Le Parlement britannique voit se
développer deux formes de comités au cours du seizième
siècle : des petits comités d’au plus 15 personnes,
appelés « comités restreints » et de grands comités
composés de 30 à 40 membres, appelés « comités
permanents ». Les projets de loi étaient souvent examinés en
détail par les comités restreints et seuls leurs membres pouvaient
participer aux délibérations. Mais il devint courant au sein des
comités permanents de permettre à toutes les personnes
présentes d’intervenir. Avec le temps, les comités
permanents se sont transformés en comités
« généraux » ou « grands comités » dont
tous les députés faisaient partie. C’est sous le
règne de Jacques Ier (1603-1625) et de Charles Ier
(1625-1649) que l’appellation de comité plénier est
passée dans
l’usage [11] .
Créés en vue de discuter de projets de loi particulièrement
importants (projets de loi visant à imposer une taxe, ou concernant des
questions constitutionnelles, ce qui était fréquent dans les
Parlements des Stuart), ces comités permettaient aux
députés de s’exprimer aussi souvent qu’ils le
souhaitaient [12] .
Une autre raison d’étudier les projets de loi dans ce cadre
était que le débat était plus ouvert en raison de
l’absence « du Président, une présence contraignante,
dont on attendait à l’époque qu’il veille aux
intérêts du
Roi [13] ».
Dès le début du dix-huitième siècle, il était
devenu courant de renvoyer tous les projets de loi à de grands
comités pour une étude détaillée après la
deuxième
lecture [14] .
Ce fut là une façon efficace d’examiner les questions en
détail et, pour la Chambre, d’établir son emprise sur les
questions financières au cours de la deuxième moitié du
siècle [15] .
Au Canada, les assemblées
législatives coloniales ont calqué leurs procédures sur
celles de la Chambre des communes britannique. En 1792, les Assemblées du
Haut et du Bas-Canada ont adopté l’usage britannique de se
constituer en comité plénier pour examiner des mesures
législatives, ou des questions procédurales et constitutionnelles.
Le système de comités restreints de l’Assemblée du
Haut-Canada était même plus utilisé qu’en
Grande-Bretagne, et bon nombre de projets de loi étaient renvoyés
à ces comités après la deuxième
lecture [16] .
À partir de 1817, dans le Bas-Canada, quatre comités dont tous les
députés faisaient partie étaient créés au
début de chaque session et chargés par l’Assemblée de
siéger certains jours de la semaine. Ils portaient le nom de grands
comités des griefs, des tribunaux, de l’agriculture et du commerce.
En 1840, après l’union du Haut et du Bas-Canada, la plupart des
règles parlementaires en usage au Bas-Canada ont été
conservées [17] ,
et l’Assemblée législative de la Province du Canada a
continué de mener une bonne partie de ses travaux en comité
plénier [18] .
Au moment de la Confédération
en 1867, la Chambre des communes a adopté les règles de
l’ancienne Assemblée législative de la Province du Canada,
notamment les procédures et pratiques relatives aux comités
pléniers [19] .
De sorte que les questions concernant le commerce, la fiscalité ou les
recettes publiques devaient d’abord être examinées en
comité plénier avant que la Chambre des communes puisse adopter
une résolution ou un projet de
loi [20] .
En outre, les
adresses à la Couronne étaient souvent fondées sur des
résolutions d’abord examinées en comité
plénier [21] .
De 1867 à 1968, trois types de
comités étaient composés de l’ensemble des
députés : le Comité des subsides, le Comité des voies
et moyens et les comités pléniers. Le Comité des subsides
examinait, poste par poste, chaque demande de crédits (crédits
provisoires, Budget principal et Budget supplémentaire des
dépenses) [22] .
Quand le Comité recommandait à la Chambre que les crédits
demandés soient accordés et que la Chambre était
d’accord, les député se constituaient en Comité des
voies et moyens [23] .
Le Comité des voies et moyens étudiait ensuite les
résolutions visant à autoriser les dépenses à partir
du Fonds du revenu consolidé (le
Trésor) [24] ;
une fois que ces résolutions avaient fait l’objet d’un
rapport et avaient été adoptées par la Chambre, un projet
de loi de crédits fondé sur ces résolutions était
déposé [25] .
Le Comité des voies et moyens autorisait également de façon
préliminaire les propositions fiscales énoncées dans le
budget du ministre des
Finances [26] .
Un comité plénier discutait habituellement des résolutions
préalables aux projets de loi prévoyant la dépense de fonds
publics [27].
Il ne discutait que de l’opportunité de la mesure proposée,
puisque les détails n’en étaient pas encore connus. Le
débat pouvait s’éterniser. Une fois la résolution
approuvée, la Chambre procédait au dépôt et à
la première lecture du projet de
loi [28] .
Un comité plénier examinait également en détail la
plupart des projets de loi après la deuxième
lecture [29] ,
ainsi que
des questions comme les résolutions relatives aux traités et
conventions
internationales [30]
et les rapports de comités chargés d’étudier les
règles et procédures de la
Chambre [31] .
Peu de projets de loi du gouvernement (des mesures ne prêtant pas à
controverse) étaient renvoyés à des comités
permanents ou spéciaux pour étude. À l’époque,
les comités permanents et spéciaux ne s’occupaient pas de
travaux législatifs; ils approfondissaient plutôt certaines
questions. Les comités permanents n’étaient pas
habilités à adopter les articles d’un projet de loi. Une
fois qu’un comité permanent ou spécial avait
déposé son rapport, un comité plénier devait
réexaminer, article par article, le texte du projet de loi.
C’était le rapport du comité plénier que la Chambre
adoptait à l’étape du
rapport [32] .
Au cours des cent premières
années de la Confédération, seuls des changements mineurs
ont été apportés aux délibérations en
comité plénier. En 1910, la Chambre a modifié le
Règlement pour imposer la règle de la pertinence et autoriser le
Président à ordonner à un député qui persiste
à tenir des propos non pertinents ou répétitifs de mettre
fin à son discours; cette règle était reprise telle quelle
du Règlement de la Chambre des communes
britannique [33] .
En 1955, la Chambre a adopté le rapport d’un comité
recommandant de restreindre la durée des débats en comité
plénier et la durée des débats sur la motion invitant la
Chambre à se former en comité des
subsides [34] .
En octobre 1964, des règles sont adoptées pour limiter le
débat sur les résolutions préalables aux projets de loi
prévoyant la dépense de fonds publics, et réorganiser
l’ordre d’examen des articles d’un projet de loi en
comité
plénier [35] .
En 1968, un comité spécial
chargé de réviser les règles de la
Chambre [36]
critiquait
entre autres l’étude des mesures législatives en
comité plénier. Il faisait valoir que ce processus était
trop lourd et inefficace pour faire face à l’accroissement du
volume et de la complexité des mesures législatives et des
dépenses publiques. Le comité spécial recommandait
l’élimination de l’étape préliminaire de la
résolution en comité plénier pour les mesures fiscales, et
le renvoi de tous les projets de loi, sauf ceux fondés sur des motions de
crédits et de voies et moyens, à des comités permanents qui
pourraient les étudier en détail. Il recommandait également
que les projets de loi renvoyés à des comités permanents ne
soient pas réexaminés en comité plénier, que ceux
qui sont étudiés en comité plénier ne fassent pas
l’objet d’un débat à l’étape du rapport,
et que toutes les interventions dans ce forum soient limitées à 20
minutes [37] .
La Chambre a par la suite adopté un nouveau Règlement incorporant ces
recommandations [38] .
En 1975, des modifications provisoires ont
été apportées au Règlement concernant les travaux
des subsides de manière à permettre que des postes précis
du Budget des dépenses soient étudiés en comité
plénier plutôt que déférés à des
comités
permanents [39] .
Cet article provisoire a été reconduit d’un commun accord pour
la session suivante [40] ,
mais n’a pas été renouvelé par la suite. Les
procédures des comités pléniers ont été
changées de nouveau en 1985, la Chambre ayant modifié son
Règlement de façon provisoire suite à une recommandation du
Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes.
Celui-ci recommandait que les projets de loi fondés sur des motions de
voies et moyens soient renvoyés à des comités
législatifs créés spécifiquement pour l’examen
en détail des projets de loi, plutôt qu’à un
comité plénier. Seuls les projets de loi fondés sur une
motion de crédits portant adoption de prévisions
budgétaires ou de crédits provisoires seraient renvoyés
à un comité
plénier [41] .
Cette modification est devenue permanente en
1987 [42] .
De nos jours, tout projet de loi d’intérêt public, sauf s’il
est fondé sur une telle motion de crédits, est automatiquement
renvoyé à un comité permanent, spécial ou
législatif [43].