Le privilège parlementaire / Droits de la Chambre

Outrage à la Chambre: député tentant de saisir la masse—question de privilège paraissant fondée à première vue—convocation à la barre de la Chambre

Débats, p. 4309-4310

Contexte

Le 30 octobre 1991, après l’ajournement quotidien aux environs de 20 h 10, M. Jan Waddell (Port Moody—Coquitlam) se précipite dans l’allée de la Chambre et touche la masse qui se trouve sur l’épaule du sergent d’armes, lequel se prépare à prendre la tête du cortège vers l’extérieur de la Chambre. L’incident retarde momentanément le défilé.

À l’ouverture de la séance le jour suivant, le 31 octobre 1991, M. Jesse Flis (Parkdale—High Park) soulève une question de privilège au sujet du comportement de M. Waddell. Il affirme que M. Waddell a porté atteinte au décorum de la Chambre, contrevenu au Règlement et manifesté du mépris pour la présidence en s’attaquant à la masse, symbole de l’autorité de la Chambre. M. Flis présente alors la motion suivante :

Attendu que le 30 octobre 1991, vers 20 h 10, le député de Port Moody—Coquitlam a, par ses actes, manqué de respect envers l’autorité du Parlement canadien,

Attendu qu’il semble, à première vue, y avoir matière à question de privilège, et

Attendu que la question a été soulevée à la première occasion, je propose que le député de Port Moody—Coquitlam comparaisse à la barre de la Chambre.

D’autres députés se disent d’accord avec M. Flis.

M. Waddell explique ensuite les événements de la veille, s’excuse d’avoir agi de la sorte et admet que son comportement est impardonnable. Toutefois, il signale qu’il n’avait pas l’intention de faire preuve de mépris ou d’un manque de respect à l’égard de la présidence ou de la Chambre. Il soutient qu’il était simplement contrarié de n’avoir pu voter sur une motion émanant d’un député et qu’il avait l’impression que le président suppléant (M. Charles DeBlois) l’avait privé de son droit de s’exprimer.

M. Nelson Riis (Kamloops) présente ensuite des excuses au nom du caucus du Nouveau Parti démocratique et propose, comme autre façon de procéder, que le Président nomme le député.

Le Président indique que même s’il y a nettement présomption suffisante dans cette affaire, il a besoin d’un peu de temps pour examiner et déterminer exactement de quelle manière on s’y est pris par le passé pour convoquer un député à la barre de la Chambre.

On convient de passer aux Affaires courantes, puis de suspendre la séance jusqu’à ce que la présidence soit prête à rendre sa décision[1].

Lorsque la Chambre reprend ses travaux, le Président souligne que, en consultation avec M. Flis, la motion a été changée. M. Flis présente alors la motion modifiée qui se lit comme suit :

Que l’honorable député de Port Moody—Coquitlam soit appelé à la barre de la Chambre et qu’il soit admonesté par le Président.

Le Président réitère sa position à l’effet qu’il est clair que ce cas comporte une présomption suffisante d’outrage. La motion fait l’objet d’un débat auquel participent plusieurs députés. Après le débat, la motion est adoptée et il est ordonné à M. Waddell de se présenter à la barre de la Chambre à 15 heures cet après-midi[2].

Après la période des Questions, à 15 heures, le Président appelle le député de Port Moody—Coquitlam à la barre de la Chambre. Selon les instructions de la Chambre, le Président lui adresse la réprimande reproduite intégralement ci-dessous.

DÉCLARATION DE LA PRÉSIDENCE

M. le Président : Monsieur Waddell, vous comparaissez à la barre parce que vos pairs ont décidé que votre conduite à la Chambre, le mercredi 30 octobre 1991, constituait une atteinte aux privilèges de la Chambre des communes du Canada.

Juste avant l’ajournement, peu après 20 heures, vous avez obtenu la parole pour un rappel au Règlement. Après votre intervention, le vice-président s’est prononcé sur votre rappel au Règlement et a ajourné les travaux de la Chambre conformément aux dispositions du Règlement. Vous avez alors quitté votre place, enfreignant les usages, et vous vous en êtes pris au sergent d’armes, qui est un fonctionnaire de la Chambre, et vous avez tenté par la force de l’empêcher d’emporter la masse.

Le sergent d’armes est au service de la Chambre et il agit en vertu de l’autorité du Président. La masse est le symbole non seulement du pouvoir de la Chambre, mais aussi de ses privilèges.

Les privilèges des députés découlent du droit constitutionnel du Canada. La liberté de parole est, de ces privilèges, l’un des plus vénérés, mais elle est indissociable de la responsabilité d’en faire un usage judicieux pour le plus grand bien du Canada.

Cette liberté ne permet pas de dire tout ce qu’on veut en toute circonstance, ni d’agir au mépris des règles de la Chambre ou aux usages de la politesse.

Il ne fait guère de doute que tous les députés déplorent l’incident d’hier soir. Vous-même, dans la déclaration que vous avez faite plus tôt à la Chambre, avez dit le regretter et avez présenté des excuses à la Chambre.

Néanmoins, compte tenu de la gravité de vos actes, la Chambre s’est prononcée en faveur d’une motion m’ordonnant de vous réprimander. Vous êtes un député qui a été dûment élu. Il vous incombe de représenter vos électeurs et de remplir vos devoirs et obligations de député. En vous acquittant de ces lourdes obligations, il est essentiel que vous respectiez en tout temps cette institution, ses règles et ses coutumes.

La Chambre des communes ne peut accomplir son travail que lorsque tous les députés respectent sa dignité et observent ses règles. La Chambre et tous ceux qui chérissent et respectent cette institution jugent très troublant que vous ayez agi au mépris des règles, des usages et de l’autorité du Président.

En conséquence, en ma qualité de Président de la Chambre et sur ses instructions, je vous fais réprimande et vous déclare coupable d’atteinte aux privilèges et d’outrage grave à la Chambre.

Le député peut regagner sa place.

F0111-f

34-3

1991-10-31

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[1] Débats, 31 octobre 1991, p. 4271-4278.

[2] Débats, 31 octobre 1991, p. 4279-4285.