Les projets de loi émanant des députés
Les projets de loi parrainés par des
députés se divisent en deux catégories : les projets de loi
d’intérêt public et ceux d’intérêt
privé. Les projets de loi d’intérêt public portent sur
des politiques publiques de compétence fédérale tandis que
les projets de loi d’intérêt privé traitent de
questions présentant un intérêt particulier ou
spécial pour des personnes ou sociétés précises et
visent à accorder à leurs bénéficiaires un pouvoir
particulier ou à les exempter d’une obligation légale. Les
procédures relatives aux projets de loi d’intérêt
public sont décrites dans le présent chapitre tandis que celles
qui sont liées aux projets de loi d’intérêt
privé sont expliquées au
chapitre 23, « Les projets de loi d’intérêt privé ».
Un projet de loi émanant d’un
député est habituellement rédigé avec l’aide
d’un conseiller législatif qui s’assure que le texte est
conforme aux règles du droit législatif si jamais il doit recevoir
la sanction royale. Pour rédiger une proposition législative, le
conseiller législatif utilise les instructions écrites
précises des députés quant aux motifs et objectifs de la
loi proposée, et il s’assure que le projet de loi est d’une
forme acceptable et qu’il respecte les conventions législatives et
parlementaires. Le conseiller législatif doit certifier qu’un
projet de loi émanant d’un député est
présenté dans une forme correcte. Une fois cette étape
franchie, le projet de loi est retourné au
député.
Les députés peuvent
également proposer une motion demandant qu’un projet de loi soit
préparé par un comité permanent, spécial ou
législatif [37] .
Si cette motion est choisie après le tirage au sort tenu pour
établir l’ordre de priorité, elle sera débattue
durant l’heure réservée aux affaires émanant des
députés. Si elle est désignée votable et plus tard
adoptée, elle se transformera en ordre demandant à un
comité d’élaborer et de déposer un projet de loi. Si
le comité élabore un projet de loi et le renvoie à la
Chambre, une motion d’adoption de ce rapport du comité peut
être présentée par un simple député durant
l’heure réservée aux affaires émanant des
députés si la motion d’adoption a également
été choisie après le tirage au sort visant à
établir l’ordre de priorité. Toutefois, si c’est un
ministre qui propose l’adoption du rapport, la motion sera
étudiée pendant les Ordres émanant du
gouvernement [38] .
L’adoption du rapport du comité devient un ordre de
dépôt d’un projet de loi fondé sur le rapport du
comité. Si le projet de loi est parrainé par un
député et qu’il est par la suite désigné
affaire votable, lorsque la motion de deuxième lecture est
proposée à la Chambre, le Président mettra
immédiatement aux voix toutes les questions nécessaires pour
disposer de l’étape de la deuxième lecture sans débat
ni amendement [39] .
Si
le projet de loi n’est pas désigné votable, il est
débattu pendant une heure et rayé du Feuilleton. Si un
ministre décide de parrainer le projet de loi, il est
étudié pendant les Ordres émanant du gouvernement et toutes
les questions nécessaires pour disposer de l’étape de la
deuxième lecture sont également mises aux voix sans débat
ni amendement.
Limitations financières
La Loi constitutionnelle exige que
les projets de loi proposant la dépense de fonds publics soient
accompagnés d’une recommandation royale qui ne peut être
obtenue que par le gouvernement et présentée que par un ministre.
Comme un ministre ne peut proposer d’affaires émanant des
députés, un projet de loi émanant des députés
ne devrait donc pas contenir de dispositions prévoyant l’engagement
de fonds publics. Toutefois, depuis 1994, un député peut
présenter un projet de loi d’intérêt public contenant
des dispositions entraînant la dépense de fonds publics pourvu
qu’une recommandation royale soit obtenue par un ministre avant que le
projet de loi ne franchisse la troisième lecture et ne soit
adopté [40] .
Avant 1994, la recommandation royale devait accompagner le projet de loi au
moment de sa présentation. C’est le Président qui
détermine si un projet de loi exige une recommandation royale et il est
autorisé à refuser de mettre aux voix des projets de loi qui
exigent une telle recommandation, mais qui n’en sont pas
accompagnés [41].
En ce qui touche à la
fiscalité, un député ne peut présenter de projet de
loi qui impose des taxes. Ce pouvoir de taxation appartient uniquement au
gouvernement et toute mesure législative visant à accroître
les taxes doit être précédée d’une motion de
voies et moyens [42] .
Or, seul un ministre peut présenter une telle motion. Toutefois, les
projets de loi émanant des députés qui visent à
réduire les taxes, à réduire l’incidence d’une
taxe, ou encore à imposer ou à accroître une exemption
d’une taxe sont
acceptables [43] .
Avis
Une fois qu’un projet de loi a
été rédigé, le député doit transmettre
un préavis de 48 heures de son intention de le présenter et y
préciser le comité auquel le projet de loi sera renvoyé
après la deuxième lecture. Le titre du projet de loi et le nom de
son parrain sont alors publiés dans le Feuilleton des Avis. Une
fois le délai de préavis de 48 heures expiré, le projet de
loi peut alors être présenté durant les Affaires courantes
et franchir l’étape de la première lecture lorsque le
député est
prêt [44].
Affaires semblables
Si un député transmet un
préavis concernant un projet de loi jugé substantiellement
identique à une autre affaire émanant des députés
déjà soumise, le Président peut refuser l’avis le
plus récent. Dans ce cas-là, le député qui parraine
la mesure en est informé et le projet de loi lui est
retourné [45] .
Cette procédure vise à empêcher qu’un certain nombre
d’affaires semblables soient choisies à la suite du tirage au sort
en vue de l’établissement de l’ordre de priorité. Dans
une décision rendue en 1989, le Président Fraser a
précisé que deux affaires ou plus sont substantiellement
identiques si elles ont le même but et si elles visent à atteindre
ce but par les mêmes
moyens [46] .
Ainsi,
plusieurs projets de loi peuvent porter sur le même sujet, mais si leur
optique est différente, la présidence pourrait juger qu’ils
sont suffisamment distincts.
On s’est déjà
demandé si un projet de loi émanant d’un
député semblable à un projet de loi émanant du
gouvernement pouvait être inscrit au Feuilleton et débattu.
Selon les ouvrages faisant autorité et les décisions
passées, rien n’empêche que des affaires semblables ne soient
inscrites au Feuilleton en même temps. Toutefois, comme la Chambre
ne peut prendre plus d’une décision sur une affaire donnée
durant une session, la prise d’une décision sur l’un de ces
projets de loi (par exemple, l’adoption ou le rejet de la motion de
deuxième lecture) empêchera de débattre de tout autre projet
de loi semblable [47] .
L’étude de projets de loi non votables, s’ils sont
rayés du Feuilleton après débat,
n’empêche pas l’examen d’autres projets de loi
similaires ou même identiques puisque la Chambre n’a pas à se
prononcer sur les affaires non
votables [48] .
Appuyeurs
Un député qui aimerait
appuyer un projet de loi déjà inscrit au Feuilleton peut en
informer le Greffier de la Chambre par écrit. Son nom sera ajouté
à la liste des appuyeurs dans le Feuilleton des
Avis [49] .
Une fois
que l’ordre portant deuxième lecture a été
proposé à la Chambre, aucun autre nom ne peut toutefois être
ajouté [50] .
Au
plus 20 députés peuvent appuyer conjointement une affaire inscrite
sous les affaires émanant des
députés [51] .
Le député qui appuie les motions de présentation et de
première lecture du projet de loi à la Chambre de même
qu’au cours des étapes subséquentes n’a pas à
être l’un des appuyeurs énumérés dans le
Feuilleton.
Présentation et première lecture des projets de loi émanant des députés
Pour pouvoir être choisis à la
suite du tirage au sort en vue de l’établissement de l’ordre
de priorité, les projets de loi émanant des députés
doivent avoir été présentés et avoir franchi la
première lecture à la Chambre avant le tirage. Le jour où
le député choisit de présenter son projet de loi, il se
lève durant les Affaires courantes, lorsque le Président appelle
la rubrique « Dépôt de projets de loi émanant des
députés » [52].
Le Président annonce ensuite le titre du projet de loi et la motion
demandant la permission de présenter le projet de loi est automatiquement
adoptée, sans débat ni amendement ni mise aux
voix [53] .
Le
député est autorisé à donner une brève
explication afin de décrire les motifs du projet de
loi [54].
Comme aucun
débat n’est permis à cette étape, le
député se contente souvent de lire la note explicative incluse
dans le projet de loi. Ce dernier est ensuite adopté d’office en
première lecture et son impression est ordonnée, toujours sans
débat ni amendement ni mise aux
voix [55] .
Le projet de loi est ensuite placé
dans la liste des « Affaires émanant des députés
— Affaires qui ne font pas partie de l’ordre de
priorité ». Cette liste, qui peut être consultée au
Bureau à la Chambre ou dans la version électronique du
Feuilleton, ne figure pas dans la version imprimée du
Feuilleton. Une fois sur cette liste, le projet de loi attend la
deuxième lecture et son renvoi à un comité. Lorsqu’il
soumet un projet de loi pour inclusion dans le Feuilleton des Avis, le
parrain doit indiquer le comité permanent, spécial ou
législatif auquel le projet de loi doit être renvoyé
après la deuxième lecture. Une période de deux semaines
doit s’écouler entre la première et la deuxième
lecture du projet de
loi [56] .
Projets de loi publics émanant du Sénat et parrainés par des députés
Certains projets de loi
d’intérêt public présentés par des
députés sont déposés en premier au Sénat et
sont ensuite envoyés aux Communes après leur adoption au
Sénat. Lorsque le Président appelle la rubrique
« Première lecture des projets de loi publics émanant du
Sénat », sous les Affaires courantes, le député
parrainant ce projet de loi à la Chambre a le droit d’expliquer
brièvement les motifs de la mesure sans toutefois s’engager dans un
débat. La motion de première lecture est ensuite adoptée
d’office sans débat ni amendement ni mise aux voix, et le projet de
loi est automatiquement ajouté au bas de l’ordre de priorité
pour les affaires émanant des députés sans être
assujetti à la procédure du tirage au
sort [57] .