Le processus législatif / Divers

Motion visant à désigner un jour pour la deuxième lecture

Débats, p. 15722-15723

Contexte

Le 24 mai 1988, après un vote par appel nominal sur la motion visant la première lecture du projet de loi C‑130 concernant l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, M. Nelson Riis (Kamloops—Shuswap) invoque le Règlement au sujet de la désignation d’un jour pour la deuxième lecture d’un projet de loi. M. Riis fait valoir que la question posée à la Chambre par le Président « Quand le projet de loi sera-t-il lu pour la deuxième fois? », à laquelle la Chambre répond généralement « À la prochaine séance de la Chambre. », est une motion sur laquelle la Chambre peut être appelée à se prononcer. Dans une argumentation détaillée où il évoque les pratiques passées, M. Riis prétend également que la motion peut faire l’objet à la fois d’un débat et d’amendements[1]. Après avoir entendu les commentaires d’autres députés[2], le Président rend immédiatement une décision qui est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : Je voudrais d’abord expliquer aux députés ce qui s’est passé. Le ministre d’État (M. Doug Lewis) a souligné qu’on a déjà tenu un vote au sujet du projet de loi commercial et qu’il y en a eu deux autres aujourd’hui : l’un sur la présentation du projet de loi et l’autre sur la première lecture.

Durant le premier vote, la présidence a donné le bénéfice du doute à l’opposition afin de maintenir l’ordre à la Chambre et d’assurer l’efficacité de la procédure. J’ai toutefois indiqué qu’il ne s’agissait pas d’un précédent[3].

Le député de Kamloops—Shuswap a soulevé il y a quelques jours une question dont la présidence a pris note. J’ai donc pu l’examiner avec soin. Je dois avouer avec une certaine admiration que les arguments présentés par le député de Kamloops—Shuswap sont solides et ancrés dans l’histoire. Ses propos succincts font honneur au député et facilitent la tâche de ceux qui voudraient y répondre.

Le député de Windsor-Ouest (M. Herb Gray) a ajouté à ces arguments et je lui en sais gré. Bien sûr, j’apprécie également les observations du ministre d’État.

J’ai rédigé quelques notes durant la pause-déjeuner en prévision de la plupart des arguments du député de Kamloops—Shuswap. Je vais m’y reporter par souci de clarté.

Tout d’abord, le député de Kamloops — Shuswap a soulevé une question rarement abordée depuis de très nombreuses années. J’ai examiné attentivement le passage en question dans Bourinot, mais les cas ayant inspiré ce passage remontent à plus de 100 ans, ce que le député de Kamloops — Shuswap a bien précisé[4].

Je dis que la question a rarement été soulevée depuis de très nombreuses années parce que je n’ai trouvé qu’un seul exemple, qui date de quelques années. Je voudrais que le député en prenne note.

L’incident s’est produit le 19 janvier 1984, lorsque le Président Francis était au fauteuil. Il répondait à une question soulevée par l’ancien député du Yukon (l’hon. Erik Nielsen). Le Président commente certains arguments du député. Puis il ajoute ce qui suit à propos du commentaire 722 de Beauchesne, et les députés se rappelleront que le point de vue de Beauchesne diffère de celui qui figure dans le commentaire de Bourinot :

Toutefois, la présidence s’est fondée en l’occurrence sur le commentaire 722 de Beauchesne, qui dit ceci :

Voici le texte lu par le Président Francis à l’époque :

Désignation du jour fixé pour la deuxième lecture
Lorsque la Chambre a accepté la première lecture d’un [projet de loi], [le Président] passe aussitôt à l’étape suivante en demandant : « Quand le [projet de loi] sera-t-il lu pour la deuxième fois? » On répond généralement : « À la prochaine séance de la Chambre ». Le [projet de loi] est alors inscrit au Feuilleton, à la place qui lui revient, en vue de la deuxième lecture en temps opportun. ordre est adopté presque invariablement sans voix dissidente. C’est une simple formalité dont l’objet est d’inscrire à l’ordre du jour un [projet de loi] pour deuxième lecture, étape à laquelle la discussion peut avoir lieu de façon plus régulière et plus commode[5].

Je ne prétends pas que cette observation soit le fruit d’un très long raisonnement. Car ce n’est pas le cas. Mais c’est le seul extrait d’une intervention d’un Président de notre temps qui fait la distinction entre Bourinot et Beauchesne. Cette intervention peut au moins nous servir de guide. Il est évident que le Président Francis a voulu démontrer que la procédure dont nous parlons n’est qu’une simple formalité.

Le député de Kamloops—Shuswap a fait plusieurs remarques pour étayer un point de vue qu’il a fort bien présenté, comme je disais tout à l’heure. Il a prétendu que ce n’est pas parce que cette pratique dont parle Bourinot n’est pas observée depuis de nombreuses années que nous ne devons pas la suivre aujourd’hui.

Cela me rappelle Dean Swift qui disait que les avocats sont des gens qui ne jurent que par les précédents. Il faudrait éviter de suivre aveuglément ce précepte, à mon avis.

Mais il faut dire certes que la position du député de Kamloops—Shuswap est bien fondée au départ puisqu’elle repose sur des précédents. Je n’ai pas pu replacer ces précédents dans leur contexte propre. Mais je crois, et le député était d’accord avec moi, que la pratique dont il parle est maintenant tombée en désuétude. Il a ajouté également qu’aucun précédent ne saurait enlever à un député le droit d’exiger la mise aux voix, voire de poursuivre cette procédure pendant un débat et de présenter ensuite un amendement.

Il semble bien, pour l’instant, que le député ait raison. Toutefois, l’ennui, dans ce cas-ci, pour la présidence, c’est que, si une pratique est devenue désuète au point que les députés de quelque parti que ce soit n’y songent pas naturellement quand on y a recours sous cette forme particulière — et c’est évidemment ce que dit le Beauchesne — alors cette présidence doit déterminer s’il est plus sage ou pas d’invoquer un précédent très ancien pour justifier l’application soudaine et inattendue de cette disposition. J’avoue que je ne tiens pas à perpétuer cette pratique ancienne, à moins que tous les partis de la Chambre ne m’autorisent très clairement à la rétablir pour de bon.

Je dois signaler au député de Kamloops—Shuswap qu’il ne serait pas avisé, en ce qui concerne la procédure, d’accorder plus d’importance au commentaire de Bourinot, ou de lui donner préséance, si je puis dire, sur le plan chronologique, sur le commentaire de Beauchesne, surtout qu’un des derniers Présidents de la Chambre a donné à entendre, à tout le moins, qu’il préférait le Beauchesne.

Toutefois, cet argument est extrêmement intéressant et les députés voudront peut-être en discuter davantage. Ils voudront peut-être aussi convenir d’apporter certains changements à notre façon de procéder. En l’absence d’une décision très claire de la part de la Chambre à ce sujet, je ne pense pas que, dans ces circonstances, il soit opportun aujourd’hui d’appliquer à la question dont nous sommes saisis à l’heure actuelle une décision qui a sans doute été pertinente il y a plus d’un siècle.

Je remercie sincèrement le député de Kamloops—Shuswap et les autres collègues qui l’ont aidé à m’expliquer son argument. Je tiens également à remercier le député de Windsor-Ouest et le ministre d’État.

F0511-f

33-2

1988-05-24

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[1] Débats, 24 mai 1988, p. 15706.

[2] Débats, 24 mai 1988, p. 15719-15722.

[3] Débats, 24 mai 1988, p. 15704-15705.

[4] Bourinot, 4e éd., p. 508.

[5] Débats, 19 janvier 1984, p. 564.