Les questions écrites
Alors que les questions orales sont posées sans préavis sur des sujets jugés urgents, les questions écrites
sont inscrites au Feuilleton, après avis, dans le but d’obtenir du gouvernement des renseignements
détaillés ou techniques concernant « quelque affaire publique » [167] .
La règle précise que les députés peuvent poser des questions à d’autres députés sur
un projet de loi, une motion ou une autre affaire publique relative aux travaux de la Chambre qui peuvent les intéresser. Nonobstant
cette règle, ces demandes de renseignements transmises par écrit sont habituellement adressées aux ministres. Le
Règlement semble plutôt muet sur la façon dont on devrait répondre aux questions adressées aux
députés. En fait, il n’est jamais arrivé qu’une question écrite soit adressée à un
député. Toute tentative de ce genre irait à l’encontre des usages établis et du but même des
questions posées au gouvernement.
Historique
Dès 1867, les règles de la Chambre des communes permettaient de poser des questions écrites au gouvernement et aux
députés [168] .
La règle d’alors, qui était pratiquement identique à la disposition actuelle du Règlement,
précisait, comme c’est encore le cas, que les questions peuvent être adressées aux députés comme
aux ministres, mais on constate que les questions ont été dès le début adressées aux ministres [169] .
Cet usage, qui s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui, a été périodiquement renforcé
par des ajouts au Règlement mentionnant la façon de répondre aux questions inscrites au Feuilleton; dans
chaque cas, on semble supposer que ces questions s’adressent à des ministres [170] .
Entre 1867 et 1896, lorsqu’une question écrite était mise en délibération, le député qui
l’avait fait inscrire au Feuilleton se levait pour la lire et le ministre responsable donnait ensuite une réponse.
Quand la question était mise en délibération et une réponse était fournie, l’échange
était imprimé au complet dans les Débats; aucune question supplémentaire n’était permise [171] .
Toute question mise en délibération et restant sans réponse était automatiquement rayée du
Feuilleton et le député devait la faire inscrire de nouveau s’il souhaitait toujours obtenir une réponse [172] .
En 1896, la pratique a été modifiée afin de raccourcir la période de temps consacrée à
l’étude des questions écrites. Un processus de numérotation des questions a été mis en place
pour que le député n’ait plus à lire la question au complet lorsqu’elle est appelée [173] .
En 1906, les questions écrites nécessitant de longues réponses pouvaient être reportées sans débat
à une autre rubrique du Feuilleton comme avis de motion [174] .
Cette règle a été adoptée parce que l’on croyait que la Chambre consacrait beaucoup trop de temps
à la lecture des réponses aux diverses questions. À l’époque, les questions qui avaient été
mises en délibération, mais auxquelles on n’avait pas répondu pouvaient, à la demande du gouvernement
et avec le consentement des députés concernés, demeurer inscrites au Feuilleton et y garder leur rang
plutôt que d’en être automatiquement rayées [175] .
En 1910, les règles ont été modifiées afin de permettre aux ministres de faire paraître leurs
réponses dans les Débats comme si elles avaient été lues à la Chambre; les députés
qui souhaitaient obtenir une réponse orale à une question écrite pouvaient le faire en marquant leurs questions
d’un astérisque. En outre, une nouvelle règle permettait au gouvernement de déposer des réponses longues
ou détaillées. Ces réponses ont été appelées « ordres de dépôt de
documents [176] ».
Dans la plupart des cas, les documents étaient déposés immédiatement après l’adoption de l’ordre.
Ces réponses devenaient des documents parlementaires et n’étaient pas imprimées dans les Débats.
La façon de répondre aux questions écrites a changé relativement peu jusqu’en 1963, lorsque le processus
a été une autre fois amélioré afin de permettre à la Chambre d’examiner précisément
les questions pour lesquelles le gouvernement était prêt à répondre publiquement. La Chambre pouvait
dorénavant examiner seulement les questions auxquelles le gouvernement répondrait ce jour-là plutôt que de
procéder à l’appel de toutes les questions écrites inscrites au Feuilleton. Une fois que cela était
fait, le gouvernement demandait que toutes les autres questions demeurent inscrites au Feuilleton [177] .
En 1986, la Chambre a convenu de limiter à quatre le nombre de questions que chaque député pouvait faire inscrire au
Feuilleton en même temps [178] ,
dont trois auxquelles on pouvait répondre oralement à la Chambre [179] ,
tout en codifiant le droit des députés d’exiger une réponse à une question écrite dans les 45 jours
civils suivant son dépôt [180] .
En 1991, les règles ont été une nouvelle fois modifiées afin de permettre aux députés dont les
questions étaient demeurées sans réponse après le délai de 45 jours de soulever ce sujet au moment du
débat d’ajournement [181] .
Lignes directrices sur les questions écrites
En général, les questions écrites sont assez longues, souvent de deux paragraphes ou plus, et elles visent à
obtenir des renseignements détaillés ou techniques d’un ou de plusieurs ministres ou organismes gouvernementaux. Ce
sont à la fois les règles et les coutumes et usages de la Chambre qui régissent la forme et le contenu des questions
écrites. Plusieurs lignes directrices et restrictions remontent à la Confédération. Au fil des ans et à
la suite de décisions de la présidence, la liste des restrictions s’est considérablement allongée [182].
Pendant ce temps, certaines restrictions sont devenues désuètes ou inopérantes. Ainsi, c’est le Greffier qui
est devenu dans une très grande mesure responsable de la recevabilité des questions écrites. Mis à part une
déclaration du Président en 1965, dans laquelle il indiquait que certaines restrictions ne s’appliquaient plus [183] ,
il n’existe aucune liste définitive des restrictions qui sont toujours valables [184] .
Toutefois, comme l’a reconnu la présidence, bon nombre de ces restrictions sont devenues inopérantes avec le temps [185] .
Une question écrite est jugée recevable si elle respecte les lignes directrices générales relatives aux
questions orales et les restrictions prévues dans les règles. Une question écrite vise à obtenir des
renseignements et non à en fournir à la Chambre. Les questions doivent être cohérentes et concises, et porter
sur « quelque affaire publique »; il n’est cependant pas acceptable « d’avancer des
arguments ou des opinions, ou d’énoncer des faits, autres que ceux qui sont indispensables pour expliquer la question ou
la réponse [186] ».
Le Greffier, qui agit au nom du Président, dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour s’assurer que les questions
inscrites au Feuilleton des Avis respectent les règles et coutumes de la Chambre [187] .
Comme une question écrite vise à obtenir une réponse précise et détaillée, il incombe au
député qui fait inscrire une question au Feuilleton des Avis « de veiller à ce qu’elle
soit soigneusement formulée pour susciter les renseignements recherchés [188] ».
Le Greffier peut ordonner qu’une question soit divisée en deux ou plusieurs questions s’il la juge trop vaste [189] .
Si une question présente des irrégularités, le Greffier en informe le député qui peut alors la modifier [190] .
Un avis de 48 heures est exigé pour l’inscription d’une question écrite au Feuilleton [191] .
Un député peut indiquer qu’il souhaite recevoir une réponse orale à une question durant les affaires
courantes en marquant la question écrite d’un astérisque lorsqu’il la soumet [192] .
C’est ce que la Chambre appelle les « questions marquées d’un astérisque ». Les
députés ne peuvent marquer ainsi d’un astérisque que trois des quatre questions qu’ils sont autorisés
à faire inscrire au Feuilleton [193] .
Un numéro est attribué à chaque question.
Retrait d’une question écrite
Un député peut retirer une question écrite inscrite au Feuilleton en le demandant par écrit au Greffier
de la Chambre. Il peut également, en séance, demander au Président de retirer la question [194] .
Les réponses
Les réponses aux questions écrites sont présentées à chaque séance, durant les affaires courantes,
à la rubrique « Questions inscrites au Feuilleton [195] ».
Un député, habituellement le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre, se lève pour
indiquer les numéros des questions auxquelles on répondra ce jour-là et pour fournir des réponses orales aux
questions marquées d’un astérisque [196] .
Le secrétaire parlementaire peut aussi demander le consentement de la Chambre pour qu’il soit considéré qu’on
a répondu oralement à une question marquée d’un astérisque sans lire à haute voix le texte de la
réponse, ou pour fournir une réponse très longue à une question, en déposant la réponse sous forme
de document; cela s’appelle transformer une réponse en un ordre de dépôt de document [197] .
Pour ce faire, le Président demande à la Chambre si elle est d’accord [198] .
Si le gouvernement ne peut obtenir le consentement de la Chambre, il lira la réponse dans le cas d’une question marquée
d’un astérisque, ou il choisira soit de ne pas répondre à la question ce jour-là [199] ,
soit de demander à un ministre de déposer la réponse dans le cas d’une demande de dépôt de document.
Enfin, le secrétaire parlementaire demandera ensuite que les autres questions auxquelles on n’a pas répondu demeurent
inscrites au Feuilleton et y gardent leur rang. De telles demandes sont présentées et approuvées
régulièrement [200] .
Le Président a indiqué qu’étant donné que cette procédure est devenue automatique, cette requête
ne peut donner lieu à un débat [201] .
Si le consentement est refusé par un député, sa ou ses questions seront rayées du Feuilleton exactement
comme si le gouvernement n’avait pas formulé cette demande. Le député devrait alors soumettre de nouveau les questions
en présentant les avis requis. Si on ne répond à aucune question au cours d’une séance, le secrétaire
parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre demande que toutes les questions demeurent inscrites au Feuilleton.
Les lignes directrices sur la forme et le contenu des questions écrites s’appliquent également aux réponses fournies
par le gouvernement. Ainsi, aucun argument ou opinion ne doit être présenté et seule l’information nécessaire
à la réponse doit être fournie afin que le processus demeure un échange de renseignements plutôt que de devenir
une occasion de débat [202] .
Le gouvernement peut, en réponse à une question écrite, indiquer à la Chambre qu’il ne peut y répondre [203] .
Il est arrivé que le gouvernement fournisse des réponses supplémentaires à des questions auxquelles il avait
déjà répondu [204] .
Le Président a toutefois statué qu’il n’est pas acceptable pour le gouvernement d’indiquer dans une réponse
à une question écrite le temps et les coûts liés à la préparation de la réponse [205] .
Aucune disposition du Règlement ne permet au Président de contrôler les réponses que le gouvernement donne aux questions.
S’il est arrivé à plusieurs reprises que des députés soulèvent une question de privilège à
la Chambre concernant l’exactitude des renseignements fournis en réponse à des questions écrites, dans aucun cas on a
jugé qu’il y avait de prime abord atteinte au privilège [206] .
Le Président a jugé qu’il ne lui incombe pas de déterminer si le contenu des documents déposés à la
Chambre est exact ou encore « de décider dans quelle mesure un député peut savoir ou non si les renseignements
contenus dans un document sont exacts [207] ».
Les questions restées sans réponse dans le délai de quarante-cinq jours civils
Lorsqu’il dépose une question, le député peut demander que le gouvernement y réponde dans les 45 jours civils [208] .
Mais aucune disposition du Règlement n’oblige le gouvernement à répondre dans ce délai et les députés
se sont souvent plaints à la Chambre que le gouvernement n’avait pas répondu à des questions écrites dans les 45
jours. Le gouvernement a expliqué que le volume et la complexité des questions l’empêchent parfois de respecter ce délai [209].
Lors de ces discussions, la présidence a souligné que le Règlement ne lui permettait pas d’ordonner au gouvernement de
produire une réponse dans les 45 jours prévus [210] .
Néanmoins, le Président a exhorté « ceux qui sont chargés de préparer ces réponses à
réfléchir à cet article du Règlement et à se rendre compte que lorsqu’ils tardent trop à fournir la
réponse à leur ministre, ils nous placent tous dans une situation extrêmement difficile et font perdre le temps des députés [211] […] ».
Si le gouvernement n’a pas répondu à une question écrite dans les 45 jours prévus, les députés peuvent
soulever cette question lors du débat sur la motion d’ajournement [212] .
Ordres de dépôt de documents
Dans certains cas, les questions longues et complexes qui exigent la collecte de renseignements auprès de plusieurs ministères, ou des
réponses trop longues pour être imprimées dans les Débats, sont transformées en ordres de dépôt
de documents (c.-à-d. des documents qui doivent être fournis suite à un ordre adopté par la Chambre). Même si la
règle précise que c’est le ministre qui doit décider que la réponse devrait prendre la forme d’un document
et que c’est lui qui doit indiquer qu’il est prêt à déposer le document sur le Bureau [213] ,
dans la pratique, c’est le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre qui se charge d’en informer la
Chambre. Le consentement de la Chambre est demandé et habituellement accordé [214] .
Le document est alors déposé et devient un document parlementaire [215] .
Tous les députés peuvent ainsi le consulter en s’adressant au Greffier, mais il n’est pas imprimé dans les
Débats. Il n’est pas nécessaire que le document déposé réponde à toutes les parties de la
question initiale [216] .
Les règles permettent également au Président de transformer une question écrite en avis de motion s’il estime
qu’une question nécessiterait une longue réponse ou si le gouvernement le lui demande [217] .
Un tel avis de motion ne pourrait alors être pris en considération que pendant les « Affaires émanant des
députés ». Cependant, dans une décision rendue en 1989, le Président Fraser a refusé de transformer une
question écrite en avis de motion [218] .
En choisissant de ne pas donner suite à la demande du gouvernement, le Président a indiqué qu’il ne saurait
« donner effet aux dispositions du paragraphe du Règlement invoqué dans notre contexte actuel sans porter préjudice
au droit des simples députés de contrôler pleinement leurs affaires en choisissant eux-mêmes la meilleure façon de
rechercher l’information : soit en faisant inscrire des questions au Feuilleton, et peut-être en demandant que le
gouvernement y réponde dans le délai de quarante-cinq (45) jours; soit en présentant un avis de motion qui, s’il est choisi
après un tirage au sort, sera débattu au cours de l’étude des affaires émanant des députés ».
Le Président a signalé que la règle, adoptée par la Chambre en 1906, n’avait pas été utilisée
pendant de nombreuses années et que son application des décennies plus tard irait à l’encontre des réformes qui
avaient été apportées depuis à la procédure des questions écrites. Le Président a indiqué
que lorsque le gouvernement répond à une question écrite nécessitant une réponse longue ou détaillée,
il peut la transformer en un ordre de dépôt de document, une pratique acceptable et fréquente. La présidence a
également souligné que le gouvernement peut refuser de répondre à une question écrite tout en donnant, s’il
le souhaite, la raison de ce refus. De la même façon, le gouvernement peut expliquer pourquoi la réponse ne peut être
donnée dans le délai de 45 jours.
Transfert au débat d’ajournement des questions écrites restées sans réponse
Comme on l’a déjà vu, si une question écrite inscrite au Feuilleton (pour laquelle on a demandé une
réponse dans les 45 jours) reste sans réponse à l’expiration du délai, le député qui a fait inscrire
la question peut intervenir durant les affaires courantes, à l’appel de la rubrique « Questions inscrites au Feuilleton »
pour donner avis qu’il a l’intention de soulever cette question lors du débat sur la motion d’ajournement [219] .
La question est alors rayée du Feuilleton et mise en délibération au moment du débat d’ajournement. Cette
règle a été adoptée par la Chambre le 11 avril 1991, les députés étant de plus en plus frustrés
de ne pas recevoir de réponses aux questions écrites dans le délai prévu [220] .
Cette procédure permet également aux députés qui ont déjà fait inscrire au Feuilleton les quatre
questions prévues, de débattre une ou plusieurs de ces questions à la Chambre afin de pouvoir en faire inscrire d’autres [221] .
Incidences de la prorogation sur les questions écrites
La prorogation du Parlement élimine tout ce qui est inscrit au Feuilleton, annulant ainsi toute demande de renseignements sous la
rubrique « Questions inscrites au Feuilleton ». Les députés qui souhaitent obtenir ces renseignements
doivent présenter de nouveau leurs questions afin qu’elles soient réexaminées au cours de la nouvelle session [222] .