L’autorité du Président n’est pas plus considérable que ne le veulent les députés. Lorsque les règles
sont claires et régissent parfaitement les décisions du Président, son autorité est absolue et incontestée, car elle
représente la volonté de la Chambre. Par ailleurs, lorsque rien ne le guide, le Président s’impose la plus grande prudence. Tout
au plus, il est autorisé à renvoyer le problème à la Chambre pour que la Chambre elle-même crée le nouveau
précédent.
Président Jeanne Sauvé
(Debats, 18 mars 1982, p. 15556)
L
a procédure parlementaire a été décrite comme étant une « méthode qui permet de décider quand
et comment le pouvoir doit être exercé [1] ».
En vertu d’une telle définition, la procédure apparaît d’emblée comme le « moyen » servant
à circonscrire l’usage du pouvoir, en même temps qu’un « processus » qui légitimise l’exercice
du pouvoir et sa contestation. On a aussi dit qu’elle était « une combinaison de deux éléments, le traditionnel et le
démocratique [2] ».
Autrement dit, la procédure parlementaire fondée sur le modèle britannique non seulement dérive d’une compréhension
et d’une acceptation de la façon dont les choses se sont déroulées par le passé, mais s’inscrit dans une culture
particulière qui évolue selon des principes démocratiques. Ces principes, qui forment le « droit parlementaire [3] »,
ont été résumés de la manière suivante par John George Bourinot, un expert en procédure parlementaire et Greffier
de la Chambre des communes du Canada de 1890 à 1902 :
Les grands principes qui sont à la base du droit parlementaire anglais n’ont jamais été perdus de vue par les assemblées
législatives canadiennes. Ce sont : protéger la minorité et restreindre l’imprévoyance et la tyrannie de la majorité,
régler les affaires d’intérêt public de manière convenable et ordonnée, donner à chaque parlementaire la
possibilité d’exprimer son avis dans les limites du décorum et éviter les pertes de temps inutiles, accorder la latitude voulue
pour l’examen de chaque mesure et faire en sorte qu’aucune décision législative ne soit prise à la légère ou
sur une impulsion soudaine [4] .
Des analystes de l’histoire parlementaire canadienne ont fait observer que l’idéal de « protéger la minorité »
a nécessité une adaptation aux impératifs d’efficacité d’un corps législatif dans le monde moderne [5] .
Depuis l’adoption de règles touchant la clôture et l’attribution de temps, en 1913 et 1969 respectivement, ainsi que d’autres
règles décrétées par la Chambre, la majorité au pouvoir est mieux en mesure de faire avancer son programme législatif
malgré les objections de la minorité. Il demeureque la procédure parlementaire vise à établir un équilibre entre
la volonté du gouvernement de faire approuver ses mesures par la Chambre, et la responsabilité de l’opposition d’en débattre
sans paralyser complètement le déroulement des travaux. Bref, le débat à la Chambre est nécessaire, mais il doit conduire
à une décision dans un délai raisonnable.
Les délibérations de la Chambre des communes sont régies par un vaste ensemble de règles et d’usages parlementaires —
les usages (ou pratiques) représentent la partie de la procédure qui s’est imposée spontanément et qui est devenue la
manière normale d’agir, bien qu’elle ne soit pas inscrite dans les règles officielles (le Règlement) [6] .
Comme on l’indique au chapitre 1, bon nombre de ces règles et usages prirent naissance au Royaume-Uni, tandis que d’autres trouvèrent
leur origine dans les assemblées législatives antérieures à la Confédération [7]
et furent adoptés par la suite au Canada. D’après Erskine May, certains de ces usages virent sans doute le jour au Parlement lui-même,
mais d’autres peuvent être rattachés à des pratiques analogues dans les cours de justice médiévales et les conseils de
l’Église [8] .
Certaines règles sont demeurées pratiquement les mêmes pendant les quatre cents dernières années [9] ,
tandis que d’autres ont évolué pour devenir, avec le temps, l’usage normal. Enfin, l’origine de certaines pratiques parmi les
plus anciennes se perd dans la nuit des temps [10] .
Comme on le verra dans le présent chapitre, les procédures et usages des Communes canadiennes se fondent sur la Constitution et les lois, le
Règlement et la pratique de la Chambre ainsi que sur les décisions des Présidents.