Historique
De 1867 à 1984
Temps réservé aux affaires émanant des députés
Au début de la
Confédération, une grande proportion du temps de la Chambre
était consacrée aux projets de loi d’intérêt
privé ou aux mesures proposées par de simples
députés. En 1867, le Règlement donnait la priorité
aux affaires émanant des députés certains jours de la
semaine [8] .
Cependant,
les gouvernements considéraient que cette répartition du temps ne
leur permettait pas de mener à bien leurs propres programmes
législatifs, et ils faisaient régulièrement étudier
leurs affaires en priorité par le biais d’ordres spéciaux ou
d’ordres sessionnels.
Au fil des ans, des changements ont
été apportés au Règlement afin de donner au
gouvernement plus de temps pour l’étude de ses propres affaires. En
1906, cette manière de procéder s’était à ce
point implantée que l’ordre hebdomadaire des travaux était
officiellement modifié, de sorte qu’après les quatre
premières semaines de chaque session, l’un des trois jours
réservés aux affaires émanant des députés
— le jeudi — était cédé aux affaires
émanant du
gouvernement [9] .
Entre 1906 et 1955, en raison du recours
aux ordres spéciaux et sessionnels, les affaires émanant du
gouvernement ont progressivement accaparé la presque totalité du
temps restant pour les affaires émanant des députés. En
1955, des modifications apportées au Règlement officialisaient de
nouveau la pratique d’accorder la priorité aux affaires
émanant du gouvernement : le nombre de jours réservés aux
députés, à savoir tous les lundis, tous les mercredis et
quatre jeudis par session, était réduit à six lundis et
à deux jeudis par
session [10] .
Selon la
longueur de chaque session, cette modification garantissait à tout le
moins que les huit jours prévus ne seraient pas davantage
invalidés par une suspension au moyen d’un ordre spécial ou
sessionnel.
En 1962, la Chambre abandonne
l’affectation d’un nombre déterminé de jours par
session aux affaires émanant des députés pour
réserver plutôt une heure par jour à cette fin. Cependant,
une fois cette heure utilisée à 40 reprises au cours d’une
session, elle cesse d’être réservée aux affaires
émanant des députés le lundi, le mardi et le mercredi et
elle continue à l’être le jeudi et le
vendredi [11] .
En 1968,
les affaires émanant des députés étaient
supprimées de l’ordre des travaux du mercredi et la règle
établissant un maximum de 40 prises en considération par session
ne valait plus que pour le lundi et le mardi; par la suite, les affaires
émanant des députés n’étaient
étudiées que le jeudi et le
vendredi [12] .
En 1982, l’examen des affaires
émanant des députés pendant une heure certains jours de la
semaine était remplacé par l’attribution d’un seul
jour, soit le mercredi, à ce type d’affaires. Ainsi, le temps
accordé pour les délibérations était réduit
d’une heure par semaine, passant de quatre à trois
heures [13] .
Cependant,
à la fin de 1983, la Chambre revenait à l’étude des
affaires émanant des députés une heure par jour le lundi,
le mardi, le jeudi et le vendredi, sans fixer comme auparavant un maximum pour
le nombre de prises en considération le lundi et le
mardi [14] .
Par suite
de l’omission de cette partie de l’ancienne règle, la
quantité de temps réservée aux députés se
trouvait en réalité accrue. (À la suite d’autres
changements au Règlement adoptés en avril 1991, le nombre de jours
par semaine où des affaires émanant des députés
étaient mises en délibération passait de quatre à
cinq, la séance du mercredi étant prolongée d’une
heure [15] .)
Priorité des affaires
De la Confédération
jusqu’à la fin des années 1950, les deux critères qui
déterminaient l’ordre dans lequel on étudiait les affaires
émanant des députés étaient la date de l’avis
et, dans le cas des projets de loi, l’étape atteinte dans le
processus législatif. Au cours de cette période également,
des critères secondaires, essentiellement destinés à
distinguer les divers types d’affaires l’un de l’autre, ont
pris de l’importance.
En 1910, par exemple, une modification
apportée au
Règlement [16]
accordait un degré de priorité plus élevé aux avis
de motions portant production de documents qui ne faisaient l’objet
d’aucune opposition. En revanche, les motions du même genre
auxquelles on s’opposait ont continué d’être prises en
considération avec les autres avis de motions jusqu’en 1961,
année où l’on a créé à leur intention
une rubrique distincte (Avis de motions (documents)) dans l’ordre des
travaux et à partir de laquelle elles ont été mises en
délibération lors de jours
précisés [17] .
De même, des changements
adoptés en 1927 interdisaient à tout député de faire
inscrire plus d’un avis de motion au Feuilleton à la fois.
Cet avis serait aussi rayé si l’on en faisait appel à deux
reprises sans y donner
suite [18] .
En outre,
d’autres règles permettaient la mise en suspens des projets de loi
ou avis de motions émanant des députés et leur report au
lendemain [19] .
Ce
genre de dérogations à l’ordre chronologique habituel,
fondé sur les diverses étapes de l’étude, qui se
doublaient de changements fréquents dans l’ordre quotidien des
travaux, ont par la suite conduit à l’adoption d’un ordre
fixe pour tous les types d’affaires émanant des
députés [20] .
Tout au long de cette période, le
volume des affaires émanant des députés s’est accru,
ce qui a engendré d’autres innovations dans la procédure. En
1958, le Président Michener instituait un système de tirage au
sort pour les avis de
motion [21] .
Chaque
député pouvait soumettre un avis au début de la session.
Ces avis étaient placés dans un récipient. Puis, en
présence du Président, du Greffier et des représentants des
partis, on les tirait au sort pour établir l’ordre dans lequel ils
seraient étudiés. Les avis donnés après le tirage au
sort étaient inscrits au Feuilleton après ceux qui avaient
été tirés au sort.
Au début d’une session
subséquente, cette manière de procéder a été
appliquée aux projets de loi d’intérêt public
émanant des députés. On procédait ainsi à
deux tirages au sort : l’un pour les avis de motions et l’autre pour
les projets de loi. Cependant, dans ce dernier cas, un député
pouvait donner avis de plusieurs projets de loi, car contrairement aux avis de
motions, aucune limite n’était imposée. Dans les deux cas,
lorsqu’une affaire avait été prise en considération,
mais qu’on en n’avait pas terminé l’étude, elle
tombait au bas de la liste. Les avis de motions appelés à deux
reprises et non étudiés étaient rayés du
Feuilleton comme auparavant.
Les députés ont bientôt
compris qu’en donnant avis de plusieurs projets de loi, ils
amélioraient leurs chances lors du tirage au sort. Forcément,
cette manière de procéder a eu pour conséquence que
certains députés ont obtenu davantage de temps que d’autres
à la Chambre. Pour permettre une répartition plus
équitable, les whips des partis ont limité chaque
député à un projet de loi parmi les cinquante premiers
à être tirés. Par ailleurs, à partir des
années 1970, l’organisation concrète de la période
réservée aux affaires émanant des députés
était confiée au bureau du leader du gouvernement à la
Chambre, une pratique critiquée par certains députés qui
croyaient qu’elle constituait une ingérence indue du gouvernement.
Par la suite, le Greffier de la Chambre est devenu responsable de
l’organisation de ce volet des travaux de la
Chambre [22] .
Le dernier grand changement apporté
avant l’adoption du système utilisé actuellement pour
établir l’ordre de priorité est survenu en 1982, lorsque
toutes les catégories d’affaires émanant des
députés (à l’exception des projets de loi
d’intérêt privé) ont été
combinées en un seul groupe pour lequel on procédait à un
seul tirage au sort des noms des députés au début de chaque
session. Une limite analogue à celle qui s’appliquait
antérieurement aux projets de loi était maintenue pour les
cinquante premières affaires à être tirées;
parallèlement à cela, on supprimait la limite d’un avis de
motion par
député [23] .
Depuis 1984
Les règles actuelles sur le
déroulement des affaires émanant des députés
découlent en grande partie des recommandations du Comité
spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le
« Comité McGrath ») établi en décembre 1984. Dans
son rapport final présenté à la Chambre en 1985, le
Comité formulait les observations suivantes :
La procédure actuelle est telle
que la Chambre n’attache pas une grande importance à ces mesures
[…] Aussi les députés sont-ils peu enclins à se
prévaloir du droit qui leur échoit par suite du tirage au sort qui
détermine l’ordre des affaires émanant des
députés. Ce manque d’intérêt tient surtout au
fait que ces projets de loi et ces motions se rendent rarement à
l’étape de la mise aux voix [24] .
Les recommandations subséquentes du
Comité entraînèrent des modifications au Règlement.
Adoptées à titre provisoire en février 1986, après
un long débat à la
Chambre [25] ,
ces
modifications constituèrent le fondement des règles actuelles sur
les affaires émanant des députés —
l’établissement de l’ordre de priorité, le processus
de détermination des affaires votables, et la façon dont ces
affaires seraient débattues. Depuis février 1986, d’autres
modifications ont été apportées au
Règlement.
En réaction aux problèmes
causés par l’absence des députés dont les affaires
devaient faire l’objet d’un débat, un ordre spécial a
été adopté en décembre 1986 afin d’autoriser
le Président à procéder à un échange
d’affaires non votables lorsqu’un député l’avise
qu’il ne pourra être présent à la Chambre au moment
où l’étude de son affaire est
prévue [26] .
En juin 1987, les dispositions provisoires
du Règlement deviennent permanentes et d’autres changements sont
adoptés en ce qui touche à l’ordre dans lequel les affaires
émanant des députés sont
étudiées [27] .
Le Président a le pouvoir de procéder à un échange
entre une affaire non votable d’un député qui ne peut
être présent et une affaire similaire d’un
député qui peut être présent à la Chambre. De
plus, le Feuilleton est changé pour présenter tous les
types d’affaires dans une même liste, y compris les projets de loi
d’intérêt privé et les projets de loi
d’intérêt public des députés qui sont
présentés en premier au Sénat.
En 1989, la Chambre adopte une motion
ordonnant au Comité permanent des élections, des
privilèges, de la procédure et des affaires émanant des
députés de procéder à une étude et de faire
rapport sur diverses méthodes et procédures relatives à la
conduite des affaires émanant des
députés [28] .
Le 6 décembre 1989, le Comité présente son septième
rapport qui comprend plusieurs recommandations concernant entre autres le choix
des affaires à inclure dans l’ordre de priorité, la
sélection des affaires votables, et la durée du débat sur
celles-ci [29] .
Le
rapport n’est pas adopté, mais il suscite quand même des
modifications au Règlement qui seront entérinées le 10 mai
1990 [30] .
Plusieurs changements significatifs sont
ainsi apportés au Règlement, comme le recommandait le
Comité permanent : on tirera au sort les noms des députés
plutôt que les diverses affaires, ce qui signifie que les
députés n’ayant soumis qu’une motion ou un projet de
loi auront les mêmes chances que ceux qui en ont soumis plusieurs; des
listes distinctes de projets de loi et de motions sont établies et le
nombre d’affaires votables est fixé à trois projets de loi
et à trois motions. La durée du débat sur les affaires
votables passe de cinq à trois heures, et l’heure
réservée aux affaires émanant des députés est
suspendue lors des jours réservés aux travaux des subsides. Ces
modifications sont adoptées de manière provisoire,
jusqu’à la dernière journée de séance de
décembre 1990.
En décembre 1990, le Comité
permanent des privilèges et des élections, après avoir
constaté que les dispositions provisoires du Règlement
approuvées en mai 1990 avaient donné de bons résultats,
recommande dans son vingt et unième rapport qu’on les rendent
permanentes [31] .
Il
propose ensuite un certain nombre d’autres changements, notamment
concernant l’échange d’affaires votables, l’heure
réservée aux affaires émanant des députés le
lundi, et le report des votes par appel nominal sur des affaires émanant
des députés à la demande des whips. D’autres
changements aux dispositions du Règlement régissant les affaires
émanant des députés, adoptés le 11 avril 1991 et en
grande partie fondés sur le vingt et unième rapport du
Comité, permettent de clarifier la procédure à suivre lors
du tirage au sort pour le choix des affaires à débattre,
réduisent le nombre d’heures de débat sur une affaire,
augmentent le nombre de jours par semaine où les affaires émanant
des députés sont étudiées, et améliorent
enfin le processus à suivre pour procéder à un
échange d’affaires qui seront débattues pendant
l’heure réservée aux affaires émanant des
députés [32] .
Le 29 avril 1992, deux rapports du
Comité permanent de la gestion de la Chambre sont adoptés, ce qui
permet de modifier le Règlement afin d’accroître le nombre
d’affaires votables et le nombre total d’affaires incluses dans
l’ordre de priorité, et de clarifier la marche à suivre pour
le report des votes par appel nominal sur des affaires émanant des
députés [33] .
À la suite de l’adoption du vingt-quatrième
rapport [34]
concernant
les votes par appel nominal sur des projets de loi ou motions émanant des
députés, l’habitude est prise d’enregistrer tout
d’abord le vote du parrain et ensuite le reste des votes du même
côté de la Chambre avant de passer de l’autre
côté. Après l’adoption du vingt-septième
rapport, l’ordre de priorité passe de 20 à 30 affaires, les
tirages sont tenus lorsque la liste contient moins de 15 affaires plutôt
que moins de 10, et le nombre maximal d’affaires votables passe de trois
projets de loi et trois motions à cinq projets de loi et cinq
motions [35] .
En 1998, le Règlement est
modifié afin que ce maximum ne soit plus de cinq projets de loi et de
cinq motions, mais plutôt de simplement dix affaires votables, et afin
d’établir une nouvelle procédure pour permettre
l’ajout d’une affaire à l’ordre de priorité
lorsqu’elle bénéficie de l’appui de 100
députés [36] .