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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 19 mars 2001

• 1528

[Traduction]

Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Nous ne disposons de la salle que pour une heure, et il faudra l'avoir libérée à 16 h 30 au plus tard.

Avec votre permission, j'aimerais simplement faire une annonce publique avant de passer à la déclaration du ministre. La réunion de mercredi aura lieu à 15 h 30, dans la salle 308 de l'édifice de l'Ouest.

Monsieur le ministre, au nom du comité, je vous souhaite la bienvenue.

La question du bois d'oeuvre est l'un des plus importants défis que nous ayons à relever. Elle porte sur un produit précieux que le Canada exporte aux États-Unis et qui a beaucoup d'importance étant donné que la grande majorité de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis. Nous avons cru que, dans un pareil dossier, il serait important que le comité vous accueille et entende ce que vous avez à dire. De plus, à la fin de votre déclaration, nous aurons peut-être l'occasion de vous poser des questions.

Je tiens seulement à répéter, monsieur le ministre, que nous ne disposons que d'une heure et que nous devons quitter la salle avant 16 h 30. Donc, avec un peu de chance, nous aurons le temps de vous entendre et de vous poser certaines questions avant la fin.

Si mes collègues sont d'accord, je vous cède la parole, monsieur le ministre, et je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à notre invitation.

[Français]

L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici. Nous avons eu la chance de tenir un débat jeudi dernier à la Chambre des communes et nous avons également travaillé en comité parlementaire.

• 1530

Je suis très heureux de témoigner devant le sous-comité pour vous parler d'un des enjeux commerciaux les plus importants pour le gouvernement et, en fait, pour le pays tout entier. Il s'agit de nos relations commerciales avec les Américains dans le secteur du bois d'oeuvre. Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter avec vous de l'approche adoptée par notre gouvernement dans ce dossier.

Avant de commencer, je voudrais vous présenter M. Doug Waddell, sous-ministre adjoint responsable de la politique commerciale à mon ministère. Jusqu'à récemment, M. Waddell était en poste à l'ambassade du Canada à Washington. Il est maintenant, depuis plus d'un an, le représentant principal du Canada pour les consultations avec les intervenants canadiens dans le dossier du bois d'oeuvre.

Nous savons tous, bien sûr, qu'il y a un grand désaccord à nouveau dans le dossier du bois d'oeuvre, car l'accord canado-américain vient à échéance le 31 mars 2001. Cet accord, qui tire à sa fin, a été respecté tout au long de sa durée. Au Canada, la grande majorité des intéressés sont d'avis qu'il est temps de tourner la page et de remplacer le système actuel, le commerce administré du bois, par un autre qui aurait dû être adopté il y a belle lurette, le libre-échange.

Il s'agit certainement de ce que les Canadiens désirent et aussi de ce qu'ils méritent. Malheureusement, c'est aussi précisément ce que l'industrie américaine du bois d'oeuvre craint le plus. Cette industrie américaine réclame à nouveau d'autres restrictions à nos exportations. Elle s'est engagée à déposer une nouvelle pétition en faveur de l'application de droits compensateurs, et peut-être aussi de droits antidumping, et ce, dès l'expiration de l'accord. Des membres du Congrès ont aussi soumis résolution après résolution pour faire adopter des restrictions additionnelles à nos exportations.

[Traduction]

Monsieur le président, les enjeux sont de taille. Nous sommes tous conscients de l'importance que représente le secteur du bois d'oeuvre d'un bout à l'autre du pays. Permettez-moi ici de faire un bref rappel de quelques données plutôt éloquentes. Le bois d'oeuvre est notre plus important produit d'exportation vers les États-Unis. La valeur de nos expéditions de bois d'oeuvre vers notre voisin du Sud dépasse les 10 milliards de dollars et représente 34 p. 100 des importations américaines. Nous détenons 20 p. 100 du marché mondial. Nous pouvons être fiers de notre rendement dans ce secteur vital de notre économie.

L'industrie du bois d'oeuvre est une des plus importantes sources d'emploi au pays. Un emploi canadien sur 16 est directement ou indirectement tributaire de ce secteur. La subsistance de plus de 330 collectivités au Canada, allant de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, repose sur l'industrie du bois d'oeuvre.

Cette industrie n'est pas uniquement créatrice d'emplois. Elle fournit également un toit à des millions de gens partout dans le monde.

Dans l'optique de notre différend avec les États-Unis, ce qu'il faut peut-être retenir par-dessus tout, c'est que nos scieries comptent parmi les plus modernes et les plus performantes au monde. Sur le plan de la concurrence, par ailleurs, nous sommes non seulement compétitifs, mais équitables sur les marchés du bois d'oeuvre. C'est cette réalité, monsieur le président, que les producteurs américains refusent d'accepter. L'industrie américaine donne donc l'impression qu'il est plus facile de se prémunir contre la concurrence que de relever le défi de la modernisation et de la recherche d'une efficience accrue. C'est justement le défi que l'industrie canadienne est parvenue à relever.

Monsieur le président, les démarches protectionnistes persistantes assorties de fausses allégations de subventions déforment depuis longtemps le débat sur nos échanges commerciaux dans le secteur du bois d'oeuvre. Je désire profiter de la tribune qui m'est offerte aujourd'hui pour mettre le présent enjeu en perspective. À cette fin, j'exposerai brièvement les cinq paramètres fondamentaux de ce dossier. Il est important de les garder clairement à l'esprit, car ils forment la base de la position canadienne en ce qui a trait au commerce du bois d'oeuvre.

Monsieur le président, je répéterai ici les cinq paramètres dont j'ai fait état la semaine dernière à la Chambre. La position de l'industrie américaine du bois d'oeuvre n'est nullement fondée sur des allégations légitimes de pratiques déloyales de la part du Canada, mais purement et simplement sur le protectionnisme. Le Canada jouit de droits en vertu des accords commerciaux signés avec les États-Unis. Un de ces droits lui garantit l'accès au marché américain du bois d'oeuvre. Les Américains doivent reconnaître ce droit. Ensuite, les programmes forestiers canadiens ne sont pas des programmes de subvention de l'industrie canadienne.

• 1535

En quatrième lieu, le Canada est un leader mondial en ce qui a trait aux méthodes de gestion durable des ressources forestières.

Enfin, le rôle du gouvernement est de protéger les intérêts canadiens face au protectionnisme et d'oeuvrer à l'instauration du libre-échange dans ce secteur vital.

[Français]

Monsieur le président, au sujet du premier point, je tiens à insister à nouveau sur le fait que la position de l'industrie américaine en matière de bois d'oeuvre a toujours été motivée par sa traditionnelle approche protectionniste. Voilà maintenant près d'un siècle que les producteurs américains de bois d'oeuvre cherchent à entraver les exportations canadiennes. Ils ont toujours voulu se protéger contre la concurrence canadienne. En arrière-plan de leurs demandes, ils ont toujours souhaité préserver leur part de marché et maintenir les prix au niveau maximum. Cette orientation est, bien entendu, accentuée lorsque l'industrie se retrouve dans un ralentissement cyclique, comme c'est le cas aujourd'hui des deux côtés de la frontière.

La pratique consistant à limiter les importations pour protéger une industrie nationale n'a toutefois plus sa place aujourd'hui. Il n'y a plus lieu, ni pour le Canada ni pour les États-Unis, de répondre par le protectionnisme. Les accords commerciaux que nous avons âprement négociés sont fondés sur la conviction que le Canada a toujours et tout à gagner de l'ouverture des marchés.

Cela m'amène au deuxième fait essentiel, monsieur le président, à savoir que les menaces protectionnistes actuellement formulées par les États-Unis vont directement à l'encontre de ces accords eux-mêmes, c'est-à-dire l'ALENA et l'OMC.

Aux termes de l'ALENA et de l'OMC, il est interdit aux États-Unis d'imposer des restrictions quantitatives ou des droits compensateurs ou des droits de douanes aux exportations canadiennes de bois d'oeuvre, à moins que et jusqu'à ce qu'ils démontrent, par l'intermédiaire d'une application équitable des règles commerciales internationalement reconnues, que ces exportations constituent un commerce inéquitable, que ce soit par un subventionnement qui cause un préjudice, par un dumping ou quoi que ce soit d'autre. Les États-Unis ont toujours été incapables de faire ce genre de démonstration. À moins et jusqu'à ce qu'ils le fassent, le Canada dispose d'un droit d'accès au marché américain du bois d'oeuvre résineux, et les États-Unis ont l'obligation d'accorder cet accès.

Le gouvernement se propose de veiller à ce que nos droits en vertu de l'OMC et de l'ALENA soient respectés, et nous avons déjà pris des mesures à cet égard. Nous avons lancé deux importantes procédures de règlement des différends contre les États-Unis à l'Organisation mondiale du commerce, procédures qui ont des incidences directes sur la question du bois d'oeuvre résineux.

D'abord, nous constatons l'intention déclarée des États-Unis de traiter nos contrôles des billes à l'exportation comme étant des subventions donnant droit à des droits compensateurs dans les prochaines enquêtes sur l'imposition éventuelle de droits compensateurs.

Deuxièmement, nous avons demandé des consultations avec les États-Unis au sujet d'une nouvelle disposition de la loi américaine qui empêcherait le remboursement des droits compensateurs et antidumping dans les cas où ces droits ont été contestés avec succès et doivent être abrogés.

Monsieur le président, ce qui compte ici, c'est qu'aucun pays, pas même les États-Unis, n'a le droit d'élaborer sa propre version des règles qui ont été convenues à l'échelle internationale, ni de choisir celles de ses obligations qu'il est disposé à honorer.

Pensons, monsieur le président, à la vérité la plus centrale dans le dossier du bois d'oeuvre résineux. Malgré des allégations persistantes des États-Unis allant dans le sens contraire, le secteur canadien du bois d'oeuvre résineux n'est pas subventionné au moyen des taux provinciaux, des droits de coupe ou par aucun autre programme. Telle était la conclusion dégagée par le Département américain du Commerce lui-même, dans la première affaire de droits compensateurs engagée contre nous en 1983. Lorsque ce département a fini par céder à des pressions politiques et a inversé sa position dans une affaire ultérieure, nous avons contesté sa constatation d'un subventionnement devant un groupe spécial de règlement des différends de l'Accord de libre-échange et nous avons eu gain de cause. Les allégations de subventions sont tout aussi dénuées de fondement aujourd'hui qu'elles l'étaient alors.

[Traduction]

Parfois, monsieur le président, ces allégations ont laissé entendre que des normes environnementales insuffisantes confèrent une subvention à notre secteur d'activité. Nous arrivons ici à un autre fait essentiel dans le dossier du bois d'oeuvre résineux. Le Canada est un chef de file mondial en matière de gestion durable des forêts. Le Canada, dont 94 p. 100 des terres forestières sont de propriété publique, contrôle les niveaux de récolte de manière à s'assurer que les forêts ne sont pas épuisées. En fait, au Canada, il pousse deux fois plus de bois qu'il n'en est récolté chaque année.

• 1540

Moins d'un demi de un pour cent de nos forêts commerciales est récolté chaque année, ce qui est bien en deçà des niveaux durables de récolte. Le Canada, qui possède davantage de terres forestières commerciales, coupe moins de la moitié de ce qui est récolté aux États-Unis chaque année. Monsieur le président, nous pouvons nous enorgueillir de notre bilan environnemental dans le secteur forestier.

Mon observation finale concerne le rôle et les objectifs du gouvernement pour l'avenir. Comme je l'ai affirmé tout à l'heure, notre rôle et notre responsabilité sont clairs, soit sauvegarder l'intérêt canadien dans son ensemble, en prenant en considération les intérêts de tous les intervenants et de toutes les régions. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, j'ai tenu des consultations intensives avec le secteur canadien d'un bout à l'autre du pays et j'ai invité tous les Canadiens à me soumettre leur opinion. J'ai également tenu des consultations fouillées avec les provinces. J'ai récemment rencontré à Ottawa des représentants de tous les gouvernements provinciaux et territoriaux pour discuter de leurs préoccupations et pour déterminer, ensemble, la voie que nous devrions suivre. Un consensus clair s'est dégagé. Le Canada devrait laisser échoir l'accord sur le bois d'oeuvre résineux et s'orienter vers le libre-échange.

Lorsque j'ai rencontré le représentant américain au commerce, Robert Zoellick, à Washington il y a un peu plus de trois semaines, j'ai exposé clairement la position du Canada. J'ai aussi proposé à nouveau que deux émissaires spéciaux soient nommés pour recommander des solutions constructives à ce différend. Je suis disposé à oeuvrer avec le gouvernement américain à la mise en place d'un moyen de collaboration qui permettrait de relever les défis qui se posent à ce secteur d'activité en Amérique du Nord.

[Français]

Donc, monsieur le président, quelle est la prochaine étape? Pour favoriser l'atteinte de notre objectif de nous orienter vers le libre-échange du bois d'oeuvre, le gouvernement continuera de préconiser la nomination d'émissaires spéciaux qui jetteraient un regard neuf sur la situation et recommanderaient de nouvelles approches constructives.

Le gouvernement affirmera les droits du Canada en vertu de nos accords commerciaux et se défendra vigoureusement contre toute pétition en faveur de l'imposition de droits compensateurs ou antidumping soumise par le secteur américain.

Le gouvernement continuera de consulter étroitement tous les intervenants du Canada et de veiller à ce que les intérêts de toutes les régions soient pris en considération.

Nous accueillerons favorablement les vues du comité et serons heureux, bien sûr, de répondre à vos questions maintenant.

[Traduction]

Monsieur le président, je vous remercie.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre présentation.

Je vais accorder cinq minutes à chaque personne. On va commencer avec M. Lunn et on va faire le tour des partis d'opposition pour terminer avec les députés du gouvernement.

[Traduction]

Monsieur Lunn.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, AC): Merci, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Pettigrew.

Nous venons d'entendre un aperçu intéressant de ce qui s'est passé dans ce dossier et de ce que nous réserve l'avenir. Je suis troublé par la situation, monsieur le ministre, et j'aimerais connaître votre point de vue. Quand vous avez parlé de la voie à suivre, vous avez dit qu'il fallait défendre les droits que nous confèrent les accords commerciaux contre toute imposition de droits compensateurs ou antidumping de la part de l'industrie américaine.

Au cours des 20 dernières années, nous avons consacré 10 millions de dollars à contrer les agissements de l'industrie américaine. Les avocats roulent sur l'or. Ce dossier coûte 1 million de dollars environ chaque mois. Cependant, comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le ministre, 330 collectivités, y compris des centaines de milliers de travailleurs et leurs familles, tirent leur gagne-pain de cette industrie au Canada.

Je sais que vous allez nous dire que nous avons des groupes de lobbyistes avec lesquels nous travaillons aux États-Unis et que nous sommes en pourparlers avec l'industrie. Toutefois, voilà cinq ans déjà que nous connaissons l'échéance, et nous ne sommes qu'à quelques semaines du 1er avril. Je vais utiliser l'expression «gain de cause» parce que nous avons clairement été informés par le représentant au commerce Robert Zoellick—je crois que vous savez également que l'industrie américaine est disposée à déposer sa demande de droits compensateurs et antidumping—qu'on utiliserait tous les recours juridiques qu'offrent l'OMC et le groupe d'experts de l'ALENA. Quand on sait combien de temps prennent de pareils processus, monsieur le ministre, cela nous amène en l'an 2005. Notre industrie va devoir commencer à verser des centaines de millions de dollars en droits compensateurs pendant qu'on étudie les plaintes. Cela pourrait signifier l'arrêt de mort de notre industrie et la perte du gagne-pain de centaines de milliers de travailleurs et de leurs familles.

• 1545

J'aimerais savoir comment le gouvernement va protéger ces familles le 2 avril. Que va-t-il faire exactement? Je suis conscient que nous voulons nous présenter devant l'OMC et défendre nos droits. Nous l'avons déjà fait devant le GATT. Nous avons défendu notre position devant des groupes d'experts bilatéraux trois fois déjà, et chaque fois le Canada a eu gain de cause. Toutefois, comme vous le soulignez, les États-Unis sont protectionnistes en ce qui concerne le bois d'oeuvre résineux, ce qui ne va pas aider notre industrie. Je ne suis pas convaincu qu'elle survivra jusqu'en 2005.

Il faut que notre gouvernement perde la partie, selon eux. Les États-Unis, Robert Zoellick, ont bien fait comprendre qu'ils avaient l'intention de défendre leur industrie jusqu'au bout. Si je me souviens bien des mots qu'il a employés, ils ne ménageront aucun moyen.

Qu'est-ce que notre gouvernement est disposé à faire pour notre industrie quand elle commencera à verser des droits compensateurs et antidumping, lorsqu'il lui faudra déposer des cautionnements et verser entre l,5 et 2 milliards de dollars par année en droits compensateurs dès le début de l'année prochaine, peut-être?

M. Pierre Pettigrew: Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un processus très lourd et très coûteux pour notre industrie. C'est pourquoi je suis si frustré de voir l'industrie américaine ressusciter, chaque fois qu'elle en a l'occasion, de vieilles histoires et les répandre. Toutefois, nous n'avons pas attendu jusqu'à la fin de l'accord pour réagir.

Nous avons mené deux attaques préemptives à l'OMC en vue d'amoindrir la capacité de nous atteindre des Américains. Nous avons déjà commencé à recourir à l'OMC justement dans le cadre d'attaques préemptives. Nous travaillons avec les alliés que nous avons aux États-Unis. Il existe maintenant une nouvelle voix qui ne s'était pas beaucoup fait entendre jusqu'en 1996, soit celle du consommateur.

Comme nous avons été en étroite liaison avec ces nouvelles voix sur le front de la consommation, nous comptons maintenant des alliés à Washington qui ont une voix plus forte et qui savent très bien articuler leur position pour montrer au public américain que le protectionnisme des États-Unis leur coûte jusqu'à 1 000 $ par maison lorsqu'ils souhaitent devenir propriétaires ou construire la maison de leur rêve. C'est un grand désavantage.

Notre gouvernement va continuer de tout faire pour expliquer ce point de vue. Avec un peu de chance, nous obtiendrons une attitude plus réaliste de la part des États-Unis, conscients qu'en bout de ligne ils perdront leur cause. Nous continuerons de mener des attaques préemptives à l'OMC, comme nous l'avons déjà fait, et nous travaillerons en très étroite collaboration avec notre industrie d'un océan à l'autre.

M. Gary Lunn: Je vous remercie.

Monsieur le ministre, le fait demeure que les États-Unis continuent de prétendre que nous subventionnons les droits de coupe ici, ce qui est tout à fait faux. Notre gouvernement n'a pas réussi à prouver aux Américains que c'était faux.

En fait, notre chef était à Washington il y a quelques semaines seulement, et le vice-président lui a dit que la source du problème était notre régime de droits de coupe, ce qui est tout à fait absurde.

Je ne crois pas que nous puissions compter sur nos gens à Washington ou sur nos alliés pour résoudre le problème à notre place. Il faut commencer à durcir notre position à l'égard des Américains à la table des négociations.

M. Pierre Pettigrew: Tout à fait.

M. Gary Lunn: J'aimerais demander au gouvernement, à nouveau, ce que vous allez faire pour notre industrie? Vous avez fort bien décrit les problèmes. Toutefois, jusqu'ici, il n'y a pas eu d'autres solutions que la voie juridique, qui dure cinq ans. À nouveau, les avocats ont les poches bien remplies, mais nos travailleurs forestiers vont retourner à la maison les mains vides et leurs familles vont vivre une période très difficile.

Laissez-moi simplement faire valoir mon dernier point. Votre premier ministre...

Le président: Vous avez dépassé la période de temps qui vous est allouée.

M. Gary Lunn: ...a soulevé d'autres questions. Le gouvernement du Canada va-t-il soulever d'autres points auprès des Américains? Jusqu'à quel point va-t-il le faire dans les pourparlers avec l'industrie du bois d'oeuvre résineux?

M. Pierre Pettigrew: Nous avons avancé l'idée de nommer des émissaires. En fait, j'en ai parlé à Bob Zoellick et, jusqu'ici, nous n'avons pas reçu la réaction définitive des États-Unis. Ils ont exprimé un certain scepticisme. Selon moi, ce serait une excellente idée d'avoir des envoyés binationaux qui pourraient nous aider à traverser cette période de turbulence. J'espère sincèrement que les Américains accepteront cette proposition.

• 1550

[Français]

Le président: Monsieur Sauvageau, cinq minutes.

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Monsieur Pettigrew, merci de venir témoigner devant notre sous-comité sur le commerce international.

Je vais avoir trois courtes questions à vous poser, en espérant que les cinq minutes suffiront pour les réponses.

Ma première question concerne la position du gouvernement concernant cette période du 1er avril. Selon nous, ce n'est pas trop clair. Dans des réponses que vous donniez vers le 1er février, vous affirmiez que vous étiez pour le libre-échange complet, comme celui qu'on avait avant l'entente d'il y a cinq ans. À partir du 22 février, vous avez changé de cassette pour dire qu'il y aurait une période de transition entre les deux et qu'il fallait organiser cette période de transition. Puis il y a eu une troisième position: on disait que la paix commerciale serait menacée si on arrivait au libre-échange.

Maintenant qu'on est près de la date limite, j'aimerais savoir quelle est la position du gouvernement canadien: pour le libre-échange, pour une longue période de transition, ou des menaces à la paix commerciale? Quelle est votre position là-dessus?

Ma deuxième question porte sur le respect des décisions des panels de l'ALENA. À plusieurs reprises, le Canada, devant différent panels, a remporté des causes. Compte tenu que c'est bilatéral, même si les décisions nous ont été favorables, leur application par les États-Unis ne l'a pas été. Comment prévoit-on faire respecter ces décisions des panels de l'ALENA à l'avenir?

Ma troisième et dernière question m'est inspirée par votre discours. Vous disiez qu'il y a trois semaines vous aviez rencontré votre vis-à-vis à Washington et que vous aviez demandé à ce moment-là que deux émissaires soient nommés. Cela fait trois semaines. C'est à peu près le temps de réflexion du premier ministre, comme je vous l'ai dit plus tôt en Chambre. Étant donné que la date limite approche, est-ce qu'on a daigné communiquer avec vous pour vous dire si ces deux commissaires pourraient être nommés avant le 1er avril? Il me semble que ce serait une bonne affaire.

M. Pierre Pettigrew: Je vais commencer par votre troisième point.

J'apprécie votre appui à cette idée des deux émissaires. Je suis content de voir que vous trouvez aussi que ce serait une bonne façon de procéder.

Du côté de Washington, nos gens continuent d'en parler, mais aucune décision finale n'a été rendue par les Américains. Est-ce qu'ils le feront avant le 31 mars? Je ne peux pas retirer l'idée de la table. Même si c'était le 3 avril, je crois que ce serait quand même une bonne façon de procéder. Comme on dit, the sooner, the better: le plus tôt sera le mieux. J'apprécie votre point de vue sur cette question.

Quand nous avons parlé de libre-échange, il s'agissait de la position du gouvernement. Je parle d'un contexte de transition vers le libre-échange. Le 1er avril, c'est le libre-échange, mais quand je parle d'une transition vers le libre-échange... Les Américains peuvent très bien accepter que nous entrions dans une période de libre-échange dans le sens où l'ALENA s'applique au dossier du bois d'oeuvre, mais nous faire vivre une transition qui ne soit pas respectueuse du libre-échange, en engageant contre nous des poursuites de droits compensateurs et des enquêtes sur des questions de dumping. Quand je dis que nous allons vers le libre-échange et que nous voulons que cette transition se vive le plus souplement possible, j'espère que les Américains vont accepter que le contexte de l'ALENA s'applique à ce produit comme il s'applique au reste. Il n'y a pas autre chose que cela dans mon esprit. C'est la même argumentation.

Maintenant, qu'allons-nous faire pour faire respecter les décisions? Il y a des processus juridiques dont le gouvernement n'est pas maître. Qu'est-ce que vous voulez? L'industrie américaine, appuyée par son gouvernement, malheureusement, peut s'engager à nouveau dans une voie protectionniste et utiliser des arguties. Le gouvernement américain et son industrie ont ces droits. Ils leur appartiennent en vertu de l'ALENA.

• 1555

Ce que je peux vous dire, c'est que nous allons répondre énergiquement à ces attaques contre le libre-échange de la part des Américains, mais nous devrons le faire en respectant, bien sûr, les recours légaux qui sont les nôtres.

[Traduction]

Le président: Monsieur Robinson, vous avez cinq minutes.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le ministre d'avoir accepté de comparaître.

J'ai suivi attentivement ce qu'a dit le ministre. En dépit de tous les râlements, nous n'avons malencontreusement rien entendu de concret. Il est plutôt évident que, dans la mesure où les États-Unis sont visés, le libre-échange est une rue à sens unique.

J'aimerais demander au ministre quelle réponse il fait à ceux qui croient qu'il est peut-être temps de réagir face aux techniques d'intimidation des États-Unis et de leur dire qu'ils ne peuvent pas continuer de traiter le libre-échange comme une rue à sens unique. Quand il est question de ressources, par exemple, ils ont maintenant, en vertu de l'ALENA, un accès essentiellement libre à certaines des ressources les plus précieuses que possède le Canada, soit ses ressources énergétiques. Ils jouissent en fait du traitement national. Ils peuvent en obtenir autant qu'ils veulent au même prix que paient les Canadiens.

Il est peut-être temps, monsieur le ministre, de leur dire que c'est une rue à deux sens. S'ils continuent de nous traiter ainsi et d'avoir un total mépris pour les principes du commerce auxquels ils prétendent souscrire, il est peut-être temps de jouer dur et de leur dire que, s'ils imposent des droits compensateurs et anti-dumping à l'égard de nos produits forestiers, nous allons peut-être faire de même avec le gaz naturel que nous exportons chez eux. Et quand ils se plaindront, quand ils pousseront les hauts cris, nous leur dirons peut-être que nous allons adopter une loi. Même si cette loi est jugée inacceptable en vertu des dispositions de l'ALENA, tant pis pour eux—nous allons garder l'argent. C'est effectivement ce qu'ils nous ont dit à nous les Canadiens, comme vous le savez, en adoptant leur loi.

J'aimerais donc demander au ministre s'il est disposé à vraiment durcir le ton à l'égard des États-Unis et à cesser de simplement hausser les épaules et de dire que nous allons tenir des consultations et ainsi de suite. C'est ma question numéro un.

La deuxième fait suite à une question que j'ai posée au ministre à la Chambre durant le débat de jeudi soir dernier au sujet des exportations de bois brut. Le ministre sait—je viens de la Colombie-Britannique, et cette question intéresse particulièrement ceux d'entre nous qui viennent de cette province—qu'en 1997, un peu plus de 100 000 mètres cubes de bois brut ont été expédiés aux États-Unis. L'an dernier, ces exportations ont totalisé plus de 2 millions de mètres cubes, et les grandes forestières affirment maintenant qu'elles souhaitent pouvoir exporter encore plus de bois brut provenant de terres privées.

J'aimerais demander au ministre quelle est sa position sur cette question. Est-il disposé à dire «non» à ces forestières? Est-il disposé à dire que nous voulons réduire les exportations de bois brut, parce que cela revient à exporter des emplois bien rémunérés de la Colombie-Britannique. Je ne lui demande pas de me dire s'il va réagir aux pressions exercées par les États-Unis—c'est ce qu'il a répondu à la Chambre. Quelle est sa position concernant les exportations de bois brut, particulièrement la possibilité d'une d'une augmentation?

Ma dernière question consiste en fait à signaler une préoccupation. Nous affirmons que les droits de coupe ne posent pas de problème, que les normes environnementales n'en posent pas non plus et ainsi de suite. Ceux d'entre nous qui vivent en Colombie-Britannique savent qu'il existe des préoccupations dans ce domaine. Toutefois, une préoccupation particulière a rapport au vol éhonté du Trésor public et à l'arnaque du ministère provincial des Forêts grâce à cette présumée pratique de détermination de la qualité—et le ministre sait très bien de quoi il s'agit. On se rend en forêt et on récolte le bois d'oeuvre de faible qualité, à l'aide duquel on fixe les droits versés au Trésor, au peuple de la Colombie- Britannique, qui est le propriétaire des forêts. Puis, en fait, vous récoltez le bois d'oeuvre de qualité supérieure et versez les mêmes droits. C'est malhonnête, c'est du vol—j'ignore si c'est illégal ou pas. Malheureusement, tout ce que cela accomplit, c'est de donner aux États-Unis l'occasion de dire que nos droits de coupe ne reposent pas sur une évaluation honnête de la valeur du bois.

Le ministre est-il disposé à envoyer un message très clair à ces sociétés—et, dois-je ajouter, à ma propre province—pour dire que ce n'est pas honnête et qu'il faut que cela cesse? Car cela ne nous aide pas dans notre différend avec les États-Unis.

M. Pierre Pettigrew: Vous me demandez d'intervenir dans un domaine de compétence provinciale et de dire à la Colombie-Britannique comment elle devrait gérer ces ressources. Vous savez que la gestion des ressources naturelles est un domaine de compétence provinciale, et je suis sûr que le gouvernement de la Colombie-Britannique connaît bien votre point de vue, que ce n'est pas la première fois qu'il en entend parler aujourd'hui. Il s'agit d'un domaine de compétence provinciale, et je ne crois pas qu'il m'appartienne de dire à quelque gouvernement provincial que ce soit, qu'il s'agisse du Québec, de la Colombie-Britannique ou d'autres provinces, comment gérer ses ressources.

M. Svend Robinson: Cela affecte notre différend avec les États-Unis au sujet des droits de coupe.

M. Pierre Pettigrew: Beaucoup de choses affectent nos différends avec les États-Unis. Vous le savez fort bien. Il s'agit d'un dossier très complexe, et l'existence au Canada d'une fédération dans le cadre de laquelle les provinces ont de très importantes responsabilités en matière de gestion des ressources ne le simplifie pas.

• 1600

Quant à votre autre question, celle où vous me demandez si je vais durcir le ton avec les Américains qui pratiquent le libre-échange comme s'il s'agissait d'une rue à sens unique, je vous réponds que nous avons actuellement un surplus commercial annuel de 95 milliards de dollars avec les États-Unis. C'est loin d'une rue à sens unique. Je suis très frustré par l'attitude américaine à l'égard du bois d'oeuvre résineux, mais je reconnais volontiers que les États-Unis achètent beaucoup de nos produits et services. Nous affichons un surplus commercial record de 95 milliards de dollars par année. Je ne crois donc pas que l'on puisse simplement dire aux Américains qu'ils ne tiennent pas parole.

Pour ce qui est du bois d'oeuvre résineux, il y a un lobby, ce qui selon moi va tout à fait à l'encontre de l'obligation internationale des États-Unis, et je le regrette vivement. Toutefois, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'une rue à sens unique, que c'est seulement lorsqu'ils veulent... Nous nous débrouillons fort bien sur le marché américain pour beaucoup de produits. Allons-nous en faire un tout et dire, si vous n'achetez pas notre bois, nous n'achèterons pas votre énergie? Ce n'est pas là l'approche de notre gouvernement.

M. Svend Robinson: Je ne dis pas de ne pas acheter leur énergie, mais cessons de la leur donner au même prix que nous la vendons aux Canadiens.

M. Pierre Pettigrew: Nous ne leur vendrons effectivement pas l'énergie.

Je ne crois pas que l'on gagne à tenir une industrie en otage pour une autre ou à en favoriser une plus que l'autre. Ce n'est pas la façon dont nous abordons les dossiers.

M. Svend Robinson: Et que faites-vous des exportations de bois brut? J'ai posé une question à ce sujet—très brièvement, monsieur le président.

M. Pierre Pettigrew: Je vais demander à monsieur...

Le président: Très brièvement, monsieur Waddell.

M. Doug Waddell (sous-ministre adjoint, Politique commerciale, économique et environnementale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Comme l'a mentionné le ministre dans sa déclaration liminaire, le Canada, dans le cadre d'une attaque préemptive, a lancé une procédure de règlement des différends à l'OMC en vue de faire confirmer notre opinion que les restrictions imposées sur les exportations de bois brut ne sont pas une subvention donnant le droit d'imposer des droits compensateurs. Comme vous le savez, durant la dernière étude, les Américains ont fondé en grande partie leur argument prouvant qu'il y avait subvention sur l'existence de restrictions relativement aux exportations de bois brut en Colombie-Britannique. Nous l'avons contesté. Nous rejetons cet argument et nous le contestons devant l'OMC en nous attendant à une décision rapide.

Le président: Monsieur Casey.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci beaucoup.

Je vous remercie énormément, monsieur Waddell, d'être venu à la réunion. Voilà 10 ou 11 ans environ que nous débattons tous deux de cette même question.

Ce matin, je parlais à un groupe de consommateurs des États-Unis qui fait des démarches en faveur du libre-échange du bois d'oeuvre. On m'a dit quelque chose que j'avais déjà entendu ici également, soit que des intérêts canadiens font du lobbying en faveur d'une taxe à l'exportation plutôt que de droits compensateurs ou antidumping. Que vous sachiez, y a-t-il des efforts déployés au Canada en vue d'imposer une taxe à l'exportation? Des efforts sont-ils déployés, y a-t-il des pourparlers, du lobbying à cet égard?

M. Pierre Pettigrew: Je dois demain rencontrer des représentants du B.C. Lumber Trade Council. Si je comprends bien, ils vont participer à la discussion, mais je l'ai appris indirectement, tout comme vous.

M. Bill Casey: Par le téléphone arabe.

M. Pierre Pettigrew: Effectivement.

Ce que je peux vous dire, c'est que je ne vois aucun consensus se dégager actuellement dans le pays à propos d'une telle orientation. Le gouvernement va essayer de refléter le mieux possible le consensus canadien. C'est toutefois quelque chose de nouveau dont j'ai entendu parler alors que j'étais à Washington, par Bob Zoellick en premier lieu et dont, si je comprends bien, on parle maintenant au Canada. Je peux vous dire qu'aucun consensus ne se dégage dans le pays à cet égard.

M. Bill Casey: Si je me souviens bien, une taxe à l'exportation était prévue dans le protocole d'entente sur le bois d'oeuvre résineux. Ce qui se passe en fait, c'est que l'industrie américaine veut relever le prix de son bois d'oeuvre résineux. Elle se sert de l'histoire des terres publiques comme excuse—c'est son levier. Toutefois, dans les quatre provinces atlantiques, en vertu de l'accord des Maritimes, on retrouve exactement les mêmes pratiques forestières qu'aux États-Unis. En 1986, lorsque la taxe à l'exportation a été imposée, le Canada atlantique en a été exempté. La même règle s'appliquerait-elle cette fois-ci, en cas d'imposition d'une taxe à l'exportation? C'est un peu prématuré, mais...

M. Pierre Pettigrew: Nous n'envisageons pas de taxe à l'exportation pour l'instant.

M. Bill Casey: M. Zoellick était en faveur d'une telle taxe lorsqu'il en a parlé pour la première fois. Il semblait indiquer qu'il voulait rencontrer les Canadiens pour aboutir à une entente, soit une prolongation de l'Accord ou autre chose... C'est l'impression que j'ai eue et, tout d'un coup, il a reculé et opte simplement pour le libre-échange.

• 1605

M. Pierre Pettigrew: Non, je ne pense pas qu'à aucun moment M. Zoellick m'ait indiqué que l'administration américaine, dirigée par le président Bush, ou que lui-même, en tant que représentant américain au commerce, envisagerait une prolongation ou une renégociation de l'Accord.

M. Bill Casey: Finalement, lorsque nous avons obtenu gain de cause au sujet des droits compensateurs, les Américains ont perçu beaucoup de taxes, ont récupéré beaucoup d'argent de l'industrie canadienne et, à ce moment-là, ont refusé de rendre cet argent, si je me souviens bien. Avons-nous récupéré cet argent?

M. Pierre Pettigrew: Oui, cet argent a été remis aux compagnies.

M. Bill Casey: De combien s'agissait-il?

M. Pierre Pettigrew: De 800 millions de dollars.

M. Bill Casey: Merci.

Le président: Merci, monsieur Casey.

Monsieur Speller, cinq minutes.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci également, monsieur le ministre, d'être venu devant notre comité aujourd'hui et de souligner ce que vous avez fait à ce sujet.

Je suis la question depuis quelque temps et en ce qui concerne les consultations publiques que vous avez menées, je sais que lorsque j'ai parlé à plusieurs représentants de l'industrie... il n'a pas vraiment été possible d'arriver à une position canadienne. Les positions variaient selon les compagnies et, bien sûr, selon les provinces.

Ma première question est la suivante: comment, à partir de toute diversité, allez-vous présenter aux Américains une position solidaire? Deuxièmement, les règles commerciales internationales ont-elles changé à un point tel que les Américains seraient portés à croire qu'ils pourraient obtenir gain de cause contre nous à ce sujet? Ils ont déjà perdu à plusieurs reprises. Qu'y a-t-il de changé qui les amène à croire qu'ils auraient un avantage sur nous s'ils portaient une autre affaire devant le comité?

M. Pierre Pettigrew: Vous posez deux questions, monsieur Speller. Premièrement, au sujet du consensus que nous avons au Canada, vous avez raison, c'est un dossier très compliqué et il est très difficile de maintenir un consensus dans notre pays. Les pratiques de gestion varient d'une province à l'autre, d'une région à l'autre et souvent, les Américains ont essayé de nous dresser les uns contre les autres. C'est la raison pour laquelle j'ai autant insisté ces derniers mois ainsi que depuis que je me penche sur la question, c'est-à-dire depuis que je suis ministre du Commerce, soit un an et demi, sur le fait que nous devrions travailler en étroite collaboration.

J'ai dit à la Colombie-Britannique, à l'Alberta, au Québec et aux Maritimes que, même si leur industrie n'est pas partie à l'ancien accord, l'ancien Accord sur le bois d'oeuvre résineux, vu que ces provinces bénéficient d'une exemption, il est très important que l'industrie canadienne se montre solidaire et unie. Notre gouvernement va faire tout ce qu'il peut pour s'assurer que notre industrie comprend la situation de chacun, comprend que ce que nous faisons au Canada correspond à notre façon de faire, que nous adoptons à l'échelle du Canada des pratiques commerciales loyales et qu'il ne faudrait pas, dans nos déclarations ou notre façon d'aborder la question, donner la possibilité aux Américains de dresser une région contre l'autre.

Pour ce qui est de votre deuxième question, qui est effectivement très pertinente, les Américains ont modifié certaines de leurs propres lois. Ils considèrent que grâce à ces modifications, ils ont plus de chances d'obtenir gain de cause contre nous en matière de droits compensateurs.

M. Bob Speller: Étant donné l'importance de cette question pour bon nombre d'entre nous au comité, pensez-vous que le comité a un rôle à jouer dans le règlement de cette question?

M. Pierre Pettigrew: À mon avis, ce que nous faisons aujourd'hui—et ce que nous avons fait à la Chambre jeudi dernier, à la suite de la motion du député de Joliette—soit instaurer le dialogue, échanger des points de vue et travailler ensemble, est la meilleure façon pour ce comité de se rendre utile et de véritablement participer au règlement de la question, de se montrer constructif mais aussi solidaire dans notre lutte contre le protectionnisme américain.

M. Bob Speller: Merci, monsieur le ministre.

Le président: Deuxième ronde, monsieur Lunn et, ensuite, monsieur Robinson.

• 1610

M. Gary Lunn: Monsieur le ministre, la position du gouvernement sur l'orientation exacte que nous prenons est loin d'être claire.

Selon vous, et nous reconnaissons tous qu'il y a un problème, les Américains vont engager contre nous une action à propos des droits compensateurs et des droits antidumping, ce qui est déloyal, puisqu'ils ne respectent pas les règles commerciales. Nous luttons donc contre un gouvernement qui, je dirais, considère qu'il peut probablement obtenir gain de cause. Je crois que vous savez parfaitement bien que si nous entamons ce processus, il faudra attendre jusqu'en janvier 2005 avant d'arriver jusqu'à l'OMC; pendant ce temps-là, notre industrie devra commencer à payer des droits compensateurs si c'est bien ce qu'exige le Département américain du commerce.

Vous n'avez pas répondu à ma question. Qu'allez-vous faire dans l'intervalle? Nous avons vu les mesures que vous avez prises pour l'industrie aérospatiale. Lorsque le gouvernement canadien a eu l'impression que le gouvernement brésilien adoptait des pratiques commerciales déloyales à notre égard, vous avez fait la même chose; vous avez mis 1,7 milliard de dollars sur la table pour l'industrie aérospatiale.

Nous avons entendu mon collègue du NPD soulever la question de représailles éventuelles, que je vous ai également posée. Nous avons entendu le premier ministre la semaine dernière aborder rapidement cette question. Il a dit qu'il avait en fait soulevé ces questions. Vous nous dites maintenant que ce n'est pas la position du gouvernement. En fait, le premier ministre, si je me souviens bien, c'était mercredi dernier, à la Chambre, a soulevé la question de représailles éventuelles. Vous nous donnez de nouveau des messages contradictoires.

Il faut bien se rendre compte que le lundi 2 avril, après expiration de cet accord, l'industrie américaine va engager une action à propos des droits compensateurs et peut-être aussi des droits antidumping—je crois que ceux-là s'ajouteront. Mis à part un processus de cinq années et de centaines de millions de dollars d'honoraires d'avocats, etc., face auxquels je ne pense pas que notre industrie puisse survivre compte tenu des cours actuels, qu'est-ce que le gouvernement canadien va faire? Comment allez-vous lutter contre les Américains?

M. Pierre Pettigrew: Voulez-vous dire que nous devrions nous entendre avec les Américains?

M. Gary Lunn: Tout d'abord, c'est nous qui posons les questions. Je vous demande quelle est votre position. J'aurais aimé être ministre, monsieur le Ministre, et faire partie du gouvernement où il était possible de poser des questions.

Ce que je veux dire, c'est nous savons maintenant depuis cinq ans que ce jour va arriver et que très peu de choses semblent avoir été faites jusqu'à présent. Nous avons disposé de cinq années pour établir une position très claire vis-à-vis les Américains sur ce que nous sommes prêts à faire, pour leur dire que nos pratiques de foresterie sont très saines et qu'il n'y a pas de subventions. Nos droits de coupe en Colombie-Britannique ont doublé depuis le début de l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux. Votre gouvernement n'a pas transmis ce message à Washington, car si vous l'aviez fait, les Américains n'engageraient pas d'action contre nous. Or, ils sont allés jusqu'à adopter d'autres lois. Qu'allez-vous faire pour assurer le libre-échange du bois d'oeuvre résineux?

Vous nous dites que c'est ce que vous voulez, mais vous ne nous dites pas comment vous allez y parvenir, si ce n'est qu'en passant par un processus judiciaire de cinq ans.

M. Pierre Pettigrew: Il faut faire preuve de cohérence. Si nous convenons tous de laisser l'Accord sur le bois d'oeuvre résineux expirer le 31 mars, si nous sommes tous d'accord à ce sujet, cela veut dire que nous passons aux règles de l'ALENA. Les règles de l'ALENA, que j'appelle le libre-échange, signifient que chaque gouvernement, chaque partenaire—et cela veut dire à la fois nous-mêmes et les Américains—disposent de plusieurs outils.

M. Gary Lunn: Je le comprends.

M. Pierre Pettigrew: Parmi ces outils, il y a les droits compensateurs et les droits antidumping. Par conséquent, si vous me parlez du libre-échange, vous devez être réaliste et comprendre que les Américains disposeront de recours.

La position du gouvernement ne peut pas être plus claire. Nous avons dit que lorsque l'Accord se terminera le 31 mars, ce sont les règles de l'ALENA qui vont s'appliquer au bois d'oeuvre résineux. Nous ne voulons plus de commerce dirigé, nous voulons le libre-échange.

Toute décision de la part des Américains de se servir des outils juridiques dont ils disposent s'inscrit dans le cadre du libre-échange.

Le président: Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: J'ai quelques questions à poser à ce sujet, monsieur le président.

Le ministre a dit que si nous laissons l'Accord expirer le 31 mars, cela veut dire que l'on opte pour les règles de l'ALENA, ce en quoi il a raison. Le ministre se souviendra peut-être qu'au nom de mon parti lors du débat de jeudi dernier, j'ai exprimé quelques réserves à ce sujet. J'ai souligné qu'en fait, comme le ministre le sait bien, nous n'appuyons pas certains des éléments les plus fondamentaux de cet Accord, notamment les dispositions relatives au règlement des différends entre un investisseur et un État. Le ministre lui-même a exprimé une inquiétude à ce sujet. Il n'y a pas de disposition, par exemple, qui nous permettrait de traiter de la question environnementale dans le cadre de l'ALENA.

• 1615

Je voudrais demander au ministre s'il est prêt à simplement prendre le marché pour Dieu et à supposer que l'ALENA suffira pour garantir les meilleures normes possibles des deux côtés de la frontière. De quelle protection jouit l'environnement dans le cadre de ce magnifique régime qu'il défend maintenant?

J'aimerais également revenir à la question que j'ai posée au sujet des exportations de bois brut. Le ministre n'a pas répondu à la question, ni non plus M. Waddell. La question est très précise: Que répond le ministre à la demande des compagnies forestières qui souhaitent récolter et exporter davantage de bois brut des terres privées de Colombie-Britannique?

M. Pierre Pettigrew: Pour l'instant, elles doivent nous demander un permis. Autant que je sache, nous n'avons pas changé les chiffres.

M. Svend Robinson: Le ministre ne va pas leur permettre d'exporter davantage de bois brut.

M. Pierre Pettigrew: Ce n'est pas ce que vous laissez entendre.

M. Svend Robinson: Je demande si le ministre...

M. Pierre Pettigrew: Lorsque je recevrai la prochaine demande, je l'examinerai—comme je le fais tout le temps. Nous n'avons toutefois pas modifié notre politique; nous n'avons pas modifié les chiffres. Il n'y a pas beaucoup de demandes actuellement de toute façon, compte tenu de la situation économique.

M. Svend Robinson: D'accord.

J'ai posé une question au sujet des normes environnementales. J'aimerais donner suite à la question de M. Lunn que, me semble-t-il, M. Casey a posée également, au sujet d'une taxe nationale à l'exportation. Je veux demander au ministre, si, au cours de sa rencontre avec M. Zoellick, le représentant américain au commerce, ce dernier aurait demandé spécifiquement au Canada d'imposer une taxe nationale à l'exportation? L'a-t-il proposé comme option?

Nous nous souvenons ce qui s'est passé lorsque le Canada s'est retrouvé dans cette position en 1986. Gordon Ritchie, notre négociateur commercial, a dit qu'il s'agissait d'une capitulation, de l'entente commerciale la plus lâche jamais signée par le Canada. Est-ce que Zoellick a demandé une taxe à l'exportation?

M. Pierre Pettigrew: Non, non. Il ne l'a pas demandé. Il m'a demandé si c'était une option que nous envisageons et je lui ai répondu que non.

M. Svend Robinson: D'accord.

M. Pierre Pettigrew: Il ne l'a pas demandé. Il a dit: «Est-ce quelque chose que vous envisagez?» Il y a donc une nuance.

M. Svend Robinson: J'en suis sûr.

M. Pierre Pettigrew: Je suis sûr que vous le comprenez. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'a pas dit: «Vous devriez». Il a dit: «Le gouvernement du Canada envisage-t-il cette possibilité?» J'ai répondu: «Il n'y a pas de consensus au Canada pour s'orienter sur cette voie.» Voyez-vous la différence?

M. Svend Robinson: Oui.

M. Pierre Pettigrew: Je dois vous dire que je vous remercie de vos remarques sur le marché qui serait Dieu. Il est malheureux toutefois que vous n'ayez pas lu mon livre «Pour une politique de la confiance», car s'il est bien une personne qui critique ouvertement le fait que l'on donne trop de place au marché, c'est bien moi. Dans ce livre, je dis jusqu'à quel point il est extrêmement important de réinventer la politique et le gouvernement, pour faire en sorte que le marché ne prenne pas toutes les décisions. Le marché ne peut pas remplacer l'homme.

M. Svend Robinson: Comment protégez-vous alors l'environnement dans le cadre de l'ALENA?

M. Pierre Pettigrew: Eh bien, il est très bon. Je ne vais plus parler du livre pour l'instant, mais j'y traite énormément de l'environnement.

Des voix: Oh, oh!

M. Pierre Pettigrew: Je ne le dis pas pour le bénéfice de mon éditeur.

En ce qui concerne les normes environnementales, vous souhaitez que nous établissions ces normes dans le contexte des accords commerciaux. La même chose pour les normes du travail. Je comprends cette position. À la rencontre OMC de Seattle l'année dernière, j'ai présidé le groupe de travail sur la mise en oeuvre. Je suis habitué à envisager la question du point de vue des pays en développement. Il est très difficile pour bon nombre d'entre eux d'accepter que l'on établisse un lien entre le commerce et les pratiques adoptées dans de nombreux autres domaines.

M. Svend Robinson: Je parle des États-Unis. Ce n'était pas un pays en développement la dernière fois que je me suis penché sur la question.

M. Pierre Pettigrew: Non, les États-Unis ont appuyé votre point de vue. Clinton a prononcé des discours qui ont contribué, comme je l'ai dit à l'époque, à durcir la position des pays en développement. Ils ont dit que c'était du protectionnisme indirect—l'administration Clinton imposait ces normes pour justement empêcher leur développement. C'était ce qui était avancé et c'est un point auquel le Canada est très sensible.

• 1620

D'après nous, il faudrait davantage de cohérence entre les institutions internationales—le BIT, le Fonds monétaire international et l'OMC. Nos organisations gouvernementales devraient favoriser davantage de cohérence ainsi que le renforcement des capacités dans les pays en développement.

Nous devrions avancer sur tous les fronts: l'environnement, les normes du travail, le commerce. Il est très important toutefois que nous laissions du travail aux autres ministres et que l'on ne se contente pas de demander au ministre du Commerce de résoudre tous les problèmes.

[Français]

Le président: Monsieur Paquette.

M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): D'abord, je voudrais vous remercier d'avoir appuyé la motion du Bloc québécois sur le bois d'oeuvre et vous dire que mon impression, qui semble confirmée par les interventions que j'entends, est que ce n'est pas tellement la position officielle du gouvernement à ce moment-ci, qui est celle du bon sens, qui pourrait avoir un effet, mais plutôt tout ce qui se passe en arrière et qu'on ne sait pas.

Avant l'accord de 1996 sur le bois d'oeuvre, il y avait un consensus sur le libre-échange et ce consensus s'est effrité au plan canadien. C'est cela qui inquiète les producteurs de bois d'oeuvre québécois, entre autres. Ils veulent savoir non seulement si le gouvernement fédéral va défendre formellement le bon sens, qui est le retour au libre-échange, mais aussi s'il sera proactif auprès de l'industrie et de ses secteurs un peu plus faibles qui, sous la pression et le harcèlement des Américains, pourraient dire que, finalement, le libre-échange serait bien, mais que dans le fond, un accord, comme une taxe à l'exportation, qui réglerait définitivement ou temporairement le problème serait mieux. C'est cela qui est inquiétant.

En ce moment, ce n'est pas tant la position officielle que tout ce qui se passe et qu'on ne sait pas qui pourrait amener un revirement de position du gouvernement fédéral sur un secteur en particulier, celui de l'industrie du bois d'oeuvre. On a des précédents. Tout le conflit qu'il y a eu autour des magazines, par exemple, s'est soldé par une demi-victoire ou un demi-échec, selon l'endroit où on est situé. Je donnais l'exemple de 1996. Donc, c'est véritablement cela qui pose problème.

Je lis à la page 12 que vous avez réitéré votre position voulant que deux émissaires spéciaux soient nommés pour recommander des solutions constructives à ce différend. On sait que, du côté du gouvernement américain, il n'y a aucune volonté, non pas d'en arriver à une transition—on n'utilisera plus ce terme pour éviter la confusion—mais de revenir à une situation normale. Ma compréhension est que le gouvernement américain a dit à l'industrie américaine d'aller devant les tribunaux car, pour eux, ce qui est important, c'est la procédure du fast track pour la négociation de la Zone de libre-échange.

Donc, je ne vois pas l'intérêt, sauf peut-être pour sauver la face du gouvernement américain, de poursuivre cette proposition d'avoir deux émissaires puisqu'il n'y a aucune volonté du gouvernement américain de trouver une solution pour amener l'industrie américaine à comprendre que le libre-échange est la solution pour les deux pays.

Qu'est-ce que le ministre entend faire, de façon proactive, pour s'assurer que le consensus actuel, parce qu'il y a un consensus presque parfait des parties dans l'industrie, survive au harcèlement qu'on va vivre à partir du 2 avril? Je pense que c'est ça, l'enjeu majeur des prochaines semaines: l'attitude du gouvernement face à ce consensus. Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté quant à la volonté du gouvernement de maintenir la situation qui va prévaloir le 2 avril, c'est-à-dire le libre-échange.

M. Pierre Pettigrew: Sur la question des émissaires, donc, vous êtes contre. M. Sauvageau disait plus tôt qu'il était pour.

M. Pierre Paquette: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je ne dis pas que je suis contre. C'est qu'à ce moment-ci...

M. Pierre Pettigrew: Vous trouvez que ce n'est pas utile.

M. Pierre Paquette: Non. Sachant qu'il n'y a aucune ouverture, on a l'impression que ça pourrait être autre chose que le libre-échange le 2 avril, qu'on serait prêt à accepter des mesures transitoires. Je sais que ce n'est pas la position du gouvernement. Alors, qu'est-ce que ces deux émissaires pourraient amener à ce moment-ci, sachant ce qu'on sait?

J'ai l'impression que le travail du gouvernement est de consolider, dans l'ensemble de l'industrie canadienne et québécoise, l'adhésion au consensus, de donner un appui à l'industrie pour traverser cette tempête par les moyens qui seront accessibles. Comme il n'y a pas d'ouverture du côté des Américains, toute forme d'ouverture va apparaître comme une faiblesse de la part du Canada.

M. Pierre Pettigrew: Vous parlez d'aide aux entreprises pour raffermir leur appui au libre-échange, que vous sentez peut-être fragilisé par la fin de l'accord. Parlez-vous d'une aide financière qui pourrait même devenir une menace de subvention?

• 1625

M. Pierre Paquette: Non. Justement, c'est pour cela que j'ai parlé d'aides qui seraient accessibles dans le cadre du dossier. On ne fait pas toujours de stratégie en public, et je le comprends très bien, mais je veux savoir si, du côté du gouvernement canadien, on va travailler à consolider et à entretenir le consensus qui, la dernière fois, s'était effrité et avait amené l'industrie québécoises à être pénalisée par des quotas.

M. Pierre Pettigrew: Le consensus, il m'a été transmis par l'industrie. Comme ministre du gouvernement, ma responsabilité est d'exercer un leadership, mais un leadership qui respecte le consensus qui s'est dégagé dans l'industrie. Les gens sont venus me voir il y a déjà un an et demi. On travaille à ce dossier depuis que je suis ministre du Commerce international, et l'industrie est venue me voir avec un consensus fragile mais réel. Sur cette base-là, nous avons pris, comme gouvernement, la décision de laisser se terminer cet accord.

Si vous me demandez ce que les gens vont penser le 2 avril, je ne sais pas ce qui va arriver le 2 avril. Je ne sais pas ce que va penser l'industrie de la Colombie-Britannique. On commence à dire que certains voudraient peut-être avoir une taxe à l'exportation. Vous dites que ça pourrait peut-être finir par toucher certains de nos producteurs de chez nous et que, parce qu'ils se sentent fragilisés, mon devoir est de les maintenir dans la foi libre-échangiste. C'est certainement, à mon avis, la meilleure position, mais vous allez comprendre que notre gouvernement a la responsabilité de rester à l'écoute de l'industrie et de vivre avec elle cette réalité à laquelle nous arriverons le 2 avril.

Je suis convaincu que notre industrie est mieux préparée que jamais pour aller vers le libre-échange. Elle est mieux organisée. Elle a organisé des conseils dans lesquels elle a déjà commencé à mettre de l'argent de côté, sachant que des frais légaux, des taxes et des droits compensateurs risquent de s'appliquer éventuellement. Tout ça a été fait.

Notre gouvernement appuie fortement l'industrie, comme il le fait depuis un an et demi, dans sa préparation pour faire face à la musique le 2 avril. Je dois vous dire que je suis assez impressionné du degré de préparation de notre industrie par rapport aux situations précédentes.

[Traduction]

Le président: Merci. Il nous reste deux minutes et demie et nous avons deux autres intervenants sur la liste, M. Casey et M. Eyking.

M. Bill Casey: Je vais essayer d'être très rapide.

En fait, je crois que nous entendrons beaucoup parler d'une taxe à l'exportation. En effet, M. Zoellick a soulevé ce point lorsque vous étiez à Washington. Nous en avons tous parlé ici et vous avez dit qu'il est possible que le B.C. Lumber Trade Council soulève cette question demain dans le cadre de vos discussions.

Lorsque M. Zoellick a soulevé la question, avez-vous conclu ou compris qu'il aimerait que le Canada impose une taxe à l'exportation par opposition à toute autre chose? La discussion s'est-elle tout simplement terminée par cette question: Envisagez-vous une taxe à l'exportation?

M. Pierre Pettigrew: J'ai fait mention de cette conversation; c'était une conversation. Je sais qu'il en a parlé publiquement et c'est la raison pour laquelle j'en parle également publiquement. Il m'a demandé si notre gouvernement envisageait une telle option. Je n'ai pas interprété son langage corporel; c'était une première rencontre qui a duré quatre heures et je ne le connais pas encore suffisamment pour savoir ce qui se cachait derrière cette question. Il m'a simplement demandé si notre gouvernement envisageait cette possibilité.

M. Bill Casey: Pourquoi le B.C. Lumber Trade Council voudrait-il...

M. Pierre Pettigrew: Je ne le sais pas; vous m'avez posé la question et j'ai répondu que personne ne me l'a encore dit, mais indirectement, j'ai appris que certaines personnes de la Colombie-Britannique en ont entendu parler. Je tiens à être clair; personne ne m'en a encore parlé, mais d'après les rumeurs, bientôt...

M. Bill Casey: Ils l'ont donc simplement dit?

M. Pierre Pettigrew: Non, officiellement, c'est ce que j'ai dit. Je l'ai entendu dire; j'en entends parler depuis des mois, mais personne ne m'a dit que nous allions renoncer au consensus qui se dégage dans notre pays depuis un an et demi pour appuyer ce concept. Tant que je ne l'apprendrai pas de source sûre, cela n'existe pas, en ce qui me concerne.

M. Bill Casey: J'ai une dernière question.

M. Pierre Pettigrew: Je peux cependant m'y préparer psychologiquement.

M. Bill Casey: Je sais que vous ne l'avez pas appris de source sûre, et je sais que vous ne l'avez pas prévu, mais si vous le prévoyez, dans le dernier protocole d'accord, une taxe à l'exportation était prévue, et le Canada atlantique en était exempté. Y a-t-il des changements qui empêcheraient au Canada atlantique d'être de nouveau exempté?

• 1630

M. Pierre Pettigrew: Tous ceux qui pour l'instant sont en faveur d'un tel concept me disent que cette taxe ne les dérange pas trop tant qu'ils n'ont pas à la payer.

M. Bill Casey: Vous répondez donc par l'affirmative, n'est-ce pas?

M. Pierre Pettigrew: Tout le monde va vouloir en être exempté. Vous me posez une question bizarre. Je vous dis qu'il n'y a pas de consensus en faveur d'une taxe à l'exportation et vous me demandez si le Canada atlantique en serait exempté au cas où il y en aurait une.

Il est intéressant de voir que le Québec lui aussi me dise que peu lui importe ce qui se passe pour la Colombie-Britannique et pour ceux qui ont proposé une taxe à l'exportation, tant qu'il n'a pas à la payer. Il n'est pas difficile d'appuyer le concept d'une taxe à l'exportation si on n'a pas à la payer.

M. Bill Casey: Je n'ai pas demandé s'ils seraient exemptés; j'ai demandé si les circonstances permettant au Canada atlantique d'être exempté avaient changé.

M. Pierre Pettigrew: Comme vous le savez, les Américains ont toujours, par tradition, exempté les provinces de l'Atlantique des droits compensateurs et des enquêtes. Ils l'expliquent en disant qu'il y a plus de terres privées au Canada atlantique, etc., et ils passent par ce processus—et Dieu merci, les provinces de l'Atlantique n'ont pas été visées. J'essaie d'élargir ce régime à d'autres provinces, car je suis convaincu que nos pratiques respectent nos obligations commerciales internationales. Nos pratiques commerciales sont équitables.

M. Bill Casey: D'accord, merci.

Le président: M. Eyking est le dernier intervenant; une minute et demie.

M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Monsieur le ministre, vous avez dit quelque chose d'intéressant, à savoir que la construction d'une nouvelle maison pourrait coûter 1 000 $ de plus aux États-Unis à cause de ces droits compensateurs.

Peut-être que notre gouvernement, en coopération avec l'industrie de la foresterie, pourrait faire comprendre aux propriétaires et aux constructeurs de maisons ce qui va se produire si ce droit compensateur est imposé—sous forme d'annonces peut-être dans le New York Times ou le Washington Post, présentant notre point de vue. Le fait d'avoir des consommateurs de notre côté pourrait faire pression sur le gouvernement.

M. Pierre Pettigrew: C'est une très bonne proposition.

Je peux vous dire que nous avons travaillé de près avec les provinces et avec l'industrie et que beaucoup de ces gens sont prêts à s'exprimer clairement. J'ai été impressionné par l'appui que nous avons obtenu au Congrès, lequel l'a dit très clairement. Dans notre travail de gouvernement, directement et par l'entremise de notre ambassade... Au cours de l'année passée, M. Doug Waddell a fait une grande partie de ce travail à Washington.

Nous avons dit ce que nous avions à dire clairement, nous avons parlé de l'amélioration de nos pratiques et du fait qu'elles sont équitables. Nous allons continuer de le faire avec nos alliés et nous espérons que l'administration américaine le comprendra.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser une petite question. J'ai entendu dire que les États-Unis reprochaient au Canada de subventionner les chemins de fer. Leur avons-nous dit qu'aujourd'hui les chemins de fer canadiens ne sont plus du domaine public mais appartiennent à des sociétés privées?

M. Pierre Pettigrew: Oui. Ils tirent sur tout ce qui bouge en ce moment.

Le président: Je vous remercie au nom du comité.

M. Pierre Pettigrew: Merci.

Le président: La prochaine séance qui aura lieu mercredi à 15h30, dans la salle 308 de l'édifice de l'Ouest, portera sur le bois d'oeuvre résineux. Plusieurs témoins intéressants doivent comparaître.

La séance est levée.

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