TRAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT
LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 17 novembre 1999
Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bon après-midi, chers collègues. Je déclare la séance ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons une étude sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada.
Cet après-midi, nous avons une vidéoconférence, c'est-à-dire que nous allons nous entretenir avec quelqu'un qui est très loin, par l'entremise du téléphone et de la télévision. Notre premier témoin est M. Herschel Hardin, expert-conseil chez Herschel Hardin Associates. Nous entendrons également des témoins à 16 h 15 et à 17 heures.
Vous devrez être compréhensifs, en ce sens que je devrai peut- être vous interrompre pendant la période des questions. Nous devrons nous en tenir strictement à l'horaire, parce qu'il y a un vote et à cause des contraintes des téléconférences.
• 1535
N'oubliez pas que c'est l'heure du déjeuner là où se trouve M.
Hardin. Je signale aussi qu'il faut éviter de faire trop de chahut
dans la salle, parce que M. Hardin pourrait avoir de la difficulté à
nous entendre et nous aurions aussi de la difficulté à l'entendre.
Mais de son côté, il semble assis tout seul dans une salle très
tranquille.
Il y a par ailleurs un décalage sonore. Vous devrez attendre qu'il ait tout à fait terminé de parler avant de lui poser votre question suivante, sinon vous risquez d'empiéter l'un sur l'autre.
Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue à M. Hardin au Comité permanent des transports.
M. Herschel Hardin (expert-conseil, Herschel Hardin Associates): Merci beaucoup.
Bonjour à tous, mesdames et messieurs les membres du comité.
[Français]
Bonjour. Ça me fait grand plaisir de vous parler cet après-midi.
[Traduction]
Je dois préciser qu'il y a une grue de chantiers qui pivote à ma droite; par conséquent, si je jette un coup d'oeil à ma droite, ce n'est pas parce que je veux éviter le contact visuel avec vous, mais parce que je me demande si je devrais tenter d'esquiver.
Le président: Très bien. Attendez seulement que l'on commence à vous poser des questions, monsieur Hardin. Vous aurez peut-être à esquiver...
M. Herschel Hardin: Je devrais peut-être sauter sur cette grue quand elle passe devant moi.
Le président: Vous avez de 10 à 12 minutes pour faire votre exposé.
M. Herschel Hardin: Je devrais peut-être donner quelques précisions sur moi-même. Je suis un auteur et seulement à l'occasion expert-conseil. Je m'intéresse depuis très longtemps au transport aérien, en fait depuis au moins 25 ans. En 1974, j'ai écrit un livre intitulé A Nation Unaware, qui traitait de l'économie politique canadienne. Il y avait un chapitre sur le monopole intérieur des lignes aériennes Trans-Canada et sur le modèle monopolistique.
Quelque temps plus tard, en 1989, j'ai écrit un livre sur le fondement idéologique du mouvement en faveur de la privatisation, et ce livre comportait un chapitre sur la privatisation d'Air Canada. J'ai aussi écrit de temps à autre de courts articles sur notre dilemme dans le domaine du transport aérien.
En tant qu'auteur, j'ai aussi fait des travaux importants sur le monde des affaires et le secteur privé, en particulier aux États-Unis en ce qui a trait à la réglementation, et aussi sur l'investissement et l'entreprise, non seulement en Amérique du Nord, mais aussi en Grande-Bretagne, en Europe occidentale et au Japon.
Il se trouve que je siège aussi au conseil d'administration d'une grande entreprise, nommément la Société d'assurance de la Colombie-Britannique, mais je dois ajouter que le point de vue que je vais formuler cet après-midi est strictement le mien.
Ce que je voudrais faire à l'intention du comité cet après- midi, c'est de vous amener à aller au-delà du dogme établi à notre époque, plus particulièrement le dogme de la libre concurrence dans toutes les situations; plus précisément, je voudrais vous amener à aller au-delà du tabou contre la propriété d'État et les entreprises étatiques dans notre pays. Je veux aussi vous amener à voir clair dans les péripéties, effets de scène et tâtonnements dont nous avons été témoins ces derniers mois.
Je voudrais que le comité s'en tienne exclusivement à l'analyse de rentabilité, en particulier l'analyse qui plaide éloquemment en faveur de l'existence d'un seul transporteur national intégré appartenant à l'État au Canada. C'est la seule structure qui est logique au Canada.
En quoi consiste cette analyse de rentabilité? Si vous avez lu mon document, et j'espère que vous l'avez lu, vous comprendrez que le principal élément qui entre en ligne de compte dans le transport aérien est le coefficient d'occupation, autrement dit l'utilisation de la capacité. Un monopole permet de contrôler tous les vols, les horaires et le matériel et de régler la capacité en fonction de la demande de façon optimale.
Deuxièmement, un monopole permet la répartition optimale des heures de vol et de tirer profit des économies d'échelle réalisées grâce à un avion plus gros. De même, il est possible d'optimiser les interconnexions des routes intérieures et internationales. Tout cela se traduit par des tarifs plus bas et un meilleur service. Cela se traduit par des tarifs plus bas et un meilleur service si l'on franchit en toute logique l'étape suivante, c'est-à-dire la propriété d'État, parce que seule la régie publique peut protéger les voyageurs aériens contre des tarifs exorbitants.
C'est le principal argument, mais je voudrais aborder certains aspects du modèle du monopole étatique que je présente cet après- midi.
• 1540
Premièrement, la réglementation du transporteur monopolistique privé
ou du transporteur dominant privé ne fonctionnera tout simplement pas
dans cette situation. Elle ne tient pas compte de la capacité d'un
puissant acteur de manipuler l'organisme de réglementation. Dans le
jargon des économistes, cela s'appelle l'échec de la réglementation.
Deuxièmement, un monopole public, paradoxalement, renforce la concurrence. Au Canada, le monopole est un point de repère qui permet de focaliser la concurrence face aux tarifs américains. Bien sûr, le monopole est en concurrence internationalement contre d'autres transporteurs et alliances, mais il bénéficie d'une compagnie aérienne intégrée et plus solide qui lui permet de faire face à cette concurrence.
Nous sommes placés devant deux dynamiques complètement différentes dans cette situation. D'une part, la propriété d'État, qui favorise les voyageurs, et d'autre part, un monopole privé ou un transporteur dominant privé, qui entrave les voyageurs.
Je m'explique. Si la compagnie appartient à des actionnaires privés et est à toutes fins utiles contrôlée par une bureaucratie d'entreprise qui est au service des investisseurs institutionnels, la principale motivation est de maximiser le rendement et donc de fixer les tarifs les plus élevés possible. C'est la principale dynamique dans ce modèle.
Par contre, dans le cas de la propriété d'État, la dynamique interne vise à montrer que tout va bien et donc à faire baisser les tarifs au niveau des Américains et même plus bas, même si l'industrie américaine bénéficie de densités plus fortes. Il y a aussi de très fortes pressions externes qui s'exercent sur un transporteur étatique monopolistique pour qu'il fasse baisser les tarifs. Absolument rien n'incite à augmenter les tarifs le plus possible, tout au contraire.
Vous avez donc deux dynamiques différentes. D'une part, établir les tarifs les plus élevés possible, ce qui correspond à la structure actuelle de la propriété d'Air Canada, si la compagnie devient un transporteur unique et dominant. D'autre part, il y a le transporteur étatisé, dont la principale dynamique vise à faire baisser les tarifs le plus possible. Dans ce cas, on fait concurrence aux États-Unis, tirant profit de notre situation au Canada.
J'ajoute que toute cette situation est perçue comme un dilemme et un problème. Mais si vous êtes prêts à envisager la propriété d'État, cela devient non pas un problème, mais une extraordinaire occasion.
Un autre élément du modèle est l'intégration. L'intégration a sa propre dynamique, utilisant le contrôle sur les vols, les avions et les correspondances pour optimiser l'utilisation de la compagnie aérienne, ce qui aboutit à la baisse des tarifs. Donc l'intégration, loin d'être un aspect négatif parce qu'elle élimine la concurrence sur le marché, est en fait un élément positif extraordinaire parce que cela introduit une dynamique favorable au public voyageur.
Enfin, si le public doit payer la restructuration de notre industrie aérienne, ce qu'il va devoir faire de toute manière, il est à tout prendre préférable qu'il devienne du même coup propriétaire de la compagnie aérienne; autrement, ce sera de l'argent jeté par les fenêtres.
Donc, tout est là: un transporteur unique, optimisation de l'utilisation de la capacité, économies d'échelle grâce aux gros porteurs, et utilisation des liaisons internationales et intérieures, aboutissant à des tarifs plus bas pour le public voyageur, dans le cas de la propriété d'État.
[Français]
Voilà le résultat de l'analyse: une seule ligne aérienne intégrée et, pour qu'elle soit utilisée en faveur des passagers du pays, la possession de cette ligne par le public lui-même. C'est la seule solution qui corresponde à la situation ici, au Canada.
Je pars de l'hypothèse que vous allez prendre ma place, et je vais vous dire pourquoi. Depuis 25 ans, nous entendons de grands discours sur le monde merveilleux de la concurrence, du libre marché et de la déréglementation. Faisons table rase, supprimons tous les obstacles à l'entrée de nouveaux entrepreneurs, et une foule de gens vont se lancer dans le secteur, les tarifs vont baisser et nous serons tous heureux jusqu'à la fin des temps. Tous les universitaires aveugles et dogmatiques, qui étudient le monde des affaires, tous les chroniqueurs des pages financières et aussi—je dois le dire à mon grand regret—presque tous les politiciens, les ministres et les ministres des Transports ont repris en choeur le même discours dogmatique.
Par ailleurs, même si j'ai dû me battre contre des tabous et contre des clichés, je n'ai cessé de maintenir que l'intégration pourrait être bénéfique. En effet, mes affirmations reposaient sur des arguments économiques et sur ce qu'était notre industrie aérienne même. J'ai eu raison, et les autres tort. Il est donc logique que j'aie également raison en poussant mon argument une étape plus loin et en prônant la propriété d'État en me fondant sur d'autres arguments économiques logiques.
Le président: Monsieur Hardin.
M. Herschel Hardin: J'ai raison, car ni dans un cas ni dans l'autre, je ne m'appuie sur des dogmes, de la théorie ou de la spéculation.
Le président: Monsieur Hardin.
M. Herschel Hardin: Merci beaucoup, je répondrai maintenant aux questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hardin. Vous dites partir du principe que nous allons suivre vos conseils. J'ai travaillé aux nouvelles télévisées pendant 16 ans, et j'ai appris très tôt qu'il ne fallait surtout rien tenir pour acquis.
Nous passons maintenant aux questions de mes collègues. Je vous rappellerai de laisser notre témoin s'exprimer jusqu'au bout, sans quoi nous parlerons tous ensemble à cause des contraintes de la technique que nous employons.
La première question sera posée par Val Meredith.
Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, Réf.): Merci, monsieur le président, et je remercie aussi M. Hardin.
M. Herschel Hardin: Bonjour.
Mme Val Meredith: J'imagine que vous ne serez pas surpris de m'entendre vous dire que je ne souscris aucunement à ce que vous avez dit. Les résultats démontreront que le fait d'avoir une société d'État ne fait pas nécessairement baisser les prix. Au contraire, la création de sociétés d'État fait généralement apparaître d'énormes bureaucraties. Témoin, Petro-Canada, qui a réduit sa main-d'oeuvre de 11 000 à 4 600 employés mais qui n'a jamais fait baisser le prix de l'essence à la pompe, faute de véritable concurrence. Témoin, les chemins de fer. Témoin, la société de traversiers BC Ferries, dans mon coin de pays: elle a fait l'objet de très mauvaises décisions de gestion qui ont eu pour conséquence de faire augmenter le prix du billet pour le client.
Je prétends pour ma part que les sociétés d'État ne donnent lieu à aucune concurrence car elles sont protégées. Elles n'ont pas à s'inquiéter de leurs résultats financiers ni de faire des économies, car elles vivent grâce aux largesses des contribuables. Vous constaterez très certainement que ni Petro-Canada, ni les chemins de fer, ni BC Ferries—et je pourrais vous donner une liste encore plus longue—ne sont concurrentielles, qu'elles ne cherchent pas à faire baisser les prix et qu'elles ne sont pas non plus efficientes.
Par conséquent, je ne vous appuierai certainement pas dans votre désir de revenir en arrière et de demander aux gouvernements et aux contribuables de prendre à leur charge certaines industries telle que l'industrie aérienne.
À l'aube du XXIe siècle, le monde entier semble se diriger vers la concurrence, la privatisation, l'efficience, une bonne prestation de services et la compétitivité.
Je n'appuierai pas un seul instant vos recommandations. Vous pouvez réagir à mon commentaire, si vous le voulez.
Le président: Merci, madame Meredith.
M. Herschel Hardin: Je me demandais si vous m'aviez posé une question.
Il n'y a certainement pas de concurrence actuellement dans l'industrie aérienne, sauf peut-être entre de très grandes alliances. C'est l'intégration qui permet à l'industrie aérienne de réaliser des économies, et c'est pourquoi la tendance continue à être à l'intégration, contrairement à ce que vous venez d'affirmer au sujet des 20 ou 25 dernières années.
En ce qui concerne les différences qui existeraient dans les économies que réaliseraient les sociétés d'État par rapport à celles que réaliseraient les sociétés privées, tout dépend de la façon dont vous choisissez vos arguments. J'ai déjà écrit un livre là-dessus, appelé The Privatization Putsch, et moyennant 30 $, je vous en enverrai volontiers un exemplaire.
Une voix: Çà, c'est du capitalisme.
M. Herschel Hardin: Les entreprises publiques et les sociétés d'État ont vécu de grandes compressions et affiché des gains d'efficacité, au gré des diverses gestions d'entreprise. Les lignes aériennes Trans-Canada, qui avaient le monopole au Canada, étaient une compagnie aérienne superbe et extrêmement efficace, et Air Canada qui est à son tour un transporteur d'État dans un marché relativement concurrentiel, était également une très bonne compagnie aérienne. Il existe d'excellents modèles de monopole d'État. Ainsi, l'assurance-automobile est beaucoup plus efficace dans un régime de monopole d'État que si elle était confiée au secteur privé. Il en va de même pour nos régimes de soins médicaux, même si l'on déborde dans ce cas du secteur des entreprises.
• 1550
C'est une question importante et je vous remercie de l'avoir posée,
car je pense que c'est le véritable problème: un filtrage idéologique
pour écarter les entreprises étatiques et un choix sélectif
d'exemples. Quand j'ai étudié la question, je suis retourné au début
du mouvement de privatisation, en Grande Bretagne sous Margaret
Thatcher, et j'ai découvert qu'il n'y avait aucune raison pratique
justifiant la privatisation généralisée, que c'était fondé sur des
bases idéologiques.
Je vais replacer les choses dans leur contexte.
Le président: Vous avez 30 secondes, monsieur Hardin.
M. Herschel Hardin: Oui. On a fait la comparaison entre la Grande Bretagne, l'homme malade de l'Europe, et la France et l'Allemagne, miracles économiques. La différence s'expliquait en grande partie par l'industrie de l'automobile et ses retombées. C'était la différence entre les trois pays. En France et en Allemagne, les grandes compagnies d'automobile, Volkswagen et Renault respectivement, appartenaient à l'État. En Grande-Bretagne, British Leyland, qui était un échec lamentable, appartenait à des intérêts privés.
Par conséquent, si vous tenez compte de l'ensemble du contexte historique, vous verrez que les entreprises d'État ont joué un rôle dynamique et créateur dans le développement des économies occidentales. Je répète que je suis tout disposé à vous donner un exemplaire de mon livre.
Une voix: Non, merci.
Le président: Merci, monsieur Hardin.
Monsieur Sekora.
M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Je me demande bien ce que vous avez mis dans le thé que vous avez bu cet après-midi.
Montrez-moi une seule entreprise qui ait connu beaucoup de succès après que le gouvernement s'en soit mêlé. Montrez-moi une entreprise qui a eu du succès après que le gouvernement s'en soit emparé, à part peut-être les magasins d'alcools et tout ce qui se passe en Colombie-Britannique. Si un homme d'affaires s'en occupait, l'affaire aurait probablement deux fois plus de succès.
M. Herschel Hardin: Allons donc, monsieur Sekora.
M. Lou Sekora: Eh bien, dites-moi. Je vous écoute.
M. Herschel Hardin: Trans-Canada et aujourd'hui Air Canada sont d'excellentes compagnies aériennes. Le CN était une très bonne compagnie de chemin de fer, plus ou moins selon la période envisagée. J'ai étudié l'histoire du CNR et j'ai fait des analyses comparatives.
L'assurance-automobile est un autre cas. Prenons les compagnies qui ont été privatisées tout récemment. Les compagnies de téléphone du Manitoba et de la ville d'Edmonton étaient efficaces, dynamiques, créatrices. Elles n'ont pas été privatisées parce qu'elles étaient inefficaces; elles ont été privatisées pour des raisons idéologiques.
M. Lou Sekora: Que je sache, l'association de l'automobile n'a pas tellement de succès sous la direction du gouvernement. Je n'ai pas vu de succès éclatant... Par exemple, l'ambulance aérienne, dans laquelle on a englouti des millions de dollars. Est-ce efficace?
On peut en discuter ad nauseam, mais laissez-moi vous dire, monsieur Hardin, que je suis de la Colombie-Britannique et que vous ne réussiriez même pas à m'entraîner dans une discussion sur la possibilité que le gouvernement fédéral engloutisse des millions de dollars dans un trou sans fond, dans un véritable trou noir, et fasse payer les contribuables à perpétuité.
Je pense donc que nous sommes en désaccord, vous et moi; cela dit, vous ne m'entraînerez pas sur ce terrain.
M. Herschel Hardin: Puis-je répondre, monsieur le président?
Le président: Oui, monsieur Hardin, allez-y.
M. Herschel Hardin: Très brièvement, les tarifs d'assurance-automobile les plus bas au Canada sont en Saskatchewan, au Manitoba et en Colombie-Britannique. Ce sont des compagnies étatiques jouissant d'un monopole partiel. Le ratio des dépenses de fonctionnement de la compagnie d'assurance de la Colombie-Britannique est la moitié du ratio moyen des dépenses d'exploitation des compagnies privées dans l'industrie de l'automobile.
Maintenant, monsieur Sekora, je ne vais pas vous convertir, pas plus que Mme Meredith, si vous refusez d'examiner les faits. Je n'y peux rien. Mais je voudrais que le comité accepte la possibilité que la propriété d'État soit la meilleure solution possible, et que vous preniez le temps d'examiner la question.
Le président: Monsieur Hardin.
M. Herschel Hardin: C'est ce qui s'en vient: un transporteur unique, un transporteur dominant.
Le président: Bien, monsieur Hardin.
M. Herschel Hardin: Je crois que c'est maintenant quelque chose d'inévitable. Si vous êtes le transporteur dominant, que ferez-vous désormais? Est-ce que la propriété demeurera comme celle d'Air Canada actuellement, ce qui peut être catastrophique pour les voyageurs, ou en faites-vous une propriété de l'État, dont la dynamique favoriserait le public voyageur?
Le président: Merci, monsieur Hardin.
On pourrait maintenant prendre l'exemple du CN, qui perdait 100 millions de dollars par an avant sa privatisation et qui rapporte maintenant 600 millions de dollars par an, avec le nouveau régime.
M. Michel Guimond, s'il vous plaît.
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur Hardin, je vous remercie de votre présentation. Je vais tenter de demeurer serein face à votre présentation.
N'êtes-vous pas d'avis que votre proposition va un peu à contre-courant? Dans ma circonscription, il y a les chutes Montmorency, dont la hauteur dépasse de 30 pieds celle des chutes Niagara. J'ai l'impression que vous êtes dans une petite chaloupe qui s'en va directement vers les chutes et que vous ramez à contre-courant. J'ai donc de la difficulté à comprendre votre présentation.
Cependant, je respecte l'opinion que vous exprimez parce qu'elle est issue de vous. Notre comité entend des témoignages afin de connaître l'opinion de différentes personnes, et je vous remercie de votre présentation.
Si notre comité appuyait votre présentation, cela voudrait dire qu'il juge que la décision qu'on a prise récemment en Angleterre au sujet de la privatisation de British Airways était mauvaise. Cela représenterait également un aveu de l'échec du gouvernement de l'époque qui avait privatisé Air Canada. Autrement dit, vous nous demandez ni plus ni moins de faire un pas en arrière.
[Traduction]
M. Herschel Hardin: Parlons d'abord de votre exemple des chutes. Nous sommes en haut des chutes et bien entendu, je rame à contre-courant. Je ne veux pas tomber dans la chute et je veux vous empêcher, et empêcher le pays, de prendre une décision qui aurait des effets désastreux.
Oui, je crois que la privatisation d'Air Canada était une erreur.
Pensez-y. Vous avez dit que j'allais contre le courant, et c'est vrai. On a dit que c'était une opinion différente, et vous êtes un peu étonnés parce qu'il y a toujours eu comme un tabou qui empêchait qu'on parle de rentabilité. Je voudrais que le comité aille plus loin et considère en détail le fonctionnement de l'industrie aérienne, l'histoire des sociétés d'État au Canada, et qu'il prenne une décision en fonction de ce qui semblera manifestement le plus rentable. Si vous allez jusque-là, je crois fermement qu'après avoir pensé aux différentes options, après avoir surmonté le tabou, vous verrez qu'en pratique il est économiquement sensé de suivre ma recommandation.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Guimond.
M. Murray Calder, s'il vous plaît.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est très intéressant, monsieur Hardin. Je lis ce document rapidement. Je pense que je vais vous parler un peu de moi. Je faisais partie du groupe de travail sur le CN, en 1995, lors de la privatisation de l'entreprise. Le Canadien National a été créé en 1934, et de 1934 à 1995, 100 milliards de dollars des contribuables ont été engloutis par une entreprise qui avait à l'époque une valeur comptable d'environ 5 milliards de dollars et qui avait une dette de 2,5 milliards de dollars. Il a fallu vendre des biens immobiliers pour obtenir une cote de crédit triple-B, afin de pouvoir émettre des actions. Voilà l'histoire du CN.
• 1600
Vous m'intéressez, toutefois, puisque vous dites des choses
qui ressemblent à ce que j'ai entendu ailleurs.
Vous parlez d'un transporteur public monopoliste, donc d'un seul transporteur aérien au Canada. Vous dites que le coefficient d'occupation a son importance puisque les avions seraient remplis presque à capacité, ce qui donnerait une utilisation optimale du matériel.
Le comité a reçu pour tâche, d'abord, de voir si l'on pourrait trouver une vision de ce que sera le système des lignes aériennes pour voyageurs, au Canada, à l'avenir, puis, une fois trouvée cette vision, de l'encadrer d'une politique permettant de l'actualiser. J'aimerais que vous nous disiez ce que nous devrions faire pour élaborer des politiques destinées à un transporteur aérien unique. Que ce soit une société publique ou privée, cela relèverait... Mais quel genre de politique envisageriez-vous pour y arriver?
M. Herschel Hardin: Votre commentaire a en fait deux volets, et j'y répondrai.
La création du CN remonte en fait aux années 20, et non aux années 30. L'entreprise a connu des périodes de grande productivité, surtout pendant la Seconde Guerre mondiale, et pendant les années 20, avant l'effondrement de l'économie. Mais il faut aussi se rappeler, quand vous parlez du CN, que la loi l'obligeait à maintenir des embranchements inefficaces ou qui n'étaient tout simplement pas suffisamment productifs, tout en étant très coûteux.
Ces coûts n'étaient pas attribuables aux décisions du CN, mais aux politiques publiques. Si on fait une comparaison des rendements des chemins de fer dans les années 70, en tenant compte de l'obligation du CN de garder ouverts ces embranchements, et en faisant les rajustements nécessaires, on constate que le CN se place très bien parmi les chemins de fer d'Amérique du Nord.
On ne peut donc pas faire de déclaration globale sur le rendement d'une entreprise sans considérer les détails, la conjoncture faisant qu'une entreprise obtient tels ou tels résultats.
À propos des recommandations que pourrait faire le comité, je ne peux que me répéter. À propos de l'intégration, pas pour 100 p. 100 de la capacité, puisqu'il faut tenir compte du service et de l'utilisation maximale de la capacité—je parle de l'utilisation optimale de la capacité, des horaires, des heures de vol, des aéronefs et des correspondances internationales—, je pense que nous devons tous convenir, désormais, que la seule solution logique, c'est le transporteur intégré unique, ou le transporteur dominant.
Si on accepte cela, une autre question se pose. Et ce n'est pas une petite question secondaire, en passant; c'est une question fondamentale d'orientation qui se pose quand on a cette option. Si vous avez un transporteur dominant ou monopoliste, considérant la dynamique d'un monopole public, en concurrence avec des entreprises étalon américaines, sans motivation à hausser les tarifs, et le transporteur privé qui a tout intérêt à étirer les règlements jusqu'à leurs limites et à hausser les tarifs pour plaire à ses investisseurs institutionnels, je pense que vous constaterez que la solution de la société d'État est très sensée.
Le président: Merci, monsieur Calder. Merci, monsieur Hardin.
Madame Bev Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci, monsieur Hardin. Je tiens à vous dire que j'apprécie que vous nous présentiez un point de vue différent.
Je crois que notre comité, et certainement moi-même, en ma qualité de membre du comité, estimons qu'il serait irresponsable de ne pas entendre toutes les possibilités. Il serait à mon avis irresponsable de dire d'emblée que je ne suis pas prête à le faire, en tant que membre du comité, de m'opposer automatiquement à une idée simplement parce que mon idéologie la rejette. Je veux donc vous remercier d'être venu présenter cette option à tous les Canadiens, afin qu'elle soit envisagée.
Comme vous l'avez dit, en tant que société d'État, Air Canada se débrouillait très bien. Elle était rentable, et ce n'est qu'après sa privatisation qu'elle a commencé à perdre des profits. La concurrence et la déréglementation nous ont menés à cette crise, et je pense qu'il faut penser à des façons de changer le statu quo, afin qu'on ne tombe pas dans les chutes.
• 1605
Je sais que vous avez déclaré que la propriété d'État est la
solution. Vous savez comme moi que les sociétés d'État ne sont pas
très en vogue, même si vos arguments sont très valables. On pourrait
certes prouver que dans bien des cas, les sociétés d'État ont été des
réussites.
Si cette solution était rejetée, en voyez-vous d'autres qui auraient des chances de succès? À votre avis, est-il possible que deux lignes aériennes puissent survivre encore? Pouvons-nous faire quelque chose pour donner à deux lignes aériennes la possibilité de survivre?
M. Herschel Hardin: Les transporteurs qui ont un créneau particulier vont survivre de toute façon, ce n'est donc pas un grand problème. Nous parlons des deux transporteurs principaux. On peut avoir deux transporteurs principaux et leur permettre de hausser leurs tarifs, moyennant quoi ils auront la sécurité financière, et même plus, et pourront verser à leurs administrateurs les salaires imposants auxquels ils s'attendent désormais. On peut avoir tout ça, mais on perdrait l'efficacité qu'apporterait une intégration. Je peux certes l'imaginer, mais qui voudrait le recommander?
Même si l'on pouvait stabiliser Lignes aériennes Canadien et avoir deux grands transporteurs, on se retrouverait encore devant une concurrence factice, ou les deux transporteurs s'entendraient effectivement sur ce que serait la structure tarifaire.
Depuis qu'on a brisé le monopole en 1958, l'histoire de presque toute notre industrie du transport aérien montre que la capacité n'était pas bien utilisée et que les prix étaient beaucoup plus élevés qu'ils n'auraient dû l'être. À mon avis, personne ici ne veut cela. Par contre, le monopole public optimise l'efficience.
Mais j'aimerais répondre à ce que vous avez dit sur l'absence d'un mouvement d'opinion en faveur de cette option. Ce n'est pas surprenant parce que tout le monde a peur d'en parler, tout le monde craint d'enfreindre le tabou. Que l'on commence à en parler; que le comité prenne du temps, qu'il investisse des ressources et qu'il fasse des recherches pour mettre au point un modèle que l'on pourrait ensuite comparer à d'autres possibilités.
Le président: Merci, madame Desjarlais.
Permettez-moi de rétablir un peu les faits. Mme Desjarlais a dit qu'Air Canada gagnait de l'argent et qu'on a eu tort de la privatiser. Il est vrai qu'elle a gagné de l'argent certaines années, mais chaque fois qu'elle avait besoin d'un nouvel aéronef et d'équipement, elle s'adressait au gouvernement du Canada. Voilà pourquoi, lorsque nous avons privatisé cette ligne aérienne, nous avons fait grâce à Air Canada de sa dette, laquelle se situait entre 600 millions et un milliard de dollars.
Il y a donc moyen d'être rentable si on n'a pas à acheter d'équipement. J'en veux pour preuve, bien sûr, la créance élevée à laquelle il a fallu renoncer lorsque Air Canada a été privatisée.
M. Herschel Hardin: L'achat d'équipement est une dépense d'immobilisation, et quand on établit les résultats, j'imagine qu'il faut tenir compte de la dépréciation de cette immobilisation, du coût pour l'actionnaire. Donc, si vous êtes une entreprise privée et que vous émettez des actions, est-ce cela une subvention? Non, c'est un nouvel investissement. Dans le cas de l'État, cela aide à...
Le président: La différence entre votre actionnaire, qui est le contribuable canadien, est mon actionnaire à moi ou quelqu'un d'autre qui croit qu'on ne devrait pas avoir une société d'État, c'est que les actionnaires sont les gens qui investissent à la bourse. Il y a une différence colossale entre nos actionnaires.
Il y a une autre personne qui veut vous poser une question, monsieur Hardin.
Monsieur Bailey.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Réf.): Je suis heureux que vous ayez mentionné ma province, en particulier, ainsi que l'assurance-automobile. Je ne vais pas me lancer dans ce débat, mais j'aimerais parler de ce que vous dites être le grand succès d'Air Canada.
Je vais vous poser la question suivante: Si cette ligne aérienne a connu tant de succès, qu'est-ce qui a donné naissance à des lignes aériennes telles que Wardair, Lignes aériennes Canadien Pacifique et tant d'autres? Cela tenait tout simplement au fait que ce monopole n'assurait pas le service voulu, ce qui a créé une ouverture pour ces entreprises qui voulaient assurer ce service. Un monopole ne garantit pas un service aussi bien que la concurrence. Vous en conviendrez sans doute.
M. Herschel Hardin: Non, je ne suis pas d'accord, parce ce que ce n'était pas le cas.
M. Roy Bailey: Mais si.
M. Herschel Hardin: Lisez mon livre, A Nation Unaware—je suis sûr que la Bibliothèque du Parlement en a un exemplaire—et voyez ce que j'ai écrit à propos du monopole de Lignes aériennes Trans- Canada. Ce monopole n'a nullement été brisé pour des raisons pratiques. Le gouvernement a commandé une étude à un économiste britannique du nom de Steven Wheatcroft. Il a procédé à une analyse approfondie de Lignes aériennes Trans-Canada. Il a constaté que c'était une excellente ligne aérienne sauf pour une chose: les relations publiques. Le public n'était pas du tout convaincu que c'était une bonne ligne aérienne.
Je ne dis pas que c'est mon avis aussi. Je n'étais qu'un adolescent en 1958. Mais le fait est que Wheatcroft avait conclu que Lignes aériennes Trans-Canada faisait un excellent travail.
John Diefenbaker et George Hees ne juraient que sur le modèle américain. Depuis, le prix du billet d'avion est plus élevé qu'il ne le devrait l'être.
Lisez mon livre, voyez ce qu'il en est, voyez les faits historiques.
Le président: Monsieur Hardin, le Comité permanent des transports et mes collègues tiennent à vous remercier pour cet exposé rafraîchissant sur la nécessité d'avoir une seule ligne aérienne qui serait une société d'État canadienne. Nous vous remercions de nous avoir consacré votre temps.
M. Herschel Hardin: Le plaisir était pour moi, et j'espère que vous allez examiner la question plus avant. Merci beaucoup.
Le président: Chers collègues, notre témoin suivant est M. Daryl Atamanyk, pédagogue.
Monsieur Atamanyk, bienvenue au Comité permanent des transports. Nous vous invitons à nous donner un exposé de 10 minutes, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Daryl Atamanyk (témoignage à titre personnel): J'avais 11 ans et ma mère voulait que je sois avocat, mais je voulais devenir un expert de l'efficience industrielle. À la place, je me suis consacré à la recherche du savoir, d'abord la philosophie et la psychologie, et plus tard la théologie et l'histoire. Je trouve quelque peu étrange que la boucle soit bouclée maintenant puisque je suis revenu à mon rêve d'enfant, à savoir la recherche de l'efficience humaine dans l'industrie, dans un milieu où l'harmonie règne.
La mise en oeuvre de ma proposition fera le bonheur de 40 000 employés qui sont responsables du bonheur de 80 000 enfants et conjoints à la maison, et dans les airs, le bonheur de chaque passager.
• 1615
Ce que j'ai de plus important à faire pour le moment, c'est de
vous expliquer les chiffres que contient ma proposition, laquelle
est beaucoup plus avantageuse pour les actionnaires d'Air Canada
que celle d'Air Canada, qui propose d'acheter 35 p. 100 des actions
ordinaires en circulation à raison de 16 $ l'action.
Vous avez devant vous un tableau. Ce n'est rien de bien sorcier. Vous avez là dix actions et ce qu'elles vaudront dans dix ans. Dans la colonne de gauche, si l'on achète 35 p. 100 des actions ordinaires en circulation à raison de 16 $ l'action—nous avons, sur les dix actions, 3,5 actions achetées à 16 $ l'action, soit 56 $. Les actions qui restent, qui vaudront approximativement 14 $ l'action, multipliées par six actions et demie, totalisent 91 $. Si les actions doublent de valeur dans les dix prochaines années, cela vous donne 91 $ de plus. Et pour les besoins de la cause, vos actuaires peuvent mettre dans ce schéma les chiffres les plus exacts qui soient. Si les actions originales à 91 $ rapportent un dividende de 7 p. 100 au cours des dix prochaines années, votre argent double au rythme de 7 p. 100 sur dix ans, ce qui nous donne encore 91 $.
Les 56 $ initiaux versés aux actionnaires, s'ils sont investis à raison de 7 p. 100 par année, donneraient 56 $ de plus. Donc, au bout de dix ans, cela vous donne 385 $, si l'on accepte la solution d'Air Canada. La colonne de gauche totalise 385 $.
La colonne de droite indique la méthode que je privilégie—soit 14 $ par action ordinaire pour 100 p. 100 des actions ordinaires, plus la moitié d'une action pour l'action ordinaire que possède actuellement la nouvelle entité. Donc dès le départ, cette entité touche 140 $ pour ses dix actions. Une demi- action de chacune de ces dix actions fois sept, la moitié d'une action, c'est 70 $. Si cela double en dix ans, cela vous donne 70 $ de plus. Et étant donné que je propose dans mon schéma que la dette de l'entreprise à long terme soit épongée complètement avant que l'on verse des dividendes sur les actions ordinaires, il n'y aucune entrée pour les dividendes sur les actions. Cependant, cela ne veut pas dire qu'on ne crée aucune valeur si ces dividendes sont réinvestis dans l'entreprise. Enfin, si vous prenez les 140 $ que l'entreprise a reçus pour ses dix actions initiales le premier jour, vous avez 140 $ de plus après dix ans si elles rapportent 7 p. 100.
Vous pouvez donc voir dans ces deux tableaux que, pour les actionnaires d'Air Canada, la valeur pour les actionnaires est plus élevée si le prix des actions double.
Si vous descendez à un autre niveau, vous allez voir que si les actions triplent de valeur, ma solution donnera encore plus de valeur aux actions. Si l'on retient la solution d'Air Canada, les actionnaires ne gagneront de l'argent que si la valeur des actions quadruple et quintuple.
Si je vous explique tous ces chiffres, c'est pour vous montrer comment l'actionnaire d'Air Canada y gagnera si les employés participent de la manière que je vais vous décrire dans un instant.
Avant que je vous explique tout cela, entendons-nous sur une chose. Avant que l'on permette aux actionnaires de réaliser des gains en capital fantastiques dans l'industrie du transport aérien, nous devons nous assurer que l'intérêt public est protégé. Si tout le monde comprend que le prix des actions ne va pas tripler ou quadrupler dans les dix prochaines années, on ouvre la porte à ce que je propose pour les employés et les actionnaires d'Air Canada.
Même si les actionnaires d'Air Canada ne récupèrent que leur mise initiale par le plan qu'elle propose, la réalisation de la proposition que je m'apprête à vous expliquer, avec ses grands bienfaits sociaux, ses avantages pour l'entreprise, pour les employés, pour la direction, pour les clients, et ainsi de suite, offre aux actionnaires un plan d'action que seule la sagesse dicte.
Il faut que tout le monde comprenne que les données sont telles que toutes les parties peuvent prendre une décision qui sera fondée sur les faits et respectueuses de l'intérêt public.
Veuillez passer à la page 2 de mon exposé. Nous allons commencer par ma proposition, au paragraphe (6).
La nouvelle entreprise conserve le nom d'Air Canada, et les actions ordinaires deviendront à 100 p. 100 propriété des actionnaires actuels d'Air Canada, qui recevront aussi 14 $ par action ordinaire pour 100 p. 100 de leur part actuelle.
Dans cette nouvelle entreprise, les actions ordinaires sans droit de vote, égales en nombre aux actions ordinaires avec droit de vote, seront propriété à 100 p. 100 des employés actuels d'Air Canada et de Lignes aériennes Canadien. Le personnel comme la direction auront une part égale d'actions.
• 1620
La propriété des actions ordinaires avec et sans droit de vote
mettra ainsi la direction d'Air Canada à l'abri de toute influence
indue exercée par une seule entité. Cela permettra aussi au
syndicat de régler ses différends avec le patronat comme cela se
fait normalement, en utilisant les méthodes qui ont cours et que
connaissent tous les syndiqués et patrons.
Il y aurait une condition à cette offre faite à tous, à savoir que les employés donnent à la direction liberté absolue pour faire de cette ligne aérienne la meilleure de la planète, dont les seules limites seraient les considérations relatives à la sécurité; la préservation des salaires et avantages sociaux dans le respect des conventions collectives actuelles; l'élimination de 5 000 emplois; aucun licenciement; la rationalisation du travail se faisant par voie de consensus; l'assentiment des actionnaires d'Air Canada; permettre à AMR de conserver ses marchés de service avec une entité canadienne, nommément Lignes aériennes Canadien, qui restera une filiale de la nouvelle entreprise; AMR devrait aussi avoir un siège au conseil d'administration de Lignes aériennes Canadien, mais sans actions ordinaires ou droit de veto; et AMR devrait accepter d'être traité comme tout autre créancier dans la restructuration des finances de l'entreprise, avant ou après le constat d'insolvabilité, peu importe ce que décidera AMR—et sa décision sera dans l'intérêt public aussi bien que dans l'intérêt d'AMR, les deux, à mon avis, étant intimement liés—et enfin, le gouvernement devra donner son accord et adopter des règlements, dans le respect de l'intérêt public.
Ces conditions étant respectées, on pourrait alors offrir 2,667 milliards de dollars pour Air Canada et 83 millions de dollars pour Lignes aériennes Canadien, soit un total de 2,75 milliards, dont 900 millions de dollars seraient financés à même les liquidités d'Air Canada, et le reste, 1,85 milliard, seraient financés par l'autorationalisation du personnel, ce qui permettrait d'économiser assez d'argent pour verser des dividendes annuels sur les actions privilégiées émises par la nouvelle entreprise—il s'agirait de simples dividendes versés sur les actions privilégiées émises, et je dis cela pour que les choses demeurent aisément compréhensibles pour le moment—ce qui permettrait de réunir les 1,85 milliard dont les employés auraient besoin.
Par exemple, les dividendes payables annuellement sur les actions privilégiées totalisant 1,85 milliard avec un dividende de 8 p. 100, égalent 148 millions de dollars. Si l'on élimine 5 000 postes avec une moyenne de 59 000 $ en salaire et avantages sociaux par année, les économies annuelles avant impôt seraient de 295 millions de dollars, ce qui laisserait assez d'argent après impôt pour verser les dividendes sur les actions privilégiées. Donc 148 millions de dollars: la moitié des économies annuelles de 295 millions de dollars avant impôt.
J'explique mon schéma aux employés de la manière suivante: Si vous sacrifiez 5 000 emplois, vos souffrances permettent d'économiser assez d'argent pour rendre l'achat des entreprises attrayant. Vos souffrances, qui sont réelles, mettent l'entreprise dans la poche de quelque d'autre. Je vous dis que si vos souffrances génèrent suffisamment de profits pour assurer l'achat de l'entreprise, pourquoi ne pas mettre l'entreprise dans vos poches à vous, à tout le moins proportionnellement à ce que vos souffrances peuvent financer. Je vous propose comme cible 50 p. 100 de l'entreprise née d'un tel plan. L'équation est simple. Ou bien vos sacrifices iront gonfler la poche de quelqu'un d'autre, ou vos sacrifices retourneront dans votre poche, en recourant au financement de l'entreprise.
En fin de compte, il n'y a qu'une seule question: préférez- vous souffrir pour que la compagnie passe aux mains de quelqu'un d'autre ou pour qu'elle vous revienne à vous? Devinez ce que les employés vont répondre. Moi, je le sais très bien.
Laissons le marché décider. Inutile de bousculer les actionnaires. Il ne faut pas brusquer les choses et empêcher les employés de pouvoir élaborer une réponse consensuelle à cette proposition dans l'intérêt du public.
Si cette proposition se concrétise, les compagnies supprimeront le problème principal, c'est-à-dire la surcapacité, et elles construiront ensuite trois entités indépendantes—un tripole par opposition à un duopole—qui entreront en fonction une fois que la dette à long terme aura été épongée. Prévoyons cela sur 10 à 12 ans, c'est-à-dire un investissement à long terme avec un reclassement assez important au moment de la création de ces trois pôles.
Je viens de parler de ramener la dette à long terme à zéro. Pour raffiner cette proposition dans sa forme et dans son contenu, j'aimerais que les futurs propriétaires nous promettent de se servir de tous les bénéfices nets de l'entreprise avant redistribution de dividendes des actions ordinaires pour rembourser la dette à long terme et la ramener à zéro au moment de la mise en place des trois pôles. Puissent les détenteurs de cet investissement à long terme laisser Robert Milton choisir pour cela une méthode qui le satisfera psychologiquement. Robert est quelqu'un de compétent et de motivé, d'inspiré par ses idéaux, je pense. Imprégnez-le de votre confiance et il accomplira des choses grandioses. Imaginez: ces trois entités, une fois le partage effectué, n'auront plus de dettes, pourront avoir des budgets équilibrés, et tout écart sera immédiatement visible. Imaginez cela: partir de l'absence de dettes pour mesurer la santé financière.
• 1625
Quel est le résultat de cette absence de dettes? Elle donne
naissance à des entreprises très saines et concurrentielles, et
surtout, elle montre le chemin du rétablissement pour les
entreprises malades des agissements du monde des affaires.
Je vous pose la question: pourquoi les employés n'auraient-ils pas leur mot à dire dans l'achat des entreprises? Si vous leur donnez vraiment la parole, ils diront peut-être oui à la propriété par les employés. Mais qu'on leur laisse la parole, pas aux syndicats, mais aux employés eux-mêmes. Ils ont leur mot à dire et ils ont le droit de répondre par un consensus et de proposer une solution viable.
Dans cet exposé, je vous propose non seulement une autre solution viable, mais aussi une solution beaucoup plus sensible que les deux autres à l'intérêt public.
Il s'agit d'une transaction en six étapes. Premièrement, le gouvernement fédéral encourage des assemblées des employés, puis des discussions de groupes cibles, et enfin des assemblées générales.
Deuxièmement, si les employés décident par consensus qu'ils sont d'accord, ceux qui souhaitent avoir chacun une part égale de 50 p. 100 des actions ordinaires de la compagnie peuvent signer l'entente. Par consensus, on entend que 95 à 100 p. 100 des employés sont d'accord. Ceux qui ne veulent pas d'actions égales peuvent s'abstenir.
Une fois l'accord signé, une équipe d'agents nommés par le gouvernement et représentant les industries aéronautique et financière du Canada rencontre les investisseurs institutionnels pour déterminer par consensus l'équité des dispositions d'une formule de placement privé d'actions préférentielles dont la valeur est égale à 1,85 milliard de dollars...
Le président: Daryl...
M. Daryl Atamanyk: ... les montants ainsi recueillis servant au remboursement du préfinancement en cas de nécessité.
Le président: Daryl...
M. Daryl Atamanyk: Une fois établi un consensus, les investisseurs institutionnels...
Le président: Je suis désolé, Daryl, mais votre temps de parole est expiré. Si vous voulez conclure en quelques secondes, nous pourrons ensuite vous poser des questions. Vous avez environ 30 secondes.
M. Daryl Atamanyk: Certainement.
J'ai préparé un texte qui répond aux questions suivantes: En quoi cette initiative va-t-elle dans le sens de l'intérêt public? Qu'ai-je tiré de mon expérience auprès du CN, quand j'ai essayé de privatiser le CN pour le faire passer sous le contrôle de ses employés? Qu'ai-je à dire à tous les intervenants? Pourquoi est-ce que je fais cela? Et que veux-je dire au point 11 de mon sommaire?
J'ai terminé, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, Daryl, pour votre exposé.
Nous passons maintenant aux questions, en commençant par Val Meredith. Vous avez la parole, Val.
Mme Val Meredith: Merci, monsieur Atamanyk.
M. Daryl Atamanyk: Appelez-moi Daryl, je vous en prie.
Mme Val Meredith: Très bien, Daryl.
Vous avez dit deux choses dans votre exposé sur lesquelles je voudrais revenir. Vous avez dit que l'offre devrait être conditionnelle à ce que les employés donnent «carte blanche» à la direction pour qu'elle puisse transformer la compagnie aérienne.
Je crois que nous avons entendu des témoins nous dire que la direction de Canadien et celle d'Air Canada ont déjà carte blanche pour ce qui est de la prise de décisions et que leurs décisions n'ont pas toujours été les meilleures qui soient. Je pense donc que vous trouveriez une certaine réticence chez les employés pour ce qui est de donner à la direction l'autorité absolue de prendre en leur nom des décisions qui pourraient ne pas être dans leur intérêt.
L'autre question dont je veux discuter avec vous, c'est l'idée que les employés investissent dans les sociétés. Je me trompe peut- être, mais je crois que les employés de Canadien ont certainement investi dans les Lignes aériennes Canadien, et je crois que ceux d'Air Canada ont, eux aussi, investi dans leur compagnie. Cette idée n'est donc pas nouvelle. Les employés, dans la mesure où ils ont confiance en elles, investissent déjà dans leurs compagnies. La question est de savoir s'ils veulent y investir tout ce qu'ils possèdent et ne pas garder quelque chose en réserve pour leur assurer la sécurité d'emploi et la sécurité financière.
J'aimerais que vous répondiez à ces deux questions, concernant d'une part l'idée que la direction reçoive carte blanche de la part des employés et, d'autre part, que les employés puissent hésiter quelque peu à investir dans leur compagnie de façon aussi importante que vous le souhaiteriez.
M. Daryl Atamanyk: Voici comment je présente la chose aux employés. Je leur dis que cette formule de financement par actions privilégiées, qui leur donnerait à chacun une part égale d'un intérêt de 50 p. 100 dans la compagnie, leur donnerait la possibilité de se garantir contre l'exploitation et les conflits dans leur milieu de travail sans qu'ils aient à débourser quoi que ce soit. Ils y trouvent beaucoup d'attrait.
• 1630
La sagesse populaire—dans le cas, par exemple, du Canadien
National—veut que les employés aient besoin d'un certain montant
d'argent liquide pour investir dans la compagnie. Je dis aux
employés qu'ils n'ont pas besoin d'argent liquide, mais bien d'une
participation, et cette participation, ils l'obtiennent par leur
collaboration.
Par exemple, Air Canada parle de 2 500 mises à pied. Je dirais aux employés qu'ils pourraient en fait offrir d'éliminer 5 000 postes très facilement: il leur suffirait de travailler quatre heures de moins par semaine, en moyenne, cette année; trois heures de moins l'année suivante; deux heures de moins l'année d'après; et, grâce à l'attrition, après quatre ou cinq ans, ils pourraient travailler de nouveau le même nombre d'heures par semaine qu'ils travaillent normalement.
C'est aussi simple que cela de répartir les sacrifices de façon égalitaire afin d'aider Air Canada à réaliser des gains en efficience bien plus considérables qu'elle ne pourrait en réaliser autrement.
Donner carte blanche à la direction ne signifie pas qu'il faut revenir au tout début de la Révolution industrielle. Et c'est une façon de dire à la direction qu'elle peut dorénavant compter sur la collaboration des syndicats, plus qu'auparavant en tout cas. C'est une façon de faciliter la communication entre les divers syndicats et entre les diverses sections d'un même syndicat dont les employés travaillent pour des compagnies différentes. C'est une façon de faciliter la communication entre la partie syndicale et la partie patronale, puisque tout le monde est sur la même longueur d'ondes. C'est une façon de faciliter la communication tout le long de la chaîne de commandement. C'est une façon de faciliter la communication entre les employés et le public.
Les avantages sur le plan de la santé sociale, en supposant qu'ils pourraient en arriver à cet idéal qui serait de travailler dans un milieu généralement exempt de conflits, seraient énormes.
Le président: Merci beaucoup, Val.
Murray Calder, vous avez la parole.
M. Murray Calder: Très intéressant, Daryl.
Je voudrais revenir à la page 7, au point 8 du sommaire, où vous dites: «Élimination de 5 000 postes; pas de mises à pied».
Je voudrais que vous m'expliquiez cela. Va-t-on simplement donner à ces gens leur avis de renvoi: «Heureux d'avoir fait votre connaissance?» Qui sont ces 5 000 employés? Parlez-vous de 5 000 employés chez Air Canada ou de 5 000 employés chez Canadien?
M. Daryl Atamanyk: Premièrement, je propose d'éliminer, non pas des employés, mais des postes. Je préférerais que l'on garde les employés. Il me semble que c'est mal utiliser son capital que de s'en servir pour inciter des employés à partir alors qu'on a investi dans leur formation.
L'idée serait que, dès le départ, chaque employé se retrouverait avec l'équivalent d'environ 33 000 $ d'actions, dont la valeur croîtrait vraisemblablement avec le temps, grâce à leur collaboration et à la croissance de la compagnie. Il est plus avantageux de garder ces employés.
Quant au fait qu'il n'y aurait pas de mises à pied, je reviens à ce que je disais à Mme Meredith. Il serait possible d'éliminer 4 000 postes du simple fait que les employés travailleraient en moyenne quatre heures de moins par semaine chaque année; l'année suivante, ils travailleraient trois heures de moins, et l'année d'après, deux heures de moins, l'année suivante une heure de moins, puis ils reviendraient à leur nombre d'heures de travail habituel.
M. Murray Calder: Je peux peut-être vous interrompre ici, Daryl. Quand vous parlez d'éliminer des postes, n'est-ce pas simplement une autre façon de dire que vous éliminez les emplois de ces gens-là? Quand vous dites aussi qu'ils travailleraient quatre heures, n'est-ce pas là un emploi à temps partiel? Comment ces employés pourraient-ils survivre avec un emploi à temps partiel?
M. Daryl Atamanyk: Non, je dis de ces 38 000 employés que, s'ils veulent pouvoir mettre dans leurs poches 33 000 $ d'actions et avoir une participation de 50 p. 100 dans tous ces gros- porteurs, etc., et s'ils veulent qu'il n'y ait aucune mise à pied—et il me semble que c'est là une de leurs priorités—l'an prochain, pendant un an seulement, ils pourraient travailler, en moyenne, 36 heures au lieu de 40 heures; l'année suivante, 37 heures; et l'année d'après 38 heures. L'attrition leur permet de travailler une heure de plus chaque année.
En travaillant ainsi quatre heures de moins cette année, puis trois heures de moins l'année suivante et deux heures de moins l'année d'après, une heure de moins l'année après celle-là, et en revenant ensuite à une semaine de 40 heures, ils pourront mettre dans leurs poches des actions qui, dans dix ans, grâce aux gains en efficience et à la croissance des compagnies, leur rapporteront pour 100 000 $ d'actions moyennant ces sacrifices minimes qu'ils auraient consentis au départ.
Le président: Merci, monsieur Calder.
À vous, monsieur Guimond.
M. Michel Guimond: Bonjour Daryl, ici Michel Guimond.
Je vais parler anglais car je tiens à ce que mes propos soient bien consignés au compte rendu.
Je vous ai rencontré en septembre. J'étais à mon bureau à Ottawa quand un garde de sécurité m'a appelé pour me dire que quelqu'un voulait me voir. Je vous ai reçu à mon bureau pendant 10 ou 15 minutes, et vous m'avez dit que vous souhaitiez témoigner devant le comité. Je vous ai donné le nom et le numéro de téléphone de notre greffière. C'est pour cette raison que vous êtes ici; c'est parce que notre greffière vous a invité.
Comme je vous l'ai dit quand nous nous sommes rencontrés en septembre, j'ai du mal à comprendre quel est l'objectif que vous poursuivez dans ce domaine, et j'ai toujours du mal à comprendre où vous voulez en venir quand je lis le mémoire que vous nous avez soumis. Ainsi, à la page 18, vous dites:
-
[...] Je souhaite lancer dans des écoles un projet de financement
dont le but est d'aboutir à l'autonomie financière des écoles d'ici
un siècle et demi (environ).
J'ignore si nous serons toujours là dans 150 ans, mais avez- vous un objectif financier à plus court terme? J'ai aussi du mal à comprendre en quoi ces propos ont trait à l'étude que nous faisons.
Ma deuxième question est très courte. J'ai ici votre communiqué de presse en date du 10 novembre. Vous l'avez envoyé à bien des gens. J'ai toujours du mal à comprendre en quoi vos propos ont trait à notre étude. Vous en avez envoyé un exemplaire au cardinal Ambrozic, qui représente le Vatican. Je ne comprends pas pourquoi. Vous en avez envoyé un exemplaire à la Maison Blanche, à l'adjoint spécial au président, et vous en avez envoyé un autre exemplaire à l'ambassadeur de la République populaire de Chine.
J'ai du mal à comprendre pourquoi ils s'intéressent à notre étude.
M. Daryl Atamanyk: Merci.
Je commencerai par la République populaire de Chine. Elle est sur le point de s'orienter dans une voie qui entraînera la mise à pied de millions et de millions de travailleurs. Les bouleversements que cela engendrera ne seront pas seulement d'ordre financier, mais aussi d'ordre psychologique et social. Les coûts seront énormes.
J'espère créer un modèle selon lequel les mises à pied deviendront inutiles et tous les employés se partageront le fardeau de façon plus ou moins égale. Les gains financiers immédiats ne seront pas réalisés tout de suite. Mon plan permettrait aux Chinois de ne pas mettre à pied ces millions de travailleurs, mais bien de les conserver d'ici 10 ans. Peut-être qu'au début de la privatisation de ces sociétés chinoises, tout le monde gagnerait un peu moins, mais plus tard, grâce à l'attrition, ces sociétés deviendraient peu à peu plus efficaces et échapperaient aux bouleversements sociaux graves et coûteux qu'elles connaîtraient autrement.
C'est allé au Vatican étant donné que je suis catholique romain et que les mesures que je prends actuellement dans l'intérêt public me tiennent beaucoup à coeur. Un débat se déroule entre les groupes d'intérêts particuliers en ce qui concerne la philosophie de l'humanisme qui permet à l'individu d'exercer une plus grande influence par l'entremise du processus électoral. Avec la réforme du financement des campagnes électorales, la réforme du lobbyisme et la transparence dans le milieu des affaires, l'électorat aura bientôt le pouvoir entre ses mains et j'aimerais donc tenir mes autorités au courant de mes activités.
• 1640
Pour ce qui est de mes autres aspirations, j'ai écrit cela dans le
contexte du but que je recherche. Si je tiens à le faire, c'est en
partie parce que n'étant pas quelqu'un d'important, je n'ai pas
d'autres compétences que celles que j'ai ici dans ma tête et que
j'aimerais avoir les titres et qualités pour pouvoir approfondir
certains autres projets très importants que j'ai à l'esprit, monsieur
Guimond.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Guimond.
Daryl, je vous remercie infiniment de votre exposé. Nous vous remercions de vous intéresser à ce sujet et de nous avoir envoyé votre documentation. Nous apprécions tout ce que vous avez fait et nous vous souhaitons bonne chance.
M. Daryl Atamanyk: N'hésitez pas à m'appeler n'importe quand.
Le président: Merci beaucoup, Daryl.
M. Daryl Atamanyk: Il n'y a pas de quoi, monsieur Keyes.
Le président: Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes, le temps de changer de témoins.
Le président: Professeur Stanbury, je m'excuse de ce petit retard, nous avons juste quelques détails à régler. À travers la lentille de cette caméra, si vous connaissez Julian Reed, le député de Halton, je pourrais vous prendre pour son frère jumeau.
M. W.T. Stanbury (professeur, Faculté de commerce et d'administration des affaires, Université de la Colombie- Britannique): Dans ce cas, puis-je voter, monsieur le président?
Le président: Non. Mais vous voulez son salaire?
Quoi qu'il en soit, professeur Stanbury, je vous remercie d'être venu conseiller le Comité permanent des transports au sujet de cette question. Nous vous accordons entre 10 et 12 minutes pour votre exposé, après quoi nous aurons des questions à vous poser.
M. W.T. Stanbury: Très bien, monsieur le président. Merci beaucoup.
Le président: Merci. Commencez dès que vous serez prêt.
M. W.T. Stanbury: Merci.
Je voudrais commencer par remercier le comité de m'avoir invité. Vous avez dû recevoir la copie du texte de notre mémoire. Nous allons essayer de respecter les limites de temps et de procéder très rapidement.
Je tiens toutefois à signaler que j'ai conseillé le commissaire de la concurrence pour la préparation de son rapport et que je dois le mentionner. Également, nous tenions à préciser tous les deux que les opinions que nous exprimerons n'engagent que nous et non pas nos employeurs.
Nous appuyons l'analyse et les recommandations du commissaire de la concurrence, mais comme rien n'est jamais parfait, en tant qu'universitaires, nous nous réservons le droit de modifier quelques détails.
Nous parlerons surtout de quelques politiques essentielles dont peut se servir le gouvernement pour limiter les pouvoirs du transporteur dominant ou quasi monopolistique qui émergera bientôt dans le marché national. L'essentiel de cet exposé a trait à la propriété étrangère et au cabotage ou le droit à la sixième liberté modifiée comme antidotes au pouvoir de ce transporteur dominant.
Notre analyse s'intéresse principalement à certaines déclarations du ministre des Transports. Nous nous permettons de faire remarquer qu'il accorde trop d'importance aux intérêts du transporteur dominant et de ses employés dans ce que nous appelons «une solution au goût de sirop d'érable». Nous faisons valoir que la politique fédérale devrait s'intéresser davantage aux voyageurs canadiens.
Je propose d'examiner les objectifs stratégiques qui devraient être ceux du transporteur et je laisserai ensuite mon collègue vous parler des barrières à l'entrée sur le marché, après quoi j'aborderai quelques questions supplémentaires, y compris celle de la propriété étrangère.
Nous suggérons au comité de proposer au ministre un seul objectif stratégique bien défini. Nous nous soucions particulièrement—et nous suggérons d'en faire le principal objectif—de l'efficacité économique. Nous insistons toutefois sur le fait que cette efficacité économique représente également le moyen de servir les intérêts des voyageurs canadiens, et qu'ils doivent être au centre des préoccupations. Si les décideurs ne le font pas, ils ne vont pas optimiser le système et promouvoir les intérêts des Canadiens.
Un quasi-monopole peut agir au détriment des consommateurs et cela, pas seulement en augmentant les tarifs. Par exemple, le monopole peut offrir moins de places à rabais. À l'heure actuelle, 90 p. 100 des voyageurs profitent d'un rabais quelconque, qu'il soit de 10 p. 100 ou de 60 p. 100.
Deuxièmement, les rabais par rapport au plein tarif en classe économique seront moins importants. Le prix le plus avantageux du billet Toronto-Vancouver pourrait être de 699 $ au lieu de 399 $. Nous croyons que la fréquence des vols vers de nombreuses destinations va se trouver réduite. C'est ce qui inquiète le plus les voyageurs d'affaires étant donné que pour eux la fréquence et la commodité sont plus importantes que le, prix même si le prix a aussi son importance.
Les services assurés par le personnel des compagnies aériennes pourraient diminuer et l'un des problèmes que posent les monopoles est qu'en général, vous payez très cher pour un mauvais service. Il est également probable que les avantages offerts par les programmes de fidélisation des voyageurs seront limités parce que les transporteurs seront libres de dévaluer les points s'ils le désirent.
Nous voulons souligner qu'en même temps un transporteur dominant ne va pas nécessairement réaliser des profits excessifs. Pourquoi? Parce que ces recettes supplémentaires pourraient être absorbées par des frais plus élevés. En fait, un transporteur dominant pourrait avoir à débourser davantage pour faire apaiser des groupes d'intérêts organisés comme les pilotes, les employés et, ajouterais-je, le gouvernement fédéral.
Ces frais doivent être absorbés en totalité par les voyageurs sous la forme de tarifs plus élevés ou de rabais moins importants.
• 1650
Je voudrais demander à mon collègue, Tom Ross, de vous parler des
barrières à l'entrée, qui occupent également une place centrale dans
notre mémoire.
M. Tom Ross (professeur, Faculté de commerce et d'administration des affaires, Université de la Colombie- Britannique): Merci et bonjour. Je me réjouis d'être ici. Je voudrais ajouter mes remerciements à ceux de Bill. C'est un grand plaisir pour moi que de pouvoir prendre la parole devant votre comité sur cette importante question.
Je voudrais vous parler très brièvement des barrières à l'entrée dans l'industrie du transport aérien. Si nous nous retrouvons avec un seul transporteur dominant ou un quasi-monopole, c'est seulement en abaissant les barrières à l'entrée que nous pourrons revigorer la concurrence dans le marché. Le commissaire de la concurrence a consacré une bonne partie de sa lettre à décrire les diverses barrières qui restreignent l'entrée dans le marché et dont certaines peuvent être contrôlées ou du moins influencées par la politique gouvernementale. Et nous sommes d'accord avec le commissaire pour dire qu'il faudrait prendre de nombreuses mesures pour permettre aux nouveaux arrivants d'avoir plus facilement accès aux marchés.
Certaines barrières et même certaines des principales comme la limitation de la propriété étrangère, les règles visant le cabotage et d'autres dispositions du même genre, sont créées par le gouvernement. D'autres le sont par les conditions économiques de l'industrie, telles que les économies d'échelle et la densité. D'autres encore sont le résultat du comportement des entreprises de l'industrie face à la concurrence. Par exemple, des pratiques d'éviction peuvent avoir un effet dissuasif sur les nouveaux arrivants et les programmes de fidélisation des grands voyageurs peuvent rendre l'accès aux marchés plus difficile.
Je voulais ensuite vous parler de certaines barrières à l'entrée qui nous semblent importantes dans ce secteur, et surtout de celles que le gouvernement pourrait éliminer. Il pourrait le faire en imposant des conditions pour la fusion de Canadien et d'Air Canada, si cette fusion se réalise. Il pourrait aussi mettre en place une réglementation et même quelques modifications législatives.
Pour vous citer quelques exemples, le fait est que, dans certains aéroports, il est parfois très difficile d'obtenir suffisamment d'espace et d'installations de même que de créneaux d'atterrissage et de décollage. Le gouvernement pourrait apporter certains changements à sa politique afin d'accorder la priorité aux nouveaux arrivants et de faciliter l'entrée de nouveaux transporteurs dans le marché.
On pourrait ouvrir les programmes de fidélisation des grands voyageurs. Cela pourrait être une condition d'évaluation. Cette solution n'est pas sans problème et doit être soigneusement examinée. Mais c'est l'une des possibilités qui s'offrent pour faciliter un peu les choses pour les nouveaux arrivants.
On a également fait valoir que la surprime des agents de voyage empêchait les nouveaux transporteurs de se lancer sur le marché. En cas de fusion, des conditions pourraient être imposées à cet égard pour y remédier.
Au-delà de ce que vous pouvez faire vis-à-vis des partenaires d'une fusion, vous pourriez envisager de modifier la réglementation, par exemple à propos de la sixième liberté modifiée. Nous pensons que cela pourrait être utile. Par exemple, la sixième liberté modifiée permettrait aux transporteurs américains de desservir les marchés transcontinentaux du Canada, mais par l'entremise de plaques tournantes aux États-Unis. Ce n'est pas aussi commode qu'une correspondance directe passant par le Canada, mais cela obligerait le transporteur dominant du Canada à faire preuve d'une certaine discipline en matière de prix.
Il a également été question de modifier la façon dont fonctionnent les systèmes informatisés de réservations qui pourraient favoriser des pratiques d'éviction ou du moins rendre les choses plus difficiles pour les nouveaux arrivants. Il faudrait également les étudier.
En l'absence de changement législatif, le gouvernement pourrait relâcher les restrictions touchant la propriété étrangère en portant le plafond à 49 p. 100. Nous pensons qu'il vaut la peine d'envisager cette solution, même si nous préférerions que l'on prenne une initiative législative. Nous voyons certainement un avantage à ouvrir l'industrie canadienne aux investisseurs étrangers, même dans une proportion plus grande que 49 p. 100. Bill va vous en parler un peu plus dans un instant.
• 1655
La proposition que contenait la lettre du commissaire en ce qui
concerne les transporteurs qui desserviraient uniquement le Canada a
retenu notre attention. Ces transporteurs ne desserviraient que les
destinations canadiennes, des paires de villes situées au Canada. Ils
pourraient appartenir entièrement à des intérêts étrangers. Comme
leurs avions ne sortiraient pas du pays, ils n'auraient aucune
répercussion sur nos accords multilatéraux ou bilatéraux avec d'autres
pays et il semble que, pour le moment, ce soit la meilleure façon
d'élargir la concurrence dans le marché national.
Une question que le commissaire n'a fait qu'effleurer est celle du cabotage. Le ministre a voulu l'exclure de l'étude.
Dans notre mémoire, nous présentons des arguments en faveur d'une initiative unilatérale concernant le cabotage afin de permettre à des transporteurs étrangers de prendre et de déposer des passagers au Canada. Nous pensons que le moment est venu pour cela. Si nous avons un transporteur dominant, nous croyons qu'il faudrait envisager de modifier la politique à cet égard.
Merci beaucoup.
M. W.T. Stanbury: Si vous le permettez, monsieur le président, j'ai encore quelques commentaires à faire sur trois points: la propriété étrangère, la possibilité d'une autre solution, et enfin, le retour possible et inquiétant à une politique de réglementation.
Le président: Vous avez trois minutes, professeur.
M. W.T. Stanbury: Parfait.
La propriété étrangère des capitaux est une question importante à notre avis, et nous nous inquiétons de ce que le ministre puisse exclure toute modification du plafond de 25 p. 100, avec les conséquences, comme le disait Tom, que cela aurait pour le cabotage. Le ministre estime que c'est un secteur particulièrement important pour le Canada, que les services aériens sont un élément vital pour le pays, sur le plan personnel, commercial et national.
Nous ne trouvons pas l'argument terriblement convaincant. Nous pensons par contre que Freddie Laker avait très bien parlé du transport aérien lorsqu'il disait qu'il s'agissait surtout de «faire se correspondre les sièges et les paires de fesse». Si l'on regarde les choses un peu brutalement, sans trop idéaliser, on peut voir que l'avenir de ce secteur dans les pays industrialisés comme le Canada en fait d'ores et déjà un secteur de prestation de services à grande échelle, utilisant des techniques éprouvées et tout à fait rodées.
Autrement dit, le secteur du transport aérien canadien n'est guère plus qu'une flottille de cars assurant le transport entre les villes, mais pourvus d'ailes et assujettis à une réglementation très stricte sur le plan de la sécurité.
Nous ne voyons donc pas pourquoi on limiterait à ce point la propriété étrangère des capitaux dans ce secteur; pour nous ce n'est pas un secteur d'importance stratégique.
Nous aimerions demander au comité de mettre à son programme l'examen d'une restructuration éventuelle ou même d'un remaniement des Lignes aériennes Canadien, dans le cadre d'une procédure de règlement judiciaire. Nous n'avons pas de formule exacte à vous proposer à ce sujet, mais nous estimons que cette option n'a pas été discutée comme il convient, et nous aimerions qu'elle le soit.
À la lumière de l'expérience américaine, où beaucoup de transporteurs ont été assujettis au chapitre 11—comme vous le savez c'est le titre de la version américaine—et qui s'en sont sortis, tout en restant tout à fait compétitifs... Nous voulons parler de Continental Airlines, TWA et America West.
Enfin, nous craignons que le ministre, en assortissant une restructuration de ce secteur de toute une liste de conditions, ne revienne finalement à l'ère de la réglementation. Même si cela était nécessaire, étant donné le développement possible de monopoles, nous pensons que cela ne doit pas être fait dans le bureau du ministre, mais que cela doit plutôt être confié à des organismes de réglementation indépendants et spécialisés, pour des raisons de transparence.
S'il me reste une minute, monsieur le président, nous avons quelques recommandations à présenter.
Premièrement, le comité devrait adopter les recommandations du commissaire de la concurrence dans son rapport au ministre.
Deuxièmement, le gouvernement devrait éliminer le plafond imposé à la part des transporteurs étrangers qui desservent uniquement le marché intérieur.
Troisièmement, le cabotage devrait être permis de façon unilatérale.
Finalement, nous pensons qu'il est souhaitable d'envisager avec prudence une possibilité de restructuration de Canadien, dans le cadre d'une procédure de règlement judiciaire.
Merci beaucoup. Nous attendons vos questions.
Le président: Merci beaucoup, professeur Stanbury et monsieur Ross, pour votre exposé.
Nous allons passer la parole à Val Meredith. Val.
Mme Val Meredith: Merci, monsieur Stanbury et monsieur Ross. Ce que vous avez dit m'a paru intéressant, et j'apprécie le soutien que vous apportez au rapport du commissaire de la concurrence.
Vous êtes pratiquement les premiers témoins à penser que peut- être l'on devrait restructurer Canadien, qu'il y a peut-être une autre solution que l'établissement d'un transporteur aérien dominant sur le marché canadien. Qu'est-ce qui vous permet de le penser? Est-ce que vous vous inspirez de l'exemple américain, et de ce qui vous paraît de ce fait possible?
M. W.T. Stanbury: Oui. En ce qui me concerne, j'ai pu en discuter avec d'autres personnes de ce secteur et je leur ai posé la question. Tom et moi-même n'avons pas de plan précis à vous proposer, sur la façon de procéder. Mais nous estimons que cette option devrait être étudiée, c'est précisément ce que nous essayons de faire.
D'après ce qui s'est passé aux États-Unis, on peut penser qu'il est possible pour une compagnie aérienne de se repositionner, de se restructurer, de se réorganiser—en revoyant par exemple où se trouvent ses plaques tournantes, en repensant les marchés sur lesquels elle veut se concentrer, en en laissant tomber d'autres etc.—et la compagnie peut après cette restructuration se retrouver en meilleure forme qu'avant. Nous demandons que l'idée soit examinée.
Mme Val Meredith: Mais comment empêcher que ne se produise ce à quoi l'on assiste depuis six, huit ou dix ans, où l'on voit—je ne veux pas dire que c'est absolument sûr—mais où on a au moins l'impression que les deux compagnies aériennes cherchent à casser les prix?
M. W.T. Stanbury: C'est un point qui m'intéresse. Il y a environ huit ans, je conseillais Canadien et American Airlines, qui attaquaient précisément Air Canada sur cette question.
Tom et moi-même en avons discuté longuement, et nous estimons que, à ce sujet, la loi canadienne est défectueuse. Nous pensons également que la loi américaine est mal conçue, parce qu'on se concentre trop exclusivement sur la question de la guerre des prix. Dans le secteur du transport aérien, il est préférable de se concentrer sur un ensemble possible de pratiques abusives, en tenant compte de ce que, par exemple, vous pouvez nuire terriblement à un concurrent en augmentant votre capacité de façon démesurée.
Nous ne voulons pas dire non plus que les compagnies arrivent à coordonner leurs pratiques comme s'il s'agissait d'un monopole; ça n'est pas ce à quoi nous pensons. Nous avons été au contraire surpris par l'étendue de cette guerre. Mais il se trouve que notre droit de la concurrence est limité à cet égard, et c'est un des écueils. Nous avons fait un certain nombre de propositions au directeur de la concurrence, sur la façon de modifier cela, et je pense qu'il est ouvert à ces propositions, à savoir qu'il faut changer la loi.
Mme Val Meredith: Voulez-vous dire, si je vous comprends bien, qu'on devrait demander une espèce de moratoire, jusqu'à ce que la Commission de la concurrence examine ces agissements abusifs, et rende une décision, c'est-à-dire une période d'interdiction et de transition, pendant laquelle au moins les pratiques visées seraient suspendues?
M. W.T. Stanbury: Oui. C'est ce dont nous avons besoin, à mon avis, mais il faut également une nouvelle définition des pratiques abusives.
La raison pour laquelle il faudrait un moratoire c'est qu'il faut mettre rapidement un terme à ce qui peut devenir rapidement une hémorragie. Il faut arrêter tout, et ensuite voir quelle est la position du droit. Mais de toute évidence il faut changer la loi.
Tom pourra peut-être compléter ce que je viens de dire.
M. Tom Ross: Oui, je voudrais ajouter deux choses.
Nous ne sommes pas convaincus qu'une restructuration de Canadien soit possible, mais nous estimons qu'on n'y a pas suffisamment sérieusement réfléchi. Nous nous inspirons effectivement de l'exemple américain, mais Bill et moi-même avons eu des discussions, séparément, avec divers membres de cette industrie. Certains estiment qu'il y a quelque chose à préserver, même s'il faut aussi pouvoir envisager un changement.
Une voix: Radical.
M. Tom Ross: Peut-être radical effectivement.
Certains des problèmes de Canadien peuvent être expliqués par certaines décisions sur le plan commercial qui, à un moment pouvaient passer pour raisonnables, mais dont les résultats se sont révélés désastreux... trop d'endettement, par exemple. Certains des autres problèmes peuvent découler d'un comportement abusif de la part d'Air Canada.
Nous pensons qu'une compagnie comme Canadien, si elle était dotée d'une bonne capitalisation, protégée, comme le seraient les autres transporteurs, par une nouvelle législation sur les prix d'éviction et les pratiques abusives, qui lui permettrait de réagir rapidement, et de disposer d'une meilleure marge de manoeuvre, pourrait envisager de devenir un deuxième transporteur national. Sur le plan commercial, cela pourrait être tout à fait rentable.
Nous n'en sommes pas absolument certains, mais nous n'entendons tout simplement pas les gens en parler, notamment ceux qui savent mieux que nous comment cela se répercuterait sur les finances et la comptabilité de l'entreprise. En tout cas, ceux auxquels nous nous sommes adressés à ce sujet nous ont répondu que c'était effectivement possible.
Mme Val Meredith: Je vous remercie beaucoup.
Le président: Monsieur Sekora.
M. Lou Sekora: Je vous remercie beaucoup.
Au sujet de la restructuration, préconisez-vous la suppression de tout plafond en ce qui touche la participation au capital-actions d'Air Canada, et notamment du plafond de 10 p. 100?
M. W.T. Stanbury: C'est l'un des changements qui pourrait être envisagé. À notre avis, cette règle est indésirable parce qu'elle place la compagnie aérienne entre les mains de la direction. Nous pensons qu'elle devrait être entre les mains des actionnaires.
Par ailleurs, si l'on élimine la règle portant sur la propriété étrangère, comme nous le proposons, du moins en ce qui touche les transporteurs nationaux, il faudra aussi éliminer ce plafond. Autrement dit, il faut changer la règle des 10 p. 100 si l'on élimine la règle des 25 p. 100 visant la propriété étrangère. Dans tous les cas, j'éliminerais la règle des 10 p. 100.
M. Lou Sekora: Vous recommandez l'élimination de la règle des 10 p. 100, mais vous ne souhaitez cependant pas que Canadien s'installe à Dallas.
M. W.T. Stanbury: Nous voulons faire en sorte que les tarifs aériens demeurent peu élevés et que la qualité du service offert soit élevée. En fait, peu importe que la compagnie aérienne appartienne aux courtiers de Wall Street ou de Bay Street. Comme l'a dit feu le premier ministre Deng Xiaopeng, peu importe que le chat soit noir ou qu'il soit blanc, pourvu qu'il attrape des souris.
Pour ce qui est du transport aérien, ce qui importe, c'est que le service soit bon, que les prix soient peu élevés et que les vols soient fréquents. Je pense que c'est ce que les voyageurs veulent vraiment. Enfin, la question de savoir à qui appartient la compagnie aérienne importe peu.
M. Lou Sekora: Si nous restructurons Canadien, le problème auquel nous faisons face aujourd'hui se posera de nouveau à moins...
De quel type de restructuration parlez-vous? Proposez-vous l'élimination de...
M. W.T. Stanbury: Nous ne sommes pas compétents pour proposer une formule de restructuration.
M. Lou Sekora: Très bien.
M. W.T. Stanbury: Nous voulons simplement attirer l'attention du comité et de la population, de façon plus générale, sur le fait que cette formule a réussi aux États-Unis. C'est vrai qu'elle n'a pas réussi dans tous les cas. Certaines compagnies aériennes ont fait faillite quelques années plus tard. Nous le reconnaissons.
Par ailleurs, nous pensons qu'elle mérite d'être étudiée si elle peut empêcher la création d'un monopole. Soit dit en passant, voilà pourquoi nous recommandons de modifier la règle sur la propriété étrangère parce que la tendance naturelle pour une entreprise qui jouit d'un monopole est d'augmenter les prix et de réduire la qualité du service offert.
Nous savons tous que c'est la réalité. Dans ce cas, pourquoi ne pas permettre l'entrée sur le marché de sociétés étrangères? Pourquoi ne pas accepter cette sixième liberté qui consisterait à permettre aux gens de pouvoir se rendre à peu de frais à Ottawa en passant par Chicago ou Minneapolis? C'est vrai que le trajet sera un peu plus long, mais si le billet coûte 699 $ au lieu de 3 000 $, qui s'en plaindra.
Le président: Je vous remercie, monsieur Sekora.
Monsieur Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond: Messieurs, je suis en mesure de suivre la plupart des éléments que vous présentez quant à la protection de la concurrence, mais j'ai de la difficulté face à certains aspects de votre présentation.
À la page 10 de la version française de votre mémoire, on lit:
-
Qu'y-a-t-il de si diabolique, dangereux ou néfaste pour l'intérêt du
public de voler entre Vancouver et Toronto ou entre Halifax et St.
John ou entre Winnipeg et Thunder Bay en empruntant une compagnie
aérienne appartenant totalement à des étrangers (à condition que les
exigences de sécurité du Canada soient respectées)?
Vous ne semblez pas être d'ardents défenseurs du nationalisme canadien. C'est drôle que ce soit moi qui défende cela ici. Selon ce que vous dites, le gouvernement du Canada aurait dû accepter l'intrusion des magazines américains à tour de bras et la ministre du Patrimoine canadien n'aurait pas dû déposer un projet de loi pour protéger le petit marché du Canada du géant américain. Le gouvernement du Canada, par le biais du CRTC, devrait accepter que les chaînes américaines entrent ici à tour de bras. Avant d'accepter qu'une compagnie de propriété étrangère vole ici, il faut examiner une foule de services que se procure le transporteur propriétaire dans son propre pays, qu'il s'agisse de services d'entretien, de restauration ou autres.
Par exemple, si on rapatriait à Dallas le système de réservations d'Air Canada, nous perdrions entre autres 1 400 emplois d'informaticiens chez IBM. Soit dit en passant, ce ne serait pas que le Québec qui serait touché par ces pertes d'emplois, mais aussi le reste du Canada. C'est cela, prêcher le nationalisme canadien; c'est faire en sorte que des industries d'ici puissent être protégées. En tout cas, j'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.
J'éprouve également certaines difficultés lorsque vous nous dites de ne pas croire des propositions qui prévoient des pertes minimales d'emplois, parce que c'est irréaliste et qu'on ne doit pas sous-estimer ces pertes.
Votre chapitre 8 porte le grand titre: «Protéger les emplois, ce n'est ni juste ni efficace». J'éprouve de la difficulté face à de tels commentaires.
• 1710
Je vous suis très bien quant au reste, y compris le niveau de
protection et la concurrence, et je reconnais le mérite de votre
réflexion, mais il subsiste deux éléments devant lesquels j'éprouve de
la difficulté.
[Traduction]
M. W.T. Stanbury: Permettez-moi de revenir à l'importante question des services offerts aux transporteurs aériens. Je vous signale que certains fournisseurs canadiens desservent déjà des transporteurs américains. Certains transporteurs étrangers confient déjà à des entreprises canadiennes la réparation et l'entretien de leurs appareils. Autrement dit, nous exportons des services de réparation. Certains travaux sont effectués à l'extérieur du pays parce que ces services spécialisés ne sont pas offerts ici.
Chaque fois qu'on crée un régime en vue de protéger l'industrie d'un pays, ce sont les consommateurs qui paient la note. J'ai du mal à accepter cela. Ceux qui veulent payer davantage pour un produit peuvent le faire. Je m'oppose cependant à ce que le gouvernement adopte des politiques qui ont pour effet d'obliger les gens à payer davantage pour un produit que ce qu'ils pourraient payer dans un marché compétitif.
Si c'était moi qui avais quelque chose à gagner à ce que les prix soient élevés, peut-être que je n'aurais pas la même attitude. Je crains qu'il n'y ait cependant pas de fin à ce genre de mesures protectionnistes. Dans le but de protéger des emplois au pays, on peut adopter de plus en plus de mesures protectionnistes qui feront monter les prix continuellement. Je me préoccupe aussi du taux de chômage, mais je crois que le gouvernement doit mettre l'accent dans sa politique sur les leviers macro-économiques pour lutter contre le chômage et non pas recourir à des mesures protectionnistes.
Je demanderais à mon collègue Tom de répondre à la partie de la question qui consiste à savoir s'il est juste de protéger les emplois.
M. Tom Ross: Nous voulions éviter le pire scénario qui serait que les tarifs aériens augmentent en raison de l'existence d'un monopole inefficace dont le seul objet serait de préserver des emplois. Nous n'avons rien contre les travailleurs des compagnies aériennes. Il peut être nécessaire de créer un programme qui les aidera à s'adapter à un nouvel emploi ou d'accepter un poste au sein d'une nouvelle compagnie aérienne.
À notre avis, le pire scénario serait de créer une entreprise inefficace qui jouirait d'un monopole. Ses prix seraient trop élevés non seulement parce qu'elle est un monopole, mais parce que ses services seraient inefficaces. Nous ne comprenons pas comment ces transporteurs, en fusionnant, pourront protéger des emplois étant donné qu'on nous a tellement dit que la concurrence était ruineuse pour eux et qu'il y avait capacité excédentaire sur le marché. S'il y avait un avantage à fusionner ces entreprises, c'est que cela leur permettrait de réaliser des économies d'échelle. Nous pourrions offrir des services aériens plus efficacement à meilleur compte qu'aujourd'hui.
Voici la dernière chose que j'aimerais dire à ce sujet. Si nous créons le genre d'industrie compétitive que nous souhaitons créer, si nous réduisons les obstacles à l'entrée sur le marché et que de nouveaux transporteurs sont créés, nous pensons que l'industrie sera compétitive et créera à long terme plus d'emplois. Les industries compétitives produisent davantage et ont besoin de plus de travailleurs. Ces travailleurs ne seront pas nécessairement au service des mêmes entreprises, mais peut-être au service de nouvelles entreprises ou de transporteurs étrangers qui offriraient des services au Canada. À long terme, nous croyons qu'il y aura plus d'emplois dans une industrie compétitive.
M. W.T. Stanbury: J'aimerais ajouter que c'est ce qui s'est produit au Canada et aux États-Unis après la déréglementation. À court terme, la déréglementation a créé des pertes d'emploi, mais l'industrie a ensuite connu une croissance parce que les prix ont diminué. Tout le monde s'est mis à voyager par avion et on a aussi créé plus de transporteurs et offert plus de vols. Voilà pourquoi le nombre d'emplois a augmenté.
Le président: Je vous remercie, Michel.
Monsieur Calder.
M. Murray Calder: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
On nous a demandé de proposer une politique qui doit régir cette industrie. J'aimerais d'abord savoir si vous êtes d'avis qu'il serait préférable pour l'industrie qu'il y ait une seule compagnie aérienne ou qu'il y en ait deux. Qu'en pensez-vous?
M. W.T. Stanbury: Nous devons nous assurer de réduire au maximum les obstacles à l'entrée sur le marché. Si on le fait, on se retrouvera peut-être avec un transporteur, mais sans marché. Je crois que nous nous en rendons tous deux compte. Si les obstacles à l'entrée sont moyennement élevés ou très élevés, il vaut mieux qu'il y ait deux transporteurs. Mais s'il est facile d'entrer sur le marché, le nombre de transporteurs importe peu. Un choix s'effectuera en fonction de l'efficacité comparative de ces deux transporteurs.
Le président: Tom, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Tom Ross: Pourrais-je ajouter une seule chose?
Toutes choses étant égales par ailleurs, il serait formidable d'avoir deux transporteurs nationaux. Il y aurait concurrence et les deux seraient prêts à saisir les nouvelles occasions dès qu'elles se présenteraient. Mais comme l'a dit Bill, nous sommes pragmatiques. Bien des gens ont étudié ce secteur et sont d'avis qu'il peut peut-être ne soutenir qu'un seul grand transporteur national. Si tel est le cas, nous pourrions composer avec cette situation si les critères d'entrée dans le secteur ne sont pas trop élevés de sorte que, si le transporteur national tentait d'abuser de sa situation de monopole, d'autres entreprises pourraient tenter de rivaliser avec lui.
M. Murray Calder: Mais le fait est que, à l'heure actuelle, il y a deux transporteurs nationaux, mais tous leurs avions décollent en même temps et sont à moitié vides.
M. W.T. Stanbury: Excusez-moi, monsieur Calder, mais les données sur le coefficient d'occupation des sièges n'indiquent pas cela. C'est peut-être vrai pour un vol ici ou là, mais en réalité, le coefficient d'occupation est supérieur à 70 p. 100 au pays. C'est la moyenne globale.
Tom et moi prenons plus souvent que nous le voulons le vol de minuit pour Vancouver et, très souvent, tous les sièges y sont occupés. Les données indiquent bien que le coefficient d'occupation est de plus de 70 p. 100. L'utilisation moyenne des sièges est d'environ 70 p. 100. Il est faux de prétendre que beaucoup de sièges sont vides.
M. Joe Comuzzi (Thunder Bay—Superior-Nord, Lib.): Sur les vols long-courrier.
M. Murray Calder: Oui, sur les vols long-courrier.
M. W.T. Stanbury: Non, je parle pour l'ensemble des vols. Ce sont des statistiques nationales pour tous les vols.
M. Joe Comuzzi: Oui, mais sur les vols long-courrier, le coefficient d'occupation est de 90 p. 100 ou 95 p. 100. Si ce coefficient est de 45 p. 100 sur les vols court-courrier, ça donne une moyenne de 70 p. 100.
M. W.T. Stanbury: Oui, c'est vrai, il y a une différence, mais la moyenne nationale...
Soit dit en passant, les experts du secteur du transport aérien vous diront qu'un coefficient supérieur à 80 p. 100 est en fait excessif, car, alors, le passager qui doit absolument partir ne peut obtenir de place à la dernière minute même s'il est prêt à payer le plein tarif. Dans les faits, on ne peut vraiment obtenir un coefficient supérieur à 90 p. 100. C'est le cas de quelques transporteurs nolisés, mais ce n'est pas pratique.
M. Murray Calder: Les choses sont de moins en moins claires. Si ce que vous dites est vrai, pourquoi un des transporteurs a-t-il des problèmes de liquidités?
M. W.T. Stanbury: C'est une histoire très complexe. Malheureusement, il me faudrait écrire un livre pour vous l'expliquer. Comme l'a indiqué Tom, je crois que les difficultés tiennent d'une part à certaines mauvaises décisions qui ont été prises. Il y a aussi eu une concurrence féroce, pour ne pas dire une guerre, qui n'a pas été restreinte par la loi car notre loi était déficiente.
Au départ, les transporteurs étaient dans des positions asymétriques. Air Canada était déjà une ligne aérienne pleinement intégrée au début du jeu, lorsque le duopole a émergé au milieu des années 80. Puis, il y a eu la déréglementation. Canadien est en fait l'union de plusieurs lignes aériennes différentes. L'expérience des États-Unis et d'autres pays indique qu'il faut beaucoup de temps pour transformer ce genre d'entreprise en un transporteur bien unifié. Air Canada a joui d'un avantage important à cet égard.
En outre, leurs situations financières étaient différentes. Tom est le vrai expert de la théorie des duopoles et de la concurrence entre un petit nombre d'entreprises, et il vous dira que si vous jouissez d'un avantage relativement petit dans un jeu qui se répète, avec le temps, ce petit avantage deviendra important. Je crois qu'il a raison.
M. Tom Ross: C'est exact, et Canadien a alors connu des difficultés.
Que toutes les décisions que cette ligne aérienne a prises à l'époque aient été bonnes ou mauvaises importe peu maintenant. Ce qui compte, c'est que certaines initiatives stratégiques entreprises par Canadien et ses prédécesseurs, parallèlement aux avantages naturels dont jouissait Air Canada, ont provoqué des difficultés financières chez l'un des transporteurs. Il est alors d'autant plus intéressant pour l'autre transporteur d'être audacieux, sachant que la première entreprise bat de l'aile. Dans une certaine mesure, c'est de la concurrence saine, mais à un certain point, ça ne l'est plus. Bill et moi avons fait valoir—comme le commissaire—que si on modifiait les règles permettant de déterminer ce qui constitue des agissements abusifs dans ce secteur à tout le moins, peut-être que Canadien et d'autres transporteurs semblables auraient une meilleure chance de survivre.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Calder.
Madame Desjarlais, vous avez la parole.
Mme Bev Desjarlais: Quel genre de règle devrions-nous mettre en place pour lutter contre les agissements abusifs? Soyez très précis.
M. W.T. Stanbury: D'accord.
Premièrement, on pourrait examiner la règle qui a été proposée aux États-Unis et qui limiterait les changements de capacité. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais il faut remplacer le concept du prix abusif par celui des agissements abusifs. Les agissements incluent l'accroissement de la capacité sur un itinéraire particulier afin de faire obstacle à un nouveau transporteur. Dans certains cas, cela signifie vendre à un prix inférieur au coût variable ou cela peut vouloir dire tripler les points pour grands voyageurs, ou les deux.
Nous préconisons une concurrence dure. Le problème, c'est de faire la distinction entre la concurrence légitime et la concurrence illégitime. Ce n'est pas facile, mais on commence à faire cette distinction aux États-Unis. Je vous signale que la règle qui a été proposée par le secrétaire aux Transports a fait l'objet d'une grande controverse, mais c'est un bon point de départ qu'on pourrait modifier ensuite en fonction de nos circonstances.
Il faudrait que la règle s'applique à toute une gamme de choses. Soit dit en passant, elle devrait s'appliquer aux situations où une entreprise accapare les meilleurs emplacements de décollage et d'atterrissage aux heures de pointe. Sinon, vous ne pouvez rivaliser aux heures de pointe, aux heures où la plupart des gens veulent voyager. C'est le genre de chose qui serait considéré comme un agissement abusif.
Mme Bev Desjarlais: Parlons maintenant des commissions des agents de voyage. Avez-vous des suggestions à nous faire à ce sujet? Je sais que les agents de voyage connaissent une période difficile car leurs commissions ne cessent de diminuer. Avez-vous des suggestions?
M. Tom Ross: Nous n'avons rien de précis à proposer à ce sujet, mais le commissaire a fait remarquer que la structure des surprimes confère un avantage énorme au grand transporteur dont le volume est plus important. Mais les primes sont nécessaires, sinon on se retrouve avec une relation non linéaire entre le volume d'affaires que vous donnez à un transporteur et les sommes que vous en retirez en commission. Toute entreprise de taille un peu plus grande est alors avantagée et mieux en mesure de croître. Le plus simple serait de tenter de maintenir cette relation linéaire.
M. W.T. Stanbury: Vous obtenez 7 p. 100, 9 p. 100 ou 11 p. 100 de façon générale.
M. Tom Ross: Vous pouvez obtenir votre 7 p. 100 ou votre 9 p. 100, peu importe la part de votre volume d'affaires que vous nous donnez. Nous vous accordons cette commission en fonction du volume des ventes, et non pas en fonction de la part du marché que ce volume représente. Cela m'apparaît comme la meilleure solution.
M. W.T. Stanbury: Puis-je ajouter une chose?
Avec la nouvelle technologie de l'information, toutes sortes d'autres méthodes s'offrent aux gens, telles que la réservation en ligne par l'entremise d'Internet. J'hésite à le dire, mais je crains que les agents de voyage ne soient une espèce en voie de disparition.
Mme Bev Desjarlais: C'est une remarque pertinente.
M. W.T. Stanbury: Cela ne signifie pas qu'il faille faire fi de cette question. Je formule cette remarque en passant.
Mme Bev Desjarlais: C'est tout pour moi.
Le président: Merci, Bev.
Monsieur Comuzzi.
M. Joe Comuzzi: Merci. J'aimerais dire une chose sur cette dernière observation.
Merci, professeur Stanbury. Je trouve votre mémoire très intéressant.
M. W.T. Stanbury: Merci.
M. Joe Comuzzi: Je suis l'un des rares à craindre la solution ne prévoyant qu'un seul transporteur dominant. Je crois bien que je ferai l'impossible pour que cela ne se produise pas au Canada, surtout en raison des conséquences pour le consommateur de l'absence de concurrence. Je suis donc très intéressé par ce que vous avez dit sur la possibilité d'en arriver à une solution avec Canadien. Canadien a beaucoup d'actifs, beaucoup de bons employés et nous devrions consacrer...
M. W.T. Stanbury: Et certains parcours exceptionnels.
M. Joe Comuzzi: Et certains parcours exceptionnels, oui. Nous devrions consacrer beaucoup plus de temps à la sauver qu'à présumer que tout est fini.
M. W.T. Stanbury: Justement, mais il faut bien comprendre que nous ne préconisons pas de subventions gouvernementales dans ce cas...
M. Joe Comuzzi: Tout à fait.
M. W.T. Stanbury: Mais une restructuration fondée sur la connaissance du secteur privé, y compris, monsieur Comuzzi, la possibilité qu'il y ait d'autres gestionnaires et d'autres investisseurs qui, très franchement, peuvent faire un meilleur usage de ces actifs—ce qui est peut-être le cas.
M. Joe Comuzzi: Tout à fait.
M. W.T. Stanbury: Je pense que le marché, d'une certaine façon, le permet. Je crains toutefois que le marché n'ait pas cette chance ou qu'on mette fin aux activités avant d'avoir vraiment examiné cette possibilité.
M. Joe Comuzzi: En effet. Voyez-vous, je vais vous expliquer le pétrin où nous nous trouvons. Si vous faites intervenir le Bureau de la concurrence... vous savez que nous avons invoqué l'article 47. J'ai ici une lettre que M. Benson a adressée au ministre et où il est mentionné à plusieurs reprises que l'article 47 offre une solution. Or justement, nous n'avons pas de solution. À la lumière des événements des 10 derniers jours, il n'y a aucune solution. C'est un transporteur dominant. Nous aurions pu le faire il y a trois mois.
Ce qui m'amène à vous lire... Vous savez, en ce qui concerne l'article 47, nous avons bouclé la boucle. Que pouvons-nous faire? Nous allons tenter de régler nous-mêmes le problème, ce qui signifie l'effondrement de Canadien, le transporteur.
Ce qui m'ennuie vraiment, c'est le paragraphe 47(1)(3) de cette loi où, à l'alinéa c), il est dit: «Il n'y a aucune autre disposition dans cette loi ni dans toute autre loi du Parlement». En fait, vous avez fait allusion à l'article 11 de la loi américaine sur les faillites. Je pense que la première compagnie aérienne à s'en prévaloir a été Eastern Airlines, bien avant votre temps, si j'ai bien jugé votre âge.
Mais il y a des lois sur le désintéressement des créanciers au Canada et il me semble—permettez-moi de procéder le plus rapidement possible, si vous le voulez bien, monsieur le président—que vous pouvez présenter une demande au tribunal, en l'occurrence la Cour fédérale, lui signifiant que vous avez des problèmes financiers et qu'il vous faut le temps nécessaire pour restructurer votre entreprise. Il y a tout un groupe d'entreprises au Canada qui l'ont fait ces trois dernières années. Dans le cadre de cette procédure, le juge vous accorde la permission de mettre de côté vos obligations actuelles, ce qui vous exempte d'utiliser votre fonds de roulement, vous permettant de continuer comme si de rien n'était. Vous mettez donc de côté vos dettes, vous n'avez pas à les rembourser immédiatement pendant cette procédure complète de restructuration en vue de réussir avec cette compagnie aérienne ou cette entreprise. Normalement, le juge vous accorde 90 ou 120 jours et si c'est insuffisant, vous pouvez présenter une nouvelle demande et il vous accordera un peu plus de temps, car ce genre de choses est un énorme problème au Canada. Alors vous trouvez une solution.
L'ennui évidemment, c'est que si tous les créanciers n'acceptent pas la solution, vous êtes automatiquement en faillite. Vous n'invoquez toutefois pas la Loi sur la faillite mais bien la Loi sur le désintéressement des créanciers. Toutefois, si vous ne pouvez pas avoir l'appui des créanciers, vous êtes dans le pétrin. De là la crainte.
Pourquoi n'avons-nous pas procédé ainsi? Pourquoi Canadien...
M. W.T. Stanbury: Je n'en sais rien. Il y a toutefois un autre problème qui s'ajoute à celui que vous venez de mentionner.
M. Joe Comuzzi: Dites-moi.
M. W.T. Stanbury: Pour les compagnies aériennes, le fonds de commerce est très éphémère. Lorsque vous fermez la porte de l'avion, s'il y a des sièges vides, ils sont vides à jamais. Vous ne pouvez pas les remettre dans l'inventaire. Nous savons également qu'il est très facile pour les voyageurs de passer à une autre compagnie s'ils craignent par exemple de perdre leurs points de grands voyageurs ou s'ils craignent que leur voyage soit interrompu à cause d'une faillite ou d'autre chose; vous allez les perdre comme clients.
M. Joe Comuzzi: Je comprends.
M. W.T. Stanbury: C'est ce qui préoccupe actuellement Canadian International. Elle surveille ses liquidités quotidiennement.
M. Joe Comuzzi: Parfaitement. Toute l'entreprise compte sur les liquidités. Je ne pense pas que ce soit très différent chez Air Canada, ou chez une autre compagnie d'aviation, et voici qu'arrive le temps des Fêtes. Voilà les faits.
• 1730
Le fait même que vous présentiez une demande au tribunal et que vous
puissiez faire mettre de côté vos dettes, y compris celles d'American
Airlines et d'AMR jusqu'à ce que vous puissiez présenter un plan de
restructuration... Vu la date maintenant, cela vous amène bien après
le temps des Fêtes, la partie la plus importante de l'année pour les
voyageurs. Cela ne gênera pas vos liquidités. Vous devriez pouvoir, si
nous y réfléchissons tous ensemble, trouver un plan de restructuration
pour Canadien afin de déterminer où elle se situe, évitant ainsi
d'exposer les Canadiens à un transporteur dominant.
Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire?
Le président: Merci, Joe.
M. W.T. Stanbury: Parfaitement. Toutefois, nous vous encourageons à inviter à comparaître devant votre comité, des témoins beaucoup plus spécialisés dans ce genre de choses. Faites peut-être venir quelqu'un des États-Unis qui a déjà vécu cette situation pour vous dire quels sont les dangers et les risques. Rappelez-vous aussi que tout le processus commence lorsque l'entreprise en difficulté prend l'initiative de présenter une demande à un juge afin de se prévaloir des dispositions de la loi et d'entreprendre une restructuration. Canadien ne l'a pas fait. Il n'a pas non plus été question que l'entreprise y réfléchisse sérieusement.
M. Tom Ross: Il n'est peut-être pas nécessaire que Canadian manifeste ainsi son intérêt puisqu'il est peut-être plus rentable pour Canadien et Air Canada de retenir le scénario de monopole. Canadien jugera donc peut-être qu'il est préférable pour elle de s'entendre avec Air Canada. Dans le cas du fusionnement, une faillite ou une réorganisation—la restructuration—est peut-être préférable pour les contribuables et les voyageurs canadiens, mais cela ne sert peut-être pas les intérêts des compagnies et il ne faut peut-être pas s'attendre à ce qu'elles retiennent cette option.
Le président: Merci, Joe. J'espère que M. Comuzzi posera cette même question au principal intéressé, M. Benson, lorsqu'il comparaîtra devant nous la semaine prochaine.
Monsieur Casey, vouliez-vous posez une question?
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Nous avons entendu plusieurs témoins. Je me souviens qu'un soir, il y avait des représentants de quatre compagnies aériennes: First Air, je pense, WestJet, InterCanadien et une autre compagnie. Ils nous ont tous dit et dit très clairement qu'ils voulaient que nous comprenions que l'industrie n'est pas en crise, qu'une compagnie aérienne est en crise. Partagez-vous cet avis? Est-ce l'industrie qui est en crise ou simplement une compagnie?
M. W.T. Stanbury: Je pense qu'il faut considérer l'importance relative de Canadien dans l'industrie. Elle ne représente pas 50 p. 100 ou plus de l'industrie; c'est néanmoins une part importante de l'industrie. Il s'agit donc essentiellement d'une crise chez une compagnie aérienne et non pas dans l'industrie aérienne.
Si vous abaissez les barrières, s'il est plus facile d'entrer sur le marché, ce sera moins difficile de servir le public canadien. C'est pourquoi nous y revenons constamment. Il y a de nombreuses façons de transporter les gens à travers le pays. Il pourrait y avoir d'autres investisseurs. Toutefois, la façon la plus simple d'investir comme l'a dit le commissaire, ce serait peut-être en établissant une succursale d'une entreprise américaine existante qui a beaucoup d'expérience—une marque de commerce—tout en retenant les actifs canadiens et en embauchant des Canadiens pour exploiter la compagnie aérienne au Canada. Nous pensons que c'est là une suggestion utile.
M. Bill Casey: Une autre chose qui est ressortie l'autre jour, qui est mentionnée dans le rapport du Bureau de la concurrence, c'est la recommandation voulant que l'on se départisse des compagnies aériennes régionales. Il existe plusieurs versions de cette proposition. Que pensez-vous de l'idée de se départir des compagnies régionales, à supposer que la théorie qui l'emporte soit celle du transporteur dominant?
M. Tom Ross: Nous avons en fait une opinion sur la question. Nous ne croyons pas que ce serait mauvais que l'on se départisse des lignes aériennes régionales, mais nous croyons qu'il serait facile d'exagérer les avantages d'une telle décision, et c'est ce que nous voulons éviter. Dans le secteur du transport aérien, toutes les compagnies sont—pour reprendre l'expression de Bill—symbiotiques. C'est vrai. Les grands transporteurs, dans une certaine mesure, exploitent les petits transporteurs qui, à leur tour, exploitent les grands transporteurs, parce qu'ils ont besoin les uns des autres et qu'ils s'échangent des passagers.
Si les grandes compagnies aériennes se départissaient des plus petits transporteurs, elles deviendraient simplement des associés. Il n'y aurait pas nécessairement participation au capital, mais à toutes fins utiles, ces compagnies assureraient la coordination des horaires, peut-être même des tarifs, et disposeraient de beaucoup d'information les uns sur les autres. Dans quelle mesure ces transporteurs seraient-ils en fait concurrentiels? Si vous étiez un petit transporteur régional et que vous dépendiez du transporteur dominant pour 80 p. 100 de vos passagers, croyez-vous que vous songeriez à lancer une guerre des prix avec le transporteur dominant pour le seul itinéraire où vous vous livrez en fait concurrence? Je crois que c'est fort peu probable; vous avez trop besoin du transporteur dominant.
Cela ne nuirait donc pas à la concurrence de procéder de cette façon, mais je crois qu'on a tendance à exagérer l'importance d'une telle décision.
M. W.T. Stanbury: Il est fort peu probable qu'une telle décision crée des problèmes et je vais vous expliquer pourquoi.
Aux États-Unis, on a essayé divers types d'ententes, de la propriété à la simple conclusion de contrats, et cette dernière formule fonctionne très bien. Vous ne nuisez aucunement à l'efficacité si vous insistez pour qu'ils se départissent de leurs intérêts, mais n'oubliez pas qu'ils passeront des contrats les uns avec les autres, ou tout au moins certains d'entre eux le feront, en raison de ce que Tom a déjà expliqué. Ils ont besoin les uns des autres pour alimenter l'important réseau que vous et moi recherchons, le service ininterrompu de Vancouver vers toutes les petites villes en passant soit par Toronto, soit par une autre ville.
M. Bill Casey: Avez-vous eu l'occasion d'étudier cette proposition? Avez-vous vu des détails de cette proposition qu'on a présentée hier ou avant-hier?
M. Tom Ross: Nous avons lu le communiqué, mais c'est tout. Je ne sais pas si de plus amples détails vous ont été fournis hier. Nous avons lu les articles, mais nous n'avons pas vraiment obtenu beaucoup de détails.
M. Bill Casey: Non, je pense que c'était à peu près tout. Ils ne pourraient pas aller plus loin à moins que le gouvernement n'élabore une politique sur le dessaisissement. Le gouvernement devrait alors dire qu'il a l'intention de forcer le principal transporteur, le transporteur dominant, à se dessaisir de ses intérêts. Le transporteur dominant ne le ferait pas de bon gré, je ne crois pas
M. W.T. Stanbury: Mais vous noterez que la première condition après cet énoncé était que les petits transporteurs seraient autorisés, s'ils le désiraient, à passer des contrats avec le monopole, ou le transporteur dominant, pour assurer des services d'apport. Nous comprenons cela parfaitement.
Mais pour en revenir à ce que Tom disait, il reste que la plupart de vos activités vous lieraient au transporteur dominant. Vous avez peut-être d'autres services pour lesquels il n'existe absolument aucune concurrence. Mais il y a un troisième type d'activité où, en fait, vous offrez un service sur le marché du transporteur dominant. Vous vous achetez un autre avion ou deux et vous offrez ce service, donc vous livrez concurrence directement au transporteur dominant. Soyons honnêtes. Est-ce que cela peut être vraiment de la concurrence s'il est également votre client le plus important?
M. Bill Casey: Je vois. Très bien. Merci.
M. W.T. Stanbury: Merci.
Le président: Ce n'est pas une mauvaise idée de proposer une période de 10 ans. Je me souviens qu'hier il a dit que c'était très bien: en passant, si vous vous engagez pour 10 ans ou que vous nous laissez faire cela pendant 10 ans...
Monsieur Bailey, aviez-vous une question? Allez-y.
M. Roy Bailey: Merci beaucoup, messieurs. Tout cela est très intéressant. Notre comité a déjà entendu nombre de témoins. Nous avons entendu d'excellents témoins, et je dois dire que certains autres n'étaient pas tout à fait du même calibre.
Il y a une expression qu'un vieil homme m'a dite un jour qui me rappelle votre position, et en fait dans une certaine mesure celle de l'industrie aérienne: si vous n'avez pas suffisamment souffert, vous avez le droit de souffrir encore plus.
Je crois que nous en sommes au point où nous ne voulons pas devoir souffrir encore plus. Nous avons deux grandes lignes aériennes, qui emploient beaucoup de travailleurs. Dans les deux cas, je crois qu'il incombe à ce comité que peu importe ce qui se produit... Je crois qu'il faut peut-être absolument que nous protégions les employés, puis que nous nous occupions par la suite des passagers, ce qui n'a absolument rien à voir avec notre comité.
Messieurs, si nous voulons relancer le concept de deux transporteurs dominants au Canada, je crois qu'il faut absolument que... Nous reconnaissons que les transporteurs régionaux leur fournissent des passagers, nous sommes conscients de leur position au Canada, mais il y a un marché international toujours plus important et ces deux grandes lignes aériennes font partie d'alliances.
Il me semble que si nous voulons que Canadien revienne au niveau où elle devrait être, il faut uniformiser les règles du jeu. Je crois qu'il faudra reconnaître que Canadien ne pourra jamais survivre ou livrer concurrence à moins qu'il n'y ait une intervention, à moins que nous ne répartissions les itinéraires, de sorte que Canadien et Air Canada puissent survivre sur le marché canadien et sur les marchés étrangers.
Et c'est là le problème, d'après moi. Qu'on répartisse les itinéraires et qu'à partir de là, elles se débrouillent. Que pensez-vous de cela? Pensez-vous que Canadien peut survivre si nous n'agissons pas sur le plan réglementaire et que nous n'uniformisons pas les règles du jeu?
Le président: Merci, monsieur Bailey.
M. Tom Ross: Vous voulez éviter ce qu'on appelle parfois l'enfant gâté—quelqu'un qui est gâté et qui est protégé par son grand frère, le gouvernement. Nous voulons que ces sociétés privées soient libres et qu'elles se livrent concurrence pour gagner la faveur des passagers.
Cependant votre question est excellente. Pouvons-nous y parvenir sans intervenir? Si c'est une intervention limitée et que cela a quelque chose à voir avec le droit de desservir des destinations étrangères qui cadrent bien avec la vocation d'un des transporteurs et qui sont très avantageuses, il nous faudrait peut- être nous pencher sur cet aspect. Nous n'aimons pas ce genre d'interventions, mais il faut nous rendre à l'évidence. Le gouvernement répartit justement ces droits, alors il pourrait en fait changer cette répartition, surtout si cela est à l'avantage du public voyageur.
• 1740
Lorsque vous parlez d'intervention, si vous entendez par là quelque
chose de temporaire pour uniformiser les règles du jeu, comme vous
l'avez dit, nous serions prêts à nous pencher sur la question. Si vous
parlez plutôt d'un organisme responsable de la réglementation...
Une voix: Non, non...
M. Tom Ross: ... pour empêcher ces entreprises d'empiéter sur leurs liaisons respectives, alors nous n'appuyons pas une telle proposition, encore que nous voudrions que le commissaire à la concurrence exerce des contrôles plus stricts sur les prix d'éviction.
M. Roy Bailey: J'aimerais faire un dernier commentaire, messieurs. Si nous n'optons pas pour cette proposition, si nous revenons toujours à la formule du transporteur dominant, si nous permettons au transporteur actuel, c'est-à-dire Air Canada, de déterminer comment Canadien pourra fonctionner, je ne pense pas que le gouvernement pourra... Personnellement, je ne veux pas rester là et voir le transporteur dominant imposer des conditions au détriment des petits transporteurs et des travailleurs. Je pense qu'on ne pourrait pas se retrouver dans pire bourbier. C'est pourquoi j'ai dit que si vous n'aviez pas encore souffert suffisamment, c'est votre droit de souffrir encore plus.
M. W.T. Stanbury: Je crois que votre commentaire est juste. On n'évite le problème que temporairement en assurant la survie de Canadien, en assurant qu'il s'agira d'une entité légalement indépendante d'Air Canada mais appartenant à Air Canada. Air Canada veut simplement éviter d'assumer la dette et les responsabilités en matière de pensions de retraite. Ce transporteur ne survivra pas. Il disparaîtra et les employés aussi. On ne fait que reporter cet événement.
On peut attacher trop d'importance à la protection des employés. Nous sommes certes tous les deux des économistes influencés par le marché, mais voici ce que nous préconiserions: si vous voulez protéger les employés, ne les protégez pas comme employés des lignes aériennes, mais protégez-les plutôt en leur accordant des subventions pour qu'ils passent de cet emploi à un autre emploi, une aide financière pour le recyclage, une aide au déplacement, toute une série d'autres choses. Cette aide serait financée par les contribuables—non pas par ceux qui voyagent en avion—par l'entremise d'une taxe permanente et des tarifs aériens plus élevés pendant une certaine période.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bailey.
Je vais poser une question dans la même veine que celle de M. Bailey; à votre avis, messieurs, qui devrait avoir le dernier mot pour décider de l'acquisition ou de la fusion? Est-ce que ce devrait être l'OTC? Le Bureau de la concurrence? Le ministre des Transports? Le gouverneur en conseil? D'après vous, qui devrait être responsable?
M. Tom Ross: J'aimerais répondre en premier. Je sais que Bill a une opinion sur la question.
C'est évidemment un gros problème. Est-ce quelque chose que vous devriez confier uniquement au commissaire à la concurrence? Bill et moi avons travaillé à la Commission, pour divers projets. Nous avons beaucoup confiance dans les compétences de ceux qui y travaillent, dans leur impartialité, et leur recherche de l'efficacité et du bien-être du consommateur. Nous avons beaucoup confiance en ces gens. Cependant, il y a peut-être des questions plus importantes en jeu, ici—pas simplement la concurrence—et d'autres intervenants ont en fait une responsabilité. Tout compte fait, c'est probablement le ministre et le Conseil des ministres et peut-être même le Parlement qui devront assumer la responsabilité, surtout si nous parlons de modifications législatives.
Je me fierais beaucoup aux recommandations du commissaire à la concurrence dans une affaire comme celle-là.
Bill.
M. W.T. Stanbury: J'appuie ces commentaires. Je comprends qu'en raison de la complexité du dossier, d'autres ministères devront être mis à contribution; c'est inévitable. Par exemple, si vous appuyez notre proposition visant une aide de transition pour les employés, le ministère de l'Emploi et de l'Immigration devra participer à ce dossier, etc. Nous en sommes conscient, mais tout compte fait, vous voulez d'abord et avant tout une industrie du transport aérien efficace, une industrie qui assurera des avantages aux consommateurs. C'est ce que vous devez rechercher d'abord et avant tout.
Le danger ici, au comité, c'est que vous êtes tiraillés entre 20 directions au même moment. Je crois que vous devez vous concentrer sur un ou deux objectifs politiques fondamentaux, et vous assurer que tout le reste est compatible avec ces grands principes.
Le président: Monsieur Stanbury, monsieur Ross, je tiens à vous remercier d'être venus rencontrer notre comité cet après-midi. Votre contribution est des plus utiles. Merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions.
M. W.T. Stanbury: Merci. Nous avons été très heureux d'être des vôtres.
M. Tom Ross: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
M. Joe Comuzzi: Avant que nos témoins ne partent, monsieur le président, j'aimerais signaler que je n'ai pas eu l'occasion de poser de questions sur le cabotage. Je demanderais aux témoins s'ils ont déjà préparé des documents sur le cabotage, de me les faire parvenir s'ils le veulent bien.
Le président: Un de nos députés pose une question sur le cabotage. Vous avez peut-être entendu la question. Si vous avez des documents que vous pourriez fournir à notre greffière qui pourrait les distribuer aux députés sur le cabotage...?
M. W.T. Stanbury: Je vous recommanderais de lire le rapport publié par la Commission royale sur le transport des voyageurs au Canada en 1992; les auteurs reconnaissaient qu'il se pourrait qu'un jour nous nous retrouvions dans une situation de monopole avec un seul transporteur aérien; les auteurs ont appuyé le principe du cabotage unilatéral dans le rapport. Je pense en fait qu'on discute de la question en détail dans ce document.
Le président: Merci beaucoup.
M. W.T. Stanbury: Je verrai si je ne peux pas trouver d'autres documents à vous envoyer.
Le président: Merci beaucoup, monsieur.
Messieurs, encore une fois, je tiens à vous remercier. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus aujourd'hui. Bon après- midi. Je n'ai pas besoin de dire bon vol.
Une voix: Pensez à tout l'argent qu'on a économisé.
Le président: Chers collègues, avant que vous ne partiez, j'aimerais... [Note de la rédaction: Problèmes techniques]... Tout d'abord, nous avons demandé aux compagnies de nous donner tous les renseignements dont elles disposaient, n'est-ce pas?
M. Joe Comuzzi: Oui.
Le président: Onex nous dit de nous adresser au tribunal. C'est facile à comprendre, parce qu'il n'y a plus rien qui la touche. Elle nous dit que si nous voulons les documents, nous n'avons qu'à nous adresser au tribunal qui les a tous. Nous nous sommes adressés au tribunal, nous avons appris que pour se procurer les annexes, il en coûterait environ 2 000 $ en frais de photocopie. Cela pourrait nous coûter plus de 5 000 $.
M. Joe Comuzzi: Monsieur le président, pour montrer à quel point je suis un député économe, je vais donner ces documents visant la décision de la cour à la greffière...
Le président: C'est la décision. Vous avez demandé tous les documents. Et c'est ce que cela nous coûterait.
M. Joe Comuzzi: ... les documents supplémentaires que les témoins ont été sommés de présenter. Je vais vous permettre d'économiser 5 000 $.
Le président: C'est environ 1,98 $. Si vous voulez tous les documents que vous demandiez, Joe, la pile sera haute comme cela, et ils voulaient plus de 5 000 $.
M. Joe Comuzzi: Voulez-vous ces documents, monsieur le président, ou ne les voulez-vous pas?
Le président: Oui.
Chers collègues, nous avons également reçu les documents d'Air Canada. Ils sont très volumineux.
M. Guimond a dit qu'il ne fallait pas se donner la peine de les faire traduire pour lui.
Merci beaucoup, monsieur Guimond.
Mais il signale que si nous voulons voir ces documents, nous n'avons pas besoin de les photocopier. Il dit qu'il suffirait peut- être de passer par le bureau de la greffière où Sharon, l'adjointe de Guyanne, s'en occuperait. Pour ceux qui veulent les voir ou les passer en revue—pas nécessairement vous—ou même si vous voulez envoyer un de vos employés les consulter, ils seront au bureau. Sharon y sera. Vous pourrez les passer en revue si vous le désirez.
M. Joe Comuzzi: Je les étudierai.
Le président: Est-ce que cela vous convient?
C'est tout. Merci, chers collègues. Passez une bonne soirée. Nous nous rencontrerons à nouveau demain matin à la salle 237-C de l'édifice du Centre.