Le privilège est la disposition qui distingue les députés d’autres citoyens, leur
conférant des droits dont ne jouissent pas les autres … À mon avis, le privilège
parlementaire ne va pas beaucoup au-delà du droit de libre parole à la Chambre et du droit
d’un député de s’acquitter de ses fonctions à la Chambre en tant que
représentant aux Communes.
Président Lucien Lamoureux
(Débats, 29 avril 1971, p. 5338)
E
n matière de privilège parlementaire, les usages et précédents de la Chambre des communes
du Canada remontent aux premiers temps de l’ère coloniale. S’inspirant de Westminster, les jeunes
assemblées des colonies ne tardèrent pas à revendiquer les privilèges de la Chambre
britannique, sans pouvoir toutefois se référer à une loi particulière. Avec la
Confédération, les privilèges de la Chambre britannique furent transférés au
Parlement du Canada en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867 [1]
et, pendant de nombreuses années, la Chambre canadienne continua de prendre la Chambre britannique comme
guide dans les questions du privilège parlementaire [2] .
À la Chambre des communes du Royaume-Uni, les privilèges furent instaurés en réponse
à une menace directe de la Couronne et de la Chambre des lords. Lorsque la menace s’atténua,
le privilège évolua dans le sens d’une définition très étroite de ces
droits et immunités, une indication que tous les privilèges de la Chambre et de ses députés
proviennent en fin de compte de l’électorat. Heureusement, la Chambre des communes canadienne
hérita de ses privilèges sans avoir à subir des épreuves ou des menaces physiques.
Ils ont permis d’assurer le succès de l’institution du Parlement et, aux députés,
d’exercer leurs fonctions sans entraves.
De nos jours, le terme « privilège » implique habituellement l’idée
d’une « classe privilégiée », d’une personne ou d’un groupe
qui jouissent d’immunités ou de droits particuliers au-delà de ce qui est normalement consenti
aux autres citoyens [3] .
Toutefois, il ne s’agit pas là du sens du privilège dans le contexte parlementaire. Le
« privilège parlementaire » s’applique plutôt aux droits et immunités
jugés nécessaires pour permettre à la Chambre des communes en tant qu’institution, et
à ses députés en tant que représentants de l’électorat, d’exercer leurs
fonctions. Il désigne également les pouvoirs dont la Chambre est investie pour se protéger
ainsi que ses députés et ses procédures d’une ingérence indue et s’acquitter
efficacement de ses principales fonctions — enquêter, débattre et légiférer [4] .
En ce sens, on peut considérer le privilège parlementaire comme un ensemble d’avantages
particuliers dont ont besoin le Parlement et ses membres pour accomplir leur travail sans entraves.
Ce chapitre retrace l’évolution du privilège au Royaume-Uni et au Canada, passe en revue les
droits et immunités de la Chambre et de ses députés et décrit les procédures
utilisées pour traiter des questions de privilège à la Chambre canadienne. Pour une analyse
en profondeur du sujet, on se reportera à deux principales sources : Erskine May’s Treatise on The Law,
Privileges, Proceedings and Usage of Parliament [5] ,
qui expose les usages et précédents de la Chambre des communes britannique, et Le privilège
parlementaire au Canada, de Joseph Maingot [6] ,
qui porte sur l’histoire et l’application du privilège au Canada.