SRID Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 novembre 1999
La présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton- Ouest—Mississauga, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Sous- comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Aujourd'hui, nos témoins vont nous parler des violations des droits de la personne en Birmanie. Nous accueillons aujourd'hui des représentants des Amis canadiens de la Birmanie, Murray Thomson, président du comité exécutif, Penny Sanger, membre du comité exécutif et Christine Harmston, agent de liaison gouvernementale. C'est bon de vous revoir Christine. Vous nous avez manqué.
Dans un premier temps, nous allons entendre les témoins des Amis canadiens de la Birmanie et, dans un deuxième temps, des représentants du ministère des Affaires étrangères.
Nous avons un exposé, je suppose.
Mme Penny Sanger (membre, comité exécutif, Amis canadiens de la Birmanie): Je vais commencer, madame la présidente, par faire le point sur ce qui se passe à l'heure actuelle en Birmanie, événements dont certains d'entre vous ont entendu parler et d'autres non.
Depuis deux ou trois semaines nous entendons parler des milliers des déportations forcées en Birmanie, à partir de la Thaïlande, de réfugiés birmans ou de travailleurs migrants. Il y aurait—on sait à quel point il est difficile d'obtenir des chiffres dans cette partie du monde—entre 8 000 et 10 000 personnes qui sont forcées de quitter les camps de réfugiés ou Bangkok pour retourner en Birmanie ou qui cherchent à se réfugier dans les forêts le long de la frontière de la Thaïlande ou en Birmanie.
Permettez-moi de vous dire quelques mots de la situation dans laquelle se trouvent ces personnes qui, pour la plupart, sont des Karen et des Chans. La plupart d'entre eux ne retrouvent plus leur village qui a été brûlé et dévasté; leurs récoltes ont été détruites et leurs arbres fruitiers abattus. Il y a eu de déplacements massifs de population, surtout dans les régions avec prédominance de groupes ethniques, non seulement mais plus particulièrement dans ces régions—en Birmanie. Ils se retrouvent sans village où retourner et refusent d'aller dans les villages fortifiés où le régime a rassemblé les gens en troupeau. Ils se retrouvent à errer dans la forêt où ils trouveront peut-être beaucoup d'autres personnes comme elles qui essaient simplement de ne pas se retrouver sur le chemin des militaires birmans et qui essaient de survivre avec les produits de la forêt.
• 1540
S'ils retournent dans les villes, ils seront marqués en raison
de leur ethnie et risquent d'être extorqués et violés. Nous savons
qu'il s'agit là de pratiques courantes auxquelles a recours à
l'heure actuelle le régime au pouvoir en Birmanie.
Les travaux forcés y sont endémiques. L'ILO, l'Organisation internationale du travail, a examiné sérieusement la question. Elle porte sur les millions de personnes qui se voient imposer des travaux forcés en Birmanie. On estime à un million et demi le nombre de personnes qui sont forcés de quitter leurs maisons et leur gagne-pain.
Ces déportations sont un signe tragique de quelque chose d'assez inhabituel en Birmanie; je veux parler d'une montée très abrupte et marquée de la violence. Tout a commencé par la prise d'otages à l'ambassade de Birmanie à Bangkok. La Thaïlande a réagi de façon très modérée. Quant aux Birmans ils ont fait preuve de beaucoup d'hostilité. Des troupes ont été dépêchées à la frontière et celle-ci a été fermée à bien des endroits. Les Thaïlandais ont réagi. On en a été quitte pour une montée de la violence entre les activistes birmans et les migrants tout le long de cette frontière. Les troupes ont été multipliées le long de la frontière et celle-ci a été fermée.
Ainsi nombre de ces déportations dont j'ai parlé plus tôt n'ont pas franchi la frontière actuelle. Quantité de gens sont coincés sur des îles dans la rivière Moei entre la frontière thaïlandaise et la Birmanie.
Comme certains d'entre vous le savent probablement, l'effectif de l'armée birmane s'est considérablement accru. Alors qu'il y a une dizaine d'années il était de 180 000 membres, il atteint maintenant près de 400 000 membres—trois cent quatre-vingts mille et des poussières.
Les dépenses consacrées à la défense ont doublé au cours des dix dernières années, c'est-à-dire presque 40 p. 100 de l'ensemble du budget. Les dépenses relatives à la santé sont tombées de 6 p. 100 qu'elles étaient en 1989 à 3 p. 100 ou moins. L'éducation a aussi fait l'objet de compressions, les crédits ont été réduits de 14 p. 100 à moins de 10 p. 100. Côté humain, cela signifie que la plupart des enfants d'âge scolaire fréquentent l'école primaire très peu d'années, si c'est le cas. Cela signifie que le taux de mortalité infantile a atteint 105 décès pour 1 000 naissances et que parmi les enfants de moins de cinq ans, 150 sur 1 000 meurent avant d'atteindre l'âge de cinq ans.
Nous parlons là d'un pays dont le taux d'alphabétisation a déjà été le plus élevé des pays d'Asie et qui a été l'un des plus riches. Aujourd'hui la Birmanie dépend de l'investissement étranger et des liens tissés avec la Chine et de l'aide que ce pays lui fournit.
J'aimerais maintenant dire quelque chose de toute urgence au sujet de la nécessité pour le ministère des Affaires étrangères de réexaminer sa position en ce qui a trait aux sanctions imposées à la Birmanie en matière d'investissement. Je vous rappelle qu'il y a deux ans le ministre des Affaires étrangères Axworthy a imposé des sanctions contre la Birmanie, sanctions qui ont eu très peu d'effets, comme il l'a expliqué, du fait qu'il ne pouvait rien faire au sujet de l'imposition de sanctions à l'investissement canadien en Birmanie. À l'heure actuelle, pas mal de compagnies minières sont installées en Birmanie pour y exploiter surtout des gisements d'or et de cuivre. La société minière sous contrôle étranger la plus importante en territoire birman appartient à une entreprise canadienne de Vancouver, Ivanhoe Mines.
• 1545
Les Affaires étrangères nous ont dit que le ministère ne peut
rien faire à ce sujet parce qu'ils n'ont pas reçu d'instructions
des Nations Unies et que ce qu'ils voient en Birmanie ne constitue
pas, à leur avis, une menace à la sécurité régionale. Nous
pourrions argumenter dans le sens contraire. Nous dirions que pour
un régime de cette sorte, qui chancelle encore en raison de la
crise financière en Asie...
Nous venons tout juste d'apprendre aujourd'hui que 95 p. 100 de l'investissement étranger a été supprimé. Il a chuté de 95 p. 100 en Birmanie. La violence s'accentue. De nombreuses grandes sociétés ont quitté le pays. Les Américains ont imposé des sanctions en matière d'investissement et, dans beaucoup de villes et municipalités américaines, les ententes d'achat sélectives sont à la hausse, ce qui signifie que ces villes et ces municipalités refusent d'acheter quoi que ce soit d'une société qui mènent des affaires avec la Birmanie.
Nous estimons qu'il est temps que le Canada impose des sanctions en matière d'investissement à l'égard de la Birmanie. Ce ne sera probablement pas aussi efficace plus tard.
Un gazoduc important, le gazoduc Yadana, sera inauguré dans environ un an et rapportera jusqu'à 400 millions de dollars américains annuellement à la Birmanie. Comme vous le savez, la Birmanie est membre de l'ANASE et sa position y serait davantage régularisée.
Nous aimerions donc que le ministère réexamine cette situation. Nous croyons que le dossier notoire de la Birmanie en ce qui a trait au trafic des drogues montre à tout le moins que ce pays est une source d'insécurité régionale qui nuit au développement économique et social de toute la région étant donné que les drogues—les drogues injectables—traînent dans leur sillage des épidémies du VIH/SIDA.
Nous aimerions que le ministère réexamine la question. Nous pouvons vous entretenir un peu plus tard de toute cette question des drogues. Nous avons des documents sur le sujet.
Je vais demander à mes collègues de bien vouloir ajouter quelque chose.
M. Murray Thomson (président, comité exécutif, Amis canadiens de la Birmanie): Merci, Penny.
Nous avons cru important de venir au comité de la Chambre pour faire le point sur les efforts de restauration des processus démocratiques en Birmanie. Je vais rappeler certains faits. Nombre d'entre vous savent que des élections nationales ont eu lieu en 1990 et qu'une majorité massive de membres du parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie, ont été élus. Dans le cadre de ces élections, 385 membres de son parti, environ 65 membres des partis des groupes ethniques et une trentaine de membres du régime militaire connus alors sous le nom de SLORC ont été élus. Qu'est-il arrivé à ces députés? D'après les chiffres que nous avons vus, au départ quelque 48 députés du NLD ont été forcés de démissionner et 66 autres ont été démis de leurs fonctions à l'instar de 48 autres députés d'autres partis. Trois des résultats ont été annulés et 20 des députés se sont exilés.
Quels efforts ont déployé les forces démocratiques pour favoriser la représentation des droits légitimes du peuple de la Birmanie? Ils ont créé, en septembre de l'an dernier, un comité visant à représenter le Parlement du peuple, ce qui a pratiquement coïncidé avec les nombreuses arrestations de membres du Parlement par le SLORC, maintenant appelé Conseil d'État pour la paix et le développement. Ce comité, établit par un groupe de travail, se compose de sept députés élus de la Ligue nationale pour la démocratie et de trois autres membres de ce parti qui n'ont pas été élus. Cela englobe Aung San Suu Kyi et Tin Oo, le l'exécutif national, ainsi qu'un représentant des groupes ethniques minoritaires. Ce groupe de 10 députés du Parlement détient les procurations de plus de 250 députés élus, de sorte qu'ils estiment être beaucoup mieux placés que le régime actuel pour façonner l'orientation du pays.
Vous vous souviendrez que le régime actuel a pris le pouvoir à la suite d'un coup d'état militaire, suivi deux ans plus tard d'un autre coup d'état et ensuite, du rejet complet de son écrasante défaite aux élections nationales.
• 1550
Le Comité représentant le Parlement du peuple a préconisé un
certain nombre de mesures, y compris la restauration de l'habeas
corpus, la révocation de la Loi des mesures d'urgence de 1950—dont
on se sert pour réprimer la dissidence—et l'une des plus anciennes
lois de village, qui remonte à très longtemps et qui permet la
conscription de main-d'oeuvre engagée à long terme, dont Penny a
parlé, et enfin, la contestation des violations constantes des
lois.
À peu près au même moment, les militaires ont mis sur pied un comité politique de 15 personnes, dont deux issues du régime, anciennement l'État, maintenant appelé le Conseil d'État pour la paix et le développement, de concert avec les services de renseignement militaires. Il est évident que c'est ce groupe qui élabore la stratégie de répression actuelle, dont nous avons entendu d'autres échos.
J'ajouterai que dernièrement, le congrès de la Ligue nationale pour la démocratie s'est réuni et a encore une fois réclamé que le régime reconnaisse les droits légitimes des citoyens élus. En décembre, plus de 200 députés du Parlement et 700 membres locaux de divers comités exécutifs avaient été arrêtés. En outre, il y a eu de multiples manifestations monstres dans le but d'accréditer le régime. Ces manifestations d'envergure ont généralement été couronnées de succès puisque la participation est obligatoire; les gens sont menacés d'amendes—ou pis, s'ils ne s'y présentent pas.
Permettez-moi de dire quelques mots au sujet du rapport de l'envoyé spécial onusien a remis aux Nations Unies le mois dernier, si je ne m'abuse. Je crois que c'était en octobre. Selon lui, tous les partis politiques d'opposition sont rigoureusement surveillés et leurs activités limitées. Les membres d'un parti politique ne peuvent même pas quitter leur domicile sans autorisation. S'ils le font, ils peuvent être arrêtés et soumis à un interrogatoire. Les comités de travail de la Ligne nationale pour la démocratie ont été démantelés et leurs bureaux fermés. Les familles de dissidents politiques ont également été ciblées. Il y a d'autres exemples qui s'inscrivent dans cette politique générale de répression.
Vous pouvez donc comparer le fonctionnement de notre Parlement et le travail de nos députés à celui de leurs homologues dûment élus en Birmanie depuis les 10 dernières années.
La présidente: Merci.
Christine.
Mme Christine Harmston (liaison avec le gouvernement, Amis canadiens de la Birmanie): Merci.
Pour résumer brièvement, la situation est extrêmement sombre et se dégrade chaque jour davantage. Le peuple de Birmanie souffre énormément. Le mouvement démocratique réclame les mesures que nous vous communiquons aujourd'hui. Des sanctions relatives aux investissements et une déclaration d'appui officielle des parlementaires canadiens au comité représentant le Parlement du peuple, ce qui serait un geste important en faveur de l'instauration de la démocratie en Birmanie. Non seulement réclamons-nous cela au nom du mouvement démocratique, mais nous déployons des efforts considérables pour amener l'Agence canadienne du développement international à appuyer l'établissement d'un gouvernement futur dans une Birmanie démocratique.
L'ACDI appuie certains projets le long de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie depuis un certain nombre d'années déjà et finance une clinique médicale frontalière qui offre des services d'urgence aux personnes déplacées à l'interne.
Il y a également un aspect édification de la paix, dont Mme Brown parlera sans doute tout à l'heure. Il y a eu certains efforts déployés en ce sens auprès des groupes ethniques.
Pour l'heure, les Amis canadiens de la Birmanie ont à coeur une initiative que nous préconisons depuis un certain temps déjà. Il s'agit d'ouvrir, à l'ACDI, une enveloppe de financement pluriannuelle, qui permettrait d'appuyer divers projets durables le long de toute les frontières birmanes dans les domaines de la santé, de l'éducation, des communications, des droits de la personne, de l'égalité des sexes et de l'environnement.
• 1555
Il va de soi que la Birmanie n'est pas autorisée à recevoir
d'aide publique eu développement (APD). D'ailleurs, le régime n'en
a pas reçue depuis 1988. C'est une mesure que nous continuons
d'appuyer et nous ne réclamons pas qu'on revienne sur cette
décision. Cela dit, nous croyons fermement que les forces
démocratiques ne devraient pas être pénalisées parce que le régime
n'est pas autorisé à recevoir de l'ADP en ce sens que l'ACDI
invoque le fait qu'elle n'a pas de représentant pour la Birmanie et
que, par conséquent, elle ne peut avoir accès à différentes avenues
pour fournir des fonds à ce pays.
Nous pensons que l'ACDI pourrait créer une enveloppe dans le but de financer le mouvement démocratique le long des frontières de la Birmanie, en Inde,et surtout en Thaïlande, et ainsi appuyer les groupes avec lesquels nous pouvons collaborer librement et ouvertement de façon transparente et responsable. Nous sommes à rédiger un document de conception afin de lancer de multiples projets de création de capacités. En fait, bon nombre de nos collègues sont en Thaïlande à l'heure qu'il est pour passer en revue cette initiative avec des groupes partenaires.
Aujourd'hui, nous souhaitons tout d'abord remercier le sous- comité de son soutien antérieur à des initiatives de ce genre et nous souhaitons qu'il continue de le faire car ce sont des gestes que nous pouvons poser. À l'heure actuelle, nous ne pouvons oeuvrer en Birmanie puisque la situation nous l'interdit, mais nous pouvons être présents le long des frontières et travailler de façon très efficace pour renforcer le mouvement démocratique et jeter les bases d'un futur gouvernement légitime.
La présidente: Christine, après votre dernière comparution devant le comité, nous avons présenté au comité principal une résolution recommandant que l'ACDI appuie les Amis canadiens de la Birmanie. J'ai reçu un coup de téléphone et, officieusement, mon interlocuteur m'a dit que l'appui du comité a peut-être eu pour conséquence d'entraver votre accès à des fonds. Savez-vous si cette affirmation est exacte?
Mme Christine Harmston: Non, pas à ma connaissance. Votre appui a été fort apprécié. Il nous a permis de montrer aux fonctionnaires que nous avions le soutien des parlementaires. C'est quelque chose que nous apprécions énormément.
La présidente: Très bien. Je voulais simplement clarifier cela car une ou deux personnes m'ont dit que nous avions peut-être nui plutôt qu'aidé.
Mme Christine Harmston: Je ne sais pas qui vous a dit cela, mais ce n'est pas exact dans notre cas.
La présidente: Très bien. C'est bon à savoir. Merci.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Bonjour.
Madame Sanger, vous avez dit dans votre témoignage que les sanctions du Canada avaient eu, jusqu'à maintenant, des effets très minimes. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus dans un premier temps et que vous nous disiez aussi comment la communauté internationale se comporte et si les sanctions qu'elle impose, si elles existent, vous satisfont.
En troisième lieu, j'aimerais que vous nous disiez ce qu'on peut faire, de façon réaliste et pragmatique, tant que ce régime est là. Est-ce qu'on ne doit pas composer avec lui jusqu'à un certain point? Bien sûr, cela touche la souveraineté de l'État birman, mais jusqu'à quel point la communauté internationale peut-elle intervenir tant que ce régime infernal existe?
[Traduction]
Mme Penny Sanger: Comme je l'ai dit, les États-Unis sont le seul pays qui a imposé des sanctions sur les investissements. Nous pensons qu'il y a lieu de s'inquiéter pour la sécurité d'autres pays, et non seulement de la Birmanie. Il ne s'agit pas simplement de s'ingérer dans les affaires de la Birmanie bien que je pense que cela serait justifié ne serait-ce qu'en raison de la forte poussée du nombre de cas de VIH et de sida découlant de l'usage de drogues injectables.
Les traces de l'héroïne exportée illégalement ont été indubitablement retrouvées en Chine et en Inde ainsi qu'en Afghanistan et en Europe centrale. L'héroïne birmane, très puissante, se retrouve aussi loin au sud que Madras, en Inde. À notre avis, nous sommes en présence d'une crise sinon internationale du moins certainement régionale, non seulement sur le plan de la vente de stupéfiants mais aussi de la santé du peuple de ces pays. Il va de soi que cela vaut également pour la Thaïlande.
• 1600
Nous sommes d'avis que le problème du trafic de drogues
représente une raison suffisante pour imposer nos propres sanctions
sur les investissements en Birmanie. Nous ne pensons pas que le
fait d'imposer nos propres sanctions sur les investissements fera
crouler leur régime, mais nous espérons que d'autres puissances
moyennes emboîteront le pas.
D'après les conversations que j'ai eues avec d'autres militants qui font la promotion de cette option dans leur propre pays, chacun semble se demander qui va bouger en premier. La Birmanie ne fait pas uniquement le trafic de l'héroïne, mais aussi des amphétamines. La vente d'amphétamines a grimpé en flèche depuis 18 mois. En fait, j'espérais pouvoir vous apporter une cassette vidéo, mais nous ne l'avons pas reçue à temps. Le lieutenant général Khin Nyunt, dirigeant du régime Birma, a été filmé à son insu lorsqu'il se rendait dans un nouvel immeuble, juste de l'autre côté de la frontière thaïlandaise;il est fort probable ce soit une fabrique d'amphétamines exportées en Thaïlande illégalement.
Personne n'est en mesure de lier incontestablement un dirigeant du régime à l'industrie des stupéfiants, mais il est bien connu que certains généraux et officiers subalternes qui sont stationnés dans des bataillons le long de la frontière dirigent leur propre raffinerie d'héroïne et sont lourdement impliqués dans l'exportation d'héroïne, et possiblement d'amphétamines également.
Sachant cela, nous estimons qu'il est inutile de traiter avec le régime, comme l'a proposé le ministre Axworthy. Nous ne sommes pas certains que cela demeure la politique du gouvernement. La seule façon de réagir à cette crise est de contribuer à promouvoir la démocratie. Il est impossible de faire la lutte à la toxicomanie en l'absence de liberté d'information, dans un contexte où l'on a très peur de se déclarer toxicomane.
Voilà en fait notre réaction pour ce qui est de cette affaire de sanctions relatives aux investissements.
Je comprends ce que vous dites au sujet de la souveraineté, et je sais qu'il n'y a pas tellement d'autres pays qui ont appliqué de telles sanctions contre la Birmanie. Mais nous estimons que c'est plutôt un manque de volonté politique de la part du gouvernement, que cela n'est pas attribuable à des raisons d'ordre juridique.
Nous avons retenu les services d'un avocat qui a examiné la question pendant plus d'un an maintenant. Nous devrions vous communiquer son étude. Sa conclusion: cela tient à un manque de volonté politique.
Mme Christine Harmston: Dans la même veine, j'ajouterai brièvement que sur le plan de la souveraineté, les dirigeants légitimement élus de la Birmanie, qui n'ont pas été autorisés à prendre le pouvoir, ont demandé à la communauté internationale d'imposer des sanctions à la Birmanie en raison de la situation actuelle.
C'est donc une question de perspective. Les dirigeants légitimes réclament une intervention internationale à ce sujet. C'est le régime militaire, l'entité illégale actuellement au pouvoir, qui ne souhaite pas cela. Mais les dirigeants élus démocratiquement le souhaitent et l'ont répété à maintes reprises.
Mme Penny Sanger: Permettez-moi d'ajouter qu'il y a eu des sanctions sur les investissements commerciaux, qui n'ont guère donné de résultats. Depuis l'application de telles sanctions, les échanges entre le Canada et la Birmanie ont pris de l'expansion. À l'heure actuelle, ils sont encore plus nombreux. Les vêtements en coton sont le principal produit, mais il est en train dÂêtre dépassé par les crevettes et les mollusques, qui sont maintenant nos principales importations. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais la valeur de ces échanges est beaucoup plus élevée qu'elle ne l'était il y a deux ans.
La présidente: Merci.
Nous allons faire une courte pause. Excusez mes mauvaises manières. Pour la gouverne du comité, je vous signale que nous accueillons aujourd'hui son Altesse royale Norodom Sirivudh, prince du Cambodge. Il est accompagné par M. Kao Kim Hourn, directeur exécutif de l'Institut pour la coopération et la paix du Cambodge et de Pierre Lizée, professeur de sciences politiques à l'université Brock. Ils sont ici pour voir comment se déroulent nos audiences. Je vous souhaite la bienvenue. Nous savons que vous avez également des problèmes.
Monsieur Robinson.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, madame la présidente. Je veux moi aussi souhaiter la bienvenue à nos témoins des Amis canadiens de la Birmanie et les remercier pour leurs efforts inlassables au nom du peuple de Birmanie, de concert avec d'autres, dont Amnesty International et the Vancouver Burma Roundtable, groupes que je connais bien dans ma propre région.
Pour faire suite à mes prédécesseurs—je sais que le temps nous est compté car nous accueillons également des fonctionnaires du ministère—je souhaite poser des questions dans deux domaines.
Premièrement, comme vient de le faire remarquer Mme Sanger, les échanges commerciaux entre nos deux pays ont presque doublé depuis deux ans, pour atteindre les 23 millions de dollars. Je crois que c'est le chiffre exact. Par conséquent, depuis que le ministre a imposé certaines mesures, les échanges se sont multipliés, au lieu de diminuer, alors que la répression, elle, s'est intensifiée.
À mon avis, madame la présidente, le moment ne saurait être plus mal choisi pour le Canada d'entamer des rapports avec le gouvernement birman, comme le ministre semble l'avoir proposé. D'après lui, il faudrait agir ainsi pour régler le problème du trafic des stupéfiants, mais je pense qu'on vient de nous présenter un argument très convaincant qui montre que ce serait une grave erreur.
En tant que pays, je pense que nous devrions plutôt faire preuve de leadership. D'ailleurs, madame la présidente, je vous avise que j'ai l'intention de présenter une motion que le comité pourrait adopter à notre prochaine séance. La motion en question comportera deux éléments. Le premier consiste à demander au gouvernement de reconnaître que le pouvoir légitime en Birmanie, à l'heure actuelle, repose entre les mains du Comité représentant le Parlement du peuple, comme cela a été demandé; le second consiste à inviter instamment notre gouvernement à imposer des sanctions sur les investissements dans le régime illégal de Birmanie. Je vais communiquer la motion dûment formulée ai greffier du comité, mais je voulais vous aviser que j'ai l'intention de la présenter à la prochaine séance.
J'ai entendu un témoin très convaincant, Aung San Suu Kyi, sur vidéo cassette le mois dernier à Berlin, à l'occasion de la Conférence de l'Union interparlementaire. Elle a plaidé auprès des parlementaires du monde entier pour qu'ils reconnaissent le CRPP. Cela serait un signal percutant à la fois pour le comité et pour le régime illégal, et j'espère que notre comité fera cette recommandation au gouvernement.
Les témoins ont mentionné que certaines villes et municipalités américaines tentaient de se servir de leur politique d'acquisitions, de leur pouvoir d'achat, pour freiner l'acquisition de marchandises vendues par des entreprises commerçant avec la Birmanie. Hier, au Comité des affaires étrangères et du commerce international, j'ai évoqué le cas de l'État du Massachusetts, qui essaie précisément de faire cela et auquel on a dit que les règles de l'OMC interdisent une telle action.
J'aimerais que nos témoins nous donnent quelques explications à ce sujet car certains d'entre nous craignent que cela soit en effet un obstacle. Je pense qu'à Seattle, le Canada devrait soulever la question de cette interdiction qui est faite aux villes, municipalités et autres instances et adopter cette position. J'aimerais savoir s'il serait possible d'obtenir davantage d'information sur ce qui s'est passé au Massachusetts et ce que vous proposez que fasse le Canada pour réagir.
Mme Penny Sanger: Nous en parlions justement tout à l'heure. En fait, j'ignore si l'État du Massachusetts fait appel...
M. Gerry Schmidt (attaché de recherche du comité): Oui.
Mme Penny Sanger: Il fait appel.
M. Gerry Schmidt: Auprès de la Cour suprême des États-Unis.
Mme Penny Sanger: D'accord, très bien.
À l'heure actuelle, je pense que 23 villes et municipalités se prévalent de cette mesure législative, qui a des antécédents très respectables. Certains d'entre vous se souviendront certainement de l'époque où le régime d'apartheid était au pouvoir en Afrique du Sud et à quel point nous étions sensibles aux achats de vin d'Afrique du Sud. Cela a eu un effet considérable sur le commerce avec l'Afrique du Sud.
• 1610
Nous avons essayé de faire la même chose dans ce cas-ci.
Je pense qu'il serait préférable que je cède la parole à Chris.
Il y a eu un problème quelconque avec la ville de Vancouver, Svend.
Mme Christine Harmston: Pour résumer, c'était un problème juridique concernant la façon dont les avocats de la ville de Vancouver ont présenté devant le tribunal l'affaire Shell contre Vancouver, au cours de la période d'apartheid en Afrique du Sud. L'affaire a été résolue en faveur de Shell simplement parce que les avocats de la ville avaient mal fait leur travail. Nous avons demandé à un certain nombre d'avocats d'examiner la décision, et d'après eux, si l'affaire était représentée, c'est la ville qui l'emporterait.
Cela a eu l'effet d'une douche froide dans bien des secteurs. À la ville de Toronto, nous avons essayé d'adopter une politique d'achats sélectifs. Les répercussions de l'arrêt Shell contre Vancouver se font toujours sentir, mais elles commencent à diminuer.
M. Svend Robinson: Avez-vous examiné le retentissement de l'OMC dans cette affaire, compte tenu de la décision au Massachusetts?
Mme Christine Harmston: Avec votre permission, nous pourrions peut-être vous fournir davantage de renseignements à une date ultérieure.
M. Svend Robinson: Bien sûr.
Mme Christine Harmston: Essentiellement, comme le Canada et la Birmanie sont tous deux signataires de l'OMC, il doit y avoir des échanges entre les deux pays, et la même chose vaut pour les États- Unis. Par conséquent, l'OMC intervient pour dire qu'en tant que signataire, il est impossible de stopper complètement les échanges. C'est une définition très simpliste.
M. Svend Robinson: Ce n'est pas le problème; le problème, ce sont les politiques d'achat.
Si vous pouviez fournir davantage d'information au comité, cela serait utile. Merci.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci beaucoup.
Je vous remercie de votre visite ici à Ottawa. J'ai également rencontré des représentants des Amis de la Birmanie dans mon bureau de Montréal. Chose certaine, je n'accepte pas le régime en place.
J'ai quelques questions, dont l'une s'adresse à Mme Harmston au sujet de l'aide publique au développement.
En août dernier, le commissaire aux droits de la personne de l'Australie s'est rendu au Myanmar. Son rapport pourrait-il nous être communiqué pour que nous puissions prendre connaissance de ses préoccupations? M. Alvaro de Soto, sous-secrétaire général des Nations Unies s'est également rendu là-bas en octobre dernier. J'ignore si vous avez en main son rapport. Il serait bon que notre comité puisse étudier ces rapports pour savoir quelle a été l'incidence de ces visites.
Au sujet de l'aide publique au développement, j'étais au Japon la semaine dernière et j'en ai discuté avec mes homologues japonais. Assurément, le Japon est le plus important contributeur d'aide publique au développement dans le monde avec plus de 12 milliards de dollars US. Ce que les Japonais font à l'heure actuelle va quelque peu à l'encontre de ce que vous souhaitez que nous fassions avec les sanctions. Ils investissent très peu d'argent—peut-être 10 000 $—pour planter des récoltes. Ils ont commencé en décembre dernier à financer la plantation de cultures pour essayer de remplacer le pavot ou l'héroïne—je veux dire la drogue elle-même. Cette année, ils m'ont confié qu'ils allaient augmenter les superficies et faire pousser de la canne à sucre, des litchis et des pommes.
Si nous imposons davantage de sanctions, je ne suis pas sûr que cela donnera les résultats escomptés parce que dans les faits, jusqu'ici, cela n'a pas fonctionné. Nous avons augmenté notre commerce de sucre avec ce pays. Mais si nous essayons de les aider, même si nous n'acceptons pas le régime en soi... Je ne sais pas.
Je voulais simplement obtenir votre opinion au sujet de la visite du commissaire de l'Australie ainsi que du sous-secrétaire général des Nations Unies. Ensuite, vous pouvez répondre à ma question sur l'APD.
Mme Penny Sanger: Nous avons des exemplaires du rapport de l'envoyé spécial des Nations Unies et nous vous en ferons parvenir. Ils viennent juste d'arriver.
Je n'ai pas entendu parler des Australiens.
Mme Christine Harmston: Nous avons tous ces rapports sur l'Internet, et nous pouvons certainement vous les faire parvenir.
Mme Penny Sanger: Contribuer à l'éradication des cultures illégales est un gros contrat. Le PNUCID, le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, n'a guère eu de succès à cet égard. J'ignore quel est le taux de succès des Japonais.
M. Bernard Patry: Cela fait un an. Ils ont commencé en décembre de l'année dernière.
Mme Penny Sanger: C'est une chose qu'il faut faire, c'est évident. Les habitants doivent pouvoir tirer pleinement leur subsistance d'autres cultures.
• 1615
Mais le contexte social général dans lequel ils vivent
contribuera au bout du compte à assurer le contrôle du problème de
la drogue: j'entends par là la liberté, la liberté d'expression, la
libre circulation de l'information et le fait de ne pas vivre dans
la peur.
Les habitants des campagnes ne s'avoueront jamais séropositifs ou héroïnomanes. La religion bouddhiste, qui est celle du régime birman, considère qu'il s'agit là de péchés effroyables, et personne ne veut les admettre.
Nous ne possédons pas nous-mêmes les ressources pour contribuer à l'éradication des cultures. Nous ne connaissons personne au Canada qui aurait la compétence voulue pour le faire de façon efficace. Nous maintenons notre argument selon lequel tant et aussi longtemps que la démocratie ne sera pas implantée, il n'y aura pas de changement permettant l'éradication ou à tout le moins le contrôle des drogues. Les citoyens birmans doivent se sentir suffisamment libres de s'exprimer, de parler publiquement et de se déclarer héroïnomanes et séropositifs.
Mme Christine Harmston: J'aimerais ajouter une chose. Comme Penny l'a dit, pour ce qui est du trafic des drogues, certains officiers subalternes du régime sont personnellement impliqués dans la production d'héroïne.
Le régime tout entier est systématiquement impliqué dans la production d'héroïne en ce sens qu'il achemine l'argent tiré de la vente de l'héroïne dans les entreprises d'Etat et qu'il en assure le blanchiment à Rangoon. L'industrie touristique est en grande partie financée par la production d'héroïne. Ce sont les barons de la drogue qui construisent les routes et l'infrastructure matérielle, qui se sont installés à Rangoon et qui collaborent main dans la main avec le régime dans diverses affaires commerciales.
Le remplacement de la culture du pavot est une intervention limitée qui demeure une mesure insignifiante face au problème fondamental plus systématique. Comme Penny l'a dit, il convient de mettre d'abord l'accent sur la réforme politique du pays car à ce moment-là, nous pourrons faire un usage beaucoup plus efficace de notre temps, de notre énergie et de nos ressources financières que si nous commencions dès maintenant.
M. Bernard Patry: Merci.
M. Murray Thomson: J'aimerais ajouter une chose pour appuyer la dernière intervention. Cette opinion n'est pas la nôtre, mais celle de nos alliés et amis en Birmanie, dont bon nombre risquent leur vie depuis des années. Ils nous disent: «Ne faites rien qui rehausserait la légitimité de ce régime totalement illégal qui nous opprime.» C'est leur perspective qui dicte l'orientation de nos propositions.
La présidente: Merci.
Monsieur Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Comme c'est ma première expérience au comité, je voudrais savoir qui sont, brièvement, les Amis de la Birmanie?
M. Murray Thomson: Il y a environ 10 ans, un certain nombre d'entre nous, qui connaissions la Birmanie et qui nous inquiétions de ce qui se passait, avons organisé un colloque. Grâce à M. Svend Robinson, ce colloque a eu lieu à l'édifice du Centre. Il a réuni 175 participants d'un peu partout au Canada et de 10 Etats des États-Unis.
De là est venu l'idée de constituer un groupe ou un comité qui serait le champion des droits du peuple birman. Voilà l'origine des Amis canadiens de la Birmanie.
Il s'agit essentiellement d'un petit comité assorti d'un large réseau disséminé dans tout le Canada et constitué de personnes qui partagent nos préoccupations et qui déploient des efforts pour réaliser certains objectifs.
M. Eugène Bellemare: D'où provient votre financement?
Mme Christine Harmston: Depuis 1992 ou 1993, nous recevons des fonds du Centre international des droits de la personne et du Développement démocratique de Montréal. C'est lui qui nous fournit notre financement de base. Nous recevons également des fonds de la Open Society Institute et de la George Soros' Foundation, à New York, pour nos bulletins de nouvelles. Nous exigeons également des frais d'adhésion et nous recevons aussi de l'argent de syndicats et d'organisations religieuses importantes au Canada pour nos diverses campagnes.
M. Eugène Bellemare: De quelle somme parlons-nous en l'occurrence—10 000 $, 10 millions?
Mme Christine Harmston: Notre budget de fonctionnement annuel se chiffre environ à 20 000 $. Ensuite, il y a des campagnes pour lesquelles nous réunissons entre 5 000 ou 10 000 $.
M. Eugène Bellemare: Êtes-vous une ONG reconnue?
Mme Christine Harmston: Nous sommes une organisation non gouvernementale.
M. Eugène Bellemare: Comment pouvez-vous attester ou prouver ce que vous dites puisque vous admettez que vous ne pouvez entrer dans le pays, que vous devez rester à la frontière? Regardez-vous par le trou de la serrure?
Mme Christine Harmston: L'information sur ce qui se passe en Birmanie circule et est acheminée jusque dans les régions frontalières. Les habitants qui fuient les villes et les régions urbaines-rurales de la Birmanie se dirigent vers les frontières, et il y a constamment un flux d'information. À partir de...
M. Eugène Bellemare: Personne n'est vraiment allé là-bas pour confirmer et dire: «Oui, j'ai vu cela.»
Mme Christine Harmston: Vous voulez dire parmi nous?
M. Eugène Bellemare: Oui, vous, par exemple.
Mme Christine Harmston: Oui, je suis allée à Rangoon en 1996, et j'ai rencontré Aung San Suu Kyi. J'ai vu des cas de travaux forcés et d'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine. J'ai rencontré des députés élus du Parlement. Je me suis aussi entretenue avec des étudiants qui venaient tout juste de sortir de prison. Par conséquent, j'ai eu des compte rendus de première main sur ce qui se passe à l'intérieur du pays.
Nous collaborons avec des partenaires qui ont des organisations implantées le long de la frontière. Ces derniers travaillent avec des personnes, à l'intérieur du pays, qui clandestinement, documentent la situation dans les régions rurales à l'aide de caméras et de mini cassettes vidéos. Elles enregistrent ce qui se passe et envoient cette information dans les régions frontalières.
M. Eugène Bellemare: Des travaux forcés? Donnez-moi un exemple de ce que vous avez vu.
Mme Christine Harmston: J'ai vu des prisonniers politiques fers aux pieds à Mon State, l'un des États ethniques. Ces prisonniers politiques, qui sont détenus à proximité, travaillent dans une carrière de pierres. Ils sont enchaînés les uns aux autres par des fers aux pieds et ils doivent transporter d'énormes rochers à mains nues du haut de la montagne jusqu'en bas. Les principales routes et voies ferrées, ainsi que l'infrastructure touristique sont construites par des prisonniers politiques condamnées aux travaux forcés. On recrute également de la main-d'oeuvre dans les villages. On force leurs habitants, à la pointe du fusil, à bâtir l'infrastructure birmane.
M. Eugène Bellemare: Nous avons parlé de sanctions commerciales ou de sanctions relatives aux investissements. Pensez- vous que de telles sanctions sur les investissements nuiraient aux collectivités, aux personnes qui travaillent là-bas?
Mme Christine Harmston: Ils ne tirent aucun avantage des investissements consentis à la Birmanie à l'heure actuelle.
Par exemple, l'important gazoduc construit par la société Unical, de Californie, et la société française TOTAL a donné lieu à une relocation massive forcée. Dans la région où le pipeline a été construit, des milliers de villageois ont été obligés de quitter leurs villages et ont dû déménager à des endroits assujettis au contrôle du régime.
M. Eugène Bellemare: Sans consultation?
Mme Christine Harmston: Tout à fait. Les sociétés TOTAL et Unical ont embauché des mercenaires étrangers et ont également payé l'armée birmane pour qu'elle assure le contrôle du périmètre.
M. Eugène Bellemare: C'est une entreprise américaine?
Mme Christine Harmston: Oui, Unical.
M. Eugène Bellemare: Et que font les États-Unis à ce sujet?
Mme Christine Harmston: En fait, des poursuites ont été engagées contre Unical aux termes de la Aliens Tort Act, et l'affaire suit son cours à l'heure actuelle en Californie.
M. Eugène Bellemare: Qui a engagé ces poursuites?
Mme Christine Harmston: Les États-Unis. Il existe une loi...
M. Eugène Bellemare: Le gouvernement?
Mme Christine Harmston: Non, pas le gouvernement. D'importants cabinets d'avocats aux États-Unis ont eu recours à la Aliens Tort Act.
M. Eugène Bellemare: Le gouvernement lui-même a-t-il fait quoi que ce soit?
Mme Christine Harmston: Le gouvernement américain a interdit «tout nouvel investissement», mais cela n'est pas rétroactif. Par conséquent, la société Unical peut poursuivre ses activités.
M. Eugène Bellemare: Comment l'ACDI peut-elle aider en matière de santé et d'éducation? Un seul d'entre vous a mentionné que nous devrions intervenir dans le domaine de la santé et de l'éducation.
Mme Christine Harmston: Oui.
M. Eugène Bellemare: Comment pouvons-nous être utiles? Évidemment, pour faire oeuvre utile, il faut pouvoir entrer dans le pays. Pourrions-nous le faire?
Mme Christine Harmston: C'est ce dont je parlais tout à l'heure. Le long de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie, entre l'Inde et la Birmanie et entre le Bangladesh et la Birmanie ou encore entre la Chine et la Birmanie, il y a des groupes ethniques et des groupes birmans qui font oeuvre humanitaire. Ils ont organisé des programmes très professionnels et efficaces qui leur permettent d'aller dans les régions ethniques et d'offrir des services médicaux d'urgence. On les appelle des équipes médicales mobiles. Ils ont également installé des hôpitaux dans les régions où la mainmise du régime n'est pas complète. C'est à partir de la frontière qu'ils sont en mesure de mettre en vigueur ces programmes dans les régions ethniques. Ils n'oeuvrent pas à Rangoon, ni dans les agglomérations urbaines. Ils vont dans les régions rurales, là où la situation est le plus tragique.
M. Eugène Bellemare: Sans la permission du gouvernement birman, évidemment.
Mme Christine Harmston: Oui.
M. Eugène Bellemare: Cela pourrait créer un incident.
Mme Christine Harmston: Notre perspective est la suivante. Sous le régime birman, les gens sont assassinés, le viol et la torture sont systématiques et il y a des exécutions arbitraires. Les dirigeants du régime sont responsables de cette catastrophe, et nous avons décidé d'appuyer le mouvement pro-démocratie.
M. Eugène Bellemare: Comment le Canada peut-il s'imposer aux communautés birmanes, voire au gouvernement birman?
Mme Christine Harmston: Il ne s'agit pas de s'imposer. Comme nous l'avons dit auparavant, Aung San Suu Kyi, chef du gouvernement élu, réclame une intervention internationale. Elle appuie également ces activités frontalières.
M. Eugène Bellemare: Mais est-elle au pouvoir?
Mme Christine Harmston: Non, Aung San Suu Kyi n'est pas au pouvoir. Le pouvoir est entre les mains du régime militaire birman, qui l'a acquis de façon illégale, à la pointe du fusil.
La présidente: Merci. Votre temps de parole est écoulé.
J'ai une ou deux questions. Ivanhoe est-elle encore une société inscrite à la bourse de Vancouver ou a-t-elle déménagé? N'est-ce pas une entreprise qui a été poursuivie à maintes reprises à la suite de nombreuses catastrophes environnementales et qui n'est plus...
Mme Christine Harmston: Je pense qu'elle est toujours cotée à la bourse de Vancouver.
La présidente: D'accord, mais la compagnie elle-même n'est plus enregistrée au Canada, n'est-ce pas?
Mme Christine Harmston: Je pense que M. Ivanhoe lui-même a déménagé à Sydney, en Australie, et je sais qu'une bonne partie de ses opérations ont également quitté le pays en raison des contraintes imposées à l'entreprise, mais elle demeure cotée à la bourse de Vancouver.
La présidente: Au sujet des travaux forcés, n'est-il pas exact qu'il y a énormément d'enfants qui sont également obligés de travailler.
Mme Christine Harmston: Oui.
La présidente: J'aimerais attirer votre attention sur une lettre que j'ai reçue aujourd'hui de la sénatrice Finestone, présidente de l'Union interparlementaire. Cette dernière me signale qu'à la conférence de Berlin, où le comité s'est penché sur les atteintes aux droits de la personne, les parlementaires, dans l'exercice de leur mandat en tant que législateurs, ont examiné 142 cas mettant en cause l'Argentine, le Bélarus, le Bhoutan, le Burundi, le Cambodge, la Colombie, la République démocratique du Congo, Djibouti, l'Équateur, la Gambie, la Guinée, le Honduras, la Malaisie, Myanmar, le Nigéria, la Moldavie et la Turquie. Des 142 cas de violations des droits de la personne, 59 émanaient du Myanmar et je pense qu'au second rang venait le Burundi avec 30. Par conséquent, les parlementaires de l'UIP en général reconnaissent qu'il y a en Birmanie des abus à la fois extrêmement sérieux et nombreux.
C'était là une simple information. Vous pouvez consulter le rapport de l'UIP.
M. Svend Robinson: Le greffier peut-il faire circuler un exemplaire de la lettre?
La présidente: Bien sûr.
Je vous remercie beaucoup d'avoir comparu encore une fois et je vous félicite de votre détermination à attirer l'attention sur cette situation.
M. Murray Thomson: Merci.
Mme Penny Sanger: Merci.
Mme Christine Harmston: Merci beaucoup.
La présidente: Nous allons maintenant entendre les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
• 1630
Nous accueillons maintenant Ingrid Hall, directrice générale
du Bureau du Sud et du Sud-Est de l'Asie; et Philip Pinnington,
directeur adjoint de la Division du crime international. Cela
semble impressionnant.
M. Philip Pinnington (directeur adjoint, Division du crime international, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci.
La présidente: Allez-vous faire un exposé ou êtes-vous simplement ici pour répondre aux questions?
[Français]
Mme Ingrid Hall (directrice générale, Direction générale de l'Asie du Sud et du Sud-Est, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Ce sont toujours les deux.
Il me fait grand plaisir d'être ici cet après-midi. Nous allons faire une espèce de stock-taking de l'évolution de la situation depuis la dernière fois que nous sommes venus ici.
[Traduction]
La première question que je voudrais poser est la suivante: pourquoi le gouvernement du Canada appelle-t-il le pays la Birmanie et que beaucoup d'autres l'appellent le Myanmar? Pour nous, c'est la Birmanie. Aung San Suu Kyi a remporté des élections démocratiques. Les militaires ont invalidé ces élections, ce que nous n'avons jamais accepté. Nous appelons le pays la Birmanie. Tout document émanant d'une organisation internationale demandant à une tribune multilatérale... parlera du Myanmar. Pour notre part, nous appelons toujours ce pays la Birmanie.
Que s'est-il passé récemment? On nous a demandé de distribuer des points de discussion, ce que nous avons fait, dans les deux langues. Je suppose que vous les avez en main.
Je crois également savoir que le ministre Pettigrew s'est engagé à soumettre une explication par écrit qui aurait dû être distribuée avant la présente séance. Je pense que cela a dû être fait. L'explication du...
Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Nous n'avons aucun de ces documents.
La présidente: George a pensé les distribuer pendant votre exposé.
M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, c'est la première fois que j'assiste à une séance de comité où nous devons entendre des témoins sans avoir reçu au préalable des notes d'information. Nous n'avons pas de notes sur les thèmes qu'aborderont les personnes ici présentes. Les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères qui sont ici ont de toute évidence des notes. Ils nous ont même demandé au début de leur exposé si nous en avions pris connaissance, si nous les avions reçues.
Je trouve lamentable qu'en tant que membres du comité, nous ne sachions pas ce qui se passe. On nous remettra peut-être des documents, mais à ce moment-là, convient-il de les lire pendant que nos témoins s'adressent à nous? Devrions-nous plutôt les écouter et nous abstenir de lire ce qu'ils ont rédigé à notre intention? Il faut réprimander le personnel qui ne nous a pas fourni la documentation dont nous avons besoin pour faire notre travail.
La présidente: Excusez-moi un instant. Nous allons laisser George s'expliquer. Toutefois, je dois dire que vous avez eu beaucoup de chance si, jusqu'ici, vous n'avez jamais assisté à une séance de comité où les mémoires vous ont été remis juste avant l'exposé.
M. Svend Robinson: J'invoque le Règlement, madame la présidente.
[Français]
Mme Aileen Carroll: Je lis le français, mais je préfère que ce soit en anglais, s'il vous plaît.
[Traduction]
La présidente: Veuillez...
M. Svend Robinson: Je pense qu'il vaut la peine de parler de lui, mais peut-être pourrait-on aborder une autre question. Hier, j'ai soulevé le problème de la Birmanie et de l'OMC, et le ministre s'est engagé à fournir un document au comité. Où est-il?
La présidente: Dans la trousse qui arrive.
Pourrions-nous, je vous prie, laisser le greffier parler avant d'en prendre à lui vertement?
M. Svend Robinson: Tous les membres du comité ont-ils reçu cette précision au sujet de l'OMC?
M. Eugène Bellemare: Madame la présidente, suis-je censé recevoir des documents ou prendre des dispositions pour les obtenir moi-même? À qui dois-je adresser ma plainte, à vous ou à votre personnel?
La présidente: Vous devriez sans doute vous adresser à moi et je peux relayer cela au personnel. Je ne suis pas particulièrement contente moi-même.
M. Eugène Bellemare: Cela ne se répétera pas?
La présidente: Je suppose que non.
M. Eugène Bellemare: Autrement, c'est une perte de temps que de se présenter à la séance.
La présidente: Je crois savoir que les porte-parole du ministère tenaient à ce que leurs documents ne soient distribués qu'au moment de leur exposé. Voilà pourquoi nous ne les avons pas eus à l'avance.
Une voix: Nous les avons eus à l'avance...
La présidente: Mais ils n'ont pas été distribués à l'avance. Nous les avons reçus à l'avance, mais on nous a demandé de ne pas les distribuer. On ne m'a rien dit à moi, mais je crois savoir que nous n'étions pas censés les distribuer...
M. Eugène Bellemare: Pouvons-nous savoir pourquoi?
La présidente: Est-ce ce que vous aviez compris?
Mme Ingrid Hall: C'est M. Jacoby qui s'occupe de ces questions, et lorsque cela a été organisé...
La présidente: Avec votre permission, nous pourrions peut-être revenir là-dessus plus tard. Le temps file et nous voudrions entrer dans le vif du sujet.
Mme Ingrid Hall: Je suis d'accord.
La présidente: Nous discuterons de questions administratives après.
Mme Ingrid Hall: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci. Veuillez continuer.
Mme Ingrid Hall: Merci beaucoup.
M. Eugène Bellemare: Je n'ai toujours rien.
La présidente: Vous n'avez rien? Pourriez-vous fournir à M. Bellemare ses documents?
Mme Ingrid Hall: Merci beaucoup. Je vais passer en revue les points de discussion en vue de cerner la situation.
• 1640
Depuis 1998, l'ambassadeur du Canada en Thaïlande s'est rendu
neuf fois au Myanmar et les représentants de l'ambassade, 14 fois.
Nous nous occupons du Myanmar à partir de Bangkok.
M. Svend Robinson: Je vous interromps à contre-coeur, mais allez-vous lire tout le document? Nous savons tous lire. Peut-être pourriez-vous simplement souligner les points essentiels...
La présidente: Je crois que c'est ce qu'elle fait.
M. Svend Robinson: Désolé, je croyais qu'elle allait lire tout le document.
La présidente: Je ne le pense pas.
Mme Ingrid Hall: Puis-je demander à la présidente que faire?
La présidente: Oui, vous avez la parole.
Mme Ingrid Hall: J'ai la parole, mais puis-je vous demander que faire? Voulez-vous que je lise les points de discussion ou que je fasse un résumé?
La présidente: Non, je ne pense pas qu'ils aient été lus. Pourriez-vous souligner les points essentiels pour ceux qui n'ont pas eu la possibilité de les lire ou qui n'ont pas une longue expérience à cet égard?
Mme Ingrid Hall: Ils sont très courts, voulez-vous que je les passe en revue?
La présidente: Oui, s'il vous plaît. Vous avez la parole. Soulignez-les simplement.
Mme Ingrid Hall: D'accord.
L'ambassadeur du Canada s'est rendu neuf fois au Myanmar; d'autres représentants de l'ambassade, 14 fois. Il y a eu 10 réunions avec Aung Suu Kyi, y compris celle avec l'ambassadeur Giroux la semaine dernière.
Au cours des 15 derniers mois, l'ambassadeur et des représentants de l'ambassade ont effectué des voyages majeurs dans l'ouest, le nord, le centre-nord et le nord-est du Myanmar en coopération avec des agences des NU.
D'après les comptes rendus de ces visites, la situation des droits de la personne ne cesse de se détériorer. Nous avons le même point de vue que les Amis canadiens de la Birmanie à ce sujet. La situation des droits de la personne au Myanmar se détériore.
Le SPDC n'a rien fait pour encourager le dialogue politique avec Aung Suu Kyi ou avec la Ligue nationale pour la démocratie.
Les actions du SPDC ont été constamment condamnées par la communauté internationale. L'Organisation internationale du travail a adopté une résolution interdisant au Myanmar d'assister à d'autres réunions de l'OIT et de profiter de toute collaboration et assistance technique de l'Organisation.
[Français]
Vous avez soulevé la visite de M. DeSoto. Il est allé deux fois à Rangoon, en 1998 et le mois dernier. Le mois dernier, il était accompagné de quelqu'un de la Banque mondiale pour voir s'il y avait une possibilité de dialogue politique.
[Traduction]
Il n'y a pas eu de rapport officiel. Autant que nous le sachions, aucun progrès n'a été fait.
Un peu plus tôt, un membre du comité a demandé si le représentant de la Commission australienne des droits de la personne qui s'était rendu à Rangoon avait fait un rapport. D'après les médias, aucun progrès n'a été fait. L'UE a envoyé une mission spéciale un mois plus tard environ et aucun progrès n'a été fait.
Il faut aussi parler de la prise d'otages à l'ambassade du Myanmar à Bangkok. Un Canadien était au nombre des otages; tous ont été libérés.
Depuis, la Thaïlande examine de très près le statut des Birmans en Thaïlande. Vous savez d'après les médias que de grands nombres de Birmans ont été reconduits au Myanmar, ce qui nous préoccupe considérablement. Nous sommes en étroite relation avec le gouvernement thaïlandais et nous avons fait des démarches plus tôt cette semaine auprès des hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur afin que les dissidents politiques ne soient pas renvoyés dans leur pays et que le HCNUR ait accès aux personnes que le gouvernement thaïlandais cherche à rapatrier.
Nous avons été parmi les premiers pays à condamner le régime du Myanmar—aux NU, à l'OIT et ailleurs. Actuellement, une résolution sur le Myanmar est en voie de négociation au Troisième comité des NU. Ces deux dernières années, nous ne l'avons pas coparrainée, car d'après nous, le libellé était trop faible. Nous espérons que d'ici demain, le libellé sera renforcé, ce qui nous permettra de coparrainer cette résolution.
• 1645
Nous travaillons en étroite collaboration avec les Amis
canadiens de la Birmanie, association que je respecte profondément,
tout comme mes collègues et beaucoup de mes prédécesseurs. Le
travail de cette association est extraordinaire. Je dois mentionner
la mort récente de Terry Cottam, membre de l'association et
militant infatigable. Nous lui rendons honneur ici et soulignons le
travail qu'il a accompli.
En 1997, le ministre Axworthy a présenté au ministre birman des Affaires étrangères une liste de huit mesures qui figurent dans le communiqué distribué avec le document d'information. Elles se trouvent dans l'annexe dans le document d'information presque en bas de page.
Aucun progrès n'a été réalisé, à l'exception de l'accès par le Comité international de la Croix-Rouge, lequel a pu retourner au Myanmar cette année. On sait de source officielle que le Comité international de la Croix-Rouge a rendu visite à 20 000 prisonniers au Myanmar, dont 800 détenus politiques et qu'il a pu de nouveau rendre visite à 2 700 de ces prisonniers et ce, sans contrainte.
Lorsque le SPDC n'a pas répondu aux propositions présentées par le ministre Axworthy, le Canada a décidé d'imposer d'autres mesures économiques au Myanmar: ce dernier n'est plus admissible au tarif de préférence général et fait maintenant partie de la liste des pays visés par contrôle.
Nous dissuadons les entreprises canadiennes de conclure des ententes d'investissements ou des initiatives commerciales au Myanmar. Tous les exportateurs canadiens au Myanmar doivent d'abord obtenir une licence d'exportation auprès de notre ministère; les licences ne sont accordées que si l'exportation est de nature humanitaire. Il est interdit de vendre des produits militaires. Aucun programme canadien d'exportation n'est ouvert au Myanmar. Les exportations canadiennes à destination du Myanmar ont diminué de 72 p. 100 entre 1997 et 1998, et elles sont vraiment peu importantes, se chiffrant à peine à plus d'un million de dollars.
La non-admissibilité au tarif de préférence général a fait augmenter le coût des importations en provenance du Myanmar, plus particulièrement les importations de poisson et de fruits de mer et celles de vêtements. On s'était attendu à une baisse des importations mais, d'après les statistiques, elles ont augmenté, même si c'est de très peu.
Lorsque nous avons imposé les mesures économiques, nous voulions faire comprendre au SPDC que nous sommes sérieusement préoccupés par la détérioration de la situation des droits de la personne et la suppression des libertés politiques au Myanmar. L'ambassadeur Giroux a rencontré beaucoup de membres des conseils internes du SPDC et lors de chaque rencontre, a présenté les huit propositions du Canada. Mis à part l'accès accordé au Comité international de la Croix-Rouge, aucun autre progrès n'a été fait.
Nos mesures vont rester en vigueur jusqu'à ce que le dialogue politique soit possible. Je dois dire que nous sommes très sceptiques et que nous ne pensons pas que cela puisse se faire dans un avenir raisonnable.
Merci.
La présidente: Merci.
Madame Brown, bienvenue.
Mme Brown est chef, Unité de consolidation de la paix, Assistance humanitaire internationale, ACDI.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Susan Brown (chef, Unité de consolidation de la paix, Assistance humanitaire internationale, Agence canadienne du développement international): Oui, merci.
La politique d'aide du Canada à l'égard du Myanmar vise à appuyer les réformes démocratiques, à alléger les souffrances des réfugiés et à freiner la production et le trafic de stupéfiants. Cette politique repose sur le principe d'engagement constructif, qui englobe la promotion du dialogue.
La programme canadien d'aide bilatérale qui a atteint son apogée entre 1979 et 1983, a été interrompu en 1988 après le massacre de milliers de manifestants pro-démocratie à Rangoon.
Au cours de l'été 1988, une consultation interministérielle a été organisée à la demande des ONG canadiennes, des Amis canadiens de la Birmanie, des représentants de l'Agence canadienne de développement international et du ministère des Affaires étrangères.
• 1650
Nous avons convenu à ce moment-là de maintenir l'interruption
du programme d'aide bilatérale, mais de continuer d'offrir les
programmes d'assistance humanitaire et d'aide alimentaire aux camps
de réfugiés où se trouvaient des Birmans.
Nous avons également convenu, dans le contexte des sanctions, que le Fonds de consolidation de la paix de l'ACDI constituait le seul mécanisme par lequel le Canada appuierait le processus de paix au Myanmar en favorisant le dialogue sur une transition pacifique vers la démocratie. En fait, c'est la raison pour laquelle un tel Fonds a été établi.
Depuis 1988, l'aide humanitaire et le soutien à la consolidation de la paix apportés par le Canada se chiffrent à 14,6 millions de dollars; ils visent la diaspora birmane, qui compte 150 000 réfugiés officiels et 850 000 migrants en Thaïlande. A cela vient s'ajouter une aide alimentaire à hauteur de 752 000 $.
Le 4 mars 1999, grâce à l'intervention des ONG canadiennes, il a été proposé de débloquer un montant de 500 000 $ du Fonds de consolidation de la paix afin d'appuyer le Canadian Lutheran World Relief, ONG qui, au nom de toutes les ONG canadiennes, avait proposé d'appuyer l'établissement du Fonds de consolidation de la paix. Le projet vise à faciliter le dialogue, la consultation et l'élaboration de politiques qui sont nécessaires au succès du mouvement démocratique au Myanmar et au processus de paix en général.
Le directeur du Canadian Lutheran World Relief est également le président du Plan de réconciliation national, initiative visant à amener les différents groupes ethniques du Myanmar à participer au dialogue et aux négociations sur la résolution du conflit. Le Plan de réconciliation national est actuellement en cours: de nombreuses rencontres permettent aux Birmans de divers groupes ethniques de rencontrer leurs amis dans le monde entier.
Jusqu'à présent, le régime du Myanmar, connu actuellement sous l'appellation Conseil d'état pour la paix et le développement, n'a pas changé sa position au sujet du partage des pouvoirs avec les représentants élus du peuple birman. Le projet de consolidation de la paix de l'ACDI visait à aider la diaspora birmane à coordonner son mouvement pro-démocratie et à créer un environnement stable assurant la transition pacifique entre la dictature et la démocratie.
À l'heure actuelle, les divers groupes indispensables à ce processus sont fragmentés et dispersés géographiquement, ce qui fait qu'il est très difficile de parvenir à un consensus ou de consolider un plan de transition démocratique susceptible d'attirer l'attention de la communauté internationale et de susciter son aide. Il est éprouvant d'instaurer un dialogue entre ces diverses communautés ethniques et de préciser leurs relations avec des institutions démocratiques nationales et régionales, mais c'est toutefois essentiel si l'on veut créer un consensus suffisamment vaste qui permette d'établir et de soutenir une administration démocratique au Myanmar.
Le fait de ne pas régler ces questions et de ne pas relever les nombreux autres défis auxquels est confrontée la jeune démocratie du Myanmar risque d'entraver la transition ordonnée et pacifique à la démocratie. C'est la raison pour laquelle le Fonds de consolidation de la paix de l'ACDI travaille très activement avec ce groupe, en consultation avec les ONG canadiennes et le ministère des Affaires étrangères.
Nous recherchons au bout du compte un plan de transition pacifique qui proviendrait de ce groupe et qui servirait d'assise au dialogue bilatéral et à la recherche d'un consensus international pour un plan d'action pour le Myanmar.
Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Pinnington.
M. Philip Pinnington: On m'a demandé de parler des drogues illicites au Myanmar; je vais être bref.
Des points de discussion ont été distribués et je ne vais pas les passer en revue. Malheureusement, je n'étais pas ici au début de l'exposé, mais j'imagine que les Amis canadiens de la Birmanie vous ont exposé certains des problèmes.
La production de drogues illicites par le Myanmar constitue une source de préoccupation croissante pour le Canada, pour l'ASEAN et pour le monde. La production d'opium brut, qui se transforme en héroïne, a augmenté ces 10 dernières années. Toutefois, les enquêtes sur la récolte indiquent une baisse générale de la production cette année, de l'ordre de 30 p. 100. On estime la production d'opium brut à environ 1 200 tonnes métriques, ce qui se traduit par environ 100 tonnes d'héroïne.
• 1655
Les médias dans cette région de l'Asie tentent actuellement
d'expliquer les raisons de la baisse enregistrée cette année.
D'après une enquête effectuée par les Américains, il semblerait que
cette baisse soit due à la sécheresse, et non aux programmes
d'éradication du gouvernement. Bien sûr, le gouvernement prétend le
contraire. Compte tenu des pratiques culturales actuelles, la
production augmentera de façon significative, dès que la sécheresse
sera terminée.
La GRC estime que 70 à 75 p. 100 de l'héroïne qui entre au Canada provient du Myanmar. Le trafic n'est pas le fait de Birmans; l'héroïne parvient au Canada par la Chine, le Vietnam et la Thaïlande. Comme vous le savez, cela pose un grave problème dans le centre-ville de Vancouver.
J'aimerais souligner deux tendances qui caractérisent la production de la drogue dans le monde.
Alors que nous faisons particulièrement attention—surtout dans le cas du Myanmar et de l'Afghanistan—aux plantes cultivées, aux stupéfiants, l'usage accru des drogues synthétiques, des drogues chimiques, est la première tendance qui caractérise la situation de la drogue dans le monde. De plus en plus, le Myanmar est la source de ces drogues, en particulier la méthamphétamine qui afflue en Thaïlande. Ce pays a d'ailleurs a fermé d'importants passages frontaliers pour lutter contre cet afflux.
S'il est intéressant de souligner ce point, c'est parce qu'il s'agit de drogues fabriquées dans des laboratoires mobiles. Pas plus tard qu'aujourd'hui, le Bangkok Post publie un article sur le déplacement de certains des producteurs connus de drogue plus près de la frontière thaïlandaise. Ils déplacent leurs laboratoires et fabriquent des dizaines de millions de ces comprimés. La Thaïlande est confrontée à un problème extrêmement grave causé par ces drogues synthétiques.
La forte augmentation de l'usage des drogues dans les pays en développement est la deuxième tendance générale, tendance vérifiée au Myanmar.
En août, à la suite de consultations avec les ministres des pays de l'ASEAN, le ministre Axworthy a proposé que le Canada étudie des moyens de participer davantage avec ses partenaires régionaux aux mesures prises au sujet des drogues provenant du Myanmar. Nous examinons la façon d'en faire plus dans ce domaine.
Nous avons d'abord consulté Aung San Suu Kyi que notre ambassadeur a rencontrée à deux reprises à ce sujet. Comme l'a indiqué l'Association des amis canadiens de la Birmanie un peu plus tôt, elle a dit que l'instauration de la démocratie, notamment pour les minorités très impliquées dans le trafic de stupéfiants, constitue la seule solution à ce problème. D'après elle, aucune aide directe ne devrait être apportée au régime.
Elle a toutefois déclaré qu'elle appuie le travail effectué par le programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, le PNUCID. Elle appuie en particulier le travail effectué par le chef du bureau de ce programme à Rangoon, le Canadien Richard Dickins, ancien agent de la GRC.
Le PNUCID est le principal organisme multilatéral actif dans la région qui ait mis sur pied un programme régional de projets portant sur la réduction de la demande, le développement alternatif et la formation des forces de l'ordre. Ce programme a été mis au point dans la foulée de la signature d'un protocole d'entente entre le PNUCID et six pays de la région: la Chine, le Laos, le Cambodge, le Vietnam, la Thaïlande et le Myanmar. Le Canada a apporté dans le passé une modeste contribution aux projets régionaux du PNUCID.
Un représentant du Canada, ainsi que l'agent de liaison de la GRC, seront en fait au Myanmar la semaine prochaine pour participer à une visite sur le terrain conduite par le PNUCID dans la région de Wa, l'une des principales régions de production d'opium. Nous prévoyons avoir ainsi un meilleur aperçu de la situation dans le pays à la suite de leur rapport.
Par ailleurs, à la suite des déclarations du ministre, nous avons consulté des personnalités thaïlandaises au sujet d'éventuelles activités conjointes pour lutter contre ce problème.
Enfin, au plan multilatéral, probablement plus prometteur, il ne faut pas oublier que le Myanmar est membre de l'ASEAN. L'ASEAN s'est engagée pour que la région ASEAN soit sans drogue d'ici 2003; je n'ai malheureusement pas la date exacte. Lorsque nous rencontrerons les ministres de l'ASEAN, ceux du Myanmar en particulier, nous avons l'intention de souligner que les engagements pris à ce sujet sont restés sans suite.
• 1700
Je pourrais conclure en disant simplement que le ministre
birman des Affaires étrangères a déclaré que son pays voudrait
collaborer avec la communauté internationale sur la question des
stupéfiants. Nous allons mettre cette affirmation à l'épreuve.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Je vous remercie de vos témoignages. J'ai trois questions à poser.
Est-ce que les députés en exil qui, si j'ai bien compris, sont au nombre de 36, profitent d'un quelconque soutien du Canada et de la communauté internationale? Est-ce qu'ils profitent d'une quelconque reconnaissance de la communauté internationale?
Par ailleurs, le gouvernement militaire actuel bénéficie-t-il d'une complète reconnaissance internationale, et quelle est l'attitude du gouvernement canadien? J'ai lu que l'Organisation internationale du travail avait adopté une résolution interdisant au Myanmar d'assister à d'autres réunions de l'OIT. Qu'en est-il de l'attitude du Canada, notamment face au régime militaire?
Est-ce que l'hypothèse d'une reconnaissance d'un gouvernement en exil a déjà été mise de l'avant par le Canada et par la communauté internationale?
[Traduction]
Mme Ingrid Hall: Pour ce qui est de la reconnaissance, nous reconnaissons les États et non les gouvernements. Prenons l'exemple des États-Unis, nous ne refaisons pas tout le processus chaque fois que change l'administration.
Nous reconnaissons le Myanmar. Depuis 1988, nous avons considérablement réduit tous les contacts et n'effectuons de visites que par l'entremise de nos représentants accrédités à Bangkok.
Le Myanmar est membre de l'ASEAN. Lorsque ce pays a été admis à l'ASEAN, nous ne lui avons pas donné accès à l'Accord de coopération économique que nous avons avec les membres de l'ASEAN. Par contre, lorsque le Cambodge est devenu membre de l'ASEAN l'été dernier, nous lui avons donné accès à cet accord.
Effectivement, l'ambassadeur du Canada et le personnel de l'ambassade restent en contact avec le SPDC, c'est cela la différence.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Et pour ce qui est des députés en exil, est-ce qu'on pourrait essayer de trouver un moyen de reconnaître ces gens, de leur apporter une aide en conséquence et, ultimement, de reconnaître le gouvernement en exil? Cela s'est déjà fait dans l'histoire de l'humanité.
Mme Ingrid Hall: Mme Brown a parlé de l'aide qu'on a offerte aux représentants du gouvernement en exil par le fonds de peacebuilding. On a des contacts avec leurs représentants, surtout à New York et à Washington. La dernière réunion a eu lieu à New York avec l'ambassadeur Duval. Quand le président Sein Win arrivera à Ottawa, il y aura d'autres réunions.
M. Yves Rocheleau: Merci.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Pour compléter la question de M. Rocheleau, je me demande quelle est la position du gouvernement du Canada à l'égard du Comité représentant le Parlement du peuple—le CRPP. Comme le sait la directrice générale, les Amis canadiens de la Birmanie et bien sûr, les représentants élus du peuple birman, ne cessent de demander une forme de reconnaissance.
Je comprends bien que la reconnaissance vise les États, mais il existe certainement des précédents; en effet, notre gouvernement ne respecte-t-il pas certains groupes, ne confère-t-il pas une forme de reconnaissance à des groupes donnés comme le Congrès national africain et d'autres, à défaut de leur accorder une reconnaissance diplomatique.
Quelle est la position du gouvernement du Canada en ce qui concerne la reconnaissance du CRPP?
Mme Ingrid Hall: Comme je le disais, nous reconnaissons les États et non les gouvernements...
M. Svend Robinson: Je le comprends, nous le comprenons.
Mme Ingrid Hall: ... c'est clair, me semble-t-il; par contre, nous avons des rencontres individuelles.
M. Svend Robinson: En ce qui concerne le gouvernement du Canada, il s'agit soit de la reconnaissance d'un État soit une rencontre individuelle. Il n'y a pas d'autre forme de reconnaissance...
Mme Ingrid Hall: Oh, nous rencontrons régulièrement des particuliers et des groupes à Washington, à New York et aussi à Ottawa, mais notre politique est claire: nous reconnaissons les États et non les gouvernements.
M. Svend Robinson: À quel niveau le Canada a-t-il reconnu le CRPP? Le ministre a-t-il rencontré les leaders du CRPP? Le secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique a-t-il rencontré les leaders du CRPP? Sont-ils prêts à le faire?
Mme Ingrid Hall: Il faudrait que je vérifie les dossiers. Puis-je vous revenir avec les dates, etc., car il y a eu effectivement des rencontres ici.
M. Svend Robinson: Oui, et à quel niveau, parce que...
Mme Ingrid Hall: Je n'ai pas cette information ici, si bien que je vous reviendrai avec ces données.
M. Svend Robinson: D'accord, mais si...
La présidente: Mme Brown voudrait également répondre à cette question.
Mme Susan Brown: Je ne vais certainement pas faire de commentaires sur la politique du gouvernement au sujet de la reconnaissance, mais je peux vous dire à quel niveau l'ACDI est prête à s'engager avec les représentants élus du peuple birman.
Le programme national qui est continu et que nous appuyons comprend un comité directeur officiel auquel participent le Conseil national de l'Union du Myanmar, le gouvernement de coalition nationale de l'Union du Myanmar, le Front démocratique national et la Ligue nationale pour la démocratie qui s'occupe des groupes ethniques.
M. Svend Robinson: Permettez-moi de vous interrompre, je comprends la participation de l'ACDI. Je parle ici de la reconnaissance politique, ce qui n'a rien à voir...
Mme Ingrid Hall: Je me suis engagée à vous faire rapport de la situation.
M. Svend Robinson: ... et Mme Hall va nous revenir avec ces données. Si ces contacts de haut niveau n'ont pas encore eu lieu, j'encouragerais fortement les intéressés à tout faire pour qu'ils aient lieu.
En ce qui concerne les investissements au Myanmar et les sanctions relatives aux investissements, il apparaît clairement que les mesures adoptées en 1997 n'ont pas porté fruit, puisque les exportations du Myanmar à destination du Canada ont considérablement augmenté. Pourquoi le gouvernement du Canada n'impose-t-il pas des sanctions liées à l'investissement?
Mme Susan Brown: En vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, il est possible d'imposer des sanctions dans un ou deux cas particuliers: lorsqu'une organisation internationale le recommande, qu'il s'agisse du Commonwealth ou du Conseil de sécurité NU, ou lorsqu'il y a rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales. Une rupture qualifiée de sérieuse l'est effectivement et correspond pratiquement à une situation de guerre.
Quand les avocats ont examiné la question, ils ont déterminé que ce seuil n'avait pas été atteint en Birmanie. Les avocats du MAECI et ceux des Amis de la Birmanie se sont rencontrés pour discuter abondamment de la question. C'est un des rares aspects sur lesquels nous et les Amis de la Birmanie divergeons d'opinions.
M. Svend Robinson: Quand la Loi sur les mesures économiques spéciales a-t-elle été appliquée? Dans quel pays l'a-t-elle été?
Mme Ingrid Hall: De façon unilatérale, je n'en connais aucun.
M. Svend Robinson: Donc, la loi n'a jamais été appliquée pour cette raison en particulier.
Mme Ingrid Hall: De façon unilatérale, je ne crois pas.
M. Svend Robinson: Malgré les horribles violations des droits de la personne, le million et demi de gens, le ministère est toujours d'avis que le seuil n'est pas atteint.
Mme Ingrid Hall: Concernant une crise grave, oui.
M. Svend Robinson: Je vois.
Connaissons-nous le nom des sociétés qui investissent en Birmanie, qui importent et exportent?
Mme Ingrid Hall: Pour ce qui est des importateurs, non.
M. Svend Robinson: Nous ne connaissons pas les noms des importateurs. La politique actuelle ne nous permet-elle pas de les obtenir?
Mme Ingrid Hall: J'ai demandé. Ce sont des consommateurs. Il faut examiner ce qu'on peut faire dans le cas de consommateurs. Nous avons été très surpris de constater que les chiffres avaient augmenté. Nous nous attendions à ce que ce soit le contraire. Nous avons jugé important de les présenter, parce que cela aurait dû être le contraire et que ce n'est pas le cas.
M. Svend Robinson: Je suis d'accord. Mais nous importons pour 11 millions de dollars de poissons, de crustacés, de mollusques et autres invertébrés aquatiques. Le ministère n'a-t-il pas un moyen de savoir qui sont ceux qui importent?
Mme Ingrid Hall: Au fur et à mesure que nous apprenons leur identité, nous les appelons normalement, pour leur expliquer quelle est la politique gouvernementale du Canada.
M. Svend Robinson: Donc, vous dites que vous les connaissez.
Mme Ingrid Hall: Nous le savons si l'information nous est communiquée. Mais nous n'avons aucun moyen de le savoir automatiquement.
M. Svend Robinson: Le ministère peut-il fournir au moins la liste de ceux qu'il connaît, autant ceux qui importent que ceux qui exportent?
Mme Ingrid Hall: Je peux demander aux responsables du secteur commercial. Oui, je suis prête à le leur demander.
M. Svend Robinson: Je pense qu'il serait utile que les Canadiens sachent qui est en fait...
Mme Ingrid Hall: Je vais demander ce qu'ils savent.
M. Svend Robinson: Et que leurs noms soient fournis au comité. C'est ce que vous allez faire?
Mme Ingrid Hall: Oui.
M. Svend Robinson: Ma dernière question—désolé avant de...
La présidente: Pourriez-vous poser votre dernière question la prochaine fois? Nous reviendrons à vous dans un moment.
M. Svend Robinson: Non, j'aimerais finir. Nous avons des chiffres pour la première moitié de 1999 pour les exportations, mais pas pour les importations. Je me demande si ces chiffres existent.
Mme Ingrid Hall: Pour la période allant de janvier à juin, la valeur des importations est de 13,7 millions de dollars.
M. Svend Robinson: Oh, je m'excuse. D'accord.
La présidente: Merci.
Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): J'ai examiné les chiffres. Si j'ai compris votre exposé—et je suis un petit peu plus naïve ou moins informée que M. Robinson sur la Birmanie—vous avez retiré la protection tarifaire en présumant que...
Mme Ingrid Hall: Les prix monteraient et que les consommateurs n'achètent pas.
Mme Eleni Bakopanos: C'est exact. Le total des importations de janvier à juin est à peu près deux fois moindre qu'en 1998, soit 13 719 millions de dollars par rapport à 22 945 millions. Est-ce parce que la demande de produits a augmenté? Disons, par exemple, que nous avons des problèmes qui font que nous avons moins de crevettes au Canada et que, par conséquent, nous...
Mme Ingrid Hall: Nous n'avons pas de réponse à cela. Nous nous attendions à ce que les importations diminuent. Notre objectif...
Mme Eleni Bakopanos: A-t-on quand même cherché à savoir pourquoi la demande augmente? La demande augmente toujours même si les prix montent. Sait-on pourquoi il en est ainsi?
Mme Ingrid Hall: Non.
Mme Eleni Bakopanos: Bien. Ce serait utile de le savoir.
Mme Ingrid Hall: Ce qui se passe est contraire à ce à quoi nous nous attendions.
Mme Eleni Bakopanos: Les importations ont quand même augmenté seulement de 15 p. 100, d'après vos notes. Ce n'est pas acceptable, mais...
Mme Ingrid Hall: Nous nous attendions à ce que les importations diminuent.
Mme Eleni Bakopanos: Dans quelle proportion? Quinze pour cent n'est toujours pas acceptable, comme M. Robinson l'a indiqué...
Mme Ingrid Hall: Nous nous attendions à ce que les exportations diminuent.
Mme Eleni Bakopanos: D'accord, mais avez-vous...
Mme Ingrid Hall: Les consommateurs veulent habituellement payer moins cher et non plus cher.
Mme Eleni Bakopanos: D'accord.
Dans le document d'information que vous nous avez fourni, on indique que, le 29 juillet dernier, M. Axworthy a présenté une liste de huit propositions. A-t-on donné suite à l'une ou l'autre de ces propositions?
Mme Ingrid Hall: Tout ce qu'on a fait, c'est permettre au Comité international de la Croix-Rouge...
Mme Eleni Bakopanos: A-t-il été autorisé à entrer?
Mme Ingrid Hall: ... de visiter des prisonniers et de retourner dans le pays. Les visites de suivi sont importantes, parce que cela signifie que les prisonniers ne sont pas menacés. Mais c'est le seul changement qui a été apporté.
Mme Eleni Bakopanos: J'aimerais revenir sur une question qui a été posée plus tôt au sujet du dialogue engagé par le ministère. Indépendamment de l'aspect politique, parce qu'il y a une différence à faire entre M. Axworthy et le ministère, a-t-on engagé le dialogue avec le Comité représentant le Parlement du peuple et son chef? A-t-on discuté avec des représentants, officiellement ou non, en Birmanie ou à l'extérieur du pays?
Mme Ingrid Hall: Ces représentants se trouvent à l'extérieur de la Birmanie, et les rencontres ont lieu à l'extérieur du pays.
Mme Eleni Bakopanos: Avons-nous des contacts avec eux? C'est ce que je vous demande.
Mme Ingrid Hall: Oui.
Mme Eleni Bakopanos: Le ministère les rencontre et vous discutez effectivement de leurs besoins et de la façon dont nous pouvons continuer de collaborer.
Mme Ingrid Hall: Oui.
Mme Eleni Bakopanos: C'est bien.
Nous allons apparemment obtenir un exemplaire du rapport du rapporteur spécial des Nations Unies. Vous pourriez peut-être nous le fournir. Je suis sûre que le ministère en a des exemplaires.
Mme Ingrid Hall: On peut aussi le trouver sur Internet.
Mme Eleni Bakopanos: Bien. Ce serait donc la même chose. Ce serait...
Mme Ingrid Hall: Ce serait exactement la même chose.
Mme Eleni Bakopanos: J'ai lu, dans un des documents que vous nous avez fournis au sujet du trafic des stupéfiants, que des représentants de la GRC et du ministère vont accompagner des représentants de l'ONU. J'essaie de trouver où j'ai lu cela.
Une voix: C'est à la deuxième page.
Mme Eleni Bakopanos: Oui. Il y a une visite le 19 novembre. S'agit-il de visites régulières?
M. Philip Pinnington: Non. C'est une visite spéciale que le PNUCID a organisée. Ce n'est pas une visite guidée, organisée par le régime en place. On veut montrer la situation aux gens. C'est dans la région de Wa que le PNUCID met en oeuvre des projets de développement alternatif. On veut montrer la production et la situation sur le terrain.
Mme Eleni Bakopanos: Mais nous sommes aussi invités par les Nations Unies ou d'autres organisations à participer...
M. Philip Pinnington: Nous le sommes, oui.
Mme Eleni Bakopanos: ... et nous y allons habituellement, d'après ce que je lis dans votre documentation.
M. Philip Pinnington: Oui.
Mme Eleni Bakopanos: Merci madame la présidente.
La présidente: Merci.
Monsieur Rocheleau.
M. Yves Rocheleau: J'ai deux questions à poser. On sait qu'il y a des investisseurs canadiens qui investissent en Birmanie. Est-ce qu'à la limite, ces investisseurs peuvent compter sur le soutien de la Société pour l'expansion des exportations?
Mme Ingrid Hall: Il n'y a aucun programme.
[Traduction]
Quelqu'un a posé une question sur les Mines Ivanhoe. L'entreprise est enregistrée à Singapour maintenant.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Pourquoi ne peuvent-ils pas compter sur le soutien de la SEE?
[Traduction]
Mme Ingrid Hall: Nous n'avons aucun programme de soutien gouvernemental.
[Français]
M. Yves Rocheleau: La Société pour l'expansion des exportations aide les compagnies canadiennes à investir à l'étranger, n'est-ce pas? Est-ce que la Birmanie est un cas d'exception? C'est le sens de ma question.
Mme Ingrid Hall: C'est une exception, oui.
M. Yves Rocheleau: Très bien.
Mme Ingrid Hall: Il n'y a aucun soutien.
M. Yves Rocheleau: Vous dites dans votre document:
-
La non-admissibilité au
tarif de préférence général a fait augmenter le coût
des importations en provenance du Myanmar, plus
particulièrement celui des poissons, des fruits de mer
et des vêtements. En dépit de ces mesures, les
importations ont augmenté de 15 p. 100 entre 1997 et
1998.
Comment expliquez-vous ce phénomène-là?
[Traduction]
Mme Ingrid Hall: Nous ne sommes pas capables de l'expliquer. C'est simplement...
[Français]
C'est comme cela.
M. Yves Rocheleau: Eh bien...
Mme Ingrid Hall: Les produits sont plus chers. D'habitude, les choses ne se passent pas comme cela.
M. Yves Rocheleau: Merci.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Robinson.
M. Svend Robinson: Merci.
Évidemment, on aurait pu s'attendre à ce qu'une ou l'autre de ces sociétés importatrices ait une certaine conscience sociale et un certain sens des responsabilités, et qu'elle admette qu'il est immoral de transiger avec ce pays. Ce n'est apparemment pas le cas et c'est pourquoi j'espère que nous obtiendrons ces listes.
Mme Ingrid Hall: Comme je l'ai dit, je vais communiquer avec les intéressés et je vous en donnerai des nouvelles.
M. Svend Robinson: Bien. Je vous remercie.
Le ministre aurait parlé—et je ne suis pas sûr que ce soit les mots qu'il ait employés—de la possibilité de «participer» avec le gouvernement birman aux mesures prises au sujet de la question des drogues. Nous avons entendu Aung San Suu Kyi nous déconseiller fortement de le faire, parce que ce serait inacceptable et déraisonnable. Quelle est la position du gouvernement à ce sujet?
M. Philip Pinnington: Je pourrais peut-être vous l'expliquer de la façon dont, je pense, le ministre l'a expliqué aux Amis de la Birmanie quand il les a rencontrés le 23 août, je crois.
Il ne s'agit pas nécessairement de discuter avec le gouvernement de la Birmanie au sujet des drogues, mais de s'occuper, au niveau régional, du problème des drogues provenant de la Birmanie. C'est ce qui est ressorti des discussions qu'il a eues avec les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'ANASE. Il a indiqué que les discussions avaient beaucoup progressé en deux ans; il y a deux ans, il avait soulevé la question des drogues et personne ne voulait en parler. Aujourd'hui, on est prêt à en parler parce qu'on reconnaît qu'il y a un problème.
Il nous a demandé d'examiner comment nous pouvons travailler au niveau régional et de façon multilatérale pour régler ce problème, en collaboration avec les pays membres de l'ANASE.
M. Svend Robinson: Et bilatéralement?
M. Philip Pinnington: Nous parlons aux représentants du régime par l'entremise des agents de liaison. Les agents politiques se rendent sur place pour discuter du problème des drogues. Nous n'avons pas l'intention de collaborer avec eux à la réalisation de projets ou de quoi que ce soit du genre.
M. Svend Robinson: À la fin de votre exposé, vous avez dit que le ministre birman des Affaires étrangères avait déclaré que son pays voudrait collaborer avec la communauté internationale sur la question des stupéfiants, et que nous allions mettre cette intention à l'épreuve. Cela me semble être un engagement à l'égard du régime birman, un régime illégal, sur la question des drogues. Les Amis de la Birmanie, Aung San Suu Kyi et d'autres nous disent de ne pas faire cela.
M. Philip Pinnington: Je pense pouvoir dire que ce n'est pas notre intention. Nous n'avons pas l'intention de travailler avec le gouvernement de la Birmanie. Il reste que, quand nous participons aux assemblées de l'ANASE, nous sommes assis à la même table que les Birmans. Si la Birmanie veut se servir de son adhésion à l'ANASE pour légitimer son régime, et si elle veut obtenir l'aide internationale pour régler le problème des drogues, notre intention est de mettre le gouvernement à l'épreuve au sujet des engagements déjà pris dans le cadre de l'ANASE.
M. Svend Robinson: Étant donné qu'ils sont de mèche avec les trafiquants et les producteurs eux-mêmes, c'est une drôle de façon de les mettre à l'épreuve, je trouve.
Pour ce qui est de la loi du Massachusetts, j'aimerais obtenir une précision. Je sais que les règles sur la passation des marchés ne s'appliquent pas aux provinces et aux municipalités en vertu de l'accord relatif aux marchés publics. Je me demande si le gouvernement fédéral est obligé de respecter la politique fédérale sur la passation des marchés.
Mme Ingrid Hall: Oui, il est obligé.
M. Svend Robinson: C'est oui. Donc, si le gouvernement du Canada voulait appliquer une politique semblable à celle adoptée par l'État du Massachusetts, pour refuser de conclure des marchés avec certaines des entreprises qui, sans moralité, transigent avec le régime illégitime de la Birmanie, il ne pourrait pas le faire en raison des obligations qui nous lient à l'OMC, si j'ai bien compris. Est-ce exact?
Mme Ingrid Hall: Nous n'agissons pas unilatéralement.
M. Svend Robinson: Donc, j'ai raison. Ce serait rejeté conformément aux règles de l'OMC en vigueur. Est-ce exact?
Mme Ingrid Hall: Nous n'agissons pas unilatéralement.
M. Svend Robinson: Nous ne pourrions donc pas prendre l'initiative d'adopter une politique semblable.
Mme Ingrid Hall: Non.
M. Svend Robinson: Et nous ne pourrions pas le faire en raison des règles de l'OMC.
La présidente: Je crois qu'aucune décision n'a été rendue à ce sujet.
Une voix: Par le groupe spécial de l'OMC.
La présidente: Le groupe a été suspendu.
M. Svend Robinson: La note d'information indique que le Canada n'a pris aucun engagement s'appliquant aux marchés des provinces et des municipalités. Par hasard, ce que la note d'information oublie d'indiquer—et j'imagine que c'est bien involontairement—c'est que le gouvernement du Canada est lié par l'accord sur les marchés publics. C'est un oubli assez important, d'après moi.
Merci.
La présidente: Pourrions-nous avoir des précisions à ce sujet?
M. Svend Robinson: Nous en avons eu. Le Canada est...
La présidente: Le Canada est lié.
M. Svend Robinson: ... lié par cela, et si nous voulions mettre en oeuvre la politique adoptée par l'État du Massachusetts au niveau fédéral, nous ne pourrions pas le faire aux termes des règles de l'OMC.
La présidente: Êtes-vous d'accord avec cela?
Mme Ingrid Hall: Je dirais que nous nous opposerions à une mise en oeuvre unilatérale, comme nous nous sommes opposés à la mise en oeuvre des sanctions de la loi Helms-Burton contre Cuba par les États-Unis. Nous n'aurions pas d'objection si cela était fait de façon multilatérale.
M. Svend Robinson: Justement. C'est ce que je dis. Si le Canada voulait le faire, il ne le pourrait pas.
La présidente: Merci.
M. Svend Robinson: Merci.
La présidente: Monsieur Pinnington, j'aimerais parler du problème des drogues et de l'intervention du PNUCID en Birmanie. Que fait exactement le PNUCID en Birmanie? En quoi consiste le programme de lutte contre les drogues? J'ai entendu des critiques à ce sujet. J'ai entendu dire que les fonds servaient à améliorer le réseau routier pour aider la police à arrêter les narcotrafiquants, mais que les routes facilitaient en fait l'accès des membres du SLORC dans les villages, où ils persécutent les gens. J'aimerais donc que vous me disiez quels sont les aspects positifs du PNUCID.
M. Philip Pinnington: Le PNUCID met en oeuvre essentiellement deux projets qui sont actuellement en cours. L'un porte sur le développement alternatif ou la substitution des récoltes. L'autre en est un d'aide aux enquêtes sur les récoltes. À ma connaissance, l'infrastructure est améliorée dans le cadre du premier projet. Le projet de développement alternatif aide les gens à trouver une autre source de revenu que la culture d'un produit qui peut servir à la fabrication de drogues. Il faut pouvoir leur montrer à cultiver autre chose. Il faut pouvoir mettre sur pied de nouveaux réseaux de distribution. Malheureusement, la pâte d'opium, tout comme le coca, est un produit très facile à transporter. On peut donc transporter la pâte d'opium brut sur son dos. Pour cultiver autre chose, comme des choux, il faut se doter de l'infrastructure nécessaire pour la mise en marché du produit.
Je dois dire, cependant, que les projets du PNUCID mis en oeuvre à cinq endroits dans la région de Wa sont très modestes. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais je ne crois pas qu'ils engagent plus de 1,5 million de dollars U.S. Ce n'est pas beaucoup d'argent. C'est très modeste. Je ne peux voir comment ces fonds peuvent vraiment servir à améliorer l'infrastructure de façon à appuyer directement le régime. Je suis convaincu que ce n'est pas possible. Mais l'intention est d'essayer de montrer aux gens comment cultiver autre chose qui soit vendable de façon à remplacer le revenu qu'ils tirent de la culture du pavot.
La présidente: Cependant, je pense que nous savons tous qu'une industrie de la drogue de cette envergure n'est pas possible sans la collaboration des pouvoirs du pays. Le SLORC ne peut absolument pas dire qu'il ne profite pas directement du trafic des stupéfiants en Birmanie.
Nous parlons de la participation d'un gouvernement. Il me semble que ce n'est pas vraiment la population qui doit être encouragée à cultiver autre chose, parce qu'elle ne profite pas autant de ces cultures que le gouvernement. Alors, comment inciter le SLORC à abandonner le trafic des drogues?
M. Philip Pinnington: Le Canada n'est pas en mesure de proposer des incitatifs au SLORC ou à n'importe qui d'autre à ce sujet. Notre contribution totale au PNUCID, cette année, a été de 1 million de dollars. Cela ne nous permet pas de prendre beaucoup d'initiative.
Pour ce qui est de savoir si le gouvernement est impliqué dans le trafic de stupéfiants, il y a bien assez de preuves nous permettant de le croire. J'aimerais simplement signaler que les Américains, qui adoptent plutôt la ligne dure, n'avoueront pas clairement qu'ils ont la preuve que c'est le cas même s'il est évident que, dans certaines régions, des officiers de l'armée profitent du trafic. C'est aussi un problème pour les relations entre le gouvernement central et les groupes ethniques dans les régions. Tacitement, le trafic des stupéfiants est autorisé pour le maintien de la paix. C'est une situation très compliquée.
Les projets du PNUCID sont, comme je l'ai dit, modestes. C'est une façon de montrer ce qu'on pourrait faire. Pour ce qui est de savoir si ces initiatives ont du succès, les responsables prétendent qu'elles ont permis de réduire la production, mais les chiffres indiquent que la situation est restée la même dans l'ensemble—ce sont les conditions climatiques qui ne sont pas favorables à la culture de l'opium.
Pour répondre à votre question sur ce que nous pouvons faire pour convaincre les gens d'abandonner le trafic des drogues, il n'y a probablement pas beaucoup de projets qui peuvent être mis en oeuvre à ce sujet. Mais ce n'est pas ce qui nous intéresse. Le Canada n'a jamais participé à des programmes de développement alternatif, que ce soit en Birmanie ou ailleurs dans le monde. Ce n'est pas notre intention de le faire. Nous n'avons pas les ressources voulues pour influencer de façon importante le trafic de stupéfiants. Comme je l'ai déjà dit, ce que nous voulons faire, c'est mettre à l'épreuve la légitimité que le gouvernement de la Birmanie pourrait avoir ou chercherait à avoir au sein de l'ANASE en indiquant à la Birmanie et à l'ANASE qu'elles se sont engagées à éliminer les drogues de la région et que la Birmanie ne respecte pas son engagement.
La présidente: Merci.
Madame Brown.
Mme Susan Brown: J'aimerais répondre à une question que vous avez posée à Mme Harmston plus tôt au cours de la séance, quand vous avez voulu savoir si la recommandation formulée par le comité permanent pour que le gouvernement du Canada et l'ACDI intensifient leurs activités en Birmanie avait entravé l'accès de son organisme à une aide financière. Je peux vous dire que, pour l'ACDI, la recommandation du comité nous a été présentée dans la documentation de l'organisme. Elle a été bien accueillie par le comité interministériel et l'appui du comité a justement contribué à l'établissement du fonds de consolidation de la paix.
La présidente: Merci.
Nous n'avons plus de temps. Je vous remercie de vos témoignages. La séance est levée.