On attache une grande importance aux allégations d’atteinte au privilège parlementaire. Un député qui
désire soulever une question de privilège à la Chambre doit d’abord convaincre la présidence que de prime
abord, sa préoccupation peut faire l’objet d’une question de privilège. Le rôle du Président se limite
à décider si la question qu’a soulevée le député est de nature à autoriser celui-ci à
proposer une motion qui aura priorité sur toute autre affaire à l’ordre du jour de la Chambre, autrement dit, que le
Président pourra considérer de prime abord comme une question de privilège. Le cas échéant, la Chambre
devra immédiatement prendre la question en considération [318] .
C’est finalement la Chambre qui établira s’il y a eu atteinte au privilège ou outrage.
Une question de privilège peut également être soulevée dans le cours des travaux d’un comité permanent,
spécial, législatif ou mixte, ou encore d’un comité plénier de la Chambre. La procédure qui
s’applique alors diffère toutefois de la procédure générale que suit la Chambre dans ce genre de situation.
Si un député croit qu’il y a eu atteinte au privilège ou outrage, mais que la question ne mérite pas
d’être débattue en priorité, il peut recourir à un autre moyen pour saisir la Chambre de l’affaire.
Il peut faire inscrire un avis de motion au Feuilleton des Avis.
À la Chambre
Une plainte sur une question de privilège doit satisfaire à deux conditions pour qu’on puisse l’examiner en
priorité sur toute affaire inscrite à l’Ordre du jour. Le Président doit être convaincu, premièrement,
qu’il y a eu de prime abord atteinte à un privilège et, deuxièmement, que la question a été
soulevée à la première occasion. Si le Président estime que ces deux conditions ont été remplies,
il informe la Chambre qu’à son avis, la question peut être traitée avant de passer aux avis de motions et aux
affaires de l’Ordre du jour inscrites au Feuilleton. La décision du Président ne va pas jusqu’à
déterminer s’il y a eu effectivement atteinte à un privilège, car seule la Chambre est habilitée à
en décider.
Moment de soulever la question et avis à donner
Une question de privilège découlant des délibérations de la séance en cours peut être soulevée
sur-le-champ sans préavis. Les Présidents ont toutefois généralement refusé d’accueillir les questions
de privilège soulevées pendant les périodes réservées aux Déclarations de députés et
à la Période des questions [319] ,
de même que pendant le processus de la sanction royale [320] ,
le Débat sur la motion d’ajournement [321]
et la tenue d’un vote [322] .
Dans ces circonstances, la question de privilège peut être soulevée le jour même à la fin de la période
consacrée à ces travaux [323] ,
sauf dans le cas du Débat sur la motion d’ajournement, où la question de privilège ne peut être soulevée
qu’à la séance suivante, après signification du préavis approprié au Président [324] .
Un député qui veut soulever une question de privilège sur un sujet qui ne découle pas des délibérations
de la séance en cours doit en donner avis avant de porter la question à l’attention de la Chambre. Il doit faire transmettre un
avis écrit en ce sens au Président au moins une heure avant de soulever sa question de privilège à la Chambre. Sans ce
préavis, le Président ne l’y autorisera pas [325] .
La présidence a généralement considéré qu’un préavis verbal n’était ni nécessaire
ni suffisant [326] .
Des moments précis sont prévus pour soulever une question de privilège précédée d’un avis écrit,
à savoir à l’ouverture d’une séance, après les Affaires courantes mais avant de passer à l’Ordre
du jour, immédiatement après la Période des questions, et à l’occasion, durant un débat.
L’avis au Président doit contenir les quatre éléments suivants :
- Il doit indiquer que le député écrit au Président pour lui faire part de son intention de soulever une question
de privilège;
- Il doit mentionner que la question est soulevée à la première occasion [327] ;
- Il doit exposer l’essentiel des faits relatifs à la question de privilège que le député entend soulever [328] ;
- Il doit inclure le texte de la motion que le député doit être prêt à proposer à la Chambre si le
Président juge que la question est fondée de prime abord.
En exposant à la présidence le contexte dans lequel se situe la question de privilège et les mesures à prendre pour
remédier au problème, le député aidera le Président à aborder la question d’une manière
éclairée et expéditive. Le fait d’inclure le texte de la motion proposée permet au Président de suggérer
les modifications qui s’imposent pour éviter tout vice de procédure que pourrait comporter le libellé; autrement, le
député pourrait se voir empêché de proposer sa motion ou forcé de la reporter, si jamais le Président
jugeait que la question de privilège est fondée de prime abord [329] .
La question doit être soulevée à la première occasion
La question de privilège dont sera saisie la Chambre doit porter sur un événement survenu récemment et requérir
l’attention immédiate de la Chambre. Le député devra donc convaincre le Président que la question a été
soulevée à la première occasion. Les fois où des députés n’ont pas respecté cette importante
exigence, la présidence a généralement statué que la question de privilège n’était pas fondée
de prime abord [330] .
Dans les cas où la question de privilège concerne plus d’un député, le Président peut reporter la
présentation des arguments jusqu’à ce que tous les députés visés puissent être présents
à la Chambre [331] .
Avis multiples
Si le Président reçoit plus d’un avis de la même question de privilège, ou si plus d’un député
demande la parole sur une question de privilège donnée, le Président déterminera l’ordre dans lequel les
députés pourront intervenir [332] .
En règle générale, le Président donnera la parole aux députés dans l’ordre où il a reçu
les avis, ou encore au premier qui aura réussi à capter son attention. Si plus d’une question de privilège est soulevée,
le Président n’en examinera qu’une à la fois.
Examen initial de la question soulevée
Un député qui est autorisé à soulever une question de privilège doit exposer brièvement et de
manière concise les faits qui sont à l’origine de sa question de privilège et dire pourquoi la Chambre devrait examiner
sa plainte en priorité sur tous autres travaux de la Chambre [333] .
En règle générale, le député s’efforcera de renvoyer la présidence aux articles du
Règlement et cas de jurisprudence pertinents et de citer des passages d’ouvrages de procédure parlementaire qui font
autorité. Il devra en outre démontrer que la question a été portée à l’attention de la Chambre
à la première occasion. Enfin, il suggérera les mesures que la Chambre devrait prendre pour remédier à la
situation et, si la présidence juge qu’il s’agit d’une question de privilège fondée de prime abord, il
indiquera qu’il est prêt à proposer la motion appropriée [334] .
Le Président entendra l’exposé du député et permettra parfois à d’autres députés
directement impliqués d’intervenir. Il pourra aussi, à sa discrétion, demander l’avis d’autres
députés pour l’aider à déterminer s’il y a de prime abord matière à soulever une question
de privilège qui mériterait qu’on lui accorde la priorité sur tous autres travaux de la Chambre. Une fois satisfait,
le Président mettra fin à l’examen initial de la question [335] .
C’est à la présidence et à elle seule qu’il incombe de décider si la question de privilège est
fondée de prime abord. Sauf dans les cas où sa décision coule de source, il pourra prendre la question en delibéré
pour pouvoir rendre un jugement motivé. Les fois où la question de privilège exigeait une décision immédiate
de la présidence, le Président a parfois, sans que personne ne s’y oppose, suspendu brièvement la séance pour
délibérer sur la question, puis est revenu à la Chambre pour annoncer sa décision [336] .
En délibérant sur la question, la présidence prendra en considération dans quelle mesure l’atteinte au
privilège a gêné le député dans l’accomplissement de ses fonctions parlementaires ou semble avoir fait
outrage à la dignité du Parlement.
Si le Président est convaincu que les conditions requises sont remplies et estime qu’il y a de prime abord atteinte à un
privilège ou outrage, il informe la Chambre de sa décision, et le député qui a soulevé la question est
dès lors autorisé à présenter une motion en conséquence.
Dans la grande majorité des cas, la présidence établit qu’il n’y a pas de prime abord matière à
soulever la question de privilège. En informant la Chambre d’une telle décision, elle explique habituellement (souvent de
façon assez détaillée) les facteurs qui l’ont amenée à arriver à cette conclusion. Fréquemment,
dans de tels cas, elle reconnaîtra l’existence d’un grief légitime et il lui arrivera parfois de recommander des mesures
propres à redresser la situation [337] .
Si le Président décide que la question de privilège n’est pas fondée de prime abord, l’affaire est close.
Cependant, si de nouveaux faits viennent à être découverts par la suite, le député qui a initialement soulevé
la question de privilège, ou tout autre député, peut la soulever à nouveau [338] .
Débat sur une motion de privilège
Une fois que le Président a décidé que de prime abord la question de privilège était fondée, il incombe
au député qui l’a soulevée de proposer la motion appropriée [339] ,
qui, comme toute autre motion, doit être appuyée. Il arrivera parfois que le député propose une motion immédiatement
après avoir présenté ses arguments en soulevant initialement la question de privilège. Le Président peut alors,
au besoin, informer le député de la forme dans laquelle la motion doit être présentée [340] .
Lorsque la teneur de la motion n’est pas connue à l’avance, le Président peut aider le député à la
reformuler si son contenu diffère substantiellement de celui que le député avait initialement prévu [341] .
La présidence hésiterait à permettre qu’une affaire aussi importante qu’une motion de privilège soit
refusée pour un simple vice de forme [342] .
Au Parlement canadien, l’usage veut qu’il soit généralement mentionné dans ce genre de motion que la question est
renvoyée pour étude à un comité, ou que la motion initialement présentée soit modifiée de manière
à prévoir un tel renvoi [343] .
Une fois que la motion a été proposée à la Chambre en bonne et due forme, elle est soumise à toutes les
procédures et usages relatifs au débat d’une motion de fond. Les discours ne doivent pas durer plus de 20 minutes et ils sont
suivis d’une période de questions et observations d’au plus 10 minutes [344] .
Seuls le premier ministre et le chef de l’Opposition bénéficient alors d’un temps de parole illimité (sans période
de questions et observations). Les députés doivent suivre les règles les obligeant à tenir des propos pertinents et
à éviter de se répéter inutilement, et le Président doit s’assurer que la discussion ne s’éloigne
pas du sujet sur lequel porte la motion.
Quand la motion à l’étude concerne la conduite d’un député, ce dernier peut faire une déclaration
pour s’expliquer, mais il doit ensuite se retirer de la Chambre [345] .
Par le passé, la présidence a interprété le mot « conduite » comme s’entendant d’actes
qui, s’il est confirmé qu’ils ont été commis, peuvent entraîner l’expulsion du député au
motif qu’il n’est pas apte à être membre de la Chambre, plutôt que d’actes qui pourraient simplement amener le
Président à « désigner le député par son nom » [346] .
Il ne s’est toutefois pas toujours avéré qu’un député dont la conduite faisait l’objet d’un
débat à la Chambre ait été contraint de se retirer dans ces circonstances [347] .
Il peut parfois arriver qu’un député soit autorisé à retourner à la Chambre pour clarifier ou expliquer des
faits.
Une fois mise en délibération, la motion de privilège a priorité sur tout point à l’Ordre du jour, y compris
sur les Ordres émanant du gouvernement et les Affaires émanant des députés, mais non sur les Affaires courantes, les
Déclarations de députés, la Période des questions, la sanction royale et l’ajournement de la Chambre [348] .
La Chambre peut modifier une motion de privilège dont elle est saisie, même si l’amendement devait se traduire par un libellé
différent de celui initialement accepté par le Président et proposé à la Chambre [349] .
Durant les délibérations sur une motion de privilège, les motions d’ajournement du débat, d’ajournement de la
Chambre, ou portant retour à l’Ordre du jour sont recevables [350] ,
au même titre que les motions visant à poser la question préalable (« que cette question soit maintenant mise aux voix »),
à obtenir le prolongement d’une séance, ou à donner la parole à un député (« qu’un
député soit maintenant entendu »). Toutefois, en cas de rejet de la question préalable ou d’adoption d’une
motion demandant le retour à l’Ordre du jour, la motion de privilège est remplacée et rayée du Feuilleton.
Un ministre peut également proposer la clôture du débat sur la motion de privilège [351] .
Si le débat sur la motion de privilège n’est pas terminé au moment de l’ajournement, la question aura alors priorité
sur tous les autres points à l’ordre du jour à la séance suivante et figurera au Feuilleton avant toute autre affaire
à l’Ordre du jour [352] .
À l’issue du débat sur la motion, le Président met la question aux voix. Si la motion est adoptée, on donne suite aux
instructions qu’elle contient. Si elle est rejetée, le débat sur la question est clos [353] .
En comité permanent, spécial, législatif ou mixte
Puisque la Chambre n’a pas donné à ses comités le pouvoir de réprimer eux-mêmes l’inconduite, l’atteinte
aux privilèges et l’outrage, les comités ne peuvent se prononcer sur ces questions; ils ne sont habilités qu’à en
faire rapport à la Chambre. Seule la Chambre peut établir si une infraction a été commise [354] .
La présidence a toujours eu pour politique, sauf dans des circonstances extrêmement graves, de n’accueillir des questions de privilège
découlant de délibérations de comités que sur présentation, par le comité visé, d’un rapport traitant
directement de la question et non lorsqu’elles étaient soulevées à la Chambre par un député [355] .
La plupart des incidents signalés dans le passé par les comités avaient trait à la conduite de députés, de
témoins ou du public. Les comités ont eu l’occasion de faire rapport à la Chambre du refus de témoins de comparaître
lorsqu’on les y avait convoqués [356] ;
du refus de témoins de répondre à des questions [357] ;
du refus de témoins de fournir des documents ou des dossiers [358] ;
du refus de certaines personnes d’obéir aux ordres d’un comité [359] ;
et de la divulgation de faits survenus durant une séance à huis clos [360] .
Les comités peuvent également faire rapport de cas d’outrage, par exemple de comportement irrespectueux à l’endroit de
l’autorité ou des activités d’un comité, d’intimidation de députés ou de témoins, de refus de
témoins de prêter serment ou de mensonge de la part de témoins devant un comité.
Contrairement au Président de la Chambre, le président d’un comité n’a pas le pouvoir de réprimer le désordre ou de
statuer sur des questions de privilège. Si un député veut soulever une question de privilège au cours des délibérations
d’un comité ou s’il survient en comité un incident qui s’apparente à une violation de privilège ou à un outrage,
le président du comité permettra au député d’intervenir pour soulever la question de privilège, ou, dans le cas d’un
incident, suggérera que le comité examine la question. Un président de comité n’est toutefois pas habilité à se
prononcer sur la question de savoir s’il y a eu atteinte à un privilège ou outrage [361] .
Le rôle d’un président de comité, dans ces circonstances, consiste à déterminer si la question soulevée touche bel et
bien au privilège parlementaire ou s’il s’agit plutôt d’un rappel au Règlement, d’un grief ou d’une question
devant faire l’objet d’un débat. S’il est d’avis que l’intervention du député a trait à un rappel au
Règlement, à un grief ou à une question devant faire l’objet d’un débat, ou que l’incident relève de la
compétence du comité, il peut prendre une décision en conséquence, en la motivant. Le comité ne peut alors traiter l’affaire
plus avant comme s’il s’agissait d’une question de privilège. Un député qui serait en désaccord avec la décision
du président pourrait en appeler au comité, qui maintiendrait ou renverserait la décision du président.
Si le président du comité estime que la question concerne un privilège (ou si sa décision affirmant qu’il n’y a pas
matière à privilège est renversée en appel), le comité peut alors envisager de présenter un rapport à la Chambre sur
la question [362] .
Le président du comité recevra alors une motion qui constituera le texte du rapport. On devra y exposer clairement la situation, résumer les
faits, nommer les personnes en cause, indiquer qu’il pourrait y avoir atteinte au privilège ou outrage, et demander à la Chambre de prendre les
mesures qui s’imposent [363] .
La motion peut être débattue et modifiée, et le comité devra l’étudier en priorité. Si le comité décide
qu’il y a effectivement lieu de faire rapport de la question à la Chambre, il adoptera le rapport, qu’il présentera à la Chambre au
moment prévu au cours des Affaires courantes ordinaires.
Dès que le rapport lui aura été présenté, la Chambre sera officiellement saisie de la question [364] .
Après avoir transmis l’avis approprié [365] ,
tout député pourra ensuite soulever une question de privilège à ce sujet. Le Président accueillera la question et pourra entendre
d’autres députés, avant de décider si de prime abord les allégations constituent matière à question de privilège.
Comme le Président Fraser l’a noté en rendant une décision, « […] la présidence ne prononce pas de jugement sur
cette question. Seule la Chambre peut le faire. La présidence se contente de décider en fonction des témoignages présentés si la
question doit être abordée en priorité » [366] .
Si le Président décide que la question de privilège est fondée de prime abord, la prochaine étape sera, pour le député
qui a soulevé la question de privilège, de proposer une motion demandant à la Chambre de prendre les mesures qui s’imposent [367].
Si le Président juge que la question de privilège n’est pas fondée de prime abord, elle n’aura pas priorité. Tout député
pourra alors demander, au cours des Affaires courantes ordinaires, l’adoption du rapport du comité en suivant la procédure habituelle prévue
pour tout rapport de comité [368].
En comité plénier
Compte tenu que la Chambre se forme rarement en comité plénier et que, lorsque cela se produit, les délibérations du comité plénier
ne durent habituellement que quelques minutes, les questions de privilège n’y sont pas très fréquentes [369].
La procédure relative aux questions de privilège en comité plénier est pratiquement identique à celle qui s’applique dans un
comité permanent, spécial ou législatif.
Quand la Chambre est réunie en comité plénier, un député ne peut soulever une question de privilège qu’à propos de
faits qui se sont produits au comité. La question de privilège doit avoir trait aux délibérations du comité. Un député ne
peut pas soulever une question de privilège concernant les privilèges de la Chambre en général ou des faits survenus ailleurs qu’à
la Chambre. En comité plénier, un député qui veut soulever une question de privilège à propos de faits qui ne concernent pas le
comité peut présenter une motion demandant que le comité lève la séance et fasse rapport du progrès de ses travaux, afin de permettre
au Président d’entendre la question de privilège [370] .
Si la motion est adoptée, le président du comité lèvera la séance et fera rapport au Président de la Chambre, qui accueillera
ensuite la question du député [371] .
Si un député soulève une question de privilège qui a trait aux délibérations en cours au comité plénier, le
président du comité l’entendra. Comme dans un comité permanent, spécial ou législatif, il incombe alors au président de
déterminer si la question soulevée peut vraiment être considérée comme une question de privilège [372] .
Encore là, il est possible d’en appeler de sa décision. Dans ce cas, l’appel n’est pas adressé au président du comité
plénier, mais bien au Président de la Chambre [373] .
Si la question soulevée par le député a trait à un privilège et à des faits survenus au comité plénier, le
président du comité accueillera une motion portant qu’il soit fait rapport de ces faits à la Chambre. L’examen de cette motion, qui peut
être débattue et modifiée, a dès lors priorité sur les autres travaux du comité. Si le comité accepte de faire rapport de
la question, le président du comité lève la séance, le Président de la Chambre retourne au fauteuil et le président du comité
présente son rapport [374] .
Le texte du rapport à la Chambre doit inclure un résumé des faits, indiquer qu’il y a peut-être eu atteinte à un privilège
et demander que le comité soit ensuite de nouveau formé pour poursuivre ses travaux [375] .
Ce n’est qu’après que le président du comité a fait rapport à la Chambre que cette dernière peut être dûment
saisie de la question et que le Président peut l’accueillir. Un député doit alors soulever la question de privilège et présenter
les faits au Président, qui peut également permettre à d’autres personnes d’intervenir. Une fois satisfait des arguments
présentés, le Président déterminera si de prime abord il y a matière à soulever une question de privilège. Si la
question de privilège est jugée fondée de prime abord, le député pourra présenter une motion traitant de l’affaire [376].
Si le Président estime que la question n’est pas fondée sur des présomptions suffisantes, la Chambre reprendra ses travaux. Au cours de la
période réservée à l’examen des questions à l’Ordre du jour, la Chambre peut soit se former de nouveau en comité
plénier pour reprendre l’étude de la question dont le comité avait été initialement saisi, soit passer à un autre point.
Le Président recevra une question de privilège concernant une affaire survenue en comité plénier seulement si le comité plénier
en a déjà traité et s’il en a fait rapport à la Chambre [377] .
Au moyen d’un avis inscrit au Feuilleton
Si un député est convaincu qu’il y a eu atteinte à un privilège ou outrage, sans pour autant estimer que l’affaire devrait
être traitée en priorité dans les débats, il peut, en utilisant un moyen auquel on a très rarement recours, faire publier un avis de
motion dans le Feuilleton des Avis. Dans ce cas, à la fin du délai d’avis requis, la motion est inscrite au Feuilleton sous la
rubrique appropriée. Une motion parrainée par un ministre doit être précédée d’un avis de 48 heures. La Chambre
l’étudiera alors sous la rubrique des Ordres émanant du gouvernement [378] .
Une motion parrainée par un député doit être annoncée au moyen d’un avis de deux semaines; elle sera placée sous la
rubrique des Affaires émanant des députés [379] .
Toutefois, après l’expiration du délai d’avis prévu, le député parrain de la motion peut décider de demander
que la motion soit débattue en priorité (par exemple, si de nouveaux faits surviennent). Il doit alors tenter de convaincre le Président que
la question sur laquelle porte la motion devrait être considérée de prime abord comme une question de privilège. Dans ce cas, il devra
aviser par écrit le Président au moins une heure à l’avance de son intention de soulever la question à la Chambre [380] .
Par le passé, il est arrivé à un certain nombre d’occasions que des députés choisissent de donner avis par écrit de
leurs motions de privilège, notamment lorsque la question découlait d’incidents survenus à l’extérieur de la Chambre. En
1874, par exemple, une motion qui avait été précédée d’un avis écrit et qui n’était pas censée
être soulevée un jour précis a été abordée avant son tour, déplaçant tous les autres points à
l’ordre du jour [381] .
Dans un cas similaire, en 1886, une motion avait pris le pas sur toutes les autres affaires à la demande du député visé dans la motion [382] .
Il n’a toutefois pas toujours été aussi facile d’obtenir ce genre de traitement. Dans deux cas exceptionnels, en 1892, le Président
a refusé d’accorder la priorité à des motions qui avaient été annoncées par des avis écrits, ayant jugé
qu’il ne s’agissait pas vraiment de questions de privilège [383] .
Par ailleurs, dans les cas où la motion comporte une accusation contre un député, l’étiquette exige que le parrain de la motion
informe personnellement le député visé du moment où la motion sera présentée [384] .
On a continué de recourir à ces pratiques au vingtième siècle, et de donner avis, verbalement ou par écrit, même si on
n’y était pas tenu, qu’on allait soulever une question de privilège. En 1911, par exemple, une question de privilège a été
soulevée après qu’on en eut donné avis verbalement [385] ,
alors qu’en 1932, une motion concernant des accusations qui avaient été portées contre le premier ministre a été accueillie
après qu’on en eut donné avis par écrit [386] .
Il est également arrivé que des questions soient soulevées sans préavis aucun [387] .
À un moment donné, on a tenté de convaincre le Président de donner prioritairement suite à un avis de motion parce qu’il
semblait y avoir eu atteinte à un privilège. En juin 1959, le chef de l’Opposition a donné avis d’une motion dans laquelle il
s’élevait contre la conduite d’un député ministériel. Avant d’établir s’il y avait lieu de donner
priorité à la question, le Président a demandé l’avis de la Chambre [388] .
À l’issue d’une longue discussion, il a pu, en se fondant sur les critères établis peu avant pour guider la présidence
concernant la façon de traiter les questions de privilège, en arriver à conclure que de prime abord, il ne semblait pas y avoir matière
à question de privilège et que, par conséquent, il ne permettrait pas que les autres affaires à l’ordre du jour soient mises de
côté pour débattre de la motion [389] .
La motion est donc demeurée au Feuilleton, et la Chambre n’en a jamais été saisie.
Un avis de motion portant sur des allégations d’outrage à la Chambre a été inscrit au Feuilleton du 27 février
1996. Le texte de la motion, parrainée par Don Boudria (Glengarry–Prescott–Russell), accusait Ray Speaker (Lethbridge) d’avoir
tenté de faire pression sur le Président pour l’inciter à donner au Parti réformiste le statut d’Opposition officielle.
La motion disait en outre que la conduite du député portait outrage au Parlement, et elle exigeait que le Président réprimande
le député de Lethbridge à la barre de la Chambre. La motion, qui avait été inscrite au Feuilleton sous la rubrique
des Affaires émanant des députés [390] ,
a par la suite été choisie, après un tirage au sort le 4 mars 1996, comme motion pouvant faire l’objet d’un débat. Le
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre ne l’a toutefois pas retenue parmi celles qui pouvaient faire l’objet
d’un vote.
Le 9 mai 1996, la veille du jour où la motion devait, selon l’ordre de priorité des Affaires émanant des députés,
être mise en délibération, M. Speaker (Lethbridge) a invoqué le Règlement pour demander si on pouvait porter ainsi une
accusation contre un député par la voie d’une motion ne pouvant faire l’objet d’un vote. Le Président suppléant
a alors informé la Chambre que la motion ne serait pas mise en délibération le lendemain parce que M. Boudria ne pourrait être
présent et qu’entre-temps la présidence prendrait en délibéré le rappel au Règlement [391] .
Le 18 juin 1996, le Président Parent a statué qu’aux termes des règles qui gouvernent les Affaires émanant des
députés, la motion était recevable sur le plan de la procédure. Il a déclaré : « L’honorable
député a tout à fait raison lorsqu’il affirme que la conduite d’un député ne peut être examinée
par la Chambre qu’en vertu d’une accusation précise contenue dans une motion de fond. Souvent, dans ces cas, les députés
choisissent de soulever la question à la Chambre, sans donner l’avis de 48 heures ou de deux semaines, et demandent au Président de lui
accorder priorité pour que la Chambre l’étudie immédiatement, mettant ainsi toutes les autres délibérations de la
Chambre de côté […] Dans les circonstances présentes, je conclus que les règles relatives aux Affaires émanant des
députés ont été observées et que le rappel au Règlement n’est pas fondé [392] ».
Le Président a également fait remarquer qu’il n’avait pas la compétence voulue pour décréter que la motion
pouvait faire l’objet d’un vote. Il a ajouté que la Chambre avait « à sa disposition des procédures lui permettant
de veiller à ce que le sens de l’équité prévale dans toutes les délibérations [393] ».
Le député de Lethbridge a soulevé sur-le-champ une question de privilège qui allait constituer un moyen de forcer une
décision sur l’accusation portée contre lui en permettant que la question soit mise aux voix. Il a soutenu que si cette accusation
n’était pas résolue, sa réputation en souffrirait gravement. Après avoir entendu d’autres députés,
le Président a réservé sa décision [394] .
Quand il est revenu sur la question le 20 juin 1996, le Président a rappelé à la Chambre qu’il était arrivé par le
passé que des motions comportant des accusations relatives à la conduite de députés soient inscrites au Feuilleton sous
la rubrique des Affaires émanant des députés sans jamais avoir été mises aux voix par la suite. Même s’il ne
pouvait établir qu’il y avait de prime abord atteinte au privilège parlementaire, le Président a suggéré au
député d’envisager de soumettre au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre la question des motions qui
ne peuvent faire l’objet d’un vote [395] .
Le 23 octobre 1996, le Président a annoncé à la Chambre que M. Boudria l’avait informé par écrit qu’il ne
pouvait plus proposer de motions d’initiative parlementaire à cause de sa récente nomination au Cabinet. Le Président qui, aux
termes du Règlement, doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer le déroulement ordonné des Affaires
émanant des députés a en conséquence demandé que la motion de M. Boudria soit retirée du Feuilleton [396] .