Le privilège est la disposition qui distingue les députés d’autres citoyens, leur
conférant des droits dont ne jouissent pas les autres … À mon avis, le privilège
parlementaire ne va pas beaucoup au-delà du droit de libre parole à la Chambre et du droit
d’un député de s’acquitter de ses fonctions à la Chambre en tant que
représentant aux Communes.
Président Lucien Lamoureux
(Débats, 29 avril 1971, p. 5338)
E
n matière de privilège parlementaire, les usages et précédents de la Chambre des communes
du Canada remontent aux premiers temps de l’ère coloniale. S’inspirant de Westminster, les jeunes
assemblées des colonies ne tardèrent pas à revendiquer les privilèges de la Chambre
britannique, sans pouvoir toutefois se référer à une loi particulière. Avec la
Confédération, les privilèges de la Chambre britannique furent transférés au
Parlement du Canada en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 [1]
et, pendant de nombreuses années, la Chambre canadienne continua de prendre la Chambre britannique comme
guide dans les questions du privilège parlementaire [2] .
À la Chambre des communes du Royaume-Uni, les privilèges furent instaurés en réponse
à une menace directe de la Couronne et de la Chambre des lords. Lorsque la menace s’atténua,
le privilège évolua dans le sens d’une définition très étroite de ces
droits et immunités, une indication que tous les privilèges de la Chambre et de ses députés
proviennent en fin de compte de l’électorat. Heureusement, la Chambre des communes canadienne
hérita de ses privilèges sans avoir à subir des épreuves ou des menaces physiques.
Ils ont permis d’assurer le succès de l’institution du Parlement et, aux députés,
d’exercer leurs fonctions sans entraves.
De nos jours, le terme « privilège » implique habituellement l’idée
d’une « classe privilégiée », d’une personne ou d’un groupe
qui jouissent d’immunités ou de droits particuliers au-delà de ce qui est normalement consenti
aux autres citoyens [3] .
Toutefois, il ne s’agit pas là du sens du privilège dans le contexte parlementaire. Le
« privilège parlementaire » s’applique plutôt aux droits et immunités
jugés nécessaires pour permettre à la Chambre des communes en tant qu’institution, et
à ses députés en tant que représentants de l’électorat, d’exercer leurs
fonctions. Il désigne également les pouvoirs dont la Chambre est investie pour se protéger
ainsi que ses députés et ses procédures d’une ingérence indue et s’acquitter
efficacement de ses principales fonctions — enquêter, débattre et légiférer [4] .
En ce sens, on peut considérer le privilège parlementaire comme un ensemble d’avantages
particuliers dont ont besoin le Parlement et ses membres pour accomplir leur travail sans entraves.
Ce chapitre retrace l’évolution du privilège au Royaume-Uni et au Canada, passe en revue les
droits et immunités de la Chambre et de ses députés et décrit les procédures
utilisées pour traiter des questions de privilège à la Chambre canadienne. Pour une analyse
en profondeur du sujet, on se reportera à deux principales sources : Erskine May’s Treatise on The Law,
Privileges, Proceedings and Usage of Parliament [5] ,
qui expose les usages et précédents de la Chambre des communes britannique, et Le privilège
parlementaire au Canada, de Joseph Maingot [6] ,
qui porte sur l’histoire et l’application du privilège au Canada.
Définition du privilège parlementaire
On trouve dans Erskine May’s Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament
la définition classique du privilège parlementaire :
Le privilège parlementaire est la somme des droits particuliers à chaque chambre, collectivement,
[…] et aux membres de chaque chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s’acquitter
de leurs fonctions. Ces droits dépassent ceux dont sont investis d’autres organismes ou particuliers.
On est donc fondé à affirmer que, bien qu’il s’insère dans l’ensemble des
lois, le privilège n’en constitue pas moins, en quelque sorte, une dérogation au droit commun [7] .
On peut répartir en deux catégories les « droits particuliers » en question :
ceux accordés aux parlementaires individuellement et ceux dont jouit la Chambre à titre collectif.
Chaque catégorie peut à son tour être subdivisée. Par exemple, on regroupe habituellement
sous les rubriques suivantes les droits et immunités accordés aux parlementaires à titre individuel :
- La liberté de parole;
- L’immunité d’arrestation en matière civile;
- L’exemption du devoir de juré;
- L’exemption de l’obligation de comparaître comme témoin.
Quant aux droits et pouvoirs de la Chambre en tant que collectivité, on peut les répartir ainsi :
- Le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires, c’est-à-dire le droit de punir (par incarcération)
les personnes coupables d’atteinte au privilège ou d’outrage, et le pouvoir d’expulser des
députés coupables d’inconduite;
- Le droit de réglementer ses affaires internes;
- Le pouvoir d’assurer la présence et le service de ses députés;
- Le droit d’enquêter, de convoquer des témoins et d’exiger la production de documents;
- Le droit de faire prêter serment aux témoins;
- Le droit de publier des documents contenant des éléments diffamatoires.
Ces deux catégories englobent tous les privilèges dévolus aux députés et
à la Chambre des communes en tant que collectivité. On examinera plus en détail dans ce chapitre
chacun des privilèges en question en faisant référence à des exemples précis.
La Chambre a le pouvoir d’invoquer le privilège lorsqu’on fait obstacle à
l’exécution de ses fonctions ou de celles des députés. C’est uniquement dans ce
contexte que le privilège peut être considéré comme une exemption par rapport à
la loi générale. Les députés ne sont pas au-dessus des lois qui régissent tous
les citoyens du Canada. De fait, les privilèges des Communes visent à préserver les droits
de chaque électeur [8] .
Par exemple, le privilège de la liberté de parole est accordé aux députés non
pour leur avantage personnel, mais pour leur permettre de bien représenter leurs électeurs sans crainte
de poursuites civiles ou criminelles suite à ce qu’ils auraient déclaré à la
Chambre et en comité. Lorsqu’une circonscription élit un candidat, il relève du droit
des électeurs que ce représentant élu soit protégé contre toute pression indue,
et en particulier contre la violence [9] .
Le trait distinctif du privilège est son caractère accessoire. Les privilèges du Parlement
sont des droits « absolument indispensables à l’exercice de ses pouvoirs ».
Les députés en sont bénéficiaires à titre individuel car la Chambre serait
incapable de s’acquitter de ses fonctions sans disposer librement des services de ses membres. Mais chaque
Chambre en est également bénéficiaire pour la protection de ses membres et l’affirmation
de son autorité et de sa dignité [10] .
Le privilège appartient essentiellement à la Chambre dans son ensemble; à titre individuel,
les députés ne peuvent l’invoquer que dans la mesure où une atteinte à leurs
droits ou des menaces risqueraient d’entraver le fonctionnement de la Chambre. En outre, les députés
ne peuvent invoquer le privilège ou l’immunité pour des questions qui ne sont pas liées
à leurs fonctions à la Chambre [11] .
Par ailleurs, même si elle ne porte atteinte à aucun privilège particulier, toute conduite qui
cause préjudice à l’autorité ou à la dignité de la Chambre est considérée
comme un outrage au Parlement. L’outrage peut être un acte ou une omission. Il n’est pas nécessaire
de faire réellement obstacle au travail de la Chambre ou d’un député; la tendance à
produire un tel résultat suffit.
Les privilèges considérés comme « absolument nécessaires » par le Parlement
ont varié au cours des siècles. Néanmoins, certains principes de base sont établis. Ni
l’une ni l’autre chambre du Parlement ne peut à elle seule étendre ses privilèges,
même si chacune peut, par résolution, décider de ne pas invoquer ou appliquer un privilège
dont elle usait auparavant [12] .
Aucune chambre ne peut revendiquer pour elle-même de nouveaux privilèges, lesquels ne peuvent être
établis qu’en vertu d’une loi du Parlement, tout comme l’élargissement d’anciens
privilèges [13] .
L’une ou l’autre chambre peut exercer ses droits dans de nouvelles circonstances, ce qui revient parfois
à créer de nouveaux cas d’outrage [14].
Enfin, chaque chambre peut individuellement juger et punir les atteintes à ses privilèges.
Historique
Les privilèges parlementaires ont été revendiqués pour la première fois
il y a plusieurs siècles, lorsque la Chambre des communes tentait, en Angleterre, de se donner un rôle
distinct au sein du Parlement. À ses débuts, le Parlement faisait fonction de tribunal plutôt
que d’assemblée législative, et c’est dans ce contexte que sont nés les
privilèges parlementaires [15] .
On estimait à l’époque que ces privilèges étaient nécessaires afin
de protéger la Chambre et ses députés, non pas du peuple, mais du pouvoir et de l’ingérence
du roi ainsi que de la Chambre des lords. Avec le temps, la Chambre des communes se vit reconnaître le
rôle et le pouvoir d’une assemblée délibérante, ses privilèges étant
établis comme partie intégrante du droit et de la common law du royaume.
La Chambre des communes du Canada n’eut pas à s’opposer à la Couronne, à son
exécutif ou à la Chambre haute de la même manière que les Communes britanniques. Les
privilèges de celles-ci furent officiellement transmis au Parlement canadien au moment de la Confédération,
en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, et entrèrent en vigueur avec l’adoption
d’une loi qui est devenue la Loi sur le Parlement du Canada [16] .
Néanmoins, les privilèges dont jouissent la Chambre et ses députés sont extrêmement
importants; de fait, ils jouent un rôle vital dans la bonne marche du Parlement. Cela est aussi vrai
aujourd’hui qu’il y a des siècles, à l’époque où les Communes
britanniques luttaient pour obtenir ces droits et privilèges.
Le privilège au Royaume-Uni
La lutte de la Chambre des communes britannique pour faire reconnaître par le roi ses immunités et
droits fondamentaux a commencé il y a plusieurs siècles [17] .
Les premières luttes remontent aux quatorzième et quinzième siècles, lorsque plusieurs
députés et Présidents de la Chambre furent emprisonnés par un souverain se disant
offensé par leur conduite au Parlement. Le roi passa outre aux objections de la Chambre qui affirmait que
ces arrestations constituaient une violation de ses libertés. Sous le règne des Tudor et au
début de celui des Stuart, bien que la volonté du souverain l’emportait parfois sur celle du
Parlement, on continua d’affirmer l’existence de certains droits propres au Parlement et à la
Chambre des communes. Élu Président des Communes en 1523, sir Thomas More fut l’un des premiers à
présenter une pétition demandant au roi de reconnaître à la Chambre certains privilèges [18] .
À la fin du seizième siècle, la pétition présentée au roi par le
Président de la Chambre avait trouvé place dans les usages [19] .
Malgré les pétitions que lui adressait le Président de la Chambre, le roi n’hésitait
pas à faire savoir aux Communes que leurs privilèges, et notamment la liberté de parole,
s’exerçaient selon son bon plaisir. C’est ce que fit Jacques Ier en 1621. En guise
de protestation, les Communes répliquèrent que « chaque membre de la Chambre des communes
bénéficie, comme il convient en droit, de la liberté de parole […] et de l’immunité
le protégeant de la destitution, de l’emprisonnement et de la molestation (autre que les mesures de
censure que la Chambre pourrait prononcer à son encontre) pour des discours, raisonnements ou déclarations
sur des sujets ayant trait soit au Parlement, soit aux travaux parlementaires [20] ».
Pour marquer sa désapprobation, le roi Jacques Ier ordonna que le Journal de la Chambre lui
soit envoyé; il en déchira la page qui lui avait déplu et prononça sur-le-champ la
dissolution du Parlement [21] .
Le privilège parlementaire n’empêcha pas non plus la détention ou l’arrestation de
certains députés sur ordre de la Couronne. À plusieurs reprises, au début du dix-septième
siècle, des députés furent emprisonnés sans procès quand la Chambre ne siégeait
pas ou après dissolution du Parlement. En 1626, Charles Ier ordonna l’arrestation de deux
députés pendant que la Chambre siégeait et, en 1629, plusieurs députés furent condamnés
pour sédition. Ces outrages commis par la Couronne furent dénoncés après la Guerre
civile et, en 1667, les deux chambres convinrent que le jugement rendu à l’encontre des députés
arrêtés avait été illégal et contraire aux privilèges du Parlement [22] .
En 1689, l’adoption du Bill of Rights confirma une fois pour toutes la liberté de parole, privilège
fondamental du Parlement. L’article 9 dispose que « ni la liberté de parole, ni celle des débats
ou procédures dans le sein du Parlement, ne peut être entravée ou mise en discussion en aucune cour
ou lieu quelconque que le Parlement lui-même » [23] .
C’est ainsi que fut définitivement instaurée la liberté de parole de la Chambre, liberté
protégée de toute ingérence extérieure, aussi bien de la Couronne que des tribunaux.
Vers la fin du dix-septième siècle et jusqu’au milieu du dix-huitième, la Chambre
poussa parfois trop loin la question de ses privilèges. Ainsi, il arriva qu’on reconnaisse l’immunité
en matière civile non seulement aux députés, mais également à leurs domestiques.
De plus, les députés essayèrent d’élargir aux biens leur appartenant l’immunité
contre les entraves ou les mauvais traitements, allant jusqu’à faire état d’une violation
de leurs privilèges en cas de braconnage ou de violation de propriété. On finit par mettre un
terme à ces pratiques qui commençaient à créer de sérieux obstacles au cours ordinaire
de la justice [24] ,
et on reconnut que seul relevait du privilège ce qui était absolument nécessaire au fonctionnement
efficace de la Chambre et à l’exercice du mandat parlementaire des députés.
Malgré des excès occasionnels, la Chambre des lords et la Chambre des communes reconnurent toutes deux qu’il
fallait maintenir un équilibre entre la sauvegarde des privilèges essentiels du Parlement et la
nécessité d’écarter tout ce qui risquait d’aller à l’encontre des intérêts
du pays. C’est ainsi qu’en 1704, le Parlement décida que ni l’une ni l’autre de
ses chambres ne pouvait, par vote ou par déclaration, s’attribuer de nouveaux privilèges non justifiés
par le droit existant ou la coutume parlementaire [25] .
Depuis, ni l’une ni l’autre des chambres n’a, de son propre chef, revendiqué de nouveaux
privilèges au-delà de ceux réclamés dans les pétitions des Présidents ou
déjà établis en vertu de la loi ou d’un précédent [26] .
Au dix-neuvième siècle, la question de privilège fut souvent soulevée, ce qui contribua
à délimiter les droits du Parlement et la responsabilité du pouvoir judiciaire [27] .
Parmi les affaires portées devant les tribunaux, la plus connue est sans doute celle de Stockdale versus Hansard.
En 1836, l’éditeur de la Chambre des communes, Hansard, fut poursuivi pour diffamation par l’éditeur
John Joseph Stockdale, qui lui reprochait un certain compte rendu publié sur ordre de la Chambre [28] .
Malgré de nombreuses résolutions de la Chambre protestant contre cette action en justice, et sa
décision d’emprisonner Stockdale, les tribunaux refusèrent de faire droit aux revendications de
la Chambre. « Lord Denman refusa de reconnaître que la lex parliamenti [la Loi du Parlement]
constituait un droit distinct échappant aux juges des tribunaux de common law. Individuellement, chacune des
chambres ne constituait qu’un élément de la Haute Cour du Parlement, et ni l’une ni l’autre
ne pouvait exercer sur une question une compétence exclusive simplement en décidant qu’il
s’agissait d’une question de privilège. Toute autre issue était “incompatible avec les
principes fondamentaux de la Constitution” [29] ».
La situation fut en partie résolue par l’adoption du Parliamentary Papers Act de 1840, qui assura
une protection légale aux documents publiés sur ordre de l’une ou l’autre chambre [30] .
L’usage actuel au Royaume-Uni
C’est vers la fin du dix-huitième et au dix-neuvième siècle que commence l’étude
systématique du développement historique du privilège parlementaire et de l’outrage au
Parlement [31] ,
mais les efforts en vue de mieux comprendre et élucider l’histoire constitutionnelle du Parlement
atteignent leur apogée avec la publication, en 1946, de la quatorzième édition de May.
Cette édition présente un examen approfondi et minutieux du privilège parlementaire, fondé
sur une étude exhaustive des Journaux et des principes sur lesquels repose le droit du Parlement [32] .
On y cite des exemples d’inconduite de la part de témoins ou de personnes extérieures à
l’institution, de désobéissance à des règles ou à des ordonnances de la Chambre
ou d’un comité, ainsi que de tentatives d’intimidation, de corruption ou de « molestation »
de députés ou de dignitaires de la Chambre comme autant de cas qui constituent plutôt un outrage
au Parlement qu’une violation proprement dite d’un privilège.
La Chambre des communes de Grande-Bretagne applique maintenant une définition plus étroite du
privilège, orientation qui est devenue manifeste en 1967 avec la publication d’un rapport du Select
Committee on Parliamentary Privilege. Dans ce rapport qui fait le tour du sujet, le Comité signale que
le droit, la pratique et la procédure concernant le privilège à Westminster ont été
la cible de nombreuses critiques [33] .
En recommandant qu’on abandonne le mot « privilège » et qu’on le remplace par
l’expression « droits et immunités », le Comité indique clairement
l’orientation de sa démarche. Pour justifier sa recommandation, il explique :
Le Comité est arrivé à la conclusion que le mot « privilège »
a acquis, à l’époque moderne, un sens tout à fait différent de son acception
parlementaire traditionnelle. Son utilisation pourrait donc donner au grand public la fausse impression que les
députés constituent, et veulent constituer, une « classe privilégiée ».
Cela ne cadre pas avec l’idée moderne du Parlement en tant que lieu de travail et du statut de ses
députés en tant que citoyens élus pour accomplir dans ce lieu leur travail de représentation
de leurs électeurs. Le Comité ne saurait trop insister sur le principe fondamental selon lequel les
« privilèges » ne constituent pas une prérogative dont les députés
jouissent à titre personnel. Dans la mesure où la Chambre revendique les droits et immunités
correspondant à la description générale des « privilèges », et
où les députés en bénéficient, il s’agit d’avantages dont jouit la
Chambre à titre d’institution, et ses députés au nom des citoyens qu’ils représentent.
Le Comité est donc persuadé qu’il convient d’abandonner le mot « privilège »
au sens traditionnel qui lui est donné dans la vie parlementaire. Le Comité estime que l’abandon
de la notion de « privilèges » ou « privilège » permettra
de mieux comprendre et de mieux assurer les garanties essentielles qu’il convient de reconnaître à
la Chambre, à ses membres et à ses officiels [34] .
Le Comité reconnaît la nécessité d’entreprendre une réforme radicale des
règles, pratiques et procédures actuelles touchant les privilèges, et notamment de tout
ce qui a trait à l’outrage. Il convient que les diverses règles et procédures doivent
être simplifiées et clarifiées afin de les mettre en accord avec la pensée contemporaine.
Par ailleurs, il se dit persuadé que les droits et immunités reconnus à la Chambre
« doivent de toute évidence être garantis par les tribunaux puisqu’ils font partie
intégrante du droit britannique [35] ».
Toutefois, s’agissant d’un cas d’outrage débordant largement les limites reconnues des
droits et immunités, le Comité propose que la Chambre se donne pour règle d’exercer ses
pouvoirs « avec un maximum de retenue et seulement dans les cas où elle estime que cela est
nécessaire afin d’assurer à la Chambre, à ses membres et à ses officiels un
niveau raisonnable de protection contre les entraves ou contre les tentatives ou menaces d’entrave créant,
ou susceptibles de créer, un empêchement sérieux à l’exercice de leurs fonctions
respectives [36] ».
En 1977, l’orientation générale et les conclusions du rapport de 1967 sont reprises dans un
rapport du Comité des privilèges. Celui-ci se penche de nouveau sur le sens à donner aux
notions de privilège et d’outrage et recommande, une fois encore, d’en limiter l’application
aux cas d’évidente nécessité. Le rapport contient aussi une recommandation touchant
l’adoption d’une nouvelle procédure pour la présentation des plaintes devant la Chambre.
L’usage voulait que les questions de privilège soient soulevées le plus tôt possible,
le Président devant être convaincu de leur bien-fondé de prime abord. Si ces deux conditions
n’étaient pas satisfaites, l’atteinte présumée au privilège ne pouvait
être étudiée en priorité par la Chambre [37] .
Selon la formule proposée par le Comité, le député qui a l’intention de soulever
une question de privilège remet un avis écrit au Président dès que possible après
que l’incident a eu lieu. Si, après examen, le Président considère qu’il est
injustifié d’examiner la plainte avant les autres affaires de la Chambre, le député en
est informé par écrit et toute tentative de soulever la question à la Chambre est irrecevable.
Si le Président juge que la plainte est fondée, sa décision est communiquée à
la Chambre et, le jour suivant, celle-ci peut étudier une motion portant renvoi de la question à
un comité [38] .
Cette recommandation, entre autres, fut adoptée, et la nouvelle procédure modifia complètement
le nombre des questions de privilège soulevées à la Chambre britannique [39] .
Étant donné que toute question de privilège doit au préalable être soumise à
titre personnel au Président avant de pouvoir être portée à l’attention de la Chambre,
on note en effet une baisse radicale des allégations de violation de privilège. « L’utilisation
du mot « privilège » pour attirer l’attention du Président et saisir ainsi
l’occasion de soulever une question d’ordre politique qui n’est pas, en réalité une
question de privilège […] est devenue rarissime [40] . »
Il y a donc beaucoup moins d’incidents sans importance renvoyés devant le Comité des privilèges.
Depuis 1978, en particulier, on ne relève aucune question de privilège portant sur ce qu’on pourrait
appeler un « outrage par déduction », c’est-à-dire des remarques grossières
ou désobligeantes à l’endroit de députés. En ce sens, la nouvelle pratique a contribué
à résoudre un problème exposé dans le rapport de 1967 selon lequel les députés
de la Chambre des communes britannique étaient beaucoup trop sensibles aux critiques de la presse. En
outre, il y a eu une diminution importante du nombre total de questions de privilège renvoyées en
comité. Enfin, la plupart des rapports présentés par le Comité des privilèges sont
maintenant adoptés sans débat par la Chambre. Celle-ci n’étudie le rapport que lorsque le
Comité estime qu’il y a eu effectivement une faute grave et qu’il convient d’y donner suite [41] .
Le privilège au Canada
Dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique avant la Confédération
Dès l’établissement de la première assemblée législative en Nouvelle-Écosse,
en 1758, la loi accorda à l’assemblée et à ses membres les pouvoirs nécessaires
pour leur permettre d’exercer leur mandat. « C’est ainsi que les députés
jouissaient de la liberté de parole dans les débats et qu’ils étaient protégés
contre toute arrestation liée à un litige au civil, car l’assemblée avait droit en priorité
à leur présence et à leur participation [42] . »
Quant au pouvoir d’une assemblée des colonies de punir et, en particulier, d’emprisonner l’auteur
d’un outrage, la situation était loin d’être claire [43] .
De fait, avant la Confédération, les droits des assemblées étaient très limités [44] .
Toutefois, dès 1758, la Chambre d’assemblée de la Nouvelle-Écosse arrêta et détint
brièvement un individu ayant proféré des menaces à l’endroit d’un député [45] .
Dans le Haut et le Bas-Canada, la Loi constitutionnelle de 1791, adoptée par le Parlement britannique,
restait muette sur les privilèges des assemblées législatives; en 1801, cependant, le Président
de l’Assemblée législative du Haut-Canada revendiqua « au nom de l’Assemblée,
la liberté de parole et, de façon générale, tous les privilèges et libertés
dont bénéficie la Chambre des communes de Grande-Bretagne, notre mère patrie [46] ».
Bien qu’elle ne possédât pas de pouvoirs légaux à cet égard, l’Assemblée
du Haut-Canada se battit pour se voir reconnaître plusieurs des privilèges des Communes britanniques,
comme l’immunité d’arrestation en séance et l’exemption du devoir de juré.
Elle revendiqua également le pouvoir d’envoyer chercher des témoins et de leur poser des questions
ainsi que de punir toute personne refusant de comparaître ou de répondre à ses questions, utilisant
son pouvoir d’incarcération pour faire respecter ses ordres. Il y eut des protestations à
l’occasion, mais l’Assemblée réussit à faire respecter ses privilèges,
« lesquels, quoique non reconnus de jure, l’étaient à tout le moins de facto [47] ».
Avant l’avènement du gouvernement responsable, l’Assemblée du Haut-Canada protégeait
sa réputation en sanctionnant les libelles dont elle faisait l’objet dans les journaux et en luttant pour
le droit d’initier des projets de loi de finances, c’est-à-dire des projets de loi de crédits
et d’imposition [48] .
En règle générale, elle considérait qu’elle pouvait s’acquitter de ses fonctions
grâce aux privilèges dont elle disposait [49] .
Au cours de cette période, l’Assemblée du Bas-Canada revendiquait à la fois des privilèges
individuels et collectifs — l’immunité d’arrestation et l’exemption de l’obligation
de comparaître dans les actions civiles intentées contre des députés, ainsi que le droit de
l’Assemblée d’imposer des sanctions pour outrage, quel qu’en soit l’auteur [50] .
L’Assemblée ne craignait pas de revendiquer ses privilèges face à la Couronne. En 1820, elle
interrompit le déroulement des travaux à l’ouverture d’une nouvelle législature à
cause d’un différend lié au rapport sur les résultats du scrutin, et de nouveau en 1835 par
suite de commentaires faits par le gouverneur au sujet de ses privilèges [51] .
Avec l’adoption de l’Acte d’union de1840, qui faisait une seule province, le Canada-Uni, des deux
colonies du Haut et du Bas-Canada, et en particulier par suite de l’établissement du gouvernement responsable,
les problèmes de privilège furent moins fréquents et moins graves. Avec l’avènement du
gouvernement responsable, la suprématie de l’Assemblée était reconnue, de sorte qu’elle ne
se sentait plus menacée de l’extérieur; partant, elle devenait moins sensible à la critique. Les
députés étaient moins susceptibles de s’offusquer lorsqu’on empiétait involontairement
sur leurs droits, et la plupart des infractions au privilège étaient commises par inadvertance [52] .
« En ce qui concerne les revendications individuelles, l’Assemblée prit soin davantage de ne
pas utiliser le privilège afin d’obtenir pour ses membres des droits que ne possédaient pas
l’ensemble des citoyens [53] . »
Comme cela avait été le cas dans les anciennes assemblées coloniales, le pouvoir d’incarcérer
ou d’emprisonner une personne coupable d’outrage, revendiqué par l’Assemblée de la Province du
Canada, demeura controversé. En 1842, « on estimait que les assemblées de la colonie n’avaient
pas le pouvoir d’emprisonner l’auteur d’un outrage commis en dehors de l’assemblée et, en 1866,
on considérait qu’elles n’avaient même pas le pouvoir d’emprisonner l’auteur d’un
outrage commis en présence de l’assemblée [54] ».
Depuis la Confédération
Comme il a été dit, les privilèges de la Chambre des communes britannique ont été transférés
au Canada par la Loi constitutionnelle de 1867, dont l’article 18 limite explicitement à ceux du Parlement
britannique les privilèges pouvant être revendiqués au Canada :
Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat, la Chambre des
communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre par acte du Parlement du
Canada; ils ne devront cependant jamais excéder ceux possédés et exercés, lors de la passation
du présent acte, par la Chambre des Communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande
et par les membres de cette chambre [55] .
Les privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre sont également définis aux articles 4 et 5
de la Loi sur le Parlement du Canada [56] .
Après la Confédération, la façon de soulever la question de privilège était bien
différente de la procédure actuelle. À des dizaines de reprises entre 1867 et 1913, on procéda
de la même manière. Un député prenait la parole pour exposer sa question de privilège et
exhortait la Chambre à prendre certaines mesures, qui consistaient surtout à convoquer quelqu’un à
la barre ou à renvoyer l’affaire au Comité permanent des privilèges et des élections,
pour qu’il l’étudie et en fasse rapport. Puis, sans intervention du Président, on passait au
débat sur la motion, à laquelle on pouvait proposer des amendements, après quoi la Chambre se
prononçait [57] .
Elle prenait ensuite les mesures prévues dans la motion. Comme les questions de privilège étaient
entendues immédiatement, bon nombre de députés se prévalaient de cette procédure pour
fournir, en réalité, des explications personnelles. Les députés invoquaient l’atteinte
au privilège afin d’obtenir rapidement le droit de parole de la part du Président; ils en profitaient
alors pour formuler une plainte ou un grief [58] .
Ici encore, la présidence n’intervenait que très rarement [59] .
De 1913 à 1958, alors qu’on soulevait à tout propos la « question de privilège »,
ne fût-ce que pour signaler la présence d’un groupe scolaire à la tribune, féliciter
quelqu’un, présenter des doléances, évoquer diverses questions de procédure ou encore
« s’expliquer » [60] ,
le nombre de questions légitimes marqua un net recul [61] .
C’est à la suite de la publication de la quatrième édition du Précis de procédure
parlementaire de Beauchesne, en 1958, que la pratique moderne en matière de privilège commença
à s’implanter. Beauchesne y insérait un nouveau chapitre, inspiré de May, quatorzième
édition, publiée en 1946, sur la manière de soulever une question de privilège [62] .
Ce renvoi à la procédure britannique permit rapidement à la présidence, à partir de
l’époque du Président Michener, d’écarter les interventions par lesquelles les députés
invoquaient à tort et à travers le privilège. On proposait deux critères de base, à savoir
si la question paraissait fondée de prime abord et si elle avait été soulevée à la
première occasion possible. Il appartenait au Président de répondre aux deux questions avant la tenue
d’un débat [63].
Néanmoins, la Chambre adopta à l’occasion, sans que le Président ne se soit prononcé, des
motions sur des questions de privilège [64] .
Au cours des années suivantes, les Présidents successifs exercèrent un meilleur contrôle sur les
« questions de privilège » malgré l’obligation qui leur était faite, en
pratique, d’entendre les interventions, ne fût-ce que brièvement, avant de rendre une décision.
La plupart des refus tenaient au fait que les questions n’étaient pas jugées fondées de prime abord,
bien que le délai ait été invoqué dans divers cas [65] .
Le Président estimait parfois qu’il y avait bien matière à privilège justifiant la tenue
d’un débat, de sorte qu’une jurisprudence commença à se constituer. Par exemple, dans
une affaire survenue en 1959 (l’affaire Pallett), le Président décida qu’une proposition de motion
faisant allusion à la conduite d’un député ne constituait pas de prime abord une atteinte au
privilège et ne pouvait être étudiée en priorité car il ne s’agissait pas d’une
accusation précise contre ce député [66] ,
une décision qui a été fréquemment citée depuis [67] .
En 1964, le vice-président jugea que la question de privilège ne pouvait être soulevée lors
du débat sur la motion d’ajournement [68]
et, en 1975, la Chambre adopta un rapport recommandant que le privilège ne soit pas invoqué non plus au cours
de la Période des questions [69] .
On décida également que les périodes de mise aux voix ne se prêtaient pas à des questions
de privilège non liées aux travaux en cours à la Chambre [70] .
Enfin, en rejetant une question de privilège qu’elle ne trouvait pas fondée de prime abord, la présidence
a parfois conseillé à l’intéressé de recourir plutôt à la procédure
normale, qui est de présenter une motion de fond après en avoir donné avis, pour saisir la Chambre
de l’affaire en question [71] .
La question de privilège comporte par définition une proposition de fond qui, parce qu’elle concerne
les privilèges de la Chambre ou des députés, a priorité et n’est pas assujettie aux
préavis ordinaires.
Le privilège contesté devant les tribunaux
L’examen du contexte historique canadien permet de constater que les privilèges de la Chambre garantis par la
Constitution ont rarement été contestés. De fait, il n’y eut que deux poursuites importantes;
l’une ayant trait à la liberté d’expression à la Chambre et l’autre concernant le
droit d’une assemblée législative provinciale de contrôler ses délibérations.
Le litige touchant la liberté d’expression se produisit dans un contexte judiciaire plutôt
qu’à la Chambre des communes même. En 1971, dans l’affaire Roman Corporation Limited c.
Hudson’s Bay Oil and Gas Co., une action était intentée contre le premier ministre et le ministre
de l’Énergie, des Mines et des Ressources pour des déclarations faites à la Chambre. Dans son
jugement, la Cour suprême de l’Ontario indiqua n’avoir aucune compétence à
l’égard de déclarations faites au Parlement, en raison de l’article 9 du Bill of Right
anglais de 1689 [72] .
Toutefois, les Présidents ont toujours exhorté les députés à ne pas abuser du
privilège en raison des préjudices que leurs remarques peuvent causer vu leur large diffusion dans les
documents officiels de la Chambre et par la télédiffusion des délibérations [73] .
La seconde affaire portait sur le droit de l’Assemblée législative de la province de Nouvelle-Écosse
d’exclure des étrangers de ses délibérations en vertu de la Charte des droits et libertés
canadienne [74] .
Dans cette affaire, la Société Radio-Canada (SRC) soutenait que ses journalistes avaient le droit de filmer
les travaux de l’Assemblée avec leurs propres caméras. Elle s’adressa à la Cour suprême
de la Nouvelle-Écosse pour obtenir une ordonnance l’autorisant à filmer les délibérations
conformément à l’article 2b) de la Charte, qui garantit la liberté d’expression, dont la
liberté de la presse. La Division de première instance et la Cour d’appel tranchèrent toutes deux
en faveur de la SRC, et le Président de l’Assemblée législative fit appel de ces décisions
devant la Cour suprême du Canada [75].
La Cour suprême accueillit l’appel et cassa les décisions des tribunaux inférieurs; cet
arrêt confirmait que les chambres du Parlement et les assemblées législatives ont toute la latitude voulue
pour exercer un contrôle sur leurs délibérations, tout en réitérant l’indépendance
des différents organes du gouvernement [76] .
Examen des droits, immunités et privilèges
Il n’y eut que trois occasions où, par un ordre de renvoi, un comité se fit demander d’examiner les
droits, immunités et privilèges de la Chambre. La première de ces études eut lieu lors de la 30e
législature (1974-1979), lorsqu’on créa le Comité spécial sur les droits et
immunités des députés sous la présidence du Président James Jerome. Le Comité
présenta deux rapports, l’un sur le privilège, au cours de la première session [77] ,
et l’autre sur la convention relative aux affaires en instance sub judice, au cours de la seconde [78] .
Dans son rapport sur le privilège, le Comité spécial déclare que le privilège
parlementaire a pour objet « de permettre aux députés de la Chambre des communes de remplir sans
entraves indues leurs fonctions en tant que représentants des électeurs ». Reprenant la recommandation
faite en 1967 par le Comité britannique, il considère que le terme « privilège »
pourrait être mal interprété par le public et préfère utiliser l’expression
« droits et immunités ». Il souligne aussi que la question de privilège est une affaire
sérieuse lorsqu’elle est soulevée à propos, mais qu’elle est souvent invoquée sans
raison véritable. Il propose d’instituer un autre mécanisme pour permettre aux députés de
contester les rapports ou de rectifier des déclarations. Le Comité ajoute que lorsqu’un député
est mêlé à une question de privilège, il ne peut accorder toute son attention à ses fonctions
parlementaires tant que la chose n’est pas réglée. Il souhaite donc que ces questions soient
résolues le plus rapidement possible. Le Comité examine également la possibilité de définir
d’une façon précise les expressions « enceinte parlementaire » (en particulier
compte tenu du fait que les comités se réunissent parfois à l’extérieur d’Ottawa) et
« délibérations du Parlement ». Il propose en outre de se pencher sur la publication
prématurée des rapports confidentiels des comités parlementaires et sur la convention du sub judice.
Au cours de la première session, le Comité spécial n’alla pas plus loin dans l’étude
de ces questions. Au cours de la suivante, il concentra ses efforts sur la convention du sub judice [79].
Le second comité chargé de l’examen des droits, immunités et privilèges de la Chambre
fut le Comité permanent des élections, des privilèges, de la procédure et des affaires
émanant des députés. Le Comité examina la question au cours de la deuxième session
(1989-1991) de la 34e législature (1988-1993) [80] ,
mais il ne déposa aucun rapport sur le sujet à la Chambre [81] .
En décembre 1989, un troisième comité fut chargé d’examiner la Loi sur le Parlement
du Canada pour ce qui concerne les pouvoirs, devoirs et obligations des députés, et en ce qui touche
l’autorité, les responsabilités et la compétence du Bureau de régie interne [82] .
Ce Comité spécial concentra son attention sur les dispositions de la Loi et, plus particulièrement,
sur celles régissant l’utilisation des fonds publics sous l’autorité du Bureau de régie
interne, mais il examina également, entre autres questions, le rôle et les responsabilités des
députés ainsi que la nature des contrôles financiers et de la reddition des comptes [83] .
Dans son deuxième rapport, le Comité spécial dit accepter et appuyer le principe selon lequel les
députés ne sont pas au-dessus des lois. « Les lois doivent s’appliquer de manière
égale à tous. Les députés n’ont pas droit à un traitement particulier, mais ils
méritent d’avoir l’assurance que leurs droits ne seront pas compromis ou sacrifiés. Il doit
être admis que les députés et leurs activités seront soumis à un examen intensif de la
part de la population [84] . »
Le Comité spécial recommande que la Chambre réaffirme un certain nombre de principes qui s’appliquent
aux députés, entre autres « que chaque député jouit des droits et immunités
applicables à sa fonction de façon qu’il puisse exercer ses activités et ses fonctions en
toute indépendance, sans ingérence ou intimidation [85] ».
Dans son troisième rapport, qui porte sur l’exécution d’un mandat de perquisition dans
l’enceinte du Parlement, le Comité spécial recommande entre autres ce qui suit :
L’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada
établissent les privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre des communes et de ses
députés. Ces privilèges visent à permettre aux députés de s’acquitter
de leurs fonctions et activités et de représenter les Canadiens. Il faut prendre en considération
et respecter ces privilèges, immunités et pouvoirs lors de l’exécution d’un mandat
de perquisition […] [86] .
Le privilège et l’outrage
Tout acte tenant du mépris ou constituant une attaque contre les droits, pouvoirs et immunités de la
Chambre et de ses membres, soit par une personne ou un organisme de l’extérieur, soit par un de ses
membres, est considéré comme une « atteinte au privilège » et est
punissable par la Chambre [87] .
Il existe toutefois d’autres affronts contre la dignité et l’autorité du Parlement qui
peuvent ne pas constituer une atteinte au privilège comme telle. Ainsi, la Chambre revendique le droit de
punir au même titre que l’outrage tout acte qui, sans porter atteinte à un privilège
précis, nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut
fonctionnaire de la Chambre dans l’exercice de ses fonctions, ou transgresse l’autorité ou la
dignité de la Chambre, par exemple la désobéissance à ses ordres légitimes ou
des propos diffamatoires à son endroit ou à l’endroit de ses députés ou hauts
fonctionnaires [88] .
« Le fondement du pouvoir de punir les outrages, qu’il s’agisse d’un outrage au
tribunal ou aux chambres, est que les tribunaux et les chambres doivent pouvoir se prémunir contre les actes
qui entravent directement ou indirectement l’exercice de leurs fonctions [89] . »
En ce sens, toutes les atteintes au privilège constituent des outrages à la Chambre, mais les outrages
ne sont pas tous forcément des atteintes au privilège.
À la différence des « privilèges », les cas d’outrage ne peuvent
être dénombrés ni classés. Comme le Président Sauvé l’expliquait dans
une décision en 1980, « bien que nos privilèges soient définis, la violation de
privilège n’est pas circonscrite. On aura beau inventer de nouvelles façons de s’immiscer
dans nos délibérations, la Chambre pourra toujours conclure, dans les cas pertinents, qu’il y a
eu violation de privilège [90] ».
Tout comme il n’est pas possible de catégoriser ou délimiter les outrages, il n’est pas
davantage possible d’en catégoriser la « gravité ». Ils peuvent varier
grandement à cet égard, allant du manquement mineur au décorum à l’attaque grave
contre l’autorité du Parlement [91] .
À la Chambre des communes canadienne, la plupart des atteintes au privilège ressortent à
ce qui est perçu comme un outrage à l’autorité et à la dignité du Parlement
et de ses membres [92] .
Parmi les autres cas, mentionnons les accusations portées par un député contre un autre [93] ,
ou les allégations des médias concernant des députés [94] .
La divulgation prématurée de rapports et de délibérations de comités a souvent
fait l’objet de questions de privilège [95] .
Toutefois, là où il n’était pas possible d’identifier le responsable, on n’a
pas donné suite à l’affaire même s’il pouvait sembler s’agir d’un outrage [96] .
La réticence à user des pouvoirs de la Chambre pour réprimander, admonester ou emprisonner
quiconque porte atteinte à sa dignité ou son autorité, ou à celle de ses membres, semble
être devenue une constante dans la façon dont les privilèges parlementaires sont abordés.
Bien que la Chambre ait toujours l’option d’ordonner l’incarcération, on voit mal quelles
circonstances l’obligeraient à le faire [97] .
Les députés semblent s’être blindés contre les critiques, même lorsqu’elles
pouvaient paraître excessives ou injustifiées. Ils choisissent en général de rester stoïques
devant les critiques des médias plutôt que de risquer un conflit entre l’autorité de la
Chambre et la liberté de la presse [98] .
Il ne fait cependant aucun doute que la Chambre des communes canadienne a toujours les moyens de se protéger
contre la pure malveillance.
Au Canada, il est très rare que la Chambre ou un comité ait recommandé l’adoption de
sanctions. Dans un rapport de 1976, des réprimandes furent effectivement adressées à un ancien
député (Auguste Choquette) pour avoir déclaré que de nombreux parlementaires touchaient
des avantages pécuniaires excessifs. Devant le refus de l’ancien député de s’amender,
le comité conclut qu’il avait tenu des propos immodérés et irréfléchis, mais
recommanda de ne pas donner suite à l’affaire [99] .
Dans l’affaire Parry, en 1987, le Comité ne recommanda pas non plus de sanctions [100]
et le député mit fin à l’incident en présentant des excuses à la Chambre. Dans
l’affaire Jacob, le Comité observa que les gestes du député étaient mal inspirés,
mais qu’ils ne pouvaient être considérés comme un outrage ni comme une atteinte au privilège
parlementaire [101] .
La même décision fut rendue en 1998 relativement à l’intégrité de la Chambre et
du Président, la décision de ce dernier sur le fait d’arborer le drapeau à la Chambre ayant
fait l’objet de commentaires cités dans l’Ottawa Sun. Dans son rapport, le Comité
permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concluait que les déclarations attribuées
aux députés ne mettaient pas en cause l’intégrité de la Chambre ou du Président [102] .
Les types de privilèges
Les privilèges de la Chambre peuvent être examinés sous deux angles : celui des droits et
immunités des députés et celui des droits de la Chambre dans son ensemble. Hiérarchiquement,
les droits des députés sont subordonnés à ceux de la Chambre pour prémunir la
collectivité contre le risque que des députés interprètent abusivement la portée
de leurs privilèges. Par exemple, les privilèges d’un député sont réputés
suspendus dès lors que la Chambre lui ordonne de comparaître de son siège pour y être
interrogé. Il est toutefois extrêmement rare que la Chambre fasse primer ses droits collectifs sur ceux
d’un député [103] .
Certaines de ces immunités s’appliquent également aux fonctionnaires de la Chambre et aux personnes
que la Chambre cite à comparaître dans le cadre de ses travaux [104] .
En outre, la Chambre, collectivement, et les députés, individuellement, ont la responsabilité
d’éviter de se servir abusivement de leurs droits et immunités, en particulier de leur
liberté de parole [105] .
Les députés devraient s’abstenir de conclure tout arrangement susceptible de limiter leur
capacité d’exercer leurs fonctions de député en toute indépendance [106] ;
de soulever des questions futiles en prétendant qu’il y a atteinte à un privilège ou
outrage; de se servir du privilège de leur liberté de parole pour formuler des critiques injustes
à l’endroit d’autrui dans le cadre des débats [107].
La Chambre devrait exercer avec le maximum de retenue les pouvoirs qui lui sont dévolus relativement au
privilège et à l’outrage et s’assurer que, dans l’exercice de son pouvoir d’imposition
de sanctions pour outrage, ces sanctions sont proportionnelles à l’infraction commise.
Les droits et immunités des députés
Les droits, privilèges et immunités des députés sont limités, en ce sens qu’ils
sont déterminés d’avance et qu’ils ne peuvent être élargis, sauf aux termes
d’une loi ou, dans certains cas, d’un amendement constitutionnel, et que leur application peut être
examinée par les tribunaux. De plus, leurs privilèges n’existent pas « au sens absolu du
terme »; ils ne s’appliquent que dans le contexte prévu, c’est-à-dire, normalement,
dans l’enceinte du Parlement et dans le cadre des délibérations du Parlement. Compte tenu de la
responsabilité qu’ont les tribunaux de faire respecter la Charte canadienne des droits et libertés
de même que la Déclaration canadienne des droits, les députés doivent éviter
de créer inutilement des situations où leurs droits parlementaires entreraient en conflit avec les droits
privés et d’amener ainsi les tribunaux à être saisis de litiges concernant l’exercice du
privilège parlementaire.
La liberté de parole
Le droit de loin le plus important qui soit accordé aux députés est celui de l’exercice de leur
liberté de parole dans le cadre des délibérations parlementaires. On l’a décrit comme :
[…] un droit fondamental, sans lequel ils [les députés] ne pourraient remplir convenablement leurs
fonctions. Cette liberté leur permet d’intervenir sans crainte dans les débats de la Chambre, de traiter
des sujets qu’ils jugent pertinents et de dire tout ce qui, à leur avis, doit être dit pour
sauvegarder l’intérêt du pays et combler les aspirations de leurs électeurs [108] .
Il s’est écrit beaucoup de choses sur ce sujet au cours des siècles — en Grande-Bretagne, au
Canada et dans tout le Commonwealth [109] .
Dans Odgers’ Australian Senate Practice, ce privilège est décrit en des termes plus larges
comme étant l’immunité de mise en accusation ou d’interrogatoire devant les tribunaux pour tout
ce qui a trait aux délibérations du Parlement [110] .
On y affirme également que c’est la seule immunité que possèdent les deux chambres du
Parlement et leurs membres ainsi que les comités en ce qui touche la teneur des propos tenus dans le cours des
délibérations [111] .
Il y a deux types d’immunité. « Il y a, premièrement, l’immunité de poursuite
civile ou criminelle et l’immunité d’examen judiciaire, dont bénéficient les
parlementaires, les témoins et les autres personnes qui participent aux travaux du Parlement, […] et,
deuxièmement, l’immunité de contestation et de mise en cause judiciaires, qui protège les
délibérations parlementaires proprement dites [112] . »
L’existence légale du privilège parlementaire relatif à la liberté de parole remonte
à l’adoption du Bill of Rights anglais en 1689. Même s’il visait à contrecarrer
les attaques de la part de la Couronne, il interdisait également toute poursuite de la part d’une personne
de l’extérieur de la Chambre contre un député pour ce qu’il pouvait avoir dit ou fait
au Parlement. L’article 9 de ce texte de loi établit que « l’exercice de la liberté
de parole et d’intervention dans les débats et délibérations du Parlement ne peut être
contesté ou mis en cause devant un tribunal quelconque ni ailleurs qu’au Parlement » [113] .
Les délibérations du Parlement
Le Bill of Rights anglais ne contient aucune définition de l’expression « délibérations
du Parlement » et, comme le fait remarquer May, même si les tribunaux, tant au Royaume-Uni
qu’ailleurs, ont commenté cette expression, il n’est ressorti de la jurisprudence aucune orientation ou
définition précise [114] .
Maingot a également étudié très attentivement cette expression [115] .
Dans un texte annexé au rapport de 1967 du Select Committee on Parliamentary Privilege du Royaume-Uni, le
Greffier de la Chambre des communes britannique écrit à propos de cette expression :
Le mot « délibérations », dans le sens premier qu’on lui donne dans le langage
parlementaire (on l’emploie couramment dès le dix-septième siècle), désigne une
activité officielle, généralement en vue de prendre une décision, accomplie par la Chambre
dans l’exercice de sa compétence collective. Cette définition englobe, naturellement, les autres
formes que peuvent prendre les travaux de la Chambre ainsi que l’ensemble du processus parlementaire, au
cœur duquel se situent les débats et par lequel la Chambre en arrive à prendre des décisions.
C’est généralement en s’exprimant verbalement qu’un député prend part
à ces délibérations, mais également en posant divers actes officiellement reconnus, comme
voter, donner avis d’une motion, etc., ou encore présenter une pétition ou un rapport de comité,
la plupart de ces actes permettant de faire l’économie du temps de parole au cours des
délibérations. Les fonctionnaires de la Chambre participent à ses délibérations
principalement en donnant suite aux ordres de la Chambre, qu’ils soient généraux ou particuliers.
Des étrangers peuvent également participer aux délibérations de la Chambre, par exemple en
comparaissant devant l’un de ses comités, ou encore en soumettant des pétitions en faveur ou contre
des projets de loi d’initiative privée.
En prenant part aux délibérations de la Chambre, les députés, les fonctionnaires et les
étrangers sont protégés au même titre qu’ils le sont dans l’exercice de leur
liberté de parole, en ce sens qu’ils ne peuvent être tenus, par quelque autre autorité que la
Chambre elle-même, de rendre compte de leurs actes.
En insérant le mot « délibérations » dans le Bill of Rights, le Parlement
a donné force de loi au contenu de déclarations antérieures des Communes concernant le
privilège de la liberté de parole, par exemple dans la Protestation de 1621, où on soutenait :
[…] que, dans le traitement et l’examen de ces questions, tout député a et doit avoir de
droit la liberté de parole pour soumettre, traiter, analyser, et contribuer à résoudre ces
questions […] et que tout député jouit également de l’immunité de mise en
accusation et d’emprisonnement et de la protection contre toute attaque (à l’exception d’un
blâme de la Chambre elle-même) à propos de toute intervention, argumentation ou déclaration
concernant une ou des questions touchant le Parlement ou ses travaux (1 Rushworth, 53).
Dans le rapport qu’il a présenté au cours de la session 1938-1939, le Select
Committee on the Official Secrets Acts donne un aperçu de ce que recouvre ce terme.
Il désigne aussi bien le fait de poser une question que celui d’en donner avis par écrit; il englobe
en réalité tout ce que dit ou fait un député dans l’exercice de ses fonctions comme
membre d’un comité de l’une ou l’autre des deux chambres, de même que tout ce qui se dit
ou se fait à l’une ou l’autre des deux chambres dans le cadre des travaux parlementaires [116] .
En Australie, le Commonwealth Parliament a adopté le Parliamentary Privileges Act 1987 qui
définit les « délibérations du Parlement » en ces termes :
[…] tout ce qui se dit ou se fait dans le cadre des travaux d’une Chambre ou d’un comité
ou en relation avec ces travaux, notamment et sans limiter la généralité de ce qui précède :
- (a)
- le fait de témoigner devant une Chambre ou un comité et le témoignage lui-même;
- (b)
- la présentation d’un document à une Chambre ou à un de ses comités;
- (c)
- la préparation d’un document à ces mêmes fins ou à des fins connexes;
- (d)
- la rédaction, la production ou la publication d’un document, y compris un rapport, par suite
d’un ordre d’une Chambre ou d’un comité et le document lui-même [117] .
Au Canada, il n’y a pas de définition légale de l’expression « délibérations
du Parlement ». En se fondant sur les nombreux jugements rendus par les tribunaux qui ont eu à appliquer
le droit relatif au privilège parlementaire, il ressort clairement que les tribunaux ont une bonne compréhension
du sens de cette expression et la considèrent comme faisant partie intégrante du droit canadien.
Ils se sont toutefois montrés réticents à étendre en dehors du cadre des délibérations
parlementaires la portée de l’immunité découlant de la règle de la liberté de parole.
Autrement dit, bien que le rôle du député ait considérablement évolué depuis le
dix-septième siècle, à l’époque où cette règle a été
énoncée dans le Bill of Rights, les tribunaux ont, à quelques exceptions près, restreint
l’application de cette immunité au rôle traditionnel des députés comme législateurs et
participants aux débats parlementaires [118] .
L’importance de la liberté de parole
La liberté de parole permet aux députés de formuler librement toute observation à
la Chambre ou en comité en jouissant d’une complète immunité de poursuite [119] .
Cette liberté est essentielle à la conduite efficace des travaux de la Chambre. Elle permet aux
députés de faire, à propos d’organismes ou de personnes de l’extérieur,
des déclarations ou des allégations qu’ils hésiteraient peut-être à faire
sans la protection du privilège. Bien qu’elle soit souvent critiquée, la liberté dont
jouit le député de formuler des allégations qu’il croit sincèrement fondées,
ou qui, selon lui, mériteraient à tout le moins de faire l’objet d’une enquête, est
fondamentale. Tout comme les tribunaux, la Chambre des communes ne saurait mener efficacement ses travaux si les
députés ne pouvaient pas s’y exprimer en toute liberté et y formuler des critiques sans
devoir en rendre compte à des organismes de l’extérieur. Il n’y aurait pas de liberté
de parole si tout devait être prouvé avant même d’être exprimé. En 1984,
le Président Bosley a été appelé à se prononcer sur un cas de cette espèce
en répondant à une question de privilège [120] .
Ayant jugé qu’il n’y avait pas de prime abord matière à question de privilège,
le Président a affirmé : « Les députés ont le privilège absolu
d’intervenir à la Chambre ou aux comités et il serait très difficile de juger qu’une
déclaration faite sous le couvert de l’immunité parlementaire constitue une violation des
privilèges » [121] .
Reprenant un point de vue déjà exprimé par le Président Michener, il a poursuivi en
faisant remarquer qu’à moins qu’une telle conduite n’ait eu pour effet de nuire à
d’autres députés ou à la Chambre, « la conduite d’un député,
même si elle était répréhensible, ne pouvait pas donner lieu à une question de
privilège bien qu’elle puisse être à la base d’une accusation par le biais d’une
motion de fond… » [122] .
Il faudrait garder à l’esprit que ce droit s’étend également aux personnes
sommées de comparaître devant la Chambre ou l’un de ses comités [123] .
Les limites de la liberté de parole
Propos tenus en dehors des délibérations
Le privilège de la liberté de parole n’est pas sans bornes, et il subsiste à cet égard
des zones grises. Les députés peuvent avoir la certitude que les propos qu’ils tiennent à
la Chambre et à l’occasion d’autres délibérations officielles bénéficient
de l’immunité, mais ils ne peuvent savoir avec assurance jusqu’où va par ailleurs leur
liberté de parole et d’action en tant que parlementaires [124] .
Leur privilège parlementaire de liberté de parole s’applique à ce qu’ils expriment
à la Chambre et dans le cadre des autres travaux de la Chambre, mais pas nécessairement aux comptes rendus
qu’en donnent les journaux ou autres sources extérieures au Parlement. Par exemple, un député
qui diffuse ses propos autrement que par la voie du compte rendu officiel ne bénéficie pas forcément
de son privilège parlementaire [125] .
Les députés sont donc prévenus que leurs déclarations, qui sont absolument protégées
par le privilège quand elles sont faites à l’occasion des délibérations parlementaires,
ne le sont pas nécessairement quand elles sont reprises dans un autre contexte, comme dans un communiqué de
presse, dans un envoi postal collectif, dans un télégramme, sur un site Internet, dans une entrevue
télévisée ou radiodiffusée, dans une assemblée publique ou à leur bureau de
circonscription. Les députés agissent également à leurs risques quand ils communiquent,
autrement que dans le cadre de délibérations parlementaires, des documents susceptibles d’être
considérés comme diffamatoires. C’est ainsi que les observations que formule un député
lors d’une assemblée à laquelle il participe en sa qualité de représentant élu
— mais ailleurs que dans l’enceinte du Parlement — ne seraient pas protégées par ce
privilège spécial, même s’il ne s’agissait que de citations de ses propres propos
tirées des Débats de la Chambre des communes [126] .
Il ne devrait donc pas se servir des moyens de télécommunication, y compris des nouvelles technologies comme
le courrier électronique, le télécopieur et l’Internet, pour transmettre du matériel
qui pourrait être considéré comme diffamatoire.
La publication de textes diffamatoires a été considérée par la plupart des tribunaux comme
n’étant pas protégée par le privilège parlementaire dès lors qu’elle ne
s’inscrit pas dans le processus parlementaire [127] .
Les tribunaux optent systématiquement pour une interprétation « fonctionnelle » du
privilège parlementaire, en ce sens que lorsqu’ils sont appelés à examiner toute nouvelle
situation dans laquelle un député peut s’être placé, ils le font selon la fonction et
le but pour lesquels le privilège parlementaire avait été institué au départ,
à savoir permettre aux députés de débattre sans crainte au Parlement des politiques
gouvernementales. C’est ainsi que même la correspondance entre deux députés sur une politique
donnée peut ne pas être considérée comme protégée par le privilège [128] .
L’exercice abusif de la liberté de parole
Le privilège de la liberté de parole étant une immunité qui confère un redoutable
pouvoir à ses bénéficiaires, la présidence a à l’occasion mis les députés
en garde contre son utilisation abusive. Dans une décision concernant une question de privilège [129] ,
le Président Fraser a exhorté les députés à faire très attention lorsqu’ils
formulent des questions concernant les lignes directrices sur les conflits d’intérêts. Comme la
question soulevée touchait à la nature même des droits et immunités des députés,
il a longuement insisté sur l’importance de la liberté de parole et sur la nécessité
pour les députés d’être prudents dans leurs propos :
Seulement deux sortes d’institutions de ce pays jouissent de ce privilège très impressionnant [celui
de la liberté de parole] — le Parlement et les Assemblées législatives d’une part, les
tribunaux de l’autre. Ces institutions sont protégées par le privilège absolu parce qu’il
faut absolument pouvoir dire la vérité, poser n’importe quelles questions et discuter en toute
liberté. Le privilège absolu permet à ceux qui assument leurs fonctions légitimes dans ces
institutions très importantes de l’État de ne pas être exposés à
d’éventuelles poursuites judiciaires. C’est nécessaire dans l’intérêt
national : cette protection est d’ailleurs jugée nécessaire depuis des siècles dans notre
régime démocratique. Il permet à notre système judiciaire et à notre système
parlementaire de fonctionner en toute liberté.
Un tel privilège donne de lourdes responsabilités à ceux qu’il protège. Je songe en
particulier aux députés. Les conséquences d’un abus risquent d’être terribles.
Des innocents risquent d’être victimes de diffamation sans avoir aucun recours. Des réputations
risquent d’être ruinées par de fausses rumeurs. Tous les députés se rendent compte
qu’ils doivent exercer avec prudence le privilège absolu qui leur confère une liberté de
parole totale. C’est pourquoi de vieilles traditions visent à prévenir de tels abus à la
Chambre [130] .
Dans une décision sur un rappel au Règlement, le Président Parent a lui aussi insisté sur la
nécessité pour les députés de faire preuve d’une grande prudence en utilisant leur
droit de s’exprimer librement à la Chambre : « […] la liberté de parole est un
élément fondamental de notre régime politique et parlementaire. Tout député a le
droit de se lever à la Chambre et d’exprimer librement son opinion. Toutefois, lorsque le débat
porte sur un sujet délicat, comme c’est souvent le cas, les députés doivent songer aux
répercussions possibles de leurs déclarations et, par conséquent, être prudents dans le choix
des mots et du ton employés » [131] .
La présidence a parfois fait valoir que même s’il est nécessaire que les députés
puissent exprimer librement et directement leurs opinions, il est également important que la réputation de
citoyens ne soit pas injustement attaquée. En se prononçant sur une question de privilège [132] ,
le Président Fraser s’est dit préoccupé de ce que le nom d’une personne qui n’était
pas député ait été mentionné et a fait remarquer que certains des députés
qui avaient participé à la discussion sur la question de privilège partageaient son malaise à
cet égard. Il a poursuivi en disant : « Cependant, nous vivons à une époque où tout
ce qui se dit dans cette enceinte est répété dans tout le pays, et c’est pourquoi j’ai
signalé et je répète qu’il convient de se montrer prudent et de se rappeler qu’il ne faut
pas abuser de ce grand privilège qui est le nôtre ».
Dans une décision ultérieure sur un rappel au Règlement [133] ,
le Président Fraser a signalé que l’utilisation d’expressions imagées ou d’insinuations
à l’égard de personnes ou de leur association à d’autres personnes suscitent parfois de vives
réactions qui, inévitablement, sèment la pagaille à la Chambre. Il s’est dit encouragé
par les observations des députés, qui dénotent généralement une volonté de maintenir
un certain décorum, dans l’intérêt de la Chambre et de l’image qu’elle projette dans le
public. À propos des références à des personnes à l’extérieur de la Chambre, il
s’est dit d’accord avec la suggestion que la Chambre fasse preuve de considérablement de retenue
« […] lorsqu’on fait, au sujet de quelqu’un qui n’est pas à la Chambre, des
observations qui seraient considérées comme diffamatoires si elles étaient faites à l’extérieur
de la Chambre » [134] .
La convention du sub judice
Il existe d’autres restrictions à l’exercice du privilège de la liberté de parole, tout
particulièrement la convention du sub judice [135].
Il est couramment admis que l’on devrait, dans l’intérêt de la justice et du « fair play »,
imposer certaines limites à la liberté qu’ont les députés de se référer, dans le
cours des délibérations, à des affaires en instance devant les tribunaux. On s’entend également
pour dire que ces affaires ne devraient faire l’objet ni de motions ni de questions à la Chambre. L’interprétation
de cette convention, par ailleurs vaguement définie, est laissée au jugement du Président. Le terme
« convention » est employé à dessein, car il n’existe aucune « règle »
pour interdire aux parlementaires d’aborder une affaire en instance devant les tribunaux (c’est-à-dire dont
un juge ou un tribunal d’archives est saisi). La Chambre tient à s’imposer de telles limites pour empêcher
que le fait de débattre publiquement de l’affaire ne cause préjudice à l’accusé ou
à une partie au procès ou à l’enquête judiciaire [136] .
Bien qu’il existe une certaine jurisprudence pouvant servir de guide à la présidence, on n’a jamais
pris soin de codifier cette pratique au Canada [137] .
La convention du sub judice est importante dans la conduite des travaux de la Chambre. Elle protège les droits
des parties à un procès devant les tribunaux et préserve et maintient la séparation et le respect
mutuel entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. La convention concilie la liberté de parole avec la
nécessaire existence d’un pouvoir judiciaire indépendant et impartial.
De la façon dont l’usage a évolué, c’est maintenant la présidence elle-même qui
établit quelle est sa compétence relativement aux affaires en instance devant les tribunaux. En 1977, le Comité
spécial sur les droits et immunités des députés a recommandé, dans son premier rapport [138] ,
que l’imposition de la convention soit discrétionnaire et que, si la situation n’est pas claire, la présidence
favorise la poursuite du débat plutôt que d’appliquer la convention. Depuis la présentation de ce rapport,
la présidence a suivi ces lignes directrices dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.
L’autorité de la présidence
La liberté de parole des députés est également limitée du fait qu’aux termes du Règlement
de la Chambre, la présidence a le pouvoir de maintenir l’ordre et le décorum et, au besoin, d’ordonner à
un député de regagner son siège si, par exemple, il persiste, dans le cours d’un débat, à
s’éloigner du sujet ou ne fait que se répéter, ou encore de désigner par son nom un député
qui passe outre à l’autorité de la présidence et de lui ordonner de se retirer [139] .
L’immunité d’arrestation dans les affaires civiles
L’immunité d’arrestation en matière civile [140]
est le plus ancien privilège de la Chambre des communes; au Royaume-Uni, elle a été accordée aux
députés avant même la liberté de parole [141] .
Cette immunité existe du fait que la Chambre jouit d’un droit prioritaire de bénéficier de la présence
et des services de ses députés, à l’abri de toute contrainte ou intimidation. Elle s’applique notamment
dans le cas où un député devrait normalement faire l’objet d’une arrestation dans une affaire civile.
Elle ne vaut pour prévenir l’arrestation ou l’emprisonnement que dans des affaires civiles; elle n’interfère
pas avec l’administration de la justice pénale. Ce privilège ne peut être invoqué pour des incidents
à caractère criminel ou de nature criminelle, par exemple dans des cas de trahison, de félonie [142] ,
d’atteinte à l’ordre public, d’affaires comportant des infractions criminelles aux lois fédérales,
d’infractions aux lois provinciales (à caractère quasi pénal) entraînant l’application d’une
procédure sommaire prévue au Code criminel [143] ,
ou d’infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité [144] .
Il va sans dire que, si un député est accusé d’infraction à la loi, il doit, comme tout citoyen, se soumettre
au processus normal d’exécution de la loi. Agir autrement équivaudrait à mépriser le système de justice.
Le député qui commet un outrage au tribunal en matière civile est protégé par le privilège
parlementaire d’immunité d’arrestation, mais l’immunité d’arrestation ne protège pas le
député accusé d’une affaire criminelle [145] .
Si un député est arrêté pour une infraction criminelle ou est accusé d’outrage au tribunal,
les autorités judiciaires devraient en aviser la Chambre si l’incident survient en cours de session. Si un député
est accusé de haute trahison ou d’une infraction criminelle, le juge ou le magistrat en informe la Chambre au moyen d’une
lettre adressée à la présidence [146] .
Un député jouit du privilège d’immunité d’arrestation dès qu’il devient officiellement
député, c’est-à-dire à compter du moment où le directeur du scrutin fait rapport du bref de son
élection. Ce privilège s’applique pendant que la Chambre siège, de même que durant les 40 jours qui
précèdent ou suivent la tenue d’une session et pendant 40 jours à compter du moment de la dissolution du Parlement [147] .
L’exemption du devoir de juré
Étant donné que la Chambre des communes a un droit prioritaire à bénéficier de la présence et
des services de ses députés et que les tribunaux disposent d’un important bassin de personnes qu’ils peuvent
appeler à agir comme jurés, il n’est pas essentiel que les députés soient obligés d’accepter
de faire partie d’un jury. C’est ce que voulait la tradition au Royaume-Uni depuis bien avant la Confédération,
et c’est la pratique au Canada depuis 1867 [148] .
Le devoir des députés de s’acquitter de leurs fonctions de représentants élus est dans
l’intérêt supérieur de la nation et est considéré comme ayant priorité sur toute obligation
d’agir comme juré. Ce principe a d’ailleurs été reconnu en droit [149] .
L’un des droits de la Chambre est d’assurer la protection de ses fonctionnaires et de veiller à ce qu’ils
puissent assister à ses délibérations. Par conséquent, les fonctionnaires de la Chambre sont dispensés
de faire partie d’un jury au même titre que les parlementaires. Il en va de même des personnes sommées de
comparaître devant la Chambre ou l’un de ses comités [150] .
La dispense de l’obligation de comparaître comme témoin
Étant donné le droit prioritaire de la Chambre de bénéficier de la présence et des services de ses
députés quand elle est en session [151] ,
ceux-ci sont alors exemptés de l’obligation normalement imposée à tout citoyen de se conformer à une
citation à comparaître comme témoin devant un tribunal [152] .
Cette exemption s’applique aux affaires entendues par les tribunaux civils, criminels et militaires [153] .
Ce privilège n’étant toutefois pas censé être utilisé pour empêcher la justice de suivre
son cours, il est fréquent qu’un député renonce à l’exercer, particulièrement lorsqu’il
s’agit d’une poursuite pénale [154] .
Un député fédéral qui a reçu en cours de session une citation à comparaître devant un
tribunal peut s’y rendre s’il estime que son absence risque de perturber le cours de la justice. Il demeure cependant en droit
de se prévaloir de son privilège de refuser de témoigner devant un tribunal [155] .
Un député peut témoigner de son propre gré et sans aucune formalité, même un jour de séance
de la Chambre [156] ,
mais s’il accepte de le faire, il ne peut en aucune façon invoquer le privilège et il est tenu de livrer son témoignage [157] .
Avant de pouvoir signifier à un député, à son bureau parlementaire, une assignation à comparaître
devant un tribunal, on doit d’abord en obtenir l’autorisation du Président. Telle est l’opinion qu’a
exprimée très fermement le Président Fraser dans une décision qu’il a rendue en mai 1989 sur une question
de privilège qu’avait soulevée David Kilgour (Edmonton-Strathcona) concernant les droits des
députés qui comparaissent en justice comme témoins [158] .
En présentant sa question de privilège, M. Kilgour affirmait qu’en mars 1989, alors que le Parlement était
prorogé, une assignation à comparaître autorisée par un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique
lui avait été signifiée à son bureau de l’édifice du Centre en rapport avec une action en
diffamation dont le tribunal était alors saisi. Il s’en était suivi tout un échange de correspondance, dont une
lettre du légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes dans laquelle celui-ci confirmait le droit du
député d’être exempté de l’obligation de témoigner devant une cour de justice. Après
avoir reçu une lettre de l’un des avocats indiquant que le juge ordonnait à M. Kilgour de comparaître, le
député avait donné suite à cette missive en comparaissant devant la cour de Kelowna. M. Kilgour avait toutefois
refusé de se soumettre à l’interrogatoire, et, juste avant que le tribunal ne l’inculpe d’outrage au
tribunal, l’avocat du demandeur avait retiré l’assignation [159] .
Dans sa décision, le Président Fraser a d’abord parlé de la façon dont l’assignation avait
été signifiée au député et a fait remarquer qu’étant donné qu’en
l’occurrence, l’autorisation du Président n’avait été ni demandée ni obtenue, la
procédure normale n’avait pas été respectée. Il a signalé aux députés
qu’ils ne devraient pas, de leur propre chef, accepter qu’on leur signifie des documents dans l’enceinte du
Parlement. S’ils veulent, dans un tel cas, renoncer à leur immunité parlementaire, ils ont le loisir de le faire
en quittant l’enceinte du Parlement pour recevoir la signification ailleurs. Toute autre façon d’agir, a-t-il
ajouté, « compromettrait nos privilèges de longue date […] qui font partie des lois canadiennes ».
Il a en outre prévenu « […] ceux qui tentent de procéder irrégulièrement à la
signification d’une assignation à témoigner qu’il se peut qu’ils agissent de façon à
commettre un outrage à la Chambre » [160] .
Concernant le privilège d’exemption de l’obligation de comparaître comme témoin devant une cour de
justice, le Président a rappelé que, d’après May et Bourinot, même si le
Parlement était prorogé, le député continuait de jouir de son immunité au cours de cette période.
Cependant, étant donné que M. Kilgour avait accepté de comparaître devant le tribunal, il avait, ce
faisant, essentiellement renoncé à ce privilège. Sur ce point, le Président a affirmé :
« Il appert qu’en renonçant à ce privilège, en comparaissant, en prêtant serment et en
répondant à certaines questions, il s’est volontairement soumis à la juridiction de la cour. Une fois
qu’il a renoncé à ce privilège, le député abdique la protection que celui-ci implique ».
Le Président s’est dit très déconcerté du fait que l’avocat des demandeurs dans la cause en
question ait mis en doute le droit de M. Kilgour « d’invoquer l’immunité parlementaire, alléguant
qu’il appartenait à la cour d’en décider ». Il a ensuite précisé
« […] pour mémoire, que le droit d’un député de refuser de comparaître comme
témoin devant un tribunal au cours d’une session du Parlement et dans les 40 jours qui précèdent ou
suivent une telle session est un droit indiscuté et inaliénable appuyé par une foule de précédents ».
Il a pressé les députés « […] de refuser à l’avenir d’accepter une
assignation dans l’enceinte du Parlement et de signaler au Président toute tentative en ce sens ».
De même que dans le cas de l’exemption du devoir de juré, tout fonctionnaire de la Chambre ou toute personne tenue
de comparaître comme témoin devant la Chambre ou l’un de ses comités est dispensé de cette obligation
si ses services sont requis par la Chambre [161] .
La protection contre l’obstruction, l’ingérence, l’intimidation et la brutalité
Les députés ont le droit de se livrer à leurs activités parlementaires sans être dérangés.
Les voies de fait, les menaces et les insultes à l’égard d’un député sur le parquet de la Chambre
ou lorsqu’il se rend à la Chambre ou en revient, ou encore à cause de son attitude au cours des délibérations
du Parlement, constituent une atteinte aux droits du Parlement. Toute forme d’intimidation (« un acte de violence en
vue d’intimider le Parlement du Canada est un acte criminel ») envers quiconque en raison de son attitude au cours des
délibérations du Parlement peut être considérée comme un outrage [162] .
Les députés, de par la nature de leur fonction et la variété des travaux qu’ils sont appelés
à accomplir, entrent en contact avec un large éventail de personnes et de groupes. Ils sont donc exposés à
subir toutes sortes d’influences, certaines légitimes et d’autres pas. La loi traite de certaines questions de ce
genre, notamment du trafic d’influence, de l’acceptation de pots-de-vin et des tractations électorales malhonnêtes [163] .
Au fil des ans, des députés ont porté à l’attention de la Chambre des cas où, selon eux, il
y avait eu tentative d’obstruction, de nuisance, d’ingérence, d’intimidation ou de brutalité à
leur endroit ou à l’endroit de leur personnel ou de personnes qui avaient affaire à eux ou à la Chambre.
Strictement parlant, de tels actes sont considérés comme des outrages à l’autorité de la Chambre et
non comme des atteintes aux privilèges [164] .
Comme ces questions sont étroitement liées au droit de la Chambre de bénéficier des services de ses
députés, elles sont toutefois souvent considérées comme des atteintes aux privilèges.
La présidence a régulièrement réaffirmé que la Chambre se devait de protéger contre toute
intimidation, obstruction ou ingérence son droit de bénéficier des services de ses députés. Sur
une question de privilège, le Président Lamoureux a signalé, en rendant sa décision, que, même
s’il n’y avait pas de prime abord matière à soulever une question de privilège dans le cas dont il
était saisi, il n’hésitait pas à affirmer que « […] le privilège parlementaire
comprend le droit pour un député de s’acquitter de ses fonctions de représentant élu sans avoir
à subir aucune menace ou tentative d’intimidation » [165] .
Dans une décision portant sur une autre question de privilège, le Président Bosley a en outre fait observer que
la menace ou tentative d’intimidation ne saurait être hypothétique; elle doit être réelle ou avoir été commise [166] .
Obstruction par des moyens physiques, voies de fait et brutalité
Quand un député prétend avoir été, dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, directement
victime d’obstruction, d’entrave à son travail, d’ingérence ou d’intimidation, la présidence
peut en déduire que de prime abord, il y a eu atteinte aux privilèges. Ce principe s’applique dans les cas
d’obstruction par des moyens physiques, de voies de fait ou de brutalité.
Le 30 octobre 1989, le Président Fraser a jugé fondée de prime abord l’allégation d’atteinte
aux privilèges qu’avait soulevée Herb Gray (Windsor-Ouest) à propos d’un barrage routier que la GRC
avait installé sur la colline du Parlement dans le but de contenir un groupe de manifestants. Il estimait qu’en dressant
un tel barrage, on avait porté atteinte aux privilèges de certains députés puisqu’on leur avait
bloqué l’accès à la Chambre des communes [167] .
Le 17 février 1999, un certain nombre de questions de privilège ont été soulevées pour protester
contre le fait que des membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada avaient installé des piquets de grève
à des endroits stratégiques donnant accès à la colline du Parlement et devant les entrées des
édifices où travaillent normalement les parlementaires. En présentant sa question, Jim Pankiw (Saskatoon–Humboldt)
a indiqué que des grévistes avaient eu recours à la violence et à l’intimidation pour
l’empêcher de se rendre à son bureau. Sur ce point, le Président Parent a immédiatement statué
que de prime abord, la question de privilège lui semblait fondée. M. Pankiw a proposé une motion demandant que
la question de la brutalité dont il avait été victime soit renvoyée pour étude au Comité
permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, motion qui a été adoptée sans débat [168] .
D’autres questions de privilège, soulevées par John Reynolds (West Vancouver–Sunshine Coast), Roy Bailey
(Souris–Moose Mountain) et Garry Breitkreuz (Yorkton–Melville), faisaient état des difficultés que les
députés avaient eues à se rendre à leurs bureaux. Les piquets de grève, soutenaient ces députés,
les avaient empêchés d’exercer leurs fonctions et de remplir promptement leurs obligations de parlementaires. Le
lendemain, après avoir rappelé que le Président était le gardien des droits des députés, le
Président Parent a déclaré, en rendant sa décision, que les interventions des trois députés
l’avaient convaincu et qu’il estimait que leurs doléances étaient suffisamment sérieuses pour inciter
la présidence à intervenir. Il en était donc arrivé à la conclusion que les incidents de la veille,
qui avaient empêché les députés d’accéder à l’enceinte parlementaire, constituaient
de prime abord un outrage à l’autorité de la Chambre, et il a invité M. Reynolds à présenter
une motion en conséquence. Le député a alors proposé que la question soit renvoyée au Comité
permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, et la motion a été adoptée sans débat [169] .
Autres exemples d’obstruction, d’ingérence et d’intimidation
Le tort injuste causé à la réputation d’un député peut également constituer un cas
d’obstruction. En statuant sur une question de privilège [170] ,
le Président Fraser a déclaré : « Tout acte susceptible d’empêcher un député
ou une députée de s’acquitter de ses devoirs et d’exercer ses fonctions porte atteinte à ses
privilèges. Il est évident qu’en ternissant injustement la réputation d’un député,
on risque de l’empêcher de faire son travail. Normalement, un député qui estime avoir été
victime de diffamation a le même recours que n’importe quel autre citoyen; il peut intenter des poursuites en diffamation
devant les tribunaux avec la possibilité de réclamer des dommages pour le tort qui lui a éventuellement
été causé. Par contre, il ne peut pas avoir recours à de telles poursuites si la diffamation s’est produite à la Chambre » [171] .
Le 21 mars 1978, en jugeant fondée de prime abord une question de privilège, le Président Jerome a établi
que la surveillance électronique d’un député en dehors de l’enceinte parlementaire « […]
pourrait être considérée comme une forme de harcèlement, d’obstruction, de nuisance, ou encore
d’intimidation à l’égard d’un député. Tous ces termes ont été utilisés
dans les décisions antérieures de la présidence à l’appui de la position selon laquelle une telle
conduite constitue un outrage à la Chambre » [172].
Le 6 mai 1985, le Président Bosley a conclu qu’il y avait de prime abord matière à question de privilège
concernant une publicité parue dans un journal où l’on désignait une autre personne que le député
lui-même comme étant le député en poste [173] .
Il a déclaré : « Il va sans dire qu’un député doit exercer ses fonctions comme il faut et que
toute tentative de semer la confusion sur l’identité d’un député risque d’empêcher ce
député de remplir ses fonctions comme il se doit. Toute initiative qui empêche ou vise à empêcher un
député d’exercer ses fonctions est une atteinte aux privilèges. Cette opinion est corroborée par bien
des commentaires et des précédents [174] ».
Le 6 décembre 1978, en constatant que de prime abord il y avait eu outrage à la Chambre, le Président Jerome a statué
qu’en induisant délibérément un ministre en erreur, un représentant du gouvernement avait gêné un
député dans l’accomplissement de ses fonctions et que, par conséquent, il avait entravé les travaux de la
Chambre [175] .
Dans un autre cas, impliquant cette fois un fonctionnaire, le Président Francis a jugé fondée de prime abord une question
de privilège concernant une allégation d’intimidation à l’endroit d’un employé d’un
député. En rendant sa décision le 20 février 1984, le Président a déclaré : « Si
un ministère ou une société de la Couronne menaçait un député de lui refuser des renseignements
ou sa collaboration, on pourrait alors dire, sans aucun doute, qu’en agissant ainsi, on empêche ce député
d’exercer ses fonctions et qu’il s’agit donc d’une atteinte aux privilèges du député. La
même chose s’appliquerait dans le cas où on offrirait au député certains avantages à condition
qu’il soumette toujours ses questions au service concerné avant de les poser à la Chambre… La présidence
estime donc qu’il n’est pas nécessaire que le fait équivalant à une forme d’intimidation soit commis
contre le député en sa personne pour constituer une violation des privilèges » [176] .
Tout comme on a jugé fondées de prime abord des questions de privilège se rapportant à des cas où des
députés ou leur personnel avaient été intimidés, l’intimidation d’un témoin ayant
comparu devant un comité a également été considérée par le Président Fraser, le 4
décembre 1992, comme constituant de prime abord un outrage à la Chambre, et celle-ci a alors renvoyé la question pour
étude au Comité permanent de la gestion de la Chambre [177] .
Le Comité a présenté son soixante-cinquième rapport à la Chambre le 18 février 1993, et le
rapport a été adopté par la Chambre le 25 février [178] .
Dans son rapport, le comité a réaffirmé les principes du privilège parlementaire et de son extension aux
témoins des comités. Le rapport mentionnait ce qui suit : « La protection des témoins est un élément
fondamental du privilège qui s’étend aux délibérations parlementaires et aux personnes qui y participent.
Il est bien établi, au Parlement du Canada comme au Parlement britannique, que les témoins entendus en comité
jouissent d’une immunité et d’une liberté de parole égales à celles des députés.
Les témoins qui comparaissent devant un comité parlementaire bénéficient donc automatiquement, pour tout ce
qu’ils disent devant le comité, des mêmes immunités contre les poursuites au civil ou au criminel que les
parlementaires… La protection des témoins s’étend aux menaces proférées contre eux et aux tentatives
d’intimidation exercées sur eux relativement à leur exposé devant quelque comité parlementaire que ce soit [179] ».
Intimidation à l’endroit du Président de la Chambre ou de tout président de séance de la Chambre
Au même titre que l’intimidation d’un député ou d’un témoin, la Chambre prend très au
sérieux tout acte ou tentative d’intimidation du Président ou de tout président de séance de la Chambre.
À trois occasions, la Chambre a jugé que des critiques qui mettaient en doute l’impartialité de la présidence
constituaient des tentatives d’intimidation et que, partant, elles portaient atteinte aux privilèges [180].
Le 22 décembre 1976, la Chambre a adopté une motion estimant que les propos tenus au sujet du Président Jerome et
publiés dans un article de journal étaient grossièrement diffamatoires envers la présidence, et que la publication
de l’article en question représentait une violation flagrante des privilèges de la Chambre [181] .
Le 23 mars 1993, le Président Fraser, rappelant au passage qu’une attaque contre l’intégrité d’un
dignitaire de la Chambre était une attaque contre la Chambre elle-même, a jugé fondée de prime abord une question
de privilège qui avait été soulevée à propos de commentaires mettant en doute l’impartialité
d’un président de séance de la Chambre [182] .
Le 9 mars 1998, Peter MacKay (Pictou–Antigonish–Guysborough) a soulevé une question de privilège pour soutenir que
les propos cités dans un article de journal et qui étaient attribués à certains députés constituaient
une tentative d’intimidation à l’endroit de l’ensemble de la Chambre et de son Président. Le député
disait craindre que ces remarques, qui avaient trait à des questions prises en délibéré par la présidence
et qui donnaient à penser que des députés réclameraient la démission du Président s’il rendait
sa décision dans un sens donné, ne constituent une manÅ uvre visant à influencer la décision du Président. Le
Président Parent a jugé que la question de privilège était fondée de prime abord [183] .
Incidents à caractère politique ou survenus dans la circonscription d’un député
Les fois où des députés ont allégué avoir été victimes d’obstruction ou de
harcèlement, non pas directement en tant que représentants élus, mais à l’occasion d’un incident
à caractère politique ou survenu dans leur circonscription, la présidence a toujours jugé qu’il n’y
avait pas là matière à question de privilège.
Le 15 juillet 1980, le Président Sauvé, constatant que la question de privilège qui lui était soumise
concernant le travail d’un député dans sa circonscription ne paraissait pas fondée de prime abord a
déclaré : « Je connais fort bien les nombreuses responsabilités et les devoirs du député
et aussi le travail qu’il doit faire pour sa circonscription, mais à titre [de Président], je dois tenir compte
uniquement des questions qui touchent au travail parlementaire. Autrement dit, quels que soient les devoirs d’un député
envers ses électeurs, pour être valable, la question de privilège doit avoir trait à une présumée
ingérence dans les fonctions parlementaires du député. Cela veut dire que, tout comme le privilège
parlementaire protège les députés des conséquences de leurs actes au cours des délibérations
du Parlement, de même il les protège de toute ingérence dans leurs fonctions tant que cette ingérence a trait
à leur travail parlementaire » [184] .
Cette opinion a été réexprimée avec encore plus de fermeté par le Président Fraser dans une
décision qu’il a rendue le 17 novembre 1987 sur une question de privilège à propos d’une affaire mettant
en cause un membre du personnel d’un député, un électeur et un agent des Services correctionnels. Le
Président a statué que la question de privilège n’était pas fondée de prime abord, et il a
justifié sa décision dans les termes suivants : « […] Je suis sûr que les honorables députés
comprendront que cette affaire ne rentre pas dans le cadre du concept étroit du privilège parlementaire […] En fait,
j’irais même jusqu’à dire que, même s’il n’y avait pas eu participation directe de
l’employé du député, mais plutôt participation directe du député lui-même, la
question de privilège ne me serait pas parue justifiée à première vue » [185] .
Importance du lien avec les fonctions parlementaires
Dans certains cas où la présidence a jugé que la question de privilège n’était pas recevable
de prime abord, sa décision se fondait principalement sur le fait que l’incident n’était pas directement lié
aux fonctions parlementaires du député. Même si elle a souvent reconnu que le député qui soulevait la
question de privilège pouvait très bien avoir des motifs légitimes de se plaindre, la présidence a
régulièrement conclu que l’incident n’avait pas empêché le député d’accomplir
ses devoirs parlementaires. Les exemples ci-dessous l’illustrent bien.
En 1978, le Président Jerome a établi dans deux cas différents que, puisque le député n’avait
pas été directement gêné dans l’exercice de ses fonctions parlementaires, il n’y avait pas lieu
de considérer de prime abord que l’allégation d’atteinte au privilège était fondée. Dans
le premier cas, où c’était Ron Huntington (Capilano) qui avait soulevé la question de privilège, le
Président a indiqué avoir du mal à reconnaître que les difficultés que le député se
plaignait d’avoir connues du fait d’avoir été poursuivi au civil constituaient un harcèlement ou une
obstruction au sens étroit du terme. Il s’est par ailleurs montré peu disposé à interpréter plus
largement la définition du privilège. En statuant que de prime abord, la question de privilège n’était
pas fondée, le Président Jerome a signalé : « Il est évident que cette question a gêné
d’une certaine manière le député dans l’accomplissement de ses devoirs parlementaires, mais je ne puis
accepter que ces difficultés constituent une obstruction ou une intimidation au sens étroit auquel on peut interpréter
la protection contre toute molestation, surtout dans un cas où il s’agit d’un recours normal aux tribunaux, une situation
où le Parlement ne s’interposerait que pour les motifs les plus graves » [186] .
Le second cas de ce genre qu’a traité la présidence en 1978 a été soulevé par Simma Holt
(Vancouver–Kingsway) le 2 novembre de cette année-là. Le Président Jerome a jugé que la question de
privilège n’était pas recevable de prime abord, et il a fourni l’explication que voici : « Comme
l’honorable représentante n’agissait pas à titre officiel, alors qu’elle aurait eu droit à
l’immunité parlementaire — cas peu fréquent —, il serait injustifié, selon moi, de rattacher aux
précédents et de considérer comme atteinte à son immunité parlementaire un acte dirigé contre
sa personne, en l’occurrence » [187] .
En rendant sa décision, le Président a fait remarquer que la société exige beaucoup de ses députés,
mais que toutes ces exigences n’entraînent pas forcément l’exécution de fonctions strictement
parlementaires. Tout député a des obligations à remplir en sa qualité de représentant des
électeurs de sa circonscription. Un député ne peut revendiquer la protection du privilège qu’en ce
qui a trait à l’exercice de ses fonctions parlementaires, « notamment des fonctions primordiales qu’il
remplit ici à la Chambre des communes », bien que la ligne de démarcation entre les fonctions d’un
député à titre de représentant et ses fonctions parlementaires soit parfois ténue. Toutefois, comme
l’a fait remarquer Maingot, une agression commise contre un député en dehors de l’enceinte et
qui est sans rapport avec son travail parlementaire ne constitue pas un outrage, mais la même agression commise à
l’intérieur de l’enceinte du Parlement fait outrage à la Chambre, même si elle est sans rapport avec
les délibérations du Parlement [188] .
Le 15 mai 1985, Douglas Frith (Sudbury) a soulevé une question de privilège en alléguant qu’il avait
été gêné dans sa capacité de bien servir ses électeurs par suite de l’émission
d’une directive ministérielle restreignant la divulgation de renseignements à propos d’un programme du
gouvernement. En jugeant que, même si le député avait effectivement un motif de se plaindre, sa question de
privilège ne lui apparaissait pas fondée de prime abord, le Président Bosley a fait remarquer que le but du
privilège parlementaire était de préserver la liberté de parole à la Chambre et de protéger
l’institution contre toute menace ou tentative d’obstruction ou d’intimidation [189] .
Le 1er mai 1986, le Président Bosley a de nouveau jugé qu’il n’y avait pas de prime abord matière
à question de privilège dans une affaire soulevée par Sheila Copps (Hamilton-Est). Reprenant les raisons qu’il
avait invoquées dans des décisions antérieures, le Président a déclaré : « Si un
député est gêné ou entravé dans l’accomplissement de ses fonctions parlementaires par des menaces,
des intimidations, des tentatives de corruption ou d’autres comportements inacceptables, c’est une violation de privilège.
Si un député pouvait dire que quelque chose l’a empêché de remplir ses fonctions, qu’il a été
menacé, intimidé ou indûment influencé, la présidence prendrait l’affaire en considération » [190] .
Le 9 décembre 1986, dans une décision concernant une question de privilège soulevée par Nelson Riis
(Kamloops–Shuswap) où celui-ci alléguait que l’information fournie par le gouvernement lors d’une
conférence de presse à propos d’un projet de loi qui n’avait pas encore été déposé
à la Chambre constituait une violation de privilège, le Président Fraser a déclaré qu’en aucune
façon les actions du ministre n’avaient gêné quelque député que ce soit dans l’accomplissement
de ses fonctions ou l’avaient empêché de les exercer [191] .
Le 24 mars 1994, le Président Parent a rendu une décision sur une question de privilège soulevée par
Jag Bhaduria (Markham–Whitchurch–Stouffville) qui avait allégué avoir été victime d’intimidation
de la part de médias et avoir fait l’objet de chantage à la suite de reportages journalistiques concernant
l’authenticité de ses diplômes. Jugeant que de prime abord, il n’y avait pas là matière à
question de privilège, le Président s’est exprimé en ces termes : « Des menaces de chantage ou
d’intimidation auprès d’un député ne doivent jamais être prises à la légère.
Dans de tels cas, l’essence même de la liberté d’expression est minée ou perd toute sa signification. Sans
cette garantie, aucun député ne peut remplir ses fonctions comme il se doit […] Bien que la présidence ne
prenne pas à la légère les faits qui ont été soulevés, […] elle ne peut conclure
qu’il a fait la preuve qu’il y a eu intimidation et que cela l’empêche de remplir ses fonctions de député » [192] .
Dans un autre cas, celui-là concernant les questions écrites inscrites au Feuilleton, John Williams (St-Albert) a
soulevé une question de privilège en alléguant qu’un fonctionnaire non identifié du bureau du leader du
gouvernement à la Chambre avait délibérément tenté de s’interposer dans ses fonctions de député
en refusant de répondre à ses questions. En se fondant sur des citations tirées de comptes rendus journalistiques, le
député soutenait que, de la part d’un fonctionnaire, « pareille arrogance ou insolence […] à
l’endroit du Parlement » constituait un outrage. En rendant sa décision le 6 mai 1996, le Président Parent a
fait remarquer : « […] Il est très difficile de croire aux remarques qu’aurait prétendument faites une
personne non identifiée du cabinet du leader du gouvernement à la Chambre. Ainsi, je ne puis conclure que le député
a été gêné dans l’exercice de ses fonctions et, en conséquence, il n’y a pas matière
à soulever la question de privilège » [193] .
Les droits collectifs de la Chambre
À la différence des privilèges et immunités des députés, lesquels sont limités,
les privilèges et les pouvoirs collectifs de la Chambre des communes ne se prêtent pas à une définition
précise. Les privilèges dont la Chambre a besoin pour pouvoir s’acquitter de ses devoirs constitutionnels
doivent être assortis de pouvoirs lui permettant de se protéger et de sévir contre toute atteinte à ses
privilèges [194] .
À l’instar d’une cour de justice, la Chambre des communes peut, comme tout tribunal supérieur, exercer
son pouvoir de réprimer l’outrage, ce qui lui donne une très grande latitude pour défendre sa dignité
et son autorité. En d’autres termes, la Chambre peut, au moyen d’ordres, considérer toute inconduite comme
étant un outrage et la traiter en conséquence. Ce volet du droit parlementaire est donc extrêmement souple,
ce qui est presque essentiel pour que la Chambre des communes puisse réagir à toute situation nouvelle.
Collectivement, la Chambre dispose d’un certain nombre de droits qu’elle revendique ou qui lui ont été
dévolus d’office. Par exemple, elle revendique le droit d’instituer des enquêtes sur toute question,
d’obliger des témoins à comparaître et d’ordonner la production de documents; la Loi sur le
Parlement du Canada lui confère le droit d’interroger des témoins sous serment [195] .
Les droits et pouvoirs collectifs de la Chambre peuvent être classés dans les catégories suivantes :
- Le pouvoir disciplinaire;
- Le pouvoir de réglementer ses affaires internes;
- Le droit de bénéficier de la présence et des services des députés;
- Le droit d’instituer des enquêtes, d’assigner des témoins à comparaître et
d’exiger la production de documents;
- Le droit d’entendre des témoins sous serment;
- Le droit de publier des documents contenant des propos diffamatoires.
Ses deux droits ou pouvoirs les plus importants sont le pouvoir disciplinaire et le droit de réglementer ses affaires
internes.
Le pouvoir disciplinaire
Qu’il s’agisse de ses députés, de son personnel ou d’« étrangers »,
la Chambre a le pouvoir d’imposer des sanctions à quiconque se rend coupable d’inconduite, comportement
que la Chambre considère comme une violation de ses privilèges ou un outrage. L’article 9 du Bill of Rights
protège les députés et les étrangers de toute ingérence extérieure lorsqu’ils
participent aux travaux de la Chambre; il les assujettit par ailleurs au pouvoir disciplinaire de la Chambre pour leurs faits
et gestes pendant les délibérations [196] .
Ce pouvoir permet à la Chambre d’imposer une grande variété de sanctions en cas d’inconduite :
une personne qui n’est pas député peut être expulsée de la tribune des visiteurs ou de
l’enceinte parlementaire, réprimandée ou emprisonnée; un député peut être
ramené à l’ordre, se voir ordonner de mettre fin à une intervention pour s’être trop
répété ou éloigné du sujet, être « désigné par son nom »
pour n’avoir pas respecté l’autorité de la présidence, faire l’objet d’une suspension
de son droit de participer aux travaux de la Chambre, être incarcéré, voire expulsé. Dans une certaine
mesure, le pouvoir disciplinaire de la Chambre est régi par le Règlement afin que la Chambre n’ait pas à
prendre position sur chaque cas lorsqu’elle veut régler une question efficacement [197] .
Par exemple, ce pouvoir disciplinaire permet à la Chambre, par l’entremise de ses fonctionnaires, de refuser l’entrée
à un étranger qui, à diverses occasions par le passé, s’est rendu coupable d’inconduite
dans les tribunes du public ou les couloirs du Parlement.
Toute personne qui relève de la compétence de la Chambre, qu’il s’agisse d’un étranger,
d’un membre du personnel de la Chambre ou d’un député, peut encourir des mesures disciplinaires de la
Chambre pour toute forme d’inconduite non seulement à l’intérieur mais également à
l’extérieur de l’enceinte parlementaire [198] .
Par exemple, le pouvoir disciplinaire de la Chambre s’applique aux séances de comité qui se tiennent ailleurs
que dans l’enceinte parlementaire.
Bien qu’il soit un principe fondamental des privilèges parlementaires, le pouvoir disciplinaire de la Chambre n’en
est pas moins limité : la Chambre a le droit de réprimander ou d’emprisonner les fautifs, mais seulement
jusqu’à la fin de la session, et elle n’a pas le pouvoir d’imposer des amendes [199] .
Au Canada, le Parlement a hésité à se servir de ces pouvoirs, et il ne l’a fait que rarement. Avec
l’adoption de la Charte des droits et libertés, la constitutionnalité du droit du Parlement d’imposer
des peines d’emprisonnement est d’ailleurs remise en question [200] .
Le blâme, la réprimande et la citation à comparaître à la barre de la Chambre
À un certain nombre d’occasions à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième
siècle, des personnes ont été citées à comparaître à la barre de la Chambre. La barre
est une rampe de laiton, située devant l’entrée sud de la Chambre, au-delà de laquelle les étrangers
ne sont pas admis. Les personnes qui se rendent coupables d’outrage à la Chambre — c’est-à-dire
d’atteinte à la dignité ou à l’autorité du Parlement — peuvent être formellement
sommées par la Chambre de comparaître à cette barre, si la Chambre adopte une motion en ce sens. Au moment de sa
comparution, l’accusé se tient debout à la barre. Par le passé, la Chambre a ordonné à des
députés de comparaître depuis leur siège, et à d’autres personnes, à la barre, pour
répondre à des questions ou recevoir un blâme, une semonce ou une réprimande. Même si, à
première vue, une telle comparution peut sembler ne pas constituer une sanction vraiment punitive, c’est un événement
extraordinaire qui place le député ou la personne en question sous l’autorité de la Chambre investie de ses
pleins pouvoirs disciplinaires.
En 1873, James Bell, un directeur du scrutin, fut sommé de comparaître à la barre de la Chambre pour répondre
de ses actes dans une élection contestée. Rendu à la barre, après avoir demandé et obtenu la permission
de se faire assister par un procureur, il répondit aux questions. La Chambre adopta une résolution critiquant les actes de
M. Bell. Convoqué de nouveau à la barre, on lui lut la résolution en question, puis il fut libéré [201] .
Encore en 1873, l’éditeur du journal Le Courrier d’Outaouais, Elie Tassé, qui était
également employé de session à la Chambre des communes, s’est vu sommé de comparaître à
la barre de la Chambre pour répondre à des questions concernant un article qui jetait le discrédit sur deux
députés. M. Tassé comparut à la barre, répondit à des questions, puis fut autorisé
à se retirer [202] .
En novembre 1873, le sergent d’armes reçut l’ordre de mettre sous garde John Heney, un échevin d’Ottawa,
et de l’amener à la barre de la Chambre pour répondre d’une tentative de corruption d’un député.
M. Heney a été sous la garde du sergent d’armes du 4 au 7 novembre 1873, mais il n’a jamais comparu à
la barre, le Parlement ayant été prorogé le 7 novembre [203] .
Le 31 mars et le 1er avril 1874, Louis Riel (Provencher) reçut l’ordre de se rendre à son siège pour
comparaître devant la Chambre pour s’être dérobé à la justice dans l’affaire du meurtre de
Thomas Scott. Il omit de se soumettre à cet ordre et fut par la suite expulsé de la Chambre. Trois témoins furent
convoqués à la barre en rapport avec l’affaire Riel (le procureur général du Manitoba et deux agents de
police d’Ottawa). Les trois comparurent et répondirent à des questions [204] .
En 1879, un visiteur qui prenait place dans la tribune, John Macdonnell, avait adressé des remarques offensantes à un
député. Après avoir été expulsé de la tribune, il répéta ses remarques dans une
note qui fut livrée au député à son siège à la Chambre. À la suite de cet incident, il
fut sommé de comparaître à la barre de la Chambre, où il présenta des excuses. On lui demanda de se
retirer, puis la Chambre adopta une motion disant que M. Macdonnell avait violé les privilèges de la Chambre, mais que, compte
tenu des excuses qu’il avait formulées, il ne serait pas nécessaire de prendre d’autres mesures. M. Macdonnell fut
alors rappelé à la barre, où on lui lut la résolution, après quoi il fut libéré [205] .
En mai 1887, John Dunn, un directeur du scrutin, fut sommé de comparaître à la barre de la Chambre pour répondre
de sa conduite au cours d’une élection. Ayant été autorisé par la Chambre à se faire accompagner
d’un procureur, il répondit à de nombreuses questions. Il fut finalement libéré, et aucune autre mesure ne
fut prise contre lui [206] .
En 1891, Michael Connolly, sommé de comparaître devant le Comité des privilèges et élections, avait accepté
de témoigner, mais il avait refusé de remettre au Comité les documents qu’il avait emportés avec lui. Le
Comité saisit la Chambre de la situation et lui demanda de « prendre une décision à ce sujet ». La
Chambre adopta alors une motion ordonnant à M. Connolly de comparaître à la barre de la Chambre. Il s’y présenta
comme convenu, répondit aux questions, obtint l’autorisation de se faire aider par un procureur, et fut enjoint de produire
les livres de compte qu’exigeait le Comité [207] .
Encore en 1891, le Comité des comptes publics mentionna dans son rapport qu’André Senécal, un employé du Bureau
de l’imprimerie du gouvernement, avait fait défaut de se soumettre à une citation à comparaître devant le Comité
La Chambre adopta une motion lui enjoignant de se présenter à la barre de la Chambre. Il omit de le faire, et la Chambre ordonna qu’il
soit mis sous la garde du sergent d’armes, qui ne parvint pas à le retrouver. Les choses en sont restées là [208] .
En 1894, deux personnes (MM. Provost et Larose) omirent de se soumettre à une citation à comparaître comme témoins devant
le Comité des privilèges et élections. Le Comité fit rapport à la Chambre de la situation et lui demanda
d’« agir en conséquence ». La Chambre adopta alors une motion enjoignant aux deux témoins de comparaître
à la barre de la Chambre. Comme ils avaient fait défaut de le faire, la Chambre ordonna au sergent d’armes de les mettre sous
arrêt afin de les forcer à comparaître à la barre de la Chambre. Ils comparurent par la suite, répondirent aux
questions et furent libérés [209] .
En 1906, William T. Preston, un inspecteur de l’immigration canadienne en Europe, comparut comme témoin devant le Comité d’agriculture
et de colonisation de même que devant le Comité des comptes publics et refusa de répondre à certaines questions. Les deux
comités firent rapport à la Chambre de la situation. Un député présenta alors à la Chambre, sur la base du rapport
du Comité de l’agriculture, une motion demandant qu’on enjoigne à M. Preston de comparaître à la barre de la Chambre.
Cependant, la Chambre adopta une motion d’amendement portant que M. Preston ne soit pas obligé de comparaître. La motion modifiée
fut adoptée [210] .
Encore en 1906, un député s’étant plaint de la teneur d’un article de journal, on en fit lecture à la Chambre, et
celle-ci adopta une motion enjoignant à son auteur, E.E. Cinq-Mars, de comparaître à la barre de la Chambre. M. Cinq-Mars se présenta
comme convenu et répondit aux questions à deux séances consécutives de la Chambre. La Chambre adopta alors une motion de censure
contre lui, on lui en fit lecture, puis on lui permit de se retirer [211] .
En 1913, R.C. Miller, qui avait comparu comme témoin devant le Comité des comptes publics, avait refusé de répondre aux questions.
La Chambre ayant été saisie de l’affaire, elle adopta une motion enjoignant à M. Miller de se présenter à la barre de la
Chambre pour y être interrogé. M. Miller comparut à deux reprises à la barre de la Chambre, et il obtint l’autorisation,
à chacune des deux occasions, de se faire assister par un procureur. On lui ordonna de se retirer après qu’il eut refusé de fournir
l’information demandée par le Comité. La Chambre adopta alors une motion précisant que M. Miller s’était rendu coupable
d’outrage à la Chambre et devait être emprisonné. M. Miller fut de nouveau amené à la barre de la Chambre et on lui lut
la résolution en question [212] .
En 1991, un député souleva une question de privilège pour alléguer qu’un outrage à la Chambre avait été
commis au moment de l’ajournement de la séance précédente quand un député, Ian Waddell (Port Moody–Coquitlam),
avait tenté de se saisir de la masse qui était sur l’épaule du sergent d’armes. Le Président jugea qu’il y avait
effectivement là, de prime abord, outrage, et la Chambre adopta un ordre déclarant M. Waddell coupable d’outrage et lui enjoignant de
comparaître à la barre de la Chambre pour y être réprimandé par le Président. En conséquence, le
député a comparu à la barre, a été admonesté par le Président et déclaré coupable de violation
des privilèges et d’outrage flagrant à la Chambre [213] .
La mise des coupables sous garde et l’emprisonnement
La Chambre des communes jouit du droit de réprimer l’outrage par l’emprisonnement [214] .
À certaines occasions, la Chambre a ordonné au sergent d’armes de mettre les coupables sous garde et,
à d’autres occasions, elle a ordonné de les emprisonner. En mai 1868, un député qui avait été
désigné président d’un comité spécial fit défaut de se présenter au moment où
les membres du comité étaient assermentés, et une motion fut adoptée à la Chambre ordonnant au sergent
d’armes de le mettre sous sa garde. Le sergent d’armes informa la Chambre qu’il avait été dans
l’impossibilité de donner suite à cet ordre, et aucune autre mesure n’a été prise par la
suite [215] .
En 1873, deux députés, sir John A. Macdonald et Frederick Pearson, étaient membres d’un comité et ont
fait défaut de se présenter au moment où ils devaient être assermentés. Une motion fut adoptée
à la Chambre enjoignant au sergent d’armes de les mettre sous sa garde. Lors de la comparution de M. Macdonald, un autre
député fit lecture d’un affidavit établissant que, médicalement parlant, le député
n’était pas en mesure de s’acquitter de ses fonctions. M. Macdonald a alors été libéré.
Aucune autre mesure n’a été prise contre M. Pearson, le sergent d’armes ayant informé la Chambre
qu’il avait été dans l’impossibilité de donner suite à son ordre, étant donné
que M. Pearson était absent de la ville [216] .
Dans l’affaire Heney, en novembre 1873, l’échevin a été mis sous la garde du sergent d’armes du
4 au 7 novembre [217] .
En 1913, la Chambre ordonna l’emprisonnement de R.C. Miller pour avoir refusé de répondre aux questions qui lui
était posées lors de sa comparution à la barre de la Chambre. Il est demeuré en prison pendant environ quatre
mois, jusqu’à la fin de la session [218] .
L’expulsion
En vertu du privilège parlementaire, les députés ont la responsabilité d’agir d’une façon
qui soit à la hauteur de leurs fonctions de représentants élus de la population. Toute désobéissance
aux ordres de la Chambre, ou tout acte répréhensible — menaces, offre ou acceptation de pots-de-vin, intimidations —
constitue une infraction pour laquelle le député peut être réprimandé ou même expulsé. En
vertu de l’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui conférait à la Chambre des communes canadienne
les mêmes privilèges, immunités et pouvoirs que ceux dont jouissait la Chambre des communes britannique, la Chambre
des communes canadienne possède le pouvoir d’expulsion. L’expulsion, une mesure fort sérieuse, poursuit un double
but, comme l’explique May :
L’expulsion n’est pas tant une mesure disciplinaire qu’une mesure de redressement, elle ne vise pas tant à punir
des députés qu’à débarrasser la Chambre de personnes qui ne sont pas aptes à en faire partie. On
peut à juste titre la considérer comme un exemple du pouvoir qu’a la Chambre de réglementer sa propre constitution.
Mais il est plus commode d’en traiter comme d’une méthode parmi d’autres dont dispose la Chambre pour punir [219] .
Comme le fait remarquer Bourinot, ce pouvoir redoutable a toutefois ses limites :
Tout corps législatif a incontestablement le droit de suspendre ou d’expulser un de ses membres pour ce qui lui apparaît
être un motif suffisant. Il a absolument besoin d’un tel pouvoir pour conserver sa dignité et son utilité comme
entité. Cependant, bien que l’expulsion libère le siège d’un député, elle ne rend pas celui-ci
inapte à être de nouveau élu comme député dans l’avenir [220] .
La Chambre peut exercer son pouvoir d’expulser un député pour des infractions commises en dehors de son rôle de
représentant élu ou en dehors d’une session du Parlement. Comme l’explique Maingot, ce pouvoir
« s’étend à tous les cas où l’infraction, de l’avis de la Chambre, rend le député
inapte à s’acquitter de ses devoirs parlementaires [221] ».
La Chambre a expulsé des députés à quatre occasions. Louis Riel (Provencher) a été expulsé
de la Chambre à deux reprises. Riel s’était dérobé à la justice après avoir été
accusé du meurtre de Thomas Scott. Au printemps de 1874, la Chambre ordonna à M. Riel de comparaître à son siège.
Il omit de le faire, et la Chambre l’expulsa [222] .
À l’automne de cette même année, il a été réélu député de Provencher.
La deuxième expulsion de M. Riel eut lieu en février 1875. Le 22 février, une copie du jugement prononçant sa mise
hors-la-loi dans l’affaire de La Reine c. Riel a été déposée à la Chambre. Le 24 février,
après que le document fut lu à la Chambre, celle-ci adopta deux ordres, l’un donnant avis que M. Riel avait été
jugé hors-la-loi pour crime grave et l’autre enjoignant à la présidence de préparer un nouveau bref
d’élection pour la circonscription électorale de Provencher, ce qui par le fait même expulsait M. Riel [223] .
En 1891, Israël Tarte (Montmorency) a accusé Thomas McGreevy (Québec-Ouest) de corruption en relation avec des travaux
d’amélioration au havre de Québec, et l’affaire a été renvoyée par la Chambre au Comité
permanent des privilèges et élections. Lors de sa comparution devant le Comité, M. McGreevy refusa de répondre
aux questions qui lui étaient posées. Le Comité fit rapport à la Chambre le 12 août 1891, et demanda
à la Chambre de prendre la décision qu’elle jugerait appropriée. Le 13 août, la Chambre ordonna à
M. McGreevy d’être présent à son siège le 18 août. Constatant que M. McGreevy était absent ce
jour-là, la Chambre a donné ordre que le député soit commis à la garde du sergent d’armes. Le 19
août, M. McGreevy voulut démissionner, mais la Chambre refusa d’accepter sa démission parce que son siège
était alors contesté. Le 29 septembre, la Chambre adoptait une résolution déclarant que M. McGreevy s’était
rendu coupable de mépris envers l’autorité de la Chambre pour avoir omis de se présenter à son siège
comme on le lui avait ordonné, ainsi que de certaines autres infractions. La Chambre adopta ensuite une seconde résolution
expulsant M. McGreevy [224] .
Le 30 janvier 1947, la Chambre a résolu que Fred Rose (Cartier), qui avait été reconnu coupable de violation de la
Loi sur les serments officiels et avait été condamné à une peine d’emprisonnement de six ans,
était de ce fait devenu inapte à siéger ou à voter à la Chambre. La motion ordonnait également
à la présidence de demander au directeur général des élections d’émettre un nouveau bref
d’élection pour combler cette vacance. Même s’il n’était pas explicitement fait mention de
l’expulsion dans la motion, la Chambre a déclaré son siège vacant [225] .
La règlement des affaires internes de la chambre
Le droit exclusif de la Chambre des communes de réglementer ses affaires internes s’entend principalement de son droit
d’être maître du programme de ses travaux et du déroulement de ses délibérations [226] .
Par exemple, les tribunaux ou d’autres institutions ne peuvent s’ingérer dans les affaires des Communes [227] ,
même quand il peut être dans l’intérêt de la justice que les affaires en instance devant les
tribunaux ne fassent pas l’objet de discussions susceptibles d’en influencer l’issue. La Chambre des communes
n’est pas tenue de s’abstenir de débattre d’affaires en instance devant les tribunaux de manière
à servir les intérêts de la justice. Bien qu’il soit d’usage que les parlementaires fassent preuve
de prudence à cet égard par respect pour les tribunaux, ils n’y sont pas légalement tenus. La raison en
est qu’il est parfois tout aussi important dans l’intérêt public de débattre publiquement de
questions dont sont saisis les tribunaux [228] .
D’ailleurs, il n’est pas rare que l’adoption d’une loi par le Parlement vise effectivement à influencer
l’issue d’affaires en instance devant les tribunaux.
Les décisions de la Chambre des communes sont normalement à l’abri des examens judiciaires quand elles sont
prises en vertu du Règlement, d’un ordre sessionnel ou d’une résolution [229] .
Il en va de même des décisions de la présidence où celle-ci interprète des ordres ou des
résolutions de la Chambre. Ainsi, lorsqu’un député estime que le Règlement de la Chambre
n’est pas appliqué comme il le souhaiterait, il ne peut en appeler aux tribunaux [230] .
Seule la Chambre des communes est habilitée à se prononcer en cette matière. D’ailleurs, les
décisions de la présidence concernant le rappel au Règlement ne sont pas sujettes à examen par
les tribunaux.
Le droit exclusif de la Chambre des communes de régir ses affaires internes a également été
interprété comme signifiant que les règlements locaux ou provinciaux ne s’appliquent ordinairement
pas dans l’enceinte parlementaire. Par exemple, il n’est pas nécessaire d’obtenir un permis des
autorités compétentes pour pouvoir ouvrir un débit de boisson dans l’enceinte, et les ascenseurs
n’ont pas à être reconnus sécuritaires par les autorités provinciales [231] .
Un huissier ne peut normalement pas pénétrer dans l’enceinte pour délivrer une citation à
comparaître devant un tribunal civil [232] .
Bien que l’enceinte du Parlement ne constitue pas un lieu d’asile, la dignité de la Chambre des communes
n’en requiert pas moins que les forces de police n’y pénètrent pas pour enquêter sur la
perpétration d’infractions sans avoir obtenu pour ce faire l’autorisation de la présidence ou du
sergent d’armes [233] .
Le droit de s’assurer de la présence et des services des députés
Le Règlement de la Chambre dispose que tout député est tenu d’assister aux séances de la
Chambre sauf s’il est occupé à d’autres activités et fonctions parlementaires ou à un
engagement public ou officiel [234] .
En règle générale, la présence des députés à leur siège n’est
pas exigée par la Chambre, et toute allusion à la présence ou à l’absence d’un
député à la Chambre est considérée comme antiréglementaire [235].
Tout ce qui touche la présence des députés relève normalement des dirigeants de chacun des partis,
ordinairement du whip, ou est considéré comme une question d’obligation personnelle si le député
n’est affilié à aucun parti. Dans May,il est mentionné que « la participation
aux travaux du Parlement comprend l’obligation de s’acquitter des devoirs imposés aux députés
par les ordres et le Règlement de la Chambre [236] ».
Le droit de procéder à des enquêtes, d’exiger la comparution de témoins et d’ordonner la production de documents
Le droit du Parlement de procéder à des enquêtes, d’exiger la comparution de témoins et
d’ordonner la production de documents est essentiel au bon fonctionnement du Parlement. Ce droit est d’ailleurs
aussi ancien que le Parlement lui-même. Dans une large mesure, ce droit est maintenant exercé par les comités
en vertu des pouvoirs qui leur sont délégués aux termes du Règlement [237] .
« La seule limitation que la Chambre pourrait elle-même s’imposer serait que l’enquête
doive se rapporter à un sujet relevant de la compétence législative du Parlement, en particulier lorsque
des témoins doivent être entendus et qu’on envisage de recourir à la compétence pénale
du Parlement. Cette restriction est conforme au droit des Chambres du Parlement de convoquer une personne et de l’obliger
à témoigner sur un sujet relevant de leur compétence respective [238] . »
Le droit d’interroger des témoins sous serment
Le droit de la Chambre et de ses comités d’interroger des témoins sous serment [239] ,
droit qui ne faisait anciennement pas partie des usages parlementaires, leur a été conféré
par voie législative et est maintenant énoncé dans la Loi sur le Parlement du Canada [240] .
Les dispositions de cette loi permettent à la Chambre et à ses comités d’interroger des
témoins sous serment et autorisent la présidence, les présidents de comité et toute personne
désignée par le Président à faire prêter serment ou à recevoir des affirmations
solennelles. Cette loi stipule également que quiconque, sous serment, fait délibérément un
faux témoignage encourt les peines prévues en cas de parjure.
Le droit de publier des documents contenant des propos diffamatoires
La Loi sur le Parlement du Canada [241]
protège la publication, sur ordre de la Chambre, de tout document parlementaire susceptible de contenir ou
d’avoir en annexe des propos diffamatoires [242] .
Cette disposition s’applique à tous les documents publiés par un comité agissant sous
l’autorité de la Chambre. Ce droit ne vise pas à protéger la publication de propos
diffamatoires qui pourraient être contenus dans d’autres documents, comme le bulletin parlementaire
des députés.
Les limites intrinsèques du privilège
Les privilèges collectifs de la Chambre des communes et les privilèges individuels des députés sont limités.
Les tribunaux ont jusqu’à un certain point le pouvoir de délimiter les droits revendiqués par le Parlement, mais
certains Parlements ont codifié ces droits, immunités et privilèges. La présente section examinera le rôle que
jouent les tribunaux dans la délimitation du privilège parlementaire, les conséquences de la codification du privilège
et le lien entre le privilège et la Constitution.
L’impact des tribunaux sur le privilège
On affirme fréquemment que le Parlement est la plus haute cour du pays. C’est vrai, en ce sens que le Parlement est la haute cour
de l’opinion publique, celle où l’électorat exprime ses préoccupations par l’intermédiaire de ses
représentants élus. Il se trouve également qu’à l’époque médiévale, le Parlement
anglais avait un rôle judiciaire; il était alors perçu avant tout comme une cour de justice, la Haute Cour du Parlement, une
cour de dernière instance, où la juridiction suprême incombait à la Couronne et aux lords temporels [243] .
Ce rôle a pratiquement disparu depuis au Royaume-Uni [244] .
Le Parlement canadien, quant à lui, n’a jamais eu de rôle judiciaire [245] .
Les privilèges dont jouit le Parlement faisant partie du droit général et public du Canada, les tribunaux peuvent les
admettre d’office et les interpréter de la même manière qu’ils le font pour tout domaine du droit, comme
l’indique la Loi sur le Parlement du Canada :
Ces privilèges, immunités et pouvoirs sont partie intégrante du droit général et public du Canada et n’ont
pas à être démontrés, étant admis d’office devant les tribunaux et juges du Canada [246] .
Le privilège parlementaire possède une caractéristique unique, en ce sens que, contrairement à ce qu’on
pourrait croire, les droits et immunités revendiqués par les élus sont dans une large mesure soumis au contrôle
des tribunaux. Même si le Parlement prétend au contrôle exclusif de ses privilèges, cette prétention
n’a à peu près jamais été contestée, car les tribunaux comme les Parlements sont réticents
à trancher ce genre de question. Cependant, les fois où les privilèges du Parlement ont été contestés,
les tribunaux en ont parfois donné une définition plus restrictive, alors qu’à d’autres occasions, ils les
ont confirmés. Les tribunaux peuvent donc, dans une certaine mesure, circonscrire ou valider les privilèges du Parlement [247] .
Au Royaume-Uni, c’est, dans une certaine mesure, en se fondant sur l’analogie avec la pratique judiciaire qu’on a justifié
dans le passé les privilèges du Parlement [248] .
Un tribunal jouit des privilèges voulus pour être à même d’exercer efficacement ses pouvoirs. S’il est normal
de considérer que, dans une cour de justice, les témoins et les juges doivent pouvoir s’exprimer en toute liberté,
être protégés contre toute brutalité et être dégagés de toute tâche ou obligation conflictuelle,
le même principe devrait valoir pour « la Cour du Parlement, la première et la plus haute cour du royaume » [249] .
Le pouvoir quasi absolu du Parlement de réprimer l’outrage a une résonance et une origine judiciaires au Royaume-Uni, même
si, au vingtième siècle, le Parlement anglais n’est plus un tribunal [250] .
En Grande-Bretagne, quand la Chambre fait incarcérer ou, plus généralement, condamne un individu pour outrage sans préciser
les motifs qui sous-tendent sa condamnation, l’usage veut que les tribunaux n’enquêtent pas sur la nature de l’outrage [251] .
Toutefois, lorsque les faits sont exposés dans le mandat, les tribunaux ont le loisir d’enquêter sur les motifs de la condamnation
et, dans certains cas, de déclarer celle-ci injustifiée parce que arbitraire ou n’ayant aucun lien avec la violation d’un
privilège reconnu de la Chambre [252] .
La codification : Le cas Australien
Afin de dissiper quelque peu l’incertitude traditionnellement inhérente à l’exercice de leurs privilèges, certains
Parlements calqués sur le modèle de Westminster ont choisi de codifier leurs privilèges [253] .
En 1987, le Parlement australien a adopté une loi proclamant, clarifiant et modifiant considérablement son droit relatif au privilège
parlementaire [254] .
En partie par suite de cette loi, le Sénat australien a adopté une série de résolutions codifiant bon nombre
de ses usages en matière de privilège [255] .
Le Parlement australien, jugeant que les tribunaux restreignaient grandement sa liberté d’expression, a défini dans une loi les
mesures à prendre pour protéger ses délibérations. L’Australian Parliamentary Privileges Act de 1987
définit un certain nombre de concepts, dont celui d’outrage. On peut dire qu’en limitant le nombre d’actions qui peuvent
être considérées comme des outrages, cette loi ou bien limite la liberté d’action de l’une et l’autre
des deux chambres australiennes ou bien rend leurs actions sujettes à interprétation judiciaire. Par exemple, une personne punie pour
outrage au Parlement pourrait s’adresser au tribunal pour tenter de faire établir que la conduite pour laquelle elle a été
punie ne correspondait pas à la définition légale de l’outrage. C’est donc dire que le tribunal pourrait être
amené à annuler une peine imposée par une chambre pour outrage au Parlement [256] .
La définition légale que l’Australie a donnée au privilège a suscité un certain nombre d’inquiétudes.
On a dit craindre notamment que le droit d’une chambre d’expulser un député ou d’assurer la protection des témoins
comparaissant devant un comité ne soit contesté devant les tribunaux [257] ;
que la loi ne restreigne indûment le droit tant des demandeurs que des défendeurs de faire référence, dans un procès,
aux témoignages fournis devant les comités parlementaires; que l’interprétation des dispositions de la loi ne limite davantage
les pouvoirs et immunités du Parlement; que la confirmation légale de l’existence de privilèges parlementaires ne se traduise
par une remise en question du droit du public et des médias de formuler des commentaires sur ce qui se passe au Parlement [258] ;
et que si des problèmes majeurs se posaient, on ne puisse y remédier qu’en modifiant la codification par voie d’amendement
législatif [259] .
Les tribunaux ayant pour fonction d’examiner et d’appliquer les lois, et non d’enquêter sur le processus qui a mené à
leur adoption, il n’y a pas lieu de s’étonner que les tribunaux et le Parlement aient convenu de la nécessité
d’éviter les conflits d’interprétation concernant la portée du privilège parlementaire [260] .
La codification : L’expérience du Royaume-Uni
Contrairement au Parlement australien, le Parlement du Royaume-Uni n’a pas opté pour une codification législative du privilège,
quoiqu’il continue de revoir ses usages et de modifier sa façon d’aborder les questions de privilège. La portée et
l’application du privilège ont été examinées à fond en 1967-1968 par le Select Committee on Parliamentary
Privilege, réexaminées dans le troisième rapport du même Comité en 1976-1977 et revues par le Joint Committee
on Parliamentary Privilege en 1998-1999. Avant la création du Select Committee en 1967-1968, des inquiétudes avaient
été exprimées concernant le nombre d’occasions où des critiques avaient été soulevées à la
Chambre à propos d’atteintes aux privilèges ou d’outrages relatifs à des questions relativement futiles [261] .
Après avoir examiné tous les aspects du privilège de la Chambre, le Comité de 1967-1968 s’est opposé à toute
modification majeure de la loi sur le privilège, s’élevant spécialement contre la suggestion que la compétence en matière
de privilège soit transférée aux tribunaux par voie législative [262] .
Le Comité recommanda qu’on adopte une loi visant à élargir et à clarifier la portée du privilège [263]
et qu’on procède à un certain nombre de réformes importantes concernant la façon de prendre en considération les
plaintes relatives au privilège [264] .
Il modifia la procédure d’examen des privilèges et, dans une certaine mesure, codifia les procédures relatives aux questions de
privilège [265] .
D’autres réformes ont permis de faire mieux correspondre les règles officielles de la Chambre avec des usages remontant à
près de deux siècles [266] .
Le Comité de 1976-1977 réexamina les conclusions du précédent Comité et recommanda l’application de nombre de ses
recommandations [267] .
Dans sa note adressée au British Select Committee en 1976-1977, le Greffier de la Chambre a fait une mise en garde contre une codification trop
rigide des options de la Chambre concernant le traitement des questions de privilège. Il écrivait :
Ce serait tout d’abord une erreur, en ce sens que cela introduirait un élément de rigidité dans la façon dont la Chambre fait
respecter ses privilèges et punit les outrages. Il est juste de dire qu’une simple résolution de la Chambre établissant les sortes de
cas sur lesquels elle compte normalement intervenir ne risquerait pas de réduire ses privilèges ou pouvoirs. Mais des formules qui peuvent sembler
précises et sans faille au moment où elles sont rédigées peuvent fort bien se révéler par la suite déficientes
en raison de quelque échappatoire ou développement impossible à prévoir au départ. Il n’est certes pas souhaitable qu’on
en vienne à devoir demander à la Chambre de modifier à tout moment ses résolutions sur les privilèges [268] .
Dans la foulée du rapport de 1976-1977, l’attention que porte la Chambre à ce domaine semble s’être déplacée vers
la conduite des députés. On s’est mis à traiter les allégations d’inconduite de la part de députés de la
Chambre britannique en s’attachant au comportement des députés et aux règles qu’ils sont tenus de respecter, et non à
leurs privilèges. L’établissement d’un registre des intérêts des députés a institutionnalisé cette
approche, et cette évolution s’est poursuivie dans les années 1990 avec le dépôt du premier rapport du Committee of Privileges
en 1994-1995 ainsi qu’avec le rapport du Nolan Committee on Standards in Public Life qui mena à la création du Select Committee
on Standards in Public Life. Ce Comité formula, à propos de la conduite des députés, un certain nombre de recommandations qui
sont à l’origine de l’adoption d’un code de déontologie à l’intention des députés, de la transformation
du Committee of Privileges en Committee on Standards and Privileges et de la nomination d’un Parliamentary Commissioner for Standards [269] .
Au cours de la session de 1997-1998, le Parlement britannique créa unJoint Committee on Parliamentary Privilege et lui confia le vaste mandat de
revoir le privilège parlementaire et de formuler des recommandations à cet égard. Reconduit au cours de la session de 1998-1999 avec le
même mandat et la même composition, le Comité soumit son rapport aux deux chambres le 30 mars 1999 et formula toute une série de
recommandations appelant la codification législative de diverses questions relatives au privilège [270] .
Le Comité recommanda que les expressions « en dehors du Parlement » et « délibérations du Parlement »
soient définies dans la loi, que les membres des deux chambres soient visés par une future loi sur la corruption, que l’outrage au Parlement
fasse l’objet d’une codification législative, qu’on retire au Parlement le pouvoir de faire incarcérer des gens pour outrage,
qu’on transfère aux tribunaux le pouvoir pénal que peut exercer le Parlement à l’endroit de personnes qui ne sont pas
députés, et qu’on abolisse la dispense dont bénéficient les députés de comparaître comme témoins
devant les tribunaux ainsi que leur immunité d’arrestation dans des affaires civiles. Il recommanda également le remplacement de la
Parliamentary Papers Act de 1840 par une loi moderne et suggéra l’adoption d’une loi sur les privilèges parlementaires qui
tiendrait compte de tous les changements qu’il recommandait d’apporter dans ce domaine du droit et qui codifierait globalement le privilège
parlementaire.
Le privilège et la constitution [271]
L’article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule que le Parlement ne peut s’attribuer des privilèges plus étendus
que ceux dont jouissait à ce moment-là la Chambre des communes du Royaume-Uni. « Il est évident que les tribunaux ne sauraient
remettre en question la façon dont le Parlement a, par le passé, exercé ses privilèges, par exemple son pouvoir de réprimer
l’outrage. Mais il est depuis longtemps admis que les tribunaux peuvent attester que tel privilège exercé par le Parlement est reconnu en
droit. Les tribunaux pourraient donc, dans un cas approprié, examiner toute loi à la lumière de l’article 18 de la Loi
constitutionnelle de 1867 pour déterminer si le privilège que telle loi confère au Parlement canadien est de ceux que celui-ci est
habilité à s’attribuer. Une telle question pourrait être soulevée par procédure de renvoi ou par recours à
l’habeas corpus, ou encore par la voie d’une poursuite en dommages-intérêts au nom de présumées victimes
d’actes qu’aurait posés le Parlement dans l’exercice de ses prétendus privilèges [272] ».
L’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982 « a donné lieu à une avalanche de litiges
constitutionnels, investi les tribunaux canadiens d’un rôle de surveillance accru à l’égard du gouvernement et modifié
en profondeur la forme et le fond du débat politique. Il était donc inévitable qu’un jour ou l’autre, les assemblé es
législatives et les chambres du Parlement aient à trouver des accommodements avec la Charte » [273] .
En tant qu’élément du droit public et général du Canada [274] ,
le privilège parlementaire, comme d’ailleurs toutes nos lois, est maintenant assujetti aux dispositions de la Charte [275] .
En 1993, la Cour suprême du Canada, dans le pourvoi New BrunswickBroadcasting Co c. Nouvelle-Écosse (Président de l’Assemblée
législative), s’est penchée sur la question de savoir dans quelle mesure et comment la Charte s’appliquait aux
assemblées législatives provinciales et à leurs délibérations, et son arrêt a eu des conséquences directes sur les
pouvoirs, privilèges et immunités de la Chambre des communes [276] .
Maingot résume cette décision dans les termes suivants :
D’après la majorité des juges, en refusant aux caméras de télévision l’accès à la tribune de la
presse, l’Assemblée législative exerce son privilège constitutionnel inhérent d’exclure les étrangers de son
enceinte. Le fondement de ce privilège est le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, dans le contexte de la tradition et du principe
pragmatique de la nécessité : l’Assemblée doit posséder les pouvoirs constitutionnels nécessaires à son bon
fonctionnement.
Les juges formant la majorité affirment l’existence de deux catégories de privilèges : 1) le privilège constitutionnel
inhérent et 2) le privilège qui n’est pas constitutionnellement inhérent. Tant la Charte que les privilèges de la
première catégorie font partie de la Constitution; il s’ensuit que ces privilèges ne sont pas assujettis à un contrôle
judiciaire en vertu de la Charte puisqu’une partie de la Constitution ne peut en abroger une autre. Par conséquent, s’il est établi
que le privilège est constitutionnellement inhérent, comme dans l’affaire en question, l’exercice du privilège ne peut faire
l’objet d’un contrôle judiciaire. Dans le cas contraire, il est sujet à un tel contrôle [277] .
On est encore loin d’avoir établi clairement quand les tribunaux peuvent et devraient statuer sur des questions qui, selon la Constitution ou
la loi, relèvent de la compétence d’autres instances gouvernementales. « Il va sans dire que les actes de l’exécutif
comme du législatif peuvent faire l’objet d’un examen s’il est allégué que ces instances ont outrepassé leurs
compétences. Il est également manifeste que le droit administratif permet l’examen des décisions de l’exécutif au regard
d’une foule d’aspects d’ordre procédural; cependant, une décision de fond ne saurait faire l’objet d’un examen
lorsqu’il ne fait aucun doute qu’elle est du ressort exclusif de l’exécutif. Il est par contre plus difficile d’établir
dans quelle mesure les procédures internes du Parlement et l’exercice de ses privilèges historiques en ce qui concerne la détermination
de sa propre composition et la conduite de ses membres peuvent faire l’objet d’un examen judiciaire [278] ».
Les privilèges des députés et le droit pénal
Le privilège et le code criminel
Les privilèges spéciaux des députés n’ont jamais eu pour but de les placer au-dessus de la loi;
l’intention était tout au plus de les dispenser de l’application de certains volets de la loi pour qu’ils
puissent dûment s’acquitter des responsabilités inhérentes à leurs fonctions. Les parlementaires
sont justiciables au criminel, sauf pour ce qu’ils disent ou ce qu’ils font dans le contexte des travaux parlementaires.
On peut cependant difficilement imaginer qu’on puisse commettre un acte criminel dans le cadre des délibérations
du Parlement [279] .
Par conséquent, il va sans dire que, si un député est accusé d’une infraction criminelle, il doit
se soumettre aux procédures judiciaires normales. Agir autrement équivaudrait à mépriser le système
de justice canadien [280] .
En établissant s’il y a de prime abord une atteinte aux privilèges, la présidence doit distinguer entre
les actes qui gênent directement les députés dans l’accomplissement de leurs devoirs parlementaires et
ceux qui touchent les députés mais qui ne sont pas directement liés à l’exercice de leurs fonctions.
Par exemple, si un député est sommé de comparaître devant un tribunal pour une infraction aux règlements
de la circulation, ou fait l’objet d’une enquête du fisc, on peut dire au premier coup d’œil que le
député peut être gêné dans l’accomplissement de ses devoirs parlementaires — car il peut
être appelé à se défendre lui-même en cour au lieu d’être présent à la
Chambre ou en comité. Cependant, dans ce genre de cas, la poursuite dont il fait l’objet découle non pas de ses
responsabilités d’élu, mais d’un acte qu’il est présumé avoir commis en tant que citoyen
ordinaire. En l’occurrence, la protection du privilège parlementaire ne saurait s’appliquer [281] .
L’immunité d’arrestation se limite aux affaires civiles et ne permet pas à un député de se
dérober à la justice pénale. Ce principe concorde avec celui qu’a énoncé la Chambre des
communes britannique lors d’une conférence qu’elle a eue avec la Chambre des lords en 1641. On avait alors établi
que « le privilège parlementaire doit servir le Commonwealth et non l’affaiblir » [282] .
L’immunité d’arrestation ne protège pas le député dans une affaire pénale [283] .
Le privilège parlementaire ne peut donc être invoqué dans des affaires criminelles comme la trahison, les infractions
majeures, tous les actes criminels, les effractions, l’enlèvement, l’impression et la publication d’écrits
diffamatoires séditieux, et l’outrage au tribunal (sauf dans une affaire civile) [284].
Un député ne peut revendiquer l’immunité d’arrestation ou d’emprisonnement pour une accusation
criminelle. Il est exactement dans la même position que tout autre citoyen s’il est soupçonné, accusé ou
reconnu coupable d’un acte criminel, à moins que l’infraction en question ne soit liée aux délibérations
du Parlement [285] .
Au Canada, l’affaire Gilles Grégoire (Lapointe), en 1965, semble indiquer que, sur autorisation de la Chambre, l’arrestation
d’un député peut se faire dans l’enceinte du Parlement, et qu’à cet égard, les terrains entourant
les édifices du Parlement sont réputés ne pas faire partie de l’enceinte du Parlement [286] .
Un député ne peut se servir de la Chambre des communes comme d’un lieu d’asile pour échapper à la loi.
Même le parquet de la Chambre n’est pas un lieu d’asile, et la loi, notamment en matière pénale, s’y
applique comme partout ailleurs [287] .
Ce n’est pas l’enceinte du Parlement qui est sacrée, mais la fonction parlementaire [288] .
La seule procédure spéciale qui s’applique en cas d’arrestation ou d’emprisonnement d’un député,
c’est que s’il est détenu pour une période relativement longue (par exemple, s’il est mis en détention
préventive), la police ou le tribunal concerné doit en aviser la présidence. De même, si un député est
condamné à la prison, la Chambre doit en être informée [289] .
C’est donc dire que, si la police met un député sous arrêt à l’extérieur de la Chambre pour une
infraction criminelle, la Chambre n’est pas habilitée à intervenir. Au Canada, l’administration de la justice
relève des autorités provinciales. Il incombe donc au procureur de la Couronne du district judiciaire où une infraction au
Code criminel a été commise d’engager des poursuites contre l’auteur présumé de l’infraction
en question [290] .
Dans son rapport de 1967, le Select Committee on Parliamentary Privilege de la Chambre des communes britannique a fait observer qu’il
ne voyait rien qui puisse justifier, sauf dans des circonstances exceptionnelles, qu’un député ait le droit d’échapper
au processus judiciaire normal [291] .
L’exécution de mandats de perquisition dans l’enceinte du Parlement
Les privilèges de la Chambre des communes comprennent « les droits qui lui sont nécessaires pour agir en toute liberté
dans son domaine de compétence, et les pouvoirs qu’il lui faut posséder pour exercer ces droits quand les circonstances l’y
contraignent » [292] .
Il est bien établi que, par extension, la Chambre a la compétence entière et exclusive de réglementer et d’administrer
son enceinte, et ce, sans ingérence extérieure.
En sa qualité de gardien des droits et privilèges de la Chambre des communes et de premier responsable du bon fonctionnement de sa structure
administrative, le Président supervise la gestion de l’enceinte parlementaire. Le Règlement délègue à cet
égard au sergent d’armes certains devoirs et responsabilités, notamment ceux de maintenir l’ordre dans les tribunes, les
corridors, les couloirs et autres endroits de la Chambre, et de mettre sous arrêt ou en détention toute personne qui se rend coupable
d’inconduite dans l’enceinte parlementaire [293] .
Le droit de la Chambre de contrôler son enceinte s’étend aux considérations de sécurité et de surveillance
policière. La Chambre des communes possède son propre service de protection, le Service de sécurité de la Chambre des communes,
dirigé par le sergent d’armes. En dehors de l’enceinte, c’est la GRC
qui est responsable de la sécurité sur les terrains de la colline du Parlement [294] ,
de même que de la protection du premier ministre et de tout dignitaire en visite sur la colline, et ce, jusqu’à l’entrée
des édifices du Parlement. À l’intérieur des édifices, la sécurité devient la responsabilité du
Service de sécurité de la Chambre des communes.
L’autorisation de la présidence
Il s’est présenté des cas où des représentants de forces policières de l’extérieur ont voulu
pénétrer dans l’enceinte du Parlement afin d’y effectuer une arrestation, d’y mener un interrogatoire ou d’y
exécuter un mandat de perquisition. La présidence est habilitée à permettre ou à refuser, au nom de la Chambre,
à des forces policières extérieures de pénétrer dans l’enceinte, et à obliger la police à
demander son autorisation avant de faire son travail.
La compétence de la présidence en cette matière a été établie à l’occasion de deux incidents
distincts survenus dans les années 1970. Le premier s’est produit en 1973 et impliquait Flora MacDonald (Kingston et les Îles). Des
policiers de la Ville d’Ottawa et de la GRC, qui enquêtaient à propos de la
disparition de documents du ministère des Affaires indiennes, avaient envahi son bureau du Parlement sans en avoir d’abord demandé
l’autorisation à la présidence. Mme MacDonald a soulevé à ce sujet une question de privilège qui a
été jugée fondée de prime abord, et la question a été renvoyée au comité pour étude.
Dans son rapport à la Chambre, le comité a affirmé : « Il est bien établi que des forces policières de
l’extérieur, dans l’exercice de leurs fonctions officielles, ne pénétreront pas dans les lieux où siège
le Parlement sans avoir obtenu au préalable la permission [du Président], qui est gardien des pouvoirs et privilèges du Parlement
[…] Le comité doit reconnaître le bien-fondé de la question de privilège soulevée à la Chambre des
communes » [295] .
Présumant que les forces policières avaient agi de bonne foi, le comité n’est pas allé jusqu’à conclure
qu’elles s’étaient rendues coupables d’outrage à la Chambre. Il a plutôt recommandé au Président de
« rappeler aux forces policières de l’extérieur et au personnel de sécurité de la Chambre des communes
leurs obligations respectives à cet égard et que d’autres mesures ne soient pas prises » [296] .
Alors que le rapport du comité réaffirmait l’obligation pour les forces policières de l’extérieur d’obtenir
l’autorisation de la présidence avant de pénétrer dans l’enceinte parlementaire, ce n’est que six ans plus tard,
sous une autre législature et sous un autre Président, que la Chambre a été à même de se faire confirmer que,
loin d’être une simple formalité, l’autorisation que les forces de police de l’extérieur étaient tenues
d’obtenir obligeait la présidence à exercer très consciencieusement son pouvoir discrétionnaire à cet égard.
Le second incident est survenu en 1979 et impliquait Terry Sargeant (Selkirk – Interlake). Le député a soulevé une question
de privilège concernant une demande que la GRC avait présentée à la
présidence pour perquisitionner au bureau du député sur la colline du Parlement à la recherche de copies d’un document
qui avait été dérobé. Après avoir confirmé que la GRC
avait effectivement demandé l’autorisation de la présidence pour effectuer une perquisition au bureau de M. Sargeant, le Président
Jerome a jugé que de prime abord, il ne lui semblait pas y avoir eu, dans ce cas, d’atteinte au privilège et a indiqué à
la Chambre qu’il avait exercé son pouvoir discrétionnaire pour refuser qu’on exécute le mandat de perquisition :
« Si [le Président] est libre de juger ce qu’il convient de faire dans cette situation, c’est à mon avis parce que les
droits de la police, qui peuvent être légitimes, s’opposent aux droits du député, qui sont au moins aussi légitimes
[…] Comme aucune accusation n’avait été portée contre un député et qu’apparemment aucune enquête
n’était tenue au sujet d’une infraction dont il se serait rendu coupable, mais qu’il s’agissait plutôt d’une
enquête ayant trait à d’autres circonstances, j’ai donc décidé au départ d’exercer mon pouvoir
discrétionnaire en m’opposant à l’exécution du mandat de perquisition dans le bureau d’un député
situé dans cette enceinte. Par ailleurs, je serais porté à croire que dans les cas extrêmes, lorsqu’il y a bel et bien
allégation d’infraction contre un député, et qu’il s’agit d’appliquer la loi ou de faire enquête sur une
accusation précise et officielle portée contre un député, la situation serait tout autre. Bien sûr, ma décision
dépendrait alors de la nature de l’accusation et des circonstances qui l’entourent » [297] .
Dans de tels cas, la présidence est toujours placée dans une position difficile : elle doit veiller à ce que les privilèges du
député soient protégés, sans pour autant s’exposer à être accusée d’entrave à la justice.
Cependant, comme l’expliquait le Président Jerome en 1979, si aucune accusation n’a été portée et que rien n’indique
qu’une enquête est menée contre un député, la présidence peut exercer son pouvoir discrétionnaire pour
empêcher l’exécution d’un tel mandat. Par contre, s’il y a allégation qu’une infraction a été commise
par un député, et si les suites à donner à cette accusation nécessitent l’exécution d’un mandat de
perquisition, il se peut que la présidence autorise la perquisition [298] .
En faisant cette déclaration, le Président Jerome soulignait les limites de la compétence de la présidence au regard des questions
de privilège. C’est non pas à la présidence, mais à la Chambre elle-même qu’il appartient de déterminer
l’étendue des privilèges des députés et d’établir s’il y a eu atteinte à un privilège. On
pourrait dire à juste titre que le rôle que joue la présidence en établissant si la question de privilège est de prime abord
recevable s’apparente de très près à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’autoriser ou non les forces
policières à pénétrer dans l’enceinte parlementaire. Dans les deux cas, la présidence doit garder à l’esprit
que l’instance suprême dans ce genre d’affaire est la Chambre elle-même, qui, en statuant sur la question, se prononcera sur la
décision initiale de la présidence.
Les enquêtes sur la façon dont les députés utilisent les budgets et les services mis à leur disposition
En 1989, un certain nombre de mandats de perquisition ont été exécutés sur la colline du Parlement dans le cadre d’enquêtes
à propos de la façon dont certains députés utilisaient les budgets qui leur étaient alloués pour leur bureau ainsi que
les services qui étaient mis à leur disposition. Ces enquêtes ont donné lieu à de nombreuses spéculations dans les
médias et suscité une grande inquiétude chez les députés. C’est ce qui a amené la Chambre à créer un
comité spécial pour « examiner la Loi sur le Parlement du Canada en ce qui concerne les pouvoirs, devoirs et obligations des
membres de la Chambre par rapport à cette loi et en ce qui concerne l’autorité, les responsabilités et la compétence du Bureau de
régie interne » [299] .
Le 29 mai 1990, la Chambre approuva à l’unanimité le troisième rapport du Comité spécial [300] .
Ce rapport portait exclusivement sur les procédures entourant l’exécution de mandats de perquisition dans l’enceinte parlementaire. En
adoptant le rapport à l’unanimité, la Chambre a réaffirmé les principes suivants concernant l’exécution de mandats
de perquisition :
- La tradition parlementaire bien établie veut que les mandats de perquisition ne puissent être exécutés dans l’enceinte du
Parlement qu’avec le consentement du Président;
- En sa qualité de gardien des privilèges, immunités et pouvoirs collectifs et individuels de la Chambre et de ses députés,
le Président peut refuser de consentir à une perquisition ou en reporter l’exécution s’il détermine qu’elle constituera
une violation des privilèges, immunités et pouvoirs en question du fait qu’elle nuirait au bon fonctionnement de la Chambre des communes;
- Le mandat de perquisition doit être exécuté en présence d’un représentant du Président, qui veillera à
ce qu’un double de ce mandat soit remis, au moment de la perquisition ou le plus tôt possible après, au député dont les affaires
font l’objet de la perquisition [301] .
Le 1er juin 1990, le Comité a soumis son quatrième rapport, que la Chambre a agréé le jour même [302] .
Dans son rapport, le Comité proposait des amendements à la Loi sur le Parlement du Canada qui portaient principalement sur le Bureau de
régie interne. Il recommandait en outre qu’on interdise tout acte de procédure criminelle fondé sur la façon dont un
député utilise les fonds, biens ou services mis à sa disposition par la Chambre des communes, à moins que les autorités
judiciaires n’aient préalablement obtenu du Bureau une décision ou un avis sur la régularité des actes du député [303] .
Le Comité spécial voulait tout particulièrement s’assurer que les députés ne seraient pas exposés à
des accusations ou à des poursuites qui seraient attribuables à une mauvaise compréhension de la nature de leur travail ou de la structure
et des règles de la Chambre des communes.
Le 26 juin 1990, la Chambre a été saisie du projet de loi C-79, Loi modifiant la Loi sur le Parlement [304] ,
qui retenait sensiblement les dispositions proposées dans le quatrième rapport. Le projet de loi C-79 visait à conférer au Bureau
de régie interne la compétence exclusive pour statuer sur la régularité de l’utilisation — passée,
présente ou prévue — par les députés des fonds, biens, services ou locaux mis à leur disposition. Le projet de loi a
reçu la sanction royale le 11 avril 1991 [305] .
La Loi sur le Parlement du Canada donne au Bureau le pouvoir de régir, par règlement administratif, l’utilisation, par les
députés, des fonds, biens, services ou locaux mis à leur disposition pour l’exécution de leurs fonctions parlementaires [306] .
Le Bureau établit les termes et conditions de la gestion et de la comptabilisation des fonds utilisés par les députés et il a la
compétence exclusive pour statuer sur la régularité de l’utilisation de ces fonds [307] .
Les députés peuvent demander au Bureau d’émettre un avis au sujet de leur utilisation des fonds [308] .
Au cours d’une enquête menée par un agent de la paix relativement à l’utilisation par un député de fonds,
biens, services ou locaux, l’agent peut demander au Bureau de lui fournir un avis au sujet de la régularité de cette utilisation [309] .
Le Bureau peut alors interpréter un règlement administratif ou une règle existant, ou, en l’absence de tel règlement ou
règle, examiner la question. De même, il peut, de sa propre initiative, donner un avis à l’agent de la paix [310] .
Le Bureau a la compétence explicite d’assortir ces avis de commentaires qu’il estime utiles [311] .
Un agent de la paix qui reçoit un avis et fait ensuite une demande de délivrance d’un acte de procédure criminelle est tenu de
soumettre l’avis qu’il a obtenu à un juge de la cour provinciale [312] .
Le Bureau peut également, pour la gouverne des députés, publier ses avis en tout ou en partie, mais il est tenu d’en assurer
la confidentialité [313] .
L’exécution autorisée d’un mandat de perquisition
En droit criminel canadien, c’est le Code criminel qui régit la procédure d’exécution des mandats de perquisition.
Or, le privilège parlementaire et le droit pénal faisant tous deux partie du droit public et général du Canada, la
présidence se trouve placée dans une position délicate quand la police s’amène aux édifices du Parlement pour y
exécuter un mandat de perquisition. La présidence doit s’assurer que le privilège collectif de la Chambre d’administrer
ses affaires dans l’enceinte parlementaire, de même que les privilèges des députés de participer en toute liberté
aux délibérations de la Chambre ne sont pas violés, et ce, tout en prenant bien garde de ne pas entraver l’administration de la
justice pénale.
En pratique, la police reconnaît que la loi ne lui permet pas de pénétrer dans les édifices du Parlement sans l’autorisation
de la présidence. Si la police passait outre à cette exigence pour exécuter un mandat de perquisition dans l’enceinte parlementaire
(même dans un cas où, selon toute vraisemblance, la présidence lui en aurait de toute façon donné l’autorisation) elle
pourrait se rendre coupable d’atteinte au privilège parlementaire, voire d’outrage à la Chambre. C’est pourquoi le
Président prend soin d’examiner lui-même tout mandat de perquisition que la police désire exécuter à l’intérieur
de l’enceinte. Il est établi en droit que la police doit, sur demande, pouvoir produire à l’occupant d’une propriété
le mandat de perquisition qu’elle entend y exécuter, pour que celui-ci puisse en vérifier la légalité [314] .
L’article 29(1) du Code criminel prévoit en effet que : « Quiconque exécute un acte judiciaire ou un mandat est tenu de
l’avoir sur soi, si la chose est possible, et de le produire lorsque demande lui en est faite ».
Lorsque la police désire exécuter un mandat de perquisition, il y a une différence notable de procédure entre un cas où
c’est la présidence qui agit au nom de la Chambre et des députés et un autre cas où, cette fois, c’est un simple
citoyen qui fait face à une situation analogue. Alors que la police doit produire un mandat sur demande dans les cas ordinaires, la loi exige de la
police qu’elle se présente à la présidence avant de pénétrer dans le bureau parlementaire d’un député
en vue d’y effectuer une perquisition, pour que la présidence puisse s’assurer de la légalité de la perquisition.
Il est essentiel de comprendre que, dans tout ce processus, la présidence ne peut faire davantage que de s’assurer que le mandat de perquisition
est légal « à première vue » et qu’il est exécuté conformément aux conditions qui y sont
énoncées. La présidence n’a nullement le droit de critiquer la décision d’émettre le mandat. Si la présidence
agissait de la sorte, elle pourrait se rendre coupable d’entrave à la justice et elle brouillerait assurément la distinction qu’il
convient de faire entre le Parlement comme corps législatif, d’une part, et les instances judiciaires et exécutives responsables de
l’émission des mandats de perquisition et de l’administration de la justice, d’autre part.
Dans l’examen d’un mandat de perquisition, la présidence prend en considération deux éléments majeurs : la conformité
du mandat de perquisition sur le plan de la procédure et l’exactitude avec laquelle les documents visés ont été décrits [315] .
Essentiellement, la présidence doit s’en tenir à l’examen de la forme et du contenu du mandat de perquisition.
En définitive, un député n’est pas « au-dessus de la loi ». Il a toutefois le droit de bénéficier
de l’entière protection de la loi, y compris de l’assurance que les règles concernant les privilèges parlementaires tant
collectifs qu’individuels seront appliquées, et ce, tout en étant assujetti au droit pénal et à la protection que procure
ce droit. Le privilège parlementaire n’est pas le privilège d’une élite, mais plutôt un élément nécessaire
de ce dont les représentants de l’électorat canadien ont besoin pour s’occuper, au nom de tous les Canadiens, de la conduite des affaires
publiques à l’abri de toute ingérence ou intimidation.
La procédure relative aux questions de privilège
La Chambre des communes est sans aucun doute la plus importante institution laïque au Canada. Chacune des deux chambres du Parlement
est une sorte de « cour » qui exerce un pouvoir juridictionnel sur les questions concernant ses propres privilèges,
sa dignité et les privilèges de ses membres. Par conséquent, toute question de « privilège »
posée dans une des chambres a théoriquement pour objet la sauvegarde du respect et de la crédibilité qui lui
sont dus en ce qui concerne ses privilèges, la confirmation de ses pouvoirs et l’application des privilèges de ses
membres. C’est pourquoi la véritable question de privilège est une procédure sérieuse qui ne doit pas
être traitée à la légère et dont on ne doit saisir la Chambre des communes qu’en de rares occasions [316] .
Un député qui estime qu’il y a eu violation de privilège ou qu’un outrage a été commis peut en
saisir la Chambre en soulevant une « question de privilège ». La procédure à suivre pour poser une
question de privilège est régie à la fois par le Règlement et par les usages parlementaires. C’est à
la Chambre qu’il incombe de déterminer s’il y a matière à question de privilège. La décision que
prend la Chambre sur une question de privilège, comme sur toute autre question sur laquelle elle doit se prononcer, n’est connue
qu’une fois que la question, nécessairement formulée sous forme de motion présentée par un député,
a été mise aux voix par le Président de son fauteuil et a été adoptée ou rejetée.
Dans cette section, nous décrirons la manière dont la Chambre traite ces questions [317]
(voir la figure 3.1 à la fin de ce chapitre, où l’on décrit le cheminement d’une question de privilège
depuis le moment où elle est soulevée jusqu’à ce qu’elle soit résolue).
Façon de soulever une question de privilège
On attache une grande importance aux allégations d’atteinte au privilège parlementaire. Un député qui
désire soulever une question de privilège à la Chambre doit d’abord convaincre la présidence que de prime
abord, sa préoccupation peut faire l’objet d’une question de privilège. Le rôle du Président se limite
à décider si la question qu’a soulevée le député est de nature à autoriser celui-ci à
proposer une motion qui aura priorité sur toute autre affaire à l’ordre du jour de la Chambre, autrement dit, que le
Président pourra considérer de prime abord comme une question de privilège. Le cas échéant, la Chambre
devra immédiatement prendre la question en considération [318] .
C’est finalement la Chambre qui établira s’il y a eu atteinte au privilège ou outrage.
Une question de privilège peut également être soulevée dans le cours des travaux d’un comité permanent,
spécial, législatif ou mixte, ou encore d’un comité plénier de la Chambre. La procédure qui
s’applique alors diffère toutefois de la procédure générale que suit la Chambre dans ce genre de situation.
Si un député croit qu’il y a eu atteinte au privilège ou outrage, mais que la question ne mérite pas
d’être débattue en priorité, il peut recourir à un autre moyen pour saisir la Chambre de l’affaire.
Il peut faire inscrire un avis de motion au Feuilleton des Avis.
À la Chambre
Une plainte sur une question de privilège doit satisfaire à deux conditions pour qu’on puisse l’examiner en
priorité sur toute affaire inscrite à l’Ordre du jour. Le Président doit être convaincu, premièrement,
qu’il y a eu de prime abord atteinte à un privilège et, deuxièmement, que la question a été
soulevée à la première occasion. Si le Président estime que ces deux conditions ont été remplies,
il informe la Chambre qu’à son avis, la question peut être traitée avant de passer aux avis de motions et aux
affaires de l’Ordre du jour inscrites au Feuilleton. La décision du Président ne va pas jusqu’à
déterminer s’il y a eu effectivement atteinte à un privilège, car seule la Chambre est habilitée à
en décider.
Moment de soulever la question et avis à donner
Une question de privilège découlant des délibérations de la séance en cours peut être soulevée
sur-le-champ sans préavis. Les Présidents ont toutefois généralement refusé d’accueillir les questions
de privilège soulevées pendant les périodes réservées aux Déclarations de députés et
à la Période des questions [319] ,
de même que pendant le processus de la sanction royale [320] ,
le Débat sur la motion d’ajournement [321]
et la tenue d’un vote [322] .
Dans ces circonstances, la question de privilège peut être soulevée le jour même à la fin de la période
consacrée à ces travaux [323] ,
sauf dans le cas du Débat sur la motion d’ajournement, où la question de privilège ne peut être soulevée
qu’à la séance suivante, après signification du préavis approprié au Président [324] .
Un député qui veut soulever une question de privilège sur un sujet qui ne découle pas des délibérations
de la séance en cours doit en donner avis avant de porter la question à l’attention de la Chambre. Il doit faire transmettre un
avis écrit en ce sens au Président au moins une heure avant de soulever sa question de privilège à la Chambre. Sans ce
préavis, le Président ne l’y autorisera pas [325] .
La présidence a généralement considéré qu’un préavis verbal n’était ni nécessaire
ni suffisant [326] .
Des moments précis sont prévus pour soulever une question de privilège précédée d’un avis écrit,
à savoir à l’ouverture d’une séance, après les Affaires courantes mais avant de passer à l’Ordre
du jour, immédiatement après la Période des questions, et à l’occasion, durant un débat.
L’avis au Président doit contenir les quatre éléments suivants :
- Il doit indiquer que le député écrit au Président pour lui faire part de son intention de soulever une question
de privilège;
- Il doit mentionner que la question est soulevée à la première occasion [327] ;
- Il doit exposer l’essentiel des faits relatifs à la question de privilège que le député entend soulever [328] ;
- Il doit inclure le texte de la motion que le député doit être prêt à proposer à la Chambre si le
Président juge que la question est fondée de prime abord.
En exposant à la présidence le contexte dans lequel se situe la question de privilège et les mesures à prendre pour
remédier au problème, le député aidera le Président à aborder la question d’une manière
éclairée et expéditive. Le fait d’inclure le texte de la motion proposée permet au Président de suggérer
les modifications qui s’imposent pour éviter tout vice de procédure que pourrait comporter le libellé; autrement, le
député pourrait se voir empêché de proposer sa motion ou forcé de la reporter, si jamais le Président
jugeait que la question de privilège est fondée de prime abord [329] .
La question doit être soulevée à la première occasion
La question de privilège dont sera saisie la Chambre doit porter sur un événement survenu récemment et requérir
l’attention immédiate de la Chambre. Le député devra donc convaincre le Président que la question a été
soulevée à la première occasion. Les fois où des députés n’ont pas respecté cette importante
exigence, la présidence a généralement statué que la question de privilège n’était pas fondée
de prime abord [330] .
Dans les cas où la question de privilège concerne plus d’un député, le Président peut reporter la
présentation des arguments jusqu’à ce que tous les députés visés puissent être présents
à la Chambre [331] .
Avis multiples
Si le Président reçoit plus d’un avis de la même question de privilège, ou si plus d’un député
demande la parole sur une question de privilège donnée, le Président déterminera l’ordre dans lequel les
députés pourront intervenir [332] .
En règle générale, le Président donnera la parole aux députés dans l’ordre où il a reçu
les avis, ou encore au premier qui aura réussi à capter son attention. Si plus d’une question de privilège est soulevée,
le Président n’en examinera qu’une à la fois.
Examen initial de la question soulevée
Un député qui est autorisé à soulever une question de privilège doit exposer brièvement et de
manière concise les faits qui sont à l’origine de sa question de privilège et dire pourquoi la Chambre devrait examiner
sa plainte en priorité sur tous autres travaux de la Chambre [333] .
En règle générale, le député s’efforcera de renvoyer la présidence aux articles du
Règlement et cas de jurisprudence pertinents et de citer des passages d’ouvrages de procédure parlementaire qui font
autorité. Il devra en outre démontrer que la question a été portée à l’attention de la Chambre
à la première occasion. Enfin, il suggérera les mesures que la Chambre devrait prendre pour remédier à la
situation et, si la présidence juge qu’il s’agit d’une question de privilège fondée de prime abord, il
indiquera qu’il est prêt à proposer la motion appropriée [334] .
Le Président entendra l’exposé du député et permettra parfois à d’autres députés
directement impliqués d’intervenir. Il pourra aussi, à sa discrétion, demander l’avis d’autres
députés pour l’aider à déterminer s’il y a de prime abord matière à soulever une question
de privilège qui mériterait qu’on lui accorde la priorité sur tous autres travaux de la Chambre. Une fois satisfait,
le Président mettra fin à l’examen initial de la question [335] .
C’est à la présidence et à elle seule qu’il incombe de décider si la question de privilège est
fondée de prime abord. Sauf dans les cas où sa décision coule de source, il pourra prendre la question en delibéré
pour pouvoir rendre un jugement motivé. Les fois où la question de privilège exigeait une décision immédiate
de la présidence, le Président a parfois, sans que personne ne s’y oppose, suspendu brièvement la séance pour
délibérer sur la question, puis est revenu à la Chambre pour annoncer sa décision [336] .
En délibérant sur la question, la présidence prendra en considération dans quelle mesure l’atteinte au
privilège a gêné le député dans l’accomplissement de ses fonctions parlementaires ou semble avoir fait
outrage à la dignité du Parlement.
Si le Président est convaincu que les conditions requises sont remplies et estime qu’il y a de prime abord atteinte à un
privilège ou outrage, il informe la Chambre de sa décision, et le député qui a soulevé la question est
dès lors autorisé à présenter une motion en conséquence.
Dans la grande majorité des cas, la présidence établit qu’il n’y a pas de prime abord matière à
soulever la question de privilège. En informant la Chambre d’une telle décision, elle explique habituellement (souvent de
façon assez détaillée) les facteurs qui l’ont amenée à arriver à cette conclusion. Fréquemment,
dans de tels cas, elle reconnaîtra l’existence d’un grief légitime et il lui arrivera parfois de recommander des mesures
propres à redresser la situation [337] .
Si le Président décide que la question de privilège n’est pas fondée de prime abord, l’affaire est close.
Cependant, si de nouveaux faits viennent à être découverts par la suite, le député qui a initialement soulevé
la question de privilège, ou tout autre député, peut la soulever à nouveau [338] .
Débat sur une motion de privilège
Une fois que le Président a décidé que de prime abord la question de privilège était fondée, il incombe
au député qui l’a soulevée de proposer la motion appropriée [339] ,
qui, comme toute autre motion, doit être appuyée. Il arrivera parfois que le député propose une motion immédiatement
après avoir présenté ses arguments en soulevant initialement la question de privilège. Le Président peut alors,
au besoin, informer le député de la forme dans laquelle la motion doit être présentée [340] .
Lorsque la teneur de la motion n’est pas connue à l’avance, le Président peut aider le député à la
reformuler si son contenu diffère substantiellement de celui que le député avait initialement prévu [341] .
La présidence hésiterait à permettre qu’une affaire aussi importante qu’une motion de privilège soit
refusée pour un simple vice de forme [342] .
Au Parlement canadien, l’usage veut qu’il soit généralement mentionné dans ce genre de motion que la question est
renvoyée pour étude à un comité, ou que la motion initialement présentée soit modifiée de manière
à prévoir un tel renvoi [343] .
Une fois que la motion a été proposée à la Chambre en bonne et due forme, elle est soumise à toutes les
procédures et usages relatifs au débat d’une motion de fond. Les discours ne doivent pas durer plus de 20 minutes et ils sont
suivis d’une période de questions et observations d’au plus 10 minutes [344] .
Seuls le premier ministre et le chef de l’Opposition bénéficient alors d’un temps de parole illimité (sans période
de questions et observations). Les députés doivent suivre les règles les obligeant à tenir des propos pertinents et
à éviter de se répéter inutilement, et le Président doit s’assurer que la discussion ne s’éloigne
pas du sujet sur lequel porte la motion.
Quand la motion à l’étude concerne la conduite d’un député, ce dernier peut faire une déclaration
pour s’expliquer, mais il doit ensuite se retirer de la Chambre [345] .
Par le passé, la présidence a interprété le mot « conduite » comme s’entendant d’actes
qui, s’il est confirmé qu’ils ont été commis, peuvent entraîner l’expulsion du député au
motif qu’il n’est pas apte à être membre de la Chambre, plutôt que d’actes qui pourraient simplement amener le
Président à « désigner le député par son nom » [346] .
Il ne s’est toutefois pas toujours avéré qu’un député dont la conduite faisait l’objet d’un
débat à la Chambre ait été contraint de se retirer dans ces circonstances [347] .
Il peut parfois arriver qu’un député soit autorisé à retourner à la Chambre pour clarifier ou expliquer des
faits.
Une fois mise en délibération, la motion de privilège a priorité sur tout point à l’Ordre du jour, y compris
sur les Ordres émanant du gouvernement et les Affaires émanant des députés, mais non sur les Affaires courantes, les
Déclarations de députés, la Période des questions, la sanction royale et l’ajournement de la Chambre [348] .
La Chambre peut modifier une motion de privilège dont elle est saisie, même si l’amendement devait se traduire par un libellé
différent de celui initialement accepté par le Président et proposé à la Chambre [349] .
Durant les délibérations sur une motion de privilège, les motions d’ajournement du débat, d’ajournement de la
Chambre, ou portant retour à l’Ordre du jour sont recevables [350] ,
au même titre que les motions visant à poser la question préalable (« que cette question soit maintenant mise aux voix »),
à obtenir le prolongement d’une séance, ou à donner la parole à un député (« qu’un
député soit maintenant entendu »). Toutefois, en cas de rejet de la question préalable ou d’adoption d’une
motion demandant le retour à l’Ordre du jour, la motion de privilège est remplacée et rayée du Feuilleton.
Un ministre peut également proposer la clôture du débat sur la motion de privilège [351] .
Si le débat sur la motion de privilège n’est pas terminé au moment de l’ajournement, la question aura alors priorité
sur tous les autres points à l’ordre du jour à la séance suivante et figurera au Feuilleton avant toute autre affaire
à l’Ordre du jour [352] .
À l’issue du débat sur la motion, le Président met la question aux voix. Si la motion est adoptée, on donne suite aux
instructions qu’elle contient. Si elle est rejetée, le débat sur la question est clos [353] .
En comité permanent, spécial, législatif ou mixte
Puisque la Chambre n’a pas donné à ses comités le pouvoir de réprimer eux-mêmes l’inconduite, l’atteinte
aux privilèges et l’outrage, les comités ne peuvent se prononcer sur ces questions; ils ne sont habilités qu’à en
faire rapport à la Chambre. Seule la Chambre peut établir si une infraction a été commise [354] .
La présidence a toujours eu pour politique, sauf dans des circonstances extrêmement graves, de n’accueillir des questions de privilège
découlant de délibérations de comités que sur présentation, par le comité visé, d’un rapport traitant
directement de la question et non lorsqu’elles étaient soulevées à la Chambre par un député [355] .
La plupart des incidents signalés dans le passé par les comités avaient trait à la conduite de députés, de
témoins ou du public. Les comités ont eu l’occasion de faire rapport à la Chambre du refus de témoins de comparaître
lorsqu’on les y avait convoqués [356] ;
du refus de témoins de répondre à des questions [357] ;
du refus de témoins de fournir des documents ou des dossiers [358] ;
du refus de certaines personnes d’obéir aux ordres d’un comité [359] ;
et de la divulgation de faits survenus durant une séance à huis clos [360] .
Les comités peuvent également faire rapport de cas d’outrage, par exemple de comportement irrespectueux à l’endroit de
l’autorité ou des activités d’un comité, d’intimidation de députés ou de témoins, de refus de
témoins de prêter serment ou de mensonge de la part de témoins devant un comité.
Contrairement au Président de la Chambre, le président d’un comité n’a pas le pouvoir de réprimer le désordre ou de
statuer sur des questions de privilège. Si un député veut soulever une question de privilège au cours des délibérations
d’un comité ou s’il survient en comité un incident qui s’apparente à une violation de privilège ou à un outrage,
le président du comité permettra au député d’intervenir pour soulever la question de privilège, ou, dans le cas d’un
incident, suggérera que le comité examine la question. Un président de comité n’est toutefois pas habilité à se
prononcer sur la question de savoir s’il y a eu atteinte à un privilège ou outrage [361] .
Le rôle d’un président de comité, dans ces circonstances, consiste à déterminer si la question soulevée touche bel et
bien au privilège parlementaire ou s’il s’agit plutôt d’un rappel au Règlement, d’un grief ou d’une question
devant faire l’objet d’un débat. S’il est d’avis que l’intervention du député a trait à un rappel au
Règlement, à un grief ou à une question devant faire l’objet d’un débat, ou que l’incident relève de la
compétence du comité, il peut prendre une décision en conséquence, en la motivant. Le comité ne peut alors traiter l’affaire
plus avant comme s’il s’agissait d’une question de privilège. Un député qui serait en désaccord avec la décision
du président pourrait en appeler au comité, qui maintiendrait ou renverserait la décision du président.
Si le président du comité estime que la question concerne un privilège (ou si sa décision affirmant qu’il n’y a pas
matière à privilège est renversée en appel), le comité peut alors envisager de présenter un rapport à la Chambre sur
la question [362] .
Le président du comité recevra alors une motion qui constituera le texte du rapport. On devra y exposer clairement la situation, résumer les
faits, nommer les personnes en cause, indiquer qu’il pourrait y avoir atteinte au privilège ou outrage, et demander à la Chambre de prendre les
mesures qui s’imposent [363] .
La motion peut être débattue et modifiée, et le comité devra l’étudier en priorité. Si le comité décide
qu’il y a effectivement lieu de faire rapport de la question à la Chambre, il adoptera le rapport, qu’il présentera à la Chambre au
moment prévu au cours des Affaires courantes ordinaires.
Dès que le rapport lui aura été présenté, la Chambre sera officiellement saisie de la question [364] .
Après avoir transmis l’avis approprié [365] ,
tout député pourra ensuite soulever une question de privilège à ce sujet. Le Président accueillera la question et pourra entendre
d’autres députés, avant de décider si de prime abord les allégations constituent matière à question de privilège.
Comme le Président Fraser l’a noté en rendant une décision, « […] la présidence ne prononce pas de jugement sur
cette question. Seule la Chambre peut le faire. La présidence se contente de décider en fonction des témoignages présentés si la
question doit être abordée en priorité » [366] .
Si le Président décide que la question de privilège est fondée de prime abord, la prochaine étape sera, pour le député
qui a soulevé la question de privilège, de proposer une motion demandant à la Chambre de prendre les mesures qui s’imposent [367].
Si le Président juge que la question de privilège n’est pas fondée de prime abord, elle n’aura pas priorité. Tout député
pourra alors demander, au cours des Affaires courantes ordinaires, l’adoption du rapport du comité en suivant la procédure habituelle prévue
pour tout rapport de comité [368].
En comité plénier
Compte tenu que la Chambre se forme rarement en comité plénier et que, lorsque cela se produit, les délibérations du comité plénier
ne durent habituellement que quelques minutes, les questions de privilège n’y sont pas très fréquentes [369].
La procédure relative aux questions de privilège en comité plénier est pratiquement identique à celle qui s’applique dans un
comité permanent, spécial ou législatif.
Quand la Chambre est réunie en comité plénier, un député ne peut soulever une question de privilège qu’à propos de
faits qui se sont produits au comité. La question de privilège doit avoir trait aux délibérations du comité. Un député ne
peut pas soulever une question de privilège concernant les privilèges de la Chambre en général ou des faits survenus ailleurs qu’à
la Chambre. En comité plénier, un député qui veut soulever une question de privilège à propos de faits qui ne concernent pas le
comité peut présenter une motion demandant que le comité lève la séance et fasse rapport du progrès de ses travaux, afin de permettre
au Président d’entendre la question de privilège [370] .
Si la motion est adoptée, le président du comité lèvera la séance et fera rapport au Président de la Chambre, qui accueillera
ensuite la question du député [371] .
Si un député soulève une question de privilège qui a trait aux délibérations en cours au comité plénier, le
président du comité l’entendra. Comme dans un comité permanent, spécial ou législatif, il incombe alors au président de
déterminer si la question soulevée peut vraiment être considérée comme une question de privilège [372] .
Encore là, il est possible d’en appeler de sa décision. Dans ce cas, l’appel n’est pas adressé au président du comité
plénier, mais bien au Président de la Chambre [373] .
Si la question soulevée par le député a trait à un privilège et à des faits survenus au comité plénier, le
président du comité accueillera une motion portant qu’il soit fait rapport de ces faits à la Chambre. L’examen de cette motion, qui peut
être débattue et modifiée, a dès lors priorité sur les autres travaux du comité. Si le comité accepte de faire rapport de
la question, le président du comité lève la séance, le Président de la Chambre retourne au fauteuil et le président du comité
présente son rapport [374] .
Le texte du rapport à la Chambre doit inclure un résumé des faits, indiquer qu’il y a peut-être eu atteinte à un privilège
et demander que le comité soit ensuite de nouveau formé pour poursuivre ses travaux [375] .
Ce n’est qu’après que le président du comité a fait rapport à la Chambre que cette dernière peut être dûment
saisie de la question et que le Président peut l’accueillir. Un député doit alors soulever la question de privilège et présenter
les faits au Président, qui peut également permettre à d’autres personnes d’intervenir. Une fois satisfait des arguments
présentés, le Président déterminera si de prime abord il y a matière à soulever une question de privilège. Si la
question de privilège est jugée fondée de prime abord, le député pourra présenter une motion traitant de l’affaire [376].
Si le Président estime que la question n’est pas fondée sur des présomptions suffisantes, la Chambre reprendra ses travaux. Au cours de la
période réservée à l’examen des questions à l’Ordre du jour, la Chambre peut soit se former de nouveau en comité
plénier pour reprendre l’étude de la question dont le comité avait été initialement saisi, soit passer à un autre point.
Le Président recevra une question de privilège concernant une affaire survenue en comité plénier seulement si le comité plénier
en a déjà traité et s’il en a fait rapport à la Chambre [377] .
Au moyen d’un avis inscrit au Feuilleton
Si un député est convaincu qu’il y a eu atteinte à un privilège ou outrage, sans pour autant estimer que l’affaire devrait
être traitée en priorité dans les débats, il peut, en utilisant un moyen auquel on a très rarement recours, faire publier un avis de
motion dans le Feuilleton des Avis. Dans ce cas, à la fin du délai d’avis requis, la motion est inscrite au Feuilleton sous la
rubrique appropriée. Une motion parrainée par un ministre doit être précédée d’un avis de 48 heures. La Chambre
l’étudiera alors sous la rubrique des Ordres émanant du gouvernement [378] .
Une motion parrainée par un député doit être annoncée au moyen d’un avis de deux semaines; elle sera placée sous la
rubrique des Affaires émanant des députés [379] .
Toutefois, après l’expiration du délai d’avis prévu, le député parrain de la motion peut décider de demander
que la motion soit débattue en priorité (par exemple, si de nouveaux faits surviennent). Il doit alors tenter de convaincre le Président que
la question sur laquelle porte la motion devrait être considérée de prime abord comme une question de privilège. Dans ce cas, il devra
aviser par écrit le Président au moins une heure à l’avance de son intention de soulever la question à la Chambre [380] .
Par le passé, il est arrivé à un certain nombre d’occasions que des députés choisissent de donner avis par écrit de
leurs motions de privilège, notamment lorsque la question découlait d’incidents survenus à l’extérieur de la Chambre. En
1874, par exemple, une motion qui avait été précédée d’un avis écrit et qui n’était pas censée
être soulevée un jour précis a été abordée avant son tour, déplaçant tous les autres points à
l’ordre du jour [381] .
Dans un cas similaire, en 1886, une motion avait pris le pas sur toutes les autres affaires à la demande du député visé dans la motion [382] .
Il n’a toutefois pas toujours été aussi facile d’obtenir ce genre de traitement. Dans deux cas exceptionnels, en 1892, le Président
a refusé d’accorder la priorité à des motions qui avaient été annoncées par des avis écrits, ayant jugé
qu’il ne s’agissait pas vraiment de questions de privilège [383] .
Par ailleurs, dans les cas où la motion comporte une accusation contre un député, l’étiquette exige que le parrain de la motion
informe personnellement le député visé du moment où la motion sera présentée [384] .
On a continué de recourir à ces pratiques au vingtième siècle, et de donner avis, verbalement ou par écrit, même si on
n’y était pas tenu, qu’on allait soulever une question de privilège. En 1911, par exemple, une question de privilège a été
soulevée après qu’on en eut donné avis verbalement [385] ,
alors qu’en 1932, une motion concernant des accusations qui avaient été portées contre le premier ministre a été accueillie
après qu’on en eut donné avis par écrit [386] .
Il est également arrivé que des questions soient soulevées sans préavis aucun [387] .
À un moment donné, on a tenté de convaincre le Président de donner prioritairement suite à un avis de motion parce qu’il
semblait y avoir eu atteinte à un privilège. En juin 1959, le chef de l’Opposition a donné avis d’une motion dans laquelle il
s’élevait contre la conduite d’un député ministériel. Avant d’établir s’il y avait lieu de donner
priorité à la question, le Président a demandé l’avis de la Chambre [388] .
À l’issue d’une longue discussion, il a pu, en se fondant sur les critères établis peu avant pour guider la présidence
concernant la façon de traiter les questions de privilège, en arriver à conclure que de prime abord, il ne semblait pas y avoir matière
à question de privilège et que, par conséquent, il ne permettrait pas que les autres affaires à l’ordre du jour soient mises de
côté pour débattre de la motion [389] .
La motion est donc demeurée au Feuilleton, et la Chambre n’en a jamais été saisie.
Un avis de motion portant sur des allégations d’outrage à la Chambre a été inscrit au Feuilleton du 27 février
1996. Le texte de la motion, parrainée par Don Boudria (Glengarry–Prescott–Russell), accusait Ray Speaker (Lethbridge) d’avoir
tenté de faire pression sur le Président pour l’inciter à donner au Parti réformiste le statut d’Opposition officielle.
La motion disait en outre que la conduite du député portait outrage au Parlement, et elle exigeait que le Président réprimande
le député de Lethbridge à la barre de la Chambre. La motion, qui avait été inscrite au Feuilleton sous la rubrique
des Affaires émanant des députés [390] ,
a par la suite été choisie, après un tirage au sort le 4 mars 1996, comme motion pouvant faire l’objet d’un débat. Le
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre ne l’a toutefois pas retenue parmi celles qui pouvaient faire l’objet
d’un vote.
Le 9 mai 1996, la veille du jour où la motion devait, selon l’ordre de priorité des Affaires émanant des députés,
être mise en délibération, M. Speaker (Lethbridge) a invoqué le Règlement pour demander si on pouvait porter ainsi une
accusation contre un député par la voie d’une motion ne pouvant faire l’objet d’un vote. Le Président suppléant
a alors informé la Chambre que la motion ne serait pas mise en délibération le lendemain parce que M. Boudria ne pourrait être
présent et qu’entre-temps la présidence prendrait en délibéré le rappel au Règlement [391] .
Le 18 juin 1996, le Président Parent a statué qu’aux termes des règles qui gouvernent les Affaires émanant des
députés, la motion était recevable sur le plan de la procédure. Il a déclaré : « L’honorable
député a tout à fait raison lorsqu’il affirme que la conduite d’un député ne peut être examinée
par la Chambre qu’en vertu d’une accusation précise contenue dans une motion de fond. Souvent, dans ces cas, les députés
choisissent de soulever la question à la Chambre, sans donner l’avis de 48 heures ou de deux semaines, et demandent au Président de lui
accorder priorité pour que la Chambre l’étudie immédiatement, mettant ainsi toutes les autres délibérations de la
Chambre de côté […] Dans les circonstances présentes, je conclus que les règles relatives aux Affaires émanant des
députés ont été observées et que le rappel au Règlement n’est pas fondé [392] ».
Le Président a également fait remarquer qu’il n’avait pas la compétence voulue pour décréter que la motion
pouvait faire l’objet d’un vote. Il a ajouté que la Chambre avait « à sa disposition des procédures lui permettant
de veiller à ce que le sens de l’équité prévale dans toutes les délibérations [393] ».
Le député de Lethbridge a soulevé sur-le-champ une question de privilège qui allait constituer un moyen de forcer une
décision sur l’accusation portée contre lui en permettant que la question soit mise aux voix. Il a soutenu que si cette accusation
n’était pas résolue, sa réputation en souffrirait gravement. Après avoir entendu d’autres députés,
le Président a réservé sa décision [394] .
Quand il est revenu sur la question le 20 juin 1996, le Président a rappelé à la Chambre qu’il était arrivé par le
passé que des motions comportant des accusations relatives à la conduite de députés soient inscrites au Feuilleton sous
la rubrique des Affaires émanant des députés sans jamais avoir été mises aux voix par la suite. Même s’il ne
pouvait établir qu’il y avait de prime abord atteinte au privilège parlementaire, le Président a suggéré au
député d’envisager de soumettre au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre la question des motions qui
ne peuvent faire l’objet d’un vote [395] .
Le 23 octobre 1996, le Président a annoncé à la Chambre que M. Boudria l’avait informé par écrit qu’il ne
pouvait plus proposer de motions d’initiative parlementaire à cause de sa récente nomination au Cabinet. Le Président qui, aux
termes du Règlement, doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer le déroulement ordonné des Affaires
émanant des députés a en conséquence demandé que la motion de M. Boudria soit retirée du Feuilleton [396] .
Examen d’une question de privilège par un Comité
Si la motion de privilège précise que l’affaire doit être renvoyée au Comité permanent de la procédure et
des affaires de la Chambre, son adoption par la Chambre constitue par le fait même un ordre de renvoi au Comité. Le Règlement habilite
le Comité à enquêter sur toute question qui lui est renvoyée, à convoquer des personnes et à exiger la production
de documents et de dossiers. Bien que le Comité soit maître du programme de ses travaux, tant le Comité que la Chambre prennent
très au sérieux ce genre d’enquête. Le Comité n’a pas le pouvoir d’imposer des sanctions, ce pouvoir
étant réservé à la Chambre. Il doit se borner à examiner l’affaire et à faire rapport de ses conclusions
à la Chambre. Lorsqu’il enquête sur une question de privilège, le Comité adopte la même ligne de conduite que tout
autre comité de la Chambre qui examine une question donnée, mais ce type d’ordre de renvoi, de par sa nature même, l’incite
à procéder avec prudence [397] .
Rapport du comité
Le rapport que produit le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre lorsqu’il enquête sur une question de
privilège a la même forme que tout autre rapport que produit un comité de la Chambre sur une question de fond. Il peut comprendre des
recommandations concernant l’application de mesures ou de sanctions [398]
et, si le Comité l’ordonne, il peut également comporter en annexe des opinions ou recommandations dissidentes ou complémentaires [399] .
Souvent, le rapport suffit par lui-même à clore l’affaire, et la Chambre n’a pas à prendre d’autres mesures [400] .
Le rapport peut également recommander au Président de veiller à ce que telle ou telle mesure, souvent d’ordre administratif,
soit prise [401] .
Comme c’est le cas pour la plupart des rapports de comité, un député peut, après en avoir dûment donné avis,
proposer une motion d’adoption du rapport, motion que la Chambre pourra mettre en délibération [402] .
Explication sur un fait personel
Il arrive parfois que la présidence autorise un député à expliquer un fait de nature personnelle sans que la Chambre soit
saisie d’une question particulière [403].
Une intervention de ce genre, que les députés appellent communément « une question de privilège personnelle »,
est normalement accueillie avec indulgence par la présidence. Il ne s’agit nullement d’une question de privilège proprement dite,
et comme le Président Fraser l’a déjà fait remarquer, la présidence, en l’accueillant, ne s’appuie
« sur aucune autorité juridique, règle de procédure ou précédent historique ou autre » [404] .
En conséquence, de telles occasions ne sont pas censées être utilisées pour engager un débat de nature générale,
et les députés sont invités à s’en tenir dans leurs propos au point qu’ils cherchent à faire valoir [405] .
Le Président a également dit que, puisqu’il s’agit généralement de déclarations personnelles et non de
véritables questions de privilège, il ne permettrait à aucun autre député d’intervenir sur la question [406] .
Par le passé, les députés ont utilisé cette procédure pour fournir des explications personnelles [407] ,
rectifier des erreurs commises dans les délibérations [408] ,
présenter des excuses à la Chambre [409] ,
remercier la Chambre ou lui témoigner de la reconnaissance [410] ,
annoncer un changement d’affiliation politique [411] ,
annoncer une démission [412] ,
ou pour quelque autre motif [413] .