Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Pratiques trompeuses : utilisation présumée abusive du terme « parlementaire » pour décrire le service de nouvelles d’un parti politique

Débats, p. 10725-10726

Contexte

Le 22 septembre 1987, M. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell) soulève une question de privilège pour protester contre l’utilisation présumée abusive du terme « parlementaire » pour décrire un service de nouvelles du Parti progressiste-conservateur. Sans aller jusqu’à prétendre que « toute utilisation non autorisée du mot “parlementaire” est inacceptable », il estime « inacceptable de chercher à faire croire aux gens qu’une chose a un rapport avec le Parlement quand ce n’est pas vrai ». Après avoir cité des cas où l’on a jugé que l’utilisation abusive du terme « député » et du Hansard constituait un outrage au Parlement, il soutient que, sur la foi de ces précédents, le fait d’utiliser « un satellite pour radiodiffuser de la propagande au nom d’un parti politique […] sous le nom du Parlement constitue […] un outrage à la Chambre ». D’autres députés interviennent également à ce sujet[1]. Le Président prend la question en délibéré et, dans la décision qu’il rend le 4 novembre 1987 et qui est reproduite intégralement ci-dessous, il passe en revue les arguments invoqués.

Décision de la présidence

M. le Président : Je commence par la question de privilège que le député de Glengarry—Prescott—Russell a présentée le 22 septembre 1987.

Il s’agissait de l’usage que le député présume abusif du terme « parlementaire » par le service connu sous le nom de Service de nouvelles parlementaires.

Dans son exposé, le député de Glengarry—Prescott—Russell a cité le cas du 6 mai 1985 où le terme « député » avait été utilisé par quelqu’un d’autre que le représentant élu d’une circonscription et dans lequel le Président a jugé qu’il y avait eu atteinte aux privilèges parce que la confusion dans l’esprit de ses électeurs sur l’identité du député pouvait l’empêcher de remplir ses fonctions. Cette décision est intéressante, mais je dois à regret informer le député qu’elle n’est d’aucun secours dans le cas qui nous occupe.

De même, l’incident de 1983 auquel l’honorable député de Glengarry—Prescott—Russell a fait allusion se rapportait à la parution dans un journal d’une annonce publicitaire que le public avait pu considérer comme une citation du Hansard, alors qu’elle n’en était pas une. Le caractère sacré du Hansard a toujours été protégé, et si les journalistes ont toute liberté de le citer, il reste qu’ils doivent le faire fidèlement et ne pas tenter d’induire le public en erreur en modifiant ou en falsifiant les comptes rendus des Débats de la Chambre.

Il y a eu un cas semblable en 1960 quand la société Sperry and Hutchinson a reproduit les Débats de la Chambre. Le Président a statué alors que tout ce qui se rapportait au contrôle, présent ou futur, par la Chambre, de ses propres publications — et ici, il pensait aux abus auxquels peuvent donner lieu ces publications, abus qu’on peut aisément s’imaginer —l’obligeait à permettre l’investigation de cette affaire afin de découvrir au moins des raisons préliminaires de plainte. Cette décision est consignée aux pages 157 et 158 des Journaux de la Chambre du 16 février 1960.

En 1965, le PAC News du Conseil des ouvriers métallurgistes de Hamilton a utilisé la couverture des Débats dans son bulletin. Le Président a décidé que la question de privilège était fondée à première vue et il a invoqué le précédent de l’affaire de 1960.

Néanmoins, je ne trouve dans aucune de ces affaires, de parallèle avec le point soulevé par l’honorable député de Glengarry—Prescott—Russell. Dans tous les cas cités, il s’agissait de tentatives délibérées d’induire le public en erreur en dépeignant faussement un document comme un extrait du Hansard. Tel n’est évidemment pas le cas qu’on me demande de trancher ici.

Certaines décisions ont été rendues par le passé au sujet d’incidents entourant les « groupes de travail parlementaires » composés de membres d’un seul parti. Dans l’affaire du « groupe de travail parlementaire » du 10 décembre 1979, la question portait sur l’utilisation des deniers publics aux fins d’études réalisées par les députés d’un seul parti politique. Dans l’affaire de 1980, la question portait sur l’utilisation du terme « groupe de travail parlementaire » pour ce qui était en réalité un comité spécial. Dans le premier cas, voici ce qu’a déclaré le Président Jerome :

[…] à mon avis, il serait plus sage de veiller, chaque fois qu’on agit ainsi, quand des deniers publics servent à financer un comité de ce genre […], à choisir des députés appartenant à plus d’un parti siégeant à la Chambre[2].

Comme vous pouvez le constater, ces deux précédents ne sont pas directement en rapport avec la question à l’étude. Personne n’a prétendu que l’on utilise des deniers publics au Service de nouvelles parlementaires.

La déclaration la plus directe concernant l’utilisation d’une expression relative au Parlement se trouve dans nos lois. La Loi relative à l’utilisation de l’expression « Colline [du Parlement] » a reçu la sanction royale le 19 mai 1972. Elle avait pour objet d’empêcher l’utilisation à des fins commerciales de l’expression « colline parlementaire ».

Dans l’affaire que soulève le député de Glengarry—Prescott—Russell, toutefois, il s’agit de déterminer si la Chambre devrait ou non restreindre de quelque façon l’utilisation du terme « parlementaire » proprement dit.

Comme l’a signalé le député de Kamloops—Shuswap (M. Neilson Riis) à la Chambre, le dictionnaire définit « parlementaire » comme ce qui appartient ou est relatif au Parlement et bien entendu, « Parlement » est défini comme le « Conseil formant avec le souverain l’assemblée législative suprême se composant de la Chambre des communes et du Sénat ». Par conséquent, on peut qualifier de « parlementaire » tout ce qui a un rapport avec l’une ou l’autre des deux Chambres ainsi qu’avec la reine.

L’emploi du mot « parlementaire » par le Service de nouvelles parlementaires ne décrit-il pas le fait que les nouvelles transmises par ce service concernent le Parlement? Je pense que si. Les nouvelles qu’il fournit sont peut-être choisies dans le but de mettre en lumière un certain point de vue. Cela change-t-il quoi que ce soit au fait que les nouvelles concernent le Parlement? Tout journal ou radiodiffuseur du pays a toujours été libre de choisir les nouvelles émanant du Parlement qu’il estime susceptibles d’intéresser le public. Comme notre institution est composée de politiciens, ses délibérations reflètent souvent des points de vue contradictoires. Rares sont les Canadiens qui n’en sont pas conscients.

La question qu’on m’a demandé de trancher est celle de savoir si l’emploi du terme « parlementaire », dans le présent cas, constitue une violation de privilège ou, à quelque égard, un outrage à la Chambre.

Les députés savent tous que la notion de privilège est définie de façon précise. Pour citer le [Erskine May’s Parliamentary Practice] c’est :

[…] la somme des droits particuliers dont jouissent collectivement, l’une et l’autre Chambre en tant que partie constituante de la Haute cour du Parlement, et les membres de chaque Chambre pris individuellement, sans lesquels ils ne pourraient exercer leurs fonctions, et qui dépassent ceux que possèdent d’autres organismes ou individus[3].

Après avoir examiné les précédents existants et étudié le fond de la question soulevée, je ne suis pas convaincu qu’il y ait atteinte aux droits ou privilèges de quelque député. On ne m’a pas convaincu non plus que la dignité du Parlement ou l’intégrité de ses délibérations ait été compromise par l’emploi du terme « parlementaire » dans le présent cas. Je ne puis donc conclure que cette affaire soulève une question de privilège valable.

Toutefois, les inquiétudes du député de Glengarry—Prescott—Russell me paraissent légitimes. La présidence et tous les députés doivent comprendre la nécessité de protéger et de rehausser la réputation du Parlement et de la Chambre et de faire preuve de vigilance à cet égard.

Je dirais au député de Glengarry—Prescott—Russell que la distinction entre ce qui est parlementaire et ce qui ne l’est pas, selon lui, est parfois très mince. Lorsque d’autres utilisent le mot « parlementaire », peut-être tiennent-ils compte de cette distinction très subtile.

Je remercie le député de Glengarry—Prescott—Russell d’avoir soulevé la question, de même que tous ceux qui ont participé à la discussion. Néanmoins, j’estime qu’il n’y a pas eu d’atteinte aux privilèges dans ce cas.

Je dirais au député de Glengarry—Prescott—Russell qu’il a sans doute rendu service à la Chambre et au public en soulevant la question.

F0104-f

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1987-11-04

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[1] Débats, 22 septembre 1987, p. 9197-9202.

[2] Débats, 10 décembre 1979, p. 2181.

[3] May, 20e éd., p. 70.