent très bien comment le Québec est pointilleux sur son application. Je vois des députés en avant de moi qui connaissent très bien tout le caractère distinct de l'application au Québec de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est à vous que je m'adresse.
Accordons-nous deux semaines supplémentaires et on verra le 2 mai ce qu'on va faire. Mais de grâce, donnez-vous un peu de temps pour étudier adéquatement la question québécoise par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants, pour savoir comment vous allez voter lors de l'étude article par article. Ce projet de loi est extrêmement important et la ministre l'a dit à plusieurs reprises lorsqu'elle est venue témoigner. Pour ce faire, il faut au moins savoir ce qui se fait dans la province qui applique adéquatement la Loi sur les jeunes contrevenants.
J'ai dévié un petit peu de l'orientation que je voulais donner à mon intervention cet après-midi. Je parlais de l'information de la population et je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que c'est extrêmement important.
Il y a également toute la question des ressources dont je vous ai glissé un mot plus tôt. Lors d'une rencontre du ministre de la justice fédéral Allan Rock et de son homologue québécois Serge Ménard en 1996, si je me souviens bien, M. Ménard avait présenté une facture, ainsi que démontré le sous-financement et le manque de ressources du Québec par rapport à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il avait fait une excellente plaidoirie et le ministre Allan Rock, ministre de la Justice du Canada, n'a pas eu d'autre choix que de lui dire qu'il avait raison, bien qu'il ait souligné que ce n'était pas le but de leur rencontre à l'époque. Il lui avait cependant dit qu'ils en reparleraient, qu'ils négocieraient et qu'ils pourraient sûrement en arriver à une entente.
• 1630
Les ministres de la Justice se suivent, mais ne se
ressemblent pas, monsieur le président, de telle sorte
que la facture de 77 millions de dollars qu'on
réclamait en 1996, et qui est sûrement plus élevée
aujourd'hui parce que le Québec
a continué d'appliquer la Loi sur les jeunes
contrevenants, comme elle nous oblige à le faire,
n'est toujours pas réglée. Puisqu'on n'investit pas
dans le béton, on est pénalisés par les
programmes fédéraux. Bien que cette facture de 77 millions
de dollars n'ait toujours pas été réglée par le
fédéral, nous continuons d'appliquer la législation
fédérale. Si vous ne voulez pas payer ou si vous êtes
de mauvais payeurs, permettez-nous au moins
d'appliquer la loi qu'on veut. On veut continuer à
appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants et
poursuivre l'approche que nous avons adoptée depuis au moins
les 15 dernières années, mais vers laquelle nous
travaillons de façon acharnée depuis au moins 30
ans. Comme je l'indiquais ce matin, nous avons
travaillé en équipe sur toute cette question afin
d'avoir une chaîne solide, où
chacun des maillons connaît l'orientation et les
pouvoirs que lui confère la loi. Chacun travaille
ensemble en vue d'atteindre
un seul et même objectif: la réinsertion,
la réintégration et la réadaptation du jeune, ce qui, au bout
de la ligne, va protéger la société à long terme,
conformément à
la déclaration de principes qui
figure à l'article 3 de la Loi sur
les jeunes contrevenants et qui nous oblige à le faire.
Il est extrêmement important que la population soit bien informée. À mon avis, le fédéral aurait pu investir afin que la population soit bien informée, afin qu'on puisse démontrer que la loi est bien appliquée et afin qu'on arrive à les convaincre. Comment pourra-t-on convaincre les autres provinces récalcitrantes des avantages liés à l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants? C'est par votre chéquier, par l'argent que vous leur envoyez, que vous pourrez le faire. Ça, c'est au niveau des ressources.
Je traiterai maintenant des services à l'intention des jeunes issus de minorités culturelles. Il existe un problème à ce niveau et le rapport fait état des problèmes que vivent certaines communautés autochtones. Ces communautés sont venues exprimer leur opposition à certaines dispositions du projet de loi C-3 et à son approche. Elles nous ont fait part de leurs craintes.
Il y a toute la question de la double désignation DP et DPJ, le directeur provincial et la Direction de la protection de la jeunesse, un problème se pose beaucoup plus au niveau provincial. Il faut faire une étude à ce niveau. C'est toute une chaîne et tout se tient.
Dans ce rapport, on a également examiné l'aide juridique, le transport et la garde des jeunes au tribunal, ainsi que les ententes interprovinciales. Je crois que nous devons examiner tous ces éléments.
Lorsqu'on a demandé au juge Jasmin quelles sont les politiques jeunesse chez lui, il a reconnu qu'elles débordent de la juridiction du fédéral, mais que ce ne sera qu'une fois qu'on aura eu le portrait général qu'on pourra identifier les lacunes.
Dans cette étude, que j'ai devant moi, on se penche sur la Commission de la protection des droits de la jeunesse, une autre commission qui est venue appuyer autant la Loi sur les jeunes contrevenants que la Loi sur la protection de la jeunesse. La commission a été constituée en vertu d'une loi et elle a pour but d'aider le jeune, protéger ses droits et l'informer de ses obligations. On a examiné le mandat, la nomination des membres et toutes les questions connexes.
Monsieur le président, j'ai fait un survol de ce qu'on peut retrouver dans ce document. Il y a d'autres parties de ce document qui traitent de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants qui sont extrêmement importantes et que j'aimerais vous soumettre cet après-midi. Vous allez comprendre, monsieur le président, qu'avant de passer à l'étude article par article et aux votes, il faut au moins que les membres du comité sachent ce qui se passe au Québec au niveau de l'application telle quelle de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Si on veut procéder à l'étude article par article et adopter des modifications en toute connaissance de cause, alors que tous les intervenants québécois sont venus dire qu'ils ne voulaient pas de cette nouvelle loi ni de ces modifications, il faut que les députés du gouvernement et des partis d'opposition qui s'apprêtent à voter en faveur de tel ou tel article du projet de loi sachent ce qui se passe dans d'autres provinces, y compris la province où on applique bien la loi.
À la page 5 du rapport du juge Jasmin, dans l'introduction, on couvre toute la question de l'application de loi. Je vous en cite un court extrait très important qui, je pense, délimite très bien la portée de toute cette étude. On y lit: «La démarche que nous avons faite depuis deux ans et demi...»
• 1635
On constate donc que les membres du groupe de travail
ont fait une étude extrêmement importante.
Je suis conscient que ces
deux semaines supplémentaires ne permettront pas aux
provinces
de faire une étude semblable, mais j'ose
espérer qu'on va revenir, le mardi 2 mai, avec de bonnes
intentions et que le président lui-même, comme je le
disais ce matin, va demander le report de l'étude article
par article au mois de septembre pour permettre...
Si vous me faites perdre le fil de mes idées, je vais recommencer, monsieur DeVillers.
Donc, au niveau de l'application de la loi, monsieur le président, on lisait dans le rapport:
-
La démarche que nous avons faite depuis deux et
demi nous a convaincus que la Loi sur les jeunes
contrevenants est une bonne loi.
Ce rapport n'a pas été signé par n'importe qui. Il a été signé par le juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse du Québec. Il est important de répéter que ce document à été rédigé en 1995 et qu'aujourd'hui, en l'an 2000, cette affirmation est encore valable. Donc cela renforce davantage l'énoncé qui suit:
-
Nous avons d'ailleurs été frappés par le consensus qui
existe dans les divers milieux d'intervention québécois
à ce sujet.
C'était vrai en 1995 et cela l'est encore cette année, monsieur le président.
-
Il faut souligner que le Québec a développé une
tradition dans le domaine des interventions visant les
jeunes contrevenants.
On parle d'une tradition, donc ça fait longtemps, monsieur le président, qu'on investit dans ce domaine-là. On ne bâtit pas une tradition en six mois.
-
Les efforts de pionniers qui, dans les années 1950
prônait une humanisation et une professionnalisation
des services ont porté des fruits qui, à l'époque,
eussent paru impensables. On a voulu dépasser les
simples perspectives de la répression et centrer les
interventions sur l'éducation et la réadaptation des
jeunes.
Est-ce que le projet de loi C-3 va dans cette direction? Non. Est-ce que la Loi sur les jeunes contrevenants va dans cette direction? Oui. Pourquoi la changer?
-
On a voulu dépasser les simples perspectives de la
répression et centrer les interventions sur l'éducation
et la réadaptation des jeunes. Beaucoup a été fait
pour en arriver là. Il a fallu développer et
expérimenter de nouvelles approches, en tirer des
leçons, réajuster le tir et, plus d'une fois,
recommencer. Cela n'a pu se faire sans investir de
façon massive dans un personnel bien formé, qui demeure
le garant ultime de la qualité des interventions.
Il ne faut pas examiner le projet de loi C-3 uniquement comme un texte qui se lit comme un roman. Il faut voir, derrière le texte, qui va l'appliquer. Qui sont les hommes et les femmes qui l'appliqueront? Est-ce qu'ils ont l'expertise pour le faire? Est-ce qu'ils ont l'orientation voulue? Est-ce qu'ils savent l'orientation qu'on veut leur donner pour arriver à un objectif bien précis? Il faut encadrer toutes les interventions. Il ne faut pas avoir une loi qui se porte à interprétation. Il ne faut pas avoir une loi complexe, que chaque intervenant pourra interpréter comme il le veut ou comme il le pense.
Uniquement au niveau de la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants—et tous les députés réunis autour de cette table seront d'accord avec moi—, il aura fallu environ 10 ans à la Cour suprême du Canada pour en arriver à une définition claire. Heureusement, dans les mémoires que j'ai devant moi, il en est question. Je vais vous glisser un mot tantôt, si j'en ai le temps, au sujet de ces mémoires qui soulèvent toute cette question de la jurisprudence. Il a fallu 10 ans. Ce n'est pas une mince affaire. Ça a pris 10 ans avant que les juges de la Cour suprême donnent une bonne orientation à tous les principes, et là, on veut modifier tout ça pour un plat de lentilles, je pense. Je vais utiliser ce terme-là, puisqu'il est très poli, bien que je serais tenté de dire autre chose.
Donc, au niveau de l'application de la loi, on se rend compte que les intervenants ont un rôle extrêmement utile. Au niveau des réflexions importantes, j'ai cité plus tôt toute la question de la délinquance. Malheureusement, monsieur le président, la délinquance existe.
• 1640
On fait ce constat, je
pense, régulièrement. Est-ce qu'il y a des choses
qu'on peut faire pour y remédier? Le
groupe de travail
présidé par le juge Jasmin, s'est penché sur la
délinquance. On peut voir à l'article 9 les mots
imprimés en caractère gras afin de souligner leur
extrême importance:
-
La délinquance des adolescents est un phénomène
préoccupant qui doit être pris au sérieux. Elle doit
cependant être vue de manière réaliste, sans la
dramatisation qu'on y met trop souvent. Pour être
adéquates, les politiques et les pratiques doivent
reposer sur une perception juste du problème auquel
elles s'adressent.
-
Pour la majorité des adolescents, la
commission d'une infraction est une occasion de tester
et d'intérioriser les normes sociales; la réaction de
leur entourage et de la société contribue à leur
faire intégrer les normes qu'ils ont transgressées et à
leur apprendre le respect de la loi. On ne saurait
qualifier ce phénomène d'anormal.
-
Le problème est
autre en ce qui concerne la minorité d'adolescents qui,
à des degrés divers, s'engage de façon plus importante
dans des activités délinquantes. Ce sont eux qui, le
plus souvent, sont touchés par les interventions
policières, sociales et judiciaires.
C'est sûr, monsieur le président, que j'aurais préféré ne pas vous lire cela et ne pas lire chacune des nombreuses recommandations et conclusions qui sont importantes. J'aurais aimé que les membres du comité aient cela en tête et qu'ils aient déjà pris connaissance de ces choses. Mais sincèrement, je me trouve dans l'obligation de faire cette étude avec vous. Au moins, j'aurai la satisfaction personnelle de dire aux gens du Québec que j'ai tout fait pour vous faire entendre raison. J'ai même cité de façon importante un document qui a fait ses preuves et qui est un document de référence pour plusieurs pays. Ce document, qui leur permet de connaître l'approche du Québec par rapport aux jeunes contrevenants, a été traduit dans plusieurs langues.
J'aurais aimé ne pas devoir lire tout cela, mais je pense que c'est important. C'est important de tenter de convaincre mes collègues d'en face que la motion que je présente ce matin n'est pas une motion futile que je dépose pour mon plaisir. Je veux vraiment que les gens d'en face aient deux semaines de plus pour réfléchir à cette question extrêmement importante et c'est pour cette raison que je demande que l'étude article par article soit reportée au 2 mai 2000 à 9 h 30. Ce délai va vous permettre de prendre connaissance de ce que j'ai mentionné sur la délinquance, entre autres.
Mais ce rapport a également soulevé d'autres questions importantes. Je ne vous les lirai pas toutes, mais je vais vous en lire une qui est importante: la délinquance des jeunes augmente-t-elle? La réponse qui a été donnée à cette question en 1995 est à peu près la même que celle qu'on pourrait donner en l'an 2000. Est-ce qu'au Québec—parce qu'il est question du Québec—la délinquance chez les jeunes s'accroît? Je pense qu'on doit répondre à cette question-là avant de voir s'il faut modifier ou abroger la Loi sur les jeunes contrevenants. On dit à la page 10:
-
On entend couramment dire que la délinquance juvénile
est en augmentation constante. Nous ne disposons
toutefois pas de données précises permettant de
vérifier cette affirmation.
-
Les seules données qui
permettent d'effectuer une comparaison dans le temps
sont les statistiques des corps policiers. On ne peut
tenir pour acquis que ces données fournissent un
portrait réel de la délinquance. Beaucoup de victimes
choisissent de ne pas porter plainte à la police, ce
qui fait autant d'infractions qui n'entrent pas dans
les statistiques officielles.
Ceux qui disent qu'au Québec, on vit dans les limbes et qu'on ne sait pas vraiment ce qui se passe ont tort. On se rend compte que les statistiques ne tiennent pas compte des gens qui ne portent pas plainte. On sait également que l'approche de nos policiers par rapport à un contrevenant est différente de celle des policiers des autres provinces. De plus, le fait qu'ils sont moins portés à faire des causes pénales fait en sorte que les statistiques sont également influencées par l'approche qu'on a préconisée au Québec. On le sait et on en tient compte également. Il n'en demeure pas moins, monsieur le président, que les statistiques nous démontrent le contraire des affirmations que nous entendons régulièrement. Et le texte continue comme suit:
-
Les façons de faire des victimes sont, à cet
égard, susceptibles de varier dans le temps. Par
ailleurs, lorsqu'on veut identifier spécifiquement les
infractions dont les mineurs sont responsables...
on doit se limiter aux seules infractions pour lesquelles les
policiers ont identifié un auteur, c'est-à-dire, en ce
qui concerne les violations du Code criminel, trois
infractions sur dix parmi celles qui sont rapportées
aux corps policiers.
-
Les statistiques policières
fournissent donc un portrait; ce n'est cependant pas
celui de «la délinquance», mais plutôt celui de cette
minorité d'actes délinquants dont les citoyens se
sont plaints à la police et pour laquelle les policiers ont
identifié des auteurs mineurs.
On est loin des grands brigands et des grands criminels pour lesquels le projet de loi C-3 semble utile. Je continue ma citation, à la page 11:
-
Ces chiffres peuvent être influencés par nombre de
facteurs: la délinquance elle-même, bien entendu, mais
aussi le volume des effectifs policiers, les priorités
et l'efficacité des corps policiers en matière
d'enquête, la confiance des victimes dans la
possibilité qu'une enquête donne des résultats,
et ainsi de suite.
Toute l'approche qu'on préconise au niveau du calcul de la délinquance est très importante. Il faut connaître la réalité pour voir si le projet de loi C-3 est un bon projet de loi ou non. Lorsqu'on regarde les statistiques de 1979 à 1993—c'est dommage que je n'aie pas un grand tableau, je vous l'aurais montré—, on se rend compte, pour la gouverne des gens qui sont avec moi et qui m'écoutent religieusement, qu'au niveau des infractions aux lois fédérales pour lesquelles les corps policiers ont identifié des auteurs, il y a de moins en moins d'adolescents aux prises avec un problème de justice. La courbe suit sensiblement la même tendance chez les adultes, bien qu'on doive souligner le fait que le nombre d'infractions pour lesquelles on a identifié un auteur mineur est très inférieur. En 1991, il y a eu une légère augmentation à la fois chez les adolescents et chez les adultes. En 1992, il y a eu une légère augmentation chez les adolescents, bien qu'une augmentation plus importante chez les adultes.
On voit que ce n'est pas la délinquance des jeunes qui augmente de façon radicale, comme on peut tenter de le faire croire. On doit également noter qu'au cours de cette même période, des crimes graves ont été commis. Même le ministère de la Justice me donne raison. Lorsqu'on regarde le document qu'il a publié au moment d'annoncer les grandes modifications aux fiches documentaires de la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, on se rend compte que même la ministre nous donne raison relativement aux pourcentages de récidive et de jeunes aux prises avec un problème de justice. Il y a une diminution, monsieur le président, que confirment les statistiques que le ministère a compilées sur le profil des jeunes qui comparaissent devant les tribunaux pour adolescents.
Dans le document de la ministre—et j'ai l'impression que les gens d'en face ne l'ont pas devant eux—, on dit que sur environ 110 000 cas entendus par les tribunaux en 1996-1997, 24 p. 100 des jeunes avaient 17 ans; 24 p. 100 avaient 16 ans; 22 p. 100 avaient 15 ans; 15 p. 100 avaient 14 ans; 8 p. 100 avaient 13 ans; et 3 p. 100 avaient 12 ans.
Lorsqu'on compare le taux de criminalité avec celui des autres années, on voit qu'il n'est pas en chute libre, mais qu'il diminue toutefois. Chose plus surprenante encore, monsieur le président, dans le cas des crimes avec violence—la raison pour laquelle on fait un projet de loi comme le projet de loi C-3—, on constate également une diminution. Et cela, monsieur le président, ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est la ministre de la Justice qui l'a dit dans les documents qu'elle nous a remis pour justifier les modifications. Je pense qu'elle ne s'est pas rendu compte que ses statistiques ne justifient pas la nécessité d'apporter des des amendements, mais qu'elles font plutôt le contraire. Elles confirment la position du Bloc québécois, à savoir qu'on ne doit pas toucher la Loi sur les jeunes contrevenants.
• 1650
Si on regarde ce qui se passe coast to coast,
d'un océan à l'autre—et c'est encore plus vrai au
Québec—dans tous les tribunaux de toutes les
provinces, on constate que le taux de criminalité est à
la baisse. Et on fait un projet de loi à cause de crimes
graves dont le taux s'abaisse aussi.
C'est sûr que lorsqu'un crime grave est commis par des adolescents, il fera la une de plusieurs journaux pendant trois semaines. On va suivre cet adolescent, du moment de son arrestation avec un sac sur la tête pour qu'on ne le reconnaisse pas, jusqu'à son entrée, tout penaud, au Palais de justice pour sa première comparution. On le verra ensuite chez les policiers à différentes étapes. Ce ne sont pas des crimes nouveaux qui sont commis chaque fois qu'on le voit. C'est toujours le même crime.
Si ces statistiques étaient établies par moi, vous pourriez avoir un doute, mais ce sont les propres statistiques du ministère de la Justice qui démontrent hors de tout doute que le taux de criminalité est en baisse chez les jeunes, chez les adolescents. Celui des crimes violents est à la baisse. Comment ces taux justifieraient-ils tous ces amendements?
Il faut que je retranche ce mot de mon vocabulaire; ce ne sont pas des amendements, c'est une nouvelle loi. Et qu'est-ce qui justifie une nouvelle loi quand on constate, selon les statistiques, que le taux est à la baisse? C'est insensé.
On dit aussi qu'on modifie la Loi sur les jeunes contrevenants parce qu'elle manque de clarté. Oh boy! Je ne sais pas qui a fait le projet de loi C-3, mais en fait de clarté, on repassera. Je ne qualifierais pas de «très claire» la façon dont il est rédigé. Qu'il faille une dizaine de spécialistes pour comprendre un article de loi, c'est assez surprenant. On n'a qu'à voir le nombre de fonctionnaires qui viennent ici pour son adoption article par article pour se rendre compte que c'est un projet de loi très complexe. Autrement, un député de l'opposition et un représentant du ministère suffiraient. Au lieu de cela, divers spécialistes dans différents domaines vont venir nous affirmer que c'est une bonne loi et qu'elle doit être adoptée.
Quant à la clarté, qui est un élément important, on repassera, parce que le projet de loi qu'on a devant nous est loin d'être clair. J'aimerais que les membres du gouvernement relisent même les fiches documentaires que la ministre a déposées au moment de faire connaître sa nouvelle approche que reflète le projet de loi C-3. J'aimerais qu'on relise les informations qu'elles contenaient ainsi que tous les mémoires que nous avons reçus au cours des audiences.
Si ma motion est acceptée, vous aurez deux semaines pour revoir tout cela. Je suis persuadé que, le 2 mai, on va tenter de trouver encore un peu de temps pour faire une étude approfondie de toute la question parce qu'elle est fort importante.
Il y a aussi un volet, dans les pistes de réflexion utiles, pour comprendre véritablement la Loi sur les jeunes contrevenants, et surtout voir si elle mérite d'être mise aux rebuts et qu'on en fasse une autre portant un autre titre et rédigée fort différemment de la première approche. C'est la protection de la société. On le sait, dans la déclaration de principes, à l'alinéa 3(1)a) de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, on dit:
-
a) la prévention du crime est essentielle pour protéger la
société à long terme et exige que l'on s'attaque aux
causes sous-jacentes de la criminalité des adolescents
et que l'on élabore un cadre d'action
multidisciplinaire permettant à la fois de déterminer
quels sont les adolescents et les enfants susceptibles
de commettre des actes délictueux et d'agir en
conséquence;
On se rend compte, monsieur le président, que la loi qui est appliquée à l'heure actuelle et qui s'appelle la Loi sur les jeunes contrevenants parle de la protection de la société dans son alinéa 3(1)a). Ce n'est pas une mince affaire. C'est important. Modifier la loi comme on veut le faire ou plutôt faire une nouvelle loi pour que les jeunes adolescents se qualifient pour être jugés dans le cadre d'un système de justice pénale, est-ce assurer la protection de la société? Je pense que non.
• 1655
Je vais vous lire un extrait, imprimé en caractères
gras, de
la page 15 du rapport du groupe de travail présidé par
le juge Jasmin. Je ne lirai pas tout le texte, mais on
y dit:
-
La protection de la société constitue une préoccupation
centrale pour les mesures prises en vertu de la Loi sur
les jeunes contrevenants. C'est par des mesures
centrées d'abord sur l'éducation et la réadaptation que
la justice des mineurs tente de l'atteindre.
Ça, c'est bon.
-
C'est par des mesures centrées d'abord sur l'éducation
et la réadaptation que la justice des mineurs tente de
l'atteindre.
D'atteindre quoi? La protection de la société. N'est-ce pas l'objectif qui devrait nous guider tous, tant les bloquistes que les conservateurs, tant les membres de l'Alliance canadienne que ceux du NPD, ou les libéraux? Moi, je pense que oui. Mais la protection de la société est atteinte en appliquant adéquatement la Loi sur les jeunes contrevenants.
Lorsqu'on dit qu'au Québec, on a le taux le plus bas de la criminalité juvénile, c'est dire qu'on a atteint notre objectif de protéger la société. Sinon, monsieur le président, le taux de criminalité juvénile serait plus élevé.
On dit aussi que:
-
Ces mesures doivent
favoriser un processus d'intégration qui va dans deux
directions: les adolescents doivent intégrer les
normes de la société qui, à son tour, doit intégrer ces
jeunes pour en faire des citoyens responsables.
Dans l'exemple que j'ai donné tout à l'heure, monsieur le président, de la personne que je connais qui a commis un double meurtre et est devenue aujourd'hui un citoyen comme monsieur Tout-le-Monde, on voit bien que l'objectif de la protection de la société a été atteint. Cet individu est maintenant un contribuable, il a un enfant, tout le monde le connaît comme un bon jeune homme, respectueux des lois. Il ne porte pas au front une marque disant qu'autrefois, un jour, il a fait une bêtise.
Je pense que la société est beaucoup mieux protégée lorsqu'on rééduque, lorsqu'on réintègre et lorsqu'on réadapte à la société un jeune qui a fait une bêtise. La société est beaucoup mieux protégée que si on l'avait incarcéré pendant 10 ans, sans lui assurer les moyens dont il avait besoin pour se réhabiliter ou l'aide psychologique, l'aide sociale,... On ne connaît pas le passé de l'individu, on ne sait pas dans quelle famille il a grandi, etc. Il faut tout adapter à la condition de l'individu qui est concerné.
Ce qui est grave dans le projet de loi qui est à l'étude, c'est qu'il tente de fournir une solution miracle applicable à tout le monde. C'est pourquoi il n'est aucunement question des besoins des jeunes parce qu'on veut d'abord trouver cette solution miracle applicable à tout le monde. Or, cela n'existe pas.
Il ne s'agit pas d'une distributrice qui contiendrait des données, et dont on n'aurait qu'à tirer la poignée pour que le résultat sorte d'un guichet et qu'on l'attribue à un jeune. Rien n'est simple, monsieur le président, et c'est ce que je veux que les députés d'en face comprennent au cours des deux prochaines semaines. Oui, toute l'affaire des jeunes contrevenants est complexe. C'est un domaine extrêmement complexe parce que toutes sortes d'éléments peuvent entrer en ligne de compte, toutes sortes de choses, et des intervenants dans toutes sortes de spécialités peuvent agir.
Mais ce n'est pas parce que le sujet est complexe qu'il faut faire une loi complexe pour régler le problème. J'espère que durant ces deux semaines, on arrivera à comprendre toute cette question. En ce qui a trait à la protection de la société, je pense qu'on l'a véritablement atteint, monsieur le président.
Dans ce que j'ai appelé quelques réflexions utiles pour comprendre la Loi sur jeunes contrevenants, et même dans l'approche du projet de loi C-3 que nous avons devant nous, il est question de l'infraction. On a étudié la question.
J'y vais assez rondement parce que le document que je vous invite très sincèrement à lire, au cours des deux prochaines semaines, est un document très complexe. On pourra s'en reparler le mardi 2 mai avant d'adopter quoi que ce soit. Nous pourrons voir alors si vous désirez un délai supplémentaire pour étudier la question. Vous comprendrez que je serai très ouvert à cette approche.
• 1700
À propos de l'infraction, on dit à la page 17:
@ti La nature de l'infraction doit permettre de fixer les balises à l'intérieur desquelles les mesures éducatives et de réadaptation devraient être choisies et exécutées.
À chacun des sujets sur lesquels le juge et son groupe se sont penchés, on retrouve toujours la même idée maîtresse, celle de mesures éducatives et de réadaptation. On maintient toujours au centre des préoccupations qu'il faut se pencher sur les besoins du jeune. C'est toute la nouvelle orientation. Je comprends que certains députés qui ne se sont jamais penchés sur la question pensent que je suis un extraterrestre pour tenir un discours semblable cet après-midi et probablement qu'ils se disent dans leur for intérieur que Bellehumeur leur fait perdre leur temps.
Pourtant, lorsque je défends le Québec, lorsque je défends tous les intervenants qui ont comparu devant le comité pour faire comprendre à la ministre qu'elle fait fausse route, lorsque je fais mon travail de député québécois, qui a nettement l'impression que le fédéral ignore l'approche québécoise, je ne fais pas perdre le temps des membres du comité. Je peux vous dire que, très sincèrement, je sens que je fais le travail que les Québécois et les Québécoises s'attendent que je fasse.
J'invite en tout temps les députés qui ont l'air de dire que je suis en train de perdre mon temps à organiser un débat au Québec sur la Loi sur les jeunes contrevenants et le projet de loi C-3, devant n'importe quelle instance québécoise. Je vous laisse le choix. Je suis persuadé que vous verrez que ce que je défends actuellement, c'est l'approche québécoise. J'ose espérer qu'après cette journée-ci, vous comprendrez que vous faites fausse route et que vous voterez en faveur de la motion que je présente. Nous aurons alors deux semaines de réflexion après lesquelles vous irez voir la ministre de la Justice pour lui dire que ça n'a pas de bon sens, que Bellehumeur est dans le vrai, qu'on ne peut adopter le projet de loi C-3 qui va à l'encontre de ce qui se fait au Québec. Il faut faire marche arrière.
Ce matin, monsieur le président, quand j'ai commencé à parler, je n'avais rien de planifié et je ne voulais pas me lancer dans une grande explication comme celle que je fais, car j'avais nettement l'impression que c'était peine perdue.
M. Paul DeVillers: Monsieur le président, je fais appel au Règlement.
[Traduction]
Le président: M. DeVillers veut faire un rappel au Règlement.
[Français]
M. Paul DeVillers: Je veux simplement dire que je suis très impressionné par le discours de M. Bellehumeur, à un point tel que je suis prêt à appuyer sa motion et à lui accorder les deux semaines qu'il demande, à la condition qu'il s'engage à ce que le 2 mai, on puisse procéder à l'étude article par article du projet de loi. Il nous demande de lui donner un délai de deux semaines. Je m'engage à lire le rapport qu'il cite. Je suis prêt à appuyer sa motion.
M. Michel Bellehumeur: Je pense que M. Saada a fait tout à l'heure une remarque semblable, qui est fort légitime et que je comprends. Cependant, vous admettrez qu'en deux semaines, toutes sortes de choses peuvent se produire.
Je pense qu'il pourrait s'établir des contacts entre la coalition, les gens du Québec, la magistrature ou d'autres, et je ne peux garantir ce qui va arriver le mardi 2 mai, monsieur le président. Il pourrait se produire autre chose. Peut-être que vous, députés libéraux, demanderez un délai pour étudier toute la question. Je pense que nous allons nous entendre, parce que c'est un sujet très important.
Ne serait-ce que les amendements. Combien de temps a-t-il fallu pour les préparer à la suite du témoignage de la ministre de la Justice, sans compter le temps de tout le monde, des centaines d'avocats qui travaillent au ministère. Ils ont préparé les amendements qui nous ont été proposés. Pensez-vous sincèrement que tous ceux qui sont venus témoigner ont regardé, scruté et analysé tous les amendements et les conséquences de ces amendements sur le projet de loi C-3?
D'ici deux semaines, je suis sûr d'avoir des contacts avec les gens qui sont venus témoigner. Je suis persuadé qu'il y a des gens du Parti libéral qui vont en avoir aussi. Est-ce que je peux m'engager aujourd'hui quant à ce que je ferai le 2 mai, sans connaître à l'avance quels seront les commentaires ou les remarques de ces gens? Moi, je ne peux pas le faire et, très sincèrement, vous ne pouvez pas le faire non plus.
• 1705
Ce qu'on peut faire, si vous voulez ajourner
la séance aujourd'hui,
c'est de se retrouver le mardi 2 mai 2000.
On va verra à ce
moment-là s'il y a quelqu'un, quelque part, qui nous
aura éclairés. On verra s'il y a une approche
différente ou
si on a quelque chose à faire, si nos devoirs sont
complétés.
Je voulais vous citer plusieurs extraits des mémoires qui sont très importants et qui confirment l'approche que je préconise depuis fort longtemps. Eh bien, soit! Si vous me dites aujourd'hui de m'arrêter, que vous allez voter en faveur de ma motion et qu'on se reverra le 2 mai, c'est parfait. On se reverra le 2 mai. Mais je ne peux pas vous donner l'assurance que le 2 mai, tout sera bien et qu'on pourra commencer l'étude article par article. D'ici là, je suis certain d'avoir reçu des commentaires de la part des gens qui sont venus témoigner ici. Je suis persuadé qu'il y a des gens qui suivent avec attention ce qui se passe ici. C'est trop important.
Monsieur DeVillers, voulez-vous voter en faveur de ma motion, après les remarques que j'ai faites?
M. Paul DeVillers: Seulement si vous vous engagez à nous permettre de faire l'étude article par article le 2 mai.
M. Michel Bellehumeur: Ce mardi?
M. Paul DeVillers: Le 2 mai.
M. Michel Bellehumeur: Non. Je ne peux pas m'engager pour le 2 mai.
Il faut continuer. Je suis prêt. Il n'y a aucun problème. Donc, monsieur le président, je continue. On est rendu au niveau de l'infraction. Je disais que toutes les étapes sont très importantes, etc.
On peut lire, à la page 17:
-
La nature de l'infraction doit permettre de
fixer les balises à l'intérieur desquelles les mesures
éducatives et de réadaptation doivent être choisies et
exécutées.
Encore une fois, on parle d'éducation et de réadaptation. C'est notre leitmotiv et notre objectif ultime que de réintégrer les jeunes dans la société.
On dit:
-
C'est par la suite de l'allégation de la
commission d'une infraction que le processus judiciaire
se met en branle. L'infraction est le point de départ
et doit demeurer le motif premier des interventions.
-
Certaines des dispositions de la Loi sur les
jeunes contrevenants font explicitement mention de la
gravité des infractions comme critère imposant des
limites aux décisions du tribunal.
De façon plus générale, la Cour suprême du
Canada a exprimé ainsi sa position sur le sujet...
Depuis qu'on étudie toute la question de la Loi sur les jeunes contrevenants, monsieur le président, on n'a pas beaucoup tenu compte des décisions et de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Pourtant, elle a fait un travail que je qualifierais de formidable dans l'interprétation, dans l'approche et dans la compréhension des objectifs et des moyens pour atteindre les objectifs de la Loi sur les jeunes contrevenants.
On se penche très peu souvent là-dessus, mais c'est important. Je suis persuadé que si mes collègues d'en face, les députés libéraux, avaient devant eux plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada sur, entre autres, la déclaration de principes, les objectifs de la loi et la façon dont on l'applique au Québec ou dans d'autres provinces, ils verraient d'un meilleur oeil toute l'approche québécoise.
Sur la question de l'infraction, je cite la Cour suprême du Canada dans R. c. M., en 1993, volume 2 des rapports de la Cour suprême, à la page 421, et plus précisément, le paragraphe que je vais citer est aux pages 431 et 432:
-
Il est vrai que, pour les adultes comme pour les
mineurs, la peine doit être proportionnelle à
l'infraction commise. Mais, dans la détermination de la
peine de contrevenants adultes, le principe de
proportionnalité est plus important qu'il ne l'est dans
le cas des jeunes contrevenants. Pour les adolescents,
une décision appropriée doit tenir compte non seulement
de la gravité de l'infraction mais aussi des autres
facteurs pertinents.
Je pense que vous voyez où je veux en venir. Lorsqu'on parle dans le projet de loi C-3 de la proportionnalité comme d'un grand principe, on n'a pas besoin d'un texte semblable, puisque en vertu même de la Loi sur les jeunes contrevenants, en vertu même d'une décision de la Cour suprême du Canada, c'est quelque chose qu'on peut prendre en considération. Je devrais plutôt dire que c'est quelque chose qu'on doit prendre en considération, en vertu même d'une décision de la Cour suprême du Canada.
• 1710
Est-ce qu'il faut une nouvelle loi pour cela, monsieur
le président? Non, une nouvelle loi n'est pas
nécessaire. C'est pourquoi je poursuis en disant:
-
Il ne saurait être question de ramener le choix d'une
décision à l'application automatique d'un «tarif» en
fonction duquel telle infraction commanderait telle
punition.
C'est ce que le projet de loi veut faire et c'est, à mon avis, ce qu'il serait blâmable de faire parce que j'ai en tête cette décision de la Cour suprême du Canada.
-
Une telle position serait d'ailleurs contraire à celle
qu'a exprimée la Cour suprême. On doit toutefois
baliser le degré d'intervention en fonction de la
gravité de l'infraction.
Oui, il est important de prendre en considération la gravité de l'infraction, mais ce n'est pas le premier critère qui doive déterminer la peine. Ce sont des choses qu'on peut prendre en considération avec l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants. C'est ce que je veux faire comprendre aux députés libéraux d'en face.
-
On doit toutefois baliser le degré d'intervention en
fonction de la gravité de l'infraction.
On évite ainsi de faire disparaître le lien entre
l'infraction et la mesure.
Celle-ci peut apparaître juste et équitable, et ce d'une
façon qui peut être comprise par le jeune qui en fait
l'objet.
Si on veut que le jeune comprenne ce qui se passe, il faut qu'il comprenne a priori la loi et la raison pour laquelle il se trouve devant les tribunaux. Il faut surtout qu'il fasse le lien entre l'infraction qu'il a commise et la peine qu'on lui inflige. Je ne suis pas sûr, moi, que le projet de loi C-3 va permettre de le faire rapidement et clairement, monsieur le président.
On dit un peu plus loin une chose qui m'apparaît bonne, quand je pense aux libéraux qui auront à voter les articles un à un, en pensant à la proportionnalité de la peine. Il en est question dans ce document-là:
-
Pour beaucoup de personnes, la proportionnalité est
nécessairement associée à la punition: on punit
proportionnellement à la gravité de l'infraction. C'est
sans doute par cette voie qu'elle a été introduite en
droit criminel. Cette voie apparaît cependant étriquée
lorsqu'elle applique la loi aux jeunes. La seule
punition n'est pas un objectif qui répond aux attentes
que l'on place dans la justice des mineurs. On veut
que cette dernière soit éducative...
J'espère que vous comprenez très bien. Même en ce qui a trait au rapport de l'infraction avec la sentence, on veut que cette dernière soit éducative, qu'elle contribue à l'adaptation des jeunes à la vie en société pour ainsi mieux protéger la société. Tout se tient, tout se tient dans l'approche québécoise. C'est ce que je voudrais qu'on comprenne, au cours des deux prochaines semaines, si on vote en faveur de la motion qui propose et qu'on se retrouve le 2 mai avec ces informations supplémentaires en tête avant de voter article par article. On verra le 2 mai si tout a été compris, on verra alors si on doit encore faire de l'éducation, monsieur le président.
-
Nous adhérons pleinement à cette attente. En affirmant
que le degré d'intervention—nous ne disons pas le
degré de punition—...
Vous voyez que le langage employé, monsieur le président, est fort différent dans l'approche québécoise que celui du projet de loi que nous avons devant nous. Hé, on parlait d'infliger; c'était grave. On parle maintenant d'imposition et d'imposer. Mais ça ne change pas grand-chose à l'approche et au paragraphe dans lequel on parlait d'infliger une peine.
-
En affirmant que le degré d'intervention—nous ne
disons pas le degré de punition—doit être balisé en
fonction de la gravité de l'infraction, nous entendons
que, dans le contexte des balises ainsi fixées, la
justice doive le plus possible rechercher la protection
de la société par des mesures éducatives favorisant
l'adaptation des jeunes.
C'est extrêmement important, c'est le point de départ. C'est pourquoi on a intitulé ce chapitre-là «De quelques réflexions utiles sur la Loi sur les jeunes contrevenants», avant même d'en étudier les fondements, avant même d'aller plus loin, avant même de voir s'il y a des modifications quelconques à apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants. Il fallait vérifier, monsieur le président, ce qu'il en était et si on répondait adéquatement à la grande déclaration de principes et aux objectifs de la Loi sur les jeunes contrevenants.
• 1715
Compte tenu que c'est tellement important, je
continue, monsieur le président. Il y a un autre
paragraphe. Je pense que la ministre aurait tout
avantage à lire ce chapitre. On dit:
-
Tenir compte de la gravité de l'infraction, c'est
assurer la confiance des citoyens, qu'il s'agisse des
victimes ou des autres citoyens, dans la justice. C'est
prévenir la possibilité d'abus, qui feraient par exemple
que, constatant l'existence de besoins importants chez
un jeune coupable d'une infraction mineure, on lui
imposerait une mesure excessive.
Vous voyez, monsieur le président, on parle encore une fois des besoins. C'est ce qui nous guide toujours: les besoins du jeune. À la fin, on en arrivera à la protection de la société.
-
C'est enfin mieux
assurer la légitimité des mesures imposées,
c'est-à-dire leur caractère juste, équitable et
raisonnable, notamment pour les adolescents qu'elles
concernent et leurs proches.
Il faut également tenir compte des intérêts du jeune et de ses proches.
-
Les recherches des dernières décennies ont
mis en lumière le fait que, lorsqu'on impose une mesure
à un adolescent, on ne dispose d'aucune certitude que
cette mesure parviendra à protéger la société en
prévenant efficacement la récidive.
Un des objectifs de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est de prévenir la récidive. Il faut tenter de réintégrer le jeune, de le réadapter et de faire en sorte qu'il devienne un citoyen comme M. Tout-le-Monde. Et pourquoi est-ce notre objectif d'en faire un citoyen anonyme? Parce qu'on ne veut pas qu'il récidive. Pour ce faire, étant donné que tout se tient, lorsqu'on lui donne une punition ou une sentence, il faut avoir en tête, même à ce niveau, les besoins de l'individu afin de s'assurer, au bout du compte, qu'il n'y aura pas nécessairement de récidive.
-
En recourant à la gravité de l'infraction pour
justifier le degré d'intervention, on assure à la
légitimité de cette intervention une assise plus solide
que ne le ferait la poursuite d'un objectif que l'on est
insuffisamment certain d'atteindre.
-
La gravité de
l'infraction permet donc d'établir un «corridor» dans
le cadre duquel l'intervention doit se situer. À
l'intérieur des balises ainsi fixées, le choix de la
nature et de la durée de l'intervention doit être
individualisé de façon à répondre aux
besoins de l'adolescent et de la
victime et à protéger la société.
Je suis certain, monsieur le président, que vous êtes conscient qu'il y a, entre le projet de loi C-3 que nous avons devant nous et la Loi sur les jeunes contrevenants, un fossé immense. L'objectif de l'un n'est pas nécessairement l'objectif souhaitable de l'autre. Et pourtant, encore une fois, on a de très bons résultats au Québec. Ne touchez pas à la Loi sur les jeunes contrevenants; le problème n'est pas là, monsieur le président.
Quant aux dispositions du projet de loi C-3 qui portent sur la détermination de la peine, la ministre nous a dit, lors de son témoignage, que ce sont des choses que l'on fait déjà en appliquant la Loi sur les jeunes contrevenants. On le dit fort bien dans le document. Après avoir fait une étude exhaustive de toute cette question, on affirmait que la gravité de l'infraction permet d'établir un «corridor».
On tient compte de la gravité, à l'heure actuelle. On en tient compte. On tient compte de la gravité de l'infraction pour établir une espèce de corridor pour imposer une peine au jeune contrevenant.
-
... dans le «corridor» dans le cadre duquel
l'intervention doit se situer. À l'intérieur des
balises ainsi fixées, le choix de la nature et de la
durée de l'intervention doit être individualisé...
Ce n'est pas un gabarit qu'on applique à tout le monde. C'est cela que le projet de loi veut faire avec toutes ses modifications, toutes ses sanctions extrajudiciaires et son approche très répressive.
Il faut que les députés d'en face le sachent avant qu'on mette aux voix les articles du projet de loi. Il faut qu'il y ait une étude minimale sur ces questions lorsqu'on votera, article par article, monsieur le président. Ma motion va directement dans ce sens-là. On ne peut pas voter article par article immédiatement, sans avoir tenu compte de ces éléments-là. C'est extrêmement important.
• 1720
Je vais continuer sur ce chapitre. Je l'ai presque
terminé. Je ne veux pas vous donner de fausse joie.
[Traduction]
Le président: Monsieur Bellehumeur, je suis persuadé que vous êtes tout aussi intéressé que nous à exercer votre droit de vote. Vous avez toujours le droit de parole, mais je propose que nous ajournions maintenant pour aller voter, et que nous reprenions demain à 15 h 30.
[Français]
M. Michel Bellehumeur: À 15 h 30.
[Traduction]
Le président: La séance est levée.