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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE INTERNATIONAL, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 octobre 2001

• 1532

[Traduction]

Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs.

Vous êtes ici devant le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous nous réunissons pour tenir des audiences sur la question de la frontière canado-américaine. Dans le courant de la semaine prochaine, nous espérons produire un rapport préliminaire qui, dans les deux semaines suivantes, devrait être présenté sous sa forme définitive à la Chambre des communes à titre de rapport officiel de notre comité. Ce rapport tiendra compte des témoignages que nous auront donnés des gens comme vous, qui représentent d'éminentes organisations nationales hautement intéressées à la question de la frontière canado-américaine.

Nous ferons nôtres un bon nombre de vos recommandations et conseils et les insérerons dans notre rapport. Nous espérons que celui-ci non seulement aidera la Chambre des communes et le gouvernement à rédiger une réponse propre à permettre de résoudre la situation de crise qui existe à la frontière, mais qu'il pourra également, au bout du compte, se révéler un document de réflexion apte à susciter sur cette question une discussion constructive dans l'intérêt supérieur tant du milieu des affaires que de la collectivité en général de part et d'autre de la frontière.

Cette séance est la quatrième et la dernière que nous tenons. Je me suis dit que, plutôt que d'en faire un exercice quasi scolaire où l'étudiant se lève pour présenter son exposé devant la classe, nous en ferons une sorte de travail d'équipe, en ce sens que nos discussions prendront la forme d'un dialogue entre nous tous. Ceux d'entre vous qui ont en main un mémoire préparé par leur organisation voudront bien nous le remettre pour qu'il figure au compte rendu au même titre que s'il avait été lu en entier. Ce mémoire fera donc partie intégrante du compte rendu de la séance. Nos délibérations sont enregistrées et nous avons des attachés de recherche qui prendront très soigneusement des notes.

En toute franchise, ce qui nous intéresse vraiment cet après-midi, ce sont des recommandations précises et concrètes auxquelles vous estimez que le gouvernement pourra donner suite. Nous vous demandons de nous exprimer votre opinion sur les mesures que le gouvernement devrait mettre en oeuvre. Nous en prendrons bonne note pour pouvoir en tenir compte dans notre recommandation à la Chambre des communes et, en dernière analyse, au gouvernement.

J'ai déjà trop parlé. Je crois que nous sommes maintenant prêts à commencer. Chacun de vous se présentera lui-même et présentera l'organisation dont il est le porte-parole. Puis, après une brève introduction, il nous fera part de ses idées sur ce que le gouvernement et le Parlement devraient faire.

• 1535

Sur ce, je laisse maintenant à nos invités le soin de nous communiquer leurs points de vue, en commençant par ce côté-ci de la salle.

M. David Griffin (agent exécutif, Association canadienne des policiers et policières): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle David Griffin. Je représente l'Association canadienne des policiers et policières.

J'ai effectivement une déclaration à faire. Elle n'est pas trop longue. J'aimerais, si vous me le permettez, la passer rapidement en revue avec les membres du comité.

Le président: Bien sûr.

M. David Griffin: En guise d'introduction, je vous signale que nous n'avons pas coutume de comparaître devant votre comité. Nous sommes les porte-parole de 30 000 agents de police des quatre coins du Canada.

L'Association canadienne des policiers et policières est heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité cet après-midi. Par l'entremise de ses 13 syndicats affiliés, l'Association regroupe les policiers de 275 corps de police des petites villes et villages du Canada, de même que ceux qui travaillent au sein des grands services policiers municipaux. Nous avons des membres dans chaque province. Nous comptons également dans nos rangs des agents des services policiers du CN et du CP, des associations de membres de la GRC ainsi que des associations policières de Premières nations.

Notre association a pour mission d'assurer le bien-être des membres de l'effectif policier canadien, et ce, en veillant à ce qu'ils puissent travailler dans un environnement sûr et équitable, de promouvoir l'application de normes élevées de professionnalisme au sein de la police et de protéger les agents de police et le public en préconisant une réforme progressive de la justice.

Nous sommes fiers des relations que nous entretenons avec les parlementaires de tous les partis politiques. Comme vous, nos membres tiennent à contribuer au mieux-être de nos collectivités.

Les événements incroyables et tragiques du 11 septembre dernier ont fait prendre conscience aux Canadiens et à nos alliés internationaux des menaces associées aux activités terroristes et de notre vulnérabilité comme société libre et démocratique. Il est difficile de comprendre le niveau de haine et de malice qui peut amener quelqu'un à concevoir de tels actes et à imaginer des moyens de causer autant de douleur et de destruction.

Les Canadiens et les Américains qui vivent en Amérique du Nord s'étaient toujours cru à l'abri des terroristes du monde entier, mais cette attitude candide est disparue à tout jamais le 11 septembre dernier. Plus qu'en aucun temps auparavant, les Canadiens se préoccupent maintenant activement de la sécurité de leurs avions, de leurs chemins de fer, de leurs systèmes de transport, de leurs ports, de leurs voies maritimes, de leurs canaux, de leurs pipelines, de leurs installations nucléaires, de leurs institutions publiques et de leurs centres économiques. Les agents de police canadiens comprennent cette inquiétude qu'éprouvent les gens et, comme eux, ils estiment que nous pouvons et devons faire plus pour préserver notre mode de vie.

Le plus grand allié des terroristes face à nous est l'excès de confiance en nous-mêmes. Pour perpétrer leurs actes de terreur lâches et inhumains, les terroristes exploitent les libertés et les protections mêmes qu'offre notre société démocratique. Le Canada doit adopter une attitude mesurée qui, tout en préservant les libertés fondamentales des Canadiens respectueux de la loi, fasse en sorte que ceux qui optent pour se soustraire à nos lois ne puissent se servir de ces mêmes lois et libertés pour éviter d'être arrêtés ou traduits en justice, ou encore pour miner notre mode de vie démocratique.

Les Canadiens veulent et méritent que notre gouvernement fédéral déploie des efforts sérieux pour assurer leur sécurité et que, pour ce faire, il opère des changements importants chez nous et à l'étranger. Nos agences d'immigration et des douanes ne disposent pas actuellement des ressources et de la technologie voulues pour être en mesure d'inspecter adéquatement l'énorme quantité de biens et la multitude de personnes qui franchissent quotidiennement nos frontières. Nous devons utiliser une technologie plus moderne pour passer au crible les biens et les personnes qui entrent dans notre pays.

Pour travailler efficacement, les agents des douanes et de l'immigration ont besoin qu'on leur facilite l'accès à l'information, notamment aux données du Centre d'information de la police canadienne. Les coupes importantes qu'on a effectuées dans les budgets des ministères concernés au cours de la dernière décennie se sont traduites par des réductions pouvant aller jusqu'à 50 p. 100 de leur personnel de première ligne. Malgré le relèvement des objectifs en matière d'immigration et l'augmentation du nombre de demandes que doivent traiter les agents d'immigration, on dispose de moins de personnel et de moins de ressources qu'il y a une décennie.

Dans son neuvième rapport, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie signalait, par suite de son examen du projet de loi C-11, que la plupart des témoins qu'il avait entendus avaient souligné que le manque de ressources pour mettre en oeuvre les programmes d'immigration et les programmes pour les réfugiés du Canada constituait un problème sous-jacent et répandu. Bon nombre ont dit croire que le projet de loi suffirait pour régler tous les problèmes qui se posent en matière de sécurité et de contrôle aux frontières, même ceux qui touchent le terrorisme et qui sont apparus après le 11 septembre dernier, à condition toutefois qu'on augmente les ressources disponibles pour son administration et sa mise en oeuvre.

Le rapport du comité dit également ce qui suit:

    Les événements des derniers jours aux États-Unis font ressortir encore davantage l'urgence de prévoir une formation et des ressources adéquates, surtout dans le cas des intervenants de première ligne.

Selon nous, les responsables du maintien de la sécurité de nos frontières ont dû faire face à de la résistance pour obtenir l'équipement technologique, la formation et les ressources voulus pour accomplir leur travail.

• 1540

Cela fait plusieurs années que notre association adopte, à l'occasion de chacune de ses assemblées annuelles, des résolutions concernant l'immigration, l'exécution des ordonnances d'expulsion, la protection de nos frontières et les efforts pour contrer la montée du crime organisé. Plus récemment, notre association a adopté une nouvelle résolution s'opposant au principe de l'ouverture de la frontière entre le Canada et les États-Unis. J'ai d'ailleurs remis au greffier une copie de cette résolution à l'intention des membres de votre comité.

Étant situé à proximité des États-Unis, le Canada est particulièrement exposé à servir de point de départ pour le crime international. Les criminels internationaux perçoivent le Canada comme une porte d'accès aux États-Unis pour effectuer leurs opérations de contrebande, notamment le trafic de personnes, de drogues, de pornographie infantile et d'armes à feu, et, bien entendu, pour mener des activités terroristes. Le Canada a même acquis, sur la scène internationale, la réputation d'être un lieu sûr pour les criminels et une terre fertile pour le crime organisé.

L'ouverture de la frontière entre le Canada et les États-Unis poserait de sérieux problèmes sur les plans de l'application de la loi, notamment parce qu'elle risquerait de favoriser une prolifération d'activités criminelles dans des domaines comme ceux du trafic des armes et des drogues, des enlèvements d'enfants et du transport d'immigrants illégaux. De même, elle pourrait faciliter l'entrée au Canada de criminels violents à la recherche d'un refuge sûr pour se mettre à l'abri d'éventuelles poursuites aux États-Unis. Notre association s'oppose au principe de l'ouverture de notre frontière commune avec les États-Unis et préconise le renforcement de la frontière canadienne à tous ses points d'entrée.

Nous reconnaissons l'existence de préoccupations économiques concernant la fluidité de l'écoulement des biens et des services de part et d'autre de cette frontière commune. Les entreprises et les industries du transport doivent travailler de concert avec le gouvernement à la recherche de solutions qui puissent permettre de concilier les intérêts économiques et les préoccupations relatives à la sécurité.

Nous préconisons l'adoption de procédures améliorées et plus efficaces, y compris l'ouverture des postes frontière 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour faciliter le flux des biens et services qui franchissent la frontière et, partant, réduire la congestion aux heures de pointe; une utilisation accrue de la technologie, y compris au moyen d'investissements par les industries du transport dans l'acquisition de systèmes informatisés de vérification de la conformité; une coopération et une vigilance accrues pour prévenir et détecter la contrebande susceptible de se pratiquer par l'entremise d'entreprises légitimes et par le fait de fournisseurs, de clients ou d'employés de telles entreprises; une dotation adéquate en personnel et des niveaux d'équipement suffisants pour s'assurer que les inspections des véhicules seront effectuées efficacement tout en réduisant les délais inutiles et coûteux—et je crois que c'est dans ces domaines que le gouvernement doit faire un effort concerté pour améliorer l'état de choses actuel.

Nous recommandons la création d'un service national de surveillance frontalière afin de permettre une protection stratégique et coordonnée ainsi que l'application de la loi tout le long de notre frontière et à chaque point d'entrée. Ce service, qui serait complètement indépendant du ministère du Revenu national, viendrait appuyer les efforts que déploie actuellement la GRC à cet égard. On devrait accorder une plus grande priorité ainsi que des fonds et un soutien accru à la protection de toutes nos frontières afin de prévenir l'entrée illégale de marchandises et de criminels et de faire en sorte que le Canada cesse d'être un refuge sûr pour les criminels reconnus.

Le Canada doit, en matière de sécurité nationale, adopter une démarche stratégique et multidisciplinaire propre à lui permettre de concilier législation et politiques efficaces, d'une part, et ressources humaines et technologiques ainsi que formation suffisantes, d'autre part, le tout s'inscrivant dans un plan d'action global et intégré d'application de la loi.

Merci. Je serai heureux de répondre en temps opportun à toute question qu'on voudra bien me poser.

Le président: Merci beaucoup.

M. Bevan, de l'Association canadienne des chefs de police.

M. Vince Bevan (vice-président, Association canadienne des chefs de police): Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai moi aussi préparé une déclaration préliminaire, mais je me contenterai de la remettre à votre greffier pour qu'elle figure au compte rendu de vos délibérations.

Le président: Bien sûr, ce serait fantastique.

M. Vince Bevan: J'ai un point à soulever qui est un peu parallèle à celui qu'a fait valoir mon ami M. Griffin au nom de l'Association canadienne des policiers et policières, mais qui s'en distingue au moins à un égard, à savoir à propos de l'impression que se font bien des gens aux États-Unis selon laquelle le Canada serait un refuge sûr pour ceux qu'ils perçoivent actuellement comme des ennemis, et que notre frontière leur procurerait un accès facile pour pénétrer aux États-Unis. J'ai certaines suggestions à formuler sur la façon dont on devrait traiter cet aspect, et je serai heureux d'avoir la chance de vous en parler plus tard cet après-midi. Je vous suis reconnaissant de nous avoir donné la possibilité de nous faire entendre ici aujourd'hui.

Sous réserve des autres déclarations, merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Bien sûr, magnifique.

Monsieur Jones.

M. Chris Jones (directeur, Liaison gouvernementale fédérale-provinciale, Association des chemins de fer du Canada): Je vais céder ma place à M. Burrows.

M. Bruce Burrows (vice-président, Affaires publiques et relations gouvernementales, Association des chemins de fer du Canada): Bon après-midi. Je m'appelle Bruce Burrows, et je suis vice-président chargé des affaires publiques et des relations gouvernementales à l'Association des chemins de fer du Canada. Je suis accompagné de M. Chris Jones, notre directeur de la liaison gouvernementale fédérale-provinciale.

Nous vous avons remis un ensemble complet de tableaux que nous espérons vous voir prendre en considération dans votre rapport. Ce que je pourrais peut-être faire, c'est aborder brièvement quelques points d'importance capitale que nous tenons à soulever et sur lesquels nous aimerions attirer votre attention.

• 1545

Un message qui m'apparaît assez important et que j'aimerais vous communiquer aujourd'hui—et il est très simple—, c'est que la sécurité et la facilitation des échanges commerciaux vont de pair. J'ai d'ailleurs le sentiment que ce message, les membres du comité sont appelés à l'entendre répéter de la bouche de chacun des témoins qui comparaîtront ici aujourd'hui.

Je vais d'abord simplement vous dire un mot de l'organisation que je représente ici. Il s'agit de l'Association des chemins de fer du Canada. Quelque 56 réseaux ferroviaires de l'ensemble du pays en sont membres. À peu près tous les types de chemins de fer au Canada y sont représentés: les réseaux de classe 1, c'est-à-dire le CN et CP Rail; les chemins de fer d'intérêt local, dont une quarantaine qui se sont formés ces cinq dernières années; le réseau intervilles, ou VIA Rail; les réseaux de trains de banlieue de nos quatre grandes agglomérations urbaines, y compris Ottawa depuis la semaine dernière; et les entreprises du secteur ferroviaire touristique. Ensemble, ces réseaux transportent annuellement environ 4 millions de wagons complets et quelque 51 millions de voyageurs.

Évidemment, nous en convenons tous, le 11 septembre a été une journée tragique. Nous ne pourrons jamais en oublier toute l'horreur, même si nous le voulions. Les événements qui se sont alors produits nous incitent à repenser toutes choses à des degrés de profondeur que nous ne sommes pas encore à même d'évaluer parfaitement. Naturellement, il y a beaucoup de choses que nous sommes amenés à remettre en question sur le plan personnel et familial, mais, en ce qui a trait à notre discussion d'aujourd'hui, il y en a beaucoup qui nous interpellent également sur le plan de nos relations commerciales avec le reste de l'Amérique du Nord et concernant la façon dont nous pourrons continuer à assurer la fluidité des échanges commerciaux de part et d'autre de la frontière canado-américaine.

À court terme, nous éprouvons des sentiments d'appréhension et nous sommes déjà à même d'observer certaines des répercussions de ce qui s'est passé ce jour-là. Dans l'industrie du rail, nous voyons le ralentissement économique s'accentuer—je vous rappelle en passant que nous sommes au service d'à peu près tous les secteurs de l'économie. Ce ralentissement était déjà prévu et attendu avant le 11 septembre, mais les événements qui sont survenus ce jour-là sont venus empirer les choses.

À long terme, nous nous inquiétons de la possibilité que les États-Unis resserrent les mesures de sécurité à la frontière canadienne. À la longue, cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour notre santé économique, car notre performance économique dépend largement de l'efficience des activités douanières. Quelque 43 p. 100 de notre PIB est constitué de biens d'exportation, et environ 87 p. 100 de ces biens sont destinés aux États-Unis—essentiellement le tiers de notre économie est directement liée aux échanges avec les États-Unis. Il y a donc perte possible sur le chapitre des investissements au Canada. Il s'agit là d'un facteur fondamental sur lequel nous voudrions attirer votre attention.

D'ailleurs, depuis deux ou trois ans, nous assistions déjà à un resserrement des inspections douanières qu'effectuent à notre frontière commune les services douaniers américains. Cette évolution nous inquiète sur le plan de nos opérations, et, fait intéressant, elle nous inquiète également sur le plan de la sécurité. L'industrie du rail n'a pas ce qu'il faut pour faciliter les inspections aux postes frontière dans notre pays.

Pour ce qui est des autres implications économiques, nous avons également quelques inquiétudes concernant les chemins de fer d'intérêt local. Le ralentissement économique pourrait, dans les mois à venir, avoir des conséquences particulièrement graves pour ce secteur, car la vitalité des entreprises qui en font partie repose souvent sur la demande de transport de seulement un ou deux types de marchandises, compte tenu que chacune d'elle ne dessert qu'un secteur géographique limité.

Du côté du trafic voyageurs intervilles, il est intéressant de constater que nos transporteurs fonctionnent pratiquement à capacité. Les affaires de VIA Rail ont augmenté d'environ 10 p. 100 dans les principaux corridors interurbains. Elles ont atteint leur plafond en ce qui touche la disponibilité tant des voies ferrées que des wagons.

Je tiens par ailleurs à souligner que, sur le plan de la sécurité, nous nous sommes tenus régulièrement en communication avec les principaux responsables gouvernementaux de part et d'autre de la frontière—les ministères chargés de l'immigration et des douanes, ainsi que Transports Canada.

Nous avons signé il y a trois ans avec Transports Canada un protocole d'entente portant sur les questions relatives à la sécurité dans des périodes comme celle que nous traversons actuellement. Aux termes de ce protocole, nous sommes tenus d'élaborer et de déposer des plans d'action pour faire face à des situations du genre de celle dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui. C'est ainsi qu'une foule de mesures de sécurité ont déjà été prises sur une base volontaire par l'industrie.

En ce qui a trait aux recommandations et considérations concernant l'avenir, j'aimerais vous transmettre quelques messages importants. D'abord, il nous faudra faire en sorte que toute nouvelle mesure qu'adopteront nos gouvernements soit raisonnée, efficace et axée sur la collaboration entre nos deux pays.

• 1550

Comme en font état les bulletins de nouvelles aujourd'hui même, le gouvernement américain s'emploie très activement à trouver des fonds pour financer la mise en oeuvre de nouvelles mesures de sécurité à la frontière. C'est en effet aujourd'hui qu'on a présenté au Congrès américain le projet de loi sur le renforcement de la sécurité à la frontière. Or, ne serait-ce que sur le plan économique, cette annonce est pour nous un sujet d'inquiétude, compte tenu de l'éventualité qu'on mette en place à notre frontière commune de nouvelles mesures de sécurité susceptibles de nous causer des difficultés.

À mon avis, le gouvernement canadien doit, de son côté, faire de lui-même le nécessaire pour que la circulation des marchandises entre les deux pays ne soit pas compromise par l'application de ces nouvelles mesures. Alors que le gouvernement américain prend peut-être un peu l'initiative en ce qui touche la sécurité, il nous incombe de recourir, de notre propre chef, aux moyens appropriés pour veiller à ce que les marchandises puissent circuler librement de part et d'autre de la frontière. Il est dans l'intérêt de nos deux pays de faire en sorte qu'il en soit ainsi.

En ce qui a trait à l'application de certaines recommandations précises, je crois, comme je l'ai indiqué précédemment, que les chemins de fer se sont employés de façon très proactive à faciliter, dès le lendemain du 11 septembre, les mouvements transfrontaliers. Près de deux millions d'expéditions traversent la frontière chaque année. En ce qui touche le volume de marchandises transportées par voie terrestre vers les États-Unis, environ 44 p. 100 le sont par rail.

On a consacré énormément d'énergie au commerce électronique, et je crois que nous avons relativement bien réussi à atténuer les effets négatifs des événements du 11 septembre sur les services que nous offrons. Ce succès, nous l'avons obtenu grâce à un certain nombre d'initiatives que nous avons prises—dont l'implantation du système d'échange de données informatisées, le système d'EDI—et qui nous ont permis de faire en sorte que les données circulent facilement, que toutes nos données d'autocotisation des douanes soient transmises aux autorités douanières américaines et, inversement, aux autorités douanières canadiennes. Ces cinq ou dix dernières années, nous avons investi des sommes considérables dans l'adoption de pratiques frontalières éprouvées ailleurs afin de sécuriser davantage notre infrastructure, nos tunnels—notamment par l'installation de caméras—, nos cours de triage, etc.

Pour ce qui est des autres mesures qu'on devrait envisager d'adopter, je dirais qu'il y en a probablement quatre sur lesquelles nous devrions axer nos efforts. D'abord, nous devrions harmoniser nos politiques douanières, autrement dit, tendre vers une convergence plus étroite des pratiques de part et d'autre de la frontière. La deuxième mesure à prendre consisterait à instituer un précontrôle des marchandises à faible risque et des personnes respectueuses de la loi, afin de concentrer les ressources là où elles sont nécessaires.

Mon collègue Jim Phillips vous entretiendra probablement, entre autres, du programme NEXUS, qu'il faudrait redémarrer. Les programmes dont il vous parlera visent tous à distinguer les éléments à faible risque de ceux à risque élevé. Leur mise en oeuvre nous permettra de réaffecter avantageusement les ressources ainsi économisées au contrôle à la frontière des activités à risque élevé.

Troisièmement, nous aimerions que les inspections douanières s'effectuent au point d'origine ou de destination, autrement dit, ailleurs qu'à la frontière. Là encore, comme bénéfice secondaire, on pourrait se servir des ressources ainsi dégagées pour s'attacher aux opérations prioritaires à la frontière. Nous n'aurions alors qu'une seule inspection effectuée dans les ports, ou encore dans les principaux terminaux intérieurs, comme celui de Chicago. Il s'agirait d'inspections uniques, conformes aux normes des deux pays, touchant les envois tant intérieurs qu'internationaux.

Enfin, je crois qu'il nous faudrait nous orienter plus résolument vers la création d'une base de données centrale et de systèmes informatiques communs, notamment pour les douanes. Cette mesure faciliterait une foule d'opérations. Nous pourrons explorer cet aspect dans la discussion que nous aurons un peu plus tard. Mais ces systèmes devraient nécessairement être accessibles à tous les transporteurs, courtiers en douane, importateurs et exportateurs, qui pourraient les utiliser pour consigner leurs principales données pertinentes. Les agences douanières, de part et d'autre de la frontière, y auraient également accès.

C'était donc là, je crois, les principaux points sur lesquels je tenais à attirer votre attention. Nous pourrons en discuter plus amplement tout à l'heure. Si nous pouvions au moins nous orienter dans ces quatre directions, je crois que nous aurions fait un bon bout de chemin en vue d'atténuer certains des risques qui nous apparaissent manifestement présents à la frontière actuellement.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Phillips, peut-être que vous voudriez également nous faire part de certaines recommandations précises. Je sais que vous avez produit un rapport très complet, et nous allons l'intégrer au compte rendu comme si vous l'aviez lu.

Si vous pouviez vous en tenir à l'essentiel pour que nous puissions sans trop tarder entamer la discussion, ce serait formidable.

M. James Phillips (président, Canadian/American Border Trade Alliance): C'est ce que je vais faire, monsieur le président. Merci de m'avoir invité à comparaître devant vous.

• 1555

La Can/Am Border Trade Alliance, que je représente, est une organisation binationale transcontinentale à laquelle adhèrent 22 États américains et toutes les provinces canadiennes. Quelque 60 000 sociétés et organismes font partie de notre réseau. Notre conseil de direction est constitué des directeurs exécutifs des six régions qui composent notre organisation. Ensemble, ces régions, qui chevauchent la frontière, couvrent un territoire qui s'étend de la Colombie-Britannique aux Maritimes et de Seattle au Maine. Notre organisation est donc véritablement transcontinentale. Comme nous existons depuis 10 ans, le genre d'exercice auquel nous sommes conviés aujourd'hui nous est déjà familier.

Vous nous avez demandé des recommandations précises, et je vais vous résumer les nôtres. Elles viennent de notre base, au Canada comme aux États-Unis. Elles n'ont pas été concoctées en haut lieu; elles sont vraiment le fait d'une foule de gens qui dépendent de la frontière pour gagner leur vie.

Comme Bruce vous l'a signalé fort à propos, entre 36 et 37 p. 100 de l'économie canadienne tient directement à nos ventes aux États-Unis. La fluidité de nos échanges et l'efficacité à notre frontière commune revêtent une extrême importance, car, à mon humble avis, l'activité économique est le fondement même de la puissance d'un pays. Du moment que les échanges entre le Canada et les États-Unis sont perturbés ou interrompus et que, de ce fait, la viabilité économique de nos deux pays est mise en péril, nous nous retrouvons de part et d'autre devant de graves problèmes.

J'ai en main aujourd'hui sept recommandations précises et importantes que j'aimerais vous soumettre. L'Accord canado-américain de 1995 sur la frontière commune, la Vision de 1997 sur la gestion de la frontière, le Partenariat stratégique canado-américain de 1999, et l'Accord Ciels ouverts sont autant d'initiatives que les gouvernements des États-Unis et du Canada ont mises activement en oeuvre, qui représentent un changement de paradigme et qui sont d'une importance absolument cruciale pour nos deux pays. Le problème, c'est qu'en ce 31 octobre, comme c'était déjà le cas le 10 septembre, la situation qui règne actuellement à la frontière entrave le flux des biens et des personnes légalement autorisés à passer la frontière.

La frontière canado-américaine est tout autant la frontière américano-canadienne. C'est une frontière commune. Comme elle revêt de l'importance pour nos deux pays, c'est ensemble que nous devons faire la guerre de tranchées. C'est à partir d'une vision commune et bilatérale que nous devons travailler.

Certaines des choses dont je vais vous parler aujourd'hui me mettent un peu mal à l'aise, car il en est qui ont fait l'objet de décisions en 1995 et auxquelles nous n'avons pas encore pris soin de donner suite, malgré tous les pourparlers que nous avons tenus à leur sujet depuis lors. À l'époque, c'est David Anderson qui était le ministre, Pierre Gravelle, le sous-ministre et Allan Cocksedge, le sous-ministre adjoint. Ces trois personnes ont été les auteurs de l'accord de 1995 sur notre frontière commune. Il s'agissait vraiment d'une vision réaliste et pratique qui appelait un changement de paradigme. Malheureusement, nous voici réunis ici six ans plus tard, et les mesures dont je vais maintenant vous parler n'ont pas encore été appliquées. Il s'agit là, selon moi, d'une situation on ne peut plus critique.

Hormis le fait que l'accord n'a pas été mis en oeuvre, le premier problème qu'il nous faudrait régler est celui des ressources. Vu que cet aspect a déjà été abordé, je ne vais pas m'y attarder. À l'heure actuelle, quel que soit le moment, la moitié des principales voies donnant accès aux postes frontière entre les États-Unis et le Canada, de l'océan Pacifique à l'océan Atlantique, sont fermées pour une seule et unique raison: le manque de personnel aux douanes américaines et d'inspecteurs de l'INS. Voilà pour le côté américain.

Si vous voulez mon avis, la conséquence première, aux États-Unis, de la journée du 11 septembre, dans toute son atrocité et sa terreur, a été de faire porter davantage l'attention sur la question des frontières et de faire grimper cette préoccupation dans l'échelle des priorités; d'ailleurs, on s'y apprête déjà à mobiliser les fonds voulus pour s'attaquer à ce problème. Du côté canadien, on a également sous-financé tout ce qui touche à la frontière, notamment Citoyenneté et Immigration Canada, mais également les Douanes. Je vous exhorte donc à jeter un regard pragmatique sur ce que nous devrions faire sur ce chapitre.

Je crois qu'il est d'importance capitale que nous faisions aussi valoir que, quand on ajoute des effectifs—les Américains le font déjà—, il y a une foule de sujets d'inquiétudes qui surgissent concernant le resserrement des contrôles. En pratique, si un poste frontière compte 10 cabines de contrôle, ce qui est le cas, et qu'il y en a trois d'ouvertes, je puis vous garantir que le fait de porter de trois à six le nombre de préposés en poste dans les cabines va augmenter du double le nombre de personnes qui pourront passer facilement la frontière. Rien ne changera du côté de l'application des contrôles, mais deux fois plus de personnes passeront. Il s'agit donc d'une amélioration sur le plan de la fluidité des mouvements. Ne vous gênez pas pour accroître les ressources—sans toutefois exagérer.

Ma deuxième recommandation concerne l'«harmonisation», un mot qui est mal vu actuellement au Canada. On perçoit l'harmonisation comme étant synonyme d'américanisation. Rien n'est plus faux. L'harmonisation s'entend simplement de ce que font, par exemple, deux personnes sensées qui cherchent à trouver un moyen d'agir le plus possible de la même manière. C'est ce qu'on a fait avec beaucoup de succès depuis 1995. Le problème, c'est que nous nous retrouvons avec des systèmes parallèles. C'est ce que nous nous sommes donnés—des systèmes parallèles harmonisés. Le Canada agit à sa façon dans le domaine des douanes, et les États-Unis font de même de leur côté, en recourant à leurs inspecteurs de l'INS. Ce qu'il nous faut, c'est un système conjoint, intégré, et, dans certains cas, l'affectation d'employés polyvalents, là où il est logique qu'on demande au besoin à l'employé de faire le travail de l'autre, et vice versa. Je proposerais qu'on abandonne le parallélisme et qu'on s'engage dans des opérations conjointes.

• 1600

On parle maintenant de périmètre, de frontières extérieures et de facilitation du commerce. Faciliter les échanges commerciaux signifie réduire le double emploi au 49e parallèle. Les deux plus importants flux de marchandises actuellement se font depuis Halifax et Vancouver vers Chicago: les conteneurs provenant de l'étranger arrivent à l'un ou l'autre de ces deux terminaux portuaires à conteneurs, sont placés sur des wagons et transportés vers Chicago. Ils sont inspectés au port d'Halifax, par exemple, et quand ils arrivent à la frontière, les douaniers américains les vérifient de nouveau.

À l'inverse, il y a le flux des marchandises qui arrivent au port de New York pour ensuite être transportées vers Toronto. Ce sont d'ailleurs là les deux principales destinations des marchandises, à savoir Chicago, depuis les ports canadiens, et Toronto, depuis les ports américains. Dans ce dernier cas, la même chose se produit: les États-Unis vérifient la marchandise au port d'entrée, et le Canada les inspecte de nouveau à la frontière.

Ce que nous devons faire si nous mettons en commun nos données... Disons tout de suite que les Douanes canadiennes n'ont pas été en mesure, en raison de considérations relatives à la protection de la vie privée, de mettre en commun les données concernant les échanges commerciaux ordinaires avec les États-Unis. Il s'imposerait qu'on se penche sérieusement sur cette question. S'il y avait une telle mise en commun des données entre le Canada et les États-Unis, les Douanes canadiennes pourraient alors, quand un conteneur arrive à Halifax, demander aux douaniers américains s'ils veulent que nous inspections le conteneur en question. Il peut se présenter beaucoup de cas particuliers, par exemple l'arrivée de gaminets en provenance d'un pays étrangers, qui peuvent ne poser aucun problème spécial pour le Canada mais qui en présentent peut-être un pour les États-Unis. Ils vont demander au Canada de vérifier la présence de tels ou tels articles s'ils ont besoin de savoir ce que le conteneur contient. Dans ce cas, les Douanes canadiennes en feraient l'inspection à Halifax, et, comme Bruce l'a mentionné, une fois qu'il aurait été inspecté et réputé admissible, le chargement serait acheminé vers Chicago sous scellé, et le tour serait joué. C'est là l'élément principal de ce que nous appelons le contrôle externe ou au point d'arrivée initial. Tout repose sur la mise en commun des données. Le Canada se doit de faire le nécessaire pour pouvoir partager les données avec les États-Unis.

Troisièmement, les mesures législatives de prédédouanement dans les aéroports, qui ont été adoptées récemment après plusieurs années de pourparlers, doivent être élargies par le Parlement de manière à permettre le prédédouanement aux passages frontaliers. Il faudrait que le Parlement adopte cette mesure d'élargissement. Lui seul a la responsabilité et la compétence de permettre le prédédouanement aux passages frontaliers. Cet élargissement permettrait aux douaniers américains—et je n'aborderai pas ici la question du port d'armes par les douaniers, car je crois qu'on va s'en occuper—de venir travailler de notre côté de la frontière et vice versa. Au moment même où nous nous parlons—et il en est ainsi depuis 1935—, il y a une loi aux États-Unis qui permettrait aux douaniers canadiens d'aller travailler du côté américain s'il y avait au Canada une loi réciproque permettant aux douaniers américains de faire de même chez nous.

Il nous faut prendre une telle mesure, car aux ponts et aux tunnels frontaliers, comme on le voit bien ces temps-ci, il y a des files d'attente. Si le prochain acte terroriste était perpétré par quelqu'un qui, à bord d'un avion, s'avisait d'épandre un produit chimique toxique au beau milieu d'un pont frontalier entre les États-Unis et le Canada... Les files d'attente sont là, et personne ne s'en est encore préoccupé. Assez parlé.

Il est impérieux que nous adoptions une telle mesure législative. La loi américaine le permet déjà. C'est quelque chose qui relève de la compétence exclusive du Parlement.

La quatrième mesure consisterait à implanter un système conjoint de pré-autorisation de passage aux voyageurs à faible risque. Je ne voudrais pas être mal interprété ici. Avec NEXUS et CANPASS, les Canadiens ont été admirablement à l'avant-garde sur ce chapitre. CANPASS est un merveilleux système. NEXUS a donné lieu à un compromis majeur de la part des États-Unis. En effet, l'INS, qui avait toujours dit qu'il lui fallait inspecter tout véhicule qui entre aux États-Unis, n'en a pas moins accepté ce programme pilote, qui fonctionne magnifiquement bien au pont Blue Water.

J'estime qu'il nous faudrait absolument poursuivre nos efforts pour que ce système soit généralisé. Je me suis entretenu avec des élus au Canada et aux États-Unis afin qu'on s'oriente dans ce sens. J'espère bien que ce sera le cas.

NEXUS identifie les voyageurs à faible risque. L'idée maîtresse ici, c'est qu'il s'agit vraiment d'un moyen de faire appliquer la loi, d'assurer la sécurité, en identifiant les voyageurs à faible risque. Les demandeurs doivent faire vérifier leurs antécédents tant au Canada qu'aux États-Unis. On les interroge et on les soumet à un sacré contrôle. Puis, on leur remet leurs documents, et nous savons alors qu'ils ne présentent qu'un faible risque. Une fois qu'on les a identifiés, on est plus sûrs d'eux quand ils s'amènent aux frontières.

Je vous fais également remarquer que NEXUS—un nouveau système—devrait pouvoir s'appliquer aux conducteurs de véhicules commerciaux, car 20 p. 100 des camions qui traversent fréquemment la frontière sont vides. Si un chauffeur pouvait faire confirmer que son camion est vide, il pourrait—à la condition d'être muni d'une accréditation NEXUS—, une fois qu'on aurait vérifié si son camion est bel et bien vide, être autorisé à quitter la file et à traverser sans autre formalité, car on saurait à qui on a affaire.

• 1605

La cinquième mesure concerne le traitement des dossiers d'immigration à l'étranger. Je me suis vivement réjoui d'entendre aujourd'hui la ministre Caplan annoncer qu'on se propose d'appliquer à cet égard une procédure qui est à l'étude depuis un bon moment. Il s'agirait de permettre à CIC et à l'INS d'interviewer les gens à l'aéroport d'Orly à Paris, par exemple, et de ne laisser monter à bord de l'avion aucune personne qu'on ne saurait autoriser à débarquer à l'aéroport de Toronto ou à l'aéroport Kennedy aux États-Unis.

C'est ce que nous appelons le contrôle à l'étranger ou à la source, et il s'agit là d'un élément essentiel de ce qu'on désigne par périmètre. Je ne voudrais pas entrer dans un débat de sémantique, m'attarder à la signification des termes, mais quand on intercepte le plus loin possible de chez nous les gens qui peuvent présenter une menace, on vise juste. Nous souhaitons vivement qu'on adopte une telle mesure, et nous sommes très heureux de cette nouvelle.

Soit dit en passant, très rapidement, une autre perception qui nous est tous familière, c'est celle selon laquelle l'adhésion à ce projet de périmètre signifierait que nous allons devoir adopter le système américain. Il n'y a rien qui soit plus loin de la vérité. À mon sens, cela veut tout simplement dire que les États-Unis et le Canada travailleraient ensemble sur tout dossier touchant l'immigration en utilisant un même manuel d'instructions avec un certain nombre de pages différentes. Prenons l'exemple de Cuba, un pays très différent des États-Unis et du Canada. Supposons que je sois un agent de CIC en poste à l'aéroport d'Orly. Une personne en provenance de Cuba s'y présente avec l'intention de se rendre au Canada. Je lui dis tout simplement qu'elle est la bienvenue à Toronto. De son côté, l'agent américain d'immigration devra lui dire qu'il est désolé, mais qu'il ne peut l'autoriser à entrer aux États-Unis. C'est ce genre de chose dont il s'agit. Les agents de nos deux pays peuvent agir différemment, tout en se référant au même manuel d'instructions. C'est en ce sens qu'il nous faut travailler. Trouvons les 80 p. 100 d'éléments sur lesquels nous pouvons nous entendre et traitons-les en conséquence. Faisons en sorte que les 5 ou 10 p. 100 d'éléments sur lesquels nous divergeons d'opinion fassent l'objet du chapitre 2, mais appliquons ensemble le chapitre 1.

La sixième mesure a trait aux contraintes d'ordre matériel, et je m'en voudrais d'être venu ici sans vous en parler. Le programme d'autocotisation des douanes, qui concerne les marchandises en provenance du Canada, est une initiative fantastique en ce qui touche les marchandises transportées par camion ou par rail. Il y a également le PDDNR, un programme américain de mainlevée à la ligne d'inspection primaire et de traitement avant l'arrivée des marchandises transportées par camion. Ce sont là autant de systèmes qui permettent d'obtenir instantanément le dédouanement. Tout est traité à l'avance à l'aide du système d'EDI.

Maintenant, le chauffeur, l'acte de transport, et le chargement sont tous prédédouanés, et le camion n'a pas à s'arrêter à la frontière. Mais quand il s'en approche, il lui faut attendre 45 minutes simplement pour atteindre la cabine de contrôle. Une fois rendu, il peut franchir la frontière presque sans ralentir, sans devoir s'arrêter. Il a été retenu parce qu'il était dans la file d'attente derrière le camion le plus lent, dont le chauffeur n'avait rempli aucune formalité. Celui-ci vient de loin aux États-Unis, c'est la première fois de sa vie qu'il franchit la frontière, peut-être n'a-t-il même pas ses documents d'immigration, il ne sait même pas en quoi consiste un manifeste, il n'a pas payé son droit de 5 $ pour passer la frontière, il reste cinq ou six minutes à la frontière et il retarde les autres camions. L'important ici, c'est de faire la distinction entre les véhicules—camions et automobiles—à haut risque et ceux à faible risque et de permettre à ces derniers d'accéder plus rapidement aux cabines de contrôle.

On parle de voies réservées, une solution qui n'en est pas une, à mon avis. Je vais vous l'illustrer par un exemple. Il peut y avoir trois cabines d'accueil pour les camions, mais il n'y a que deux voies de circulation dans les deux sens sur une autoroute, un pont ou un tunnel. Il y a, disons, 10 ou 15 cabines d'accueil à un poste frontière et, ordinairement, au plus trois cabines d'accueil pour les camions. Le problème, c'est qu'au poste frontière et sur les autoroutes, la voie de droite est pour les camions et celle de gauche, pour les automobiles. Ils sont tous à la file indienne. Même si on a une voie réservée plus loin pour les camions, ceux-ci ne peuvent pas y accéder parce qu'ils sont déjà dans une file d'attente d'un demi-mille. Une voie réservée n'est donc pas la solution.

La solution, c'est d'enlever les automobiles de là, de faire sortir les camions à faible risque de l'autre voie et de leur donner accès aux cabines d'accueil.

Quant à l'idée d'économiser de l'argent, de l'essence et du temps grâce au concept de gestion des stocks juste à temps, toutes ces mesures, qui sont essentielles pour la bonne marche de nos affaires, ne servent à rien, quel que soit le système que nous adoptions, si on ne parvient pas à permettre au trafic de s'écouler à la frontière. Il s'agit là d'une question d'une extrême importance.

Ma dernière considération et non la moindre, c'est que je tiens à ce que vous sachiez qu'il s'est accompli à ce jour beaucoup de travail. J'ai remis à votre président une copie de ce qu'on appelle le «Modèle d'analyse et de gestion de la frontière». Il a été mis à l'essai au Peace Bridge. Il nous renseigne sur l'effet qu'auraient sur le trafic ainsi que sur le nombre et le volume d'arrivages la mise en oeuvre de deux mesures. La première consisterait à déplacer trois cabines de contrôle des douanes, c'est-à-dire trois douaniers par équipe de travail, depuis le côté américain vers le côté canadien—juste trois personnes. L'application d'une telle mesure exigerait l'adoption d'une loi en ce sens par le Parlement. La deuxième consisterait à généraliser l'implantation du programme NEXUS en présumant que 20 p. 100 des automobilistes—seulement un sur cinq—qui ont à franchir la frontière y adhéreraient—et c'est très réalisable.

Si seulement nous prenions ces deux mesures, nous éviterions à 75 p. 100 des camionneurs de devoir faire la queue comme c'est le cas actuellement. Le temps de transit moyen d'un camion serait ramené de 44 à 18 minutes; on économiserait 105 000 gallons de carburant diesel, 93 000 heures par an de temps de chauffeur de camion ou de coût de camionnage et on réduirait de plus de 50 p. 100 par an les émissions de monoxyde de carbone, d'oxyde d'azote et d'hydrocarbures, ce qui aurait une incidence positive sur la santé et la sécurité des gens. Si nous généralisions l'implantation du système NEXUS, en escomptant un taux d'adhésion de 20 p. 100, nous éviterions à 65 p. 100 des automobilistes de devoir attendre dans une file d'un mille de long. Le temps requis pour franchir cette frontière où il y a une telle affluence serait réduit de 67 p. 100. Nous permettrions aux automobilistes d'économiser 63 000 gallons d'essence et épargnerions 108 000 heures d'attente à ceux qui seraient autrement immobilisés à ne rien faire dans des voitures, sans compter que nous réduirions de 50 p. 100 les émanations polluantes.

• 1610

Pour y parvenir, il faudrait prendre deux mesures: adoption par le Parlement d'une loi autorisant le prédédouanement avant l'arrivée aux postes frontière, et implantation généralisée de NEXUS. Ces deux mesures suffiraient. Un douanier américain m'a appelé le 18 septembre pour me dire que, si ces deux mesures avaient été appliquées au Peace Bridge le 11 septembre, environ 80 p. 100 des retards et des problèmes qu'on a alors connus auraient été évités.

C'étaient là les cinq ou six mesures dont je propose l'adoption. Sauf erreur, monsieur le président, vous nous avez demandé des recommandations précises. Je termine là-dessus.

Le président: Merci beaucoup pour vos recommandations précises.

Monsieur Poisson, nous voulons maintenant les vôtres.

M. Yves Poisson (expert-conseil, Forum des politiques publiques): Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à comparaître devant votre comité.

Je m'adresse à vous au nom du Forum des politiques publiques. Le conseil d'administration du Forum a décidé, il y a maintenant près de deux ans, que l'intégration économique nord-américaine, et plus particulièrement son impact sur les politiques gouvernementales canadiennes, serait l'un des quatre volets d'action prioritaires de notre organisme pour la période 2000-2003.

La raison principale qui a amené nos membres du secteur privé à proposer cet élément de notre plan d'action, c'est la crainte que les gouvernements, et particulièrement le gouvernement fédéral, ne saisissent pas toute la portée que pourrait avoir cette intégration économique. Les gouvernements canadiens continuent d'en aborder les implications sans chercher à assurer une bonne coordination horizontale des mesures qui sont prises à cet égard.

J'ai avec moi une déclaration que je ne vous lirai pas, mais dont j'aimerais, avec votre permission, vous citer presque en diagonale quelques éléments.

Le Forum des politiques publiques est un organisme sans but lucratif et non partisan qui a pour mandat de tenter d'améliorer la gestion des affaires publiques au Canada en suscitant la tenue d'un dialogue plus ouvert entre les secteurs privé, public et sans but lucratif. Compte tenu de sa nature, le Forum n'a pas pris officiellement position à propos des choix politiques que nos gouvernements devront faire pour réaliser cette intégration économique. Nous avons toutefois interviewé des gens et organisé des tables rondes, des conférences et des réunions pour débattre de cette question. Ce que j'aimerais, c'est vous faire part très brièvement de certains des principaux points de vue qu'il nous a été donné d'entendre.

Pour les affaires, la frontière physique entre le Canada et les États-Unis est une vraie calamité, et le mot n'est probablement pas trop fort pour décrire ce qu'elle représente. Avant le 11 septembre, l'ouverture des frontières apparaissait comme un idéal, un espoir. On semble maintenant craindre que la réalisation de ce projet n'ait été repoussée aux calendes grecques.

Comme d'autres l'ont mentionné précédemment, les problèmes qui se posent à la frontière ne sont pas nouveaux. Les événements du 11 septembre nous ont placés subitement devant l'évidence de problèmes bien précis qui existaient depuis longtemps et qui allaient en s'aggravant. Cela faisait des années que les autorités américaines utilisaient une approche axée sur le contrôle et l'inspection, alors que les autorités canadiennes, elles, optaient plutôt pour une démarche visant à faciliter davantage le mouvement des marchandises. Quand on est conscient de cet état de chose, on ne s'étonne pas qu'on ait connu des problèmes et qu'on ait eu du mal à harmoniser les procédures ou à mettre en application certaines des mesures qui avaient été proposées auparavant.

Nous avons organisé une table ronde en avril. Quelques-unes des conclusions qui se sont dégagées de cet exercice méritent d'être mentionnées. La première, c'est que, si nous voulons vraiment régler le problème, il nous faut absolument à la fois faciliter le commerce et agir sur le plan des contrôles et de la sécurité. Les contrôles aux frontières doivent, bien sûr, entraver le moins possible le commerce, de même que la circulation des personnes et des biens qui présentent peu de risques. Il faut par ailleurs qu'ils répondent aux préoccupations communes de nos deux pays—surtout des États-Unis, avouons-le—en matière de sécurité.

• 1615

Comment rendre la frontière plus efficiente? Jim Phillips a suggéré un certain nombre de moyens pour y arriver. Je résumerais ses propositions en disant que, premièrement, il faut effectuer ailleurs qu'aux postes frontière les opérations d'inspection et de vérification tant des biens que des personnes. Deuxièmement, on doit harmoniser, simplifier, rationaliser et coordonner les procédures.

Dans cet ordre d'idées, j'aimerais attirer votre attention sur la directive présidentielle qu'a émise monsieur Bush il y a deux jours, plus précisément le 29 octobre. Cette directive ordonne justement au Secrétaire d'État au Trésor et au Procureur général des États-Unis d'intensifier avec le Canada et le Mexique l'échange de renseignements en matière de douanes et d'immigration et de procéder, en collaboration avec ces deux pays voisins, à la création d'une base commune de données touchant le contrôle de l'immigration et des douanes. J'encourage les membres de votre comité à prendre connaissance de cette proposition. J'espère que le gouvernement saura vraiment profiter de cette occasion et de cette ouverture offerte par l'administration américaine.

Troisièmement, il faudrait adopter une politique dite de gestion du risque et maintenir une attitude d'ouverture en ce qui touche notre frontière commune. Je crois qu'on a décrit cette option tout à l'heure. La création du Partenariat stratégique canado-américain est sans contredit à cet égard un pas dans la bonne direction. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui considèrent que le plan adopté en 1999 demeure généralement valable et que certaines des mesures qu'il prévoit devraient être mises en oeuvre avec une vigueur renouvelée, en prenant soin d'y aller d'un soutien politique et financier adéquat. Si ce plan n'a pas encore été réalisé, ce n'est pas que le jeu n'en valait pas la chandelle, mais qu'on n'a pas vraiment manifesté de volonté politique ni mobilisé les ressources voulues pour qu'il se matérialise.

Il faudrait cependant faire encore davantage. L'adoption de politiques appropriées concernant l'admission des personnes et la sécurité en général est vraiment primordiale si l'on veut régler le problème de la circulation des biens et des personnes et rendre plus fluide le mouvement des marchandises à la frontière.

À cet égard, d'aucuns parmi nous ont mentionné que les exportations canadiennes vers les États-Unis sont responsables de 30 p. 100 de notre PIB. J'aimerais vous citer un chiffre moi aussi. C'est que ces mêmes exportations canadiennes vers les États-Unis ne représentent que 2,4 p. 100 du PIB américain. En chiffres absolus, leur valeur demeure la même, mais leur importance relative est incomparablement moindre pour les Américains que pour nous.

Le rapport entre nos deux pays s'en trouve foncièrement déséquilibré sur ce plan. Cet état de choses devrait donc inciter fortement le Canada à prendre très au sérieux les inquiétudes qu'éprouvent les Américains à l'égard de notre frontière commune et ne rien négliger pour désamorcer ces inquiétudes. Nos échanges commerciaux sont plus importants pour nous qu'ils ne le sont pour eux, même compte tenu des énormes sommes et du grand nombre d'entreprises qui sont en jeu pour eux également.

J'aimerais dire un mot des politiques touchant l'admission des personnes. Il y a des gens qui disent que le Canada est un refuge pour les terroristes, et des choses de ce genre. J'aimerais vous citer à ce propos cet extrait d'un article que j'ai lu dans un journal:

    Le système de filtrage et de suivi des visiteurs étrangers est dépassé, lourd à administrer et engorgé. Il en résulte que les procédures d'immigration n'offrent aucun moyen fiable de repérer les terroristes potentiels qui n'auraient pas respecté les conditions rattachées à leur visa.

Vous vous dites peut-être que cette citation est tirée d'un journal canadien. Détrompez-vous. Elle est tirée d'un journal américain de Portland. J'ai trouvé l'article en question très intéressant. On y analysait la procédure d'accueil des réfugiés et des immigrants. Je puis vous en fournir une copie si vous le désirez.

• 1620

Je ne dis pas que notre système est parfait, mais il ne faudrait surtout pas croire que celui des Américains est vraiment plus efficace que le nôtre. Cela ne veut pas dire non plus qu'il n'y a pas de place chez nous pour de l'amélioration, mais je pense que certaines choses doivent quand même être mises en perspective.

Les événements du 11 septembre ont mis à l'avant-scène le débat sur les frontières, le commerce, etc. Le Forum est d'avis qu'il serait temps qu'on discute de ces questions ainsi que des moyens de concilier sécurité et fluidité des échanges. Nous avons donc décidé d'organiser à cette fin une importante conférence qui se tiendra à Toronto fin novembre. Je serai heureux de vous fournir de plus amples renseignements à ce sujet si vous le souhaitez.

Le Forum continue de s'intéresser aux questions touchant les frontières et à divers autres aspects relatifs à l'intégration économique. À ce titre, il dirigera une mission de hauts fonctionnaires provinciaux et fédéraux qui se rendront à Bruxelles et à Berlin vendredi prochain pour examiner la politique de gestion des frontières communes que l'Union européenne a adoptée par suite de l'accord de Schengen ainsi que les défis que soulève l'application de cette politique pour la sécurité des partenaires européens. Je serai ravi de vous fournir dans quelque temps de plus amples indications sur les leçons que le Canada pourrait tirer de l'expérience européenne en ce qui concerne la sécurité aux frontières.

Enfin, le Forum continuera de s'intéresser à la place du Canada dans l'espace économique nord-américain. J'en conviens, l'attention est actuellement rivée sur la gestion de la frontière canado-américaine. Les milieux d'affaires en particulier estiment que les solutions aux problèmes doivent être envisagées dans un contexte bilatéral. Il est vrai que les problèmes qui se posent à cet égard entre le Mexique et les États-Unis sont très différents et que, pour le moment, l'approche bilatérale est probablement la meilleure.

Nous ne devons pas oublier cependant que nous partageons avec les États-Unis et le Mexique l'espace géographique nord-américain et qu'il serait important que le débat s'élargisse le plus tôt possible pour englober d'autres partenaires. Le troisième partenaire, le Mexique, est à la fois un allié et, jusqu'à un certain point, un concurrent du Canada.

J'aimerais vous faire une suggestion. Il y a actuellement deux groupes, l'un constitué de parlementaires des États-Unis et du Canada, et l'autre, de parlementaires des États-Unis et du Mexique, qui se réunissent chacun de leur côté. Le Forum suggère que les deux groupes se réunissent parfois ensemble pour discuter d'intérêts communs et échanger utilement des opinions. De telles rencontres pourraient d'ailleurs contribuer à dissiper certains mythes concernant les politiques canadiennes en matière de sécurité, de gestion des frontières et d'admission des personnes. À long terme, elles pourraient mener à d'intéressantes propositions de solutions pour régler cette question.

Merci de votre attention. Je serai heureux de répondre à vos questions le moment venu.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Khun.

M. George Khun (directeur général, Association des transitaires internationaux canadiens): Merci, monsieur le président.

Bien des choses ont déjà été dites, et je ne voudrais pas les répéter. Au départ, monsieur le président, vous nous avez posé la question de savoir ce que le gouvernement peut faire. Quant à nous, nous croyons que le projet de loi C-11 constitue un élément clé de tout ce problème avec lequel nous sommes aux prises. Nous avons vu le gouvernement prendre des mesures fort heureuses avec le projet de loi C-36. Tout cela est annulé par le projet de loi C-11. Il ne s'attaque pas à ces questions.

Plus précisément, nous voulons parler de l'immigration, en particulier de la politique relative au traitement des demandes du statut de réfugié. Nous sommes d'avis que, si nous parvenions en cette matière à mettre sur pied un régime plus sécuritaire, sous lequel les demandeurs du statut de réfugié, plutôt que d'être automatiquement relaxés, seraient d'abord assujettis à une vérification complète et adéquate, le problème qu'il nous faut résoudre concernant la circulation des personnes à notre frontière s'en trouverait résolu dans une large mesure.

Récemment, hier ou avant-hier, j'ai lu quelque chose qui m'a plutôt alarmé à propos de discussions qui se tiennent à Washington concernant une procédure d'enregistrement et de vérification de toute personne qui désire franchir la frontière. Si une telle mesure était appliquée, et que tout le monde était tenu de s'enregistrer, par exemple, je crains vraiment les conséquences qui en résulteraient, notamment en ce qui touche les délais.

• 1625

Pour le reste, étant donné que nous vous avons remis notre mémoire, je n'ai pas à aborder les questions qu'il contient. J'aimerais toutefois souligner, avant de terminer, qu'une bonne partie du travail, comme l'a si éloquemment démontré James Phillips, est déjà fait. Le rapport du Forum du PSCA est un excellent document, qui montre que le travail a déjà été accompli dans une large mesure. Tout ce qu'il nous reste à faire, c'est vraiment d'essayer de consolider et d'encadrer tout cela.

C'est donc dire que, si nous remédions aux lacunes du projet de loi C-11 et que nous nous attachons à donner suite au rapport du Forum du PSCA, nous allons probablement trouver d'excellentes solutions.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Everson.

M. Warren Everson (vice-président, Politiques et planification stratégique, Association du transport aérien du Canada): Merci, monsieur le président.

Je ne voudrais pas obliger plus qu'il n'en faut les députés à écouter passivement nos discours. J'allais renoncer à formuler ma déclaration, mais permettez-moi de vous faire part en quelques phrases de mes observations.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, PC/RD): Monsieur le président, je m'excuse, mais je n'ai pas compris son nom.

Le président: M. Warren Everson. Il est le porte-parole de l'Association du transport aérien du Canada, qui représente les sociétés aériennes.

M. Gary Lunn: Désolé de vous avoir interrompu.

M. Warren Everson: Je vous en prie.

Les événements du 11 septembre ne nous ont pas causé autant de désordre et de retard à la frontière qu'on pourrait être porté à le croire, étant donné que la circulation de nos aéronefs a été interrompue si rapidement. Ce n'est pas un problème très agréable à avoir. Nous avons par la suite été forcés de retirer de la circulation au-delà de 20 p. 100 de nos appareils. Donc, malgré le resserrement marqué des mesures de sécurité, les choses se passent encore pour nous d'une manière passablement expéditive à la frontière. Cependant, cette situation n'est que passagère, et nous savons parfaitement bien que, dès que les voyageurs se remettront à prendre l'avion, compte tenu des délais supplémentaires qu'entraînera le resserrement des mesures de sécurité, nous allons vraiment nous retrouver dans de beaux draps.

Les choses n'allaient déjà pas très bien pour nous avant le 11 septembre, comme d'autres intervenants l'ont fait remarquer, je crois. Alors que les mouvements transfrontaliers et le trafic aérien se sont accrus de façon exponentielle au cours des années 90, largement en raison de l'accord Ciels ouverts que le gouvernement avait conclu, les ressources affectées aux douanes de part et d'autre de la frontière n'ont, à vrai dire, pas du tout augmenté, et elles ont même diminué pendant plusieurs années. Par conséquent, nous n'allons pas être à la hauteur quand l'affluence sera revenue à la normale.

Il nous faudrait établir avec les États-Unis un nouveau type de rapport qui soit innovateur. La mise en oeuvre de certaines mesures constructives auxquelles on a déjà fait allusion serait d'importance capitale pour l'industrie du transport aérien, mais je tiens à insister sur le fait que le Canada a besoin d'une relation spéciale avec les États-Unis. Nous ne pouvons nous contenter de ce que le reste du monde obtient des Américains dans le secteur du transport aérien, pour des raisons dont je serai ravi de vous parler quand nous allons nous engager dans la discussion.

Il faut qu'on nous traite différemment, étant donné notre situation unique sur le plan géographique, qui tient à notre proximité avec les États-Unis. Il nous faut un tel traitement pour des raisons économiques. Nous avons également besoin de cette relation spéciale et d'une frontière bien protégée pour notre propre sécurité. À l'instar d'autres intervenants, je me fais constamment dire, quand je suis aux États-Unis, que le Canada est un piètre partenaire sur le plan de la sécurité. À cet égard, je suis souvent poussé à signaler à mes interlocuteurs que ce jugement sur nous n'est certes pas fondé puisqu'un plus grand nombre de criminels sont arrêtés à notre frontière commune lorsqu'ils s'apprêtent à pénétrer au Canada que l'inverse. D'ailleurs, nous avons également eu notre part de terroristes meurtriers qui nous sont venus des États-Unis.

Nous devons mieux protéger notre frontière et y affecter davantage de ressources, pour notre propre sécurité de même que pour des raisons économiques. Par conséquent, plutôt que d'avoir l'impression de se laisser marcher sur les pieds avec des projets comme celui relatif à un quelconque périmètre de sécurité, par exemple, nous devrions aller résolument au-devant pour définir ce genre de choses à des conditions qui nous conviennent. Les Européens, comme tout le monde le sait, sont des lieues en avance sur nous à cet égard.

Il y a une suggestion dont j'aimerais vous faire part et que je voudrais voir figurer au compte rendu, car je suis amené à en parler quotidiennement ces temps-ci. Le Canada et les États-Unis, ainsi que la Grande-Bretagne, s'orientent vers l'adoption de procédures qui obligeraient les sociétés aériennes à produire à l'avance des données concernant leurs passagers, de manière à ce qu'on puisse vérifier quels voyageurs sont présents sur les différents vols, identifier les personnes à risque élevé et, par le fait même, faciliter le transit de tous les autres passagers. Il s'agit là d'une idée absolument formidable, mais, à l'heure actuelle, Douanes Canada et Citoyenneté et Immigration Canada exigent ou s'apprêtent à exiger des ensembles de données différents. Il est question qu'on recueille des ensembles de données qui différeraient de ceux qu'exigent les services de douanes et d'immigration des États-Unis.

Il est presque superflu de mentionner qu'il s'agit là d'une situation intolérable. Nous avons pressé les autorités compétentes de nos deux pays de s'asseoir ensemble et de réunir dans une même salle tous les organismes intéressés—qui, bien entendu, sont constamment comme chiens et chats—pour qu'on en vienne à exiger de tous les transporteurs aériens des ensembles de données identiques concernant leurs passagers. Ce serait là un fantastique pas en avant. C'est d'ailleurs la seule façon de procéder qui puisse être efficace. Voilà. C'est une suggestion dont je tenais à vous faire part.

Je m'arrête ici, et je suis impatient de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

• 1630

Sur ce, allons-y pour la période de questions, en commençant par M. Rick Casson.

M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci beaucoup à tous nos invités. Vos exposés ont été très instructifs. Il est manifeste que beaucoup de travail avait déjà été accompli avant le 11 septembre et que des recommandations allaient bientôt être formulées.

Le poste frontalier de Coutts est situé dans la circonscription que je représente dans le sud de l'Alberta. C'est une traverse passablement fréquentée. Cela fait de nombreuses années qu'on projette d'y construire de nouvelles installations. C'est absolument incroyable ce qu'il faut de logistique et de coordination pour amener tous les paliers de gouvernement et tous les organismes des deux côtés de la frontière à s'entendre. Tout se ramène au fait que les douaniers américains ne peuvent venir travailler de notre côté de la frontière étant donné qu'ils sont armés—et vous avez fait allusion à cette question du port d'armes. Je crois que tout ce que nous devons faire, c'est nous montrer plus ouverts d'esprit et nous efforcer de parvenir à une meilleure coordination.

J'ai une question pour vous, monsieur Griffin. Vous avez indiqué qu'il faudrait que les douaniers aient accès au CIPC. Est-ce suffisant? Il semble bien que vous teniez tous mordicus à ce qu'il y ait coordination et mise en commun des données à tous égards. Avons-nous besoin de créer une autre base de données spéciale pour ce genre de chose?

M. David Griffin: Je crois que vous posez là une bonne question. Je rappelle à tous que le CIPC, c'est le Centre d'information de la police canadienne. Je reçois parfois des appels de douaniers qui se plaignent de ne pas avoir accès à cette banque d'information. Ce sont ces douaniers de première ligne qui effectuent les vérifications. Or, il leur faut passer par deux niveaux de surveillants pour avoir accès à l'information. Je ne veux pas dire que c'est là leur seul problème; ce n'est qu'un exemple du besoin de mise en commun de l'information.

Je crois qu'on a fait valoir un point très intéressant à propos de toute la question de la liberté d'information, de l'accès aux renseignements et du respect de la confidentialité. Tout ce qui en résulte, c'est que les gens tiennent à garder leur banque d'information pour eux-mêmes par crainte de s'attirer des embêtements en transmettant des renseignements à un autre organisme. Je crois qu'il nous faudra concilier ces choses, car la police a parfois intérêt à connaître certains éléments d'information que des agents d'immigration ou des douaniers pourraient posséder, et vice versa. Je serais donc de l'avis de ceux qui ont mentionné que l'on devrait mettre en commun l'information.

Le président: Peut-être que M. Bevan aurait quelque chose à ajouter là-dessus.

M. Vince Bevan: Merci, monsieur le président. En effet, j'aimerais ajouter quelque chose. J'ai raté l'occasion de m'exprimer tout à l'heure. Je croyais que nous allions faire de simples introductions et formuler de très brefs commentaires. Mais la question de M. Casson porte justement sur le sujet dont je voulais traiter.

Concernant les propos qu'ont tenus d'autres intervenants, notamment MM. Poisson et Everson, au sujet de l'idée que se font de nous les Américains, je vous signale que j'ai eu l'occasion, pas plus tard que la semaine dernière, de participer à Toronto à l'assemblée de l'Association internationale des chefs de police, et que j'y ai entendu de la part de mes collègues des États-Unis un message clair, à savoir que la perception qu'on y a de nous pose effectivement problème.

Il y a des solutions qui ont été proposées pour résoudre ce problème. Une approche intégrée, dont nous avons d'ailleurs entendu parler de la bouche d'un autre intervenant aujourd'hui, est l'une des mesures qui faciliterait la mise en commun de l'information de même que la coordination des efforts de part et d'autre de la frontière. Il s'agirait d'une démarche multidisciplinaire à laquelle participeraient l'ADRC et les Douanes et qui suppose également qu'Immigration Canada et l'INS seraient de la partie à la même table, tout comme d'ailleurs les forces policières.

Des Américains ont effectivement l'impression, comme on l'a dit précédemment, que le Canada est devenu un refuge pour les indésirables. Aux États-Unis, on se dit que nos procédures laxistes de contrôle ont eu pour résultat de permettre qu'on laisse entrer chez nous des gens qui sont devenus par la suite une menace pour leur pays. Ma crainte, après m'être entretenu avec mes collègues des États-Unis, c'est que les autorités américaines prennent, pour renforcer les contrôles à la frontière, des mesures unilatérales qui entraveront nos échanges commerciaux et limiteront l'accès à leur pays, et qu'elles le fassent sans avoir pris soin de bien s'informer des faits réels, je pense, et en cédant à la peur, car la peur est présente dans tout ce qui se fait actuellement chez nos voisins.

Tout ça remonte à avant le 11 septembre. Les Américains se sont mis à avoir peur quand M. Ressam est entré dans leur pays depuis la Colombie-Britannique, ce qui a valu au Canada de se retrouver dans la mire de certaines personnes aux États-Unis qui s'inquiétaient déjà depuis un certain temps de la possibilité que des terroristes se faufilent dans leur pays depuis le nôtre.

Aujourd'hui même, les bulletins de nouvelles font état de l'arrestation de 11 personnes qui ont été interceptées sur le train entre Windsor et Detroit. C'est un autre incident qui, je le crains, va jeter de l'huile sur le feu dans le débat concernant les mesures à prendre à la frontière canado-américaine.

• 1635

D'aucuns réclament qu'on resserre les mesures de surveillance de la sécurité le long de la frontière. Récemment—vendredi dernier, si je ne m'abuse—, les États-Unis ont adopté une loi ayant pour objet de tripler le nombre d'agents le long de la frontière canadienne, ce que mes collègues américains ont désigné plutôt gentiment cette semaine comme étant leur frontière Nord. Dans le passé, il s'agissait d'une frontière amicale. Le message que ces mêmes collègues me transmettent maintenant, c'est que cette frontière est considérée aujourd'hui comme étant problématique par un bon nombre des gens avec qui ils traitent.

Je pense que votre comité a, de toute évidence, la possibilité d'améliorer cet état de choses. La perception que se font de nous de nombreux Américains risque de finir par refléter la réalité si notre pays ne fait rien de palpable afin de désamorcer les craintes que nous suscitons chez eux. Je partage l'avis de ceux qui estiment qu'il en va de l'intérêt de nos deux pays de faire en sorte que les échanges commerciaux se déroulent de la manière la plus fluide possible à notre frontière commune.

J'estime que le Canada devrait dès maintenant profiter de l'occasion qui lui est offerte de travailler de concert avec les États-Unis à la mise en application des mesures que ce pays entend prendre et qu'on devrait aborder les problèmes qui se posent à notre frontière commune dans le cadre d'une démarche multidisciplinaire intégrée. En outre, le Canada devrait, selon moi, faire la preuve que nous prenons au sérieux la responsabilité qui nous incombe comme pays d'exercer des contrôles rigoureux et adéquats auprès des étrangers qui s'amènent chez nous. Ce message m'apparaît très important, d'autant plus que nos voisins du Sud s'attendent à ce que nous exercions un certain leadership à cet égard.

Le président: Fantastique. Merci beaucoup.

Monsieur Casson, avez-vous d'autres questions?

M. Rick Casson: J'en ai deux ou trois autres.

J'ai pris bonne note de vos observations. Je présume que nous allons nous orienter vers l'établissement d'un périmètre de sécurité, et je me demande si cela signifie que nous allons transférer sur nos côtes certains des contrôles que nous exerçons à la frontière, au 49e parallèle, pour y vérifier les antécédents des gens qui s'apprêtent à entrer dans notre pays, et que nous allons nous assurer que nos critères s'harmonisent avec ceux des Américains à cet égard. D'après ce que vous dites, les Américains ne font peut-être pas eux non plus un travail aussi fantastique qu'on serait porté à le croire.

J'aurais deux ou trois questions précises à vous poser. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez exactement par «voie réservée»? Voulez-vous dire que ceux qui peuvent se servir de cette voie ont obtenu un prédédouanement, qu'ils peuvent passer directement la frontière sans autre formalité, par exemple? Qu'est-ce que cela implique?

Le président: Cette question s'adresse-t-elle à M. Phillips ou à M. Burrows?

M. Rick Casson: M. Burrows y a fait allusion, mais M. Phillips aussi, je crois.

M. James Phillips: Peut-être que M. Burrows pourrait se charger de répondre à cette question, puisque c'est lui qui l'a d'abord soulevée.

M. Rick Casson: Bien sûr.

M. Bruce Burrows: C'est une bonne idée.

Ce que je veux dire par là, c'est que la voie est réservée, qu'elle donne la priorité, en ce sens qu'il y a une voie ferrée dans un corridor donné qui empêche les trains de sortir de ce corridor. C'est dans ce sens qu'on peut parler de voie réservée.

Mais pour ce qui est du prédédouanement, si, par exemple, pour revenir sur le point qu'a soulevé M. Phillips, nous devions avoir un processus d'inspection pour, disons, les conteneurs en provenance d'outre-mer qui transitent par Vancouver et Halifax—et aussi, en fait, par Montréal, qui est peut-être le plus important point de transit—, il pourrait s'agir d'inspections qu'on effectuerait à l'avance conjointement aux ports en question en tenant compte des intérêts tant du Canada que des États-Unis, puis les conteneurs seraient marqués d'un sceau et prédédouanés, et le convoi serait autorisé à emprunter cette voie réservée. J'emploie donc ce terme pour parler tout simplement d'une voie ferrée qui, par définition, est limitée à une certaine trajectoire.

M. Rick Casson: Je vois.

M. James Phillips: Puis-je intervenir un instant?

Le président: Oui, monsieur Phillips.

M. James Phillips: L'Alberta est un très important participant de Can/Am, et je travaille en collaboration avec le premier ministre Klein sur cette question. Il y a des gens très efficaces là-bas.

Je partage votre colère et votre déception en ce qui concerne le poste frontalier Coutts-Sweetgrass. M. Casson a eu l'amabilité de ne pas parler du fait que les règlements de zonage au Canada sont différents de ceux des États-Unis. On ne peut couler une dalle de béton commune d'un côté ou de l'autre de la frontière pour diriger le flot de la circulation vers ces installations communes parce que, sans une loi du Parlement du Canada, nous ne pouvons déplacer la bâtisse ailleurs qu'à l'endroit où passe la ligne jaune, qui est plein milieu du bâtiment. La bâtisse est érigée au mauvais endroit. Elle ne devrait pas être là, mais ça c'est autre chose. Somme toute, je vous comprends.

Mais à propos de voie réservée, si vous me permettez de simplifier les choses à l'extrême, pour moi, l'adoption du concept de périmètre de sécurité, ou quel que soit le nom qu'on lui donne, aurait pour effet de nous permettre d'intercepter les indésirables dans leur pays d'origine, d'établir, s'il y a lieu, qu'une personne n'est pas admissible selon les règles en vigueur aux États-Unis ou au Canada, ou dans les deux pays selon le cas, et de l'empêcher de quitter son point d'origine à moins d'être admissible aux États-Unis.

• 1640

Donc, ces personnes ne pourraient se rendre à Toronto et s'en aller séjourner dans des motels de Niagara Falls—un moyen d'essayer d'entrer aux États-Unis—, pas plus qu'elles ne pourraient débarquer à l'aéroport Kennedy pour se rendre ensuite à Niagara Falls, dans l'État de New York, pour y guetter une occasion d'entrer au Canada. Si nous pouvions interdire l'accès aux personnes jugées non admissibles avant même qu'elles ne quittent l'étranger, la vérification au point d'arrivée en sol canadien se ferait dans le cas des autres étrangers à un très petit nombre de ports de mer ou d'aéroports, puisque c'est là que débarquent la majorité sinon la totalité des voyageurs d'outre-mer. Ils ne se présentent pas à la frontière terrestre canado-américaine, mais bien aux aéroports internationaux et à nos grands ports de mer.

C'est là que nous mettrions l'accent en ce qui touche les douanes et l'immigration—notamment l'immigration—de façon à ce que les arrivants fassent l'objet d'une vérification au point de première arrivée avant d'être autorisés à circuler à l'intérieur du pays. Essentiellement, la vérification se ferait au point de première arrivée pour les marchandises et les personnes admissibles et dans le pays d'origine dans le cas des personnes jugées non admissibles.

Si on le voit de cette façon, la question qui se pose alors est... Le périmètre n'a aucun effet sur trois plans. Premièrement, il n'élimine pas l'existence de notre frontière commune au 49e parallèle. Il supprime le double emploi à cette frontière, mais il ne fait pas disparaîre celle-ci. Deuxièmement, contrairement à ce que certains pensent, il ne crée pas de zone d'union douanière. Troisièmement, il n'exige pas la complète harmonisation des politiques américaines et canadiennes, de sorte que chacun des deux pays peut maintenir ses critères particuliers. Nous demeurons deux pays souverains qui se donnent une politique commune.

Cela résume ce que j'en pense.

Le président: Brièvement, monsieur Burrows.

M. Bruce Burrows: J'aimerais juste ajouter quelques détails supplémentaires. Dans le cas du transport ferroviaire, avec cette procédure, le prédédouanement serait conditionnel. Par exemple, le mouvement des marchandises qui seraient soumises à une inspection au premier port d'entrée ne serait contraint de demeurer dans la voie réservée que jusqu'au moment où le convoi aurait atteint sa destination finale au-delà de la frontière, à l'intérieur des États-Unis.

[Français]

Le président: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Merci, monsieur le président, et merci beaucoup à vous tous de votre présence.

C'est un enjeu extrêmement important et, en fait, à vous entendre tous, il y a deux enjeux. Il y avait celui, jusqu'au 11 septembre, de l'accroissement du commerce qui, de toute façon, provoquait déjà une espèce d'embouteillage. Déjà on vivait aux limites de nos capacités. Ça, c'était avant le 11 septembre.

Mais depuis, il y a eu le 11 septembre, et s'ajoute au volume une dimension de sécurité qui veut dire, sans doute, une intensification de l'inspection. J'ai entendu, pour le volume, que vous avez déjà proposé des solutions intéressantes qui supposent des investissements, mais qui peuvent être adoptées sans que le Québec ou le Canada ne vendent leur âme. Je pense, effectivement, qu'il pourrait y avoir des inspections qui seraient faites ensemble sur le territoire canadien et le territoire américain. C'est possible, mais la question que je me pose, c'est de savoir si cela sera jugé suffisant par les Américains?

Je sais qu'il y a un phénomène psychologique certain dans cette attitude américaine qui cherche des puces au Canada, parce qu'on peut renvoyer les Américains et leur dire qu'il y a chez eux 500 000 étudiants étrangers qui ont des visas, et ils savent pas où ils sont. Or, on peut penser qu'il y a des étudiants qui étudient longtemps. Quand ils n'ont plus de visas, ils devraient se rapporter, mais ils ne se rapportent pas.

• 1645

Mais s'il y a un problème de confiance... Il existe; c'est évident. J'imagine que ça va devoir se passer au niveau politique, mais aussi au niveau des techniques pour que les États-Unis connaissent ce qu'on fait et qu'on soit capable de créer un certain degré de confiance. On peut penser que ça va prendre un certain temps.

Je pense à la question de M. Everson. Pensez-vous, si on revenait au volume de transport aérien qu'on avait avant le 11 septembre, qu'il y aurait, en ce moment, un embouteillage important? Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que ça ne soit pas le cas?

[Traduction]

Le président: Monsieur Everson.

M. Warren Everson: Je crois qu'il y aura de tels embouteillages, étant donné que les contrôles de sécurité seront beaucoup plus poussés et qu'il y aura davantage de fouilles. C'est également une question de ressources. Comme on ne peut fouiller les sacs que d'un certain nombre de personnes à la fois, plus on a d'inspecteurs, plus on peut accélérer le processus.

Comment ferons-nous pour faire face à ce problème dans l'immédiat? Je ne sais trop comment nous y parviendrons, mais, chose certaine, l'industrie du transport aérien court actuellement de très grands risques, car les passagers vont résoudre eux-mêmes le problème: ils cesseront de voyager par avion.

La semaine dernière, il s'est formé, à l'approche des contrôles de sécurité à l'aéroport de San Francisco, une file qui s'étendait sur un mille et demi de long. Je présume qu'un grand nombre de ceux qui ont fait alors la queue ne s'y feront pas reprendre de sitôt s'ils peuvent l'éviter. À la frontière terrestre, c'est autre chose, car on peut difficilement s'en passer. On est parfois contraint de prendre son mal en patience et de la franchir de toute façon. Les gens feront tout pour s'éviter de tels déplaisirs, mais ce n'est pas dans notre intérêt qu'il en soit ainsi.

Dans l'industrie du transport aérien, nous avons une longue expérience de collaboration sur le chapitre de la sécurité—notamment en ce qui touche la sécurité en matière d'immigration—, et je crois qu'il serait sage de garder à l'esprit que personne n'a une idée bien précise de ce que seront les structures de cet éventuel périmètre de sécurité. On pourra en faire ce qu'on voudra bien, pourvu que les deux parties en conviennent.

À Bangkok, six pays se sont mis ensemble pour offrir en tout temps un service d'experts en documents auquel ont accès toutes les sociétés aériennes qui utilisent l'aéroport de Bangkok, car cette ville est un lieu propice à la production de documents contrefaits très perfectionnés. À n'importe quel moment, les transporteurs canadiens peuvent s'adresser à un inspecteur britannique, australien ou néerlandais en vue d'obtenir de l'aide pour vérifier l'authenticité d'un document. On n'y a pas défini en quoi consiste la souveraineté. Il s'agit d'une collaboration entre six pays qui sont tous à risque sur le plan de l'entrée illégale de personnes.

C'est là le genre de solutions que nous devrions davantage rechercher.

[Français]

Le président: Avez-vous une autre question, madame?

Mme Francine Lalonde: Oui. Attendez, je n'ai pas fini. J'en ai plein.

M. Yves Poisson: J'aimerais faire un commentaire sur la question de la confiance. Je pense que c'est un point très important.

Effectivement, comme vous l'avez mentionné, plusieurs des problèmes existaient avant le 11 septembre qui ne partiront pas s'il n'y a pas de mesures telles que de nouvelles infrastructures ou davantage de ressources ou des procédures différentes mises en place. Il y a plein d'idées là-dessus. Je pense qu'il devrait y avoir maintenant une volonté politique d'agir sur ces questions-là.

Le mouvement des biens, c'est une chose, mais je pense que les terroristes ne sont pas des boîtes de carton; ce sont des personnes. Donc, on ne s'attaquera pas aux inquiétudes des Américains à moins, justement, qu'il y ait vraiment des discussions sur des politiques touchant l'immigration, les réfugiés, l'admission des personnes, l'admission des étudiants, les voyageurs d'affaires, qui représentent un volume de plus en plus important qui est sûrement affecté à l'heure actuelle.

L'autre dimension, c'est davantage d'échanges d'information, et l'ouverture du président Bush cette semaine est, je pense, intéressante à cet égard-là. Du moins, je pense qu'on devrait le voir comme ça, et on devrait examiner très sérieusement la possibilité qu'il y ait des rencontres au niveau des fonctionnaires pour déterminer comment on peut échanger des informations, ce qu'on peut échanger pour satisfaire aux exigences de sécurité et réconcilier, si vous voulez, certaines des différentes politiques. Les politiques ne sont pas si différentes, de toute façon. Ce n'est quand même pas totalement différent.

• 1650

Mme Francine Lalonde: Quand c'est différent, ça ne veut pas dire qu'elles sont plutôt lâches au Canada et serrées aux États-Unis...

M. Yves Poisson: Non.

Mme Francine Lalonde: ...parce que, comme députée, en général, 50 p. 100 des cas d'immigration qui sont portés à mon attention sont des cas d'étrangers qui peuvent avoir un visa aux États-Unis, mais qui ne sont pas capables d'en avoir au Canada.

M. Yves Poisson: Oui.

Mme Francine Lalonde: Alors, je ne sais pas si c'est connu, ça, mais c'est vraiment quelque chose qui... Ces questions pourraient se poser aussi bien du côté du Canada par rapport aux États-Unis, à certains points de vue, que du côté des États-Unis par rapport au Canada. Alors, c'est certain que ça va prendre des discussions, des explications, mais il me semble que ça ne peut pas obliger les divers pays à ne plus avoir les politiques d'immigration qu'ils veulent. À cet égard, ce serait très intéressant que vous nous fassiez rapport de l'étude que vous allez faire en Europe, parce que pour mettre en place les accords de Schengen, ils ont été obligés de faire un certain nombre d'harmonisations. Mais chaque pays a gardé ses politiques d'immigration, sauf que, je pense, ils doivent s'entendre sur les visas.

M. Yves Poisson: Ils ont travaillé à cela depuis 15 ou 18 ans. Alors, ce sont des choses qui prennent du temps. J'ai l'impression qu'actuellement il y a beaucoup de gens au Canada qui pensent qu'on a un peu le couteau sur la gorge.

Mme Francine Lalonde: Ça, c'est dangereux un peu.

M. Yves Poisson: Oui. Effectivement.

Mme Francine Lalonde: Je pense qu'il ne faut pas s'énerver trop.

Ça va être très important, monsieur le président, de faire le rapport entre les problèmes qu'on avait avant le 11 septembre et ceux qui sont nés du 11 septembre, parce qu'on ne peut pas mettre tout ça dans un paquet. Ce serait une erreur. Il faut qu'on soit capables d'identifier les bonnes questions.

Le président: C'est une bonne idée.

M. Jones et M. Westwick veulent faire un commentaire sur votre question, madame Lalonde.

[Traduction]

M. Chris Jones: Juste pour revenir à l'exemple de l'Europe, auquel mon collègue de l'ATAC et Mme Lalonde ont tous deux fait référence, je pense qu'un grand nombre des craintes qu'ont exprimées les gens autour de cette table sont révélatrices du fait que, dans le sillage de l'ALENA, nous n'avons pas établi d'architecture institutionnelle qui aurait permis de régler ce genre de problèmes, de litiges, de désaccords. Au contraire, si on observe ce qu'on a fait en Europe en 1958, quand on a jeté les bases du marché commun européen, on constate qu'on a pris soin de mettre sur pied à Bruxelles l'architecture institutionnelle voulue pour trancher les différends susceptibles de survenir entre les membres de l'Union.

Je ne veux pas nécessairement préconiser une forme particulière d'institution, mais il m'apparaît évident que nous essayons actuellement de résoudre ce genre de problèmes au cas par cas—de plus en plus par la contestation, comme cela se produit dans le cas du litige du bois d'oeuvre. Nous n'avons pas de mécanismes institutionnels centralisés qui nous permettraient à tout le moins, sans forcément nous obliger à abandonner une partie de notre souveraineté, de recourir à une démarche organisée pour régler de tels problèmes. Je crois qu'il s'agit là d'une importante lacune dans nos relations avec les États-Unis en matière d'échanges commerciaux et de sécurité.

Le président: Monsieur Westwik.

M. Vincent Westwik (chef du contentieux, Service de police de la région d'Ottawa-Carleton; Association canadienne des chefs de police): Je ne voudrais pas tenter de régler un problème complexe en proposant des solutions par trop simples, mais nombre des problèmes avec lesquels vous êtes aux prises en ce qui touche la perception qu'on se fait de vous sont des problèmes que nous connaissons au sein de la police, en ce sens que la population n'a souvent pas l'impression que les policiers font bien leur travail, ou encore qu'elle croit que nous avons un problème particulier concernant tel ou tel type de crime.

Ce qui me frappe, c'est que, quelle que soit la valeur des programmes ou des mesures que vous voudrez mettre en oeuvre, vous allez devoir investir des ressources dans ce que je vais appeler—peut-être incorrectement—le marketing. Évidemment, les milieux policiers, et tout particulièrement l'Association canadienne des chefs de police, seraient prêts à vous prêter main forte à cet égard. Il serait peut-être utile que, lorsque vous en serez à faire la promotion de ce genre de mesures, vous pensiez à la police et au milieu chargé de l'application de la loi, au Canada comme au États-Unis, comme étant un milieu à sensibiliser au sein du milieu plus large que constitue la société.

Ce peut être un défi intéressant que de tenter de régler ce problème de confiance ou de manque de confiance, mais je crois qu'il vous faudra envisager la chose comme un objectif en soi.

[Français]

Le président: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: J'ai eu un texte en français de l'Association canadienne des policiers et policières. C'est M. Griffin, je pense.

Une voix: Oui.

Mme Francine Lalonde: La première résolution, c'est que l'association s'oppose activement au concept d'ouverture des frontières. Est-ce que, pour vous, ce qu'on appelle le périmètre constituerait l'ouverture des frontières? Vous réclamez aussi le renforcement des frontières canadiennes. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire?

• 1655

M. David Griffin: Je m'excuse, mais il m'est un peu plus facile d'en parler en anglais.

Mme Francine Lalonde: Vous pouvez parler en anglais si vous le voulez. Je suis habituée. On est à Ottawa. Un, zéro, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. David Griffin: Notre association juge important de renforcer le périmètre, mais nous ne voyons pas que cette mesure puisse avoir pour conséquence de nous amener à relâcher la sécurité à la frontière canado-américaine. Nous constatons, bien entendu, qu'il y a un certain nombre de bonnes suggestions et une foule de préoccupations communes en ce qui touche la façon dont nous devrions gérer la frontière entre le Canada et les États-Unis et nous concentrer sur les éléments qui présentent les risques les plus élevés. Mais nous n'en croyons pas moins qu'il existe des sujets de préoccupation sur le plan de la sécurité concernant les biens et les gens qui entrent dans notre pays.

Je dirais que trop d'ouverture pourrait aussi poser problème pour les Américains—outre le problème de la circulation des personnes. Par exemple, le Canada—du moins la Colombie-Britannique et le sud de l'Ontario—est rapidement en train de devenir le principal exportateur de cannabis et de marijuana vers les États-Unis. Nous devenons également un important producteur de métamphétamine, une drogue qui est exportée en contrebande vers les États-Unis.

Donc, ce n'est pas simplement la circulation des personnes qui pose problème, quoique ce soit, bien sûr, d'après les données disponibles aujourd'hui, un objet de préoccupation majeur pour les États-Unis. Par ailleurs, nous croyons que le trafic d'armes illégales est passablement préoccupant pour le Canada. Nos lois respectives sont différentes. Puisse Dieu faire en sorte que, dans notre pays, nous ne nous avisions pas de légaliser certaines drogues, car cette hypothèse risquerait certainement d'amener les États-Unis à se montrer encore plus inquiets à propos des marchandises susceptibles de franchir leur frontière.

Nous croyons certes qu'il nous faudrait travailler de concert avec les entreprises, le gouvernement et les organismes responsables de l'application de la loi pour nous assurer que nous ciblons les bonnes personnes.

[Français]

Le président: Avez-vous d'autres questions, madame?

Mme Francine Lalonde: Oui, j'en ai. Pour les libéraux, n'est-ce pas?

Le président: Ça va. On va vous donner la possibilité de poser toutes vos questions et on va finir avec M. Eyking.

Mme Francine Lalonde: Merci.

Mon autre question a trait à ce qui, je pense, est le plus litigieux dans ce que vous avez dit, c'est-à-dire la question de la protection de la vie privée. C'est une question dont je me suis occupée; c'était mon dossier quand j'étais porte-parole du Bloc pour l'industrie.

Malgré toutes les pressions dont on fait état, il me semble qu'il faut être très prudent avant de se mettre à bâtir des dossiers sur toutes les personnes, à conserver ces données et à se les échanger. En tout cas, ce n'est certainement pas conforme à la loi actuelle, et il faudrait que la loi soit changée. Même si vous êtes policier, on peut faire une recherche rapide et vous associer à un autre David Griffin qui est né dans la même ville à la même date, et vous pouvez avoir des problèmes pendant un certain temps. La première fois, vous convaincrez les agents ou les douaniers que vous n'êtes pas ce terrible personnage, mais si c'est quelque part dans la filière, comment ferez-vous pour faire enlever cette mention?

Je pense que c'est une question extrêmement importante et que le plus tôt on va en parler, le mieux ce sera. Je pense qu'il faut en parler franchement. Si on n'en parlait pas dans le rapport, je serais extrêmement déçue. On a beaucoup parlé des valeurs depuis le 11 septembre. Il me semble que le respect de la vie privée fait partie des valeurs. Le respect de la vie privée ne veut pas dire seulement le secret; ça veut dire qu'on doit s'assurer de traiter de façon équitable toutes les personnes, parce que les possibilités d'erreur sont bien réelles, surtout dans une période où...

Je nous regarde, et il n'y a pas ici beaucoup de faciès qui seraient considérés comme des faciès à risque, mais des visages à risque peuvent appartenir à des gens dont les ancêtres se sont installés ici il y a des centaines d'années. Et même s'ils sont là depuis seulement quatre ans, ils peuvent être d'honnêtes citoyens.

C'est une matière très, très compliquée. C'est dangereux. Comme députée, je sais, je sens que c'est le cas, et je fais mon possible pour que cela ne lève pas. Je suis sûre que cela ne se passerait pas au Québec, en Ontario et dans l'Ouest, mais il existe un racisme larvé, et il suffirait qu'il y ait un ou deux autres coups comme ceux du 11 septembre, même moins forts, pour que cela s'exprime davantage.

• 1700

Il me semble qu'il faut faire très attention, parce qu'on ne veut pas se prémunir contre un mal en se lançant tête baissée dans un autre... J'aimerais vous entendre.

Finalement, monsieur le président, j'ai été heureuse lorsque j'ai lu la première partie du rapport de M. Poisson. En effet, il semblait d'abord oublier l'ALENA en disant qu'il fallait surtout se préoccuper de régler les problèmes Québec-Canada, mais à la fin, il s'est rattrapé en disant qu'à court terme, très rapidement, il fallait penser en termes de l'ALENA, c'est-à-dire inclure le Mexique. De toute façon, qu'on le veuille ou non, d'une large manière, les problèmes qui affectent les États-Unis peuvent nous affecter aussi. Les gens voyagent aussi au Mexique et ils peuvent venir chez nous.

Le président: M. Bevan, ou encore notre ami de l'Association canadienne des policiers et policières, est sans doute la meilleure personne pour répondre à la question que vous avez posée au sujet du profiling.

Mme Francine Lalonde: Oui.

M. Vince Bevan: Merci, monsieur le président.

C'est une question très compliquée, mais pour ma part, je pense que la situation du racisme en général a changé après le 11 septembre 2001. Les perceptions et les problèmes des communautés en général, et leur point de vue quant aux problèmes dans notre société changent avec le point de vue américain.

Mme Francine Lalonde: Que voulez-vous dire? Voulez-vous dire que les gens d'ici se préoccupent moins de la protection de la vie privée maintenant? C'est ce que vous voulez dire? Je veux comprendre.

M. Vince Bevan: Je voudrais dire que la perception des gens du mandat du gouvernement de protéger les personnes et les biens...

[Traduction]

Le président: Désolé de devoir vous interrompre, mais Gary, pourriez-vous seulement rester ici encore un moment. Je vois que nous allons perdre le quorum. Pourriez-vous...

M. Gary Lunn: Je ne connais rien à tout cela. On me demande à la Chambre.

Le président: Nous n'en avons encore que pour deux minutes, le temps d'entendre cette réponse et de permettre à M. Eyking de poser la dernière question. Nous poursuivrons immédiatement après, parce qu'il y a des sujets très importants dont je veux que nous discutions à huis clos dès qu'on aura répondu à la dernière question.

M. Gary Lunn: La Chambre devra attendre.

Le président: Nous en avons tout au plus pour dix minutes.

Monsieur Bevan, peut-être pourriez-vous résumer votre réponse.

M. Vince Bevan: Il m'apparaît très important que nous trouvions un juste milieu, une sorte d'équilibre, car les gens perçoivent maintenant leur liberté différemment. Il y a un prix à payer pour les libertés dont nous avons tous joui dans notre pays et aux États-Unis. Je crois que les gens s'attendent à ce que le gouvernement fasse preuve de leadership en prenant certaines décisions difficiles à propos de ce qu'il nous faut reconsidérer comme étant le juste milieu à cet égard.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Mais il reste que ce que j'ai dit est vrai et qu'il faut être prudent en cette matière. Je souhaite que la population soit prête à accepter davantage de contraintes, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, comme on dit en français.

[Traduction]

Le président: Monsieur Eyking, très brièvement, car je ne voudrais pas perdre le quorum...

M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Tout ce qu'il me faut, ce sont des réponses brèves.

Le temps que peut prendre un camion gros porteur qui fait la navette... Prenons l'exemple d'un camion qui s'en va livrer un chargement d'automobiles à Detroit et d'un autre qui s'en va livrer un chargement semblable à Windsor—y a-t-il une grosse différence entre les temps d'attente respectifs de ces deux camions...à chacune des deux frontières?

M. James Phillips: Je crois que temps d'attente dépend davantage du poste frontalier dont il s'agit. Le temps d'attente est plus ou moins long selon les points de passage. Je crois que sur les 128 postes frontière, il y en a une dizaine où se présentent la plupart des camions. Donc, selon qu'il s'agit de l'Ambassador Bridge, du Peace Bridge ou du Lewiston-Queenston Bridge, ou encore d'un autre pont en Colombie-Britannique...

M. Mark Eyking: Je veux dire pour un même pont.

M. James Phillips: Essentiellement, quel que soit le pont, le Canada a généralement, à volume égal de circulation, davantage de personnel à ses postes frontière que les États-Unis.

M. Mark Eyking: C'est donc dire que les camions américains passent plus vite quand ils entrent dans notre pays?

M. James Phillips: Nos voies de passage réservées aux automobiles sont souvent plus nombreuses que les leurs.

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Pour ce qui est des camions, les deux pays s'efforcent de garder toujours ouvertes les voies qui sont réservées aux véhicules commerciaux. Au plus, il n'y en a que trois, à ma connaissance, à tous les postes frontière importants—trois voies qu'on réserve aux camions et qui sont ouvertes en même temps. Tous les postes frontières essaient de garder ouvertes leurs voies réservées aux camions.

M. Mark Eyking: Je vois. Je me demandais si, pour un camionneur, c'était plus rapide dans un sens que dans l'autre.

M. James Phillips: Je ne crois pas qu'on puisse dire que...

M. Mark Eyking: Il n'y a pas beaucoup de différence?

M. James Phillips: ...le passage dans un sens plutôt que dans l'autre est toujours plus rapide. La réponse est non.

M. Mark Eyking: Ma deuxième question porte sur les chemins de fer. J'ai pris connaissance d'un rapport—il y a énormément de marchandises qui sont acheminées par train aux États-Unis. Les nouvelles mesures ont-elles des conséquences majeures sur le passage à la frontière? Un train qui s'amène à la frontière doit s'immobiliser, n'est-ce pas?

M. Bruce Burrows: D'abord, juste pour ajouter une observation à propos d'une question antérieure avant que je réponde à celle-ci... Notre expérience dans le domaine du rail, côté marchandises, n'est pas trop différente. En règle générale, les procédures sont plus aptes à faciliter le passage des marchandises, pour ainsi dire, vers le nord que vers le sud. Par exemple, s'agissant des inspections douanières, les Douanes canadiennes sont bien organisées pour effectuer les inspections au premier point d'un important point de passage. En d'autres termes, une fois que les expéditions par rail ont traversé la frontière et s'acheminent vers une importante cour de triage pour y être traitées, c'est à cet endroit que Douanes Canada s'organise pour procéder à l'inspection. C'est ce genre de procédure que nous cherchons à obtenir qu'on adopte pour les chargements qui se dirigent vers le sud, vers les États-Unis. Notre travail en serait grandement facilité.

M. Mark Eyking: Que fait-on à l'heure actuelle, arrête-t-on les trains à la frontière?

M. Bruce Burrows: Quand un train se dirige vers le sud, si les douaniers américains veulent inspecter des wagons en particulier, ils exigent que le train s'immobilise physiquement directement à la frontière. C'est très difficile.

M. Mark Eyking: Quand les trains nous arrivent ici, nous les inspectons tout simplement à la cour de triage?

M. Bruce Burrows: Douanes Canada fera l'inspection là où on est installé pour le faire.

M. Mark Eyking: Je crois que les Américains ont un peu de chemin à faire pour nous rattraper.

M. Bruce Burrows: À cet égard, oui.

Le président: Au nom de mes collègues, je tiens à vous remercier très sincèrement. Vous avez été très francs. Vous vous êtes montrés efficaces, vous nous avez transmis ce qui nous intéresse vraiment, à savoir, essentiellement, vos recommandations. Tous les documents que vous nous avez remis de même que les observations que vous avez formulées nous aideront dans la préparation de notre rapport à la Chambre des communes, qui devrait être prêt, disons, d'ici deux semaines, ou au plus tard dans trois semaines.

Au nom de mes collègues de tous les partis politiques représentés à la Chambre des communes, je tiens à vous remercier chaleureusement et à vous assurer que nous avons trouvé votre contribution fort utile.

Malheureusement, étant donné qu'il nous faut maintenant siéger à huis clos, je vous prierais de bien vouloir quitter la salle le plus rapidement possible afin d'éviter que nous perdions le quorum. Merci encore.

Nous allons interrompre la séance pour, espérons-le, une minute seulement.

[La séance se poursuit à huis clos]

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