Passer au contenu
;

PACC Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.






HOUSE OF COMMONS
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6





INTRODUCTION

CONTEXTE

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

CONCLUSION

OPINION DISSIDENTE CONCERNANT LE RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS AU SUJET DU RAPPORT DE MAI 2002 DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE DU CANADA.

RAPPORT SUPPLÉMENTAIRE DE L'ALLIANCE CANADIENNE

OPINION COMPLÉMENTAIRE DU BLOC QUÉBÉCOIS

RAPPORT MINORITAIRE PARTI NÉO-DÉMOCRATE COMITÉ PERMANENT DES COMPTES PUBLICS RAPPORT SUR LE RAPPORT DE VÉRIFICATION SPÉCIALE DE MAI 2002 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA


Conformément à l’article 108(3)e) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a l’honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Après étude du Rapport spécial du vérificateur général du Canada de mai 2002 (Rapport au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux sur trois contrats attribués à Groupaction), le Comité permanent des comptes publics a convenu de déposer le rapport suivant :

INTRODUCTION

Le 8 mai 2002, l’ancien ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), l’honorable Don Boudria, a déposé un rapport de vérification spécial de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes. Le rapport portait sur la vérification, demandée par le Ministre, de trois contrats attribués par le Ministère à Groupaction, une agence de communications, entre 1996 et 1999.

Le 21 mai 2002, le Comité permanent des comptes publics a adopté une motion prévoyant la tenue d’une ou de plusieurs audiences sur le rapport. C’est ainsi qu’il a rencontré la vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser, le 30 mai 2002, pour discuter du rapport. M. Ronnie Campbell, directeur principal du Bureau du vérificateur général, l’accompagnait.

Comme la vérificatrice générale avait transmis ses conclusions à la Gendarmerie royale du Canada, qui avait décidé d’ouvrir une enquête, soulevant l’éventualité d’accusations au criminel, le Comité s’est réuni le 4 juin 2002 avec M. Robert Walsh, légiste et conseiller parlementaire à la Chambre des communes, pour que celui-ci le conseille sur la façon d’aborder les témoins.

M. Walsh a indiqué au Comité qu’il n’y avait aucune contrainte d’ordre juridique limitant la capacité de ce dernier d’explorer la question des trois contrats. Toutefois, il a suggéré que le Comité devrait, dans l’exercice de ses fonctions, tenir compte des limites découlant des liens entre le Parlement et le gouvernement selon le principe du gouvernement responsable. Dans ce type de régime politique, les fonctionnaires sont comptables de leurs actes essentiellement devant les ministres qui sont, à leur tour, responsables devant la Chambre des communes. Il peut donc arriver que des fonctionnaires appelés comme témoins devant des comités permanents refusent de répondre à des questions à moins que leurs ministres ne les y autorisent. Selon M. Walsh, les comités permanents ont néanmoins le droit de faire comparaître des fonctionnaires et d’anciens fonctionnaires et de les accuser, dans un rapport à la Chambre, d’outrage au Parlement s’ils refusent.

Le légiste a signalé que le Comité pouvait également chercher à établir un équilibre entre les principes de justice fondamentale et la nécessité pour les députés d’agir dans l’intérêt public. Autrement dit, le Comité devrait décider quel intérêt
prime — les droits des témoins à la justice, le droit du public à savoir ou le droit du Comité à poser des questions et à recevoir des réponses — au fil de ses délibérations.

Enfin, M. Walsh a informé le Comité que les témoignages recueillis auprès de témoins lors d’une audience ne sont pas recevables devant les tribunaux et peuvent donc compromettre une enquête policière. Il convient de citer ses mots sur la question :

Il est clair qu’aucun tribunal, dans le cadre de quelque procédure que ce soit, peut utiliser des débats parlementaires, que ce soit à la Chambre des communes ou dans un comité. Cela signifie que ce qui est dit dans un comité ou à la Chambre des communes, ne peut être présenté en cour comme preuve devant un tribunal. […] Il se peut qu’un témoin invoque la Loi sur la preuve au Canada. Cette loi ne s’applique pas aux procédures parlementaires en tant que telles, mais elle s’applique peut-être au‑delà des limites de son propre langage, pourvu que ce dont il s’agit fasse partie de l’article 13 de la Charte. Il est compréhensible que les citoyens se questionnent sur l’utilisation de la preuve fournie ici. Il est vrai cependant que ces témoins ont droit à l’immunité parlementaire. Il ne s’agit pas de quelque chose que les témoins peuvent invoquer en tant que tel, c’est une immunité dont jouissent les membres des comités, la Chambre et les membres du Parlement. Mais c’est vrai que tout ce qui est dit au cours d’un débat parlementaire, y compris dans un comité, est protégé par l’immunité et, comme je l’ai dit plus tôt, ne peut être porté devant les tribunaux ou constitué en preuve.

Ce dont on peut se soucier, […], c’est lorsque la police détient des preuves qui, selon la police et l’avocat-conseil de la Couronne, en supposant qu’une accusation soit portée, une ou des personnes comparaissent en justice, mais qu’ils ne peuvent pas établir que la preuve a été obtenue indépendamment de tout témoignage devant ce comité. Ils auraient de la difficulté s’il est dit que la preuve provient d’un témoignage protégé par l’immunité. Non seulement le témoignage fait l’objet d’une immunité, mais aussi la preuve qui en découle. Ce qui veut dire que si un témoignage présenté à ce comité permettait aux autorités chargées d’une enquête de découvrir d’autres preuves, ou leur donnait la possibilité d’être en contact avec une preuve qu’elles n’auraient pu obtenir autrement, il s’agirait de ce qu’on appelle de la preuve circonstancielle. Il se peut que la police ne puisse pas utiliser cette preuve, selon la manière dont le juge considère la question. On pourrait dire que toute enquête subséquente et toute preuve obtenue par une enquête subséquente, où la plus grande partie du matériel a été étudié lors d’une audience d’un comité, pourrait mettre en péril le succès d’une poursuite.

Compte tenu du témoignage de M. Walsh, le Comité a établi qu’il ne lui revient pas de se livrer à des enquêtes criminelles, mais plutôt de se préoccuper de prévarication. Le président a conseillé au Comité de formuler avec soin les questions posées aux témoins, puisque leur témoignage pourrait avoir des répercussions sur d’éventuelles enquêtes criminelles.

Par conséquent, le Comité s’est réuni en séance ouverte le 6 juin 2002 avec Mme Janice Cochrane, actuelle sous-ministre, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, et M. Guy McKenzie, directeur exécutif, Communication Canada. La vérificatrice générale, Mme Sheila Fraser, était également présente. Le 13 juin 2002, le Comité a rencontré M. Ranald Quail, sous-ministre de TPSGC au moment de la conclusion des trois contrats. M. Shahid Minto, vérificateur général adjoint, a témoigné au nom du Bureau du vérificateur général du Canada.

M. Charles Guité, ancien directeur exécutif de la Direction générale des services de coordination des communications (DGSCC), direction chargée de la prestation du programme, a décliné, sur conseil de son avocat, l’invitation initiale du Comité à comparaître. Le Comité a donc autorisé le président à convoquer officiellement M. Guité à comparaître devant lui. Il faut noter que les comités permanents utilisent rarement le pouvoir dont ils sont investis de convoquer les témoins de façon officielle et, ce faisant que le Comité a démontré que ce pouvoir n’avait pas disparu et que tous les comités permanents de la Chambre des communes peuvent s’en prévaloir. Le Comité a aussi réaffirmé son droit de tenir des audiences à propos d’une question qui fait l’objet d’une enquête policière. Un autre ancien directeur exécutif, M. Pierre Tremblay, a accepté de comparaître mais a demandé à ce que son avocat puisse l’accompagner, ce dont a convenu le Comité.

Compte tenu de l’avis du légiste et de la possibilité que l’enquête policière aboutisse à des accusations au pénal, le Comité a décidé de rencontrer M. Guité et M. Tremblay à huis clos. Il a également décidé que les témoignages issus de cette rencontre avec les deux témoins ne seraient rendus publics que trois ans après coup, si aucune accusation criminelle n’a été déposée ou, dans le cas contraire, après que toutes les poursuites judiciaires, y compris les appels, seront terminées. Par conséquent, les témoignages de ces deux personnes ne font pas partie du rapport qui suit. Le Comité a rencontré par la suite M. Guité et M. Tremblay dans deux réunions à huis clos distinctes, le 9 juillet 2002.

CONTEXTE

En 1997, le gouvernement a établi un programme visant à appuyer les activités sportives, culturelles et communautaires de toutes les régions du Canada. Connu sous le nom de Programme de commandites, cette initiative visait à encourager une perception positive du gouvernement fédéral et à accroître la présence et la visibilité de ce dernier dans les diverses collectivités au Canada, en utilisant le mot-symbole « Canada » lors des activités et sur le matériel de publicité.

La gestion du Programme a été assurée par diverses directions au sein de TPSGC. Au départ, le Secteur de la publicité et de la recherche sur l’opinion publique (SPROP) avait pour responsabilité d’assurer un large éventail de services de communications et de publicité au nom des ministères et des organismes fédéraux. En 1997, le SPROP a été fusionné avec plusieurs autres entités et est devenu la Direction générale des services de coordination des communications (DGSCC). Cette nouvelle entité est demeurée au sein de TPSGC jusqu’à l’automne 2001, date à laquelle elle a été amalgamée à d’autres et a formé Communications Canada, organisme distinct du Ministère.

Après la présentation du rapport du vérificateur général du Canada sur les programmes de subventions et de contributions à Développement des ressources humaines Canada[1], le sous-ministre, M. Ranald Quail, a demandé à ce que les pratiques de gestion au sein de la DGSCC fassent l’objet d’une vérification interne.

Vérification interne de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada

Du 15 mars au 11 mai 2000, la Direction générale de la vérification et de l’examen de TPSGC (la Direction) a effectué une vérification interne de la Direction générale des services de coordination des communications (DGSCC) dans le but d’en vérifier les ententes de commandite afin de s’assurer qu’elles étaient conformes aux politiques, procédures et pouvoirs pertinents. La Direction a procédé à une analyse détaillée de 276 dossiers de commandite choisis parmi 580 commandites octroyées entre novembre 1997 et le 31 mars 2000. L’échantillon a été soigneusement conçu pour représenter toutes les catégories d’entente de commandites.

Le rapport final fondé sur l’analyse de ces dossiers était daté du 31 août 2000. Voici quelques-unes des principales conclusions :

·        « Le processus de sélection retenu par la DGSCC pour choisir les firmes de communications et l’agence de distribution ne respectait pas l’esprit ni la lettre des règles et directives établies par le Conseil du Trésor. » Par exemple, les contrats d’une valeur supérieure à 25 000 $ ne sont pas octroyés par voie concurrentielle.

·        « Le processus d’approbation des commandites est subjectif et repose sur le jugement professionnel et l’expérience. De plus, en raison du manque d’évidence documentaire, il a été impossible, lors de la vérification, de déterminer si les processus ad hoc d’approbation des commandites ont été appliqués uniformément. » Dans deux cas, l’ancien directeur exécutif a fait fi de la recommandation de rejeter les demandes et a choisi de se fier plutôt à son jugement professionnel et de commanditer les événements.

·        « Le cadre de gestion du processus d’approbation des commandites de la DGSCC est inadéquat et ne garantit pas que les décisions prises par la DGSCC sont transparentes et conformes aux exigences ni que le gouvernement du Canada obtient le meilleur rapport qualité-prix possible[2]»

Les vérificateurs qui ont produit le rapport du 31 août 2000 ont discuté des résultats de leur vérification avec le directeur exécutif par intérim et reconnu que la DGSCC avait déjà pris les mesures nécessaires pour corriger certaines des lacunes. Les vérificateurs ont recommandé que le directeur exécutif par intérim :

1.      prenne les mesures nécessaires afin de rendre le processus de passation des marchés de la DGSCC conforme à toutes les directives, les politiques et les procédures sur les marchés du CT;

2.      mette officiellement en œuvre les mesures de contrôle et les processus appropriés pour l’octroi et la gestion des commandites afin de garantir une saine gestion et un contrôle des commandites, ainsi qu’une reddition de comptes à cet égard, qui favoriseraient le principe de la diligence raisonnable, une méthode uniforme, la transparence et des rapports adéquats;

3.      établisse des mesures adéquates de contrôle de la gestion financière afin de s’assurer que le montant des commandites est fixé de façon uniforme (le minimum pour atteindre les résultats escomptés) et suffisamment justifié par écrit. Il doit également s’assurer que les principes de gestion des biens comprennent un contrôle sur l’utilisation des intérêts cumulés sur les avances, l’établissement et le contrôle d’un budget de production et des dépenses prévues, un contrôle des stocks d’articles promotionnels, des liens plus évidents entre les fonds fournis et les résultats obtenus, ainsi que des rapports suffisamment complets pour évaluer le rapport qualité-prix[3].

En bref, les vérificateurs internes ont constaté que, sur le plan des ententes de commandites, les pratiques de mauvaise gestion étaient répandues à la DGSCC.

Une vérification de suivi a eu lieu en 2002, dans le cadre du plan d’action élaboré pour donner suite à la vérification originale. Cette vérification a permis d’examiner 120 des 323 dossiers de commandites approuvés entre le 31 mai et le 1er septembre 2001. Cet échantillon représentait 37 % de l’ensemble des commandites approuvées et 87 % de la valeur totale de ces commandites et portait sur toutes les commandites évaluées à 100 000 $ ou plus. Chaque dossier a été analysé pour vérifier qu’il contenait bien tous les documents nécessaires[4].

Après l’examen, l’équipe de vérification interne a conclu que 115 des dossiers contenaient tous les documents requis (« selon l’état d’avancement du dossier dans le processus de gestion des commandites »). Sur les cinq dossiers restants, trois ont été classés comme ne contenant pas tous les documents requis, et l’équipe d’examen a estimé que les explications étaient plausibles pour les deux autres dossiers qui ne contenaient pas tous les documents requis. En se fondant sur ces constatations, les vérificateurs internes ont conclu que :

[…] pour la période examinée, Communication Canada a veillé, à quelques exceptions près, à ce que tous les documents obligatoires requis dans le cadre du processus de gestion soient établis et versés dans les dossiers de commandites approuvés[5].

Compte tenu de cette conclusion, l’équipe de vérification interne n’a pas formulé d’autres recommandations.

À mesure que les résultats de la vérification interne initiale étaient révélés, le public s’intéressait de plus en plus aux activités de la DGSCC. C’est ainsi qu’un certain nombre de cas de mauvaise gestion apparente et de comportement douteux qui n’avaient pas été mentionnés précisément dans le rapport de vérification interne ont été mentionnés dans les médias[6]. Il convient de noter tout spécialement les trois contrats (l’un géré par le SPROP en 1996 et les deux autres par la DGSCC en 1999) conclus avec Groupaction. En général, il était difficile d’établir si le gouvernement avait reçu les services dont il était question dans le contrat et, selon toute probabilité, il n’avait rien reçu.

Le vérificateur général du Canada : Rapport de vérification spécial

Le 19 mars 2002, après des reportages et des questions posées à la Chambre des communes, le ministre de TPSGC d’alors, l’honorable Don Boudria, a demandé à la vérificatrice générale d’effectuer une vérification spéciale des trois contrats de commandite conclus par le Ministère et Groupaction. La vérificatrice générale a accepté la demande, mené son enquête et son rapport contenant les conclusions à la Chambre des communes a été déposé par le Ministre le 8 mai 2002.

Les trois contrats en question portaient sur les périodes allant du 2 juillet 1996 au 31 mars 1997, du 1er avril 1998 au 31 mars 1999 et du 1er mai 1999 au 31 mars 2000 et sur des montants de 500 000, 550 000 et 575 000 $ respectivement.

Pour mener sa vérification, la vérificatrice générale a cherché à établir comment le Ministère avait retenu l’entrepreneur (Groupaction) et accordé les contrats, comment il gérait et administrait ces derniers, le but du contrat ainsi que les services fournis. La vérification portait exclusivement sur les agissements de fonctionnaires supérieurs au regard des règles et règlements sur les marchés d’État et des exigences contenues dans la Loi sur la gestion des finances publiques.

Les résultats de la vérification, désormais connus du public canadien, ont été résumés de la manière suivante par la vérificatrice générale :

[….] les hauts fonctionnaires chargés de la gestion des contrats ont manifesté un mépris flagrant à l’égard de la Loi sur la gestion des finances publiques, du Règlement sur les marchés de l’État, de la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor, et des règles visant à garantir que les contrats gouvernementaux sont octroyés et administrés avec prudence et probité.

Les dossiers du gouvernement sur les trois contrats sont si mal documentés que de nombreuses questions clés entourant la sélection de l’entrepreneur et la méthode utilisée pour établir le prix et l’étendue des travaux stipulée dans les contrats demeurent sans réponse. À notre avis, le gouvernement n’a pas reçu tout ce qui était stipulé dans les contrats et ce pourquoi il a versé de l’argent.

Plus particulièrement, [la vérificatrice générale du Canada] a trouvé ce qui suit :

·        La documentation que Groupaction a produite pour les deuxième et troisième contrats comporte des similitudes parce que le gouvernement a lui-même exigé des travaux semblables aux termes des deux contrats. On peut se demander pourquoi le gouvernement a attribué le troisième contrat en 1999.

·        Le gouvernement n’a pas reçu tous les produits qu’il avait prévus aux contrats et qu’il a payés. Des éléments clés des exigences des contrats n’ont jamais été livrés, et personne n’a pu trouver le rapport prévu aux termes du deuxième contrat, pour lequel le gouvernement a versé 549 990 $.

·        Les fonctionnaires ont approuvé des paiements pour des travaux qui différaient considérablement de ce qui était stipulé dans les contrats. Dans quelques cas, ils ont approuvé des paiements tout en sachant bien que les exigences des contrats n’avaient pas été entièrement respectées.

·        On nous a dit que des paiements ont été faits pour des conseils donnés verbalement, mais ces conseils n’étaient pas prévus aux contrats; il n’existe aucune preuve dans les dossiers que des conseils ont été reçus.

·        Nous avons constaté que le premier contrat a été modifié de façon à en doubler la valeur, mais nous n’avons trouvé aucun document justifiant la nécessité de cette modification.

·        Aucun des documents que nous avons examinés ne contient d’explications sur la façon dont le gouvernement a déterminé les services requis et sur les raisons pour lesquelles il a décidé que la passation d’un contrat serait la meilleure façon d’obtenir ces services.

·        Nous n’avons trouvé aucune preuve d’un processus de sélection approprié pour l’attribution du premier contrat.

·        Nous n’avons trouvé que très peu d’éléments de preuve étayant la décision d’attribuer les deuxième et troisième contrats.

·        Les fonctionnaires n’ont pas respecté les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques et des règlements sur les marchés publics, ni vérifié si le nombre d’heures facturées par l’entrepreneur reflétait raisonnablement bien les travaux effectués[7].

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

Absence d’efforts pour que le gouvernement et les contribuables bénéficient d’un bon rapport qualité-prix

Les marchés publics reposent sur deux principes fondamentaux au Canada : l’obtention de la meilleure valeur et le libre accès des fournisseurs aux processus contractuels. En raison de ces principes et des règles relatives à la passation de marchés qui en découlent, les fonctionnaires doivent obtenir le meilleur rapport qualité-prix et il faut permettre à tous les fournisseurs qualifiés de faire affaire avec la Couronne. Le gouvernement a établi que le meilleur moyen pour cela est le processus d’appel d’offres, auquel tous les contrats de plus de 25 000 $ sont assujettis. Il existe certaines exceptions à la règle dans des circonstances bien définies, qui doivent faire l’objet d’explications claires versées aux dossiers du ministère[8]. Les résultats des vérifications montrent clairement, cependant, que l’on n’a pas suivi les politiques relatives aux marchés publics ni respecté les principes sous-jacents dans l’octroi de ces trois contrats.

Selon la vérificatrice générale, les hauts fonctionnaires chargés de l’octroi de ces trois contrats « ont contourné à peu près toutes les règles[9] ». Comme en a témoigné Mme Sheila Fraser, « un des directeurs exécutifs nous a indiqué qu’il était au courant [de la loi qui les régissait, c’est-à-dire la Loi sur la gestion des finances publiques] », alors qu’« un autre était probablement moins bien renseigné sur l’administration financière du gouvernement car il n’occupait son poste que depuis peu ».

Dans une série de rapports publiés au fil des années, l’ancien vérificateur général avait révélé qu’il arrivait trop souvent que les règlements en matière de marchés publics ne soient pas respectés[10]. De plus, pour ce qui est de l’absence ou du peu de documentation contenue dans les dossiers de la DGSCC, la vérificatrice générale a signalé que « le directeur exécutif de la DGSCC, maintenant à la retraite, […] a dit que c’était le mode de fonctionnement quand il était responsable du programme ». (C’est ce qu’a confirmé la vérification interne, laissant clairement penser que ces trois contrats n’avaient pas été traités différemment des autres dont la Direction générale était responsable.

Si les règlements étaient d’une complexité extrême, on pourrait comprendre qu’ils ne soient pas respectés de façon générale. Contrairement à bien d’autres règlements, celui sur les marchés de l’État est d’une clarté exemplaire. D’après le vérificateur général, « c’est une notion élémentaire de la bonne pratique administrative que dictent ces règles. Il ne s’agit pas de nombreuses règles très compliquées et détaillées qui ne s’appliquent pas à quelque pratique d’affaires que ce soit ». En effet, les règles sont si simples qu’on ne peut dire que c’est parce qu’on ne les comprend pas qu’on en fait fi sur une si large échelle.

À plusieurs occasions, le Comité a avancé des recommandations visant à dissiper le malaise qui entoure les marchés d’État. Par exemple, il a recommandé à deux reprises que le respect des règles soit un critère de promotion des fonctionnaires participant à l’octroi de contrats[11]. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a reçu ces propositions avec réserve. Certains fonctionnaires peuvent donc avoir l’impression que le fait de ne pas respecter les règles ne s’assortit d’aucune pénalité et que les promotions sont fonction d’autres critères. L’affirmation de l’ancien vérificateur général, en 1998 — « il semble que l’inobservation des règles d’attribution pour les contrats à fournisseur unique soit devenue une pratique fort répandue. Ce phénomène s’explique peut-être par le fait que cette pratique semble entraîner peu de conséquences[12] » — est toujours vraie quatre ans plus tard.

Le Comité n’a pas changé d’idée. En fait, la dernière vérification confirme la nécessité de mettre en place des mesures visant à encourager les fonctionnaires à respecter les règles en matière de contrat. Ceux qui enfreindraient ces règles n’auraient pas de promotion. Le Comité répète donc ses anciennes recommandations :

RECOMMANDATION 1

Que, lorsque l’on envisage de donner une promotion à un fonctionnaire s’occupant de marchés publics, l’on tienne compte, dans les principaux critères, du fait qu’il respecte ou non de façon rigoureuse les codes de conduite et la discipline établie en matière de règles et règlements pertinents.

Étant donné la gravité des agissements révélés par cette vérification, le Comité croit toutefois que le gouvernement devrait aller plus loin. Les fonctionnaires qui ont pour habitude avérée d’enfreindre les règles montrent qu’ils n’ont pas à cœur les intérêts du gouvernement ou de la population du Canada. Ils ne devraient donc pas conserver leur emploi. Par conséquent, le Comité recommande fermement et sans hésitation :

RECOMMANDATION 2

Que les fonctionnaires pour lesquels il a été prouvé qu’ils ne respectaient généralement pas les règles et règlements relatifs aux marchés publics au Canada soient soumis à des sanctions administratives et à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à leur congédiement de la fonction publique du Canada.

Il convient de noter tout particulièrement qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise ou envisagée que ce soit contre les anciens directeurs exécutifs ou les employés de la DGSCC. Faute de sanction significative contre ceux qui « ont contourné à peu près toutes les règles », comme l’a dit la vérificatrice générale, il est difficile de croire que d’autres ne feront pas de même à l’avenir.

Dans son rapport de 1999, l’ancien vérificateur général a fait remarquer que, dans le cas des contrats à fournisseur unique de services professionnels, « il est clair que les problèmes que nous avons observés sont répandus dans toute l’administration fédérale[13] ». L’actuelle vérificatrice mène actuellement une vérification des programmes de publicité et de commandites dans l’ensemble de la fonction publique et compte en dévoiler les résultats d’ici la fin 2003. Le Comité est convaincu que la situation justifie un examen complet devant mener à une analyse des problèmes et des remèdes à y apporter. Le Comité félicite donc la vérificatrice générale de sa décision de mener une vérification sur large échelle des programmes de publicité et de commandites et se réjouit d’en connaître les résultats.

Mme Cochrane a informé le Comité que, après avoir reçu le rapport de la vérificatrice générale sur la vérification spéciale, elle avait demandé un examen détaillé de tous les dossiers de commandite de novembre 1997 au 31 mars 2000 pour établir s’il existait d’autres cas où la Couronne n’en n’avait pas eu pour son argent. « Je peux assurer tous les membres du Comité que je suis déterminée à aller au fond des choses », a-t-elle déclaré.

Le Comité appuie la détermination du sous-ministre de faire vérifier les dossiers de commandite de son ministère. Étant donné qu’il s’agit d’une question intéressant au plus haut point le Parlement et la population canadienne, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 3

Que le rapport produit par la Direction générale de la vérification et de l’éthique sur tous les dossiers de commandite du Ministère de novembre 1997 au 31 mars 2000 soit déposé à la Chambre des communes dès qu’il sera complet.

La question de savoir si le gouvernement a versé des fonds pour des services qui ne lui ont pas été fournis est particulièrement troublante. La vérificatrice générale a établi que des éléments clés des exigences ne figuraient pas dans le rapport concernant le premier contrat et que la valeur du contrat avait été doublée, alors que les travaux fournis étaient de moindre ampleur que ce qui avait été convenu à l’origine. De plus, personne n’a pu trouver le rapport prévu aux termes du deuxième contrat, pour lequel le gouvernement a versé 549 990 $[14]. Le gros des exigences du gouvernement ne figuraient pas dans le rapport produit pour le troisième contrat, d’une valeur de 575 000 $. Or, quand on lui a demandé si le gouvernement avait recouvré les sommes dépensées pour des travaux non effectués, Mme Cochrane a indiqué que les preuves disponibles ne suffisaient pas à établir si les fonds avaient été dépensés à bon escient et qu’il était trop tôt pour intenter des poursuites au civil dans le but de les recouvrer. Elle a précisé que la décision concernant un éventuel remboursement dépendrait des conseils du ministère de la Justice et des résultats de l’enquête menée par la GRC. Le Comité est fermement convaincu qu’il est impératif de recouvrer les sommes versées pour des services non rendus et recommande donc :

RECOMMANDATION 4

Que le gouvernement du Canada fasse tout son possible pour recouvrer toutes les sommes versées relativement aux trois contrats vérifiés par la vérificatrice générale lorsque les services convenus n’ont pas été fournis et informe le Parlement de la situation.

Lorsque le Comité a analysé les résultats de la vérification décrits au Chapitre 26 du rapport de 1998, il a appris que le Secrétariat du Conseil du Trésor devait participer au suivi et à l’évaluation de la passation de marchés par les ministères et communiquer les résultats au Parlement. Ce rôle n’a été que partiellement assumé. Le Secrétariat obtenait des données sur les marchés des ministères, compilait les chiffres et les communiquait. Il n’en faisait aucune analyse. Dans une certaine mesure, il se fiait aux vérifications internes des ministères pour obtenir des renseignements sur la passation de marchés, mais la vérificatrice générale a déclaré que les ministères « ont fait certains travaux de vérification interne touchant les pratiques de passation des marchés, mais généralement pas sur une grande échelle ».

Par contre, l’article 5.1 de la Politique sur les marchés du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada énonce que :

Deux mécanismes seront utilisés pour surveiller les activités relatives aux marchés de l’État : les vérifications ministérielles et le Rapport annuel sur les marchés. Les ministères seront évalués selon leur niveau de conformité aux politiques relatives à la passation des marchés et selon le nombre de marchés concurrentiels qu’ils passent.

Tous les ministères et organismes qui octroient et/ou modifient des contrats doivent soumettre au Secrétariat du Conseil du Trésor un rapport annuel sur leurs activités à ce chapitre.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor effectue également l’examen périodique des marchés de services de particuliers, y compris de ceux dont la valeur est inférieure à 5 000 $. De plus, les vérificateurs ministériels ont besoin de renseignements concernant les marchés. Les autorités contractantes doivent s’assurer que les dossiers des marchés comprennent des pièces justificatives démontrant la justesse des honoraires versés et la nécessité de recourir au processus contractuel plutôt qu’à la dotation en personnel.

Par conséquent, le Comité a formulé une recommandation reprenant le libellé de l’article 5.1 de la Politique sur les marchés du Secrétariat du Conseil du Trésor l’appelant à y adhérer[15]. La vérification a toutefois révélé que la politique n’était pas suivie de façon rigoureuse et que la réponse du Secrétariat du Conseil du Trésor à la recommandation du Comité montrait qu’il ne cherchait guère à modifier son approche.

Le Comité craint que le processus de signalisation des problèmes relatifs aux contrats portant sur des activités promotionnelles ne fonctionne pas. Les ministères, organismes centraux et personnes concernés ne semblent pas avoir été mis au courant de la situation.

Le Comité estime que le Secrétariat du Conseil du Trésor a un rôle à jouer qui va au-delà de la simple collecte de données sans remise en question. Ce rôle est décrit de façon optimale par une application proactive et vigoureuse des éléments de l’article 5.1 de la Politique sur les marchés. Il convient de déceler et de résoudre rapidement tout problème se produisant dans le domaine.

Les problèmes posés par ces trois contrats ont couvert la période allant de juillet 1996 au 31 mars 2000, soit près de quatre ans et ont coûté au gouvernement environ 1,6 million de dollars, à ce que l’on sache. Il n’y a peut-être pas de meilleurs arguments pour justifier un examen plus complet des marchés publics conclus dans l’ensemble du gouvernement par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 5

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor suive de près tout octroi de marché public par les mnistères conformément à l’article 5.1 de sa Politique sur les marchés et remette davantage en question le bien-fondé des contrats conclus et intervienne au gré des besoins pour corriger les problèmes décelés.

RECOMMANDATION 6

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor fournisse au Parlement une analyse des cas où les règles en matière de passation de marchés ont été enfreintes et des correctifs qu’il aura pris, ou que le ministère ou l’agence concernés auront pris conformément au rapport annuel sur la passation de marchés. L’analyse devrait indiquer le nombre d’irrégularités, les ministères ou agences concernés et les sommes en question.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor doit accroître ses activités de suivi, mais le Comité reconnaît néanmoins que le travail du Secrétariat à cet égard dépend dans une large mesure d’une vérification interne efficace.

En 2001, le Secrétariat du Conseil du Trésor a adopté une nouvelle politique sur la vérification interne qui a recentré les objectifs de cette fonction et créé un centre d’excellence en vérification interne du Secrétariat. Ces changements se sont accompagnés de nouveaux fonds destinés au module de vérification interne au sein des ministères. Ces projets sont prometteurs et le Comité est ravi de l’intérêt renouvelé que porte le Secrétariat du Conseil du Trésor à la vérification interne[16].

Cependant, la Politique ne portait pas sur une lacune fondamentale qui pourrait masquer tout avantage qu’elle pourrait contenir. Les modalités structurelles et les modes de communication des modules de vérification interne sont essentiellement inchangés. En vertu de la nouvelle politique, les administrateurs généraux sont tenus d’établir une fonction de vérification interne et un comité de vérification interne présidé par un cadre supérieur. Elle stipule que : « Dans la plupart des ministères qui ont une fonction de vérification interne, c’est l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui préside le comité[17] ».

Même si les administrateurs généraux des ministères doivent informer le Secrétariat du Conseil du Trésor « des questions importantes en matière de risques, de contrôles ou d’autres problèmes relativement aux pratiques de gestion après que ces points ont été signalés » par les vérificateurs internes, les rapports de vérification interne doivent d’abord passer par l’administrateur général du ministère et le comité de vérification interne[18].

Ces modalités s’accompagnent de conséquences multiples qui pourraient compromettre l’efficacité de la vérification interne. Actuellement, la vérification interne évolue dans les limites du contrôle ministériel et les conclusions auxquelles elle donne lieu doivent passer par les processus ministériels avant d’être communiquées au Secrétariat du Conseil du Trésor ou affichées sur les sites Web des ministères. Le critère de rapidité est donc pour le moins aboli. En deuxième lieu, les fonctions de vérification interne sont telles qu’ il faut informer le responsable — l’administrateur général chargé en fin de compte de gérer le ministère — qu’il, ou quelqu’un sous sa coupe, a failli à certaines de ses responsabilités. Il est donc très difficile d’enquêter, d’évaluer et de communiquer les cas de mauvaise gestion au sein des ministères de façon complète et transparente.

La meilleure façon de surmonter ces difficultés consiste à retirer la fonction de vérification interne de la chaîne de responsabilité interne du ministère et de la redéfinir comme découlant du Secrétariat du Conseil du Trésor. Il existe un précédent dont on pourrait s’inspirer; un grand nombre d’avocats du ministère de la Justice travaillent dans quelque 30 ministères ou agences fédéraux. Dans le cadre des Services aux clients gouvernementaux, les avocats du ministère travaillant dans un module juridique spécialisé sont en mesure de conseiller les chefs des ministères et de faire en sorte que les politiques, les programmes et le fonctionnement du ministère ou de l’agence soient conformes à la loi.

Si les fonctions de vérification interne sont confiées au Secrétariat du Conseil du Trésor, les modules de vérification interne pourraient continuer de fournir des services aux ministères. Parallèlement, ces derniers jouiraient d’une autonomie plus grande au sein des ministères et auraient la possibilité de porter les problèmes d’envergure à l’attention du Secrétariat de manière directe et à temps. Ce changement permettrait au Secrétariat du Conseil du Trésor et au Parlement d’obtenir la garantie dont ils ont besoin, à savoir que les résultats des vérifications internes dans des domaines comme la conclusion de marchés publics sont disponibles, fiables et fondés sur une méthodologie uniforme.

Il sera aussi bénéfique pour d’autres raisons que le Secrétariat du Conseil du Trésor chapeaute toutes ces entités. Il y aura une plus grande uniformité au gouvernement dans la manière dont seront cernées et gérées les priorités de vérification interne dans des secteurs comme les marchés publics et les subventions et contributions. Après avoir examiné la nouvelle politique de vérification interne, le Comité a souligné que les politiques antérieures en la matière étaient saines, et que le problème venait de ce qu’elles n’avaient pas été entièrement appliquées. Ce nouveau mode de fonctionnement assurerait une application harmonieuse, uniforme et complète des normes de vérification internes et des nouvelles politiques. Il faciliterait également la formation et le partage de renseignements.

Compte tenu des considérations ci-dessus, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 7

Que le gouvernement du Canada restructure les fonctions de vérification interne des ministères de manière à ce que ce soit le Centre d’excellence en vérification interne du Secrétariat du Conseil du Trésor qui les chapeaute.

Au moment de l’adoption de la nouvelle politique de vérification interne, le gouvernement a annoncé qu’il accroîtrait ses dépenses à ce titre. Les ministères devaient obtenir 7,2 millions de dollars de plus au cours de l’exercice 2001-2002, et 15 millions de dollars de plus au cours de l’exercice 2002-2003 pour la vérification interne. Ce montant semble impressionnant, mais il est réparti sur un grand nombre de ministères et est accordé après plusieurs années de compressions des dépenses en vérification interne.

Le Comité s’est demandé si les fonds supplémentaires suffiraient[19]. Il a recommandé que l’application et le niveau de financement de la nouvelle politique soient soigneusement analysés[20]. Compte tenu de l’importance cruciale de la vérification interne pour ce qui est de dégager et de corriger les problèmes liés à une mauvaise gestion des programmes de commandite et des marchés publics, le Comité estime que les questions de financement doivent être analysées assez rapidement. Par conséquent, il recommande :

RECOMMANDATION 8

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor cherche à établir si le niveau de financement fourni aux entités de vérification interne est suffisant et fasse part de ses conclusions au Parlement d’ici le 31 octobre 2003.

Le Comité a cherché à savoir à quel point certains hauts fonctionnaires ministériels étaient au fait des décisions prises par la DGSCC. Selon divers organigrammes fournis par Mme Cochrane, avant 1997 le directeur exécutif du Secteur de la publicité et de la recherche sur l’opinion publique (SPROP) relevait du sous-ministre adjoint du Service opérationnel au gouvernement. Après 1997, année de création de la DGSCC, il relevait directement du sous-ministre.

Comme l’a expliqué M. Quail, le Ministère est d’une grande envergure et ne peut fonctionner que par délégation de pouvoirs. Il est doté d’un cadre de gouvernance, d’une chaîne de responsabilité et de relations hiérarchiques claires ainsi que d’une fonction de vérification effective. Un programme d’éthique a également été mis sur pied et considéré par le Bureau des valeurs et de l’éthique du Secrétariat du Conseil du trésor comme exemplaire.

M. Quail a indiqué qu’il se fiait beaucoup au cadre de gouvernance et avait entièrement confiance en ses subalternes. À la lumière des problèmes qu’a connus Développement des ressources humaines Canada, il avait cependant pensé, en tant que sous-ministre, qu’il serait prudent de faire confirmer par une vérification interne que ses subalternes menaient leurs activités de façon correcte en respectant les règles et procédures du gouvernement. Le Comité estime que cela appuie son appel à une fonction de vérification interne concertée dans les ministères et agences du gouvernement, surtout ceux œuvrant dans le domaine des subventions et contributions et des programmes de nature analogue au programme des commandites.

M. Quail et Mme Cochrane ont fait valoir que TPSGC était un gros ministère au mandat complexe. Il compte en effet quelque 14 000 employés et est doté d’un budget annuel d’environ 2,1 milliards de dollars. Il semblerait donc logique de conclure qu’un sous-ministre responsable d’une telle charge ne puisse connaître tous les détails de chaque mesure prise par chacun de ses employés. Toutefois, M. Quail a indiqué dans son témoignage qu’après novembre 1997 les anciens directeurs exécutifs de la DGSCC relevaient directement de lui. Le sous-ministre devait ainsi — et c’était probablement le but visé — avoir amplement l’occasion de se familiariser avec les activités de la Direction. Pourtant, malgré ces liens, M. Quail n’était pas au courant des éventuelles violations de la Loi sur la gestion des finances publiques commises par la Direction et ni eu connaissance des problèmes révélés par la vérification interne (dossiers vus remontant jusqu’en novembre 1997, date à laquelle la relation hiérarchique directe a commencé) et par l’enquête du vérificateur général (axée sur les trois contrats conclus en 1996, 1998 et 1999). C’est au sous-ministre que revient sans aucun doute la responsabilité de poser des questions pertinentes et d’obtenir des réponses, surtout lorsque le dossier est de nature délicate. L’obscurité dans laquelle M. Quail s’est dit être à propos des activités de la DGSCC révèle donc un manque flagrant de rigueur et d’attention à des détails clés, qualités qu’un sous-ministre est censé posséder.

Au cours de la rencontre avec M. Quail, un membre du Comité a demandé si le roulement de personnel à la DGSCC était très élevé en raison des inquiétudes suscitées par la mauvaise gestion des dossiers de commandites. M. Quail a dit ne pas être au courant d’un tel roulement et a fait savoir que les employés du Ministère avaient la possibilité d’envoyer des enveloppes brunes, ce qu’ils faisaient, et que le Ministère avait un moyen d’aborder la question. Le sous-ministre en poste a fait savoir qu’une nouvelle politique sur la divulgation interne des documents, la Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail, prévoyait des protections pour les employés désirant signaler des cas de comportement non éthique.

La Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail est entrée en vigueur le 30 novembre 2001 et a pour objectif de « permettre aux employés de divulguer de l’information concernant des actes fautifs et s’assurer qu’ils sont traités équitablement et protégés contre des représailles lorsqu’ils le font d’une manière conforme à la politique ». Les actes fautifs y sont définis comme « a) la violation d’une loi ou d’un règlement; b) un usage abusif de fonds ou de biens publics; c) un cas flagrant de mauvaise gestion; d) une menace grave et particulière pour la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens ou pour l’environnement ». Les sous-ministres sont chargés de faire appliquer la Politique et tenus de désigner un cadre supérieur de leurs ministères pour recevoir les plaintes touchant un acte fautif.

Le Bureau des valeurs et de l’éthique du Secrétariat du Conseil du Trésor doit vérifier que tous les ministères et agences sont équipés de mécanismes de divulgation interne et que la Politique fera l’objet d’un examen au plus tard trois ans après son entrée en vigueur.

Le Comité se demande si, compte tenu de la nouvelle politique, il sera possible pour les fonctionnaires de signaler les actes fautifs comme ceux qui se sont produits au sein de la DGSCC, si les employés seront protégés des représailles et si les plaintes déposées en vertu de la Politique donneront lieu à des mesures disciplinaires ou des correctifs appropriés. Ces préoccupations découlent des réserves que le Comité entretient à l’égard des mécanismes actuels qui régissent les entités de vérification interne. En vertu de la Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail, la signalisation des cas d’actes fautifs soupçonnés et les enquêtes qui en découlent demeurent au sein du ministère. Bien que la Politique prévoie un poste d’agent de l’intégrité de la fonction publique chargé d’agir comme entité neutre dans les affaires de divulgation interne d’actes fautifs, les ministères sont en première ligne pour ce qui est de la divulgation de tels actes. On craint toujours que le personnel hésite à signaler de manière ouverte et transparente des actes qu’ils soupçonnent être fautifs. Pour éviter tout problème à cet égard et pour que les allégations d’actes fautifs soient traitées rapidement, en toute confidence et le plus efficacement possible, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 9

Que la Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail soit modifiée de sorte que l’administration de la politique soit confiée au Bureau des valeurs et de l’éthique du Secrétariat du Conseil du Trésor et à l’agent de l’intégrité de la fonction publique.

De plus, par souci de transparence et pour tenir le Parlement informé de l’application de la Politique, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 10

Que l’agent de l’intégrité de la fonction publique suive l’application de la Politique sur la divulgation interne d’information concernant des actes fautifs au travail, recense le nombre d’actes fautifs signalés, leur nature et leur issue et consigne ces renseignements dans le rapport annuel au Président du Conseil privé en vue de son dépôt au Parlement, et ce dès le rapport pour 2003.

Le Comité se demande si la mauvaise administration de ces dossiers s’explique par un manque d’éthique. Mme Cochrane, actuelle sous-ministre, a nié que tel était le cas. Elle a expliqué au Comité : « c’est de la mauvaise gestion des affaires publiques, des pratiques administratives et de gestion très mauvaises. Je n’irais pas jusqu’à dire que les fonctionnaires n’ont pas fait preuve d’un comportement éthique ». Elle a ajouté que le cadre éthique du Ministère, combiné à la politique d’éthique récente sur la divulgation interne découragerait tout autre comportement non éthique. Mme Cochrane a peut-être raison pour ce qui est de l’efficacité des nouvelles mesures, seul le temps le dira. Des membres du Comité contestent toutefois la conclusion de Mme Cochrane, selon laquelle les valeurs éthiques ont été respectées pendant la période où les trois contrats ont été conclus.

Outre les règles, les politiques et les directives qui définissent le mode de gestion des marchés publics, il existe également une entente tacite qui régit (ou devrait régir) le comportement des fonctionnaires dans ce type d’affaire publique. Il s’agit d’un devoir de loyauté, non seulement envers le gouvernement en tant qu’employeur mais également envers les citoyens et contribuables du pays. Les fonctionnaires sont plus que de simples employés; ils sont les gardiens de l’intérêt public. Les Canadiens s’attendent à ce que les fonctionnaires fassent des choix judicieux, dépensent les deniers publics avec prudence et traitent l’intérêt public avec soin et le public avec respect. Aucune place ne devrait être laissée à la poursuite d’intérêts privés, à l’égocentrisme. Il n’y a que place pour le service public.

Certains fonctionnaires, dans leur hâte d’assurer la prestation d’un programme, peuvent être tentés d’empreindre une politique publique de leur point de vue personnel. Ceci peut donner lieu à des mesures expéditives, à des violations des règles et à des mesures qui, bien que contraires à la politique de l’État, semblent justifiables compte tenu des buts poursuivis. Rien n’est plus loin de la vérité. La fin ne justifie jamais les moyens. Toute impropriété commise dans un but louable demeure une impropriété.

Au cours des témoignages entendus, il n’a jamais été établi directement pourquoi le directeur exécutif de la DGSCC relevait directement du sous-ministre, comme l’indiquaient les organigrammes remis par Mme Cochrane. Bien que la Direction générale ait été chargée d’un aspect particulièrement délicat et important de la politique publique, il semblerait, d’après les témoignages, qu’elle ait été complètement mise à l’écart de la prise de décision politique. Aucun des témoins n’a reconnu de participation ministérielle aux opérations de la Direction générale et cette dernière semble avoir évolué dans un vide politique. Il semble que c’est ainsi que le mode de communication ait été structuré dans le Ministère et que cela ait en fin de compte empêché la reddition de comptes par le gouvernement à l’égard d’un programme important dont il était chargé. Le Comité estime que ce type de mode de fonctionnement doit être éliminé et recommande donc :

RECOMMANDATION 11

Que le gouvernement du Canada revoie ses organigrammes et veille à ce que les liens hiérarchiques qui existaient entre l’ancienne Direction générale des services de coordination des communications et le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux ne soient pas reproduits dans ses autres ministères et agences.

Comme nous l’avons déjà dit, Mme Fraser a fait savoir au Comité que l’un des anciens directeur exécutif de la DGSCC aurait dû connaître les règlements relatifs aux marchés publics, mais que l’autre « était probablement moins bien renseigné […] car il n’occupait son poste que depuis peu ».

En vertu de l’alinéa 39(4) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, « quiconque a été, pendant au moins trois ans, directeur de cabinet, adjoint spécial ou secrétaire particulier d’un ministre, ou titulaire successivement de deux ou trois de ces postes, a le droit, pendant une période d’un an à partir de la date de sa cessation d’emploi, d’être nommé sans concours et […] en priorité absolue à un poste de la fonction publique pour lequel la Commission le juge qualifié, à un niveau au moins équivalent à celui de secrétaire particulier d’un administrateur général ».

Le Comité se demande si cet article de la Loi est utile pour combler des postes clés de fonctionnaires, dont beaucoup sont de nature délicate et exigent une connaissance approfondie des politiques, règles et règlements internes. Les titulaires de postes de cadre supérieur sont autorisés à prendre des décisions importantes, souvent assorties de dépenses considérables et politiquement délicates. Ils sont également appelés à diriger du personnel dont ils doivent évaluer le rendement. Faute de connaissances des procédures de la fonction publique et de compétences connexes, il est difficile de comprendre comment on peut être censé répondre aux exigences liées à ces postes. De plus, compte tenu de l’importance cruciale du maintien de l’intégrité du service public, il faudrait éliminer immédiatement tout mécanisme qui menace même de loin cette intégrité en créant des possibilités de conflit d’intérêts, ou même la perception de conflit d’intérêts. Enfin, le Comité estime que l’article de la Loi contredit directement le mandat de la Commission de la fonction publique qui est de « maintenir et préserver une fonction publique hautement compétente et qualifiée, dont les membres sont nommés selon le principe du mérite; et assurer une fonction publique non partisane[21] ». Par conséquent, le Comité recommande :

RECOMMANDATION 12

Que le gouvernement du Canada remanie en profondeur les articles 39.2 à 39.6 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique pour faire en sorte qu’ils soient appliqués correctement.

CONCLUSION

Dans son rapport de décembre 1998, l’ancien vérificateur général a conclu : « Par le passé, nous avons fait de nombreuses recommandations au gouvernement pour qu’il améliore ses pratiques d’attribution des marchés. Toutes ces recommandations se résument en fait en une seule : appliquer les règles établies[22] ».

En fin de compte, la mauvaise administration de ces trois contrats démontre une chose. Tous les règlements, règles, directives et codes d’éthique et valeurs au monde ne peuvent garantir un comportement correct et un rendement adéquat. C’est également l’enseignement qu’il faut tirer de la manière dont les marchés publics ont été gérés. La présence d’un bon cadre réglementaire ne conduit pas à des pratiques saines en la matière. L’application des règles est incontournable. Pour cela il faut des mécanismes adéquats, un système de vérification interne à la fois efficace et autonome et la possibilité pour les fonctionnaires qui sont témoins d’actes fautifs de faire connaître leurs préoccupations en toute confidence à un tiers neutre ayant le pouvoir d’agir rapidement et concrètement.

Les conclusions de la vérificatrice sont très inquiétantes, même pour le Comité pourtant habitué aux problèmes de respect et d’application des politiques en matière de marchés publics. Le Comité espère que ses craintes et ses recommandations recevront une attention rigoureuse et contribueront à assurer un régime de marchés publics plus transparent et efficace pour le gouvernement canadien.

Conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande que le gouvernement dépose une réponse globale au présent rapport.

Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (séances nos 9, 12 et 17) est déposé.

Respectueusement soumis,

Le président,

 

 

 

JOHN WILLIAMS, DÉPUTÉ



[1]       Voir Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, octobre 2000, Chapitre 11, Développement des ressources humaines Canada — Des subventions et des contributions.
(http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/reports.nsf/html/0011cf.html).

[2]       Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Direction générale des services de coordination des communications, 2000-723 Vérification dirigée de la gestion des commandites à la DGSCC, Rapport final, 31 août 2000, p. 2-3. http://www.tpsgc.gc.ca/aeb/text/archive/00-723-f.html.

[3]       Ibid, p. 4.

[4]       Un certain nombre de documents sont nécessaires, notamment la proposition de commandites, la lettre d’approbation, le plan de visibilité, l’analyse des résultats, l’estimation officielle pour la production de documents promotionnels supplémentaires, tous les documents contractuels et, enfin, les factures avec toutes les pièces justificatives connexes.

[6]       La vérificatrice générale a fait savoir que les trois contrats vérifiés par son bureau ne représentaient pas des ententes de commandites comme celles vérifiées en 2000 par le Service de vérification interne de son ministère. Ranald Quail, sous-ministre, a présenté le même argument au moment de la conclusion des trois contrats. Toutefois, les conclusions de la vérification interne sont analogues à celles de la vérificatrice générale en ce sens qu’elles indiquent que le mépris des règles relatives aux marchés publics, l’absence de documentation adéquate dans les dossiers et le recours au jugement personnel au lieu de moyens objectifs de sélection des fournisseurs étaient courants à la DGSCC.

[7]       Bureau du vérificateur général du Canada, mai 2002 — Rapport au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux sur trois contrats attribués à Groupaction, p. 1-2.

[8]       Selon le Règlement sur les marchés de l’État et la Politique sur les marchés du Secrétariat du Conseil du Trésor, on ne peut passer un contrat à fournisseur unique que dans les quatre cas suivants :

§          la valeur du contrat est inférieure à 25 000 $;

§          en cas d’extrême urgence;

§          il n’est pas dans l’intérêt public de solliciter des offres; ou

§          une seule personne (ou entreprise) est en mesure d’exécuter les travaux.

[9]       Bureau du vérificateur général du Canada, communiqué du 8 mai 2002.

[10]     Rapport du vérificateur général du Canada, décembre 1998, Chapitre 26, La passation des marchés de services professionnels — Certains contrats à fournisseur unique; Rapports du vérificateur général du Canada, septembre et novembre 1999, Chapitre 30, Les marchés de services professionnels conclus avec un fournisseur unique au moyen de préavis d’adjudication de contrat.

[11]     Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 28e rapport, 1re session, 36e législature, Recommandation 4, déposé le 5 mai 1999; Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes, 12e rapport, 2e session, 36e législature, Recommandation 1, déposé le 8 juin 2000.

[12]     Rapport du vérificateur général du Canada, 1998, Chapitre 26, paragraphe 58.

[13]     Vérificateur général du Canada, 1999, paragraphe 30.83.

[14]     Les documents de préparation du rapport ont été reconstitués et présentés après expiration du contrat.

[15]     Comité permanent des comptes publics, 28e rapport, 1re session, 36e législature, recommandation 1, déposé le 5 mai 1999.

[16]     Comité permanent des comptes publics, 7e rapport, 1re session, 37e législature, déposé le 5 novembre 2001.

[17]     Secrétariat du Conseil du Trésor, Politique de vérification interne.

[18]     Ibid., p. 2.

[19]     Comité permanent des comptes publics, 7e rapport, 1re session, 37e législature, déposé le 5 novembre 2001.

[20]     Ibid.

[21]     Commission de la fonction publique du Canada, voir : http://www.psc-cfp.gc.ca/centres/mission_f.htm.

[22]     Vérificateur général du Canada, 1998, paragraphe 26.58.

 

 

 

 


Opinion dissidente concernant le Rapport du Comité permanent des comptes publics au sujet du rapport de mai 2002 de la Vérificatrice générale du Canada.
(De Mac Harb, député libéral et membre du Comité)

Atteinte au privilège parlementaire (huis clos)

En préparation à la rédaction du rapport en question, le Comité permanent des comptes publics a entendu de nombreux témoins. Le 9 juillet 2002, il a entendu l’ancien directeur général de la Direction générale des services de coordination des communications, chargée de l’attribution des marchés. Le Comité avait décidé d’entendre le témoin à huis clos, mais après l’audience, au lieu de respecter la promesse faite au témoin de ne pas divulguer le contenu de son témoignage, certains membres de l’Opposition ont accordé des entrevues aux médias. En divulguant, même partiellement, le contenu des questions posées et des réponses données, les personnes concernées ont contrevenu directement au privilège parlementaire. Le fait de rompre la promesse de secret et de confidentialité de l’audience en divulguant en partie son contenu est une faute qui porte atteinte au droit d’un témoin à la justice et à une audition impartiale.

Certains membres du Comité ont outrepassé leur mandat

La mission du Comité consiste à examiner l’administration des programmes et services publics, pas de faire le travail de la police ou du Bureau du vérificateur général. Au lieu de se concentrer sur leur mandat, certains des membres du Comité semblent avoir trahi la confiance placée en eux par les Canadiens. Mus par des intérêts partisans, ces députés se sont livrés à une sorte de chasse aux sorcières et, au lieu de poser de questions pertinentes, ont dénaturé le processus d’audience. En contrevenant aux règles de confidentialité, ils ont porté atteinte à la crédibilité du Comité.

Nous avons l’une des meilleures fonctions publiques du monde. Il est malheureux que des députés de l’Opposition aient laissé leur intérêt personnel l’emporter sur l’intégrité et l’efficacité de la fonction publique.

Recommandation

Il est recommandé que la Chambre des communes critique sévèrement les actions des députés de l’Opposition qui n’ont pas respecté l’ordonnance de huis clos et que la question soit renvoyée pour enquête à un comité parlementaire. La Chambre des communes devrait en outre préparer un rapport contenant les noms des personnes fautives et des propositions de sanctions à leur endroit.

 

 

 

 


RAPPORT SUPPLÉMENTAIRE DE L’ALLIANCE CANADIENNE
AU RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES
COMPTES PUBLICS SUR LES TROIS CONTRATS
ACCORDÉS À GROUPACTION

Les conclusions de la vérificatrice générale et du Comité des comptes publics concernant les contrats accordés par le gouvernement du Canada à Groupaction sont très préoccupantes. Elles montrent à quel point l’administration actuelle se caractérise par une mauvaise gestion et une utilisation abusive de l’argent durement gagné par les contribuables canadiens. Il est triste aussi de constater que cette affaire révèle la corruption de certains fonctionnaires. Le gouvernement libéral a tenté de couvrir l’affaire et de garder les Canadiens dans l’ignorance quant aux gestes posés par ses bureaucrates et certains politiciens. Rien d’étonnant à ce que les Canadiens aient l’impression de ne pas pouvoir faire confiance à leur gouvernement.

Les députés de l’Alliance canadienne qui siègent au Comité tiennent à signaler le travail accompli par le président du Comité des comptes publics pour trouver un consensus parmi les membres issus des différents partis politiques. L’Alliance le remercie pour son leadership solide et constant à la tête du Comité.

L’Alliance est également d’avis qu’il faut considérer comme incomplètes les audiences portant sur les contrats accordés à Groupaction puisqu’un certain nombre de témoins clés proposés par les partis d’opposition, qui auraient pu nous faire part de leur connaissance privilégiée des pratiques contractuelles de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, ont été rejetés par la majorité libérale du Comité. Il s’agissait de l’ancien ministre des Travaux publics, l’honorable Alfonso Gagliano, ainsi que de certains hauts fonctionnaires.

Nous, de l’Alliance, souscrivons à de nombreuses recommandations mais déplorons que le rapport ne fasse pas état du déficit éthique associé aux acteurs politiques, en l’occurrence le premier ministre et l’ex-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, devenu depuis ambassadeur au Royaume du Danemark, l’honorable Alfonso Gagliano.

Certains témoignages, dont celui de l’ancien sous-ministre des Travaux publics, M. Ranald Quail, indiquent que M. Gagliano a pris part à des décisions politiques délicates. On a demandé à M. Quail si les ex-directeurs exécutifs de la Direction des services de coordination des communications de TPSGC, Charles Guité et Pierre Tremblay, relevaient directement de lui ou d’une autre personne (61:1150). M. Quail a répondu : « Ils étaient sous mon autorité, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’avaient pas d’entretiens avec toutes sortes de personnes. » M. Quail a ajouté que M. Guité et M. Tremblay « auraient eu des entretiens avec le ministre (M. Gagliano) et son personnel. » Répondant plus tard à une question sur la vérification interne et un plan de communication subséquent, M. Quail a affirmé : « Nous avons eu des discussions avec le BCP, et il y a eu une autre réunion avec le BCP et le BPM (bureau du premier ministre). » (61:1225).

Il ressort de ce témoignage que l’on peut difficilement croire à l’existence d’un vase clos tel que les politiciens n’auraient pas été au courant de ce que M. Quail, M. Guité et M. Tremblay faisaient. On a aussi l’impression que les manquements à l’éthique et les abus de pouvoir à des niveaux très élevés du gouvernement du Canada ont probablement pris leur source auprès de l’ex-ministre Gagliano et de ses collaborateurs. Dans le système de Westminster, le ministre est en bout de ligne responsable de son ministère. L’Alliance canadienne déplore donc au plus haut point que l’influence du ministre et les « entretiens » avec les hauts fonctionnaires ont contribué à ces entorses très graves aux pratiques d’administration et de gestion.

Les contrats confiés à la GRC par le vérificateur général ne sont que la pointe d’un iceberg d’irrégularités et d’illégalité en ce qui a trait aux contrats à Travaux publics. D’autres témoins auraient pu faire de nouvelles révélations. La réticence  des libéraux à entendre d’autres témoignages donne à penser que certains membres du Comité étaient plus soucieux de sauvegarder l’héritage du premier ministre que de vraiment faire la lumière sur ce qui se passait au BPM, au BCP et à Travaux publics.

Aux dernières nouvelles, 11 contrats feraient maintenant l’objet d’une enquête de la GRC : quatre contrats de publicité et sept de sondage d’opinion publique. Dans le cas des quatre premiers, rien ne prouve que l’on ait avisé TPSGC comme le veut la politique des contrats du Conseil du Trésor; le pouvoir de passation des marchés n’a donc pas été exercé comme il se doit. Dans un cas, il n’a pas été exercé du tout. Une enquête judiciaire indépendante s’impose de toute évidence.

En conclusion, il est bon de rappeler les paroles de la vérificatrice générale. Dans son communiqué du 8 mai 2002 elle a déclaré : « Le mode de fonctionnement que nous avons observé[…]est tout à fait inacceptable pour le gouvernement. Les contribuables canadiens méritent mieux. » Les membres de l’Alliance canadienne qui siègent au Comité permanent des comptes publics sont entièrement d’accord.

Le tout respectueusement soumis par Philip Mayfield, député, Val Meredith, députée, Paul Forseth, député.

 

 

 

 

 


OPINION complémentaire DU BLOC QUÉBÉCOIS

Contexte

Le Bloc Québécois souscrit à l’ensemble des recommandations du présent rapport. Les ajustements administratifs qui y sont prescrits étonneront les contribuables qui se seraient attendus à ce que de telles mesures fassent préalablement partie du cadre administratif fédéral.

Par cette opinion complémentaire, le Bloc Québécois désire dénoncer l’évacuation des raisons politiques ayant menées au cafouillage du programme des commandites et, plus particulièrement, à l’octroi par le gouvernement fédéral de 3 contrats à Groupaction, une agence de communication proche du Parti libéral du Canada.

Un contexte peu propice

Le Bloc Québécois tient à rappeler que le gouvernement et les principaux témoins dans cette affaire ont peu collaboré et que les conditions de l’étude étaient extrêmement pénibles. Rappelons que:

4.      Le ministre responsable de toute cette affaire a été démis et muté au Danemark;

5.      Le directeur exécutif de la Direction générale des services de coordination des communications (DGSCC), au centre de cette affaire, a été contraint de comparaître;

6.      Certaines rencontres ont été tenues à huis clos, à l’abri du regard du public ;

7.      Les parlementaires ont dû interroger certains témoins, tout en sachant qu’ils pouvaient ainsi nuire à une enquête criminelle parallèle ;

8.      Plusieurs fonctionnaires interrogés n’étaient pas en poste lorsque les rapports ont été commandés à Groupaction ;

9.      Les administrateurs de Groupaction n’ont pas pu être rencontrés par les parlementaires.

Un rapport qui évacue l’essentiel

À maints égards, les recommandations du présent rapport apparaissent bien minces au côté de l’immensité du problème du copinage et de la complaisance politique.

10. Il a été révélé que Groupaction était impliqué dans diverses autres histoires douteuses témoignant des largesses du régime libéral.

11. Il a aussi été démontré que Groupaction entretenait des relations étroites avec le Parti libéral du Canada.

Le Bloc Québécois propose des solutions adaptées à l’ampleur du problème

En plus de révéler et de dénoncer divers problèmes quant à l’octroi de contrats par le gouvernement fédéral, le Bloc Québécois a proposé des mesures concrètes afin de s’assurer que l’argent des contribuables soit mieux géré.

12. Nous réclamons une enquête publique indépendante afin de faire la lumière sur les liens étroits qui existent entre le Parti libéral dans le cadre du système fédéral d’attribution de contrats.

13. Nous exigeons depuis longtemps une révision du mode de financement des partis politiques afin d’instaurer un système plus progressiste, basé sur le financement populaire.

Odina Desrochers
Porte-parole pour le Bloc Québécois en
matière de Comptes publics

 

 

 

 

 


Rapport minoritaire
Parti néo-démocrate
Comité permanent des comptes publics
Rapport sur le rapport de vérification spéciale de mai 2002 du Vérificateur général du Canada

(Rapport au ministre des Travaux publics et
Services gouvernementaux sur les trois contrats
octroyés à Groupaction)

Le Parti néo-démocrate n’avalise pas ce rapport, ce dernier ne reflétant pas à son avis tous les éléments de l’enquête et de l’étude entreprise par le Comité des comptes publics à propos de la mauvaise gestion des trois contrats de publicité accordés à l’entreprise de relations publiques Groupaction et ne faisant aucune référence aux allégations graves d’ingérence politique, principal aspect des questions présentées aux témoins.

Les auteurs du rapport critiquent les hauts fonctionnaires et membres du ministère pour leur mépris flagrant des règles conçues pour assurer la prudence et la probité dans les marchés publics et vont jusqu’à recommander que soient prises des sanctions sévères allant jusqu’au renvoi des fonctionnaires ayant affiché un mépris répété de ces règles; mais le rapport ne fait aucune référence aux questions posées par divers membres du Comité pour chercher à établir s’il y a eu ingérence politique ayant contribué au mépris répandu et inexpliqué des normes du gouvernement.

Les membres du Comité ont cherché à savoir la vérité à propos des accusations d’impropriété, d’éventuels pots-de-vin et de contrats « bidons ». Nous n’avons pu résoudre ces questions troublantes une fois pour toutes en interrogeant des témoins clés supplémentaires, le Comité en ayant décidé autrement par un vote au cours duquel les membres du parti au pouvoir ont passé outre aux souhaits des autres membres du Comité. Cela n’a malheureusement fait qu’intensifier les soupçons au lieu de les atténuer.

Le silence fait dans le rapport sur ce sujet pourrait donner au Parlement l’impression que le Comité a fait enquête et obtenu satisfaction. Un grand nombre de membres de l’Opposition n’étaient absolument pas satisfaits et se sont insurgés contre l’achèvement de l’étude. Certains pensaient que ni l’enquête de la GRC ni l’autre enquête du vérificateur général n’auraient pu répondre aux importantes questions d’ingérence politique et que seule la poursuite du travail du Comité aurait pu faire le jour sur le sujet au nom du Parlement.

Les Néo-démocrates estiment que, même s’il est important de faire rapport au Parlement à propos des règles ignorées dans l’octroi de ces contrats et de recommander des mesures qui pourraient prévenir de tels abus à l’avenir, il est tout aussi essentiel de lui signaler que des éléments importants ne sont toujours pas tirés au clair.

Les Néo-démocrates estiment également que les auteurs du rapport auraient dû recommander l’adoption de mesures législatives substantielles et globales sur la protection des dénonciateurs au lieu de ne faire qu’allusion à la Politique sur la divulgation interne d'information concernant des actes fautifs au travail comme recours pour les fonctionnaires. Nous n’estimons pas que cette politique donne aux employés l’assurance qu’ils peuvent faire état d’agissements douteux sans crainte de représailles, surtout dans des affaires aussi sérieuses que le sujet du présent rapport. Nous portons à l’attention du Parlement les nombreux projets de loi d’initiative parlementaire présentés sur le sujet ces dernières années et encourageant l’adoption rapide de telles mesures.

Nous estimons que, dans sa forme actuelle, le rapport du Comité ne fait pas complètement état du travail de ce dernier et que ni les intérêts du Parlement ni ceux des Canadiens n’ont été servis par l’enquête relative aux contrats de publicité accordés à Groupaction.