Historique
Précédents Britanniques
Les comités du Parlement britannique
existent sous une forme ou une autre depuis le quatorzième
siècle [1] .
Les
précurseurs des premiers comités parlementaires ont
été les personnes chargées de vérifier et
d’examiner les
pétitions [2],
et
la première tâche des comités tels que nous les connaissons
a été de rédiger des mesures législatives pour
donner suite aux pétitions accueillies favorablement par la Couronne.
Dès le milieu du seizième siècle, les comités
faisaient partie des rouages du système parlementaire, modifiant ou
« améliorant » les mesures législatives dont la Chambre
des communes avait approuvé le principe. Les comités avaient leurs
propres salles de réunion au palais de Westminster et leurs usages
revêtaient déjà un grand nombre de leurs
caractéristiques modernes, notamment des règles plus souples pour
régir les débats, le droit de nommer des sous-comités et
celui de convoquer des témoins. La Chambre a cependant toujours pris soin
de conserver le contrôle et la responsabilité à
l’égard des travaux qu’elle renvoyait aux comités.
À l’époque, on
distinguait deux types de comités : les grands comités de 30
à 40 membres et les petits, qui en comptaient 15 au plus. Les grands
comités, souvent composés de différentes classes de
députés (selon la profession, la région et les fonctions),
étaient chargés d’étudier les questions de fond. Au
début, ils étaient toujours classés comme des
comités « spéciaux », c’est-à-dire des
entités créées pour une fin particulière et
dissoutes aussitôt leur travail accompli. Avec le temps, certains de ces
grands comités ont reçu des ordres de renvoi (ou mandats) qui
valaient pour toute la durée d’une session. À titre de
comités « permanents », ils étaient chargés
d’un champ de responsabilité, comme l’étude
d’une catégorie de projets de loi ou un domaine particulier des
travaux de la
Chambre [3] .
Au milieu
du dix-septième siècle, un système de comités
permanents passablement élaboré était en place, et ce
système est resté à peu près inchangé pendant
les deux siècles qui ont
suivi [4] .
Les comités plus petits, auxquels
n’étaient nommés que des députés
expressément désignés par la Chambre, ont fini par
s’appeler les comités « restreints » (« select » en
anglais). Bien que n’importe quel député ait pu assister aux
délibérations d’un comité restreint, seuls les
personnes nommées membres de ce comité par la Chambre pouvaient
participer aux
délibérations [5] .
Par contre, dans les grands comités,
il est devenu courant qu’on permette à tous les
députés présents de prendre part aux échanges. Cette
pratique autorisant tous les députés à prendre la parole
dans ces comités a évolué, et on a commencé à
parler de comités « généraux » ou de
« grands » comités. Ultimement, la composition de ces
comités est devenue identique à celle de la Chambre même, et
ils ont été appelés « comités
pléniers » [6] .
Les grands comités sont devenus l’instance de prédilection
pour étudier les « projets de loi de grande préoccupation et
surtout les projets de loi levant des impôts ou autres recettes sur les
contribuables […] pour qu’il soit possible de tenir des débats
plus exhaustifs, car, dans un comité, les députés ont la
liberté de parler d’une même question aussi souvent
qu’ils le jugent nécessaire
[…] [7] ».
Le Long Parlement révolutionnaire
(1640-1660) [8] ,
qui a
assumé tous les pouvoirs de l’administration et du gouvernement
pour le Commonwealth, a écarté les grands comités et a
gouverné au moyen de petits comités. Les comités
pléniers semblaient « fort peu commodes », car ils accordaient
à l’opposition des droits égaux de participation aux
débats [9] .
À la
Restauration [10] ,
le
Parlement est revenu en 1661 aux grands comités pour les travaux les plus
importants et, dès 1700, il était de pratique courante
d’étudier les projets de loi en comité plénier
après la deuxième
lecture [11] .
Au fil
des ans, divers comités de réforme ont continué de proposer
que les projets de loi soient de nouveau renvoyés aux petits
comités, mais la Chambre a préféré la plus grande
transparence que permettait le comité plénier.
Procédure des Comités avant la Confédération
Contrairement à la pratique du
Royaume-Uni au dix-neuvième siècle, où la majorité
des travaux des comités était confiée à des
comités pléniers, les assemblées législatives du
Haut et du Bas-Canada renvoyaient régulièrement les projets de loi
pour étude à des comités
restreints [12] .
En
réalité, le système de comités permanents des deux
Canada, ainsi qu’il a évolué, s’apparentait davantage
à la structure de comités des assemblées
législatives coloniales américaines et du Congrès des
États-Unis qu’à celle du Parlement
britannique [13] .
Au
cours des années 1830, un système de comités passablement
évolué a fait son apparition.
En 1831, le Bas-Canada a commencé
à nommer un certain nombre de comités permanents
(c’est-à-dire des comités ayant un mandat permanent) au
début de chaque session. Un peu plus tard, en 1836,
l’Assemblée du Haut-Canada a nommé 12 comités
restreints et permanents chargés d’à peu près tous
les domaines d’activité du gouvernement, rompant avec la pratique
usuelle, qui voulait qu’on nomme des comités spéciaux ou
ad hoc au gré des
besoins [14] .
Les comités donnaient aux
députés des assemblées législatives une certaine
indépendance par rapport à l’exécutif et traduisaient
leur volonté de s’occuper plus directement des affaires du
gouvernement. Pour cette raison, le Conseil exécutif du Haut-Canada a
arrêté de nommer des comités permanents après la
rébellion de
1837 [15] .
De la
même façon, le gouvernement de la Province unie du Canada
(1841-1866) a tout d’abord refusé de créer un système
de comités permanents, soutenant que cela compromettrait le principe de
gouvernement
responsable [16] .
Élaboration des Règles régissant les Comités de la Chambre des communes du Canada
La Chambre des communes du nouveau Dominion
du Canada a hérité de la Province du Canada les règles
régissant ses comités. Elles étaient essentiellement
identiques à celles appliquées à l’Assemblée
législative du Bas-Canada avant l’Acte d’Union de
1840 [17] .
Les efforts
de réforme, tant avant qu’après la
Confédération, ont continué de refléter la
volonté de rendre l’Assemblée législative plus
efficace ou encore l’interminable lutte en vue de modifier
l’équilibre des pouvoirs entre l’assemblée
législative et le pouvoir exécutif.
Dans le premier Règlement
adopté en 1867, fort peu d’articles traitaient directement des
comités permanents ou spéciaux. Le Règlement
n’énumérait pas les comités qui devaient être
mis sur pied, ne donnait aucune précision sur leurs pouvoirs, leur
procédure ou l’autorité de la présidence. Il
interdisait cependant à un député qui s’était
prononcé contre la question renvoyée à un comité de
faire partie de ce
comité [18] .
Cette règle, caractéristique de la pratique parlementaire
britannique depuis au moins l’époque d’Elizabeth
1re, n’a été abrogée au Canada qu’en
1955 [19] .
De 1867 à 1906, la liste des
comités permanents de la
Chambre [20]
était établie par l’adoption d’une motion à
chaque session de chaque législature, d’habitude dans les premiers
jours suivant le discours du
Trône [21] .
En
1906, la Chambre ajoutait pour la première fois au Règlement une
liste des comités « permanents » qui devaient, selon la
décision de la Chambre, être constitués à toutes les
sessions, même si ces comités n’étaient actifs que
lorsque la Chambre leur ordonnait expressément d’étudier une
question
donnée [22].
Les
comités spéciaux et mixtes, dont le nombre et le mandat variaient
d’une année à l’autre, étaient également
établis dans le cours de chaque session. Également en 1906, la
Chambre a créé un comité de sélection chargé
de nommer les membres des comités
permanents [23] .
Vu la taille considérable de la
plupart des comités dans les premières années de la
Confédération (certains comptaient plus d’une centaine de
membres) et la règle fixant le quorum à la majorité des
membres, les grands comités avaient beaucoup de mal à rassembler
assez de membres régulièrement pour pouvoir siéger et
s’acquitter de leurs
travaux [24] .
C’est pourquoi, au fil des ans, la taille des comités permanents a
diminué, si bien que, à la 26e législature
(1963-1965), le maximum n’était pas supérieur à 15
membres; au cours de la 36e législature, le maximum est
remonté à 16 ou 18
membres [25] .
Par
ailleurs, le nombre de comités permanents de la Chambre est passé
de 10 en 1867 à 25 en 1986, pour être ramené à 17 au
cours de la 36e législature (1997- ) [26] .
Malgré le fait qu’une
structure de comités permanents fut établie à la
Confédération, pendant les 100 premières années, en
fait la plupart des comités ne se réunissaient pas d’une
session à l’autre et la plupart des travaux de la Chambre se sont
faits sur le parquet même de la Chambre, souvent en comité
plénier [27] .
À maintes reprises, la Chambre a envisagé de renforcer le
rôle des comités permanents, surtout pour l’étude du
Budget des dépenses. À plusieurs occasions, les
députés ont exprimé des inquiétudes parce que le
Budget des dépenses ne faisait pas l’objet d’une étude
détaillée à la Chambre et ils ont avancé
l’idée que l’étude serait plus efficace si les
prévisions de dépenses étaient tout d’abord
renvoyées pour examen à des comités permanents ou
spéciaux. Une proposition à cet effet a été
déférée à un comité spécial en
février
1925 [28] .
Le
comité n’a pas retenu la proposition, mais on a continué de
soulever la question à la Chambre. En juillet 1955, la Chambre adoptait
une motion permettant de retirer au Comité des subsides
l’étude du Budget des dépenses pour la confier à des
comités permanents ou
spéciaux [29] .
En 1958, la Chambre ajoutait un Comité permanent des prévisions de
dépenses [30] .
En 1964, un Comité spécial de la procédure et de
l’organisation proposait également que le Budget principal des
dépenses soit automatiquement renvoyé, dès son
dépôt, aux comités
permanents [31] .
En 1965, le Règlement a
été modifié de façon provisoire pour permettre aux
comités permanents d’examiner les prévisions de
dépenses [32] ,
mais ce n’est qu’en 1968 que la Chambre a accepté une
restructuration et une réorientation permanentes du système de
comités. Aux termes des nouvelles dispositions du Règlement, le
Budget principal des dépenses était déposé et
renvoyé aux comités permanents au plus tard le 1er mars
de chaque année, le rapport des comités devant être
présenté à la Chambre (ou réputé
présenté à la Chambre) au plus tard le 31 mai. En outre, il
était prévu que tous les projets de loi (autres que ceux
découlant des motions de subsides et de voies et moyens) seraient
étudiés par un comité permanent après la
deuxième
lecture [33] .
En 1982, la Chambre a de nouveau mis sur
pied un comité spécial chargé de revoir le
Règlement [34]
et a mis en œuvre de façon provisoire plusieurs de ses
recommandations. Parmi les modifications les plus importantes, figurent celles
prévoyant le renvoi d’office des rapports annuels des
ministères, organismes et sociétés d’État aux
comités permanents et autorisant les comités à entreprendre
de leur propre initiative des études ou enquêtes fondées sur
l’information fournie dans ces
rapports [35] .
Au
début de la législature suivante (1984-1988), la Chambre a
accepté de conserver les modifications
provisoires [36]
et a
chargé un autre comité spécial d’étudier
l’efficacité de tous les aspects de la procédure et de
l’administration de la
Chambre [37] . Ce
comité a recommandé d’élargir la portée des
mandats des comités, de leur accorder un large pouvoir leur permettant
d’étudier, pour en faire rapport à la Chambre, toute
question se rapportant aux ministères qui relèvent de leur
compétence; de créer une structure de comités qui
correspond autant que faire se peut à la structure de
l’administration
publique [38] ;
et
d’établir un comité de liaison regroupant les
présidents de tous les comités permanents et les présidents
ou vice-présidents appropriés des comités mixtes,
chargé d’attribuer les budgets aux
comités [39] .
Des modifications provisoires apportées au Règlement en 1986 ont
repris la majorité des recommandations du Comité concernant les
comités, et ces modifications ont été rendues permanentes
l’année
suivante [40] .
La
structure des comités permanents de la Chambre a été
rajustée en 1991 et 1994 pour tenir compte des changements survenus dans
l’administration
publique [41] .
Mis à part ces
réorganisations du système des comités, il y a eu deux
autres modifications d’importance dans les pratiques des comités
depuis les réformes du Comité McGrath, et elles tendent surtout
à mettre davantage en évidence les comités et les simples
députés et à améliorer leur efficacité. En
avril 1991, la Chambre a convenu d’autoriser les comités à
diffuser leurs délibérations dans le cadre de lignes directrices
arrêtées par le Comité permanent de la gestion de la
Chambre [42] ;
en
1994 [43] ,
le
Règlement a de nouveau été modifié pour autoriser la
Chambre à charger un comité d’élaborer un projet de
loi et de le déposer ou à renvoyer des projets de loi à un
comité avant la deuxième
lecture [44] .
Le but
visé par ces modifications était de donner aux simples
députés l’occasion de participer à
l’élaboration d’une politique avant que le gouvernement
n’arrête sa position sur une initiative législative
donnée [45] .