On
mentionne souvent que la possibilité pour les citoyens de présenter des
pétitions au Parlement en vue du redressement d’un grief constitue un droit
fondamental, ou un principe constitutionnel fondamental [3] ,
mais la
Constitution est en fait muette sur ce point. Ce droit est toutefois bien
reconnu puisqu’il est fondé sur des précédents et une tradition établis il y a
plusieurs siècles.
C’est
au treizième siècle, sous Édouard Ier, qu’on a
commencé à présenter des pétitions à la Couronne (et plus tard au Parlement)
pour obtenir le redressement d’un tort. On avait ainsi recours à la prérogative
de la Couronne, qui se situait au-dessus de la loi. Lorsque ces pétitions
étaient jugées fondées, elles donnaient lieu à des lois d’intérêt privé dans le
cas des individus et des groupes, et à des lois d’intérêt public dans le cas de
la nation dans son ensemble.
Au
Moyen Âge, avant que le Parlement ne prenne sa forme actuelle et alors que ses
fonctions judiciaires et législatives n’étaient pas encore bien définies, les
receveurs et vérificateurs des pétitions nommés par la Couronne parcouraient le
pays pour entendre les plaintes de la population. Certaines questions étaient
renvoyées aux tribunaux locaux par les vérificateurs, mais d’autres étaient
jugées dignes d’être examinées par la haute cour du Parlement.
Lorsque le Parlement, un organe principalement judiciaire à
l’époque, s’est transformé en un corps avant tout législatif et que ses
fonctions judiciaires ont été reprises par les tribunaux, la nature des
pétitions a changé. À la fin du quatorzième siècle, les individus et sociétés
qui adressaient des pétitions au Parlement ou à la Chambre des communes
cherchaient à obtenir une « réparation » législative. À la même époque, les
pétitions présentées par la Chambre des communes à la Couronne — qui revêtaient
un caractère général et exprimaient des griefs nationaux — sont devenues
fréquentes. Les premiers actes législatifs du Parlement britannique sont
intervenus lorsque les Communes ont adressé une pétition au roi pour qu’il
modifie la loi (ce qui devait aboutir à la législation par projet de loi,
lorsque les Communes, plus tard, se chargeraient de rédiger la loi souhaitée
pour qu’elle puisse être ensuite acceptée ou rejetée — mais jamais modifiée —
par la Couronne). C’est au dix-septième siècle qu’on a vu apparaître ce qu’on
peut appeler aujourd’hui les pétitions « modernes », soit celles adressées au
Parlement, rédigées d’une manière prescrite et traitant habituellement de griefs
publics [4] .
Au
Canada, les dispositions relatives aux pétitions (qui existaient depuis
longtemps dans les assemblées législatives antérieures à la Confédération) ont
toujours fait partie des règles écrites de la Chambre [5] .
Les règles
adoptées en 1867 ont été quelque peu étoffées en 1910, et elles ont ensuite été
appliquées sans modification importante pendant 76 ans [6] .
Toutefois,
immédiatement après la Confédération, on a commencé à adopter toute une série de
pratiques qui ont fini par former un ensemble de conditions de forme et de
contenu qui, même si elles n’étaient pas incluses dans le Règlement, devaient
quand même être respectées pour qu’une pétition soit jugée acceptable à la
Chambre.
Au
début et au milieu des années 1980, un regain d’intérêt pour les pétitions a eu
pour effet que leur présentation accaparait une grande partie du temps de la
Chambre, au détriment parfois d’autres travaux [7] .
De plus, la
présidence a dû parfois intervenir afin de statuer sur des questions de
recevabilité ainsi que de présentation des pétitions [8] .
Par
conséquent, le Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes (le
Comité McGrath) formula plusieurs recommandations afin de clarifier les règles
relatives aux pétitions, d’uniformiser leur présentation, de garantir leur
recevabilité sur le plan du contenu et d’établir des lignes directrices quant à
leur forme et aux signatures des pétitionnaires [9] .
En 1986, la
Chambre a apporté des modifications au Règlement pour donner suite à ces
recommandations [10] .
La
modification la plus importante prévoyait la certification des pétitions par le
greffier des pétitions avant leur présentation à la Chambre. On établissait
aussi diverses conditions — dont certaines n’avaient jamais été codifiées, mais
qui étaient bien établies par l’usage et la pratique — qu’il fallait remplir
pour que les pétitions soient jugées correctes quant à leur forme et à leur
contenu (par exemple, les pétitions doivent comporter une requête priant de
prendre certaines mesures, adopter un ton respectueux et porter des signatures
originales). Des lignes directrices du Président mentionnaient ces conditions et
d’autres pratiques établies concernant la présentation des pétitions durant les
affaires courantes [11] .
Enfin, une
nouvelle règle obligeait le gouvernement à répondre aux pétitions.
En
1987, plusieurs modifications ont été adoptées, en particulier une nouvelle
disposition obligeant les signataires à indiquer leur adresse [12] .
De plus,
l’ordre et le nombre des rubriques inscrites sous les affaires courantes ont été
modifiés de sorte que la « Présentation de pétitions », auparavant la cinquième
des neuf rubriques, est devenue la neuvième de dix [13] .
En 1991, une
autre modification est venue limiter à 15 minutes la période consacrée à la
présentation des pétitions durant les affaires courantes [14] .
Une
modification adoptée en 1994 stipulait que les pétitions originales devaient
être transmises au gouvernement (Bureau du Conseil privé) et que les réponses du
gouvernement pouvaient être déposées auprès du Greffier de la Chambre [15] .