Chapitre 19Les comités pléniers
Historique
Royaume-Uni
Deux formes de comités se sont développées au Parlement britannique au cours du XVIe siècle : des petits comités d’au plus 15 personnes, appelés « comités restreints », et de grands comités composés de 30 à 40 membres, appelés « comités permanents11 ». Les projets de loi étaient souvent examinés en détail par les comités restreints et seuls leurs membres pouvaient participer aux délibérations. Mais il devint courant au sein des comités permanents de permettre à toutes les personnes présentes d’intervenir. Avec le temps, les comités permanents se sont transformés en comités « généraux » ou « grands comités » dont tous les députés faisaient partie. C’est sous le règne de Jacques Ier d’Angleterre (1603-1625) et de Charles Ier (1625-1649) que l’appellation de comité plénier est passée à l’usage12.
Créés en vue de discuter de projets de loi particulièrement importants13, ces comités permettaient aux députés de s’exprimer aussi souvent qu’ils le souhaitaient14. Une autre raison d’étudier les projets de loi dans ce cadre était que le débat était plus ouvert en raison de l’absence « du Président, une présence contraignante, dont on attendait à l’époque qu’il veille aux intérêts du Roi15 ». Dès le début du XVIIIe siècle, il était devenu courant de renvoyer tous les projets de loi à de grands comités pour une étude détaillée après la deuxième lecture16. Ce fut là une façon efficace d’examiner les questions en détail et, pour la Chambre, d’établir au cours de la deuxième moitié du siècle son emprise sur les questions financières17.
Canada
Au Canada, les assemblées législatives coloniales ont calqué leurs procédures sur celles de la Chambre des communes britannique. En 1792, les Assemblées législatives du Haut et du Bas-Canada ont adopté l’usage britannique de se constituer en comité plénier pour examiner des mesures législatives ou des questions procédurales et constitutionnelles18. À partir de 1817, dans le Bas-Canada, quatre comités dont tous les députés faisaient partie étaient créés au début de chaque session et chargés par l’Assemblée de siéger certains jours de la semaine. Ils portaient le nom de grands comités des griefs, des tribunaux, de l’agriculture et du commerce. En 1840, après l’union du Haut et du Bas-Canada, la plupart des règles parlementaires en usage au Bas-Canada ont été conservées19. L’Assemblée législative de la Province du Canada a donc continué de mener une bonne partie de ses travaux en comité plénier20.
Au moment de la Confédération en 1867, la Chambre des communes a adopté les règles de l’ancienne Assemblée législative de la Province du Canada, notamment les procédures et pratiques relatives aux comités pléniers21. Ainsi, les questions concernant le commerce, la fiscalité ou les recettes publiques devaient d’abord être examinées en comité plénier avant que la Chambre des communes puisse adopter une résolution ou un projet de loi22. En outre, les adresses à la Couronne étaient souvent fondées sur des résolutions préalablement examinées en comité plénier23.
De 1867 à 1968, trois types de comités étaient composés de l’ensemble des députés : le Comité des subsides, le Comité des voies et moyens et les comités pléniers. Le Comité des subsides examinait, poste par poste, chaque demande de crédits (crédits provisoires, Budget principal et Budget supplémentaire des dépenses)24. Quand le Comité recommandait à la Chambre que les crédits demandés soient accordés et que celle-ci était d’accord, les députés se constituaient en Comité des voies et moyens25. Le Comité des voies et moyens étudiait ensuite les résolutions visant à autoriser les dépenses à partir du Fonds du revenu consolidé (le Trésor)26. Une fois qu’elles avaient fait l’objet d’un rapport et avaient été adoptées par la Chambre, un projet de loi de crédits fondé sur ces résolutions était déposé27. Le Comité des voies et moyens autorisait également de façon préliminaire les propositions fiscales énoncées dans le budget du ministre des Finances28. Un comité plénier discutait habituellement des résolutions préalables aux projets de loi prévoyant la dépense de fonds publics29. Il discutait uniquement de l’opportunité de la mesure proposée puisque les détails n’en étaient pas encore connus. Le débat pouvait s’éterniser. Une fois la résolution approuvée, la Chambre procédait au dépôt et à la première lecture du projet de loi30. Un comité plénier examinait également en détail la plupart des projets de loi après la deuxième lecture31 ainsi que des rapports de comités chargés d’étudier les règles et procédures de la Chambre32 et des questions comme les résolutions relatives aux traités et conventions internationales33. Peu de projets de loi étaient renvoyés à des comités permanents ou spéciaux pour étude. À l’époque, les comités permanents et spéciaux ne s’occupaient pas de travaux législatifs ; ils approfondissaient plutôt certaines questions. En fait, les comités permanents n’étaient pas habilités à adopter les articles d’un projet de loi. Si un comité permanent ou spécial avait été chargé d’examiner un projet de loi et en avait fait rapport à la Chambre, un comité plénier devait réexaminer, article par article, le texte du projet de loi. C’était le rapport du comité plénier que la Chambre adoptait à l’étape du rapport34.
Au cours des 100 premières années de la Confédération, seuls des changements mineurs ont été apportés aux délibérations en comité plénier. En 1910, la Chambre a modifié le Règlement pour imposer la règle de la pertinence et autoriser le président d’un comité plénier à ordonner à un député qui persiste à tenir des propos non pertinents ou répétitifs de mettre fin à son discours. Cette règle était reprise telle quelle du Règlement de la Chambre des communes britannique35. En 1955, la Chambre a adopté le rapport d’un comité recommandant de restreindre la durée des débats en comité plénier et la durée des débats sur la motion invitant la Chambre à se former en comité des subsides36. En octobre 1964, des règles ont été adoptées pour limiter le débat sur les résolutions préalables aux projets de loi prévoyant la dépense de fonds publics et pour réorganiser l’ordre d’examen des articles d’un projet de loi en comité plénier37.
En 1968, un comité spécial chargé de réviser les règles de la Chambre38 critiquait entre autres l’étude des mesures législatives en comité plénier. Il faisait valoir que ce processus était trop lourd et inefficace pour faire face à l’accroissement du volume des mesures législatives et à leur complexité. Le comité spécial recommandait, d’une part, l’élimination de l’étape préliminaire de la résolution en comité plénier pour les mesures fiscales, et, d’autre part, le renvoi de tous les projets de loi, sauf ceux fondés sur des motions de crédits et de voies et moyens, à des comités permanents qui pourraient les étudier en détail. Il recommandait également que les projets de loi renvoyés à des comités permanents ne soient pas réexaminés en comité plénier. Par ailleurs, il proposait de ne pas procéder à un débat à l’étape du rapport lorsqu’un projet de loi avait été renvoyé à un comité plénier et de limiter toutes les interventions dans ce forum à 20 minutes39. La Chambre a par la suite adopté des nouveaux articles du Règlement incorporant ces recommandations40.
En 1975, des modifications provisoires ont été apportées au Règlement concernant les travaux des subsides de manière à permettre que des postes précis du Budget des dépenses soient étudiés en comité plénier plutôt que renvoyés à des comités permanents41. Cet article provisoire a été reconduit pour la session suivante42, mais n’a pas été renouvelé par la suite.
Les procédures des comités pléniers ont été changées de nouveau en 1985 lorsque la Chambre a modifié son Règlement de façon provisoire à la suite d’une recommandation du Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes. Celui-ci recommandait que les projets de loi fondés sur des motions des voies et moyens soient renvoyés à des comités législatifs créés spécifiquement pour l’examen en détail des projets de loi plutôt qu’à un comité plénier. Seuls les projets de loi fondés sur une motion de crédits portant adoption de prévisions budgétaires ou de crédits provisoires seraient renvoyés à un comité plénier43. Cette modification est devenue permanente en 198744.
En mars 2001, la Chambre a conféré aux comités pléniers une place importante dans les usages courants de la Chambre en introduisant deux nouvelles procédures qui y ont directement recours45.
Dans un premier temps, la Chambre a voulu utiliser les comités pléniers en vue d’y tenir des débats exploratoires, débats qui sont devenus monnaie courante depuis le milieu des années 199046. Compte tenu que ceux-ci constituaient une bonne façon de faire connaître les vues des parlementaires sur les politiques gouvernementales et que les délibérations en comité plénier étaient souvent moins formelles et partisanes, un nouvel article du Règlement a été adopté pour permettre à un ministre de proposer, après consultation avec les leaders des autres partis à la Chambre, une motion fixant les modalités d’un débat exploratoire en comité plénier47. Cette procédure a été suggérée après que deux débats exploratoires en comité plénier eurent été tenus avec succès au printemps de 200148. Elle a été utilisée abondamment depuis et les débats qui ont eu lieu ont touché une vaste gamme de sujets, concernant aussi bien les politiques nationales que les questions internationales49.
Dans un deuxième temps, la Chambre a adopté un nouvel article du Règlement autorisant le chef de l’Opposition à renvoyer à un comité plénier l’étude du Budget principal des dépenses d’au plus deux ministères ou organismes50. Chaque examen a lieu le jour désigné par le gouvernement. Cet article donne plus de visibilité et d’importance au processus d’examen budgétaire. L’étude en comité plénier incite à un examen plus rigoureux des dépenses gouvernementales tout en facilitant la participation des députés qui démontrent un intérêt marqué pour les activités du ministère ou de l’organisme à l’étude. Le fait que ces travaux se déroulent dans l’enceinte de la Chambre et qu’ils sont télévisés de surcroît témoigne du rôle de surveillance de la Chambre des communes en matière de finances publiques. La première de ces études s’est déroulée en mai 200251. L’année suivante, la Chambre a ramené de cinq à quatre heures le temps maximal de débat pour chacune de ces études et a modifié le nombre de minutes allouées pour les discours52.