Les comités / Ingérence dans les délibérations d’un comité

Intimidation de témoins; droits et pouvoirs des comités; non-ingérence du Président dans les travaux des comités; comités maîtres de leurs travaux; présumée atteinte aux privilèges des députés

Débats, p. 11628-11629

Contexte

Le 25 novembre 1987, M. Svend Robinson (Burnaby) soulève une question de privilège à propos d'une présumée ingérence dans les délibérations du Comité permanent de la justice et du solliciteur général durant la visite effectuée par le Comité dans les pénitenciers de la région de Kingston (Ontario). Le député soutient qu'il s'est produit deux événements qui constituent une situation « très grave » et que l'un de ces événements a porté atteinte aux privilèges des députés. Il décrit le premier événement comme étant le transfert de certains détenus de Millhaven au pénitencier de Kingston deux jours avant la venue du Comité. En particulier, M. Robinson mentionne le transfert de M John Avery, un détenu faisant partie du Comité des détenus et qui a été élu par tous les détenus. M. Robinson soutient aussi que certains des documents que M. Avery souhaitait présenter au Comité permanent ont été perdus durant le transfert. Il se demande également si les témoins qui ont comparu devant le Comité ont subi des pressions de la part de leurs supérieurs. D'autres députés expriment aussi leurs points de vue sur ces événements. Le Président reporte la discussion de cette question afin de pouvoir entendre d'autres députés[1].

Le lendemain, le 26 novembre 1987, d'autres membres du Comité permanent donnent à la Chambre leur version des événements. Après avoir souligné la gravité de la situation, avoir averti tous les députés que les affaires relatives aux comités doivent être traitées devant les comités  et après  avoir déclaré qu'il  veut  « [...] que tous comprennent bien que la latitude [...] accordée aux députés dans leurs interventions sur cette affaire  ne  sera  pas nécessairement accordée  dans tous les autres cas», le Président prend l'affaire en délibéré[2]. Le 9 décembre 1987, il rend sa décision qui est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président: Le mercredi 25 novembre 1987, le député de Burnaby a parlé d'actes graves qui, pour lui, étaient la manifestation d'une sorte de mépris à l'égard du Comité permanent de la justice et du solliciteur général pendant la visite récente de différents établissements pénitentiaires de la région de Kingston.

L’honorable député a soutenu que certains témoins du Service correctionnel du Canada qui ont comparu devant le Comité permanent avaient fait l'objet de pressions quelconques de la part de leurs supérieurs quant à ce qu'ils devaient ou ne devaient pas dire devant le Comité. Si la présidence a permis à la Chambre de consacrer beaucoup de temps à la discussion de cette question, c'est que l'allégation de subornation de témoin doit être un sujet de préoccupation pour tous les députés.

Je tiens à remercier le Solliciteur général (l'hon. James Kelleher), les députés de York-Sud-Weston (M. John Nunziata), d'Ottawa-Ouest (M. David Daubney), de Niagara Falls (M. Rob Nicholson) et de London-Est (M. Jim Jepson) pour leurs interventions pertinentes dans cette affaire importante.

Après avoir entendu ces députés, et notamment le président du Comité (le député d'Ottawa-Ouest), et après avoir longuement délibéré, je dois réitérer ce que j'ai dit à la suite des observations des honorables députés, le 26 novembre, à savoir que« […] la présidence n'est pas à même de s'ingérer dans les travaux d'un comité.[…] Je tiens à souligner encore une fois qu'en général, les députés qui ont une plainte à formuler devraient s'adresser au comité en question et résoudre le problème avec lui[3]. »

Pour plus de clarté, je rappelle aux députés la décision que j'ai rendue le 18 novembre 1987, qui figure à la page 10930 du Hansard; la voici :

Les décisions antérieures et l'usage sont clairs. Les comités ont nettement le contrôle de leurs procédures. À cet égard, je renvoie les honorables députés au paragraphe 569(3) de la 5e édition de l'ouvrage Beauchesne, où il est dit ce qui suit:
Le Président a plus d'une fois jugé qu'il n'avait pas compétence pour statuer en matière de procédure en ce qui concerne les comités, ceux-ci étant et devant être parfaitement libres de mener leurs délibérations à leur guise.

D'après ces citations et d'autres auxquelles renvoie cette décision, j'estime donc que les précédents sont clairs et je dois dire à regret que je ne considère pas que le député de Burnaby a démontré que la question qu'il soumettait était de prime abord une question de privilège.

Il se peut que cette question mérite d'être examinée davantage, mais il faut tout d'abord la soulever au Comité permanent de la justice et du solliciteur général. C'est dans cette enceinte que le député doit donner suite à la question et demander au Comité d'en saisir la Chambre. À cet égard, je renvoie tous les députés aux Débats du 28 avril 1987 et du 5 mai 1987, au cours desquels une situation relevant d'un comité a été signalée à la Chambre et a donné lieu à une question de privilège [4].

La présidence a saisi l'occasion pour examiner plusieurs des cas récents soumis à la Chambre qui avaient trait aux activités des comités de la Chambre. J'ai déjà expliqué à la Chambre que la présidence avait fait preuve de tolérance parce que le nouveau Règlement n'était devenu permanent que depuis juin. Il était à prévoir, il me semble, que le nouveau régime des comités occasionnerait des difficultés d'adaptation. Dans tous les cas que j'ai examinés depuis juin, la question de privilège portant sur les activités d'un comité aurait probablement dû être soulevée tout d'abord au niveau de ce comité.

Si j'en parle en rendant cette décision, c'est que je m'inquiète de plus en plus de voir la Chambre passer du temps à se pencher sur des problèmes liés aux comités qui sont entièrement à la portée des députés par le truchement des comités. Je regrette de devoir avertir tous les députés que, hormis les cas d'une extrême gravité, je serai moins enclin à autoriser le débat sur ce genre de question, à moins qu'un comité n'en ait préalablement saisi la Chambre.

La réforme parlementaire a conféré des mandats et des pouvoirs élargis aux comités. Et avec ces mandats et ces pouvoirs, le devoir et la difficulté de régler les problèmes propres à un nouveau cadre de travail dans un système réaménagé.

Je me permets une suggestion qui ne sera peut-être pas inutile aux membres des comités en leur conseillant de faire un pas de plus pour ménager les susceptibilités de leurs collègues. Certains problèmes, dont la présidence a été saisie, pourraient fort bien se régler au comité, ce qui nous éviterait peut-être ainsi bien des querelles et bien des débats interminables.

Je sais gré aux députés d'avoir parlé de ces problèmes. Mais ils comprendront, j'espère, que la présidence est liée par les décisions déjà prises et par les précédents, et qu'ils doivent chercher à s'entendre au niveau des comités. Il est toujours possible qu'un problème d'une exceptionnelle gravité surgisse, et je l'examinerai volontiers en pareil cas évidemment. Je ne dis donc pas que jamais je ne tiendrai compte des instances présentées en de telles circonstances, mais autrement, je compte sur la collaboration des députés, du président et des membres des comités pour régler leurs difficultés au niveau des comités.

F0908-f

33-2

1987-12-09

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[1] Débats, 25 novembre 1987, p. 11171-11178.

[2] Débats, 26 novembre 1987, p. 11220-11226.

[3] Débats, 26 novembre 1987, p. 11225.

[4] Débats, 28 avril 1987, p. 5299, 5329-5330; 5 mai 1987, p. 5737-5742. Cette question de privilège est traitée dans le présent chapitre; voir la décision du 14 mai 1987.