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SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 26 septembre 2001

• 1536

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte. Il s'agit de la neuvième réunion du Sous- comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Nous allions examiner une motion au début de la séance, mais nous ne pouvons pas le faire tout de suite car nous n'avons pas encore le quorum nécessaire. J'espère que ce sera rapidement le cas. Cela ne nous prendra que quelques instants, et nous devrons peut-être interrompre le témoin pendant cinq minutes un peu plus tard. Vous avez la motion sous les yeux, et elle est parfaitement claire.

Nous avons le grand plaisir aujourd'hui d'accueillir l'ambassadrice de la Colombie, Mme Fanny Kertzman. Nous avons déjà discuté avec M. Dubé du fait qu'elle n'a pas la traduction française de son texte, mais la prochaine fois qu'elle viendra, si elle nous envoie son document suffisamment tôt, nous pourrons le faire traduire. Et nous allons de toute façon faire traduire celui-ci. Pouvez-vous nous dire dans quel ordre vous allez nous présenter votre témoignage, en commençant par les vidéos ou en faisant votre exposé?

Mme Fanny Kertzman (ambassadrice de la Colombie): Non, je vais commencer par la vidéo.

La présidente: Bon, nous allons commencer par la vidéo. Elle dure combien de temps?

Mme Fanny Kertzman: Trois ou quatre minutes.

La présidente: Bien. Quelqu'un s'en occupe?

Mme Fanny Kertzman: Vous êtes pressé? Vous voulez partir?

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): J'aimerais passer aux questions.

Mme Fanny Kertzman: Oui, j'imagine bien.

La présidente: Pendant qu'elle prépare cela, je signale aux membres du comité que nous aurons une réunion aujourd'hui mais qu'il n'y en aura pas la semaine prochaine, et que la semaine suivante sera une semaine d'ajournement. Au retour, nous aurons le nouveau comité, et nous déterminerons à ce moment-là si nous voulons faire un voyage en novembre ou non.

M. Svend Robinson: En Colombie?

La présidente: Oui, en Colombie. Enfin, nous pourrions aller ailleurs si vous le souhaitez, au Mexique ou... La vidéo commence. Vous voulez la commenter?

M. Fanny Kertzman: Je voudrais simplement donner des explications.

Voici les répercussions d'un déversement de pétrole à la suite du dynamitage d'un pipeline en Colombie. Vous voyez que tous les champs ont été brûlés à cause de ce déversement de pétrole.

J'imagine que cette scène va vous choquer, elle m'a choquée moi aussi. C'est un massacre. Nous pensons qu'il a été commis par les groupes d'autodéfense illégaux, mais nous n'en avons pas de preuve, car je tire cette information des rapports des médias en Colombie.

• 1540

Ce sont des personnes qui voyageaient en autobus qui ont été massacrées. Ici, les guérilleros ont attaqué l'autobus et tué les passagers.

Quelqu'un m'a demandé à quand cela remontait. Je ne sais pas. Il y a un an.

Ici, les guérilleros ont attaqué une petite ville appelée El Hobo, au milieu du pays. Ils ont commencé par détruire le poste de police, mais ils s'en sont ensuite pris à toute la population en lançant des bonbonnes de gaz et ils ont détruit l'école et le dispensaire.

La présidente: C'est la même ville?

Mme Fanny Kertzman: Je crois. Le reste, c'est à peu près la même chose.

La présidente: Ces soldats sont là?

Mme Fanny Kertzman: Ce sont des soldats attaqués.

La présidente: Ils sont de la province, de cette région-là?

Mme Fanny Kertzman: Oui.

La présidente: Merci de nous avoir présenté ce film. Poursuivez.

Mme Fanny Kertzman: Je tenais à vous montrer ces images car je peux vous dire tout ce que je veux sur mon pays, cela n'aura pas la même force que ces images que nous voyons aux informations quotidiennement.

[Français]

Je m'excuse auprès de M. Dubé parce que mon français n'est pas assez bon pour que je m'exprime en français pendant ma présentation. La prochaine fois que je serai invitée ici, ma présentation sera aussi en français. Je parlerai donc en anglais, mais je comprendrai tout ce que vous me demanderez en français et je vous répondrai en anglais.

[Traduction]

Merci beaucoup, madame la présidente, de me donner l'occasion de vous faire part ainsi qu'à vos collègues de certains faits importants et de mon point de vue sur la situation actuelle en Colombie.

Certes, nous parlons de droits de la personne aujourd'hui, mais il est difficile de savoir s'il faut encore parler de violations répétées des droits de la personne commises par des groupes hors-la-loi ou de terrorisme pour décrire ce qui se passe actuellement en Colombie. Il y a des enlèvements, des massacres comme celui que vous venez de voir à l'écran, des assassinats de civils, des voitures qu'on fait sauter, des attaques contre des villages avec des bonbonnes de gaz—vous venez d'en voir une à l'écran—, des bombes cachées dans des colliers, sur des chiens, sur des ânes et même dans des cadavres humains. On a fait sauter 1 059 fois les pipelines au cours des 14 dernières années, comme sur les images que vous venez de voir. Deux cent quatre-vingt-un pylônes électriques ont été abattus en 2000. Tous ces actes vont au-delà de la définition des violations des droits de la personne et ont pour but de terroriser la population. Quand les groupes d'autodéfense hors-la-loi massacrent les gens dans une petite ville, les habitants s'enfuient. Lorsque les guérilleros marxistes attaquent un village avec des bonbonnes de gaz qui étaient destinées à faire sauter le poste de police, l'église, le bureau du maire, l'école et le dispensaire sont aussi détruits. Les gens s'enfuient.

• 1545

Jusqu'à présent cette année, il y a eu 1 655 actes de terrorisme—ou faut-il parler de violations des droits de la personne?—en Colombie, et près de sept attaques par jour de juin à août. Trente-cinq pour cent de ces attentats ont été commis par les FARC, 34 p. 100 par l'ELN, 17 p. 100 par les groupes d'autodéfense hors-la-loi, l'AUC, et 14 p. 100 par de simples délinquants généralement payés par l'un ou l'autre de ces groupes. Ces trois groupes ont été déclarés organisations terroristes par le département d'État américain. Le dernier ajouté à la liste a été l'AUC. Vous comprenez donc que lorsque je parle de l'AUC ou des groupes d'autodéfense, c'est comme quand M. Svend Robinson parle des groupes paramilitaires, on utilise simplement des noms différents pour les désigner. Juste avant que Colin Powell aille en Colombie, où il a...

M. Svend Robinson: Svend Robinson ou l'ambassadeur Rishchynski.

La présidente: En tout cas, c'est comme ça que je les appelle, des groupes paramilitaires.

Mme Fanny Kertzman: Alors que moi je les appelle des groupes d'autodéfense.

Colin Powell devait arriver le 11 septembre.

Vous vous demandez peut-être ce que le gouvernement colombien fait pour protéger sa population de cette menace. Certains voudraient vous faire croire que le gouvernement est responsable de la violence endémique et du terrorisme qui ravagent mon pays. Rien ne saurait être plus faux. La situation en Colombie est extrêmement complexe et il est beaucoup trop simpliste d'accuser le gouvernement légitime de ne pas être en mesure de protéger la population. En réalité, l'État ne peut pas être présent partout en Colombie.

Nous sommes en train de moderniser notre système juridique, nous investissons dans la santé et l'éducation, nous construisons des routes dans les zones reculées. Nous faisons de notre mieux avec des ressources limitées. Mais parlez-moi d'un autre pays dans le monde qui soit confronté au défi du développement et aux menaces de trois organisations terroristes financées par le narcotrafic, sans mettre en péril son régime démocratique. Il arrive dans ce genre de situation que les gouvernements qui croient à la démocratie soient obligés de faire front commun contre la menace du terrorisme.

Le terrorisme a frappé les États-Unis de façon effroyable en faisant plus de 6 000 victimes en un seul jour, le 11 septembre. Nous avons ressenti personnellement cette tragédie nous aussi. Parmi les victimes figuraient 361 Colombiens, soit le plus grand nombre de personnes d'un autre pays que les États-Unis. Pourquoi autant de Colombiens? Parce que, par une triste ironie du sort, beaucoup d'entre eux fuyaient le terrorisme. Près de 400 000 Colombiens ont fui leur pays au cours des deux dernières années, terrorisés, désespérés et dégoûtés par la terreur à laquelle ils sont confrontés chaque jour. La communauté colombienne de New York représente près d'un million de personnes, soit le deuxième plus grand groupe de latino-américains. Et comme l'ambassadeur Guillermo Rishchnyski vous l'a dit la semaine dernière, l'ambassade canadienne à Bogota croule sous les demandes d'immigration.

Il y a deux groupes de guérilleros marxistes en Colombie, les FARC et l'ELN. Ces organisations ne regroupent pas plus de 20 000 individus. Elles se financent en enlevant des innocents pour obtenir des rançons, en faisant chanter des entreprises—aujourd'hui, par exemple, il y a 82 villes dans lesquelles on ne peut pas vendre de bière ou de boissons gazeuses parce que ces villes ne versent pas le tribut exigé par les guérilleros—et en faisant payer de prétendues taxes aux narcotrafiquants, cultivateurs, transformateurs et expéditeurs de cocaïne. Les groupes d'autodéfense hors-la-loi prétendent être forts de 8 000 membres. Ils ont été fondés par de riches trafiquants et de riches propriétaires fonciers pour se protéger des guérilleros marxistes. Ils ont publiquement reconnu que leur argent venait du narcotrafic.

• 1550

Les groupes de guérilleros marxistes et d'autodéfense, le nombre d'attentats terroristes, de massacres et d'enlèvements ont suivi une progression parallèle à celle du commerce de la drogue. La Colombie est malheureusement le premier producteur mondial de cocaïne. L'Afghanistan, refuge d'Oussama ben Laden, est le premier producteur mondial d'opium, matière première de l'héroïne. Il fournit 70 p. 100 de l'opium mondial. La Colombie fournit 79 p. 100 de la cocaïne mondiale. La drogue et le terrorisme, c'est le même schéma que l'on retrouve dans ces deux pays si éloignés et si différents.

Le terrorisme financé par le trafic de drogue n'est pas nouveau en Colombie. Nous avons subi des attaques effroyables complotées par l'ancien baron de la drogue Pablo Escobar lorsqu'il voulait éviter d'être extradé vers les États-Unis. Il s'en est pris à des civils innocents, à des fonctionnaires du gouvernement et à des membres de la police nationale en pratiquant une politique de la terreur qui a ébranlé les fondements de notre régime démocratique, le plus ancien et le plus stable de l'Amérique latine. Il a ordonné la mort de plus de 4 000 personnes, dont quatre candidats à la présidence, un ministre de la Justice et plus de 150 policiers. Il a payé ses tueurs moins de 1 000 $ canadiens pour faire abattre des policiers à Medellin. Il a organisé une attaque sanglante contre le palais de justice de Bogota, au cours de laquelle plus de 90 personnes ont été tuées, dont 11 magistrats de la Cour suprême. L'un des candidats à la présidence assassiné, Carlos Pizarro, a été abattu par un tueur dans un avion commercial en plein vol.

Escobar a fait sauter un avion qui transportait 107 personnes, qui ont toutes été tuées. Il a fait sauter d'innombrables voitures dans les rues de Bogota, de Medellin et de bien d'autres villes, tuant des civils innocents. Il a fait exploser un autobus en face de l'agence de renseignement colombienne, tuant 70 personnes. C'est un peu comme si l'on faisait exploser une bombe ici devant l'immeuble du SCRS et qu'on tuait 70 personnes. Il a fait assassiner Guillermo Cano, le directeur d'un des journaux les plus anciens et les plus prestigieux de Colombie, et ensuite il a fait sauter les locaux du journal eux-mêmes.

Le narcotrafic a eu un effet extrêmement déstabilisateur sur la société colombienne. Il a sapé les principes de bon gouvernement du pays, alimenté la corruption et estompé la distinction entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. Il a fait de la violence une manifestation quasi naturelle et permanente des relations sociales et politiques. Les organisations rebelles ont abandonné la cause de la justice qu'elles revendiquaient autrefois au profit des gains financiers qu'elles tirent de la production et de la distribution de drogue. Elles ont été corrompues par l'argent qu'elles tiraient de la drogue. Elles sont devenues des organisations terroristes au même titre que Pablo Escobar. Et surtout, les narcotrafiquants ont pris en otage l'avenir radieux et prospère auquel pourraient aspirer les habitants de la Colombie.

Les narcotrafiquants sont en train de voler l'un des pays les plus beaux et les plus généreux du monde à sa population. Ils ont volé de nombreuses années de l'histoire de la Colombie qui auraient dû être consacrées au progrès social et économique, un progrès qui est toujours paralysé parce que toutes les ressources financières et humaines de la Colombie doivent être mobilisées pour lutter contre le narcotrafic, la guérilla marxiste et les groupes d'autodéfense hors-la-loi—c'est-à-dire notre lutte contre le terrorisme.

Même après que la police nationale ait finalement réussi à abattre Pablo Escobar en 1993, la terreur s'est poursuivie. L'argent de la drogue continue de financer des attentats contre les Colombiens. D'après le ministère de la Défense, au cours des cinq années allant de 1995 à l'an 2000, les guérilleros marxistes ont tué 3 657 civils, enlevé 7 293 personnes et attaqué 326 villes et villages. Durant la même période, les groupes d'autodéfense hors- la-loi ont massacré ou assassiné 3 235 civils et kidnappé 455 personnes. Imaginez une seule attaque de ce genre dans vos circonscriptions, une attaque comme celle que nous venons de voir à l'écran, une attaque avec des bonbonnes de gaz qui font sauter Lévis ou Burnaby.

• 1555

Au cours des 14 dernières années, les guérilleros marxistes ont fait sauter le plus important pipeline de Colombie 1 059 fois, provoquant des déversements de pétrole dix fois plus importants que lors de la catastrophe de l'Exxon Valdez. Les guérilleros marxistes ont abattu 280 pylônes électriques l'an passé, privant des milliers de pauvres Colombiens d'électricité pendant des semaines. Pourquoi ces guérilleros marxistes s'en prennent-ils si sauvagement à l'infrastructure de la Colombie? Parce qu'ils veulent faire chanter les sociétés d'énergie, et que comme celles-ci refusent de céder au chantage, les terroristes les frappent au coeur de leur activité. Posez la question à Enbridge. Ils ont le plus gros pipeline de Colombie. Ce pipeline a sauté en 1998, tout près de la petite ville de Machuca. Le pipeline a flambé et plus de 84 personnes sont mortes.

En avril 1999, les forces de l'ELN ont détourné un avion d'Avianca avec 46 personnes à bord. Les passagers et l'équipage ont été détenus en otage pendant plus d'un an. Ils ont tous dû payer une rançon. Deux d'entre eux sont morts. S'agit-il de terrorisme ou de violation des droits de la personne? Imaginez qu'on détourne un avion d'Air Canada faisant la liaison entre Ottawa et Toronto vers une zone rurale des territoires du Nord. À votre avis, que feraient les familles des passagers et de l'équipage? Que ferait la GRC, que ferait l'armée, que ferait le gouvernement fédéral? Je pense qu'on ne serait pas loin de la Loi sur les mesures de guerre.

Les terroristes ne respectent aucune frontière. Trois terroristes de l'IRA ont récemment été arrêtés en Colombie après une visite de cinq semaines dans la zone démilitarisée où le gouvernement mène des négociations de paix avec les FARC. Selon les services de renseignement de l'armée, au moins 15 terroristes de l'IRA seraient allés dans la zone démilitarisée pour donner une formation aux tactiques de guérilla urbaine, ou mieux, de terrorisme. C'est l'IRA qui a mis au point la technique de l'utilisation des bonbonnes de gaz comme bombes, ces bombes qui sont devenues l'arme non conventionnelle la plus communément utilisée par les guérilleros marxistes pour terroriser les populations civiles. Ils utilisent aussi les mines antipersonnel. Les guérilleros marxistes colombiens ont aussi invité des terroristes basques espagnols de l'ETA.

Si l'on reprend le vocabulaire utilisé avant le 11 septembre, il faudrait dire que c'est le droit humain le plus fondamental, le droit à la vie, qui est le plus violé dans mon pays. L'an dernier seulement, 26 000 personnes ont été tuées en Colombie, sur une population de 40 millions d'habitants. Ici au Canada, avec 30 millions d'habitants, 570 personnes ont connu une mort violente l'an dernier. Quarante millions d'habitants, 26 000 morts violentes, c'est 65 décès pour 100 000 habitants, contre 1,9 mort violente pour 100 000 habitants au Canada, c'est-à-dire 32 fois plus en Colombie. Toute mort est tragique.

Trois mille sept cents personnes ont été kidnappées l'an dernier en Colombie. Ici au Canada, il y a eu 43 enlèvements, et la plupart du temps il s'agissait d'enfants enlevés par des parents qui se battaient pour leur garde. La semaine dernière, une fillette de 11 ans a été enlevée dans son autobus scolaire à Cali. Il y a deux ans, six jeunes élèves ont été enlevés de la même façon. Deux cent treize enfants ont été kidnappés cette année en Colombie, dont 29 étaient des jeunes enfants en bas âge. Et je ne parle pas ici des milliers d'enfants qu'on oblige à quitter leur famille pour devenir des enfants soldats dans les rangs de la guérilla marxiste.

Parlons des droits de la personne. Plus les narcotrafiquants, les guérilleros marxistes, les groupes d'autodéfense hors-la-loi et autres éléments criminels se concurrencent pour avoir de l'argent, plus la violence augmente. Les véritables auteurs de violations des droits de la personne en Colombie, ce sont les guérilleros, les groupes d'autodéfense hors-la-loi de droite et les narcotrafiquants. De 1995 à 2000, la guérilla marxiste a été responsable de près de 80 p. 100 de toutes les violations des droits de la personne ou des actes terroristes. Il y a eu près de 20 000 cas de violation de ces droits, qu'il s'agisse d'assassinats, d'enlèvements, de massacres, d'attaques contre des villages et d'autres actes de terrorisme barbares. Les groupes d'autodéfense hors-la-loi ont été responsables de 19 p. 100 de ces violations, et des éléments individuels de l'armée colombienne ont été responsables de moins de 2 p. 100 de ces violations.

• 1600

L'an dernier, ce rapport s'est modifié. Les groupes d'autodéfense hors-la-loi se développent en réaction à la croissance et au renforcement financier de la guérilla marxiste. Les effectifs de ces groupes d'autodéfense hors-la-loi ont presque doublé l'an dernier et ont commis 31 p. 100 des cas de violation des droits de la personne connus.

Pendant ce temps, les violations commises par des éléments isolés de l'armée ont considérablement diminué. Les plaintes officielles contre les forces de sécurité publique ont beaucoup diminué. En 1995, il y a eu 3 000 plaintes officielles. En 2000, il y en a eu 430 au total. En examinant le bien-fondé de ces plaintes, le bureau du procureur général indépendant a donné suite à 57 p. 100 de ces plaintes, et il ne s'agit que de 0,22 p. 100 des forces de sécurité publique. Cette année, les forces armées ont été responsables de seulement 0,3 p. 100 du total des violations des droits de la personne.

Le FARC, l'ELN et les groupes d'autodéfense hors-la-loi ont prouvé qu'ils n'avaient aucun respect pour les droits de la personne. Les guérilleros marxistes enlèvent de jeunes enfants à leurs parents, les obligent à devenir des enfants soldats et à se battre en première ligne. Les enfants de moins de 17 ans représentent jusqu'à 30 p. 100 de l'effectif des guérilleros. Pour aider ces enfants pris dans cet engrenage de l'horreur, le président Pastrana a décrété que les enfants capturés au combat, ou qui réussissent à s'enfuir de ces groupes, ou qui se font prendre à faire du trafic de drogue, seront considérés comme victimes et pardonnés. Dans les négociations de paix en cours, le président Pastrana a accordé une très grande priorité à une entente visant à mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats. J'espère que tous ceux qui se préoccupent des droits de la personne sont bien conscients du sort de ces enfants.

Tous les Colombiens sont victimes de cette violence, les femmes et les enfants, les civils et les militaires, les gens d'affaires, les fonctionnaires, les juges et les policiers, les élus politiques et les dirigeants syndicaux. Dimanche, la femme du procureur général a été enlevée par les guérilleros qui avaient dressé un barrage routier. Pouvez-vous imaginer le bruit que cela ferait au Canada si on enlevait la femme du procureur général ou du solliciteur général? Cette femme était également une ancienne ministre de la Culture.

Toutefois, malgré cette triste réalité, nous voyons la lumière au bout du tunnel. Le gouvernement de la Colombie a pris de nombreuses mesures l'an dernier pour améliorer la situation des droits de la personne dans notre pays. Comme l'a signalé en avril dernier le haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, une nouvelle loi prévoyant des mesures contre les disparitions forcées, le génocide, les déplacements forcés et la torture est entrée en vigueur en 2000. Un nouveau Code criminel et un nouveau code militaire, qui prévoient tous deux d'importantes normes en matière de droits de la personne et de droit humanitaire, sont également entrés en vigueur. Le gouvernement a également ratifié la convention d'Ottawa sur l'élimination des mines antipersonnel et un certain nombre de traités de l'Organisation internationale du travail.

Aux termes de la convention d'Ottawa et avec la collaboration du Canada, les forces armées colombiennes détruisent leurs stocks de mines antipersonnel. Dans l'intervalle, les guérilleros continuent à les poser un peu partout, ce qui cause des mutilations chez de jeunes enfants innocents.

Les forces armées de la Colombie reçoivent une formation sur les droits de la personne avec la collaboration du gouvernement du Canada. Pensez-vous un seul instant que les guérilleros marxistes et les groupes d'autodéfense hors-la-loi sensibilisent leurs membres aux droits de la personne? Nous consacrons d'énormes ressources à l'amélioration du professionnalisme des forces armées, en mettant fortement l'accent sur la sensibilisation aux droits de la personne. Des bureaux de rapports sur la situation des droits de la personne ont été établis dans tout le pays; il y a déjà en place 181 spécialistes des droits de la personne chargés de répondre aux plaintes précises du grand public.

• 1605

Il va s'en dire que les enfants ne sont pas mobilisés par les forces armées. Nous ne mobilisons pas les enfants de moins de 18 ans.

Nous avons mis à pied de façon discrétionnaire plus de 300 membres des forces armées l'an dernier.

Nous luttons comme jamais auparavant contre les groupes d'autodéfense hors-la-loi. Cette année, les forces armées ont arrêté plus 300 de leurs membres. Cela représente une augmentation de plus de 200 p. 100 par rapport à l'an 2000.

La population colombienne appuie ses forces armées. Les Colombiens croient en leurs institutions démocratiques et en leur gouvernement. Ils veulent qu'on mette fin à la violence et qu'on rétablisse la paix. Selon un sondage d'opinion publique effectué par Gallup, il ressort que la population soutient plus que jamais l'armée en Colombie. Les gens appuient leur gouvernement et veulent que nous reprenions le pays aux mains des criminels. Soixante-douze pour cent des Colombiens ont une idée positive de leurs forces armées. Cette institution est la plus respectée en Colombie. Elle passe avant l'Église catholique. Seulement 2 p. 100 des Colombiens ont une image positive des guérilleros marxistes, et 8 p. 100 ont une image positive des groupes d'autodéfense hors-la-loi.

Tout gouvernement légitime, comme le mien, a non seulement le droit mais également le devoir de se défendre et de défendre son peuple. C'est pourquoi il nous faut renforcer nos institutions, notre gouvernement, notre système juridique, nos forces armées et policières, de façon à pouvoir protéger tous les citoyens.

Nous sommes, et continuerons d'être ouverts et francs au sujet de notre situation, nos défis, nos actes et nos progrès. Là encore, les Colombiens sont derrière nous. Ils croient en leur gouvernement élu et le gouvernement croit en eux. Si les forces armées étaient coupables de violation des droits de la personne en Colombie, la population ne les appuierait jamais. Mais je le répète, nous ne pouvons pas et ne devons pas mener cette lutte seuls. Nous avons besoin de votre soutien en tant que députés qui représentent la population canadienne. Nous avons besoin que vous vous préoccupiez de la Colombie, mais nous avons également besoin de votre engagement et de votre coopération avec notre pays, sa population et ses institutions démocratiques pour nous soutenir dans la lutte contre le narcotrafic, les terroristes et la criminalité.

Les drogues financent le terrorisme, pas seulement en Colombie et en Afghanistan, mais dans le monde entier. Nous demandons instamment à la communauté internationale de s'engager de façon concrète et durable à lutter contre le terrorisme à l'échelle internationale, y compris en Colombie. Aucun pays du monde n'a payé plus cher que le mien dans la lutte contre le trafic de drogues.

Nous nous réjouissons du leadership dont le Canada fait preuve en tant qu'intermédiaire dans le processus de paix, et nous lui en sommes reconnaissants. L'expérience qu'a le Canada des opérations d'établissement de la paix est essentielle à nos efforts en vue d'établir la paix et de rétablir l'ordre et la primauté du droit en Colombie. Le monde a changé au lendemain du 11 septembre. Aujourd'hui, je vous invite, je vous demande instamment de vous joindre à nous dans nos efforts en vue de lutter contre la terreur.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame l'ambassadeure, étant donné qu'il y a eu certaines discussions avant notre réunion, pourriez-vous préciser pourquoi vous parlez de groupes d'autodéfense hors-la-loi plutôt que de groupes paramilitaires.

Mme Fanny Kertzman: Parce que si nous parlons de force paramilitaire, nous pourrions dire également que les guérilleros sont des paramilitaires, car un membre de groupe paramilitaire, c'est quelqu'un qui ressemble à un soldat mais qui n'en est pas un et les guérilleros utilisent les mêmes uniformes. Pourquoi donc devrions-nous appeler paramilitaires les groupes d'autodéfense hors-la-loi et pas les guérilleros? Ils utilisent les mêmes armes, ils portent les mêmes uniformes et se ressemblent. C'est pourquoi nous faisons une distinction entre les groupes d'autodéfense hors- la-loi. En Colombie, on n'utilise plus le terme paramilitaire, mais on parle plutôt d'autodéfense, soit en espagnol autodefensa.

La présidente: C'est bien.

M. Svend Robinson: Au sujet du même rappel au Règlement.

La présidente: Ce n'était pas un rappel au Règlement. Pouvez- vous attendre votre tour de poser des questions?

M. Svend Robinson: Mon intervention porte précisément sur cette question, madame la présidente. J'aimerais obtenir une explication.

La présidente: Allez-y.

• 1610

M. Svend Robinson: J'ai en mains une lettre écrite par Mme l'ambassadeure Kertzman le mercredi 14 mars dernier, où elle utilise en fait ce terme. Elle parle de la lutte contre les forces paramilitaires. Je ne sais pas si la position de Mme l'ambassadeure a changé entre le 14 mars et aujourd'hui, mais dans sa lettre elle utilise bien le terme paramilitaire.

La présidente: Oui, c'est possible.

Mme Fanny Kertzman: Nous avons effectivement changé de position en décidant de ne plus utiliser ce terme.

La présidente: Très bien.

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, AC): Même si le terme a changé, vous avez expliqué à juste titre qu'il y a deux groupes en présence dans votre pays.

La présidente: Obhrai, souhaitez-vous avoir votre...

M. Svend Robinson: C'est sa lettre.

M. Deepak Obhrai: Oui, mais je dirais que ce n'est pas très important. Nous devons nous préoccuper de problèmes bien plus sérieux que ceux de la compétence, qu'on parle de groupes paramilitaires ou d'autodéfense.

La présidente: Puis-je intervenir?

M. Deepak Obhrai: Oui.

La présidente: Nous allons faire un tour de cinq minutes, mais si nous constatons que vos questions appellent des réponses un peu plus longues, tout le monde interviendra une fois et nous ferons un autre tour ensuite. Il n'y a pas beaucoup de libéraux présents pour poser des questions.

Nous vous écoutons, Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci de votre présence et de l'aperçu très honnête que vous nous avez donné de votre pays. J'apprécie cette franchise, ce sens de la vérité et l'appel que vous lancez compte tenu des gros problèmes auxquels se heurte votre pays. Nous savons tous que votre pays est confronté à une tâche difficile, et que c'est tout un défi. Quelle que soit l'orientation qu'a suivie ce pays par le passé, il est confronté aujourd'hui à énormément de problèmes.

Il y a deux ou trois choses qui m'intéressent, et ensuite, lorsque mon collègue Svend vous aura parlé, j'y reviendrai sans doute. J'aimerais entendre ce qu'il a dire.

J'ai trois questions à poser. Je vais vous les poser ensemble. Votre pays est en pleine campagne électorale. Vous êtes une démocratie. Vous pourriez peut-être nous parler des élections et de l'incidence qu'elles auront sur la situation dans votre pays, nous dire si les pourparlers de paix et toutes les autres initiatives en cours vont tomber à l'eau? Quelle est la position des terroristes des deux côtés par rapport aux élections? Quel rôle jouent-ils?

Vous pourriez peut-être nous faire une mise à jour au sujet du diplomate qui a été enlevé dernièrement en Colombie.

Mme Fanny Kertzman: Les Allemands?

M. Deepak Obhrai: Oui, cet enlèvement. Que s'est-il passé?

Que pense le gouvernement de la Colombie des activités de pulvérisation actuellement en cours dans votre pays, sur les champs de coca, ou de cocaïne, je ne sais pas comment les appeler, et sur l'efficacité de ce programme? Je crois savoir que l'Union européenne a exprimé sa préoccupation en disant que ce n'était pas une façon efficace de s'attaquer aux problèmes.

Je crois que c'est tout. Je participerai sans doute à un deuxième tour.

Mme Fanny Kertzman: Je vais commencer par votre deuxième question, qui est la plus facile. Nous savons que les cinq kidnappeurs ont enlevé les trois employés allemands du GTZ, qui est l'agence de coopération du gouvernement allemand. C'est un peu comme si on enlevait trois employés de l'ACDI en Colombie. Ces personnes ont été enlevées dans un secteur autochtone très proche de là où se trouvait Mme Phinney. Elle est allée à Popay«en. C'est la capitale du département où les Allemands ont été enlevés. Après leur enlèvement, 7 000 Autochtones ont organisé une marche pour exiger la libération de ces personnes, qui participaient à des programmes de coopération vraiment utiles pour ces pauvres Autochtones de la Colombie.

Les Allemands ont été enlevés il y a trois ou quatre semaines. Un d'entre eux s'est échappé il y a deux jours. Un paysan l'a trouvé en larmes au bord de la route. Il ne parlait pas l'espagnol, était malade et a été immédiatement amené dans un centre médical. Il est de retour en Allemagne où il est arrivé hier.

Il reste donc deux Allemands aux mains des guérilleros. D'après ce que j'ai appris en discutant hier avec l'ambassadeur Rishchynski, les diplomates des pays qui jouent le rôle de médiateurs ont déclaré aux guérilleros colombiens qu'ils ne poursuivraient plus aucun pourparlers avec eux tant que ces deux personnes et l'ancien gouverneur du département de Meta, qui avait été enlevé d'un véhicule de l'ONU et emmené dans la zone démilitarisée, seraient remis en liberté. Voilà tout ce que nous savons à ce sujet. Ils n'ont pas été libérés.

• 1615

Quant aux activités de pulvérisation, en Colombie, cela se fait sur les champs de plus de trois hectares. Dans les petites régions, on détruit à la main les cultures de coca. Les pulvérisations par avion se font avec du glyphosate. Malgré toutes les allégations selon lesquelles le glyphosate est nocif pour la santé humaine et tue les animaux, il n'existe aucune preuve scientifique à ce sujet. Seulement 10 p. 100 du glyphosate utilisé en Colombie sert à pulvériser par avion les cultures de coca. La plupart du glyphosate utilisé dans notre pays sert à l'épandage des cultures de café.

La présidente: De façon fortuite, vous voulez dire?

Mme Fanny Kertzman: Pas du tout.

La présidente: C'est fait de façon délibérée?

Mme Fanny Kertzman: Un instant. C'est un herbicide. C'est l'herbicide le plus utilisé du monde. Il a été approuvé dans 180 pays. Aux États-Unis et au Canada, on l'appelle Roundup, et on l'utilise dans tous les jardins au Canada. Ce qui est vraiment néfaste pour l'environnement colombien, c'est la destruction de la forêt tropicale par les trafiquants de drogues qui veulent faire pousser du coca. Plus d'un million d'hectares ont été détruits pour faire place à des cultures de coca en Colombie. Pour cultiver un hectare de coca, il faut détruire quatre hectares de forêt tropicale, et plus de 2,3 millions de tonnes de produits chimiques ont été déversés dans les rivières et dans le sol de la Colombie à cause des cultures de coca. Les produits chimiques qui sont utilisés sont des produits interdits, comme le DDT, le parathion et le paraquat, et je n'entends jamais personne se plaindre du fait que les narcotrafiquants utilisent ce genre de produits chimiques interdits pour leurs cultures de coca. Les gens se plaignent du glyphosate, alors qu'il n'existe aucune preuve que ce produit soit nocif pour les humains ou les animaux.

Quant aux élections, elles ont une incidence sur la situation. Comme l'ambassadeur Rishchynski vous l'a dit la semaine dernière, il y a quatre candidats que nous pouvons qualifier de sérieux. L'un d'entre eux est Luis Eduardo Garzon. Je crois comprendre qu'il est venu au Canada. C'est un dirigeant syndical, comme vous le savez. Un autre candidat est Noemí Sanín, qui était auparavant ministre des Affaires étrangères de la Colombie. Les autres candidats sont Alvaro Uribe et, celui qui est en tête des sondages, Horacio Serpa du Parti libéral. Les trois derniers candidats ont adopté une position très dure à l'égard du processus de paix, qu'ils critiquent ouvertement. Le plus critique des trois est Alvaro Uribe, dont la cote monte rapidement dans les sondages.

Nous prévoyons que le prochain gouvernement se fera instamment demander par la communauté internationale de maintenir les négociations dans l'état actuel. Les preuves s'accumulant, comme je vous l'ai montré, de la participation des guérilleros à des activités terroristes et Colin Powell ayant déclaré dimanche, je crois bien, que les activités antiterroristes des États-Unis ne se limiteraient pas à Oussama ben Laden et à son groupe, ni aux groupes terroristes des pays arabes, mais incluraient également les trois groupes colombiens, nous nous attendons qu'il y ait beaucoup de pression internationale exercée sur le nouveau gouvernement de la Colombie et sur les guérilleros. Nous nous attendons que ce gouvernement fasse rapidement évoluer les négociations de paix, parce que les conditions vont certainement changer avec l'arrivée d'un nouveau président.

La présidente: Merci.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, madame la présidente.

D'entrée de jeu, j'aimerais dire, madame Kertzman, que je ne suis pas du tout affecté par le fait que vous vous soyez exprimée uniquement en anglais. Je comprends bien. L'exigence de notre parti concerne plutôt les représentants du gouvernement du Canada qui viennent nous faire des présentations unilingues. Ce n'est pas votre cas. Alors, vous êtes tout à fait excusée.

• 1620

Dans le domaine des excuses, je fais partie de ce Parlement et, sans vouloir exporter nos chicanes, je voudrais déplorer le fait qu'il n'y a aujourd'hui aucun représentant du parti gouvernemental à l'exception de la présidente. Il y a trois partis de l'opposition qui sont ici, qui sont venus vous écouter et je pense que votre témoignage est clair.

Je ne suis pas un spécialiste. Ma nomination au sein du comité remonte à quelques mois. Je connais ce qu'on appelle le Plan Colombie et l'investissement que les Américains font à ce niveau. Peut-être pourriez-vous dire votre satisfaction à l'égard de ce que font les États-Unis, mais j'aimerais que vous nous parliez surtout de la satisfaction de votre gouvernement à l'égard de la position canadienne face à la Colombie. Est-ce que vous êtes satisfaite des efforts qui ont été entrepris? Quelles sont vos attentes, à ce stade-ci, à l'endroit des parlementaires canadiens?

Mme Fanny Kertzman: Je m'excuse de ne pas parler en français.

[Traduction]

Le Canada et la Colombie ont des relations très amicales. David Kilgour s'est rendu un bon nombre de fois en Colombie—je crois comprendre que c'est plus de six fois—et Mme Phinney était en Colombie il y a deux mois. Sauf erreur, elle était très heureuse de son voyage.

La présidente: Seulement un peu nerveuse.

Mme Fanny Kertzman: M. Robinson également est allé en Colombie. Le tourisme entre les deux pays n'est pas très important. Nous nous attendons à ce qu'il augmente dans l'avenir.

Vous avez raison de dire que l'aide du gouvernement américain est axé sur le plan Colombie, qui n'est pas uniquement un plan militaire. Seule la moitié des fonds servent à des fins militaires; le reste sert à la promotion des droits civils, à la défense, et au renforcement de la justice.

Dans le cas du Canada, nous avons des programmes de coopération avec l'ACDI. Je crois comprendre que l'ACDI donne environ 10 millions de dollars canadiens par année. L'ACDI a changé de perspective. Elle se concentrait précédemment sur les télécommunications. Aujourd'hui, elle s'intéresse plus particulièrement aux aspects humains que le gouvernement canadien estime ne pas être pris en compte par le plan Colombie. Le Canada s'occupe donc beaucoup de l'éradication des mines terrestres, de l'aide aux personnes déplacées et de la protection des droits de la personne. Comme je vous l'ai dit, par exemple, tous les programmes d'instruction sur les droits de la personne dispensés aux militaires de Colombie fonctionnent avec le soutien du gouvernement du Canada.

Ce que nous attendons du gouvernement du Canada, c'est qu'il comprenne la situation en Colombie, et qu'il appuie nos institutions démocratiques. À cet égard, j'éprouve une satisfaction sans partage. Je trouve vraiment que le Canada a beaucoup appuyé la Colombie et lui a été d'une grande aide. L'ambassadeur Rishchynski joue un rôle remarquable en qualité de courroie de transmission pour le processus de paix. Il participe activement à ce processus et il est un chef de file au sein des instances diplomatiques. Je lui dis d'ailleurs que son problème, c'est qu'il parle trop bien l'espagnol, de sorte qu'on ne peut pas mal interpréter ce qu'il dit. Il n'a pas droit à l'erreur, parce qu'il ne peut pas dire qu'il a été mal cité ou qu'on a déformé ses propos.

• 1625

En général, la Colombie a une relation très amicale avec le Canada. Le président Pastrana est venu ici en visite d'État en 1999. Lloyd Axworthy s'est rendu en Colombie en 2000. Ce que nous attendons de vous, c'est simplement votre compréhension et votre appui.

[Français]

M. Antoine Dubé: Oui, on peut dire qu'il y a peut-être une attitude d'écoute, d'aide, etc., mais vos problèmes me semblent immenses. Je vais poser ma question autrement. Est-ce qu'il y a d'autres pays, à l'exception des États-Unis, qui offrent à votre pays un type d'aide dont vous pourriez nous parler, qu'il s'agisse de la France, du Mexique ou de quelque autre pays? Est-ce que vous pourriez parler du type d'aide que d'autres pays vous apportent?

[Traduction]

Mme Fanny Kertzman: Au total, le plan Colombie représente 7,5 milliards de dollars: 4 milliards proviennent des contribuables colombiens, les États-Unis versent 1,3 milliard et les institutions multilatérales telles que la Banque Mondiale et la BID donnent environ 400 millions de dollars. Nous nous attendions à la coopération des pays européens, du Japon, du Mexique, du Brésil et de l'Argentine. Nous avons obtenu auprès de ces pays un peu plus de 300 millions de dollars US, mais c'est tout. De son côté, le Canada a accordé à la Colombie, en assistance bilatérale, 40 millions de dollars US sur une période de cinq ans. Si l'on compare cela à ce que donnent les pays européens, qui offrent un peu plus de 300 millions de dollars également sur une période de cinq ans, on peut dire que le Canada fait un effort important, mais il s'agit là de l'argent attribué à la Colombie avant le plan Colombie. Du fait du plan Colombie, il n'y a pas eu de sommes supplémentaires accordées par le Canada à la Colombie, parce que la somme dont j'ai parlé est une aide bilatérale. Je crois comprendre qu'elle ne fait pas partie du plan Colombie.

La présidente: Merci.

Svend Robinson.

M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente.

J'ai écouté avec intérêt la déclaration de Mme l'ambassadeure Kertzman. Elle doit savoir que, lors de la dernière réunion de notre comité où a comparu l'ambassadeur Rishchynski, j'ai exprimé mes préoccupations au sujet de remarques faites par Mme l'ambassadeure concernant Bill Fairbairn du Comité inter- églises sur les droits de la personne en Amérique latine. Dans la lettre dont j'ai parlé plus tôt en date du 14 mars 2001, écrite par Mme l'ambassadeure, celle-ci accuse M. Fairbairn de manquer d'objectivité; voici ce qu'elle déclare:

    Il ne dénonce jamais les milliers d'assassinats, d'enlèvements et d'attaques [...] commis par les guérilleros, les acteurs les plus violents du conflit colombien.

J'ai en main deux documents. J'ai une déclaration qui a été préparée pour les consultations sur les droits de la personne tenues par le Comité inter-églises des droits de la personne en Amérique latine, en février dernier, où l'on dénonce de façon très énergique et sans ambiguïté le comportement des guérilleros. J'ai également en main le mémoire qui a été présenté au Comité des affaires étrangères le 2 décembre 1999, où l'on trouve une critique tout aussi virulente. Il s'agit du mémoire intitulé «Hearing the Cry», du Comité inter-églises qu'a présenté Bill Fairbairn, et où l'on peut lire entre autres ce qui suit:

    Les guérilleros de Colombie ont été la cause des nombreux actes de violence politique et ont été responsables de graves violations du droit humanitaire international, ce dont ils doivent rendre compte. Le Comité inter-églises sur les droits de la personne en Amérique latine a condamné à maintes reprises les violations des droits de l'homme commises par les guérilleros, et notamment la pratique des enlèvements, des assassinats de civils non combattants [...]

Et ainsi suite.

Je me demande si, à la réflexion, Mme l'ambassadeure n'est pas prête à admettre non seulement que sa déclaration était erronée, dangereuse pour la sécurité de M. Fairbairn et de l'organisation qu'il représente, contraire à la directive du président Pastrana à ce sujet, mais en outre si elle est prête à présenter ses excuses à M. Fairbairn pour cette déclaration tout à fait trompeuse et voire même malhonnête.

Mme Fanny Kertzman: Le rapport de M. Fairbairn dont vous parlez ne m'a jamais été remis. Comme vous l'avez dit, il a été remis au MAECI, si je ne m'abuse.

• 1630

M. Svend Robinson: À notre comité. C'est un document public.

Mme Fanny Kertzman: Je n'ai jamais reçu copie de ce rapport. Dans ma lettre, je parle de l'article publié le 7 mars. C'est dit clairement dans ma lettre que vous avez en main. C'est pourquoi j'ai envoyé une lettre au Ottawa Citizen. Voici ce qu'on peut y lire:

    «Plus précisément, le discours du Canada devrait attirer l'attention sur les cas répétés de violations flagrantes et systématiques des droits de la personne commises par l'armée et ses alliés paramilitaires», peut-on lire dans le rapport présenté par le comité.

Puis, dans un autre paragraphe de l'article, on peut lire ceci:

    Le comité a demandé instamment au Canada de donner l'exemple aux Nations Unies en dénonçant le fait que le gouvernement colombien autorise son armée à participer à des atrocités contre des civils.

Dans ma lettre, je fais allusion à l'article paru dans le Citizen. M. Fairbairn ne m'a jamais communiqué le moindre document où il dénonçait les guérilleros.

M. Svend Robinson: Madame la présidente, j'espérais que, avant de s'attaquer à M. Fairbairn et au Comité inter-églises qu'il représente, Mme l'ambassadeure se serait renseignée et aurait lu les mémoires et la documentation, qui sont du domaine public. Les délibérations de notre comité sont du domaine public. Il est extrêmement regrettable qu'elle ait lancé cette attaque qui, je le répète, est totalement sans fondement. Je n'en ai cité que deux exemples.

Mais j'aimerais passer à...

La présidente: Un instant. Souhaitez-vous faire une autre observation à ce sujet?

Mme Fanny Kertzman: Oui, j'aimerais ajouter quelque chose.

La présidente: Très bien, vous pouvez répondre.

M. Svend Robinson: Vous voudrez peut-être présenter maintenant vos excuses, étant donné que vous savez que...

La présidente: Monsieur Robinson, madame est notre invitée.

Madame l'ambassadeure, souhaitez-vous continuer?

Mme Fanny Kertzman: Je ne vais pas m'excuser d'une chose que je n'ai pas dite. Je n'ai jamais parlé à M. Fairbairn. Vous avez ma lettre en main. La seule chose que j'ai dit, c'est: «Toutefois, M. Fairbairn manque clairement d'objectivité.» Est-ce une attaque? J'ai dit simplement qu'il n'est pas objectif. Manquer d'objectivité ce n'est pas un gros mot—en tout cas pas en espagnol.

M. Svend Robinson: Est-ce que Mme l'ambassadeure...

Mme Fanny Kertzman: Monsieur Robinson, je m'excuse, je crois avoir la parole. J'ai dit que je m'interrogeais. S'agit-il d'une attaque dirigée contre une personne? Je me demande pourquoi, dans cet article, par exemple, il ne dénonce jamais les guérilleros. S'il souhaite que je lise sa dénonciation des guérilleros de Colombie, il aurait dû me le dire.

M. Svend Robinson: Je passerai maintenant à un autre sujet, si vous me le permettez. Mme l'ambassadeure, bien entendu, n'a pas abordé la question concernant l'ordre du président Pastrana interdisant ce genre d'attaque, mais elle peut le faire, évidemment.

Pour ce qui est de la conduite des groupes paramilitaires, je tiens à signaler à l'attention de Mme l'ambassadeure le rapport d'Andres Kompass, le représentant des Nations Unies à Bogota. Je l'ai rencontré lorsque j'y étais. Je crois que Mme Phinney l'a probablement rencontré elle aussi, mais je n'en suis pas certain. Or, dans ce rapport, le plus récent déposé devant les Nations Unies, on condamne très vigoureusement la collusion qui existe entre le gouvernement de la Colombie, les forces armées de la Colombie et les groupes paramilitaires. En voici quelques exemples.

Au paragraphe 250 de son rapport, le représentant de l'ONU déclare ce qui suit:

    Comme l'a reconnu le ministre de la Défense, les membres des groupes paramilitaires ont été, une fois de plus, les principaux violateurs [des droits de la personne en Colombie].

Ils n'ont pas été responsables de 19 p. 100 des violations, comme l'a déclaré Mme l'ambassadeure. Ils ont été les principaux violateurs l'année dernière.

Au paragraphe 134, le représentant des Nations Unies parle de liens étroits et continus entre certains membres des forces de sécurité et les groupes paramilitaires. Et on mentionne également le fait qu'il y a un barrage routier paramilitaire à l'entrée de l'établissement de El Placer, à 15 minutes seulement de La Hormiga où l'armée est cantonnée—donc à proximité.

Et, ce qu'il importe le plus de souligner, madame la présidente, c'est le contenu des paragraphes 253 et 254, où le représentant des Nations Unies déclare ce qui suit:

    Notre bureau a été en mesure de confirmer que le principal problème en matière de droits de la personne n'en est pas l'absence de lois, de programmes, de mécanismes et d'institutions, mais bien l'incapacité d'y avoir recours et donc l'absence de décisions tangibles ou de résultats concrets.

    L'existence de liens entre des fonctionnaires et des membres d'organisations paramilitaires et l'absence de sanctions continuent de susciter les plus graves inquiétudes.

• 1635

Voilà un réquisitoire en règle contre le gouvernement de la Colombie par un représentant des Nations Unies. Lorsque Mme l'ambassadeure laisse entendre qu'il ne s'agit ici que de trafic de stupéfiants, je reste perplexe... Pour cette seule année, 87 syndicalistes ont été assassinés en Colombie. Plus de 3 000 l'ont été en Colombie au cours des dix dernières années, soit 3 sur 5 de tous les chefs syndicaux assassinés dans le monde entier. Cela n'a rien à voir avec les stupéfiants, madame l'ambassadeure.

La Commission colombienne des juristes a constaté que 80 p. 100 des victimes de violence au cours de l'an 2000 ont été victimes des groupes paramilitaires. Les Nations Unies ont confirmé que c'était le cas de la majorité des victimes, tout comme l'a fait le Département d'État des États-Unis. Voilà qui n'a rien à voir avec le narcotrafic.

La présidente: Svend, avez-vous une question?

M. Svend Robinson: Ma question est la suivante. Comment Mme l'ambassadeure concilie-t-elle son témoignage devant le comité aujourd'hui, selon lequel la responsabilité des groupes paramilitaires est minime, avec la preuve accablante du représentant des Nations Unies, qui déclare que le gouvernement de la Colombie ne s'attaque pas comme il le devrait aux groupes paramilitaires et qu'il existe une collusion très évidente?

Mme Fanny Kertzman: Nous réfutons respectueusement le rapport des Nations Unies parce qu'il renferme une foule de choses, notamment les définitions. Par exemple, vous avez parlé de la Commission colombienne des juristes—n'est-ce pas, monsieur Robinson?

M. Svend Robinson: En effet.

Mme Fanny Kertzman: Or, dans ses chiffres, cette commission ne compte pas l'enlèvement comme étant une violation des droits de la personne. Cependant, pour nous, ainsi que pour le gouvernement colombien, l'enlèvement est effectivement une violation des droits de la personne. Pour cette commission les guérilleros tués au combat par nos forces armées sont comptabilisés sous la rubrique des violations des droits de la personne. En plein combat, ils sont tués par nos soldats, et on voit là une violation des droits de la personne. Les différences de chiffres s'expliquent donc et, nous collaborons actuellement avec le ministre de la Défense pour établir exactement la différence entre les chiffres de la commission et les nôtres.

Quand M. Robinson a parlé de collusion entre le gouvernement et les groupes d'autodéfense, il a lu une phrase où il était question de «certains membres». Nous n'avons jamais nié que des membres isolés, de rang intermédiaire pour la plupart, étaient en collusion avec les groupes d'autodéfense hors-la-loi. J'ai indiqué ici que 3 000 plaintes avaient été portées contre les forces armées colombiennes, il y a cinq ans je crois. J'ai également dit, cependant, qu'on avait fait beaucoup de progrès et que le bureau du procureur général n'avait entamé que 57 enquêtes contre les forces armées. Je ne nie pas qu'il y ait des cas isolés de collusion; il y en a. Il y a notamment un général de l'armée qui a été condamné.

M. Svend Robinson: Ce n'est pas ce que dit le rapport des Nations Unies. Ce rapport parle non pas de cas isolés, mais d'une tendance.

Mme Fanny Kertzman: De certains membres.

La présidente: Elle répond à la question au nom de son pays. Elle a le droit de s'exprimer. Avez-vous presque terminé?

M. Svend Robinson: Je me reporte au rapport des Nations Unies, c'est tout.

Mme Fanny Kertzman: Oui, d'accord, je vous ai dit que nous contestons ce rapport. J'ai une lettre que le ministre de la Défense a écrite au président—je ne l'ai pas apportée, mais je vous la ferai parvenir—qui explique pourquoi nous contestons le rapport. Je crois l'avoir distribuée la dernière fois où je suis venue vous rencontrer, en juin.

C'est parce que dans ce rapport des Nations Unies on ne donne jamais de total. On parle d'un certain nombre de cas isolés où il y aurait apparemment eu collusion entre nos forces armées et les groupes d'autodéfense hors-la-loi, mais on ne fait jamais le total. C'est pourquoi nous avons fait le total pour nous-mêmes, parce que nous considérons l'enlèvement comme une violation des droits de la personne. Quant un guérillero est tué en plein combat, il ne s'agit pas d'un cas de violation des droits de la personne de la part de nos forces armées.

La présidente: Merci beaucoup, madame l'ambassadeure.

Monsieur Obhrai.

M. Deepak Obhrai: Merci, madame l'ambassadeure.

J'ai été un peu choqué—je dois être très franc et vous dire qu'il y a un député ici qui me semble... Nous nous sommes retrouvés avec un conflit de personnalité à trois. Je n'ai rien contre les conflits de personnalité, mais nous sommes ici à ce comité, non pas pour parler de l'opinion d'un certain M. Bill Fairbairn pour ensuite demander des excuses, mais bien pour discuter de la situation en matière de droits de la personne en Colombie. J'ai été vraiment choqué, et je tiens à vous donner l'assurance que nous sommes là, non pas pour nous enchevêtrer dans des conflits de personnalité à cause de nos divergences d'opinion, mais bien pour examiner les enjeux en Colombie et en discuter.

• 1640

M. Svend Robinson: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Ce n'est pas une question de personnalité, mais Mme l'ambassadeure de la Colombie, qui témoigne devant notre comité, s'en prend à un Canadien travaillant à la défense des droits de la personne, et elle le fait contrairement aux ordres de son gouvernement mettant ainsi en péril la vie de cette personne. Ce n'est pas là une mince affaire, monsieur Obhrai.

La présidente: Monsieur Robinson, vous nous avez fait part de votre point de vue. Pouvons-nous maintenant entendre votre question, monsieur Obhrai?

M. Deepak Obhrai: J'aurais d'abord quelques observations à faire. Votre pays est actuellement en période électorale; vous suivez en cela un processus très démocratique par lequel vos compatriotes pourront choisir le chef de leur gouvernement. C'est tout à fait louable étant donné les troubles que vous connaissez à l'heure actuelle, et je tiens à vous encourager et à vous dire que mon parti vous appuie entièrement dans vos efforts procéder démocratiquement et pour mettre en place des institutions démocratiques. Je crois que la Colombie mérite nos félicitations pour ce qu'elle a fait jusqu'à maintenant pour établir une solide institution démocratique. Pour ma part, je suis venu ici écouter ce que notre ambassadeur canadien avait à dire, et j'espère que mon collègue prêtera lui aussi un peu plus l'oreille à ce qu'elle avait à dire à ce sujet.

Je suis sûr que vous avez un problème avec ces 3 000 plaintes au sujet des groupes d'autodéfense et des forces armées, et je suis sûr que votre gouvernement... J'estime qu'il est du devoir des Canadiens d'attirer votre attention là-dessus et qu'il est de votre devoir de veiller à ce que la primauté du droit soit rétablie dans votre pays. J'estime qu'il est également de notre devoir en tant que Canadiens de vous aider à faire respecter la règle de droit chez vous, mais je dois conclure mon intervention en disant que le processus démocratique en cours en Colombie a besoin d'un coup de pouce, a besoin de notre soutien, et je suis très heureux qu'il soit en cours malgré tout ce qui se passe. Le processus est loin de s'arrêter là. Il reste encore beaucoup de défis, beaucoup de failles, beaucoup de problèmes que vous devez régler, et je pense que nous devrions vous épauler dans vos efforts comme vous nous l'avez vous-même demandé.

Merci.

La présidente: Avez-vous des questions?

Mme Fanny Kertzman: Merci beaucoup pour vos paroles.

M. Deepak Obhrai: J'ai entendu les deux ambassadeurs, et il y a aussi le rapport des Nations Unies. Je suis allé à Genève, j'y ai rencontré des représentants des Nations Unies, j'ai discuté avec eux de la Colombie, et j'estime avoir une assez...

La présidente: Puis-je vous demander votre indulgence—je vous demanderais de bien vouloir attendre un peu—une minute, le temps de faire adopter une motion, car nous avons maintenant le quorum? D'accord? Merci.

Vous avez le texte de la motion sous les yeux. Quelqu'un veut- il bien la proposer?

M. Deepak Obhrai: Je la propose.

(La motion est adoptée [Voir le Procès-verbal])

La présidente: Vous pouvez partir maintenant.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Je n'ai pas l'expérience de M. Svend Robinson, mais il me semble que la question qu'il a soulevée est importante et qu'il est important de clarifier certains termes. Par exemple, dans votre exposé d'aujourd'hui, vous utilisez le terme «terrorisme». On a entendu un certain nombre de témoignages, mais il me semble que c'est la première fois qu'on entend ce terme. Or, on sait bien ce qui s'est produit le 11 septembre dernier à New York et à Washington. Tout le monde parle de cela actuellement, mais il me semble—et je ne veux pas prendre un parti dans le cadre de la discussion; je suis là davantage pour comprendre—que «terrorisme» et «droits de la personne», ça peut effectivement se voisiner parfois. Il m'apparaît essentiel de faire la distinction.

Quand vous décrivez une bataille, il peut y avoir aussi des pertes de vies du côté des forces armées du gouvernement. Souvent, lorsqu'il y a des batailles dans le cadre d'une guerre, civile ou autre, on peut se retrouver devant des situations atroces de non-respect de la vie. Je peux reconnaître cela.

• 1645

Cependant, j'aimerais que vous parliez de la raison pour laquelle vous utilisez maintenant davantage, à moins que je me trompe, le terme «terrorisme».

Il y aura une lutte mondiale contre les terroristes, mais en même temps, j'ai un peu de difficulté. Les terroristes sont souvent des groupes plus petits, clandestins. Dans ce cas-ci, en Colombie, ils sont parfaitement identifiables. Ce ne sont pas des gens qui se cachent; c'est-à-dire qu'ils se cachent à des endroits, mais ils sont forts et ils résistent. Le gouvernement et les forces armées n'arrivent pas à les neutraliser. Alors, il s'agit bien de forces. En fait, pour ma part, je pense qu'on parle presque d'une guerre civile.

Me suis-je trompé tout à l'heure? Quand vous avez parlé de l'évolution, vous avez dit que le groupe marxiste était maintenant moins important que les groupes d'autodéfense. Il semble que maintenant la priorité de votre gouvernement soit plutôt de surveiller ce qui se passe du côté des groupes d'autodéfense. J'ai senti comme une évolution.

Je ne sais pas si j'aurai le temps de poser une autre question, mais on parle de relations, de négociations avec les FARC. Dans mon esprit, jusqu'à maintenant, j'étais prêt à les mettre un peu les uns contre les autres, en pensant qu'il s'agissait de groupes de tendances politiques différentes, mais on est en train de parler de négociations de paix, pratiquement, avec ce groupe. Alors, enrichissez ma connaissance qui, je l'avoue, est encore limitée. Je vais d'ailleurs m'efforcer de m'améliorer et de compléter la lecture de tous les documents des Nations Unies. Parlez-moi des différentes forces présentes. Comment le gouvernement de la Colombie se situe-t-il par rapport à l'un et à l'autre? Pour le gouvernement de la Colombie, est-ce que c'est tout pareil? Est-ce que ce sont tous des terroristes?

Mme Fanny Kertzman: C'est une très bonne question. Je me pose la même question parce que maintenant—et c'est de cette façon que j'ai commencé mon exposé—, nous ne savons plus si nous parlons ici de terroristes ou de violations des droits humains.

[Traduction]

Car, quand on fait sauter un pipeline ou qu'on fait abat un pylône électrique, c'est manifestement là un acte de terrorisme. Si toutefois on enlève quelqu'un, on peut se demander s'il s'agit d'un acte de terrorisme

[Français]

ou si c'est une violation des droits humains. Si, par exemple, vous attaquez un petit village, c'est pour terroriser la population. Alors, vous terrorisez la population parce que c'est un droit; c'est une guerre territoriale.

[Traduction]

C'est une guerre territoriale entre les guérilleros et les groupes d'autodéfense, car les deux vivent du narcotrafic et les deux veulent tout diriger, les cultures, les racines et les laboratoires. Ils terrorisent donc la population. Les groupes d'autodéfense hors-la-loi terrorisent la population en commettant des massacres. Les guérilleros terrorisent la population en s'attaquant à la liberté

[Français]

à la ville et à la campagne. C'est pour cela qu'il est très difficile de faire une distinction maintenant. Beaucoup de gens en Colombie parlent maintenant de terrorisme alors qu'autrefois, ils parlaient de violations des droits humains.

[Traduction]

Aussi je me pose la même question que vous, et je crois que tous les Colombiens se la posent aussi. Certains actes sont clairement des actes terroristes, et certains pourraient dire qu'il s'agit de violations des droits de la personne, mais comme je l'ai indiqué dans mon exposé,

[Français]

le monde a changé après le 11 septembre. C'est pour cela que nous ne savons plus si nous parlons d'une chose ou de l'autre.

• 1650

[Traduction]

Vous avez parfaitement raison de soulever la question des pourparlers de paix avec un groupe terroriste en particulier. Ainsi, le gouvernement d'Israël cherche à avoir des pourparlers avec les autorités palestiniennes. Nous sommes à même de constater que les autorités palestiniennes ne parviennent pas toujours à refréner le Hezbollah ou sur Hamas. Par ailleurs, le gouvernement colombien ne veut pas écarter tout moyen possible de rétablir la paix. Depuis les événements du 11 septembre, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est fort possible que les guérilleros soient soumis à des pressions plus intenses de la part de la communauté internationale. Ainsi, même si leurs actes peuvent être qualifiés d'actes de terrorisme—j'en suis plus persuadé que jamais—le moment est venu pour les groupes de guérilleros en Colombie

[Français]

de montrer qu'ils ont la volonté de faire la paix en Colombie.

[Traduction]

Tous les leaders d'opinion en Colombie disent que le moment présent sera déterminant, car le président Pastrana doit décider s'il va renouveler la zone démilitarisée le 6 octobre, et le moment est tout indiqué pour les guérilleros de montrer qu'ils ne sont pas des terroristes et qu'ils souhaitent la paix.

La présidente: Avez-vous une question? C'est une question qui n'exige qu'une réponse brève?

[Français]

M. Antoine Dubé: Oui.

[Traduction]

La présidente: Très bien.

[Français]

M. Antoine Dubé: Ce qui m'a également frappé dans votre exposé—et vous venez d'y toucher—, c'est la question d'un sondage Gallup où on parlait de la perception de la population face au gouvernement, aux forces armées et à tout ça. Vous parlez même aussi de la perception à l'égard de ces groupes dont on parle. Je voudrais savoir qui a commandé ce sondage. Est-ce le gouvernement?

Mme Fanny Kertzman: Non. C'est un sondage indépendant.

[Traduction]

Ce sont des sondages indépendants. Beaucoup des maisons de sondage sont embauchées par les responsables de campagnes des divers candidats à l'élection présidentielle. J'ai ici un sondage Gallup d'août 2001. Il y a aussi un sondage Yankelovich du mois de mai de même qu'un autre sondage Gallup de décembre 2000. Tous les sondages montrent la même tendance. La population appuie les forces armées, et dans ce sondage-ci,

[Français]

en outre, c'est la première fois que les forces militaires sont premières, devant l'Église catholique. C'est la première fois. Pour nous, c'est très important et ça montre que le peuple de la Colombie

[Traduction]

appuie les forces armées. Les allégations selon lesquelles nous commettons des violations des droits de la personne sont nombreuses, mais je tiens à bien faire comprendre qu'il s'agit de cas isolés, comme je l'ai dit à M. Robinson.

[Français]

Ce n'est pas une politique du gouvernement de la Colombie, du président ou du ministre de la Défense.

[Traduction]

Il s'agit de cas isolés, et aucun gouvernement avant le nôtre n'a jamais cherché aussi fort à lutter contre ces groupes.

La présidente: Merci, madame l'ambassadeure. Permettez-moi de vous dire que la plupart des anglophones du Canada aimeraient bien parler français aussi bien que vous, et dans votre cas, ce n'est pas votre langue seconde, mais votre troisième langue. Je vous remercie énormément.

Monsieur Robinson.

M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente.

Mme l'ambassadeure peut bien dire que le gouvernement s'évertue à lutter contre les violations des droits de la personne, mais j'aimerais attirer son attention sur le paragraphe 135 du rapport que le représentant de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies en Colombie, Anders Kompass, a publié cette année. Son témoignage est éloquent et convaincant, et j'ai eu l'occasion de l'entendre de sa bouche. Son bureau a beau lui indiquer l'emplacement des bases des paramilitaires, le gouvernement colombien ne fait rien. Au paragraphe 135, il parle d'ailleurs de l'emplacement d'un certain nombre de bases à partir desquelles les groupes paramilitaires se sont livrés à des massacres comme ceux que Mme l'ambassadeure nous a montrés au début de la réunion. Il cite des exemples en particulier. Il dit: nous avons signalé au gouvernement que les groupes paramilitaires avaient leur siège à tel endroit. Voici ce qu'il dit:

    Les groupes paramilitaires sont restés toute l'année dans les emplacements que nous avions repérés, les quittant pour aller commettre des tueries et des massacres dans les villes et la campagne environnantes.

Un tel réquisitoire contre le gouvernement de la Colombie ne peut que soulever l'horreur. Tant dans son rapport que dans les propos qu'il a tenus devant moi en présence de Mme l'ambassadeure, il a dit: le gouvernement de la Colombie ne donne pas suite à nos pistes quand nous lui indiquons l'emplacement des bases paramilitaires. Je veux donc demander à l'ambassadeur quand le gouvernement va se décider à faire quelque chose. Des innocents sont en train de mourir à cause de la négligence de son gouvernement.

• 1655

Ma deuxième question—je crois que je n'ai le temps que pour une autre question—concerne Kimy Pernia, qui, comme Mme l'ambassadeure le sait très bien, demeure jusqu'ici «disparue». Les Canadiens sont profondément préoccupés par cette situation tragique. Je crois savoir que la Commission interaméricaine des droits de l'homme a mis le gouvernement de la Colombie en demeure de répondre dans les dix jours, c'est-à-dire de faire le nécessaire pour enquêter sur la disparition de Kimy et de s'assurer qu'il est en sécurité. La Commission n'a jamais reçu de réponse. Le gouvernement avait également promis de créer une commission spéciale de haut niveau chargée d'enquêter sur la disparition de Kimy, et il semble que la Commission n'ait pas non plus été mise sur pied, à moins qu'elle l'ait été tout récemment, si bien qu'il n'a pas tenu cette promesse-là non plus. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas pris ces deux mesures concrètes pour tenter de retrouver la trace de Kimy Pernia?

Je pourrais aussi vous faire part d'autres préoccupations soulevées par les déclarations faites par le chef de police de Cordoba laissant entendre que son enlèvement était lié au narcotrafic, le gouverneur de l'État ayant refusé de lancer une opération de recherche humanitaire indigène parce que la police devait s'occuper d'une foire aux bestiaux. Concentrons-nous toutefois sur ces deux mesures où le gouvernement de la Colombie avait une responsabilité directe.

La présidente: Madame l'ambassadeure.

Mme Fanny Kertzman: Commençons d'abord par votre première question. Je vous ai dit dans mon exposé que depuis cinq ans, le nombre de morts allait croissant: 350 attentats commis par les guérilleros dans des petites villes et—je ne suis pas sûre des chiffres exacts—quelque 400 massacres. Ce n'est pas comme si on nous disait qu'il y a tel groupe d'autodéfense qui va commettre tel massacre et que nous ne faisions rien. Ce n'est pas comme si on nous disait que les guérilleros allaient attaquer telle petite ville et que nous faisions fi de l'avertissement.

M. Svend Robinson: C'est pourtant ce que dit la Commission des Nations Unies.

Mme Fanny Kertzman: J'essaie de vous expliquer quelle est la situation en Colombie—et vous y êtes allé. Vous êtes allé à Barrancabermeja. Avant votre arrivée, je crois savoir que neuf personnes avaient été tuées. Jusqu'à maintenant cette année, plus de 300 personnes ont été tuées à Barrancabermeja, et ce n'est pas comme si nous détournions notre regard.

Je tiens à vous faire part de mon expérience à moi. Malheureusement, le gouvernement de la Colombie n'a pas les moyens d'assurer la protection et la sécurité de tous les citoyens du pays. Avant de venir ici, j'étais directrice des douanes et de l'impôt. J'avais neuf gardes du corps, une voiture blindée, des policiers qui faisaient le guet à la porte de mon immeuble, et j'avais un garde du corps posté à la porte de mon appartement. Mes enfants se déplaçaient en compagnie de six gardes du corps dans une voiture blindée. Quand j'ai quitté le gouvernement, en juillet 2000, il s'est écoulé trois mois avant mon arrivée au Canada, et je suis venue ici parce que j'avais reçu des menaces de mort.

Le président Pastrana a très aimablement décidé de m'envoyer ici, non pas parce qu'il y avait un poste de libre au Canada, ou pour que je me la coule douce, mais parce que le Canada est l'un des pays les plus sûrs au monde. Le président ne pouvait pas accepter que je sois tuée, parce que si j'étais restée en Colombie, j'aurais été tuée. Voilà comment je me suis retrouvée ici. Dans l'intervalle, de juillet jusqu'en octobre, jusqu'à ce que je vienne ici, on n'avait pas de voiture blindée à mettre à ma disposition, parce que le gouvernement colombien n'avait tout simplement pas assez de voitures blindées. J'ai donc fait appel à un ami qui est président de la General Motors. Je lui ai expliqué que je craignais pour ma vie et je lui ai demandé de me prêter une voiture pour trois mois. Il a accepté. Voilà comment j'ai eu droit à une certaine protection pendant les trois mois où je n'étais pas au gouvernement. Cela est arrivé à Bogota, la capitale, avec ses huit millions d'habitants et ses 12 000 policiers.

Il y a des régions éloignées de Colombie où vous et Mme Phinney n'avez pas pu vous rendre parce qu'on ne pouvait pas y assurer votre protection. Il y a plus de 200 localités qui n'ont pas de service de police parce que les postes de police ont été attaqués, exactement comme vous l'avez vu dans la vidéo. Les gens ne veulent pas y retourner, parce que nous ne pouvons y affecter que cinq policiers, qui, de toute façon, vont se faire tuer par les guérilleros.

M. Svend Robinson: Mais, madame la présidente, dans un cas précis, les militaires sont à 20 minutes d'une base paramilitaire qui n'a pas été touchée; les militaires sont pratiquement sur place.

• 1700

Mme Fanny Kertzman: C'est pareil pour les attaques contre les petits villages. Vous venez de voir Hobo, qui est au milieu du pays, et les militaires étaient, je ne sais trop, à 30 minutes de là. Et si l'on vient par avion ou par hélicoptère c'est beaucoup plus proche. Nous n'avons simplement pas la capacité de répondre. Nous sommes une démocratie, mais nous sommes aussi un pays pauvre.

Voici de quoi vous éclairer: ici, au Canada, tout le monde paie de l'impôt sur le revenu. En Colombie, seulement 20 p. 100 de la population paie de l'impôt sur le revenu. Quatre-vingt pour cent des habitants du pays ne versent absolument aucun impôt sur le revenu. Nous sommes un pays aux ressources limitées et l'argent dont nous disposons doit être consacré à beaucoup de choses, à la santé, à l'éducation. C'est pourquoi nous demandons des forces armées plus vigoureuses, ce avec quoi vous n'êtes pas d'accord.

Il y a le cas de Kimy Pernia, par exemple, mais nous pouvons établir un lien entre les deux questions. Les Autochtones de la tribu Embera Katio de Tierralta, où M. Kimy Pernia a été enlevé, avaient conclu un accord avec le gouvernement et ils avaient pris bien soin de dire au gouvernement colombien qu'ils ne voulaient ni forces armées ni police sur leur territoire. Qui donc pouvait protéger M. Kimy Pernia et, non seulement lui, mais les 16 autres dirigeants autochtones qui ont été tués dans la région au cours des deux dernières années? Sept d'entre eux ont été tués par des guérilleros, et huit par les groupes d'autodéfense hors-la-loi.

M. Svend Robinson: Qu'en est-il des questions précises: la Commission interaméricaine des droits de l'homme et la commission d'enquête?

Mme Fanny Kertzman: Je vous dis que ce n'est pas faute de vouloir agir; c'est parce que nous n'en avons pas la capacité.

M. Svend Robinson: Vous n'avez pas la capacité de répondre à la Commission interaméricaine des droits de l'homme?

Mme Fanny Kertzman: Je ne comprends pas votre question.

M. Svend Robinson: La Commission interaméricaine des droits de l'homme a demandé une réponse dans les 10 jours et vous n'en avez pas fait cas. Pourquoi?

M. Fanny Kertzman: L'ambassade de Colombie à Ottawa a publié trois rapports sur la situation de Kimy Pernia que vous n'avez peut-être pas reçus, le premier en juin, un autre en juillet, et encore un en août. J'essaie de fournir aux Canadiens qui s'intéressent au cas de Kimy Pernia des renseignements actualisés. Toutefois, il n'y a rien de nouveau sur ce cas et je ne peux pas répondre à votre question précise maintenant. J'avoue que je n'étais pas vraiment informée de la demande, je ne sais donc pas quelle réponse on y a donné. Je peux m'informer et je compte vous transmettre les renseignements.

La présidente: Madame l'ambassadeure, nous vous saurions gré de communiquer la réponse à cette question à la greffière du comité.

M. Svend Robinson: Ainsi qu'au sujet de la commission d'enquête qui a été promise.

Mme Fanny Kertzman: La commission?

La présidente: Qui a posé la question, voilà ce que madame veut savoir. Qui a demandé qu'une réponse soit envoyée?

M. Svend robinson: La Commission interaméricaine des droits de l'homme.

La présidente: Est-ce tout?

M. Svend Robinson: Pardon, j'ai une autre brève question. Je me demande si Mme l'ambassadeure peut préciser quel était l'objectif du décret du président Pastrana qui, d'après ce que j'en sais, ordonnait aux hauts fonctionnaires du gouvernement colombien, y compris le personnel diplomatique, de s'abstenir de porter contre les agents des droits de la personne, le type d'accusation que Mme l'ambassadeure a porté contre Bill Fairbairn.

Mme Fanny Kertzman: Mais quelles sont les accusations que je porte contre M. Fairbairn? J'ai simplement dit que je me demande pourquoi il ne dénonce jamais les crimes des guérilleros. Cela n'est pas du tout une accusation.

M. Svend Robinson: Mais c'est faux.

Mme Fanny Kertzman: Ce n'est pas faux, parce que je n'avais pas l'information.

La présidente: Revenez-vous sur la même question? Je croyais que nous en avions fini.

M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Quoi?

La présidente: Vous n'étiez pas ici, et vous ne savez donc pas ce qui s'est passé plus tôt.

Très bien. Il a terminé. Merci.

Avez-vous une question?

[Français]

M. Eugène Bellemare: Madame l'ambassadrice, je n'envie pas votre rôle. Je n'envie pas votre rôle et je n'envie pas le rôle de votre président et de votre gouvernement. Vous avez une situation très difficile. Contrairement à mon collègue, je ne poserai pas de questions qui peuvent sembler être des accusations; je vous demanderai plutôt de nous dire comment le Canada peut venir en aide à la Colombie. Comment peut-on vous aider face à une situation qui semble absolument impossible pour nous ici, au Canada?

Nous vivons dans une démocratie et nous n'avons pas l'expérience de voir tant de groupes. Il y a tellement de joueurs, tellement d'activités néfastes, notoires que c'est quasiment incompréhensible. Ça doit être, dans l'histoire, le seul pays où il y a un gouvernement malgré une anarchie totale dans toutes sortes d'activités. Comment pouvons-nous aider de façon efficace, de façon pratico-pratique, pas seulement en formulant des voeux pieux et en disant de belles choses au sujet de la démocratie?

• 1705

Mme Fanny Kertzman: Je vous remercie beaucoup de votre question. M. Dubé a posé presque la même question.

[Traduction]

Je lui ai répondu, mais je suis heureuse de votre question, parce qu'il y avait une autre chose que je tenais à dire, et que j'avais oubliée. J'ai dit à M. Dubé que nous attendions du gouvernement canadien et des députés qu'ils comprennent la situation en Colombie et qu'ils s'en préoccupent. M. David Kilgour s'est rendu six fois en Colombie, M. Robinson y est allé une fois, Mme Phinney y est allée une fois. Nous vous avons transmis une invitation à vous rendre en Colombie et je crois comprendre que cela ne pourra se faire avant novembre, et éventuellement, parce qu'il y aura des modifications apportées à la composition du comité. Mais, tout d'abord, nous avons vraiment besoin que vous nous compreniez et que vous vous préoccupiez de la situation chez nous.

[Français]

qui est très complexe. C'est très difficile à comprendre et c'est pour cela que je vous ai distribué à tous du matériel que, je l'espère, vous pourrez lire. C'est une situation très difficile à comprendre. Alors, nous n'espérons plus que votre compréhension

[Traduction]

ainsi que votre soutien.

Il y a plusieurs choses importantes à cet égard que je tiens à signaler. Il y a de nombreuses entreprises canadiennes qui vendent du matériel de défense à la Colombie, du matériel de surveillance, des appareils ultramodernes. Ces entreprises doivent obtenir un permis d'exportation parce que ce matériel est vendu aux forces militaires. Je voudrais vraiment que vous nous aidiez, de sorte qu'avec votre intervention auprès du gouvernement canadien, nous puissions accélérer le processus de délivrance des permis d'exportation qui ont été demandés. Jusqu'à présent, à ma connaissance, ces permis n'ont pas été refusés. Toutefois, ces entreprises vendent du matériel de surveillance, du matériel pour la détection des laboratoires de narcotiques, du matériel pour la dissuasion des navires, pour la protection des postes de police, des radars spéciaux qui permettent d'anticiper bien à l'avance une attaque contre un poste de police. Tout le matériel que les entreprises canadiennes vendent en Colombie est du matériel de protection, et je voudrais vraiment votre aide.

[Français]

Vous avez posé une question très concrète, et une réponse

[Traduction]

vous pourriez nous aider de façon concrète en appuyant les entreprises canadiennes qui vendent du matériel de protection à nos forces armées et à nos services policiers.

M. Svend Robinson: Mme l'ambassadeure pourrait-elle nous obtenir de l'information à ce sujet? Ce serait utile.

La présidente: Je vais la laisser terminer.

[Français]

Mme Fanny Kertzman: Non, j'ai fini.

[Traduction]

La présidente: Très bien. Vous vouliez poser une question?

M. Eugène Bellemare: De quelle façon voulez-vous que nous vous aidions? Souhaitez-vous que le comité fasse une recommandation au gouvernement?

Mme Fanny Kertzman: Je crois comprendre que vous allez présenter un rapport.

M. Eugène Bellemare: Oui.

Mme Fanny Kertzman: Vous ferez comme vous jugerez bon. C'est tout ce que je vous demande. Il vous appartient de décider ou non d'agir, mais comme vous m'avez posé une question très précise, je vous ai fourni une réponse très précise, sur une chose très concrète que vous pouvez faire à court terme. Libre à vous de choisir la façon de transmettre le message au gouvernement.

La présidente: Nous aimerions avoir plus de renseignements à ce sujet. Nous demanderons donc à notre attaché de recherche de vous téléphoner et d'en discuter avec vous, afin que nous soyons mieux renseignés.

Mme Fanny Kertzman: Très bien. Désolée, madame Phinney. Jusqu'à présent, d'après les renseignements, les permis d'exportation n'ont pas été refusés.

La présidente: Très bien, mais nous devons encore être un peu mieux renseignés là-dessus.

M. Svend Robinson: Vous allez nous fournir des renseignements sur les entreprises concernées?

La présidente: Je viens de lui demander, Svend. Merci.

M. Svend Robinson: Très bien.

La présidente: Avez-vous terminé?

M. Eugène Bellemare: Je ne sais pas. Il nous reste combien de temps?

La présidente: Avez-vous une autre question? Il n'est pas nécessaire d'en inventer.

M. Eugène Bellemare: Je ne veux pas en inventer une. Non, j'ai terminé.

La présidente: Très bien.

Nous vous remercions, madame l'ambassadeure. Je crois que tout le monde a eu l'occasion de poser deux ou trois questions, et nous vous sommes très reconnaissants. Je voulais apporter une précision quant à nos projets futurs; nous ne savons pas si nous allons nous y rendre, ni à quel moment. Les comités seront formés et la liste des membres sera publiée à la fin de la semaine prochaine, puis après la semaine de congé, tout le monde sera de retour et le comité se réunira afin de décider s'ils iront, et qui ira, etc. Donc, ce n'est pas encore décidé, mais nous allons peut-être nous y rendre.

• 1710

Merci d'être venu.

Mme Fanny Kertzman: Je vous remercie de m'avoir invitée. Et vous êtes invités en Colombie.

La présidente: Merci.

La séance est levée.

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