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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 26 mai 1999

• 1552

[Traduction]

La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Mesdames et messieurs, prenez place car nous allons commencer en attendant nos autres collègues. Mon collègue le plus important peut-être, M. Sauvageau, est arrivé, de sorte que nous pouvons commencer. Nous avons le quorum avec M. Sauvageau.

Bonjour, mesdames et messieurs, et bienvenue au Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux. Le mandat du sous-comité, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, examine les intérêts prioritaires du Canada dans le processus de création d'une ZLÉA. Nous avons tenu des audiences à l'échelle du pays et simultanément nous avons tenu des consultations avec l'OMC. Nous sommes conscients que, même si les deux démarches sont parallèles, elles sont malgré tout distinctes. Nous vous souhaitons la bienvenue ici aujourd'hui.

Nous allons commencer par Mme Patricia Smith, sous-directrice des enquêtes et recherches, Direction générale de l'économie des affaires internationales du Bureau de la concurrence du ministère de l'Industrie. Madame Smith, bienvenue.

Mme Patricia Smith (sous-directrice des enquêtes et recherche, Direction générale de l'économie et des affaires internationales, Bureau de la concurrence, Industrie Canada): Merci beaucoup. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole devant ce sous-comité en ma qualité de représentante du Bureau de la concurrence. J'espère que mes commentaires et mes réponses aux questions précises du sous-comité seront utiles dans le cadre de l'examen des intérêts prioritaires du Canada dans le processus d'établissement de la ZLÉA.

La politique en matière de concurrence tient désormais une place prépondérante dans l'agenda international sur la politique de concurrence, et elle commence à jouer un rôle de plus en plus important dans certains accords commerciaux régionaux. À titre d'exemple, l'ALENA de même que les accords de libre-échange entre le Canada et le Chili, et le Canada et Israël obligent les parties à maintenir en vigueur des lois sur la concurrence et à collaborer à leur mise en application.

Le programme de travail de l'OCDE, ainsi que les travaux entrepris par le groupe de travail de l'OMC sur l'interaction entre le commerce et le droit de la concurrence, renforcent l'idée selon laquelle la politique en matière de concurrence peut jouer un rôle essentiel lorsqu'il s'agit de garantir la compétitivité sur les marchés. Le Canada participe actuellement à des négociations sur la politique de la concurrence avec les pays de l'Association européenne de libre-échange (AELÉ) et de la ZLÉA. Les travaux entrepris dans chacun des ces forums contribuent à la promotion d'une approche plus cohérente du traitement de la politique de la concurrence sur le plan international.

Le Bureau de la concurrence estime que des lois nationales sur la concurrence, si elles sont appliquées de façon efficace, complètent les efforts de libéralisation du commerce en empêchant que des pratiques anticoncurrentielles privées diminuent les avantages de ces accords. L'inclusion d'une politique de la concurrence dans ces autres tribunes permettra de garantir que les exportateurs et investisseurs canadiens qui font affaire à l'étranger jouissent des avantages d'une politique de la concurrence objective et prévisible qui les protégera des pratiques anticoncurrentielles sur le marché local.

• 1555

La transformation rapide de nombreuses économies latino-américaines à la suite de la libéralisation du commerce, de la déréglementation et de la privatisation a accru le besoin d'une politique de la concurrence bien fondée, notamment dans les secteurs qui restent fortement concentrés après la libéralisation. Des douze pays de l'hémisphère qui ont une loi sur la concurrence en vigueur, plusieurs ont développé un régime de politique de concurrence depuis peu et même parmi ces derniers pays, le niveau de la mise en application varie.

À ce jour, le Groupe de négociation de la ZLÉA sur la politique de la concurrence a tenu trois réunions. Nous estimons que les discussions ont, jusqu'à présent, été très positives. Bon nombre de pays ont notamment manifesté un intérêt pour l'importance de la politique de la concurrence pour les économies de petite taille de l'hémisphère, et comment celles-ci pourraient réellement adhérer à un accord-cadre de la politique de la concurrence au sein de la ZLÉA. Le Groupe de négociation a convenu d'accorder son appui au Comité Tripartite pour la réalisation d'études supplémentaires. Ce comité se compose d'experts de l'Organisation des États américains, de la Banque interaméricaine de développement et de la Commission économique des Nations Unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes.

L'assistance technique aux pays qui ont un régime de concurrence inexistant ou relativement peu développé sera un élément essentiel pour la conclusion d'un accord-cadre sur la politique de la concurrence au sein de la ZLÉA. Les pays qui fourniront l'assistance technique devront comprendre la nécessité d'adopter une stratégie graduelle qui débutera avec le développement d'un consensus intellectuel, politique et social sur la valeur de la politique de concurrence. La stratégie se terminera avec l'adoption d'une loi sur la concurrence bien fondée et la mise en application efficace de cette loi.

Le Groupe de négociation de la ZLÉA sur la politique de la concurrence dresse actuellement un sommaire annoté pour un chapitre sur la concurrence dans la ZLÉA. Ce sommaire sera intégré au rapport qui sera soumis au comité des négociations commerciales avant la réunion ministérielle qui aura lieu à Toronto en octobre. Le sommaire devra inclure, non exhaustivement, les questions que les membres jugent nécessaires de soulever lors des négociations sur le contenu du chapitre sur la politique de concurrence.

Comme le sous-comité l'a demandé, j'aborderai les principaux éléments proposés en vue d'un accord-cadre de la politique de la concurrence au sein de la ZLÉA. Soit dit en passant, ces éléments font aussi l'objet d'un document récemment publié par le Bureau de la concurrence et intitulé «Options en vue de l'internationalisation de la politique de la concurrence». Je ne vous ai pas fourni un exemplaire de ce document mais vous pouvez le trouver sur l'Internet. J'ajouterai que ce que je vous dis aujourd'hui est tout à fait semblable, voire identique, à ce qu'a dit le commissaire de la concurrence, le 15 avril dernier, quand il a comparu devant le Comité permanent des affaires étrangères et du Commerce international.

Il devrait d'abord exister une obligation d'adopter une loi sur la concurrence ayant un champ d'application approprié, assurant l'indépendance des enquêtes et des prises de décision, et un rôle de promotion et de défense de la concurrence pour l'autorité responsable.

Un accord de la ZLÉA sur la concurrence devrait reprendre les principes de la transparence, de la non-discrimination, du traitement national et de l'équité procédurale. Ces principes garantiraient une application impartiale et équitable de la politique en matière de concurrence. L'accord devrait contenir des dispositions clés visant les cartels et les complots criminels, l'examen des fusionnements, l'abus de position dominante et la possibilité de se prévaloir de recours ou de moyens de dissuasion efficaces, ainsi qu'un minimum d'exceptions ou d'exemptions.

D'importants travaux ont déjà été réalisés à l'OCDE en ce qui concerne les moyens de lutte commune contre les ententes injustifiables et les avis de fusionnement pour les opérations transfrontalières.

L'interdépendance croissante des marchés signifie que les autorités responsables de la concurrence n'appliquent plus les lois toutes seules, mais plutôt en collaboration avec d'autres autorités. Un accord pourrait envisager une coopération qui appuierait et faciliterait la collaboration entre ces organismes.

Il y a par ailleurs le règlement des différends, et le sujet n'est pas encore réglé. Les négociations portent sur la question de savoir s'il serait possible d'utiliser des procédures de règlement des différends pour déterminer si les pays membres respectent leurs obligations de mettre en oeuvre et de maintenir des lois sur la concurrence, conformément à un accord-cadre sur la concurrence. Toutefois, il est certain que le mécanisme de règlement des différends ne doit pas s'appliquer à la révision de la façon dont un pays décide d'appliquer sa propre loi, c'est-à-dire qu'il ne doit pas réviser les décisions individuelles.

Nous estimons toutefois qu'il est possible de faire beaucoup, sans pour autant établir de mécanisme de règlement des différends. Le Groupe de négociation peut étudier d'autres façons de garantir que les membres respectent leurs obligations lorsqu'il s'agit de la politique de la concurrence, par exemple, un conseil qui pourrait faire office de tribune pour discuter de questions de mise en application et fournir aux membres une table de consultation où ils pourraient solliciter les points de vue des autres membres dans le cadre de l'élaboration, l'application ou de la modernisation de leur législation sur la concurrence.

Nous estimons que l'efficacité d'un accord de la ZLÉA sur la concurrence serait accrue si on créait un mécanisme d'examen des politiques en matière de concurrence sur le modèle du mécanisme d'examen des politiques commerciales de l'OMC. Le conseil serait chargé de dresser régulièrement un rapport sur les dispositions de fond de la Loi sur la concurrence d'un pays et sur les résultats de l'autorité responsable en matière de mise en application. Tant le mécanisme d'examen des politiques de concurrence que le conseil feraient la promotion de la transparence et constitueraient les antécédents de l'autorité responsable en matière d'équité procédurale. Nous croyons que ceci constituerait une alternative acceptable pour traiter des questions de conformité.

• 1600

Le fait de doter la ZLÉA de règles appropriées pour s'attaquer efficacement aux activités anticoncurrentielles constituera une réalisation importante. Toutefois, le processus risque d'être long. J'estime que nous devrons adopter une approche progressive pour s'assurer d'obtenir un accord de haute qualité. Un accord-cadre pourrait prévoit des périodes transitoires nécessaires pour les économies de petite taille, et les administrations qui élaborent de nouvelles lois et institutions en matière de concurrence.

Une fois terminé, toutefois, nous estimons qu'un accord-cadre sur la politique de concurrence fera la promotion de l'établissement de régimes comportant une saine politique en matière de concurrence et qu'il améliorera la coopération dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles à l'intérieur de la ZLÉA.

J'aimerais maintenant répondre aux autres questions posées par le sous-comité. On m'a demandé s'il y avait des cas dans les Amériques où des pays se servent de leurs procédures d'approbation des fusionnements et autres procédures en matière de politique de la concurrence comme barrières au commerce.

Comme je l'ai déjà dit, bon nombre des pays qui feraient partie de la ZLÉA ne possèdent pas de politique de la concurrence, ou celle qu'ils possèdent est relativement peu développée. Cependant, selon nos expériences et nos interactions avec les pays de l'hémisphère dotés d'une telle politique, nous n'estimons pas que les procédures en matière de politique de la concurrence ou d'examen des fusionnements soient utilisées pour restreindre le commerce ou l'investissement. Nous croyons que ces pays reconnaissent l'importance d'établir des marchés concurrentiels et qu'ils reconnaissent le lien entre la libéralisation du commerce et la réglementation de conduites anticoncurrentielles pour atteindre ce but.

Le sous-comité a aussi demandé si une politique de libre- échange constituait à elle seule une assez bonne politique de concurrence pour des économies de petite taille comme celle des Caraïbes et de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, et, dans la négative, pourquoi pas?

L'idée selon laquelle le libre-échange à lui seul suffit à créer des marchés efficaces dans des économies de petite taille de cet hémisphère soulève quelques préoccupations pour le Bureau. À mon avis, la politique de libre-échange ne devrait pas être considérée comme un substitut à une politique de la concurrence. Par exemple, une politique de libre-échange ne pourrait pas à elle seule traiter les cas où des entreprises très puissantes commercialement sur le marché s'adonnent à des activités anticoncurrentielles comme la collusion.

Dans l'économie mondiale actuelle, nous voyons davantage de cartels internationaux, qui sont composés d'entreprises nationales et étrangères. Dans ces cas, la politique de libre-échange ne fait qu'ouvrir les marchés de sorte que les parties sont internationales au lieu d'être nationales. Toutefois, elle n'empêche pas que ces dernières s'adonnent à des pratiques anticoncurrentielles dans ces marchés.

En même temps, la politique relative à la concurrence ne devrait pas servir à corriger les problèmes d'accès au marché quand un marché particulier est exploité de façon efficace et compétitive. La pierre de touche de la politique de concurrence demeure l'incidence sur la concurrence et la mise en application de la législation sur la concurrence devrait être limitée à des motifs liés à la politique en la matière. Si le mécanisme du marché est amené à jouer un plus grand rôle dans les économies de petite taille, pour fixer les prix et les normes de qualité, les marchés efficaces qui en résulteront attireront un commerce efficace.

Nous estimons que, si elle est bien appliquée, la politique sur la concurrence constitue, avec la libéralisation du commerce, le meilleur gage de marché efficace. Bien que nous reconnaissions que les barrières tarifaires et non tarifaires soient, de façon inhérente, anticoncurrentielles, du fait qu'elles restreignent la concurrence étrangère, les pratiques commerciales anticoncurrentielles privées peuvent remplacer les barrières tarifaires et non tarifaires et nuisent l'efficacité, tout en limitant l'entrée de la concurrence étrangère dans les économies, quelle que soit leur taille.

Par exemple, avec la réduction de la protection à la frontière, tant les barrières tarifaires que non tarifaires, il est de plus en plus inquiétant de voir que les monopoles publics laisseront un vide qui peut être rapidement comblé par des monopoles privés. Dans un tel environnement, des lois et politiques saines en matière de concurrence vigoureusement appliquées sont une protection à l'encontre de ce phénomène. À cet égard, l'importance du rôle de défense des autorités en matière de concurrence est significative pour garantir qu'elles participent dès l'amorce de la réforme de la réglementation.

Enfin, le sous-comité a demandé s'il était faisable que les Caraïbes, par l'entremise du CARICOM, établissent un droit et un organisme en matière de concurrence pour la région.

Il faut entreprendre d'autre analyses conceptuelles afin d'étudier les options pratiques pour les économies de très petite taille, comme celles des membres du CARICOM, dans les cas où le poids financier de la mise sur pied d'un organisme national pose un problème important.

Toutefois, pour les économies de petite taille qui ont des positions et des objectifs compatibles en ce qui concerne le droit et la politique de la concurrence, l'adoption de règles—si possible fondées sur des dispositions types—et la création d'institutions régionales ou infrarégionales pourraient constituer une solution pratique. Cette méthode permettrait d'affecter les ressources de manière plus efficace et raisonnable.

• 1605

Je tiens à remercier le sous-comité. Ceci termine mon exposé. Je pense qu'une ZLÉA qui pourra être constituée avec le temps aidera les pays en voie de développement à atteindre l'efficacité dans leurs économies tout en assurant aux Canadiens faisant affaires dans l'hémisphère le bénéfice de marchés équitables. Merci, et je suis prête à répondre à vos questions.

La présidente: Merci beaucoup, madame Smith.

Nous entendrons maintenant Annette Hester, qui est consultante associée et coordinatrice régionale de la Expetro internationale OGPC ltée. Bienvenue madame Hester.

Mme Annette Hester (consultante associée, coordonnatrice régionale, Expetro internationale OGPC Ltée): Merci. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le comité et je vous félicite des efforts que vous déployez pour faire participer la société civile au processus. Il s'agit d'une bonne illustration d'un point que je voudrais aborder au cours de mon exposé: et il faut diriger par l'exemple. Je tiens aussi à remercier Dan Shaw de l'intérêt qu'il a manifesté pour mon travail et Christine Fisher de sa patience.

Quelle devrait être la position du Canada en ce qui concerne la zone de libre-échange des Amériques? J'estime que le Canada a ici l'occasion de faire preuve d'un peu de leadership dans les Amériques. En outre, il s'agit d'une démarche qui nous permet d'apprendre les uns des autres. Autrement dit, le Canada a autant à apprendre des pays d'Amérique latine que ces pays peuvent apprendre de nous.

Pour utiliser au mieux le temps qui m'est accordé et expliquer le raisonnement qui m'amène à faire ces affirmations, je vais structurer mes propos de la façon suivante: Je vais d'abord vous expliquer qui je suis et ensuite vous parler de mon programme de recherche, pour signaler ensuite les enseignements tirés de l'histoire des accords commerciaux dans les Amériques et à cet égard je dirai que le Canada est un nouveau joueur. En terminant, je vais assembler le casse-tête en faisant des observations et des propositions.

Qui suis-je? Je porte une multitude de chapeaux. Je suis Brésilienne et je vis au Canada depuis 20 ans. Après avoir passé une bonne partie de ma jeunesse à voyager en Amérique du Sud, en Europe et aux États-Unis, m'être engagée dans plusieurs carrières différentes et avoir élevé deux enfants, j'ai obtenu un baccalauréat spécialisé en économie à l'Université de Calgary. En ce moment, je suis en train de rédiger une thèse de maîtrise en économie à la même université. Mon champ de compétence est celui des transactions et de l'intégration internationales, et je m'intéresse plus particulièrement aux Amériques.

Au plan professionnel, je m'occupe beaucoup du secteur de l'énergie. Je suis associée, avec mon mari, à une firme de consultants en services géologiques, la CABRA Entreprises. Nous comptons dix consultants associés qui offrent leurs services dans tout l'ouest du Canada et à Cuba. Depuis l'an dernier, nous sommes chargés d'assurer la formation de géologues cubains et de fournir du matériel à une société canadienne active à Cuba.

Je suis également la représentante canadienne et une consultante associée dans la firme brésilienne Expetro, groupe de consultants de premier plan dans le domaine énergétique. Ce groupe participe depuis 1991 à l'ouverture du secteur brésilien de l'énergie. Expetro a été consultant auprès d'un certain nombre de responsables gouvernementaux, dont le conseil d'administration de l'Agence pétrolière nationale du Brésil, l'ANP, qui est l'équivalent de notre CNE, et de sociétés brésiliennes et étrangères du secteur énergétique. À titre de membre de ce groupe, je travaille donc en étroite collaboration avec les gouvernements albertain et canadien, l'ANP et des entreprises du Canada et du Brésil. Nous nous efforçons de faire connaître le modèle canadien de réglementation de l'énergie et de faciliter l'entrée de sociétés canadiennes sur les marchés du Brésil et du MERCOSUR.

Comme vous pouvez le constater, j'ai vécu l'intégration des Amériques avant que cette idée ne soit à la mode. J'espère que cette note biographique vous donnera une idée de la portée des questions que vous pouvez me poser après mon exposé.

Quel est mon programme de recherche? J'ai commencé par étudier l'histoire et l'évolution politique des Amériques, après quoi j'ai étudié soigneusement l'histoire des accords commerciaux dans la région. Comme je l'ai dit dans le sommaire de ma proposition de thèse, que je joins à mon mémoire, le scénario du commerce mondial s'est profondément transformé au cours des trente dernières années. L'émergence de blocs commerciaux régionaux et tout un enchevêtrement d'ententes commerciales entre toutes les combinaisons possibles de pays et régions deviennent la norme plutôt que l'exception.

• 1610

La politique commerciale du Canada a évolué passablement dans le même sens. Voici une diapositive qui donne le profil canadien. On y montre le volet commerce, le volet investissement ainsi que ce que nous appelons les FIPPA soit des accords concernant l'investissement étranger, sa promotion et protection. On m'a dit que le FIPPA de 1998 avec le Costa Rica était maintenant en vigueur. Il s'agit donc d'un réseau assez complet.

Voilà qui est fort compliqué et la diapositive suivante nous donnera une idée des ententes commerciales qui existent dans les Amériques. Ce scénario compliqué fait surgir quelques questions importantes. Sommes-nous en train de compliquer le commerce ou de le faciliter? De plus, les accords commerciaux concernent-ils strictement le commerce?

En passant en revue la littérature sur la question, j'ai constaté que les répercussions sur le commerce des accords commerciaux étaient bien étudiées. Des problèmes comme la question de savoir s'il y a diversion du commerce ou création d'échanges commerciaux sont traités à fond.

Cependant, il s'est fait peu de recherche sur les effets des accords commerciaux sur l'investissement étranger direct. J'ai donc décidé de me mettre à la recherche de réponses en abordant les problèmes dans cette optique. Au départ, je me suis intéressée aux déclarations des responsables latino-américains et je me suis attardée à ce qui se passait dans les Amériques, en matière d'accords commerciaux, selon un certain nombre de points de vue.

Les responsables latino-américains établissent de façon répétée un lien entre l'existence d'accords commerciaux—ce qui vise, par exemple, les zones de libre-échange, les unions douanières, les marchés communs—l'intégration régionale et l'apport d'investissements étrangers directs dans une région donnée. Ainsi, sur le site Web de la Communidade Andina, l'un des éléments inscrits parmi les résultats est le suivant, et je cite: «L'augmentation considérable des IED, qui ont été multipliés par huit, passant de 1,14 milliard de dollars américains en 1990 à 9,792 milliards en 1997...».

On trouve un autre exemple dans un document rédigé par un ambassadeur brésilien, José Artur Denot Medeiros, et destiné à l'ALADI. Dans un article intitulé Le Brésil et l'intégration régionale—ALADI et MERCOSUR, il affirme que «l'augmentation de la capacité d'attirer les IED»—à savoir les investissements étrangers directs—«et l'importance croissante du mouvement des investissements entre les pays latino-américains» agissent, avec les accords commerciaux, comme «facteurs d'intégration».

De toute évidence, l'opinion dominante veut que ces accords fassent croître à la fois les échanges commerciaux et les investissements.

Sur un autre front, les accords commerciaux agissent comme une force politique. L'exemple le plus récent qui vienne à l'esprit est la situation du Paraguay où, récemment, l'ancien président a été mis en cause dans l'assassinat du vice-président. À une autre époque, l'assassinat du vice-président aurait fort bien pu entraîner de l'instabilité politique, voire un coup d'État. Mais les temps ont changé. Le Paraguay est membre du MERCOSUR, il a signé le protocole d'Ushuaia, qui a institutionnalisé la «clause démocratique» du MERCOSUR. Par conséquent, un coup d'État risquait de menacer son adhésion au MERCOSUR. Comme vous le savez, la crise a été évitée avec l'aide des présidents du Brésil et de l'Argentine. Ce n'est là qu'un des nombreux exemples que je pourrais donner et qui illustrent comment les accords commerciaux ont une influence au plan politique.

Je m'empresse cependant de préciser que je ne préconise pas l'ajout d'une «clause démocratique» dans l'accord sur la ZLÉA. Dans l'état actuel des choses, le MERCOSUR est une union douanière entre pays qui ont plusieurs éléments en commun, dont le degré d'avancement de leur développement, tandis que la ZLÉA est une zone de libre-échange réunissant des pays très différents. Je crains que ce type de disposition, si elle était préconisée par le Canada ou les États-Unis, ne soit perçue comme une ingérence et ne risque de faire échouer l'accord. J'ai d'autres commentaires à ce sujet, mais je les réserve pour la période des questions et réponses.

• 1615

Ce que je propose, et mes recherches portent là-dessus, c'est d'allier ces deux facteurs: les IED et le risque politique. Les investisseurs, en tous cas ceux que je connais bien, abordent les projets selon une méthodologie précise, dont l'essentiel est que, plus le risque est élevé, plus le rendement doit être considérable. Peut-être que l'une des conséquences de ces accords—et la raison pour laquelle la région attire d'importants investissements étrangers—est que le risque est perçu comme moins important. Bien sûr, les investisseurs sont toujours exposés à une multitude d'autres risques, d'ordre économique, financier, etc. En conséquence, en participant à ces accords, le Canada a l'occasion de contribuer à la stabilité politique de la région.

Permettez-moi maintenant d'en revenir à mes deux questions du début: sommes-nous en train de compliquer le commerce ou de le faciliter? Les accords commerciaux concernent-ils strictement le commerce? La réponse à la première n'est pas encore connue. Cependant, si la ZLÉA permet de regrouper certains des accords existants au lieu d'ajouter une nouvelle couche, elle facilitera le commerce.

La réponse à la deuxième question est non: les accords commerciaux ne concernent pas uniquement le commerce. Ils ont allié la libéralisation économique et la démocratisation de la région. Résultat de ce processus: il y a eu création de richesse pour la population. Le Brésil est un bon exemple.

Depuis la libéralisation économique, la formation du MERCOSUR et l'engagement officiel qui a été pris à l'égard de la stabilité économique et financière, le niveau de vie de la classe inférieure s'est amélioré notablement. Les gens mangent mieux, la consommation des appareils ménagers de base a augmenté, tout comme la consommation d'énergie. J'ai d'excellentes statistiques à fournir à l'appui de ce que je viens d'avancer et je vous les communiquerai avec plaisir. Nous pourrons en reparler à la période de questions.

Quelle place faut-il donner maintenant dans tout cela au Canada, un nouveau joueur? C'est avec intérêt que j'ai pris connaissance de tous les autres mémoires. Permettez-moi d'aborder la question dans une perspective un peu différente en demandant où il faut situer la ZLÉA dans tout cela. L'histoire des accords commerciaux et de l'intégration dans les Amériques remonte aux années 60, et même plus loin, si l'on pense aux travaux des années 50 de Raul Prebish. Elle commence par l'ALALC en 1960, devenu l'ALADI en 1980, le Marché commun centraméricain, également en 1960, la CARIFTA en 1965, devenue CARICOM en 1973, et le Pact andin en 1969, changé en communauté andéenne en 1996-1997. Même le MERCOSUR, signé en 1991, a ses origines dans l'accord Brésil- Argentine de complémentarité économique de 1986.

Quant à l'Amérique latine, le Canada a signé en 1986 un accord d'échanges préférentiels avec les pays des Antilles, CARIBCAN. Cependant, selon Sebastian Edwards, ancien responsable du bureau de l'Amérique latine à la Banque mondiale, cet arrangement était limité à fournir l'accès en franchise au marché canadien pour certaines importations des Antilles du Commonwealth. De ce point de vue, on peut dire que le Canada est un nouveau venu.

L'histoire fait aussi ressortir le fait que la plupart de ces efforts d'intégration n'ont pas été fructueux. On ne peut pas faire abstraction des idéologies politiques et de développement qui avaient cours en Amérique latine au début de la période, gouvernements militaires et modèles de remplacement des importations, ni des deux crises pétrolières, pas plus que de la crise de l'endettement des années 80. Il y avait cependant des problèmes propres à ces accords. La principale critique à formuler est qu'ils visaient à en faire trop dans des délais trop peu souples. Il n'est donc pas étonnant que ces pays laissent entendre que le processus de la ZLÉA doit progresser à un rythme plus lent et avoir une portée moins ambitieuse que le Canada et les États- Unis ne l'avaient proposé au départ.

Même si, à l'intérieur même du processus de la ZLÉA, plusieurs facteurs contribuent de toute façon à un ralentissement—le fait que les États-Unis n'aient pas prévu de procédure accélérée, que le Brésil ait des objectifs qui lui sont propres et l'éminence de négociations à l'OMC—le Canada peut tirer des enseignements de l'histoire tout comme les Latino-Américains l'ont fait. Sur bien des plans, la région est très diverse, et il faut du temps pour apprendre à se connaître.

• 1620

Tentons maintenant d'assembler le casse-tête. En fin de compte, quel intérêt le Canada a-t-il dans la ZLÉA? Si on poursuit sur la lancée de mon argumentation, le Canada en profitera directement, par l'accroissement du commerce et de l'investissement, et indirectement, parce que l'Amérique latine sera plus stable et démocratique.

En guise de conclusion, voici ce que je propose. Comme je l'ai suggéré dans mon introduction, évitons de proposer aux autres de faire ce que l'on n'est pas prêt à faire soi-même. Autrement dit, prêchons par l'exemple. Le processus de consultation de la société civile illustre bien cette idée du leadership par l'exemple. Il faut dire que les responsables canadiens ne sont pas aussi disposés à mettre l'information en commun qu'ils voudraient nous le faire croire. Ainsi, lorsque j'ai commencé à faire des recherches sur les FIPPA, je réussissais à obtenir beaucoup plus de renseignements concrets sur la position gouvernementale des représentants brésiliens que des Canadiens. Ici, cependant, une précision est de mise. Ce n'est pas que les représentants canadiens n'étaient pas disposés à me parler. Ils étaient très gentils, très aimables et plein de sollicitude. Ils ne me donnaient cependant aucune information. Ils me répétaient constamment qu'ils ne pouvaient pas donner d'explications sur des négociations en cours. Or, si l'on ne peut fournir d'explications qu'une fois les négociations terminées, à quoi bon? Par contre, on peut dire que ces gens-là font un effort. Les choses s'améliorent lentement.

De plus, au moment où nous continuons de réclamer la participation de la société civile ailleurs, il ne faut pas oublier que la démocratie coûte cher. Il serait en effet très difficile et coûteux de consulter la société civile dans cette matière dans les pays de l'Amérique latine.

En outre, bien que j'ai la certitude que le leadership du Canada et sa participation au processus sont bien accueillis en Amérique latine, je me dissocie de l'idée selon laquelle nous serions perçus comme «de chics types». J'ai en effet assisté à plusieurs séances d'information qui donnaient l'impression que c'était l'image qu'avaient d'eux-mêmes les représentants du Canada en Amérique latine. La position du Canada dans le différend bombardier diagonal Embraer illustre bien ce que je veux dire.

En deuxième lieu, je propose que nous tirions des enseignements de l'histoire et que nous profitions du processus pour nous connaître. Il a été dit plusieurs fois que tous les gouvernements, à l'exception peut-être de celui des États-Unis, ont du mal à négocier autant d'accords simultanément. Je ne suis pas sûre d'être entièrement d'accord, mais je conviens que le nombre de négociateurs pour chaque pays est limité. Cela peut-être considéré comme une occasion à saisir pour le Canada, car ce sont toujours les mêmes négociateurs qui vont se faire face. Par conséquent, à condition que nous ne transformions pas chaque fois notre équipe, nous avons l'occasion d'apprendre à les connaître et à comprendre leur situation propre.

L'autre belle occasion, que vous avez déjà exploitée, est celle de combler le vide laisser par le refus des Américains d'appliquer la procédure rapide. J'ai également quelques propositions relatives à la participation à la prochaine réunion des ministres de la ZLÉA, mais je les réserverai pour la période des questions.

En conclusion, tentons d'assembler les morceaux du casse-tête. Pour moi, l'aspect le plus important, c'est de faire en sorte que la ZLÉA cadre bien dans le tableau en regroupant les accords déjà négociés au lieu d'ajouter une nouvelle couche. Comme l'assemblage de n'importe quel casse-tête, il faut toujours, comme le dit mon collègue mexicain Homero Hernanadez, considérer les points communs qui permettent d'assembler les morceaux au lieu des différences qui empêchent de le faire. De plus, il faut viser la simplicité. Nous n'avons pas à assembler tout le casse-tête d'un seul coup.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, madame Hester. Je vous remercie de vos commentaires et observations.

Nous avons maintenant M. Greg Chamandy, le président-directeur général de Gildan Activewear. Bienvenue, monsieur Chamandy.

M. Greg Chamandy (président-directeur général, Gildan Activewear Inc.): Merci.

Je suppose qu'on m'a invité à participer aux discussions de cet après-midi à titre de représentant d'une petite entreprise canadienne ayant des activités en Amérique latine et une expérience concrète des rapports avec les pays latino-américains.

Notre société est une entreprise de fabrication établie à Montréal. Pour ma part, je représente une famille de fabricants de textiles établie au Canada depuis cinq générations. Notre société, Gildan-Activewear, est inscrite à la Bourse de Toronto, de Montréal et aux États-Unis. Nous comptons 5 000 employés, dont 1 000 au Québec et les autres dans les Antilles et en Amérique centrale, plus précisément au Honduras, au Nicaragua, au Salvador, et en Haïti.

• 1625

Nous fabriquons des vêtements de sport, surtout des gaminets, des blousons d'entraînement, des polos de golf et nous sommes la société nord-américaine dont la croissance est la plus forte.

Si nous réussissons si bien, c'est parce que notre participation à l'accord bilatéral américain connu sous le nom d'Initiative du bassin des Caraïbes, par la loi américaine 807, nous donne accès aux Antilles et à l'Amérique centrale.

C'est ce qui nous a permis de croître très rapidement comme nous l'avons fait. Nous sommes passés d'un chiffre d'affaires de moins de 30 millions en 1992 à notre chiffre d'affaires actuel de 330 millions de dollars et nous prévoyons atteindre le demi-milliard de dollars l'an prochain.

Voilà pour les bonnes nouvelles.

Maintenant, du côté des mauvaises nouvelles, nous devons savoir, à titre de Canadiens, que les Américains sont nos principaux concurrents dans le cadre de cet accord bilatéral dont j'ai parlé. Ils ont certainement une bonne longueur d'avance sur nous du fait qu'ils ont conclu divers accords bilatéraux et sont ainsi en quelque sorte des précurseurs du libre-échange dans les Amériques. Comme conséquence, notre société a dû déplacer certaines installations du Canada aux États-Unis pour respecter les lois étasuniennes.

Ce qui nous a permis de croître à une telle vitesse, c'est l'accès à la région des Antilles et de l'Amérique centrale. Nous avons accès à une main-d'oeuvre très concurrentielle, très impatiente de travailler et très rentable. Pour l'assemblage des pièces de vêtements, une opération de couture à laquelle on arrive difficilement à intéresser des travailleurs en Amérique du Nord, les salaires sont beaucoup plus faibles qu'au Canada et aux États-Unis et la main-d'oeuvre est abondante. Si on ajoute à cela le fait que l'emplacement le plus avantageux en Amérique du Nord pour la fabrication des textiles se trouve au Canada dans la province de Québec, on comprend qu'ensemble ces deux facteurs ont facilité notre réussite.

Voilà ce qui explique notre intérêt pour le libre-échange dans les Amériques. Par le truchement de notre filiale américaine, nous sommes membres de la Caribbean and Latin American Association depuis 1995. Nous participons chaque année au Sommet des Amériques à Miami et nous suivons la situation de très près.

De toute évidence, notre société est favorable à la perspective d'un accord de libre-échange des Amériques. Nous tenons surtout à dire qu'il faudrait éviter de réinventer la roue. L'ALENA a été une grande réussite et, si le Congrès des États-Unis ne souhaite pas donner au gouvernement Clinton la possibilité d'une procédure rapide, c'est qu'il craint justement que le président ne réinvente la roue et ne crée une nouvelle mesure législative.

Donc, ce qui nous inquiète le plus, comme entreprise, c'est de voir les Américains qui sont nos concurrents tenter de profiter des négociations de la ZLÉA pour redresser certains torts qu'ils attribuent à l'ALENA. Par conséquent, dans l'optique de notre entreprise, il faut éviter de réinventer la roue. L'ALENA fonctionne avec le Mexique. Étendons l'accord tout simplement à d'autres pays de l'hémisphère, et jusque dans l'hémisphère sud.

Pour ce qui est d'une amélioration possible, nous en recommanderions plus précisément le domaine de l'environnement. Le fait d'avoir à faire concurrence sur le plan des salaires est une chose, mais c'en est une autre que de faire face à des concurrents qui n'ont aucun souci pour l'environnement. Le Canada est l'un des pays au monde où l'on se soucie le plus de l'environnement et je pense que nous devrions chercher à faire en sorte que les règles soient les mêmes pour tous les pays avec lesquels nous sommes en concurrence.

J'ai visité certaines installations de textile et j'ai été carrément stupéfait et dégoûté de voir à quel point certains gouvernements locaux toléraient des pratiques nuisibles. Dans notre secteur d'activité, les coûts liés à l'environnement ont une importance considérable.

Le deuxième aspect très important a trait à la législation ouvrière et a la protection qu'accordent les codes du travail pour éviter l'emploi de main-d'oeuvre enfantine, etc. Dans ce domaine également, des mesures de protection sont nécessaires. L'avantage clé de la ZLÉA pour le Canada, outre l'accès à un marché beaucoup plus vaste, comme ce fut le cas pour l'ALENA, consiste à nous donner la capacité de poursuivre notre croissance et de rester concurrentiel en nous permettant de devenir des entreprises internationales pour tirer parti des meilleures possibilités de l'hémisphère.

• 1630

Permettez-moi d'ajouter que ce sont les agissements des États-Unis qui inquiètent le plus notre société et notre secteur. Le gouvernement du Canada doit être mis au courant de ce que font les Étatsuniens derrière notre dos. Récemment, par exemple, ils ont eu l'audace de présenter aux États-Unis une mesure législative appelée l'accord de parité Antilles-ALENA. De la sorte, nos voisins du Sud ont essentiellement créé un accord bilatéral qui confère aux Antilles l'ensemble des avantages de l'ALENA, tout en excluant nommément le Canada de toute participation. Voilà qui m'inquiète énormément. Et c'est un exemple parmi tant d'autres.

Dans la mesure où nous allons entreprendre des discussions au sujet de la zone de libre-échange des Amériques, notamment avec les Américains que nous envisageons comme étant nos partenaires et des participants clés de l'accord, j'estime qu'il doit être entendu que le Canada fera partie de tout accord précurseur à l'accord de libre-échange, comme l'accord de parité proposé dans le projet de loi actuellement à l'étude aux États-Unis.

En définitive, la zone de libre-échange des Amériques doit permettre aux sociétés canadiennes de renforcer leur compétitivité au niveau mondial et d'accéder à un plus vaste marché. Pour atteindre cet objectif, les sociétés canadiennes doivent être sur un pied d'égalité avec leurs principaux concurrents, notamment les Américains, dans le domaine de l'environnement et de la législation ouvrière.

Voilà les éléments essentiels que je voulais porter à l'attention du comité.

La présidente: Merci beaucoup.

Finalement, nous avons M. Bob Weese, vice-président des Relations gouvernementales et externes de GE Canada, qui est également un électeur et un ami. Soyez le bienvenu, Bob.

M. Robert Weese (vice-président, Relations gouvernementales et externes, GE Canada): Merci, madame la présidente.

Je voudrais vous présenter mon collège, John Wilson, un ancien employé à plein temps de GE Canada, ingénieur électricien de son métier, qui a consacré une bonne partie de sa carrière à des projets hydroélectriques en Amérique du Sud. C'est notre expert- résident de l'Amérique latine et il est prêt à répondre aux questions difficiles que vous m'adresserez.

Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. J'ai remis mon exposé à la greffière, qui l'a distribué, je crois. Pour gagner du temps, je vais vous résumer les premières pages pour en venir plus au vif du sujet.

Les premières pages insistent sur l'importance pour le Canada de l'ouverture des marchés et des progrès énormes que nous avons fait depuis dix ans en matière de réduction des tarifs et des barrières non tarifaires dans le monde entier grâce à une série d'accords auxquels le Canada a participé et dont il a souvent dirigé les négociations. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité et je vous demande instamment, ainsi qu'au gouvernement de poursuivre ses progrès grâce aux négociations sur la création de la ZLÉA et aux prochaines négociations de l'OMC, dans l'intérêt de toutes les sociétés canadiennes.

Avant d'aller plus loin, je voudrais vous parler un peu de ma compagnie, GE Canada. C'est une filiale en propriété exclusive de la société General Electric Company, qui a son siège social à Fairfield, au Connecticut. Comme vous le savez sans doute, GE est l'une des plus grandes et des plus prospères sociétés au monde; elle compte 11 très grosses entreprises spécialisées dans des domaines comme l'éclairage, les systèmes électriques, les moteurs d'avion, le matériel médical, le financement avec GE Capital, et d'autres. L'année dernière, ses recettes ont dépassé 100 milliards de dollars américains.

GE a des racines profondes au Canada. La compagnie y est implantée depuis 1892. De nos jours, toutes les sociétés du groupe GE ont des installations au Canada. Nous avons 15 usines de fabrication, 9 500 employés, 150 points de vente et de service, et nos recettes annuelles canadiennes atteignent 5 milliards de dollars canadiens.

Plusieurs de nos entreprises canadiennes ont un mandat de portée mondiale. C'est le cas de GE Hydro à Lachine, au Québec, de notre usine de gros moteurs à Peterborough, du Centre de gestion électrique GE à Markham et des systèmes de contrôle énergétique GE Harris à Calgary. Toutes ces entreprises réalisent leurs opérations de R-D, de fabrication et de ventes internationales à partir du Canada.

• 1635

Toutes nos usines de fabrication canadiennes sont désormais spécialisées dans la fabrication de produits spécifiques le plus souvent destinés à l'exportation. Il y a eu à cet égard un changement considérable ces dernières années.

La croissance rapide de GE Capital, notre entreprise de services financiers, qui représente plus de 50 p. 100 de nos activités au Canada et dans le monde, constitue l'une des autres caractéristiques essentielles de nos activités au Canada.

Comme GE est une société d'envergure mondiale très prospère, vous ne serez pas surpris de m'entendre dire qu'elle est en faveur de la plus grande libéralisation possible du commerce et de l'investissement internationaux, mais si l'ouverture des frontières est bonne pour la société-mère, elle l'est aussi pour GE Canada. Elle est essentielle au succès des entreprises GE canadiennes qui ont un mandat mondial et elle est importante pour les usines de fabrication canadiennes dont les produits ne sont pas directement destinés au marché international, mais qui s'y retrouvent après avoir été vendus à la société-mère.

Nous sommes en faveur de la plus forte réduction possible des tarifs douaniers, voire de leur élimination pure et simple; de la réduction ou de l'élimination du plus grand nombre possible d'obstacles non tarifaires; de l'administration la plus efficiente possible des douanes et des contrôles frontaliers; ainsi que du plus haut degré possible d'équité et de transparence dans les procédures d'approvisionnement et procédures administratives. De telles mesures devraient ouvrir aux entreprises de GE et à toutes les entreprises canadiennes des perspectives nouvelles exaltantes.

Quand on regarde l'Amérique latine, on voit des sociétés et des économies dynamiques et en croissance rapide où la démocratie et l'économie de marché se sont propagées à une vitesse fulgurante. Les pays des Amériques centrale et du Sud constituent des débouchés commerciaux de plus en plus importants, et certains sont aussi des concurrents des plus sérieux.

Le Brésil, l'Argentine, le Chili et d'autres pays de l'hémisphère sud se sont donnés au cours des 10 dernières années des politiques économiques fort éclairées. Leurs taux tarifaires sont en baisse constante; ils se dotent d'accords commerciaux régionaux et certains font de réels efforts pour harmoniser leurs réglementations respectives.

Toutes les entreprises multinationales de GE Canada sont actives dans les marchés latino-américains, et toutes accueilleraient avec grand bonheur une réduction des tarifs et des autres types d'obstacles au commerce et l'adoption de procédures administratives moins lourdes, plus efficientes et plus transparentes.

Permettez-moi de vous entretenir quelques instants de notre société hydroélectrique, GE Hydro, sise à Lachine, au Québec. GE Hydro conçoit et fabrique des turbines et des génératrices hydrauliques. Cette société s'est développée au Canada, en grande partie à la faveur des besoins d'Hydro-Québec, d'Ontario Hydro et d'autres sociétés provinciales de services publics en mesure de produire de l'hydroélectricité. Aucun de nos concurrents canadiens ne peut se targuer de confier à ses entreprises des responsabilités de gestion aussi importantes que GE Hydro. Ces dernières années, l'axe des activités de la société s'est déplacé: alors qu'elle servait surtout une clientèle intérieure, elle vise maintenant d'abord les marchés d'exportation. Au moment où, en Amérique du Nord, les perspectives de production d'électricité supplémentaire se raréfiaient, le marché créé par l'accroissement de la capacité hydroélectrique prenait rapidement de l'expansion en Chine, dans d'autres pays asiatiques et en Amérique latine.

Nous sommes en concurrence avec les meilleurs au monde pour l'obtention de la maîtrise d'oeuvre de projets à l'étranger, souvent avec l'appui de la Société pour l'expansion des exportations, avec laquelle nous entretenons des relations de travail très étroites, et nous gagnons. Or, des règles internationales claires, cohérentes et identiques pour tous et des procédures administratives efficientes sont des facteurs essentiels de ce succès.

Et maintenant, l'axe de nos affaires se déplace de nouveau vers les marchés des projets de rénovation et d'amélioration ainsi que des services permanents. Comme ce virage s'assortit de problèmes et de défis nouveaux, nous nous intéressons peut-être moins aux tarifs et plus aux règles régissant la prestation de services, l'investissement et l'entrée temporaire des marchandises.

L'idée d'une Zone de libre-échange des Amériques a été lancée à grand renfort de publicité et avec beaucoup d'enthousiasme. L'exubérance du débat s'est quelque peu refroidie en raison de l'onde de choc qui a secoué les marchés financiers internationaux l'année dernière, de l'imminence d'une nouvelle ronde de négociations multilatérales à l'OMC et—facteur important—d'une montée du sentiment protectionniste aux États-Unis, phénomène qui menace de ralentir ou même d'empêcher temporairement une plus grande libéralisation du commerce.

Nous devrions combattre ce sentiment par tous les moyens, et reconnaître que même si le gouvernement américain n'est pas autorisé à traiter le dossier de la ZLÉA en priorité et à grande vitesse, nous pouvons faire beaucoup de choses qui constitueraient d'importants pas en avant. Il nous est peut-être impossible pour l'instant de négocier rapidement une réduction importante des tarifs entre les pays de la ZLÉA, mais nous pourrions quand même prendre certaines mesures de facilitation des échanges propres à améliorer la gestion du commerce dans l'ensemble de l'hémisphère, à rendre les échanges plus stables et plus prévisibles ainsi qu'à accélérer les transactions commerciales et à en réduire le coût, ce qui profiterait à tous.

• 1640

L'une de ces mesures concerne l'administration des douanes. Le Canada est intervenu énergiquement dans diverses instances internationales pour promouvoir une plus grande efficience dans l'administration douanière. Il a encouragé et soutenu la formation des fonctionnaires des douanes, prôné l'uniformisation des formulaires, l'harmonisation des systèmes de classification, la simplification des procédures et l'adoption de codes d'éthique pour les fonctionnaires des douanes. Il a insisté sur l'adoption de l'échange électronique de données entre les autorités douanières.

Pour accélérer et simplifier le dédouanement des marchandises, le Canada a déjà adopté le système appelé «contrôle et mainlevée», qui est probablement le système le plus perfectionné au monde. Voilà un domaine dans lequel j'estime que nous devrions prendre dès cette année, dans le cadre des négociations sur la création d'une ZLÉA, des mesures concrètes de facilitation des échanges. Dans ce domaine, le Canada pourrait offrir une aide fondée sur l'expérience pratique; la simplification de ces procédures serait avantageuse pour toutes les entreprises, car elle permettrait d'accélérer le processus et de réduire les coûts.

Il est un autre domaine dans lequel il serait possible de réaliser des progrès rapides cette année et où le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan, à savoir l'instauration de la transparence tant dans les procédures d'approvisionnement des gouvernements que dans les autres procédures administratives. Une transparence accrue améliorerait la gestion des échanges, rendrait les procédures plus visibles et plus équitables et réduirait le corruption. Cette revendication vise à créer un climat commercial limpide où les procédures régissant les affaires seraient empreintes d'intégrité et qui serait assujetti à un cadre juridique garantissant aux entreprises une application uniforme des règles.

J'espère qu'en décembre, les négociateurs canadiens insisteront pour que tous les membres de l'OMC signent un accord sur la transparence des procédures d'approvisionnement des États. Si les ministres responsables de la création d'une ZLÉA s'engageaient, à leur réunion de Toronto, à atteindre cet objectif, cela ferait grandement avancer cette cause.

À ce propos, tous les parlementaires canadiens ont lieu d'être fiers du rôle qu'ils ont joué en décembre dernier en adoptant rapidement à toutes les étapes le projet de loi visant la ratification et la mise en oeuvre de la nouvelle convention de l'OCDE contre la corruption, convention qui oblige chaque pays signataire à adopter une loi faisant une infraction du fait de corrompre un fonctionnaire pour faciliter la conclusion de transactions commerciales.

Comme le Canada a ratifié la convention avant la fin de 1998, elle est entrée en vigueur le 15 février 1999. Je voudrais ici vous donner quelques explications: il fallait que cinq des principaux partenaires commerciaux de l'OCDE ratifient la convention avant la fin de 1998. Le Canada a été le cinquième pays à la ratifier, si bien que notre ratification a eu pour effet de rendre la convention applicable. Elle est maintenant en vigueur.

Profiter des négociations sur la création d'une ZLÉA pour appuyer et étayer les mesures favorables à la transparence énoncées dans les conventions comme celle de l'OCDE contre la corruption soutiendrait fortement les efforts déployés dans le monde entier pour éliminer le fléau de la corruption. Tout progrès sur ces fronts—de même que sur celui de la réduction des tarifs—donnerait encore plus de poids à l'importante rencontre multilatérale des ministres membres de l'OMC qui doit avoir lieu au début de décembre à Seattle.

Tout progrès dans les négociations relatives à la création d'une ZLÉA pourrait conférer tangibilité et efficacité aux améliorations apportées aux règles internationales de l'Organisation mondiale du commerce. Mener à terme les négociations relatives à la ZLÉA est une priorité importante. La logique qui sous-tend la création d'une telle zone demeure inattaquable et l'idée est toujours aussi prometteuse. Ce serait tout simplement le meilleur moyen d'assurer à l'ensemble de l'hémisphère une croissance économique soutenue—et je suis sur ce point tout à fait d'accord avec l'intervenant précédent—et de contribuer à une stabilisation de la société civile et politique.

Nous devons faire sans tarder ce que nous sommes en mesure de faire maintenant, et nous devons aller aussi loin que possible aussi rapidement que possible. J'ai bon espoir, madame la présidente, que les ministres responsables du commerce international des 34 pays concernés réaliseront de véritables progrès à leur rencontre de novembre à Toronto.

Je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion de témoigner devant le sous-comité. Mon collègue John et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à toutes vos questions.

La présidente: Merci beaucoup. Merci pour tous les exposés.

On passe aux questions, avec M. Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Veuillez d'abord m'excuser de mon retard. Je ne savais pas que ma présence était aussi importante aux fins du quorum.

Je remercie tous nos témoins de nous avoir remis les versions française et anglaise de leurs mémoires. Nous l'apprécions beaucoup. Je poserai mes questions aux différents témoins selon l'ordre de leurs interventions. Je commencerai donc par interroger Mme Smith.

• 1645

Madame Smith, à la page 5 de votre déclaration, vous affirmez que les pays devraient adopter une loi sur la concurrence. Est-ce que vous recommandez qu'ils adoptent cette loi avant de signer un accord de la Zone de libre-échange des Amériques? On lit:

    Il devrait tout d'abord exister une obligation d'adopter une loi sur la concurrence ayant un champ d'application approprié...

Un petit peu plus loin, au premier paragraphe de la page 7, vous traitez du règlement des différends et dites:

    Il pourrait s'agir d'un processus informel dans lequel le conseil mettrait sur pied une commission d'experts de la politique de la concurrence en vue d'évaluer le bien-fondé d'une plainte et de faire des recommandations non exécutoires sur la base de ses constatations. Ce processus pourrait aussi offrir aux membres une tribune où consulter les autres membres...

Ne trouvez-vous pas qu'un processus informel que mènerait un comité d'experts qui formulerait des recommandations non exécutoires serait une solution un peu faible pour régler les différends? Il y a sûrement une raison pour laquelle vous appuyez cette approche, et j'aimerais que vous précisiez votre pensée. Je poserai par la suite des questions à Mme Hester.

Mme Patricia Smith: Veuillez excuser la faiblesse de mon français. Je vous donnerai des explications en anglais.

[Traduction]

Nous pensons que la mise en oeuvre sera très progressive. Il a fallu près de 50 ans pour se mettre d'accord sur le mécanisme de règlement des différends de l'OMC. Cette mesure ne peut être mise en oeuvre du jour au lendemain. Les pays se sont engagés à conclure un accord sur la concurrence fondé sur des objectifs d'efficacité des marchés, qui contienne les dispositions dont j'ai parlé tout à l'heure, notamment sur les cartels, éventuellement sur les fusions et l'abus de position dominante, ainsi que des dispositions définissant une procédure équitable.

À notre avis, ce sont sans doute actuellement les seules perspectives pratiques pour l'ensemble des pays. Comme je l'ai dit seuls 12 des pays de la ZLÉA appliquent actuellement un accord sur la concurrence. Les micro-économies de la zone ne sont sans doute pas certaines d'en avoir besoin. Nous avons donc encore beaucoup à faire pour les convaincre d'en adopter un.

En ce qui concerne le règlement des différends, il fait l'objet d'un vaste débat. Les États-Unis, en particulier, s'opposent farouchement à la possibilité d'un mécanisme de règlement qui puisse contester leurs décisions sur un dossier. S'ils s'opposent à une fusion, ils ne veulent pas que leurs décisions soient révisées par l'OMC.

À mon avis, on pourrait sans doute trouver une solution intermédiaire et dire que seule l'obligation de mettre en place une bonne loi sur la concurrence en prenant des dispositions minimales, pourrait faire l'objet d'un règlement de différends au sein de la ZLÉA. Cependant, il ne pourrait y avoir aucune disposition d'annulation ou de blocage. Si vous connaissez l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, vous savez que les dispositions de cet Accord sur le règlement des différends qui sont applicables pendant les cinq premières années interdisent l'annulation et le blocage. C'est un modèle dont nous pourrions utilement nous inspirer dans la ZLÉA.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Merci.

Madame Hester, dans votre document, vous posiez une question que j'aimerais à mon tour vous poser: sommes-nous en train de compliquer le commerce ou de le faciliter? J'ai de la difficulté à trouver une réponse à cette question dans votre texte. Croyez-vous que les accords régionaux visent à compliquer le commerce? Êtes-vous davantage favorable aux accords multilatéraux, dont ceux conclus à l'OMC, qu'à ceux qui figurent au tableau que vous avez décrit au début de votre présentation? Est-ce que cet accord vise à compliquer le commerce ou à le faciliter? Avez-vous une réponse?

[Traduction]

Mme Annette Hester: Je vais répondre en anglais.

• 1650

Si j'avais une réponse complète à cette question, je serais très riche. C'est une question difficile, car de nombreux pays, notamment le Brésil, sont devenus signataires du GATT en 1948. Le Brésil l'a signé en juillet et d'autres pays, à l'exception du Mexique, ne l'ont signé que beaucoup plus tard. Il était donc tout à fait souhaitable de disposer d'une vaste tribune multilatérale. Je crois que les pays espèrent une nouvelle ronde de négociations.

Pourtant, la dernière a été pénible. L'Uruguay Round n'a pas été facile à négocier. J'ai constaté dans la recherche que l'élaboration de tous les accords régionaux a finalement tracé un parallèle avec les difficultés rencontrées au GATT, en ce sens que les entreprises progressaient beaucoup plus vite, elles avaient besoin de dispositions nouvelles et ne pouvaient pas attendre que tout le monde finisse par se mettre d'accord sur le sort de l'agriculture, par exemple. Il y a eu des problèmes très difficiles, et ces problèmes deviennent de plus en plus complexes à mesure que l'OMC s'élargit.

À mon sens, on peut dire que les organismes multilatéraux comme l'OMC sont sans doute préférables pour tout le monde, mais sont-ils réalisables? La politique est l'art du possible. Pour l'Amérique latine, par exemple, le MERCOSUR a eu un effet très positif, mais dans certains domaines, il a quelque peu déséquilibré le commerce avec d'autres pays. Il faut donc préciser le message sur la création et la réorientation des échanges, mais je pense que dans la mesure où nous progressons vers le commerce multilatéral et que nous intégrons des accords bilatéraux pour uniformiser les règles de la concurrence, comme vous l'avez dit...

Cependant, les intérêts des sociétés canadiennes qui veulent accéder au marché latino-américain ne concordent pas toujours avec les intérêts des Latino-Américains, qui veulent sans doute préserver l'équilibre, dans l'accès qu'ils accordent à leur marché, entre les sociétés nord-américaines et les sociétés européennes. Voilà le véritable enjeu: qui va obtenir cet accès le premier? En ce qui concerne l'accès des sociétés latino-américaines au marché nord-américain, étant donné que l'Amérique du Nord a au départ des barrières commerciales beaucoup plus modestes, abstraction faite des barrières non commerciales, des poursuites antidumping, des mesures compensatoires, etc, l'Amérique latine a beaucoup moins à gagner. C'est pourquoi j'ai commencé par l'investissement, car il semble présenter un grand intérêt pour l'Amérique latine.

Je ne sais donc pas si on peut véritablement parler de facilitation. Il est difficile de faire des affaires avec l'Amérique latine, du moins dans le domaine du pétrole et du gaz. Il faut s'entourer de conseillers juridiques. Les avocats sont extraordinaires, car où qu'on aille, il faut toujours consulter un conseiller juridique local. C'est très compliqué; ce n'est pas facile. Il faut étudier les statuts constitutifs des sociétés, l'environnement réglementaire, les accords de double imposition, tout cela est compliqué.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Vous demandiez en deuxième lieu si les accords commerciaux concernaient strictement le commerce et donniez une réponse négative. Croyez-vous qu'un accord commercial comme celui de la Zone de libre-échange des Amériques pourrait améliorer non seulement la situation économique de certains pays d'Amérique du Sud, mais aussi leur situation politique?

[Traduction]

Mme Annette Hester: Oui, je crois. Les pays se servent de ces accords dans un contexte plus large. Ils participent à la libéralisation du commerce, qui modifie la théorie du développement. Ils s'en servent pour consolider les acquis dans leurs régions. Je crois que ces accords sont utiles.

• 1655

L'économie n'est que l'un des éléments du tableau. Je sais, pour m'être souvent rendue au Brésil, que depuis que le Brésil a modifié sa monnaie avec le plano réal et qu'il a complètement changé de politique, le sort des pauvres s'est amélioré.

J'ai un ami qui est grossiste en oeufs dans le nord-est du pays. Il a pratiquement doublé ses ventes dans les petites villes. On constate une amélioration dans les rues également. Il y a moins de criminalité à Rio. Les gens ont moins peur. Ils se font moins détrousser. Voilà ce que j'ai pu constater, mais j'ai voulu essayer de trouver des statistiques pour le prouver.

J'ai constaté que la consommation... J'ai regardé la consommation des ménages dans les statistiques de l'IBGE brésilien, et elles font apparaître une augmentation très marquée des achats de réfrigérateurs et de cuisinières au cours des 10 dernières années dans le quintile inférieur de la population selon les revenus, alors que l'augmentation n'est pas aussi marquée dans les quintiles supérieurs. Les gens achètent donc davantage de cuisinières, de réfrigérateurs et d'automobiles. En 1987, dans les ménages disposant au maximum de deux salaires minimums—et je crois qu'en 1996, le salaire minimum était de 122 $—on trouvait 60 p. 100 des ménages qui avaient un réfrigérateur. En 1996, la proportion était de près de 70 p. 100. Et l'augmentation continue.

Comme je suis économiste, j'ai voulu vérifier avec un bien de consommation moins courant, comme les machines à coudre. Je me disais que plus les gens ont d'argent, plus ils ont tendance à s'acheter un vêtement plutôt qu'une machine à coudre. Et mon hypothèse s'est avérée. J'étais bien contente de voir que la théorie économique fonctionne.

Entre 1987 et 1996, on constate une assez importante augmentation des achats de machines à coudre dans le quintile inférieur de la population, et une diminution dans toutes les autres catégories. Lorsqu'on regarde la façon dont les gens vivent et dont leur sort s'améliore, on fait de l'économie, mais il s'agit tout de même de personnes réelles, et leur sort s'améliore.

La présidente: Vous citez des statistiques. Est-ce que vous pourriez en faire part au comité dans un document? Au cours de nos consultations dans tout le pays, on nous a dit souvent que dans certains secteurs de la population canadienne, les gens ont vraiment l'impression que notre niveau de vie a diminué depuis l'Accord de libre-échange et de l'ALENA, que l'écart entre les riches et les pauvres s'est agrandi et que la qualité de vie... Nous vous serions donc reconnaissants de bien vouloir transmettre au comité des statistiques dont nous pourrons faire état.

Mme Annette Hester: Je n'y manquerai pas. Je ne peux pas le faire pour l'ALENA, mais je vais vous préparer un petit rapport concernant ce dont je dispose sur le Brésil. Je précise que la situation n'est pas idyllique, car pour ce qui est de l'inégalité des revenus, vous avez certainement entendu dire que les résultats du Brésil sont parmi les pires.

On mesure l'inégalité des revenus grâce au coefficient génie, qui va de zéro à un, zéro correspondant à des revenus parfaitement égaux et un à des revenus tout à fait inégaux. En 1987, ce coefficient était de 0,56 alors qu'en 1996, il était passé à 0,58. Il y a donc une plus grande inégalité des revenus. Comme ces résultats m'ont paru inquiétants, j'y ai regardé de plus près. Je sais que la théorie commerciale prétend que le gâteau va être plus gros pour tout le monde. Le système est très efficace pour agrandir le gâteau, mais tout se gâte à la distribution. Il faut s'en remettre aux gouvernements, et le gouvernement du Brésil n'est pas parmi les meilleurs à ce jeu.

• 1700

Ce qui se produit quand on cherche à déterminer où la situation s'est améliorée et où elle s'est détériorée... Dans toutes les nouvelles régions du Brésil—le nord-est, Belém, Fortaleza, Recife, Salvador—le coefficient génie s'est amélioré. Il y a eu moins de problèmes. Là où la situation s'est considérablement détériorée, c'est à Sao Paulo, à Porto Alegre... En fait, les régions vraiment touchées par le MERCOSUR. Je me suis un peu arrêtée à cela samedi quand je préparais ma comparution ici, et je me suis dit qu'il faudrait faire plus de recherche là-dessus.

La présidente: Merci, madame Hester.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

C'est précisément ce que nous faisons ici—de la recherche.

Annette, vous avez parlé d'une perspective globale, et c'est ce à quoi je veux en venir—à l'OMC. Quand nous avons adhéré à l'OMC, nous étions 117 pays. Nous sommes maintenant 134, et il y en a 30 autres qui veulent en faire partie. Je voudrais que chacun me dise, tout d'abord, quand nous négocions des accords commerciaux continentaux comme la ZLÉA, et quand nous avons un accord mondial comme l'OMC, où nous fixons les règles internationales du commerce... C'est essentiellement ce qui est ressorti des sept années de négociations de l'Uruguay Round. Ces négociations ont permis essentiellement d'établir les règles rudimentaires que nous voulons raffiner cette fois-ci. Les règles étant en place depuis maintenant six ans, nous pouvons en déterminer les lacunes et, je l'espère, les corriger. Aussi j'estime que les accords continentaux que nous cherchons à négocier devraient se conformer aux règles établies à l'échelle internationale par l'OMC. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Robert Weese: Je peux peut-être dire quelque chose à ce sujet. Je crois que nous avons une certaine expérience des accords régionaux qui contribuent au progrès à l'échelle multilatérale de l'OMC. L'APEC en est un bon exemple. Il y a deux ou trois ans, les gouvernements de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique se sont entendus sur un programme sectoriel de technologie de l'information qu'ils ont ensuite pu apporter à l'OMC. L'OMC a adopté le programme qui est devenu un accord multilatéral. La même chose pourrait se produire de nouveau.

À sa réunion de l'an dernier, l'Organisation a pu, en se fondant sur les progrès réalisés au Canada, faire des progrès énormes dans neuf secteurs, notamment dans deux secteurs qui nous intéressent tout particulièrement, l'énergie et le matériel médical. Il y a d'assez bonnes raisons d'espérer, je pense, que cet accord sera présenté à la réunion de l'OMC, qui doit avoir lieu à Seattle en décembre, et qui pourrait servir de fondement à des progrès à l'échelle multilatérale.

Il est donc important manifestement que ces accords régionaux ne soient pas incompatibles avec ce que nous espérons réaliser au bout du compte à l'échelle multilatérale. Nous pouvons également nous servir de ces accords régionaux comme fondement des progrès à l'échelle multilatérale.

La présidente: Monsieur Chamandy, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Murray Calder: En fait, Greg, c'est à vous que je voulais adresser ma question suivante, parce que vous avez parlé ici des règles environnementales. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai posé la question au sujet de l'OMC et des règles commerciales internationales.

Il me semble que, quand nous négocions des accords commerciaux internationaux, les règles environnementales doivent être une considération importante. Quand on a des échanges avec un pays, par exemple, dont les règles environnementales sont moins strictes que les nôtres, cette différence devient aussitôt un obstacle au commerce ou une subvention ou les deux, car les normes environnementales qu'il faut respecter dans le secteur manufacturier canadien accroissent les frais généraux de l'usine. Cependant, quand on a affaire à un pays du tiers monde qui veut se joindre à l'accord commercial et qui n'a pas les mêmes règles environnementales, ces frais généraux sont moindres, si bien que nous ne sommes pas compétitifs.

M. Greg Chamandy: C'est justement pourquoi j'ai abordé la question.

Même dans notre cas à nous, tout ce que nous faisons, où que ce soit au monde, nous le faisons en respectant les normes canadiennes. C'est parce qu'il s'agit d'une des règles que notre entreprise s'est donnée. Avec le temps, au fur et à mesure que les concurrents d'Amérique du sud ou d'Amérique centrale se multiplieront, si ces pays ne se conforment pas au même ensemble de règles que nous, ils seront plus compétitifs que nous, du point de vue financier. C'est là une considération très importante, non pas seulement du point de vue financier, mais du point de vue des principes et des considérations humanitaires.

• 1705

C'est également pour cette raison que j'ai soulevé la question de la main-d'oeuvre, car il faut que les règles du jeu soient équitables à cet égard aussi. Ces pays pourraient avoir un avantage du fait que le taux de rémunération y est plus bas parce que le niveau de vie y est plus bas. Nous aurions un avantage au Canada du fait de l'abondance de nos ressources énergétiques et naturelles. Si toutefois les règles du jeu sont les mêmes pour tous les pays, les décisions seront vraiment prises en fonction des points forts de chacun.

M. Murray Calder: Dans ces circonstances, il faudrait évidemment essayer d'égaliser les règles du jeu, et il faudra que nos négociateurs s'attardent à ça. Comment faut-il s'y prendre? Comment aborder la chose? Comment peut-on aller dans un autre pays pour y imposer des règles de fonctionnement? Comment arrivons-nous à faire cela? Ce serait comme si les États-Unis venaient nous dire: «Écoutez, vous, les Canadiens, il faut que vous fassiez remonter votre dollar à 85 ou à 90c., car il s'agit là d'une barrière tarifaire inattaquable dont vous vous servez avec beaucoup de succès.»

M. Greg Chamandy: Il existe tout de même des normes. Ainsi, en matière de législation ouvrière, il y a certaines règles de base, en commençant par la règle voulant qu'on évite d'avoir recours aux enfants. Il existe donc un seuil biologique qu'on peut fixer pour dire que, quel que soit le pays en cause, les enfants ne deviennent de jeunes adultes qu'à 17 ou 18 ans. Nous pouvons fixer des normes; ces normes existent déjà. Ainsi, divers services des Nations Unies ont mis en place des normes en matière de médecine et d'environnement. Il s'agit seulement de les faire respecter et de les inclure comme éléments importants des négociations. Qu'il s'agisse des effluents dans l'air, des réseaux hydrographiques ou de je ne sais quoi encore, il existe une foule de niveaux de référence pour lesquels on se sert des mêmes instruments de mesure dans tous les pays du monde.

Mme Annette Hester: Ça va, c'est simplement que je deviens tout excitée. D'accord. Voilà ce qui arrive quand on fait venir un Brésilien à la table. Je crois que les négociateurs brésiliens sont bien plus calmes que moi. Comme négociatrice, je serais nulle. J'estime cependant qu'il faut aussi faire une mise en garde—une importante mise en garde; chaque fois que j'entends parler de développement durable, tous les participants du nord parle d'environnement, tandis que tous les participants du sud parlent de la faim. Je crois qu'au Brésil, par exemple... Je ne rejette pas du tout l'idée d'avoir des normes minimales pour ce qui est du travail des enfants. Ces normes seraient partout acceptées. Peut-être bien que non, mais je ne crois certainement pas que ce soit une question très controversée. Quand on entre dans les détails de la législation ouvrière... Je crois que nous avons l'OIT qui s'intéresse à cela. Par contre, aimeriez-vous qu'on impose au Canada... Les Brésiliens touchent 13 salaires; ils ont donc un système différent...

Une voix: Vous voulez dire une treizième semaine? Est-ce de cela que vous parlez?

Mme Annette Hester: Un treizième mois. Les Brésiliens ont 13 mois.

Si nous voulons imposer des normes, allons-nous être ouverts, allons-nous commencer par les imposer au Canada? Je ne le sais pas. C'est une question à laquelle je n'ai pas la réponse. Chose certaine, il y a là une question.

Par ailleurs, en ce qui concerne les problèmes environnementaux, le prix de l'écocivisme est élevé. Au stade de développement où nous sommes au Canada, nous savons ce qu'il en est. Les pays en développement présentent toutefois un argument convaincant pour l'établissement de normes différentes, du moins pour ce qui est de l'étape du démarrage. Il s'agit là de questions très compliquées, et je trouve que, s'il faut les inclure dans une ZLÉA, il faudra aussi longtemps pour négocier cette ZLÉA qu'il en a fallu pour négocier l'OMC.

• 1710

M. Murray Calder: Si je vous ai interrogée à ce sujet, c'est que j'estime qu'il y a une question qui n'a jamais obtenu de réponse au cours de la dernière série de négociations. Il s'agit d'une question très simple et très compliquée à la fois. Comment définir ce qui constitue une subvention? Nous n'en sommes pas encore rendus là. Si nous ne le sommes pas, et l'exemple vaut son pesant d'or, c'est à cause des prix des produits de base que connaissons à l'heure actuelle.

Au cours des dernières négociations du GATT, les bas prix devraient disparaître d'eux-mêmes—c'est-à-dire qu'on ne peut pas continuer à produire quelque chose à perte pendant longtemps sans que la banque ne vienne mettre fin à ces opérations déficitaires. Pourtant, nous continuons à produire des céréales à perte, et il y a maintenant six ans que ces négociations sont terminées. Aussi j'estime que nous n'en sommes pas encore arrivés au stade où nous pouvons avoir une véritable définition de cet animal qu'on appelle la subvention ni qu'on soit en mesure de décider comment il faut la traiter.

La présidente: Merci. J'ai moi aussi quelques questions à poser.

Monsieur Weese, je me fais l'avocat du diable ici. Je dois dire—et l'attaché de recherche et moi en parlions justement—que votre mémoire est un des rares que nous ayons reçu en faveur de la poursuite des négociations, de l'accroissement de la libéralisation des échanges, et nous sommes très heureux de l'avoir reçu.

D'après les témoignages que nous avons entendus dans les différentes régions du pays, les seuls à bénéficier vraiment d'accords commerciaux de ce genre, sont les transnationales. Si je disais: «Mais voyez ce mémoire de GE», les critiques répondraient: «Oui, mais c'est justement ce que nous disons, c'est une transnationale». Que répondriez-vous à cela?

M. Robert Weese: De plus en plus d'entreprises canadiennes florissantes veulent exploiter les marchés d'exportation. Il n'y en a pas beaucoup... À part les salons de coiffure, les restaurants et les commerces où les échanges ne sont pas une possibilité, il n'y a pas beaucoup d'entreprises canadiennes de nos jours qui considèrent le marché intérieur comme leur unique source de réussite. Alors je dirais que ce ne sont pas non seulement les grandes transnationales comme GE, ce sont presque toutes les entreprises canadiennes de fabrication et de plus en plus d'entreprises canadiennes de services qui doivent exploiter les marchés d'exportation, principalement, pour commencer aux États-Unis. En nombre de plus en plus grand elles cherchent toutefois des marchés ailleurs qu'au Canada et ailleurs qu'aux États-Unis même.

La présidente: D'accord.

Messieurs, j'ai une question à vous poser. Vous avez parlé de ce nouveau projet de loi qui, dont le Congrès est saisi je crois, l'accord de parité ALENA-Caraïbes. Vous avez une entreprise très florissante. Vous avez dit que vous avez 5 000 employés, dont 4 000 se trouvent dans les Caraïbes et en Amérique centrale. Quel est l'effet de ce projet de loi américain sur votre entreprise? Quels en seront les inconvénients... Il me semble que vous êtes déjà une entreprise florissante. Comment la création d'une zone de libre- échange des Amériques, dont le Canada serait partie, aiderait-elle votre entreprise?

M. Greg Chamandy: C'est là une excellente question. Dans la documentation que je vous ai remise, j'ai inclus le texte du projet de loi. Il a été rédigé spécialement pour empêcher le Canada de bénéficier d'une exonération des droits de douanes.

Je vous donne un exemple qui a trait à mon entreprise. Nous fabriquons tout ce qui sert à confectionner nos chemises. Le tissu est donc fait au Canada. Pour le marché américain, nous les faisons coudre dans les Caraïbes et en Amérique centrale, tandis que pour le marché canadien, nous les faisons coudre au Canada, parce que le Canada n'a pas ce programme d'accès appelé Caribbean Basin Initiative. Ce programme a tellement de succès aux États-Unis que le secteur américain du textile est en pleine effervescence.

C'est avantageux aussi pour des entreprises canadiennes comme la nôtre, qui exporte du tissu aux États-Unis, parce que nous devons exporter le tissu aux États-Unis et le couper en panneaux sur place pour être admissibles. Nous envoyons donc le tissu canadien aux États-Unis, où il est coupé; les panneaux ainsi obtenus sont classés, aux fins de douanes, comme étant américains.

Cela intéressera peut-être le comité de savoir que le Canada a maintenant dépassé la Chine comme premier exportateur de textiles aux États-Unis, et ce, depuis cette année. C'est en grande partie à cause du fait que tous ceux qui achètent le tissu pour le couper en panneaux ont accès aux Caraïbes et à l'Amérique centrale, où ils ont un avantage sur le plan du coût pour la confection du vêtement, la part de l'opération qui exige beaucoup de main-d'oeuvre. Par conséquent, ils sont devenus plus compétitifs sur le marché intérieur et florissants. Ils sont en mesure de soutenir la concurrence avec des entreprises de l'Orient, etc.

• 1715

C'est le libellé du nouveau projet de loi qui nuit à ma compagnie et à d'autres compagnies canadiennes. Le projet de loi prévoit qu'à moins qu'on ne fabrique son tissu aux États-Unis ou dans les Antilles, on ne peut pas bénéficier de la franchise des droits de douane. Autrement dit, on élimine les droits de douane uniquement sur les tissus fabriqués aux États-Unis ou dans les Antilles et cousus dans les Antilles. On a donc expressément exclu le Canada.

Notre compagnie estime qu'elle a été visée. Nous avons donc engagé une compagnie américaine de lobbyistes qui a été classée deuxième par la revue Fortune. Il s'agit de Barbour Griffiths. Haley Barbour dirige le Parti républicain aux États-Unis. Une règle de transition a été créée qui fait que nous serons inclus. À cause des progrès que nous faisons auprès des politiques américains pour nous faire inclure dans le projet de loi, la compagnie Fruit of the Loom, qui est notre concurrent principal, a envoyé une lettre à tous les membres du Congrès et à tous les sénateurs dans laquelle elle nous accuse d'être une compagnie canadienne qui fait du dumping sur le marché américain, parce qu'elle n'arrive pas à comprendre pourquoi nous sommes si concurrentiels.

Voilà pourquoi nous estimons qu'on s'est donné la peine de nous viser expressément, parce que notre compagnie est la compagnie canadienne la plus importante dans ce domaine. Notre compagnie est la seule en Amérique du Nord qui soit en croissance, donc nous sommes une source d'irritation constante pour les Américains. Par conséquent, on utilise ces règles commerciales pour essayer de nous nuire.

Cela me répugne d'autant plus que le Canada... j'ai été voir tous les ministres imaginables, et on me dit que le Canada ne peut rien faire pour nous aider. C'est très troublant, car les Américains concluent d'autres ententes particulières, semblables à celles qui sont concluent pour les textiles, dans le domaine de l'électronique entre autres, et qui vont avantager leurs compagnies.

Mettons que la date cible pour la zone de libre-échange des Amériques c'est l'an 2005. Les compagnies américaines seront très présentes tout de suite à cause de toutes les ententes bilatérales conclues par les États-Unis. Vous seriez étonnés de constater ce qui se passe au Honduras en ce moment. Tous les parcs industriels sont bourrés de compagnies américaines. Je n'ai jamais vu une seule compagnie canadienne.

Un des parcs industriels les plus importants à San Pedro Sula a beaucoup de drapeaux sur l'édifice. Quand nous y sommes allés pour signer notre bail, nous leur avons dit qu'il fallait arborer le drapeau canadien pour indiquer notre présence.

Le message que je veux vous transmettre c'est que la situation est très perturbante. Il faut faire très attention de ne pas se faire avoir par nos concurrents américains, non seulement dans le domaine des textiles, mais également dans celui de l'électronique, du logement et de tous les autres secteurs possibles et imaginables dans cette région.

La présidente: Merci beaucoup.

Permettez-moi de vous poser une question en vitesse. Vous avez dit que d'après votre expérience au Brésil, vous avez constaté que vous aviez besoin d'un avocat local. Dans son mémoire, M. Weese a parlé du besoin de transparence. Est-ce le problème—le manque de transparence? Est-ce la raison pour laquelle il faut avoir un avocat local quoiqu'on fasse là-bas?

Mme Annette Hester: À mon avis, il ne s'agit pas d'une question de transparence; il s'agit de respecter les obligations légales du pays. On ne peut pas faire affaire au Canada sans avoir un avocat canadien.

La présidente: Donc vous dites que c'est toujours transparent, mais que ce n'est pas une question de transparence? J'ai peut-être mal compris.

Mme Annette Hester: Non, il s'agit tout simplement d'une complication. Je n'ai pas dit que c'était un problème de transparence; j'ai dit qu'il s'agit d'ajouter de nouvelles complications. Afin de bien comprendre toutes les conséquences de l'accord commercial, et maintenant d'une nouvelle initiative par les Américains—tout ça devient très compliqué.

La présidente: Monsieur Chamandy.

• 1720

M. Greg Chamandy: Il faut comprendre que puisqu'il y a beaucoup de pauvres et très peu de riches dans ces pays, les riches, le haut du triangle, se connaissent tous. C'est très incestueux. On a besoin d'un avocat pour satisfaire aux exigences légales, et en attendant il faut choisir son avocat autant en fonction de ses connaissances qu'en fonction de ses compétences. D'après notre expérience, les avocats dans ces pays fonctionnent comme des Sherpas. Ils s'assurent que vous rencontrez les bonnes personnes et vous disent qui est honnête et qui ne l'est pas. Par exemple, en Amérique centrale, il est futile d'intenter des poursuites. Il s'agit vraiment d'un régime de confiance. Il faut connaître la personne avec qui on fait affaires, en plus de connaître les lois.

Par exemple, dans tous nos contrats, il y a une clause qui prévoit que tous les problèmes juridiques seront réglés en Floride, car nous ne pouvons pas nous fier à leurs systèmes judiciaires.

La présidente: Selon vous, existe-t-il toujours beaucoup de corruption? Comment y fait-on face maintenant, compte tenu de l'adoption en décembre de la Convention de l'OCDE concernant la corruption d'agents publics étrangers?

M. Greg Chamandy: Dans notre cas, nous ne nous heurtons pas à des cas de corruption parce que nous ne vendons pas dans les marchés locaux. Nous travaillons dans des zones contrôlées qui sont des zones libres de taxes. Les compagnies qui y travaillent ne paient pas de taxes parce qu'elles fabriquent des produits uniquement pour montage et traitement aux fins d'exportation. Donc, nous n'avons pas ce problème-là.

Il ne fait aucun doute que la collusion existe en Amérique centrale. Par exemple, au Honduras, il y a peut-être six grandes familles qui contrôlent tout l'immobilier. Elles se réunissent à un club social pour décider du prix de location par pied carré. On n'y peut rien.

Mme Annette Hester: C'est peut-être vrai dans le cas de petits pays, mais ce n'est pas le cas au Brésil. Le Brésil est pas mal grand et la population est très importante.

De plus, comme on l'a mentionné dans le mémoire de la GE, je pense que les Brésiliens veulent avoir une économie différente, plus moderne. Donc l'organisme de réglementation du pétrole et du gaz au Brésil est très transparent. Toutes les questions posées à cet organisme, et les réponses sont affichées sur l'Internet. Le processus est très transparent.

Cependant, choisir un avocat qui connaît bien le secteur est une bonne pratique d'affaires. Je ferais de même au Canada. On a beaucoup plus de succès au Canada si on a un avocat qui s'est se débrouiller à Ottawa. Ce n'est pas inhabituel.

D'un autre côté, il y a assez peu d'avocats qui comprennent les accords commerciaux.

La présidente: J'ai une dernière question à vous poser, madame Smith. Vous avez suggéré une approche progressive en ce qui concerne la mise en oeuvre de la politique de concurrence de la ZLÉA. Quel genre de délais envisagez-vous? Le problème, même avec l'OMC et certaines des obligations des petits pays, c'est qu'on ne les a pas appliquées. Quel serait un délai réaliste d'après vous? Comment assurer leur mise en oeuvre?

Mme Patricia Smith: Nous n'avons pas vraiment discuté des délais. Je pense qu'il y aurait un certain nombre de délais différents.

Plusieurs éléments sont nécessaires. Il faut avoir un sorte de cadre pour les institutions. Si on a un système judiciaire bien au point et un groupe bien instruit, il faut—Dieu nous en protège—des économistes et des avocats pour faire fonctionner un organisme responsable de la concurrence. Par conséquent, les pays qui en sont dotés déjà auraient besoin de moins de temps, peut-être cinq ans, pour mettre en place un tel organisme.

Dans le cas des autres pays qui n'ont pas ces éléments, il faut leur donner de l'aide technique. De quoi ont-ils besoin pour les amener au point où ils seraient prêts à accepter un organisme responsable de la concurrence? Il n'est pas très utile de se contenter de leur donner une loi et d'exiger qu'ils la signent. Donc, tout cela fait partie du processus de négociation, où il sera question de l'aide technique.

La présidente: D'accord. Merci beaucoup. Je vous remercie tous d'être venus. Les questions et les réponses ont été fort intéressantes.

Comme nous disons toujours à nos témoins, ce n'est que le début du processus. D'après nous, il s'agit d'un dialogue permanent. S'il y a d'autres questions que vous aimeriez signaler au comité, nous vous demandons de ne pas hésiter à le faire.

• 1725

Nous pensons publier notre rapport en septembre, donc il nous reste encore longtemps. Je vous remercie de nouveau d'être venus.

La séance est levée.