Passer au contenu
;

SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 5 mai 1999

• 1536

[Traduction]

La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour mesdames et messieurs. Je déclare ouverte la séance du Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le sous-comité étudie les intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création d'une zone de libre-échange des Amériques. Bienvenue à tous.

Nous allons peut-être vous demander de faire d'abord une déclaration, après quoi nous vous poserons des questions.

Monsieur Leduc, je vais vous demander de commencer. Je crois comprendre que vous êtes le directeur adjoint du département du commerce international auprès des Producteurs laitiers du Canada. La parole est à vous.

M. Yves Leduc (directeur adjoint, département du commerce international, Producteurs laitiers du Canada): Merci.

[Français]

Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs, membres du sous-comité.

[Traduction]

Je vais faire mon exposé en anglais et en français.

Les Producteurs laitiers du Canada, organisation représentant les 24 000 producteurs laitiers du Canada, sont heureux d'avoir été invité à participer aux consultations concernant les négociations de la ZLEA lancées par le sous-comité du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes.

Au cours des prochaines années, de nombreux efforts seront consacrés à l'élaboration et à l'amélioration d'accords commerciaux. Soulignons, d'une part, que le prochain cycle de négociations de l'OMC sur l'agriculture s'amorcera sous peu et que, d'autre part, le Canada a déjà entamé les négociations devant mener à la conclusion de l'Accord de libre-échange dans les Amériques. Nous savons fort bien que ces deux rondes de négociations sont extrêmement importantes et que quiconque s'intéresse à l'expansion du commerce mondial se devra de porter attention aux deux rondes. Or, même s'il s'agit de rondes de négociations distinctes, il ne faut pas oublier que l'une influera sur l'autre. Nous sommes d'avis qu'ultimement ce sont les résultats issus de l'OMC qui exerceront la plus grande influence sur ce qu'il sera possible de faire dans le cadre de la ZLEA.

L'intérêt pour les Producteurs laitiers du Canada de participer au débat sur les négociations relatives à la ZLEA est de s'assurer que les engagements qui résulteront de cette négociation n'excèdent pas ceux déjà pris sous l'égide de l'OMC ou encore ceux qui pourraient être pris dans le cadre du prochain cycle de l'OMC, tout particulièrement en ce qui concerne l'accès aux marchés des produits laitiers. Cela étant dit, les engagements pris dans le cadre des négociations de la ZLEA pourraient déborder du cadre de l'OMC dans des domaines comme les subventions à l'exportation et les mesures sanitaires et phytosanitaires. Ces derniers mois, les PLC ont élaboré une position crédible et globale en matière de commerce. Bien que cette position ait été élaborée d'abord et avant tout en prévision du prochain cycle de négociations de l'OMC, les principes fondamentaux qui la sous-tendent demeurent valables dans le contexte des négociations relatives à la ZLEA.

Ces principes sont les suivants. Premièrement, les prochaines négociations commerciales en agriculture devraient mener à un meilleur fonctionnement des marchés nationaux et internationaux, et contribuer à l'amélioration des revenus des producteurs laitiers canadiens. Deuxièmement, l'OMC devrait servir de véhicule principal pour l'établissement de règles commerciales justes et efficaces. Qui plus est, les règles commerciales établies à l'égard du secteur laitier dans d'autres accords commerciaux que le Canada pourrait conclure dans l'avenir ne doivent pas dépasser les engagements et les disciplines convenues sous l'égide de l'OMC.

Avant de présenter plus en détail les points dont il faudrait tenir compte lors des négociations relatives à la ZLEA, j'aimerais faire valoir que la position des PLC quant à l'élaboration d'accords commerciaux, qu'il s'agisse de l'OMC ou de la ZLEA, constitue un tout dont les éléments sont indissociables. La position adoptée par les PLC en janvier 1999 est une position crédible et globale qui ne peut être morcelée.

Les PLC souscrivent à l'élimination des subventions à l'exportation financée par les gouvernements et à l'établissement de règles commerciales justes et claires régissant l'accès aux marchés, mais seulement si les tarifs hors quota sont maintenus à leurs niveaux actuels. Nous estimons que nous devons sans cesse réitérer notre position afin de nous assurer qu'elle est bien comprise par tous nos interlocuteurs.

• 1540

Les PLC sont d'accord avec le gouvernement canadien qui compte élaborer les négociations relatives à la ZLEA de la même façon qu'il a abordé la négociation de l'ALENA et d'autres accords commerciaux régionaux, comme les accords de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, entre le Canada et Israël et entre le Canada et le Chili. Ces accords ont pour particularités d'interdire le recours à des subventions à l'exportation lors de l'exportation de produits vers le territoire d'une partie contractante, et ils reconnaissent que les contingents tarifaires sont des mesures légitimes. D'ailleurs, en ce qui concerne les contingents tarifaires, le Canada a eu gain de cause en 1996 devant le Groupe spécial de l'ALENA qui a statué que les contingents tarifaires résultant de l'Accord de l'OMC avaient préséance sur les dispositions de l'ALENA. Aussi, les considérations relatives à la taille des contingents tarifaires et à l'importance des tarifs hors quota ont été exclues de l'application des dispositions générales de ces accords régionaux.

[Français]

Les PLC aimeraient maintenant formuler les commentaires suivants concernant les points spécifiques qui seront abordés dans le cadre des négociations relatives à la Zone de libre-échange des Amériques.

Premièrement, en ce qui concerne les subventions à l'exportation, les PLC souscrivent à l'élimination de toutes les subventions à l'exportation financées par des gouvernements et ils estiment que cet objectif doit être maintenu dans le cadre des négociations de la ZLEA.

Il importe de souligner que dans tous les accords régionaux de libre-échange auxquels le Canada a adhéré ces dernières années figure une disposition interdisant le recours à des subventions à l'exportation dans les échanges entre les parties contractantes. Il faut que ce principe soit inscrit dans tout accord auquel le Canada pourrait souscrire à l'avenir.

En ce qui concerne maintenant l'accès aux marchés, en conformité avec la position adoptée par le GO5, le regroupement des cinq organismes nationaux de la gestion de l'offre, et la Fédération canadienne de l'agriculture, les PLC estiment que le Canada devrait adopter la même approche que celle qu'il avait retenue lors de la négociation des autres accords commerciaux régionaux. Le Canada devrait s'employer à obtenir l'élimination, moyennant réciprocité, de tous les tarifs appliqués à des produits agricoles autres que les tarifs hors quota. Cette approche est également conforme à la position des PLC suivant laquelle ils réclament que les tarifs intra quota soient réduits à zéro.

En ce qui concerne les autres points, par exemple l'abolition de l'attribution de contingents tarifaires par pays, les PLC estiment que les accords de l'OMC auront préséance sur un accord concernant la ZLEA. Or, il ne faut pas en conclure pour autant qu'un accord intervenu entre les pays de la ZLEA ne pourrait pas constituer un premier pas vers l'atteinte de cet objectif. L'accès au marché des Amériques, exception faite de l'accès consenti à des pays qui n'adhéreraient pas à un accord de la ZLEA, devrait être consenti à toutes les parties à l'accord plutôt que de faire l'objet de l'attribution de contingents par pays.

Qui plus est, les PLC tiennent à réitérer leur appui à la conclusion d'ententes «zéro-zéro» dans les secteurs où cela s'avère possible. Une telle possibilité pourrait être abordée dans le contexte des négociations relatives à la ZLEA si tel était le souhait des producteurs de denrées pour lesquels des accords «zéro-zéro» s'avéreraient intéressants. Or, cette approche ne convient pas au secteur laitier.

Les PLC tiennent également à réitérer leur appui à l'un des objectifs clés de la négociation d'accords commerciaux, à savoir l'amélioration du fonctionnement du commerce international et de la prévisibilité de l'environnement commercial. Il s'ensuit qu'afin d'assurer l'exploitation d'un système efficace de gestion de l'offre au Canada, les producteurs canadiens doivent être en mesure de contrôler les importations. À cet égard, les équivalents tarifaires et les contingents tarifaires s'avèrent les outils les plus importants dont dispose le Canada pour limiter à des niveaux préétablis et prévisibles l'importation de produits assujettis à la gestion de l'offre. Les équivalents tarifaires mis en oeuvre en 1995 aux termes du Cycle de l'Uruguay ont permis au Canada de contenir l'accès à ses marchés aux niveaux auxquels il s'était engagé.

De plus, le maintien des tarifs hors quota à leur niveau actuel est conforme au principe de l'OMC selon lequel le système commercial multilatéral concrétise l'effort que font les gouvernements pour rendre l'environnement commercial stable et prévisible. Les PLC estiment que ce principe est tout aussi valable dans le contexte des négociations relatives à la ZLEA.

• 1545

Le troisième point que j'aimerais commenter concerne le soutien interne. Encore une fois, en conformité avec la position de la FCA, les PLC estiment que l'imposition d'un plafond aux dépenses consacrées à des mesures de soutien interne est un point qui pourrait être plus efficacement abordé sous l'égide de l'OMC. L'industrie agricole canadienne se mesure à la concurrence non seulement sur les marchés des Amériques mais aussi sur tous les marchés du monde. Voilà pourquoi la réduction des mesures de soutien interne ayant un effet de distorsion sur le commerce devrait être abordée dans le cadre des négociations de l'OMC.

Le quatrième point concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires ainsi que les obstacles techniques au commerce. Ces questions sont des domaines où, dans le cadre des négociations relatives à la ZLEA, des résultats pourraient être obtenus. Les PLC réclament du Canada qu'il poursuive la négociation d'accords d'équivalence prévoyant la reconnaissance mutuelle par les parties contractantes de normes de valeur similaire ou égale.

Pour illustrer ce problème, les États-Unis, par exemple, restreignent toujours l'accès à leur marché en invoquant des règlements sanitaires, comme le Pasteurised Milk Ordinance et le National Conference on Interstate Milk Shipments selon lesquels les fermes d'où provient le lait de consommation transporté entre les États, que ce soit en vrac ou dans des emballages de vente au détail, y compris les importations, doivent être inspectées par des inspecteurs américains, sinon on bloquera les expéditions à la frontière. Je tiens à souligner que les États-Unis, au terme de nombreuses tentatives, refusent toujours de reconnaître l'équivalence du système d'inspection canadien, système grâce auquel nos agriculteurs produisent du lait de la plus haute qualité, leurs produits se classant parmi les meilleurs au monde.

En conclusion, madame la présidente, les Producteurs laitiers du Canada savent fort bien que la négociation visant la création d'une Zone de libre-échange des Amériques pourrait avoir des retombées positives pour certains secteurs agricoles. Cependant, ce n'est pas le cas du secteur laitier. Si le Canada entend corriger certaines des inégalités qui sont issues du Cycle de l'Uruguay, donc de l'OMC, la négociation d'un accord de la ZLEA n'est pas le cadre idéal. Si l'on entend corriger ces inégalités, il faudra inévitablement les aborder lors du prochain cycle de négociations de l'OMC. Comme je l'ai mentionné précédemment, les PLC estiment qu'en matière d'agriculture, les négociations relatives à la ZLEA devront se dérouler lentement tant et aussi longtemps que les négociations sous l'égide de l'OMC n'auront pas été menées à terme.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

[Traduction]

Nous accueillons maintenant Mme Sally Rutherford, directrice générale de la Fédération canadienne de l'agriculture. Bienvenue.

Mme Sally Rutherford (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci.

Mes propos ressembleront beaucoup à ceux d'Yves. En effet, les producteurs laitiers du Canada sont membres de la Fédération canadienne de l'agriculture et ces derniers mois, nous avons travaillé d'arrache-pied pour élaborer une politique commerciale, dont vous avez une copie, qui aborde les intérêts de tous nos membres, y compris le Saskatchewan Wheat Pool, AgriCorp, KAP. Soit dit en passant, Don Dewar, président de KAP, est ici avec moi cet après-midi. D'ailleurs, il siège aussi à notre conseil d'administration, de même que les représentants du Conseil canadien du porc et d'autres organismes également.

La FCA surveille les nouveautés de l'OMC, de l'OEA et d'autres organismes internationaux, ainsi que les négociations et la mise en application d'accords internationaux.

Elle surveille également les activités d'autres pays qui ont une incidence sur les intérêts commerciaux des agriculteurs canadiens. La FCA maintient un comité très actif sur le commerce qui travaille en étroite collaboration avec le personnel gouvernemental chargé de la politique commerciale et donne des conseils sur cette politique au gouvernement. D'ailleurs, nous sommes très fiers de dire que ses conseils sont très souvent retenus.

En guise de vue d'ensemble, nous considérons que si la zone de libre-échange des Amériques est un exercice important, il doit demeurer subordonné aux efforts menés auprès l'OMC. Les divers accords commerciaux ont établi de nouvelles disciplines, ce qui est positif, mais malgré tout, le milieu commercial agricole est loin d'être parfait et il s'en faut beaucoup pour parvenir à un pied d'égalité.

La mise en application des accords multilatéraux et régionaux a créé de nouveaux débouchés extérieurs pour les produits agricoles canadiens. Toutefois, le niveau d'occasions d'accès réel, tout particulièrement en vertu des engagements d'accès minimum, n'est pas à la hauteur.

Le niveau des subventions à l'exportation est limité par les accords de l'OMC, mais de telles subventions sont toujours utilisées et ont une incidence défavorable sur le volume et le prix des exportations. Même si les pays partie à la Zone de libre- échange des Amériques n'ont pas recours aux subventions à l'exportation, à l'exception des États-Unis, ils bénéficient des subventions à l'exportation des États-Unis et de l'Union européenne.

• 1550

Malgré les limites et les dépenses de soutien intérieures réduites, les agriculteurs canadiens doivent faire face à des prix plus bas et des marchés difficiles sans le niveau de soutien financier offert aux agriculteurs d'autres pays, comme l'Union européenne et les États-Unis. Par exemple, en 1995, le total canadien pour le soutien de la «catégorie ambre» n'a été que de 15 p. 100 de la limite des dépenses de l'OMC. Pour les États-Unis, celui-ci a été 26,9 p. 100 et pour l'Union européenne, 60,4 p. 100. De plus, les États-Unis ont offert un soutien de la «catégorie bleue» égal à 30,5 p. 100 de la «catégorie ambre» et l'Union européenne a fourni un soutien de la «catégorie bleue» égal à 26,5 p. 100 de la limite de sa «catégorie ambre». Le Canada n'a offert aucun soutien de la «catégorie bleue».

Malgré les nouvelles sanctions sur les barrières non tarifaires, certains pays ont toujours ou créent de nouvelles barrières non tarifaires injustifiées pour nos exportations.

Le Canada doit approcher les négociations agricoles de la ZLEA avec prudence et sérieux. Par une démarche coordonnée avec d'autres négociations, notamment à la prochaine série de négociations de l'OMC, la ZLEA peut porter sur l'élimination des iniquités actuelles relevées dans le domaine du commerce des produits agricoles.

Nos objectifs fondamentaux de négociation englobent un plus grand accès aux exportations agricoles canadiennes et l'établissement de règles et de normes claires et efficaces qui s'appliquent à tous les pays. D'après la FCA, il faut chercher à atteindre ces objectifs d'une manière qui respecte les intérêts nationaux des agriculteurs canadiens; désigner l'OMC comme le véhicule principal de mise en oeuvre de règles de commerce justes et efficaces, tout en veillant à ce que tous les accords commerciaux et les initiatives commerciales du Canada soient le complément les uns des autres; préserver la capacité du Canada de maintenir et d'établir des systèmes de marketing ordonnés; s'assurer que le Canada est capable de mettre en application les mesures nationales nécessaires pour la stabilité et la rentabilité de l'agriculture canadienne et ne pas permettre qu'un produit soit échangé afin d'accroître l'intérêt à l'égard d'un autre produit et ne pas troquer l'agriculture en général pour un autre secteur de l'industrie.

Plus précisément, en ce qui a trait à la ZLEA, la Fédération canadienne de l'agriculture estime qu'en termes d'accès au marché, la démarche du Canada devrait être la même pour tous les autres accords commerciaux régionaux. Le Canada devrait rechercher l'élimination ou la réduction, lorsque l'élimination n'est pas possible, sur une base réciproque, de tous les tarifs douaniers sur les produits agricoles à l'exception des tarifs hors-quotas. Toutes considérations sur le niveau des contingents tarifaires ou des tarifs hors-quotas devraient être réservées pour les négociations de l'OMC.

Le Canada devrait également accorder une grande priorité à l'élimination de barrières techniques au commerce, y compris le recours injustifié aux mesures sanitaires et phytosanitaires.

En termes de soutien national, la limitation des dépenses de soutien national est une question que l'on peut traiter plus efficacement dans le cadre de l'OMC. Le Canada devrait s'opposer aux efforts faits pour aller au-delà des engagements de soutien national de l'OMC.

Dans le domaine des subventions aux exportations, le Canada devrait rechercher l'élimination de l'utilisation des subventions aux exportations. Les dispositions de l'ACCEU, qui ont interdit l'exportation de produits agricoles par des entités gouvernementales à un prix inférieur aux coûts d'acquisition ne devraient pas se répéter dans ces accords commerciaux.

Pour ce qui est des autres questions agricoles, le Canada devrait s'opposer aux efforts faits pour établir de nouvelles règles régissant les activités des entreprises commerciales d'État. C'est au sein de l'OMC que l'on devrait traiter des questions relatives à ces entreprises. Si l'occasion se présente, le Canada devrait rechercher des règles particulières concernant la spécificité des programmes agricoles, afin d'établir si un programme donne droit à une compensation. Le but devrait en être d'établir des règles qui font que ces programmes, habituellement à la disposition des agriculteurs, ne donnent pas droit à une compensation.

En matière d'investissements, le Canada devrait s'efforcer d'obtenir l'assurance que les dispositions concernant les investissements, qui peuvent être incluses dans ces accords, n'entrent pas par inadvertance en conflit avec les politiques, le programme ou les systèmes de réglementation de la commercialisation concernant l'agriculture canadienne. La FCA recommande que les négociateurs du Canada en matière d'investissements la consulte au cours de l'élaboration de dispositions portant sur les investissements.

Au sujet de la politique de la concurrence, le Canada devrait s'efforcer d'obtenir l'assurance que les dispositions concernant la concurrence sont compatibles avec la façon dont le Canada applique la Loi de la concurrence aux régies des marchés agricoles.

En ce qui concerne les recours commerciaux, l'antidumping, il pourrait s'avérer utile de rechercher des règles plus efficaces régissant l'utilisation de mesures antidumping. Cependant, le Canada ne devrait pas rechercher l'élimination de l'utilisation de mesures antidumping, en particulier dans le cas des produits horticoles.

En ce qui a trait aux droits compensateurs, le Canada devrait, si possible, chercher à obtenir des règles qui régissent la détermination de la spécificité des subventions agricoles aux fins de l'application de droits compensateurs.

Quant aux mesures de sauvegarde, il est nécessaire d'élaborer des mesures qui traitent des problèmes dont souffrent les producteurs de produits horticoles périssables à cause du déferlement d'importations à bas prix. La FCA demande à être consultée à propos de dispositions éventuelles concernant des mesures de protection.

• 1555

Enfin, pour ce qui est des droits de propriété intellectuelle, la question de savoir si l'on devrait demander à un pays de permettre l'obtention d'un brevet relatif à des plantes et à des animaux devrait être abordée dans le contexte de l'OMC. Dans ces accords régionaux, le Canada devrait s'opposer à des dispositions de brevet qui limiteraient les options du Canada concernant l'obtention d'un brevet relatif aux formes de vie ou qui limiteraient les conditions qu'il pourrait imposer pour l'obtention du brevet d'une plante ou d'un animal.

Sur ce, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de faire cet exposé. Je suis prête à répondre aux questions lorsque le temps viendra.

La présidente: Merci beaucoup, madame Rutherford.

Nous allons maintenant entendre Elizabeth May, directrice générale du Sierra Club du Canada.

Mme Elizabeth May (directrice générale, Sierra Club du Canada): Merci, madame la présidente.

Tout d'abord, je vous signale que vous allez entendre un exposé concernant l'environnement au beau milieu d'un panel sur l'agriculture et que mes observations sont de nature beaucoup plus générales. Je n'ai pas pu réorganiser mon horaire pour comparaître en même temps que d'autres environnementalistes. J'ai trouvé très intéressante l'intervention des représentants du secteur agricole. Ils ont affirmé que notre lait est de première qualité dans le monde. Personnellement, je dirais que nous avons le meilleur lait du monde parce qu'il ne renferme pas d'hormones de croissance bovines. Nous pouvons remercier Alan Rock pour cela.

Comme je l'ai dit, mon mémoire porte sur des questions plus générales liées aux préoccupations environnementales relatives aux régimes commerciaux et aux enseignements que nous pouvons tirer d'autres régimes commerciaux à la veille des négociations pour créer la Zone de libre-échange des Amériques.

Nous participons au processus depuis un certain temps déjà. Nous avons organisé une tribune des ONG en même temps que le sommet de Miami, en décembre 1994, ce qui nous a permis de rencontrer des collègues de partout dans le monde et en particulier des Amériques, de l'Amérique latine, des États-Unis et du Mexique. Nous partageons avec eux les mêmes préoccupations. Nous avons constaté qu'on se sert de la libéralisation du commerce pour abaisser les normes en matière d'environnement et de main d'oeuvre.

Permettez-moi de relever une grande ironie. Les mêmes gouvernements qui ont adhéré à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce à l'échelle mondiale et à des accords commerciaux régionaux comme l'Accord de libre-échange et l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain, ont également adhéré à des ententes environnementales pour assurer la survie de la planète.

Le sommet réunissant le plus grand nombre de dirigeants mondiaux a eu lieu en juin 1992 à Rio de Janeiro. À cette occasion, ces derniers ont pris l'engagement de protéger le climat de la planète d'une déstabilisation catastrophique causée par les gaz à effets de serre, de protéger la diversité des ressources génétiques, des espèces et des écosystèmes du monde et d'augmenter l'aide internationale aux pays en développement. Ils ont en outre adhéré au principe de prudence dans le but d'assurer la protection de la santé et le bien-être des êtres humains ainsi que le maintien des systèmes entretenant la vie. Mais sept ans après Rio, ces accords multilatéraux sur l'environnement ou AME, comme nous les appelons dans le jargon de l'OMC, sont remarquables par le nombre de gouvernements qui n'ont pas honoré leurs engagements. Je signale en passant que le vérificateur environnemental Brian Emmett a très bien cerné dans le détail les échecs du Canada.

Par l'intervalle, depuis 1992, l'Organisation mondiale du commerce, qui n'existait même pas à l'époque de Rio, affiche un bilan impressionnant pour ce qui est de mettre en oeuvre son régime commercial. Le nouvel organisme de mise en oeuvre du GATT, créé dans la foulée des négociations commerciales multilatérales du long cycle de l'Uruguay, a été obéi et chaque fois qu'une violation de ses conditions est soupçonnée, des litiges commerciaux et des sanctions commerciales efficaces, rapides et impitoyables s'ensuivent.

Le régime commercial de l'OMC a été établi par des gens sérieux. Je ne veux pas pour autant laisser entendre que les accords environnementaux ont été négociés par des gens qui ne l'étaient pas.

Les préoccupations mercantiles mesquines des libre-échangistes ne sont rien à côté de l'enjeu de la survie de la planète. Mais les libre-échangistes ont obtenu tous les outils nécessaires pour assurer l'observation de leurs instruments. Les accords environnementaux n'ont pour tout outil que le bilan du Sierra Club de Rio et le commissaire parlementaire: nous avons le pouvoir d'embarrasser le gouvernement, mais c'est tout.

Le déséquilibre entre les règles efficaces et rigoureuses du commerce mondial et des accords environnementaux faibles ne seraient pas fatal si les enjeux du commerce et de l'environnement restaient dans des sphères séparées. Mais le monde n'est pas aussi rigoureux. La protection de l'environnement donne lieu à une réglementation. Si les grandes sociétés ne réussissent pas à contrer un règlement environnemental au niveau national, le GATT et l'ALENA leur offrent une autre voie pour s'y attaquer. La réglementation environnementale des uns est un obstacle commercial non tarifaire pour les autres.

Les dossiers de l'environnement et de la santé publique sont de plus en plus arbitrés derrière des portes closes par des gens qui n'ont absolument—et je répète absolument—aucune compétence scientifique pour trancher le conflit du point de vue de l'écologie ou de la santé publique. Comme ils ne souhaitent pas non plus obtenir de tels avis, et comme le processus est entièrement fermé, les groupes de défense de l'environnement et autres ne peuvent jouer le rôle d'amis du tribunal.

Par conséquent, les résultats sont entièrement prévisibles. Chaque fois qu'une mesure de santé publique ou de protection de l'environnement a été contestée par le biais de l'OMC ou de l'ALENA, le régime commercial a déclaré la mesure illégale. Chaque fois.

• 1600

La première fois, c'est le Venezuela qui a contesté des mesures relevant de la U.S. Clean Air Act afin de réduire les émissions relatives à l'essence nouvelle. C'est le gouvernement du Venezuela qui a été à l'origine de cette contestation, mais les véritables pressions pour modifier la réglementation émanaient des filiales des multinationales pétrolières et gazières, celles-là mêmes qui n'avaient pas réussi à faire obstacle à la réglementation à Washington. La contestation par le biais de l'OMC était un autre moyen de s'y attaquer. La tactique a réussi, avec le résultat qu'aux États-Unis, l'air est moins propre.

Depuis lors, à l'Organisation mondiale du commerce, il y a eu l'affaire thon-dauphin, l'affaire tortue-crevette, l'affaire de l'hormone de croissance bovine et, dans le contexte de l'ALENA, le cas de l'exportation des billots de bois brut. Le Canada ne peut prendre des mesures pour contrôler l'exportation de billots de bois brut afin de conserver des emplois au Canada et réduire le stress imposé à nos forêts. Aux termes de l'ALE, dans l'affaire saumon- hareng, il a aussi été déterminé que le Canada ne peut interdire l'exportation de saumon et de hareng non traités, même si cela a une importance cruciale pour la préservation des stocks halieutiques et la protection des emplois.

À la suite de négociations, pour respecter les exigences de l'ALENA, le Canada a volontairement haussé la quantité de résidus de pesticides autorisés légalement pour les fruits et légumes importés. Ce qui est encore plus scandaleux, c'est qu'en réponse à une contestation au titre du chapitre 11 de l'ALENA, l'été dernier, le Canada a répudié son moratoire sur un additif de l'essence neurotoxique, le MMT, en dépit du fait qu'il est prouvé qu'il augmente la pollution atmosphérique et présente une menace pour les cerveaux de nos enfants. Notre gouvernement a aussi présenté des excuses au fabricant et lui a versé 19 millions de dollars en dommages-intérêts. Non content d'invoquer la perte de profits, le fabricant a exigé d'être dédommagé pour atteinte à sa réputation à l'occasion du débat à la Chambre des communes sur l'adoption d'un projet de loi visant à interdire le MMT.

Dans certains de ces cas, le Canada a perdu la possibilité d'appliquer ses propres mesures de protection de l'environnement et de la santé publique. Dans d'autres, le Canada s'est attaché à faire perdre cette capacité de protection à d'autres, comme nous le faisons à l'heure actuelle en livrant bataille contre le moratoire de la France sur l'amiante. Dans le cas de l'hormone de croissance bovine, par exemple, le Canada et les États-Unis ont contesté ensemble le moratoire de l'Union européenne sur le boeuf traité avec cette hormone. Bien que l'argumentation des parties ne soit pas ouverte au public, on peut déduire de la décision finale du groupe d'experts de l'OMC que le Canada a pris le contre-pied du principe de la prudence à ce niveau.

Même si nous n'avions pas adhéré par écrit au principe de la prudence à Rio, on aurait cru que l'enquête Krever sur l'approvisionnement sanguin au Canada aurait suscité un solide respect pour le principe voulant qu'on fasse preuve de prudence lorsque la santé publique est en jeu.

Plus dangereux encore pour la planète que l'abrogation de mesures individuelles est l'effet paralysant de ces décisions. Combien de produits chimiques toxiques additionnels continueront d'être utilisés parce que les bureaucrates ou les politiques craignent des mesures de représailles commerciales ou des poursuites de la part de l'investisseur aux termes du chapitre 11? Le seul fait que l'OMC pose la question: «Les accords environnementaux multilatéraux sont-ils illégaux du point de vue du GATT?» a pour effet d'affaiblir la position des négociateurs dans leur quête d'accords environnementaux significatifs.

Les accords multilatéraux sur l'environnement négociés avant 1990, la Convention sur le commerce des espèces en danger de disparition, la Convention de Bâle sur les déchets dangereux et le Protocole de Montréal en vue de protéger la couche d'ozone ont tous recours à des sanctions commerciales à titre de mécanisme d'application. Rappelez-vous qu'à l'exception des sanctions commerciales, il n'existe pas d'autres moyens efficaces d'assurer la mise en oeuvre des accords multilatéraux entre parties. On ne peut pas exiger des frappes de l'OTAN.

Dans l'ALENA, il est spécifiquement mentionné que ces accords ne contreviennent pas au régime de l'ALENA. Autrement dit, dans le contexte de l'ALENA, nous avons essayé de les mettre à l'abri des litiges commerciaux. Cependant, il n'était ni inclus ni exclus du GATT. Par conséquent, lorsque la communauté mondiale a négocié Kyoto, en décembre dernier, il n'y avait sur la table ni mécanisme d'application ni mécanisme de règlement des différends efficaces.

En fait, le Canada a affirmé qu'il refuserait de signer le Protocole de Kyoto s'il devait inclure de telles mesures. Telle a été sa position. Or, il n'y a absolument aucune différence sur le plan de la politique ou des principes entre le Protocole de Montréal, dont le Canada s'est fait le champion, et le Protocole de Kyoto. La seule différence entre la position du Canada en 1987 et en 1997, c'est que depuis dix ans, le dossier commerce prend toute la place. Rien ne pourrait s'opposer au monolithe commercial. Il n'est pas étonnant que la communauté environnementale accueille un autre cycle de négociations commerciales en vue de la création d'une Zone de libre-échange des Amériques avec méfiance ou pis encore.

Je tiens à dire clairement que le Sierra Club du Canada ne s'oppose pas à la libéralisation du commerce ou à la mondialisation en soi. Mais nous avons maintenant d'abondants exemples sur ce qu'il ne faut pas faire. Nous en avons également d'autres sur la bonne façon de procéder.

• 1605

Essentiellement, les accords de libéralisation du commerce se traduisent par une diminution de la souveraineté nationale. Nous ne pouvons protéger nos producteurs laitiers parce que les mécanismes de gestion de l'offre feront l'objet d'attaques constantes, particulièrement de la part des États-Unis. Nous ne pouvons non plus protéger la santé de nos citoyens contre le MMT, par exemple. Par conséquent, même si la capacité de l'État de protéger sa population est réduite, il ne faut quand même pas laisser ses citoyens et la biosphère à la merci d'un libre marché international sans entraves. Nous pourrions adopter certaines règles pour faire en sorte que le régime commercial opère dans le respect de la durabilité et de la survie.

En comparaison des accords régionaux de l'ALENA, l'approche européenne est très différente. Au sein de l'Union européenne, on a reconnu la disparité des niveaux de prospérité et des normes environnementales. Par conséquent, l'UE a insisté pour relever les normes environnementales de ses membres moins nantis, comme l'Espagne, et elle les aide à relever ces nouveaux défis par le biais de transferts de ressources du Nord au Sud.

L'ALENA serait plus équitable pour le Mexique si, tout en insistant pour que ce pays interdise le DDT—ce que nous faisons—, nous lui accordions davantage de ressources pour les soins de santé primaires, ce qui serait plus efficace que le DDT pour prévenir la malaria. Malheureusement, nous ne lui offrons pas une telle aide. Les soins primaires coûtent cher, et le Canada et les États-Unis n'aident pas le Mexique à cet égard.

Il y a une autre caractéristique de l'UE qui fait défaut ailleurs, soit la création d'un Parlement démocratiquement élu, avec un ministre de l'environnement, au niveau régional. Il y a eu perte de souveraineté au niveau de l'État-nation, mais cela est compensé par un effort au niveau supranational.

Il y a un aspect de l'ALENA qu'il faut répudier, soit les dispositions de protection de l'investisseur énoncées au chapitre 11. À cause de ces mesures, les Canadiens ont perdu leurs droits démocratiques au profit des grandes entreprises multilatérales. L'indignation populaire contre l'accord multilatéral sur l'investissement a, Dieu merci! empêché l'adoption d'une version planétaire du chapitre 11, mais au terme de l'ALENA, nous avons l'AMI de toute façon.

À l'heure actuelle, le Canada est confronté à trois autres contestations fondées sur le chapitre 11 de la part d'entreprises américaines à qui nos lois ne plaisent pas. Le caractère antidémocratique flagrant de ces droits des investisseurs est exaspérant.

Le ministre du Commerce, M. Sergio Marchi, a tenté sans succès d'obtenir des États-Unis la réouverture de ce chapitre. Le représentant commercial américain lui a opposé un refus.

Le Canada doit refuser d'amorcer une nouvelle ronde de négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques ou une nouvelle ronde à l'OMC tant que ne sera pas corrigée l'acceptation scandaleuse et odieuse du régime commercial actuel. Commencez par le chapitre 11. Les accords commerciaux sont trop importants pour être laissés entre les mains des négociateurs commerciaux.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame May.

Notre dernier témoin, mais non le moindre, est M. William Miner, associé principal au Centre des politiques de commerce et de droit. Bienvenue, monsieur Miner.

M. William M. Miner (associé principal, Centre des politiques de commerce et de droit): Merci, madame la présidente.

Je vais énoncer certaines généralités et réserver mes observations spécifiques pour la période des questions.

C'est un privilège que d'être invité à aider le comité dans son examen des questions agricoles relatives à la création d'une Zone de libre-échange des Amériques.

Comme je l'ai souligné lors de ma comparution devant le comité permanent au début de mars, il est important d'élaborer la démarche canadienne en fonction d'une base multilatérale et régionale étant donné que cela reflète la réalité d'aujourd'hui sur les marchés.

Dans le domaine agricole, certains objectifs et dossiers peuvent progresser dans la foulée de négociations régionales alors que d'autres exigent des solutions multilatérales.

À mesure que se poursuit l'intégration des marchés et que davantage d'aliments et de composants d'aliments traversent les frontières, les accords commerciaux peuvent contribuer à faciliter l'ajustement à un nouvel environnement commercial. Les secteurs des oléagineux et des viandes rouges en sont de bons exemples. En effet, ces secteurs ont bénéficié de l'élimination totale des tarifs douaniers et de la mise en place de systèmes de commercialisation et de normes compatibles par le biais de l'ALENA et de la ZLEA.

Certains dossiers, comme le recours aux subventions à l'agriculture et le commerce d'État, ne peuvent être réglés qu'à la suite de négociations multilatérales. Si l'élimination des subventions aux exportations ou l'instauration du libre-échange mondial dans certains secteurs comme les oléagineux et leurs produits, ou encore l'orge, le malt et ses produits, exige une approche multilatérale, une position commune entre le Canada et les États-Unis et les autres pays de l'hémisphère occidental accroîtra grandement nos chances de succès pour ce qui est d'atteindre nos ambitieux objectifs d'exportation.

Lorsque l'on se prépare pour d'autres négociations sur l'agriculture, il est important de reconnaître que les politiques nouvelles poussent les économies vers plus d'ouverture, vers l'intégration des circuits alimentaires et vers une plus grande concurrence. Les systèmes et les politiques doivent être souples afin de permettre la spécialisation régionale et les échanges bilatéraux ou les échanges au sein de l'hémisphère.

Il faut également prêter une plus grande attention aux préoccupations du consommateur et aux contrôles de la qualité au fur et à mesure que le commerce devient plus spécifique et segmenté et répond à des besoins plus précis en matière de marchés.

L'ouverture des frontières est un élément des réponses politiques de la plupart des pays de l'hémisphère occidental face aux changements que subit actuellement l'environnement commercial.

• 1610

Les accords commerciaux répondent à ces tendances et peuvent, dans certains cas, être des catalyseurs du changement. On peut s'attendre à une plus grande libéralisation du commerce des secteurs agricoles et alimentaires dans le cadre des négociations de l'OMC ainsi que de la ZLEA.

L'agriculture est de plus en plus intégrée aux accords commerciaux régionaux, même si le traitement exceptionnel existe toujours. L'expérience de l'ALÉNA a démontré que les questions ou les secteurs partiellement mis de côté dans l'accord entraînent souvent des problèmes commerciaux par la suite. Compte tenu de l'évolution des secteurs alimentaires et de l'environnement commercial, il va devenir de plus en plus difficile, je crois, sinon improductif, de continuer à accorder un traitement exceptionnel qui déborderait une période de transition. Si un traitement différencié s'impose, il est probable qu'il sera accordé pays par pays, secteur par secteur ou peut-être produit par produit et ce, pour une période limitée.

En d'autres termes, je crois que l'objectif de la ZLEA, comme celui de l'ALENA et de l'ALE avant lui, consiste à créer une zone de libre-échange le plus rapidement possible. Il s'agit donc d'une question de temps et peut-être de traitement différencié pour des périodes de transition.

Tout retard excessif d'adaptation à ces marchés commerciaux modernes risque de se révéler coûteux: moins d'investissement, rythme plus lent de la restructuration et moins de valeur ajoutée à la production et aux ventes.

Il ne faut pas oublier non plus qu'il est important d'établir des règles commerciales efficaces pour l'agriculture par l'entremise de l'Organisation mondiale du commerce et de la ZLEA. Les négociations de l'OMC devraient se poursuivre, je crois, et faire des progrès de manière à diminuer les tarifs—notamment les tarifs maximum—améliorer l'accès grâce aux contingents tarifaires ou supprimer ou limiter le système de contingents tarifaires pour certains produits, abolir les subventions à l'exportation à une date convenue, traiter d'autres formes de mécanismes de concurrence à l'exportation—comme les crédits à l'exportation—et renforcer et clarifier les règles de normes techniques.

Comme la situation actuelle des marchés de produits agricoles le démontre clairement, il faut diminuer encore plus l'impact des subventions nationales sur la production et le commerce. Les critères relatifs aux formes acceptables de soutien—politiques de la catégorie verte—devraient, à mon avis, être resserrés et la protection contre les mesures compensatoires et autres contestations d'ordre commercial, prévue par la clause d'exemption, devrait être maintenue. Les négociations de l'OMC ne supprimeront cependant pas toutes les barrières commerciales à moins que cela ne se fasse pour des sous-secteurs choisis, comme les oléagineux.

D'après l'expérience des accords commerciaux régionaux, il est nécessaire d'aller plus loin à plusieurs égards afin de diminuer le nombre des problèmes transfrontaliers et de produire les bénéfices rendus possibles par les marchés plus ouverts. La meilleure façon de procéder consisterait à utiliser les négociations ZLEA pour faire avancer les dossiers de l'OMC le plus possible et à s'entendre—entre pays des Amériques—sur la façon de créer les meilleures conditions de libre-échange dans la région pendant que d'autres régions—et j'ajouterai, d'autres sous- secteurs—rattrapent leur retard.

Cela permet d'aboutir à une stratégie où l'on tire avantage des points forts de l'agriculture et de la transformation des aliments et des possibilités qui leurs sont offertes dans l'hémisphère occidental—qui sont très importants—tout en soutenant la concurrence mondiale à plus long terme également.

Il est aussi important de faire des progrès dans le domaine des autres questions touchant la concurrence, lorsqu'il s'avère nécessaire d'aller plus loin dans le cadre des négociations pour une ZLEA ou une zone de libre-échange que ce à quoi on pourrait s'attendre dans le cadre de négociations de l'OMC. La libéralisation des échanges influe sur les politiques nationales agricoles et alimentaires qui tendent vers une plus grande convergence et qui diminuent les conflits commerciaux aux frontières ouvertes. Il faut faire des progrès face au comportement anticoncurrentiel, qu'il provienne des activités de sociétés ou des interventions de l'État, autant pour l'agriculture que pour d'autres produits. Ces questions sont reliées à la clause d'exemption de l'OMC pour l'agriculture et aux préoccupations relatives aux subventions, au dumping et aux mesures compensatoires, ainsi qu'à la fixation de prix inéquitable. Il s'agit de questions délicates et complexes qui sont toutefois un domaine où les négociateurs ZLEA doivent essayer d'aller plus loin que cela ne l'a été possible dans le cadre de l'OMC ou de l'ALÉNA afin de mettre au point des règles officielles ou peut-être des ententes complémentaires visant à soutenir et à aplanir la voie vers le libre-échange dans les Amériques.

Les pays des Amériques ont, pratiquement tous, la possibilité de promouvoir leurs intérêts dans les industries de l'agriculture et de l'agro-alimentaire en optant pour le libre-échange—entre eux—et pour la libéralisation des échanges multilatéraux. Je suis sûr qu'ils peuvent tirer parti de leur travail commun dans le cadre des négociations de l'OMC, ainsi que de la création de la ZLEA et d'un système plus fort basé sur des règles, et qu'ils pourront ainsi maintenir et élargir ce qui représente un secteur essentiel de leur économie.

• 1615

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Miner.

Chers collègues, nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur Miner, j'aimerais revenir sur la clause d'exemption dont vous avez parlé. Tout d'abord, pouvez-vous nous dire quelle année elle doit expirer, à moins qu'elle ne soit renouvelée?

M. William Miner: Elle doit expirer en 2003. C'est une entente de neuf ans.

M. Charlie Penson: Si des négociations multilatérales durent sept ans à l'OMC, comme cela a été le cas la dernière fois pour l'Uruguay Round... ce qui m'inquiète, je crois, c'est l'effet très pernicieux des subventions nationales d'autres pays pour les agriculteurs canadiens—par exemple, l'Union européenne qui pratique le dumping de ses excédents sur le marché mondial. Si nous ne pouvons parvenir à quoi que ce soit d'important avant longtemps, serait-il bon de renoncer à la clause d'exemption ou vaudrait-il mieux la renouveler au cours de cette période? Cela ne forcerait-il pas certains de ces pays à respecter les règlements relatifs au dumping?

M. William Miner: Il est certainement juste de dire que si cette clause d'exemption expirait, cela exercerait des pressions sur ces pays. Cela signifierait plusieurs choses, je crois. Tout d'abord, la protection des politiques de catégorie «verte» contre des mesures compensatoires ne serait probablement pas efficace à moins que cette clause ne soit renouvelée. En outre, les programmes compatibles avec les règles actuelles du GATT pour le secteur agricole, comme les engagements en matière de subventions... si les pays les respectent, ils ne peuvent faire l'objet de contestation en vertu de la clause d'exemption compte tenu des règles générales de l'accord sur les subventions. Par conséquent, si cette clause expirait, beaucoup de pression s'exercerait sur l'Union européenne, par exemple.

Votre supposition est donc juste. Je crois qu'il faudrait peut-être se poser trois questions. Premièrement, quel est l'avantage—ou le risque—net, si vous voulez? Quel est le pour et le contre du point de vue du Canada? Deuxièmement, est-il probable de pouvoir la maintenir sans concession pendant que se déroulent les négociations? Troisièmement, au cas où elle ne pourrait être reconduite, quel effet—négatif ou peut-être positif—cela aurait- il sur les négociations?

M. Charlie Penson: C'est, je crois, une question de jugement personnel.

Pouvez-vous nous dire les domaines de l'agriculture dans lesquels le Canada tire actuellement avantage de la clause d'exemption, les programmes de la catégorie «verte»? Pouvez-vous expliquer rapidement la protection que cette clause apporte aux agriculteurs canadiens à l'heure actuelle?

M. William Miner: Autant que je sache, l'avantage qu'en retirent aujourd'hui les politiciens canadiens est relié aux droits compensateurs américains en particulier. Cela pourrait s'étendre à d'autres marchés, mais c'est habituellement le marché américain qui retient notre attention lorsque nous planifions les programmes.

Il existe aussi un risque de contestation plus générale en vertu du GATT, en ce qui concerne d'autres aspects de nos programmes, si cette clause n'existait pas, mais je pense que ce risque est assez marginal.

M. Charlie Penson: Les États-Unis nous menacent par exemple d'imposer des droits compensateurs sur le boeuf. Je crois que le groupe spécial leur a donné tort. Savez-vous quels produits particuliers seraient vulnérables si cette clause n'était pas renouvelée?

M. William Miner: Je crois en général que nos programmes de soutien du revenu sont compatibles avec les programmes de catégorie «verte», même si cette décision n'a pas été prise dans tous les cas. Cela pourrait faire l'objet de contestation. Par contre, d'autres secteurs, non visés par les programmes de soutien du revenu, pourraient faire l'objet de contestation.

M. Charlie Penson: D'accord. Merci, monsieur Miner.

• 1620

Elizabeth, la semaine dernière, notre comité s'est rendu dans l'ouest du Canada; bien des groupes que nous avons reçus ont discuté de ce que l'Organisation mondiale du commerce devrait proposer, de ce que notre position devrait être, ainsi que de la ZLEA. Je n'ai pas tout à fait compris si vous-même ou votre organisation pensez que notre environnement est dégradé par l'existence de ces accords internationaux et s'il est risqué de continuer à signer des accords qui rendraient l'environnement plus vulnérable.

Mme Elizabeth May: Oui, c'est exactement ce qui nous inquiète, que les accords existants... Il y a l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, l'ALÉNA et l'Accord multilatéral sur l'investissement que l'on a menacé de conclure. Nous avons maintenant des preuves et non plus des hypothèses. Nous avons des cas réels et nous savons que l'environnement est dégradé par l'existence de ces accords, tout comme notre capacité de réglementer et protéger la santé publique.

M. Charlie Penson: Si je pose cette question, c'est parce que l'Institut international du développement durable nous a présenté un exposé à Winnipeg selon lequel, le recours aux subventions—particulièrement dans le domaine de l'agriculture, sans que cela n'y soit limité—a probablement été plus dégradant pour l'environnement dans le monde entier; l'Institut demande une plus grande libéralisation du commerce pour mettre un terme à ce genre de pratiques.

Par exemple, nous avons une propriété agricole dans l'ouest du Canada. Nous savons le genre de dégradation du sol qui s'est produit ces 100 dernières années dans l'Ouest canadien. Pour beaucoup, c'est à cause des programmes et des subventions du gouvernement. Le dernier auquel je peux penser, c'est le RARB, le régime général d'assurance du revenu permettant aux agriculteurs d'avoir plus d'argent pour semer du blé chaque année, ce qu'ils ont fait.

Que pensez-vous de l'argument de l'Institut selon lequel la surproduction—qui découle des subventions—se traduit par des niveaux plus élevés de nitrate, etc.?

Mme Elizabeth May: Ces arguments sont bien fondés et ne sont pas incompatibles avec ce que j'ai dit; je suis donc heureuse que vous en ayez parlé. L'Institut international du développement durable a publié un excellent livre de Norman Myers «Perverse Subsidies», dans lequel il examine la façon dont...

M. Charlie Penson: Oui, il nous a présenté son exposé.

Mme Elizabeth May: D'accord. Il dit que les subventions accordées au secteur de l'énergie ont contribué à augmenter les gaz à effet de serre, de même que les subventions accordées au secteur forestier, etc. Il n'est pas incompatible de supprimer ces subventions et de trouver des accords internationaux visant à supprimer ces subventions qui ont des effets pervers, tout en assurant en même temps que ces accords commerciaux ne donnent pas le droit aux sociétés multinationales—qui se plaignent de règlements environnementaux avec lesquels elles ne sont pas d'accord—de poursuivre les gouvernements, ce qui se passe en vertu du chapitre 11, sans compter les efforts d'harmonisation à la frontière.

J'ai donné l'exemple de l'augmentation des résidus de pesticides sur les cultures canadiennes. Ce problème n'a pas été traité comme un problème environnemental ou de santé, mais comme une question commerciale. Ainsi, lorsque les fraises des États-Unis ou une autre denrée n'ont pas pu passer la frontière, les niveaux de pesticides étant supérieurs aux limites canadiennes—en d'autres termes, trop dangereux pour les Canadiens—les États-Unis ont réagi en proposant de négocier un relèvement par le Canada de la concentration de résidus pour les produits d'importation ainsi que pour nos cultures nationales. C'est l'effet pervers qui en a découlé.

Ce n'est pas un problème facile à régler, et je suis heureuse que vous ayez soulevé la question des subventions. Les environnementalistes sont inquiets au sujet du secteur laitier et du secteur agricole. Nous avons examiné le secteur agricole et avons constaté, comme dans le secteur des forêts et des pêches, le phénomène de l'industrialisation de l'agriculture qui est également néfaste pour l'environnement, ainsi que la centralisation du contrôle qui revient à des sociétés de moins en moins nombreuses, ce qui fait qu'il est de plus en plus difficile pour les familles d'agriculteurs de survivre.

Nous nous inquiétons également au sujet de la gestion de l'offre, mais nous ne voyons pas ce problème de la même façon que les subventions.

M. Charlie Penson: J'ai quelques mots à dire. Le domaine de l'agriculture est assez complexe. Par exemple, l'Europe essaie d'interdire le canola génétiquement modifié. Ici, les agriculteurs qui le cultivent, doivent utiliser moins de pesticides et d'herbicides pour le produire, à cause des nouvelles technologies. C'est en quelque sorte un dilemme, n'est-ce pas? Ils n'en veulent pas, car ils pensent que c'est dangereux et pourtant, on utilise de moins en moins d'herbicides pour le produire.

Mme Elizabeth May: Selon certains agriculteurs auxquels nous avons parlé, cela n'a pas, à leur avis, diminué la quantité d'herbicides utilisés, car...

M. Charlie Penson: Je sais d'après mon expérience personnelle ce que cela donne dans notre exploitation.

Mme Elizabeth May: Pour ce qui est de l'hormone du boeuf, le Canada a déclaré—et a eu gain de cause—à l'OMC que l'Union européenne n'avait pas le droit de refuser du boeuf génétiquement modifié. Par ailleurs, dans le journal d'aujourd'hui, on peut lire que Mme Margaret Haydon, de Santé Canada, l'organe de réglementation qui a approuvé Revelor H et les hormones de croissance au Canada, s'oppose au règlement vu les preuves troublantes selon lesquelles ces substances pourraient provoquer le cancer chez le boeuf.

• 1625

Il s'agit donc de questions fort épineuses, surtout lorsqu'il s'agit d'organismes génétiquement modifiés: dans quelle mesure sont-ils dangereux? Un pays a-t-il le droit de dire que tant qu'il n'y aura pas suffisamment de preuves de la sécurité de ces produits, il n'en permettra pas l'importation? Dans le cas de l'hormone du boeuf, l'OMC a déclaré qu'il ne suffisait pas d'avoir une inquiétude à ce sujet, d'avoir de bons motifs d'inquiétude ou de vouloir exercer le principe de précaution. S'il n'est pas absolument nécessaire de protéger la santé de votre population à 100 p. 100, et si vous n'avez pas la majorité de l'opinion scientifique de votre côté, vous ne pouvez pas prendre cette mesure. Historiquement...

M. Charlie Penson: De quelle opinion scientifique voulez-vous parler?

Mme Elizabeth May: Il ne s'agit pas de celle représentée par Codex Alimentarius qui est un regroupement de multinationales. Par conséquent, cette capacité de réglementer, lorsque vous avez une inquiétude, surtout... on peut comprendre, après la crise de la vache folle, que pendant longtemps les gouvernements ont dit à la Grande-Bretagne qu'il n'y avait pas de problème, que l'on pouvait continuer à manger du boeuf britannique. Ils ont raison de vouloir sauvegarder leur système de disponibilités alimentaires. Les Canadiens s'inquiètent également. Le régime commercial nous force à accepter des aliments génétiquement modifiés et essaie de faire la même chose en Europe.

[Français]

La présidente: Madame Debien, est-ce que vous aimeriez poser des questions?

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Oui, madame la présidente. Bonjour, monsieur Leduc, madame May, mesdames et messieurs.

Monsieur Leduc, à la suite de la conclusion de votre intervention, j'aimerais vous poser une question qui porte davantage sur le processus que sur le contenu. Vous dites qu'en matière d'agriculture, les négociations de la ZLEA devraient se dérouler lentement et aussi longtemps que les négociations sous l'égide de l'OMC n'auront pas été menées à terme. Je crois comprendre que vous soutenez qu'il ne devrait pas y avoir de négociations à la ZLEA tant et aussi longtemps que tous les problèmes n'auront pas été réglés à l'OMC. Est-ce bien ce que votre conclusion sous-entend?

M. Yves Leduc: Non. Les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques sont censées être conclues d'ici l'an 2005, soit la date limite qu'on a fixée.

On sait fort bien qu'au mois de novembre 1999, les ministres des pays membres de l'OMC devraient entamer leur prochaine ronde de négociations. Nous soutenons que tout accord qui sera conclu au niveau de la Zone de libre-échange des Amériques ne devrait pas aller plus loin que ceux qui seront conclus à l'OMC. Nous disons donc que tant et aussi longtemps que ces accords n'auront pas été conclus à l'OMC, les négociations ne pourront pas, à toutes fins pratiques, aboutir à une entente au niveau de la Zone de libre-échange des Amériques. Ceci n'empêche pas les négociateurs de tenir des discussions ou de faire avancer les négociations sur certains points afin qu'une fois conclue une entente au niveau de l'OMC, les négociations relatives à la ZLEA puissent être conclues le plus rapidement possible.

Mme Maud Debien: Je comprends votre point de vue, mais nous savons tous qu'il y a presque 20 ans que les négociations durent, que ce soient les séances de négociations de l'Uruguay ou celles du GATT. Les prochaines négociations de l'OMC s'annoncent très longues et ardues puisqu'on y discutera de questions relatives au commerce électronique, aux investissements, à l'environnement et aux droits de la personne.

Selon votre perspective, les négociations de la ZLEA devraient être aussi très longues puisque vous nous proposez qu'on attende que celles de l'OMC soient terminées avant de les conclure. Il faut être réaliste. Idéalement, on voudrait bien que les négociations de l'OMC aboutissent d'ici trois ans, bien que je doute que ce sera le cas. On a beau avoir établi l'échéance de l'an 2005 pour la ZLEA, il y a une question de réalisme dont il faut tenir compte. Je m'interroge face à votre position très catégorique. Vous accordez la préséance aux négociations de l'OMC par rapport à celles de la ZLEA. Il y a une espèce de dilemme ici.

• 1630

M. Yves Leduc: Nous sommes d'accord avec vous que les négociations de l'OMC risquent de durer beaucoup plus que trois ans. Je concède que notre présentation d'aujourd'hui peut sembler catégorique, mais il y a cependant toujours un moyen de contourner cette problématique. Nous pourrions peut-être préciser que, dans certains secteurs, dont le secteur laitier, certaines dispositions d'une entente conclue dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques ne pourront aller plus loin que celles d'une entente conclue au niveau de l'OMC.

J'aimerais ajouter que notre présentation indique clairement qu'il y a certains dossiers sur lesquels les négociations relatives à la ZLEA pourraient aller beaucoup plus loin que celles de l'OMC, dont le dossier des accords «zéro-zéro» pour les secteurs qui sont intéressés à ce genre d'ententes et celui des mesures sanitaires et phytosanitaires.

Mme Maud Debien: Ma prochaine question s'adresse à Mme May, qui représente le Sierra Club du Canada. Lors des audiences que nous avons tenues d'un bout à l'autre du Canada, on a soulevé à maintes reprises des questions relatives à l'environnement, aux droits de la personne et à la société civile en particulier, sur lesquelles les ONG ont beaucoup insisté. Les témoins que nous avons entendus était énormément préoccupés par la protection de l'environnement.

Certains témoins nous ont proposé la création d'une nouvelle organisation mondiale de l'environnement qui pourrait travailler en étroite collaboration avec l'OMC, tandis que d'autres soutenaient que c'était à l'intérieur même de l'OMC qu'on devait prévoir des mécanismes et des règles visant à assurer une certaine concordance ou une certaine relation entre les questions de commerce et d'environnement. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux options ou si vous souhaiteriez en proposer une nouvelle.

Mme Elizabeth May: C'est une question très importante sur laquelle tous les groupes environnementaux ne sont pas d'accord. Si vous me le permettez, je vais vous répondre en anglais.

Mme Maud Debien: Je vous en prie.

[Traduction]

Mme Elizabeth May: Merci. Ma proposition de contrepoids... comme je l'ai dit dans le mémoire, il y a déséquilibre lorsque les accords commerciaux fonctionnent très bien, sont très efficaces et peuvent être prescriptifs, comme les accords commerciaux sur les droits de propriété intellectuelle, qui prévoient que non seulement vous ne pouvez pas faire certaines choses dans votre pays, mais que vous allez instaurer certains régimes de brevets. Ils sont donc très efficaces, et les accords environnementaux mondiaux de même que la protection de l'environnement à l'échelle nationale en souffrent.

La proposition d'une organisation mondiale de l'environnement a beaucoup de mérite, je crois. Il en a été question à l'origine lors des discussions de Rio en mars 1997, et a récemment été appuyée par le chef sortant de l'OMC, M. Ruggiero. Je crois que c'est parce que cette idée a été approuvée par M. Ruggiero que mes collègues ne sont pas si enthousiastes.

Si nous n'avons pas de contrepoids qui permette un règlement sûr des différends ainsi qu'un degré de professionnalisme, si vous voulez, relié à la capacité découlant des accords environnementaux mondiaux, les gouvernements continueront à favoriser le régime commercial auquel ils peuvent faire confiance, vu qu'il est efficace, bien dirigé et bien géré.

Les accords environnementaux actuels—le protocole de Montréal, qui a un petit secrétariat à Montréal, la Convention sur la biodiversité, dont le petit secrétariat est également situé à Montréal, et la Convention sur le changement climatique dont le petit secrétariat est à Bonn—connaissent le même sort que le Programme des Nations Unies pour l'environnement qui n'a même pas droit à un organisme du genre de la FAO. Ils n'ont pas la force collective dont jouit l'OMC qui est capable, à partir de Genève, de s'organiser et de se diriger.

• 1635

S'il existait un moyen de faire en sorte que l'OMC, quand elle traite de pareilles questions, ait une certaine expertise et puisse juger qu'il s'agit d'un véritable litige environnemental et que, par conséquent, il ne faut pas y appliquer les règles commerciales... Je ne crois toutefois pas que cela se produise, du fait particulièrement que les règles commerciales représentent en quelque sorte une idéologie et qu'elles n'admettent pas facilement l'existence d'autre chose que des barrières commerciales déguisées. La notion qu'il existe de véritables préoccupations sur le plan de l'environnement ou de la santé ne semble pas pénétrer. Personnellement, je pencherais vers une réorganisation à l'échelle mondiale, vers un organisme de protection de l'environnement mondial, parce que je crois qu'ainsi, nous ferions mieux comprendre aux gouvernements qu'il y a moyen de respecter ces accords. De toute évidence, le régime actuel n'est pas efficace. Nous ferons donc bon accueil à presque n'importe quelle réforme.

Mme Maud Debien: Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): J'essayerai d'être concis aujourd'hui, madame la présidente, car j'ai de la difficulté à parler. Je laisse les témoins s'en charger.

Il me semble que l'argument présenté par Elizabeth a déjà été présenté au comité par l'Association canadienne du droit de l'environnement dans le cadre des audiences portant sur l'OMC. L'association faisait essentiellement valoir que, chaque fois que l'environnement est opposé au commerce, il perd. Le milieu culturel affirme la même chose, soit que chaque fois que la culture est opposée au commerce, elle en sort perdante. Les travailleurs ne sont même pas pris en compte à l'OMC. Il n'existe donc même pas de jurisprudence dans ce domaine. Ils ont leur propre organisme inefficace sans pouvoir d'exécution, tout comme ce serait le cas d'un organisme mondial de l'environnement ou d'un organisme analogue qui pourrait voir le jour en matière de culture.

Qu'est-il arrivé en cours de route? Si l'on remonte aux années 80, au rapport Brundtland, à Rio, d'énormes percées se dessinaient à l'horizon; puis, d'autres événements sont survenus au même moment, soit l'éclatement de l'Union soviétique, les accords de libre-échange, l'emprise idéologique triomphaliste des libre-échangistes, et toutes ces réalisations des années 80 se sont mises à fondre comme neige au soleil. Où cela s'arrêtera-t-il? Je vous le demande: comment peut-on continuer?

En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet des différences entre les États-Unis et le Canada sur le plan du chapitre 11, Sergio Marchi a déclaré hier, devant le comité au complet, que le Canada et les États-Unis voient les choses du même oeil, qu'il n'y a pas de différence entre la position du gouvernement du Canada et celle du gouvernement des États-Unis concernant le chapitre 11. J'ai cru que vous seriez intéressés d'apprendre qu'il n'y a que le Mexique pour s'opposer aux changements apportés au chapitre 11. Il serait très intéressant de savoir à quel sujet les Américains et les Canadiens voient les choses du même oeil. Le ministre a certes une vue différente de ce que je croyais et il l'a affirmé officiellement. Je croyais qu'il existait des différences entre la position américaine et la position canadienne. Je dis tout cela à titre de commentaire, ce qui invite peut-être à faire d'autres commentaires.

Mme Elizabeth May: La seule question que vous m'ayez posée était comment peut-on continuer? Ce qui a été et devrait être pour nous tous une source d'encouragement, c'est que les organismes de la société civile démocratique et les formes démocratiques de gouvernement continuent de nous permettre de dire: «Cela suffit». La raison pour laquelle l'Organisation mondiale du commerce et les négociations d'Uruguay ont été si efficaces—il existe quelques petites choses au sein du système et au sein de la bureaucratie, cela pourrait sembler tout à fait simpliste. Depuis que je fais partie du mouvement environnemental au Canada, ce qui en réalité représente de très nombreuses années, les gens avec qui vous avez travaillé à Rio... Si vous retrouviez maintenant les négociateurs d'Environnement Canada à Rio, ils ont tous été mutés à d'autres portefeuilles, à d'autres ministères. De la même façon, ceux de l'ACDI qui étaient à Rio et qui s'occupaient de questions de développement travaillent tous à autre chose.

• 1640

Le seul endroit où vous pouvez toujours trouver un cadre constant de cheminement de carrière—quand vous en faites partie, vous y êtes pour la vie, et il y a une constance dans la progression. On peut bien négocier pendant sept ans en Uruguay parce que ce sont toujours les mêmes qui sont là, pour la vie. Ils ont été extrêmement efficaces. Ce ne sont pas de mauvaises gens. Je crois très honnêtement qu'un grand nombre d'entre eux sont convaincus qu'il doit y avoir...

M. Bill Blaikie: L'équivalent bureaucratique du Politburo.

Mme Elizabeth May: Oui. Ils croient au nouvel ordre mondial, quand il sera plus facile... Lors de la réunion de l'Organisation mondiale du commerce à Singapour, un des négociateurs s'est levé et a vraiment dit que, si nous abolissions les barrières tarifaires dans le domaine des télécommunications, un jour, chaque village d'Afrique aurait son téléphone, synonyme de survie.

M. Bill Blaikie: Ils n'auraient rien à manger.

Mme Elizabeth May: Je me demande s'ils vont faire livrer de la pizza ou de l'eau embouteillée. Après tout, 30 000 enfants meurent chaque jour parce qu'ils n'ont pas d'eau potable. Un téléphone dans chaque village n'est pas gage de survie. Je crois qu'ils sont vraiment convaincus de ce qu'ils font, mais, malheureusement, qu'ils ne saisissent pas le reste des enjeux. Ils ne représentent pas une tribune appropriée où juger de toutes les questions de politique gouvernementale.

Donc, ma grande source d'espoir et d'inspiration est la réaction publique à l'AMI. C'est à ce moment-là qu'on a freiné l'élan de nombreux gouvernements et certes de Canadiens membres de l'OCDE qui ont dit non. Il faut dire que nous avons maintenant vécu l'expérience des accords commerciaux; on nous en a mis plein la vue avec les relations publiques, on nous a beaucoup vanté tous les mérites de ces accords. Dans certains domaines, on peut peut-être observer des améliorations; dans d'autres, par contre, il existe des problèmes vraiment graves, et nous refusons de négocier d'autres accords du genre jusqu'à ce que nous ayons trouvé les solutions. C'est le message fondamental.

La présidente: Monsieur Blaikie, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Bill Blaikie: Non, merci.

La présidente: Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Madame la présidente, je vous remercie beaucoup. J'étais simplement en train de feuilleter le mémoire de la Fédération canadienne de l'agriculture. Il y est écrit que, selon vous, la ZLEA, si elle doit relever d'un cadre quelconque, devrait être assujettie aux règles de l'OMC. Je suis d'accord avec cette idée, parce que je ne nous vois pas en train d'établir un accord commercial pour les Amériques et l'Union européenne en train d'établir des accords commerciaux pour l'Europe. On va se retrouver avec une poignée d'accords commerciaux incompatibles. L'OMC est donc vraiment utile pour mettre en place des règles universelles.

Une de mes sources de préoccupation, cependant, est le fait que, lors des négociations de 1993, on supposait au départ que les faibles prix mettraient fin aux faibles prix. Nous savons maintenant, étant donné les guerres que provoquent divers produits, les Européens et la disposition de report... Par exemple, l'Union européenne subventionne le blé à raison de 1,4 milliard de dollars environ, les États-Unis, à raison de 444 millions de dollars environ alors qu'au Canada, le blé n'est pas subventionné. Je puis vous donner plusieurs exemples de la sorte.

Nous avons essentiellement respecté les règles qui ont été négociées. Je vois que les États-Unis et l'Union européenne ont débattu des règles pendant que nous les appliquions. Nous les devançons actuellement pour ce qui est de réduire les subventions.

Voici ma question: quand nous entamerons les nouvelles négociations, cette fois, qu'arrivera-t-il? Nous contenterons-nous de ne rien faire et d'attendre que les autres nous rejoignent ou s'attendent-ils que nous continuerons d'en faire plus qu'eux? J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

Mme Sally Rutherford: À ce stade-ci, il est très évident que nous ne croyons pas que le Canada devrait être disposé d'avance à céder quoi que ce soit. Avant de signer tout accord, nous voudrons certes leur parler dans le blanc des yeux. Il n'est donc pas question de signer des accords, encore moins de faire des concessions. Ce n'est pas seulement une impression. Le Canada a vraiment été plus loin, et plus rapidement, pour des raisons intérieures peut-être, et il a en réalité fait plus que les engagements que tous étaient censés respecter.

Le genre de dossier qui continuera d'avoir le plus d'importance pour nous sera en fait l'élimination des subventions à l'exportation et certaines questions relatives à l'ouverture des marchés. Il faut que nous ayons notre liste d'épicerie et que nous soyons disposés à sérieusement examiner toutes les options avant de décider de ce que nous voulons vraiment. Nous ne pouvons pas nous présenter à la table de négociation disposés à faire plus de concessions que nous n'en avons déjà fait.

• 1645

M. Murray Calder: Je sais que, lorsque nous sommes allés aux États-Unis le mois dernier, le Comité permanent de l'agriculture a rencontré des membres du Congrès et du Sénat. Nous avons aussi eu l'occasion de rencontrer des membres de la Commission du commerce international. En tant qu'agriculteur, je leur ai demandé sur quoi ils prévoyaient négocier et, naturellement, ils ont répondu: «Tout». Souhaitaient-ils des tarifs et des subventions? Ils n'en voulaient pas du tout. Je leur ai alors donné deux exemples, celui des arachides et celui du sucre. Les tarifs ont déjà été abolis sur ces produits. Je leur ai demandé s'ils étaient disposés à abolir les tarifs que les États-Unis imposent sur les arachides et le sucre et, très rapidement, nous en étions au stade du «oui, mais».

Il serait intéressant de voir comment nous réglerons ce problème parce que les États-Unis, d'après ce que je peux voir avec le FAIR Act, le Farm Aid, la dette agricole—ils ont injecté jusqu'à 15,2 milliards de dollars en 1998 dans leur économie agricole. En toute honnêteté, nous n'avons pas les moyens de le faire chaque année. C'est là que se trouve le coeur du problème. Les faibles prix ne feront pas disparaître les faibles prix tant qu'il y aura des subventions, et il y en a encore. C'est tout.

Mme Elizabeth May: Je me plais à citer notre ancien ministre de l'Agriculture sous le régime Trudeau, le sénateur Eugene Whelan, qui a dit: «Ces ententes n'ont rien à voir avec le libre-échange; elles concernent plutôt le droit de ces gars-là, des multinationales américaines, de brasser des affaires comme bon leur semble, là où elles le veulent.» Je vous renvoie donc l'opinion du sénateur Whelan, de l'autre Chambre.

La présidente: Je vous remercie.

Pour ce qui est du MMT, j'ai lu votre document et, effectivement, il y a peut-être eu présumée expropriation, mais ce n'est pas ce qui a motivé la décision prise dans cette affaire. Elle se fondait plutôt sur une décision prise en matière de commerce interprovincial par le gouvernement de l'Alberta contre la décision prise par le gouvernement fédéral d'interdire les MMT. L'affaire n'a pas vraiment été entendue. Je crois comprendre qu'elle a été abandonnée. Quand je lis votre mémoire, là où vous parlez d'une poursuite en vertu du chapitre 11, d'une contestation s'appuyant sur l'ALENA... La décision de régler ne découlait pas de là. Il s'agissait en fait d'une décision en matière de commerce interprovincial; l'interdiction du commerce interprovincial de MMT était illégale.

Mme Elizabeth May: Si vous me le permettez, madame la présidente, il y a eu ce litige de commerce interprovincial, et il ne fait aucun doute que l'interdiction des MMT s'est faite de manière alambiquée en raison de certains problèmes internes d'application de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Par contre, il est aussi incontestable que, si toute l'affaire se résumait à un litige de commerce interprovincial, nous n'aurions pas eu de raison de verser 19 millions de dollars à Ethyl Corporation, de lui faire des excuses publiquement, ce que nous n'aurions jamais dû faire, et d'affirmer qu'il n'existait pas de preuve que le produit était dangereux, déclaration qu'utilisera Ethyl Corporation dans d'autres pays pour tenter de faire ouvrir des marchés à son produit.

Ethyl Corporation a lancé une poursuite en vertu du chapitre 11. Elle a prétendu avoir perdu des profits et elle a exigé une indemnisation, ainsi qu'une autre indemnisation pour le tort fait à sa réputation. Dans une affaire de commerce interprovincial, il aurait fallu remplacer le projet de loi par une réelle interdiction. Le règlement et le fait que nous ayons autorisé à nouveau l'ajout de MMT à l'essence... Tout indique que l'affaire avait plus de rapport avec le chapitre 11 qu'avec un différend en matière de commerce interprovincial.

La présidente: Peut-être pouvons-nous nous entendre pour dire que nous sommes en désaccord là-dessus. Je présume que n'importe qui peut faire des allégations. N'importe qui peut se présenter devant le tribunal, réclamer 125 $ et prétendre ce qu'il veut.

Mais vous n'avez pas soulevé le fait que nous n'avons pas arrêté d'en parler d'une façon alambiquée. N'y a-t-il pas une leçon à tirer de la façon dont nous devrions adopter notre loi sur l'environnement...? Ne pouvons-nous pas voir le côté positif de cette chose?

Mme Elizabeth May: J'ai un sentiment très positif à ce sujet... Avant l'effondrement survenu l'été dernier, une fois qu'Ethyl Corporation... Ils ont fait beaucoup de bruit au sujet du fait qu'ils se préparaient à intenter des poursuites en vertu du chapitre 11. Je dois rappeler que l'une des choses que nous trouvons offensantes, c'est que si les compagnies restent silencieuses, rien n'oblige à publier un avis public quand le gouvernement canadien est poursuivi par une entreprise américaine. Ce pourrait être aussi une entreprise mexicaine, mais il s'agit généralement d'entreprises américaines. Rien n'oblige à publier un avis public.

• 1650

Dans ce cas-ci, Ethyl Corporation a fait beaucoup de bruit à ce sujet, et Sergio Marchi, à titre de ministre de l'Environnement, était sûr que nous devions supprimer cette neurotoxine. Quand il était dans l'opposition, il y a des années, Jean Chrétien avait parlé d'une neurotoxine insidieuse que nous ne devrons pas autoriser au Canada. Quand le groupe d'arbitrage de trois personnes a été choisi et que les réunions ont commencé, M. Marchi nous a dit personnellement qu'il préférait que les audiences soient transparentes. Ce n'était pas vraiment des audiences; il s'agissait plutôt de réunions privées, qui se tenaient derrière des portes closes. Il a essayé de les rendre transparentes, mais les États-Unis s'y sont opposés.

Nous communiquions souvent avec le bureau de M. Marchi pour voir comment ce différend pourrait se régler, et pour trouver des moyens d'intervenir. La décision de régler à l'amiable avec Ethyl Corporation et de lui accorder 19 millions de dollars en échange de l'abandon des poursuites intentées en vertu du chapitre 11, cette décision allait totalement à l'encontre des gestes de la Chambre des communes.

Je tenais à ajouter que lorsque nous avons communiqué avec le bureau du ministre Marchi, nous avons demandé: où est la sécurité intégrée? Supposons que nous perdions cette cause. Le gouvernement est-il disposé alors à interdire purement et simplement le MMT en vertu de la LCPE, ce que nous aurions dû faire en premier lieu? Rien n'a été fait dans ce sens depuis. La Chambre des communes et le Sénat, et ce, avec la sanction royale, avaient interdit l'additif neurotoxique au Canada. Même s'effondrer, c'était affreux, et donner à Ethyl Corporation 19 millions de dollars... Si nous consacrions une fraction de cette somme à des recherches médicales sur ce que le MMT fait au cerveau, ce serait utile, mais donner cet argent aux fabricants... Et nous n'avons pas remplacé cette loi. Nous nous sommes permis d'abandonner un important règlement environnemental à cause d'un différend commercial.

La présidente: Merci.

Monsieur Penson.

M. Charlie Penson: Cela ouvre en quelque sorte un débat qui selon moi doit se poursuivre, parce que je crois comprendre, madame May, qu'en vertu du chapitre 11 de l'ALENA, le chapitre sur les investissements, si on peut démontrer que tel ou tel produit peut être nocif pour notre santé ou notre environnement, nous pouvons l'interdire en invoquant ce chapitre. Par conséquent, si ces mesures avaient été prises parce qu'il était nocif pour notre environnement... Je crois que nous avons besoin de cette protection. Ainsi, il s'agit de pouvoir prouver qu'il est nocif pour notre environnement ou pour notre santé. Si je comprends bien, à l'époque ils ne possédaient pas les connaissances scientifiques voulues pour le prouver, et ne pouvaient donc le faire interdire, ce qui aurait été conforme à l'ALENA, mais ils ont choisi cette autre voie, qui bien sûr n'a abouti à rien. On peut donc conclure qu'ils n'ont pas été bien conseillés.

Mme Elizabeth May: La question du MMT est tout un gâchis. Il est incontestable que le MMT est une neurotoxine. Le manganèse, à doses suffisantes, cause une maladie, le manganisme, qui ressemble beaucoup à la maladie de Parkinson. De fait, il est très difficile de les différencier cliniquement. C'est une maladie évolutive. Si vous souffrez de manganisme, même si vous n'êtes plus exposé au manganèse les dommages au cerveau ne s'arrêtent pas. Des expériences menées sur des animaux de laboratoire démontrent que d'infimes quantités de manganèse provoquent chez eux une réaction qui ressemble à une déficience de l'attention chez l'humain. Il fait augmenter l'agressivité.

L'autre aspect de la chose, c'est que Environnement Canada avait des preuves très solides, de même que les fabricants d'automobiles, qui démontraient qu'il bousillait le système de diagnostic des automobiles et augmentait la pollution de l'air.

M. Charlie Penson: Ce que je veux vous demander, c'est: cela n'est-il pas autorisé par le chapitre 11 de l'ALENA? Si on pouvait prendre cette mesure en s'appuyant sur des connaissances scientifiques démontrant qu'il y avait un problème, ne serait-il pas... Ce que je veux vous dire, c'est qu'on ne viole pas le chapitre 11 de l'ALENA, le chapitre sur les investissements, et par conséquent nous devons faire une distinction entre, dans ce cas-ci parce que nous avons entendu dire des centaines de fois un peu partout dans le pays... Je ne crois pas qu'il soit juste de citer ce que les gens disent, à savoir que dans le cas du MMT le Canada ne pouvait pas... à cause des restrictions du chapitre 11. Je ne le crois pas.

Mme Elizabeth May: Si nous étions allés jusqu'au bout et si nous avions eu une décision du groupe de trois personnes, ce serait plus facile à résoudre. Nous savons que le libellé qui était censé protéger l'environnement dans l'ALENA ne le fait pas et que le libellé qui était censé protéger le droit de protéger l'environnement et la santé publique dans le cadre de l'article 20 du GATT ne le fait pas. Le libellé...

M. Charlie Penson: Pourriez-vous nous fournir les articles qui vous préoccupent pour que nous puissions les examiner?

• 1655

Mme Elizabeth May: Mais l'historique de ces accords démontre que même si le libellé... l'article 20 du GATT, qui est censé dire: eh bien, bien entendu, il s'agit ici de régimes commerciaux, et nous ne voulons pas empiéter sur le droit de gouvernements souverains de protéger la santé de leur population ou leurs ressources naturelles, etc. Mais chaque fois qu'il y a un différend commercial, la notion selon laquelle vous pouvez intervenir pour protéger la santé a maintenant été réduite par les organisations commerciales, qui disent qu'il faut que ce soit absolument nécessaire et que tout le monde doit être d'accord. Ainsi, c'est le plus petit dénominateur commun dans l'opinion scientifique qui domine quand le régime commercial international reconnaît qu'un pays est intervenu légitimement pour protéger l'environnement...

M. Charlie Penson: Cela ne montre-t-il pas que si nous voulons que cette disposition précise soit renforcée dans l'ALENA ou lors de futures négociations de l'OMC, nous devons nous en occuper, mais tout en étant régis par ce que nous signons à l'heure actuelle? Si ce n'est pas suffisant, nous devons corriger la situation.

Mme Elizabeth May: Je suis d'accord avec vous; le chapitre 11 et l'ALENA ne sont pas à la hauteur, et nous devrions les modifier en conséquence.

M. Charlie Penson: Monsieur Miner, vous dites dans votre document que nous devrions réduire les tarifs agricoles, notamment les tarifs maximums. Je présume que vous parlez de tous les pays membres de l'OMC. Pouvez-vous nous donner des exemples précis de ce dont vous parlez?

M. William Miner: Essentiellement, les tarifs maximums, là où ils sont en vigueur, visent les produits auxquels s'appliquent les contingents tarifaires, et les tarifs supérieurs aux contingents tarifaires, les tarifs hors quota, dans certains cas, pour certains produits névralgiques, selon tel ou tel pays, atteignent des niveaux très élevés. Nous en avons quelques-uns nous-mêmes, comme nous le savons tous, notamment dans l'industrie laitière. Il y en a de plus élevés dans d'autre pays, par exemple au Japon pour le riz, qui atteignent plusieurs centaines de points de pourcentage.

Je m'attends à ce que les négociations à l'OMC aboutissent à une réduction prononcée de ce que j'ai appelé les tarifs maximums dans mon document.

M. Charlie Penson: Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

M. Yves Leduc: Puis-je intervenir à ce sujet?

La présidente: Je vous en prie.

M. Yves Leduc: Merci. Pour ce qui est de ces tarifs élevés, nous ne croyons pas que c'est la voie que nous devrions suivre lors des prochaines négociations de l'OMC. Il est vrai que le Canada impose des tarifs élevés pour certains produits au moyen des contingents tarifaires. Toutefois, quand nous pensons à l'accès que ces contingents tarifaires ont offert, nous pouvons voir que l'accès offert par le Canada, notamment pour les produits laitiers, est beaucoup plus vaste que celui qu'ont offert les États-Unis ou l'Union européenne.

Nous croyons donc que l'accent devrait être mis sur l'accès à l'intérieur du contingent et que nous ne devrions pas essayer d'éliminer ces tarifs élevés, qui en fait ont été imposés pour que les pays importent une quantité minimum de produits.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Leduc, pour cette explication.

Au nom de tous les membres du comité, je remercie les témoins pour leurs exposés et leurs témoignages, et pour avoir dialogué avec nous. Merci beaucoup.

La séance est levée.