Les rappels au Règlement
Lorsqu’un député juge que les règles ou les coutumes de la
Chambre, en ce qui concerne par exemple la pertinence des interventions ou les
répétitions, les remarques non parlementaires ou le quorum, ont été
transgressées ou mal appliquées pendant une séance, il peut invoquer le
Règlement afin de porter la chose à l’attention de la présidence [257] .
Il peut le
faire à peu près à n’importe quel moment, à condition de formuler son objection
et de présenter brièvement ses arguments [258]
dès qu’il
constate l’irrégularité [259] .
Les rappels au
Règlement touchant les questions de procédure doivent être faits promptement,
avant que le débat n’en soit rendu à un stade où une telle intervention serait
déplacée. Comme ces rappels portent sur l’interprétation des règles de
procédure, il appartient au Président d’en déterminer le bien-fondé et de
résoudre la question qu’ils soulèvent [260] .
Il
est fréquent que des députés fassent des interventions de cette nature, mais les
véritables rappels au Règlement sont rares. En fait, les députés ont souvent
recours à cette manœuvre simplement pour tenter d’obtenir la parole et de
participer au débat en cours; dans les cas de ce genre, le Président ne leur
permet pas de poursuivre [261] .
Chaque rappel
au Règlement doit être réglé avant qu’il soit possible d’en faire un nouveau. En
outre, lorsqu’un député invoque le Règlement pendant l’examen d’une question de
privilège, le rappel au Règlement a préséance jusqu’à ce que le Président ait
déterminé s’il y a effectivement eu contravention à une règle et qu’il ait
tranché la question [262] .
Il est déjà
arrivé toutefois que le président refuse d’entendre une objection pendant
l’examen d’une question de privilège [263] .
Par ailleurs,
en cas de désordre sur le parquet ou dans les tribunes, la nécessité de rétablir
l’ordre obligerait là encore le Président à mettre temporairement de côté un
rappel au Règlement.
Les règles relatives aux rappels au règlement
N’importe quel député peut interrompre le député qui a la
parole pendant un débat et porter une irrégularité de procédure à l’attention de
la présidence dès qu’elle se produit; le député qui avait la parole doit alors
reprendre son siège jusqu’à ce que l’affaire ait été réglée d’une manière ou
d’une autre [264] .
Lorsqu’il
obtient la parole à son tour, le député qui a soulevé l’objection doit se
contenter d’indiquer sur quelle pratique ou quel article du Règlement porte son
intervention; autrement, le Président peut lui demander de le faire.
En
vertu du Règlement, un rappel au Règlement peut faire l’objet d’un bref débat si
le Président y consent [265] .
Cette règle,
déjà en vigueur à l’Assemblée législative de la Province du Canada, a été
maintenue au moment de la Confédération [266] .
De nombreux
députés croyaient d’ailleurs que la règle prévoyait la tenue d’un débat sur tout
rappel au Règlement avant que le Président ne rende sa décision. En fait, la
règle et la pratique ne concordaient pas avant 1906, l’année où la règle a été
modifiée dans le but de légitimer la coutume voulant que les rappels au
Règlement puissent faire l’objet d’un débat à la discrétion du
Président [267] .
Au début des
années 1980, les rappels au Règlement suscitaient des discussions de plus en
plus longues, et les occupants du fauteuil se sentaient obligés d’intervenir; il
est même arrivé qu’ils refusent d’accorder la parole à des députés qui
soulevaient une objection [268] .
Malgré les
pressions des députés, les Présidents successifs ont appliqué le Règlement avec
de plus en plus de rigueur et, tout en autorisant le débat sur certains rappels
au Règlement, ils en limitent considérablement la longueur. Par ailleurs,
lorsqu’un député invoque le Règlement pendant un discours, le Président décide
si l’intervention est incluse ou non dans le temps alloué pour cette étape du
débat [269] .
Il
existe de nombreuses exceptions à la règle selon laquelle le rappel au Règlement
doit se faire dès que l’irrégularité de procédure se produit. Par exemple, les
objections soulevées pendant le débat sur la motion d’ajournement sont examinées
le jour de séance suivant [270].
Les
rappels au Règlement qui se produisent pendant la Période des questions ou les
Déclarations de députés sont habituellement reportés à la fin de la Période des
questions [271] .
Entre la
Confédération et 1975, la coutume voulait que les rappels au Règlement soient
faits dès que se produisaient les irrégularités de procédure sur lesquelles ils
portaient, même pendant la Période des questions [272] .
La Chambre a
toutefois décidé en 1975, dans le cadre de la réforme touchant l’ordre de ses
travaux et le déroulement de la Période des questions, qu’il ne devait pas y
avoir de rappels au Règlement pendant cette période [273] .
La décision
prise par la Chambre à cet égard ne constituait qu’une entente provisoire, mais
les Présidents successifs en ont maintenu l’esprit, malgré l’opposition
véhémente des députés, même après que l’entente eut cessé d’être en vigueur en
octobre 1977, la Chambre n’ayant pas donné de statut permanent à certains ordres
de session. Le Président a continué malgré tout d’appliquer cette nouvelle
pratique [274] ,
qui a été
étendue en 1982 aux Déclarations de députés [275]
et a finalement
été codifiée dans le Règlement de 1986 [276] .
Si un député
invoque le Règlement pendant la Période des questions ou les Déclarations de
députés, le Président indique qu’il l’entendra après la Période des
questions [277] .
Toute
question faisant l’objet d’un rappel au Règlement doit en principe être portée à
l’attention du Président après les Affaires courantes (à 10 heures le mardi et
le jeudi, à 15 heures le lundi et le mercredi, et à midi le vendredi) [278]
quoique, de nos
jours, le Président invite généralement les députés à soulever ces questions
après la Période des questions.
Les
députés ne peuvent pas faire de commentaires à la Chambre ou participer au débat
en soulevant une question sous prétexte d’un rappel au Règlement [279] .
Ils ne peuvent
pas invoquer le Règlement pour proposer l’ajournement de la Chambre [280] ,
l’ajournement
du débat ou la prolongation d’une séance [281] ,
ou encore pour
passer à l’Ordre du jour [282] ,
et ils ne
peuvent pas le faire non plus pendant la vérification du quorum [283] .
Malgré la
règle voulant que les députés ne puissent pas avoir recours à ce moyen pour
proposer une motion de fond [284] ,
ils s’en
servent souvent pour demander le consentement unanime de la Chambre au dépôt
d’une motion de ce genre [285] .
Pendant les
Affaires courantes, il est arrivé que des députés soient autorisés à invoquer le
Règlement pour demander où en était rendue l’étude d’une question figurant au Feuilleton [286]
ou d’un avis de
motion portant production de documents [287] .
Il est déjà
arrivé également qu’ils invoquent le Règlement pour obtenir le consentement
unanime de la Chambre afin de prolonger la période réservée aux questions et
observations à la suite d’un discours [288]
ou de passer
aux Affaires émanant des députés avant l’heure prévue [289] .
Un
ministre peut invoquer le Règlement à n’importe quel moment d’une séance pour
déposer un avis de motion de voies et moyens, quoique le Président ait déjà
laissé entendre que ces avis devraient être déposés à la fin des Ordres émanant
du gouvernement, avant le début de l’heure réservée aux Affaires émanant des
députés, ou encore entre le moment où un député reprend son siège après une
intervention et celui où un autre obtient la parole pour poursuivre le
débat [290] .
Les ministres
peuvent également invoquer le Règlement à n’importe quelle étape du débat pour
donner préavis oral d’une motion d’attribution de temps [291]
ou de
clôture [292] .
Les
rappels au Règlement peuvent se faire une fois le débat terminé, soit avant,
soit après la tenue d’un vote, mais il est interdit d’interrompre le Président
lorsque celui-ci met la question aux voix [293] .
Il est déjà
arrivé que la présidence doive refuser d’entendre un rappel au Règlement, soit
parce qu’elle avait déjà convoqué les députés pour un vote, soit parce que le
résultat du vote n’avait pas encore été annoncé [294] .
Si un député
signale une infraction au Règlement pendant la tenue d’un vote, celui-ci est
mené à terme avant que le rappel au Règlement ne soit examiné [295] .
Les rappels au
Règlement se rattachant à un vote sont généralement faits immédiatement après
l’annonce du résultat de ce vote [296] .
Les décisions relatives aux rappels au règlement
Le
Président a pour fonction de maintenir l’ordre et le décorum, et de décider de
toutes les questions de procédure qui peuvent se poser [297] .
Il doit
immédiatement porter à l’attention de la Chambre toute irrégularité dans le
débat ou la procédure, sans attendre l’intervention d’un député. Il doit en
outre régler les questions d’ordre une fois qu’elles se sont posées, et non par
anticipation. Par ailleurs, même si elles sont présentées comme des rappels au
Règlement, le Président ne peut pas répondre aux questions hypothétiques
touchant la procédure, ni aux questions de nature juridique ou
constitutionnelle [298] .
Lorsqu’un député invoque le Règlement, le Président tente
de régler la question immédiatement. Cependant, il peut au besoin prendre
l’affaire en délibéré et revenir plus tard devant la Chambre pour rendre sa
décision officielle [299] .
En cas de
doute, il peut également autoriser la tenue d’un débat sur le rappel au
Règlement avant de rendre sa décision, mais il n’accepte alors que les
commentaires se rapportant strictement à la question soulevée [300] .
Lorsqu’il rend
sa décision, le Président indique l’article du Règlement ou l’autorité
applicable en l’espèce, ou cite tout simplement le numéro de l’article
pertinent [301] .
Cette décision
est sans appel et clôt la discussion [302] .
Les députés ne
peuvent pas invoquer le Règlement pour discuter d’une question dont le Président
a déjà dit qu’il ne s’agissait pas d’une question de privilège [303] ,
ou pour
soulever une objection en tant que question de privilège après que le Président
eut statué que la question ne pouvait pas faire l’objet d’un rappel au
Règlement [304] .