Le privilège parlementaire / Droits des députés

Droit d’un député de siéger à la Chambre des communes : demande d’éclaircissements quant à la marche à suivre à la suite de l’annonce qu’un député a été reconnu coupable de fraude

Débats, p. 15083-15084

Contexte

Le 10 décembre 1992, M. Maurice Tremblay (Lotbinière) est reconnu coupable de fraude, d’escroquerie et d’avoir agi frauduleusement dans le cadre de ses fonctions de député. Sa sentence doit être prononcée le 25 janvier 1993.

Le vendredi 11 décembre 1992, M. Riis (Kamloops) soulève une question de privilège relativement à l’annonce que M. Tremblay a été reconnu coupable de détournement de fonds de la Chambre des communes. M. Riis soutient que l’on s’attend que les députés qui sont reconnus coupables devant les tribunaux démissionnent de leur siège et il demande au gouvernement si le député a déjà démissionné. Il affirme aussi qu’en plus d’avoir déjà été « trouvés coupables par un tribunal », les députés sont également, selon la pratique, réprimandés par la Chambre et il demande à la présidence ce qu’il faut faire en pareil cas.

Le très hon. Joe Clark (président du Conseil privé et ministre responsable des Affaires constitutionnelles) est d’avis qu’il faudrait laisser les procédures judiciaires suivre leur cours et signale l’importance de respecter les différences entre la fonction politique de la Chambre et les fonctions des tribunaux. M. David Dingwall (Cape Breton—Richmond-Est) informe la Chambre qu’étant donné que la sentence ne sera pas connue avant la nouvelle année et qu’un appel pourrait être interjeté, il ne conviendrait pas de prendre des mesures tout de suite. M. Riis prend à nouveau la parole afin de préciser qu’il ne souhaite pas que la Chambre agisse précipitamment, mais plutôt qu’il souhaite obtenir des éclaircissements quant à la procédure à suivre[1].

Le Président traite de la question immédiatement et son intervention est reproduite au complet dans les lignes qui suivent.

Décision de la présidence

M. le Président : Le député de Kamloops a soulevé une question qui présente évidemment un intérêt pour la Chambre. Le ministre lui a répondu au nom du gouvernement et le député de Cape Breton—Richmond-Est, au nom de la loyale Opposition de Sa Majesté.

Il s’agit de l’annonce de la condamnation d’un député pour certaines infractions.

L’usage veut, et je suppose qu’il sera observé, que la cour informe officiellement la présidence de ce qui doit arriver. Je ne crois pas que ces renseignements me parviendront ce matin, ni même dans les jours qui viennent.

L’autre point qui a été soulevé est, bien sûr, la possibilité d’un appel. Je ne suis pas en mesure, pas plus que mes collègues, je crois, de dire s’il y aura appel ou non. Je pense que nous devrions nous pencher sérieusement sur cette affaire.

Mais je le répète, nous ne savons pas ce qui va arriver au moment du prononcé de la sentence, ni quels arguments pourraient être invoqués par la défense à ce moment-là. Tous ces facteurs influeront bien entendu sur les mesures que la Chambre pourrait décider de prendre.

Il s’est déjà produit un incident du genre, il y a quelques années, et — les députés s’en souviennent sûrement — j’avais pris l’affaire en délibéré afin d’examiner ma position et de réfléchir aux mesures qu’il convenait de prendre dans les circonstances. Il s’est révélé que l’affaire s’est réglée sans que la présidence n’ait à intervenir.

Note de la rédaction

Le 23 mai 1989, M. Richard Grisé (Chambly) plaide coupable et est reconnu coupable sous divers chefs d’accusation de fraude et d’abus de confiance. Le 25 mai, M. Svend Robinson (Burnaby—Kingsway) soulève une question de privilège afin de soutenir que M. Grisé devrait être expulsé de la Chambre des communes parce que ses actions constituent un outrage à la Chambre. L’hon. Herb Gray (Windsor-Ouest) appuie ces arguments tandis que l’hon. Doug Lewis (ministre de la Justice et procureur général du Canada) soutient que la question de privilège a été soulevée prématurément puisque M. Grisé, comme la Couronne, peut toujours en appeler des conditions de la probation ou de l’amende. La présidence signale qu’elle avait prévu et déjà étudié bon nombre des arguments présentés, mais qu’il convient, dans les circonstances, qu’elle réserve sa décision[2]. Le 30 mai 1989, le Président annonce à la Chambre une vacance dans la circonscription électorale de Chambly et il lit la lettre de démission de M. Grisé[3].

Il reste que le député de Kamloops a, comme il le disait, attiré l’attention de la Chambre sur cette affaire à la première occasion. Je ne crois pas, si je l’ai bien compris, qu’il soit d’avis que la Chambre devrait prendre des mesures hâtives dès aujourd’hui, ni même avant que cela ne s’impose en regard des circonstances.

Je me propose donc de prendre la demande du député en délibéré et, dès que j’en saurai plus, je renseignerai la Chambre davantage.

Post-scriptum

La question n’a pas été soulevée de nouveau à la Chambre.

F0133-f

34-3

1992-12-11

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[1] Débats, 11 décembre 1992, p. 15083-15084.

[2] Débats, 25 mai 1989, p. 2119-2129.

[3] Débats, 30 mai 1989, p. 2321.