Processus législatif pour les projets de loi privés
Les
projets de loi privés sont assujettis aux mêmes règles que les projets de loi
publics : ils doivent franchir trois lectures distinctes et faire l’objet d’une
étude détaillée en comité [83] .
Les projets de loi présentés d’abord au Sénat
conservent le même numéro durant leur étude à la Chambre [84].
Les projets de loi qui émanent de la Chambre
sont numérotés consécutivement à compter de C-1001. Ces projets de loi sont
étudiés durant la période réservée aux affaires émanant des députés. Mais comme
on l’a déjà mentionné, bien qu’un projet de loi privé doive être parrainé par un
député à la Chambre, il n’est pas considéré comme un projet de loi émanant d’un
député, parce qu’il est présenté à la demande d’un particulier qui ne siège pas
au Parlement.
Dépôt de la pétition
Dès
qu’une pétition introductive d’un projet de loi privé est reçue, le greffier des
pétitions demande au député qui sera le parrain de signer au dos de la
pétition [85] .
Elle est ensuite déposée auprès du Greffier de
la Chambre et enregistrée dans les Journaux de ce
jour-là [86] .
La pétition doit porter les signatures
originales des personnes qui demandent l’adoption du projet de loi et qui en
bénéficieront [87] .
Dans le cas d’une société, la pétition doit
porter le sceau de cette dernière de même que les signatures de ses
représentants autorisés. Les signatures doivent figurer à la fin de la
requête [88],
et lorsqu’il y a trois pétitionnaires ou plus,
au moins trois des signatures doivent suivre la requête sur la même
page [89] .
Le
Règlement ne précise pas si une pétition est requise pour qu’un projet de loi
présenté au Sénat puisse être étudié à la Chambre, mais l’usage veut que le
promoteur d’un projet de loi présente une pétition à chacune des deux
chambres [90].
Dans le cas d’un projet de loi privé qui émane
du Sénat, le député parrain dépose habituellement la pétition auprès du Greffier
de la Chambre après que le projet de loi a franchi la deuxième lecture au
Sénat.
Rapport du Greffier des pétitions
Le
lendemain de l’inscription de la pétition dans les Journaux, le greffier des pétitions transmet un rapport
au Greffier de la Chambre pour lui indiquer si la pétition est conforme au
Règlement et aux usages de la Chambre quant à sa forme et à sa teneur. Si oui,
la pétition est réputée lue et reçue [91]
et sera réputée renvoyée d’office au comité qui
sera chargé d’étudier le projet de loi privé après la deuxième lecture [92] .
Si la pétition est jugée inadmissible, elle ne
peut être reçue par la Chambre et le projet de loi privé ne peut lui être
soumis [93] .
Aucun débat n’est permis sur le rapport du
greffier des pétitions [94] .
Rapport de l’examinateur des pétitions introductives de projets de loi d’intérêt privé
Aussitôt reçue la pétition introductive d’un projet de loi
privé, un fonctionnaire de la Chambre agissant comme examinateur des pétitions
examine la pétition et les avis publiés afin de s’assurer que tout est conforme
aux conditions de parution dans la Gazette du
Canada [95] .
L’examinateur transmet ensuite un rapport au
Greffier de la Chambre lui indiquant si le requérant satisfait aux conditions
relatives aux avis [96] .
Si ce rapport indique que les avis ont été
insuffisants ou défectueux ou qu’il subsiste des doutes à ce sujet, le rapport
et la pétition sont réputés renvoyés au Comité permanent de la procédure et des
affaires de la Chambre [97] .
Si un projet de loi privé présenté au Sénat
est transmis aux Communes sans qu’une pétition ait été reçue par la Chambre,
l’examinateur des pétitions compare le texte du préambule avec les avis
prescrits et fait comme si une pétition avait été reçue [98] .
Étude en Comité relative à la publication des avis
Lorsqu’un rapport de l’examinateur des pétitions est
renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le
Comité peut convoquer le député qui a présenté la pétition introductive d’un
projet de loi privé de même que le requérant ou l’agent parlementaire. Après
avoir entendu leurs explications, le Comité décide s’il faudrait donner suite à
la pétition et de quelle façon. Il présente un rapport à la Chambre concernant
toute irrégularité relative aux avis et recommande les mesures appropriées dans
les circonstances [99] .
Ainsi, le Comité peut recommander la
suspension de certaines dispositions du Règlement en précisant les motifs de
cette décision dans son rapport. S’il ne recommande pas la suspension du
Règlement, la Chambre ne peut étudier le projet de loi fondé sur la
pétition [100] .
Après le dépôt du rapport du Comité, le
président du Comité ou le député qui a présenté la pétition proposera
habituellement l’adoption du rapport [101] .
Première lecture du projet de loi
Une
fois que l’examinateur des pétitions introductives de projets de loi privés ou
le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a transmis son
rapport indiquant que les conditions d’avis ont été respectées (c’est-à-dire que
les requérants ont fait publier un avis de leurs intentions dans la Gazette du
Canada et fourni une preuve de cette publication), tout projet de loi privé
présenté aux Communes peut être déposé sur le Bureau par le Greffier de la
Chambre [102] .
On juge alors qu’il a été lu une première fois
et que son impression et sa deuxième lecture sont ordonnées; il est ensuite
ajouté au bas de l’ordre de priorité pour les affaires émanant des
députés [103] .
Il est aussi désigné affaire votable aux fins
des affaires émanant des députés [104] .
Un
projet de loi privé présenté en premier au Sénat est réputé avoir été lu une
première fois et sa deuxième lecture est fixée d’office à la séance suivante de
la Chambre dès qu’un message est reçu du Sénat indiquant que le projet de loi a
été adopté [105] .
Il est également placé au bas de l’ordre de
priorité pour les affaires émanant des députés et désigné affaire
votable [106] .
Deuxième lecture et renvoi en Comité
Contrairement à un projet de loi public qui est fondé sur
des objectifs d’intérêt public et dont la Chambre accepte le principe en
convenant de lui faire franchir la deuxième lecture, la pertinence d’un projet
de loi privé sera principalement établie par un comité qui déterminera si les
assertions qui y sont faites sont fondées. Habituellement, la Chambre convient
de la deuxième lecture d’un projet de loi privé, mais ce faisant, elle accepte
le principe dont il s’inspire à la condition qu’un comité juge que les
assertions faites dans le préambule sont vraies [107] .
Les amendements qui peuvent être proposés en
deuxième lecture sont les mêmes que ceux qui peuvent être proposés à la motion
de deuxième lecture d’un projet de loi public (c.-à-d. un amendement de renvoi,
un amendement motivé et une motion de révocation de l’ordre de deuxième
lecture) [108] .
Étude en Comité
Le
Règlement prévoit que tous les projets de loi privés seront renvoyés à un comité
législatif après la deuxième lecture, mais la Chambre accepte souvent à
l’unanimité de franchir cette étape en comité plénier puisque la plupart de ces
projets de loi sont présentés d’abord au Sénat [109] .
Cependant, lorsque la Chambre a reçu une
pétition la priant de ne pas adopter le projet de loi ou que des députés
estiment que le projet de loi devrait être étudié plus à fond, il est
habituellement renvoyé à un comité [110] .
La
première tâche du comité est de déterminer si le préambule du projet de loi est
motivé, c’est-à-dire si l’on peut prouver les assertions contenues dans le
préambule et sur lesquelles le projet de loi est fondé. Les promoteurs ou leur
agent parlementaire présentent leurs arguments pour prouver l’exactitude de ces
assertions et la pertinence de la solution proposée dans les dispositions du
projet de loi. Tout opposant ou son agent parlementaire peut présenter les
motifs de son opposition à tout ou partie du projet de loi. Si le comité juge
qu’une partie du préambule n’est pas suffisamment étayée, il peut la supprimer
ainsi que les dispositions liées aux assertions non prouvées. Le comité peut
aussi préférer signaler que le préambule n’est pas motivé et qu’on ne devrait
pas poursuivre l’étude du projet de loi. Dans ces cas-là, il lui faut exposer
pourquoi il faut apporter des changements importants au préambule ou pourquoi le
préambule a été jugé non motivé [111] .
Enfin, le comité peut amender le préambule, en
supprimant ou modifiant toute assertion qu’il juge non motivée ou en éliminant
toute assertion que les promoteurs peuvent souhaiter retirer.
Après
qu’il a été établi que le préambule est motivé, le comité entreprend l’étude du
projet de loi article par article; des amendements peuvent alors être proposés.
Les amendements apportés par le comité ne doivent pas être importants au point
de créer un projet de loi différent de celui qui a franchi l’étape de la
deuxième lecture [112] .
Toutes les questions soumises au comité sont
décidées à la majorité des voix. Le président peut voter deux fois : une première
fois avec les autres membres du comité et une autre fois s’il y a partage des
voix [113] .
Le président appose ses initiales près des
dispositions du projet de loi qui sont adoptées avec ou sans amendement et signe
le projet de loi [114] .
Une
fois les délibérations sur le projet de loi terminées, le comité est tenu d’en
faire rapport à la Chambre, avec ou sans amendement [115] .
Lorsqu’un comité signale à la Chambre dans son rapport que
le préambule n’est pas motivé, le projet de loi n’est pas inscrit au Feuilleton à moins d’un ordre spécial de la
Chambre [116] .
S’il signale que le projet de loi contient des
dispositions qui n’étaient pas prévues dans l’avis ou la pétition, le projet de
loi n’est pas inscrit au Feuilleton tant que
l’examinateur des pétitions n’a pas indiqué que l’avis ou la pétition était
suffisant pour embrasser ces dispositions [117] .
Comme
le projet de loi relève du promoteur et non du député chargé de le parrainer, le
promoteur peut à tout moment informer le comité qu’il souhaite interrompre le
processus [118] .
On en informe alors la Chambre et le projet de
loi est retiré [119] .
Étape du rapport et troisiàme lecture
Ces
deux étapes sont régies par les dispositions du Règlement relatives aux affaires
émanant des députés (voir le
chapitre 21, « Les affaires émanant des députés »).
Lorsqu’un projet de loi privé est étudié à l’étape du rapport, un avis d’un jour
est exigé pour tous les amendements proposés [120] .
En troisième lecture, on peut proposer les
mêmes amendements que dans le cas d’un projet de loi public (soit un amendement
de renvoi, un amendement motivé ou un amendement visant à renvoyer de nouveau le
projet de loi en comité).
Adoption et Sanction Royale
Lorsqu’un projet de loi privé présenté en premier à la
Chambre est adopté tel quel par le Sénat, il reçoit la sanction royale et
devient loi. S’il est amendé par le Sénat, un message est transmis à la Chambre
l’informant des amendements. Entre 1945 et 1978 (la dernière fois qu’un projet
de loi privé a été présenté en premier à la Chambre), aucun amendement n’a été
apporté par le Sénat à des projets de loi privés présentés d’abord à la Chambre.
Au début de la Confédération, le Sénat amendait souvent les projets de loi
privés présentés à la Chambre. Habituellement, cette dernière procédait alors à
la lecture des amendements une deuxième fois et les adoptait [121] .
Parfois, si les amendements étaient
substantiels et ne portaient pas uniquement « sur des mots ou sur quelque détail
sans importance », la Chambre renvoyait les amendements au comité chargé de
l’étude [122] .
Si ces amendements étaient entérinés par le
comité dans un rapport à la Chambre, celle-ci les examinait [123] .
Si les amendements étaient lus une deuxième
fois et adoptés par la Chambre, un message était transmis au Sénat pour l’en
informer et le projet de loi recevait ensuite la sanction royale. Si le comité
était en désaccord avec les amendements, il en faisait rapport à la Chambre. Si
la Chambre approuvait le rapport du comité, elle transmettait alors un message
au Sénat pour l’en informer [124] .
Lorsqu’un projet de loi privé présenté d’abord au Sénat est
adopté par la Chambre tel quel, il reçoit la sanction royale et devient loi. Si
la Chambre adopte le projet de loi avec des amendements, un message est transmis
au Sénat lui demandant d’entériner les amendements. Par la suite, le Sénat
transmet un message indiquant s’il approuve ou rejette les amendements. S’il les
approuve, un message est envoyé à la Chambre pour l’en informer et le projet de
loi reçoit ensuite la sanction royale [125] .
Si le Sénat n’est pas d’accord avec les
amendements, il en informe la Chambre.