La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Clôture

La clôture est une procédure qui permet de conclure le débat sur une question donnée par « une décision majoritaire de la Chambre, même si tous les députés qui voulaient prendre la parole ne l’ont pas fait [30]  ». L’article du Règlement portant sur la clôture [31]  donne au gouvernement le moyen d’empêcher tout nouvel ajournement du débat sur une question donnée et d’exiger qu’elle soit mise aux voix à la fin de la séance au cours de laquelle la motion de clôture a été adoptée. Mis à part des modifications de forme portant sur l’heure de la fin du débat [32] , la règle est restée à peu près inchangée depuis son adoption en 1913.

La clôture peut viser toute affaire faisant l’objet d’un débat, projets de loi et motions compris. La règle a été conçue pour s’appliquer à un comité plénier [33]  aussi bien qu’à la Chambre, mais non aux travaux des comités permanents, spéciaux, législatifs ou mixtes de la Chambre. Lorsque ces comités étudient des projets de loi, la Chambre peut utiliser la règle relative à l’attribution de temps [34]  afin d’imposer une date butoir à l’étape de l’examen en comité ou pour forcer un comité à présenter à la Chambre un rapport sur le projet de loi.

Historique

Adoptée à Westminster en 1881 et à la Chambre des représentants de l’Australie en 1905, la règle relative à la clôture ne l’a été à la Chambre des communes du Canada qu’en 1913 [35] . L’idée de la clôture avait été discutée à quelques reprises, mais la Chambre n’avait jamais été en mesure d’adopter une règle qui soit satisfaisante à la fois pour le gouvernement et pour l’opposition. En 1913, une opposition vigoureuse et bien organisée avait réussi à retarder l’adoption de mesures législatives du gouvernement à au moins quatre occasions [36] . Des interventions de cette époque font allusion au fait que, parfois, la Chambre est incapable de se prononcer sur une question, et, en 1911, au cours d’un de ces débats prolongés, un député de l’opposition a parlé de la possibilité de « discussions sans fin [37]  ». Le chef de l’Opposition, Robert Borden, qui allait un jour proposer la nouvelle règle, avait lui-même dit de la règle sur la clôture qu’il « faudrait bien [s’en] garder [38]  », mais une discussion de près de deux ans sur la politique navale l’a convaincu de la nécessité de présenter une motion qui prévoyait, entre autres choses, une règle sur la clôture. Ces modifications, vigoureusement combattues par l’opposition, ont été débattues pendant près d’un mois avant d’être adoptées [39] . Le gouvernement a immédiatement mis à l’essai la nouvelle règle, quelques jours à peine après son adoption, pendant le débat sur le projet de loi relatif aux forces navales, à l’étape de l’examen en comité plénier [40] .

Invoquée neuf fois entre 1913 et 1932, la règle sur la clôture n’a pas été invoquée, par la suite, pendant 24 ans. En mai et juin 1956, au cours du débat sur le pipeline, elle a été invoquée à chacune des étapes du processus législatif [41] . Cet épisode largement analysé et commenté a eu des répercussions durables sur la perception que les députés peuvent avoir du fonctionnement de la Chambre [42] .

La règle a fait l’objet d’examens et de discussions à de nombreuses reprises. En décembre 1957, le nouveau gouvernement Diefenbaker a fait inscrire au Feuilleton un avis de motion portant abrogation de la règle sur la clôture, mais la motion n’a jamais été débattue [43] . En juillet 1960, le premier ministre Diefenbaker a formulé le souhait « que le comité du Règlement de la Chambre étudie l’opportunité de supprimer le recours à la clôture [44]  ». Le Comité n’a jamais donné suite. En mars 1962, un autre comité spécial a été chargé d’étudier la procédure de la Chambre et plus particulièrement « d’examiner s’il est souhaitable d’abroger » la règle relative à la clôture [45] ; le comité n’a pas fait rapport sur la question. Le discours du Trône prononcé en septembre 1962 indiquait que la Chambre serait invitée à abolir la clôture, mais cette proposition est également restée lettre morte [46] . Au cours de la 30e législature (1974-1979), un sous-comité du Comité permanent de la procédure et de l’organisation a recommandé dans son rapport sur l’emploi du temps qu’un nouvel article inspiré de la règle relative à la clôture des Communes britanniques soit adopté [47] , mais cette proposition n’a jamais été recommandée à la Chambre. L’abrogation de la règle sur la clôture est une question qui refait surface périodiquement [48] .

Avis de clôture

Avant de proposer une motion de clôture, un ministre doit en avoir donné avis verbalement lors d’une séance antérieure de la Chambre ou d’un comité plénier. L’article n’est pas très précis au sujet du moment où cet avis peut être donné; aussi existe-t-il des précédents divers. L’avis de motion de clôture a été donné dans les circonstances suivantes : lorsque la Chambre n’était saisie d’aucune autre question [49] ; lorsque la motion visée par la motion de clôture était à l’étude [50] ; lorsque la question à l’étude n’avait aucun lien avec l’avis [51] . L’avis a été donné dès le premier jour de débat sur la motion visée [52]  et après un ou plusieurs jours de débat [53] . Quoi qu’il en soit, le débat sur l’affaire visée par l’avis de clôture doit avoir débuté avant que l’avis ne puisse être donné [54] .

Rien n’exige que l’avis de motion soit donné plus d’une fois, mais des ministres ont donné le même avis à plusieurs séances pour prévenir toute objection voulant que l’avis n’ait pas été donné au cours de la séance précédente [55] . Par ailleurs, il n’y a pas obligation de proposer la motion même si avis en a été donné; il y a eu des cas où aucune suite n’a été donnée à l’avis [56] . À une occasion, le gouvernement a donné avis de la motion de clôture sur quatre projets de loi distincts en même temps : trois projets à l’étape de la deuxième lecture et un à l’étape de la troisième lecture [57] ; cependant, il a fallu présenter quatre motions de clôture distinctes, une pour chaque projet de loi.

Motion de clôture

Une fois que l’avis a été donné de l’intention de proposer une motion de clôture, la motion peut être proposée au cours d’une séance subséquente, que ce soit le lendemain ou plus tard. La motion de clôture doit être proposée par un ministre, et le débat sur la motion ou le projet de loi visé doit avoir été ajourné au moins une fois avant que la motion de clôture ne puisse être proposée [58] . Elle doit être proposée immédiatement avant l’appel de l’Ordre du jour portant reprise du débat sur l’article visé, soit à la Chambre, soit dans un comité plénier.

Les motions de clôture ne peuvent être ni débattues, ni modifiées, et, une fois qu’elles ont été proposées, le Président de la Chambre ou le président du comité plénier met immédiatement la question aux voix : « Que le débat ne soit plus ajourné » (ou, en comité plénier, « Que le débat ne soit plus différé »). La durée du débat que le gouvernement permet sur une mesure avant de proposer la motion de clôture dépend de facteurs politiques. Il est arrivé que le Président soit prié de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour refuser de mettre une motion de clôture aux voix au motif que la mesure visée n’avait pas encore été débattue assez longtemps. Invariablement, la présidence a refusé d’intervenir dans l’application de l’article, jugeant chaque fois que la présidence n’avait pas le pouvoir d’intervenir dans le processus lorsque la règle de la clôture est appliquée correctement [59] .

Lorsqu’une motion de clôture a été adoptée, le débat reprend sur la mesure visée, ce qui donne le plus souvent lieu à une séance qui se prolonge dans la soirée. Le débat est soumis aux restrictions imposées par la règle sur la clôture [60] . Aucun député (pas même le premier ministre ni le chef de l’Opposition) ne peut prendre la parole plus d’une fois ni pendant plus de 20 minutes. Un député qui a participé au débat sur la motion principale avant l’adoption de la motion de clôture peut prendre la parole à nouveau si un amendement ou un sous-amendement est proposé pendant le débat régi par la motion de clôture, mais un député qui traite de la motion principale après l’adoption de la motion de clôture ne peut intervenir dans le débat sur quelque amendement ou sous-amendement subséquent. Toutes les affaires émanant des députés qui peuvent avoir été prévues ont lieu au moment qui leur est normalement réservé.

Toutes les questions nécessaires pour disposer de l’affaire visée par la motion de clôture doivent être mises aux voix au plus tard à 23 heures ou le plus tôt possible après cette heure, une fois que le député qui a pu obtenir la parole avant 23 heures a terminé son intervention [61] . Aucun député ne peut prendre la parole après 23 heures [62] , heure à laquelle le Président de la Chambre ou le président du comité plénier met aux voix toutes les questions nécessaires pour disposer de l’affaire visée par la motion de clôture, y compris tout amendement ou sous-amendement [63] . Si un vote par appel nominal est exigé à la Chambre, la sonnerie se fera entendre pendant au plus 15 minutes [64] . Si le débat prend fin avant 23 heures, la sonnerie d’appel au vote par appel nominal se fait entendre pendant au plus 30 minutes [65] . Le libellé de l’article du Règlement établit très clairement qu’une motion de clôture doit être mise aux voix « immédiatement ». Un vote par appel nominal, s’il est demandé, a donc lieu immédiatement, à moins qu’il ne soit reporté à une date ultérieure avec le consentement unanime de la Chambre, comme cela s’est fait à l’occasion [66] , ou par accord entre les whips de tous les partis reconnus [67] .

    En comité plénier, il n’est pas nécessaire que tous les articles du projet de loi aient été appelés et différés avant que la clôture ne soit invoquée [68] . En outre, après l’adoption de la motion de clôture, un article est automatiquement à l’étude dès qu’il a été appelé par la présidence [69] . Si l’étude d’un article se termine et que le débat commence sur l’article suivant, les députés ont 20 autres minutes pour traiter de cet article [70] . L’adoption d’une motion de clôture au cours d’une séance fait en sorte que l’étape de l’examen en comité se termine pendant la même séance [71] .


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