La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Séances spéciales ou inhabituelles

La Chambre ajuste parfois l’horaire normal de ses séances en fonction d’activités ou de cérémonies spéciales. Elle a organisé des séances « spéciales » ou « inhabituelles » à diverses fins : dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale; pour élire un Président; pour tenir une séance secrète; et pour entendre les allocutions de visiteurs de marque.

Séance dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale

À la fin des années 1980, la Chambre avait comme pratique d’adopter des ordres spéciaux qui permettaient au Président, pendant les périodes d’ajournement, de rappeler la Chambre dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale [100] . L’article du Règlement qui autorise le Président à rappeler la Chambre s’il juge que c’est dans l’intérêt public a aussi été invoqué pour rappeler la Chambre dans le seul but d’assister à une cérémonie de sanction royale [101] . En 1994, la Chambre a intégré au Règlement la pratique du rappel de la Chambre à la demande du gouvernement dans le seul but de donner la sanction royale [102] .

Même si la Chambre n’est rappelée que pour donner la sanction royale, il s’agit d’un rappel en bonne et due forme et le préavis requis doit être respecté afin de permettre au Président de prendre les mesures nécessaires pour la réouverture. Le quorum n’est pas nécessaire pour que le Président occupe le fauteuil lorsque l’huissier du bâton noir se présente à la Chambre pour inviter les députés à se rendre au Sénat [103] . Lorsqu’elle répond à une convocation de la Couronne, la Chambre est invitée simplement à attester un geste, plutôt qu’à prendre une décision. À la fin de la cérémonie, le Président revient à la Chambre et, après avoir pris place au fauteuil, fait connaître à la Chambre qu’il a plu au gouverneur général de donner, au nom de Sa Majesté, la sanction royale à certains projets de loi. Il ajourne alors immédiatement la Chambre [104]  sans autre délibération [105] .

Élection d’un Président

Tant qu’un Président n’a pas été élu à la première séance d’une nouvelle législature ou à tout autre moment au cours d’une législature où la présidence devient vacante, la Chambre ne peut se livrer à aucune autre tâche ni accueillir aucune motion, d’ajournement ou autre. L’élection du Président a priorité sur tout le reste. La Chambre peut, au besoin, siéger au-delà de l’heure d’ajournement normale jusqu’à ce qu’un député soit déclaré élu. Dans ce cas, le Président, une fois qu’il est élu et a pris place au fauteuil, ajourne la Chambre jusqu’au jour de séance suivant [106] .

Séances secrètes

Même si le Règlement ne le prévoit pas explicitement, la Chambre a le droit et l’autorité de mener ses travaux en privé. L’expression « séance secrète » a été utilisée pour les désigner. La Chambre peut tenir toute une séance ou une partie de séance où les « étrangers » (quiconque à l’exception d’un député ou d’un officiel de la Chambre des communes) soit ne sont pas admis, soit sont priés de se retirer des tribunes [107]. Considérées comme des séances, ces réunions sont consignées comme telles dans les documents de la Chambre. Pour siéger en secret, la Chambre a soit adopté un ordre spécial en ce sens [108] , soit n’a simplement pas ouvert ses portes au public après la prière au début d’une séance [109] .

La Chambre s’est réunie en secret à quatre reprises, toujours en temps de guerre [110] . Pendant les premières années après la Confédération, la Chambre tenait aussi, au début d’une séance, avant d’ouvrir les portes au public, une partie de ses séances à huis clos pour discuter de questions internes ou d’intendance [111] .

Allocutions de visiteurs de marque

La salle de la Chambre des communes sert parfois de tribune où des visiteurs de marque (habituellement un chef d’État ou de gouvernement) s’adressent aux deux chambres réunies. Depuis le début des années 1940, un grand nombre de visiteurs de marque y ont prononcé des discours aux sénateurs et députés réunis (voir la figure 9.1).

Figure 9.1 – Allocutions prononcées devant les chambres du parlement réunies depuis 1940
30 décembre 1941 Winston Churchill, premier ministre, Grande-Bretagne
16 juin 1943 Madame Chiang Kai-shek
1er juin 1944 John C. Curtin, premier ministre, Australie
30 juin 1944 Peter Fraser, premier ministre, Nouvelle-Zélande
19 novembre 1945 Clement R. Attlee, premier ministre, Grande-Bretagne
11 juin 1947 Harry S. Truman, président, États-Unis
24 octobre 1949 Pandit Jewaharlal Nehru, premier ministre, Indes
31 mai 1950 Liaquat Alî Khân, premier ministre, Pakistan
5 avril 1951 Vincent Auriol, président, République française
14 novembre 1953 Dwight D. Eisenhower, président, États-Unis
6 février 1956 Sir Anthony Eden, premier ministre, Royaume-Uni
5 mars 1956 Giovanni Gronchi, président, République d’Italie
5 juin 1956 Achmed Sukarno, président, République d’Indonésie
4 mars 1957 Guy Mollet, premier ministre, République française
2 juin 1958 Theodor Heuss, président, République fédérale d’Allemagne
13 juin 1958 Harold Macmillan, premier ministre, Royaume-Uni
9 juillet 1958 Dwight D. Eisenhower, président, États-Unis
21 juillet 1958 Kwame Nkrumah, premier ministre, Ghana
17 mai 1961 John F. Kennedy, président, États-Unis
26 mai 1964 U Thant, secrétaire général, Nations Unies
14 avril 1972 Richard M. Nixon, président, États-Unis
30 mars 1973 Luis Echeverria, président, Mexique
19 juin 1973 Indira Gandhi, premier ministre, Indes
5 mai 1980 Masayoshi Ohira, premier ministre, Japon
26 mai 1980 José Lopez Portillo, président, Mexique
11 mars 1981 Ronald W. Reagan, président, États-Unis
26 septembre 1983 Margaret Thatcher, premier ministre, Royaume-Uni
17 janvier 1984 Zhao Ziyang, premier ministre, Conseil des affaires d’État, République populaire de Chine
8 mai 1984 Miguel de la Madrid, président, Mexique
7 mars 1985 Javier Perez de Cuellar, secrétaire général, Nations Unies
13 janvier 1986 Yasuhiro Nakasone, premier ministre, Japon
6 avril 1987 Ronald W. Reagan, président, États-Unis
25 mai 1987 François Mitterand, président, République française
10 mai 1988 Sa Majesté la Reine Beatrix des Pays-Bas
16 juin 1988 Helmut Kohl, chancelier, République fédérale d’Allemagne
22 juin 1988 Margaret Thatcher, premier ministre, Royaume-Uni
27 février 1989 Chaïm Herzog, président, État d&’Israël
11 octobre 1989 Sa Majesté le Roi Hussein Bin Talal, Royaume hachémite de Jordanie
18 juin 1990 Nelson Mandela, vice-président, Congrès national africain
8 avril 1991 Carlos Salinas de Gortari, président, Mexique
19 juin 1992 Boris Eltsine, président, Fédération de Russie
23 février 1995 William J. Clinton, président, États-Unis
11 juin 1996 Ernesto Zedillo, président, Mexique
24 septembre 1998 Nelson Mandela, président, République sud-africaine
29 avril 1999 Vaclav Havel, président, République tchèque

Depuis les années 1970, la pratique normale de la Chambre consiste à adopter une motion, sans débat, portant réunion des deux chambres pour entendre un discours [112] . En plus d’ordonner d’imprimer l’allocution et les discours connexes en annexe des Débats [113], la motion précise parfois aussi la date et l’heure d’ajournement de la Chambre, en plus d’assortir d’autres conditions l’ordre des travaux le jour de l’allocution. Dès 1980, la motion autorisait en outre la transmission de l’allocution et des discours connexes par les médias [114] .

Lorsqu’une allocution est prononcée devant les chambres réunies, les sénateurs et les députés se regroupent dans la salle de la Chambre des communes. L’assemblée ne tient cependant pas une séance et la masse n’est pas posée sur le Bureau. Un cérémonial est respecté néanmoins.

L’attribution des places à la Chambre n’est pas celle d’une séance normale. Le Président de la Chambre occupe le fauteuil, et le Président du Sénat s’assoit à sa droite. Un lutrin est placé à l’extrémité du Bureau, qui est débarrassé de tout ce qu’on y trouve d’habitude. Le premier ministre et le visiteur de marque prennent place du côté du Bureau qui se trouve à la droite du Président, en face du Greffier du Sénat et du Greffier de la Chambre des communes. Des places sont prévues, sur le parquet de la Chambre, devant le Bureau, pour le reste de la suite officielle, les juges de la Cour suprême et les sénateurs.

À son arrivée à l’édifice du Centre, le visiteur de marque est accueilli dans la rotonde par le premier ministre et les Présidents des deux chambres, et signe les livres des visiteurs du Sénat et de la Chambre des communes. À l’heure fixée, la suite officielle pénètre dans la salle de la Chambre des communes. Le premier ministre accueille officiellement le visiteur et l’invite à s’adresser à l’assemblée. Une fois l’allocution terminée, le Président du Sénat remercie le visiteur, suivi du Président de la Chambre des communes, qui lève ensuite l’assemblée. La suite officielle quitte alors la Chambre pour se rendre aux appartements du Président de la Chambre des communes.


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