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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 17 novembre 2004




¹ 1535
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Ferry de Kerckhove (directeur général, Direction générale des organisations internationales, ministère des Affaires étrangères)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire (directrice générale, Direction générale des enjeux mondiaux, ministère des Affaires étrangères)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Ferry de Kerckhove
V         M. Stockwell Day
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1600
V         Le président
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire

º 1605
V         M. Stockwell Day
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ)
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1610
V         M. Odina Desrochers
V         M. Ferry de Kerckhove
V         Le président
V         L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.)

º 1615
V         Le président
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         L'hon. Keith Martin
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Le président
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1620
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)

º 1625
V         Le président
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1630
V         Le président
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson

º 1635
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Le président
V         M. Ferry de Kerckhove
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1640
V         Le président
V         L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell)
V         M. Ferry de Kerckhove
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1645
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Ferry de Kerckhove
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Ferry de Kerckhove
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Le président
V         M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ)
V         Le président
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1650
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Le président
V         L'hon. Keith Martin
V         M. Ferry de Kerckhove

º 1655
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         M. Ferry de Kerckhove
V         Le président
V         M. Stockwell Day
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire

» 1700
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Marie Gervais-Vidricaire
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 009 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 17 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1535)  

[Français]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons un examen de la politique internationale en ce qui a trait à la réforme des Nations Unies. Nous avons le plaisir de recevoir comme témoins aujourd'hui, du ministère des Affaires étrangères, M. Ferry de Kerckhove, directeur général à la Direction générale des organisations internationales, de même que Mme Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale à la Direction générale des enjeux mondiaux. Bienvenue. Il me fait vraiment plaisir de vous accueillir parmi nous cet après-midi.

    La parole est à vous, monsieur de Kerckhove.

+-

    M. Ferry de Kerckhove (directeur général, Direction générale des organisations internationales, ministère des Affaires étrangères): Merci beaucoup, monsieur le président. J'allais aussi dire « mesdames et messieurs les parlementaires », mais malheureusement, je ne vois point de dames.

    C'est un honneur pour moi et pour ma collègue, Marie Gervais-Vidricaire, de comparaître devant vous pour évoquer, d'une part, la question ô combien importante de la réforme de l'Organisation des Nations Unies et, d'autre part, l'initiative, que je considère en grande partie canadienne, de la responsabilité de protéger. Ce sujet sera traité par ma collègue, qui est intimement liée aux changements que l'ONU compte apporter à sa façon d'aborder et d'exécuter ses missions.

    Je voudrais commencer par rappeler la genèse du groupe de haut niveau qui traite des menaces, des défis ainsi que du ou des changements--la traduction française n'est pas encore très précise--et dont le rapport doit paraître au début de décembre. Ce dernier suscite déjà un intérêt prodigieux, ce qui est un très bon signe. Votre propre intérêt en témoigne.

    Depuis sa création en 1945, l'Organisation des Nations Unies a eu à faire face à des changements profonds sur la scène internationale. Le nombre de pays membres indépendants a pratiquement triplé, la guerre froide s'est estompée et les défis ont changé totalement de nature. Les conflits internes ont largement dépassé en nombre les conflits interétatiques. Ce sont de plus en plus ce que j'appelle des maux sans frontière qui menacent l'humanité, soit le terrorisme, le sida, les pandémies ou les épidémies, la dégradation environnementale, le génocide et la violation massive des droits de la personne.

[Traduction]

    Tous ces facteurs ont convaincu le secrétaire général qu'il était désormais opportun de procéder à un examen et à une réforme globale des moyens par lesquels l'organisation assume ses responsabilités, notamment en matière de sécurité collective.

    En novembre 2003, Kofi Annan a nommé 16 personnalités éminentes au sein d'un Groupe de travail de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement dont le mandat est le suivant :

    a) Examiner les menaces globales actuelles et analyser les futures menaces à la paix et à la sécurité.

    b)Préciser la contribution qu'une action collective pourrait apporter pour contrer ces menaces.

    c) Recommander les changements nécessaires pour assurer une action collective efficace portant notamment sur un examen des principaux organes des Nations Unies.

Le mandat précise en outre que le Groupe n'a pas pour tâche de formuler des politiques sur des questions spécifiques ni sur le rôle des Nations Unies dans des endroits précis. Il lui est plutôt demandé de fournir une nouvelle évaluation des défis à venir et de recommander les changements qui s'imposent pour relever les défis d'une manière efficace par le biais d'une action collective.

    Le Groupe doit rendre son rapport au début décembre. On s'attend à ce que ses recommandations constituent le noyau d'un ensemble de réformes globales que le secrétaire général espère voir adopté au Sommet marquant le soixantième anniversaire des Nations Unies, en septembre 2005.

    Au cours de ses travaux, le Groupe a tenu des audiences sur des questions spécifiques, mais les États membres n'ont pas été spécifiquement consultés ni invités à soumettre leur point de vue. Le Canada a néanmoins soumis deux présentations au Groupe, représentations qui sont accessibles sur le site Internet dont l'adresse apparaît dans vos documents. La première est un non-document thématique sur la « Responsabilité de protéger »; la deuxième contient des recommandations pour renforcer l'efficacité de l'ONU dans les domaines du contre-terrorisme, de la santé, de la dégradation de l'environnement, des États en déliquescence et de la coordination entre organisations.

    Nous ne connaissons pas encore les recommandations du Groupe, mais nous avons eu des contacts étroits avec son secrétariat et ses membres. En marge de leur visite à New York à l'occasion de l'Assemblée générale, le premier ministre et le ministre Pettigrew ont eu de longues consultations avec les membres du Groupe. Notre ambassadeur auprès des Nations Unies, M. Allan Rock, et les membres principaux de notre mission ont eu régulièrement des contacts avec le Groupe. Sur la base de ces contacts, nous pensons que le Groupe présentera une série de recommandations convaincantes pour renforcer la réaction de la communauté internationale aux menaces mondiales, à la fois nouvelles et anciennes, et qu'il proposera un ensemble de mesures exhaustives que le Canada devrait être en mesure d'appuyer.

    Nous croyons savoir que le Groupe a adopté une approche intégrée en ce qui concerne la sécurité. Au lieu d'établir une hiérarchie de menaces et en reconnaissant que celles-ci sont perçues différemment par divers pays — p. ex. certains pays en développement considèrent que le terrorisme est beaucoup moins menaçant que l'extrême pauvreté ou le VIH/sida — et qu'elles peuvent se renforcer mutuellement, le Groupe propose de les traiter comme un dossier complexe faisant appel à des politiques transversales. Les menaces sociales et économiques, telles que la pauvreté, la dégradation de l'environnement et les maladies infectieuses ainsi que les nouvelles menaces comme le crime organisé transnational et le terrorisme sont considérées comme des éléments de cet ensemble de menaces. Elles vont dans le sens de l'approche que le Canada a adoptée dans sa présentation d'ensemble soumise au Groupe, présentation dont je viens de parler.

    L'approche recommandée par le Groupe mettra l'accent, comme on nous l'a dit, sur la prévention et propose des stratégies destinées à traiter le groupe de menaces identifiées. Évidemment, nous n'avons pas encore pris connaissance du détail de ces recommandations, mais nous avons des raisons de croire que la réflexion que privilégie le Groupe va dans le sens de la nôtre.

    Il est clair qu'un Conseil de sécurité dynamique doit se trouver au coeur de cette approche collective en matière de sécurité. Le Groupe s'est penché sur la question du recours à la force. On nous a dit que son rapport contiendra une disposition ferme relative aux concepts essentiels de la responsabilité de protéger, à savoir que les États ont le devoir de protéger les populations qui sont sous leur contrôle et que, s'ils ne le font pas, cette responsabilité revient à la communauté internationale.

¹  +-(1540)  

    On a beaucoup parlé et écrit sur ce que le rapport du Groupe contiendra à propos de la réforme structurelle du Conseil et de son élargissement. On a fait allusion à un projet éventuel d'un groupe supplémentaire de membres non permanents qui pourraient être élus à des mandats plus longs et renouvelables alors qu'actuellement, les membres non permanents du Conseil de sécurité ont un mandat non renouvelable de deux ans.

    Le Canada estime qu'il est pour l'instant inutile de commenter des projets hypothétiques. Il préfère attendre la publication du Rapport pour adopter une position officielle à ce sujet. Cela dit, la position du Canada en la matière est la suivante : nous ne pensons pas qu'en augmentant le nombre de sièges permanents, le Conseil augmentera son efficacité qui doit pourtant être l'objectif principal de toute réforme.

    Il ne devrait pas être question d'ajouter des droits de veto. En fait, selon nous, il y a déjà cinq vétos de trop aux Nations Unies.

    Le Canada a apporté une contribution significative aux Nations Unies au fil des ans et nous avons investi beaucoup pour faire en sorte que des solutions multilatérales, fondées sur la règle du droit, soient trouvées pour régler des problèmes sur la scène internationale. Le Canada entend être en mesure de continuer à exercer ce rôle, notamment par une présence régulière au sein du Conseil de Sécurité.

    Je voudrais maintenant dire quelques mots sur la position que le Canada devrait prendre lorsque le rapport sera publié. Nous considérons les travaux du Groupe comme les efforts les plus significatifs qui aient été entrepris depuis des années pour renforcer la capacité des Nations Unies dans les domaines de la paix et de la sécurité internationales. Le Canada a fermement appuyé les efforts de l'organisation et continuera de le faire. Comme nous l'avons déjà mentionné, nous nous attendons à ce que les recommandations du Groupe soient essentiellement conformes à la politique canadienne. Nous nous engagerons donc activement à New York et dans d'autres capitales aux niveaux officiel et politique, pour qu'elles soient adoptées d'ici le sommet de 2005.

    Cela dit, la paix et la sécurité ne sont que l'un des secteurs d'activité des Nations Unies et une réforme vraiment globale devra comporter des recommandations visant à renforcer la capacité de l'ONU et de ses membres dans les secteurs économiques et social. Des recommandations visant à accélérer les progrès en vue de réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement et de mettre en oeuvre le consensus de Monterrey devront faire du train de réformes à adopter en 2005.

    Comme vous pouvez le constater, nous nous trouvons à la croisée des chemins. Le monde a besoin d'une Organisation des Nations Unies renouvelée.

¹  +-(1545)  

[Français]

    Ou bien les membres des Nations Unies auront le courage de contribuer à la réforme de l'institution, ou bien l'utilité de cette dernière ira en diminuant et notre capacité d'agir collectivement à l'échelle multilatérale sera minée. Je pourrai dire quelques mots plus tard sur le rapport sur la société civile des Nations Unies. Néanmoins, compte tenu du temps imparti, je préfère pour le moment céder la parole à ma collègue Marie Gervais-Vidricaire, qui vous parlera de la responsabilité de protéger. Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur de Kerckhove.

    Madame Gervais-Vidricaire, s'il vous plaît.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire (directrice générale, Direction générale des enjeux mondiaux, ministère des Affaires étrangères): Monsieur le président, mesdames et messieurs les parlementaires, comme vous le savez, la protection des civils est l'une des plus importantes priorités du gouvernement du Canada en matière de politique étrangère, et nous sommes au premier plan de ce débat sur la scène internationale. La partie la plus difficile de ce dossier consiste à savoir ce qu'il faut faire en cas de conflit interne, un type de conflit qui, malheureusement, oppose souvent les principes fondamentaux de la souveraineté et de la non-intervention aux obligations humanitaires.

    Le rapport de la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États, intitulé La responsabilité de protéger, aborde cette question sans détour et constitue selon nous un excellent cadre de référence pour la détermination des conditions qui justifient une intervention pour des motifs humanitaires. J'aimerais vous entretenir brièvement de notre travail actuel dans ce domaine, du contenu du rapport lui-même et des efforts de suivi faits par le Canada.

    Permettez-moi tout d'abord de vous dire que, bien qu'il demeure très difficile de faire avancer cette discussion sur la scène internationale, c'est un débat que nous ne pouvons nous permettre d'ignorer. La crise en cours au Darfour nous rappelle l'immense vulnérabilité des gens ordinaires dans le contexte de sécurité actuel. Le besoin d'assurer la sécurité de ces gens ne constitue pas un point secondaire figurant à l'agenda international de la paix et de la sécurité: en fait, c'est un problème qui est au coeur même de la réforme des Nations Unies, comme l'a mentionné mon collègue Ferry de Kerckhove.

[Traduction]

    L'action du Canada pour favoriser la protection civile a, comme toile de fond, la nature changeante du cadre de sécurité, plus particulièrement, l'augmentation du nombre de conflits internes en proportion de tous les conflits violents. Cette tendance a entraîné, tout au long des années 90, une série de crises humanitaires dévastatrices, entre autres, en Somalie, à Sebrenica, au Rwanda, au Zaïre et au Kosovo. Malheureusement, la réponse de la communauté internationale à ces crises étaient — et continue d'être — incohérente, controversée ou tout simplement inadéquate.

    En 1999, Kofi Annan a parlé de ces échecs et exhorté les membres des Nations Unies à faire concilier les obligations de souveraineté avec les impératifs humanitaires du Rwanda et de Sebrenica. Pour relever ce défi, le Canada a créé en 2000 la Commission internationale de l'intervention et de la souveraineté des États. La Commission avait un mandat d'un an pour étudier les questions liées à l'intervention « humanitaire ». Le rapport de la Commission, La responsabilité de protéger, a été publié en décembre 2001.

    Il apporte trois contributions riches et originales au débat sur la protection civile qui demeure très pertinent aujourd'hui. Premièrement, le rapport propose une approche nouvelle et constructive de la question traditionnellement très contestée de l'intervention humanitaire, en la présentant non comme un argument sur le droit d'intervenir mais sur la responsabilité de protéger. C'est important, car il met l'accent sur les besoins des personnes vulnérables plutôt que sur les intérêts des intervenants. Deuxièmement, le rapport propose une nouvelle norme de souveraineté en tant que responsabilité, l'idée que la souveraineté ne confère pas seulement des droits, mais aussi la responsabilité de maintenir les normes humanitaires. Cette proposition reflète l'évolution de la souveraineté telle qu'on la comprend, tenant compte des décennies d'avancement en matière de droits de la personne et du droit humanitaire.

    La Commission a établi que la responsabilité de protéger comporte trois dimensions : la prévention, la réaction et la reconstruction. Chacune jouit d'une importance égale, la prévention étant la première parmi les priorités d'importance équivalente. Toutefois, si on a beaucoup écrit sur la prévention des conflits, on a beaucoup moins réfléchi à la question de savoir quand et comment il faut recourir à la force pour protéger les civils. Et c'est ici que la Commission apporte sa troisième grande contribution — elle détermine un seuil d'action et décrit les principes qui guident le recours à la force dans ces cas-là. Depuis la publication de La Responsabilité de protéger en 2001, le Canada a maintenu une stratégie de suivi à multiples facettes, qui fait participer tous les paliers du gouvernement.

    Nos efforts diplomatiques poursuivent un triple objectif : d'abord, dégager un nouveau consensus sur le moment où une intervention est justifiée pour des motifs humanitaires; deuxièmement, faire inscrire ce consensus dans le droit international et, troisièmement, faire en sorte que le processus décisionnel du CSNU reflète l'esprit de ce consensus.

    Après avoir joué un rôle actif pendant trois ans, le Canada constate que de plus en plus de pays s'entendent sur la nécessité de protéger les normes humanitaires dans des crises comme celle qui prévaut au Darfour. Nous visons maintenant à faire en sorte que les principes fondamentaux de La responsabilité de protéger soient inscrits dans le droit.

    En pratique, cela nécessite l'adoption de deux résolutions. Ensemble, elles serviraient de base à la mise en place d'un processus décisionnel aux Nations Unies qui serait conforme à La responsabilité de protéger. Les voici : une résolution de l'Assemblée générale mettant à jour la norme de base de la souveraineté des États afin qu'elle reflète le principe de la souveraineté en tant que responsabilité et énonçant la responsabilité secondaire de la communauté internationale d'agir lorsque l'État ne protège pas les civils ou est dans l'impossibilité de le faire. De plus, une résolution du Conseil de sécurité, décrivant comment le Conseil donnera suite à sa nouvelle responsabilité de protéger, notamment la formulation d'un seuil d'action et la délimitation de principes de précaution régissant les interventions.

    Pour progresser du côté des questions normatives, nous devons former la plus grande coalition possible en faisant appel aux gouvernements, à la société civile, aux médias et aux leaders d'opinion. Le programme a beaucoup bénéficié du ferme soutien du premier ministre Martin, qui a fait de la protection civile et de la Responsabilité de protéger le thème central de son allocution récente aux Nations Unies et qui continue de faire activement la promotion de ce programme auprès de dirigeants d'autres pays.

    Nos efforts commencent à porter fruit. Au récent Sommet sur la gouvernance progressiste qui a eu lieu en Hongrie, le premier ministre a dirigé le débat sur la responsabilité de protéger et obtenu un accord sur ses principes de base dans la déclaration finale. Il dirigera des débats semblables au Sommet de l'APEC à Santiago, cette semaine, et au Sommet de la Francophonie au Burkina Faso, ce mois-ci. Le Canada a présenté un document au Groupe de haut niveau sur La responsabilité de protéger qui a été bien accueilli et qui occupera une place importante dans son rapport.

¹  +-(1550)  

    En plus de la présentation de son document au Groupe de haut niveau, le Canada a obtenu l'accord de ministres du Réseau de la sécurité humaine relativement à un rapport conjoint appuyant les principes fondamentaux de la Responsabilité de protéger. Celui-ci a été adressé au groupe de haut niveau durant l'été.

    Des États qui, traditionnellement, trouvaient difficile de soutenir un activisme international concernant les questions humanitaires — se rallient maintenant au Canada (comme le Mexique, récemment).

    En dépit de ces signes encourageants, il reste d'importants défis à relever pour faire avancer ce programme à l'échelle internationale. Même s'il y a un fort consensus en faveur des principes humanitaires, il y a toujours de grandes différences entre les États membres des Nations Unies sur la façon dont ces principes devraient être appliqués. Plus particulièrement, la communauté des nations demeure très sceptique face à la légitimité du recours à la force pour assurer la protection des civils. Voilà pourquoi il est nécessaire de continuer de gagner des appuis plus vastes et plus solides à la cause de la protection civile et de la responsabilité de protéger. Il faut non seulement mener des discussions de haut niveau avec les chefs et ministres, mais organiser diverses activités conçues pour obtenir des appuis, de la base au sommet.

    Voici en quoi consistent surtout nos efforts à cet égard : faire de la promotion régionale, conçue pour faire fond sur les efforts antérieurs de diffusion dans les cercles de leaders d'opinion et les organisations régionales; discuter de gouvernement à gouvernement afin d'établir des partenariats stratégiques pour faire progresser cette question; créer une coalition de la société civile pour obtenir un soutien actif à l'intérieur de la communauté des ONG, au niveau tant national qu'international.

¹  +-(1555)  

[Français]

    En conclusion, la responsabilité de protéger est peut-être la contribution la plus importante que nous ayons proposée vers l'objectif commun de défense de l'humanité, pour lequel les Nations Unies ont été fondées. Manifestement, de nombreux défis nous attendent. Nous espérons cependant que le mouvement de réforme des Nations Unies favorisera l'avancement de cette question.

    Le groupe de haut niveau doit présenter son rapport le mois prochain, comme nous l'avons déjà mentionné. Comme mon collègue l'a indiqué, nous espérons que ce rapport fera clairement allusion à la responsabilité de protéger et qu'il servira de base à la formulation des deux résolutions que j'ai décrites il y a quelques instants. Si elles étaient adoptées, ces résolutions modifieraient considérablement la façon dont la communauté internationale interprète ses obligations dans des situations comme celle qui prévaut au Darfour. Elles serviraient de base solide à l'amélioration du processus décisionnel à l'ONU, ce qui signifierait un accroissement des activités de diplomatie préventive, une plus grande efficacité des interventions de protection des civils au besoin et, en fin de compte, moins de morts attribuables à des crimes de guerre et à d'autres atrocités.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Gervais-Vidricaire. Nous allons maintenant passer

[Traduction]

aux questions et réponses, pour cinq minutes.

    Nous commencerons par M. Day. Je vous en prie.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Cinq minutes? Les choses ont-elles changé?

+-

    Le président: Non, ça toujours été cinq minutes. C'est dix minutes quand il s'agit du ministre.

+-

    M. Stockwell Day: Ah bon!

+-

    Le président: Mais si vous aviez une bonne question et qu'elle n'est pas trop longue, je serais disposé...

+-

    M. Stockwell Day: Vous savez, mes questions sont toujours bonnes et je vais donc...

    Des voix: Ah! Ah!!

    M. Stockwell Day: Je tiens à remercier nos deux témoins. Comme je me rends bien compte que vous êtes ici pour nous informer et que vous n'êtes pas responsable des décisions politiques, je ne m'engagerai pas sur ce dernier terrain.

    Nous sommes tous très préoccupés par l'impression croissante que l'ONU manque non seulement de moyens, mais qu'elle n'est peut-être plus adaptée à la situation parce qu'en cas de crise, on dirait qu'elle n'est pas vraiment en mesure d'agir. Le Rwanda a été un exemple frappant de cette incapacité. En 1999, les Canadiens ont bombardé le Kosovo. À ce moment-là, Milosevic avait déjà massacré quelque 8 000 personnes. Nous avons intégré une force qui était dirigée par l'OTAN et non par l'ONU. L'ONU a encore une fois été paralysée à ce moment-là. Nous sommes allés là-bas et nous avons lâché les bombes sur ce pays.

    Parlons de l'incapacité de l'ONU d'agir en période de crise réelle, malgré les quelques succès remportés par cette organisation. Auriez-vous un élément d'information qui nous permettrait de mieux appréhender ce problème, à savoir que l'on dénombre de plus en plus d'États dits « moribonds » à l'ONU — il s'agit le plus souvent de régimes répressifs et non démocratiques — qui votent de plus en plus en bloc? Mme Gervais-Vidricaire a formulé quelques remarques intéressantes, parce qu'il se trouve que ces pays cherchent à obtenir un appui plus large.

    Nous sommes bien sûr d'accord avec tout ce qui a été dit jusqu'ici, comme la nécessité de travailler dans le sens de la prévention, etc. Toutefois, en période de crise, quand vient le temps de prendre une décision, surtout lorsqu'il y a accord — et je suis tout à fait d'accord avec le premier ministre qui a déclaré que nous sommes tenus d'intervenir dans de telles situations — y a-t-il quelqu'un qui propose une formule ou une façon de faire face à ce bloc de pays moribonds, au régime non démocratique et répressif? De plus, ils sont nombreux puisque je crois qu'on en compte quelque 80 actuellement, peut-être même plus. Ils paralysent tout ce que l'on essaie de faire.

    Pensez-vous vraiment que l'on puisse obtenir un appui de tout le monde, au Conseil de sécurité, s'il fallait, par exemple, intervenir contre les voeux de la Chine? Comme nous l'avons vu, la Chine a imposé son veto sur plusieurs questions fondamentales. D'après vous, est-ce que quelqu'un fait quelque chose pour élaborer une formule et ce travail justifie-t-il que le premier ministre essaie de dégager un consensus — parce qu'on dirait que c'est ce qu'il veut faire — auprès d'autres associations multilatérales comme le G-8 ou le G-20?

+-

    Le président: Monsieur de Kerckhove.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Merci.

    Vous avez parlé de beaucoup de choses et je vais essayer de couvrir quelques-uns des aspects que vous avez abordés et j'espère que Marie sera en mesure de venir à ma rescousse si besoin est.

+-

    M. Stockwell Day: Ma question concerne simplement le vote en bloc.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Eh bien, quand le Secrétaire général a mis sur pied le Groupe de haut niveau, il voulait, précisément, apporter une réponse à certaines des questions que vous avez soulevées, surtout de nos jours où le nombre d'États moribonds est en augmentation.

    Pour ce qui est du vote en bloc, Marie et moi-même sommes très fiers de vous annoncer que nous sommes effectivement, aujourd'hui, parvenus à regrouper plusieurs pays autour de notre résolution sur les droits de la personne en Iran, ce qui veut dire que malgré le vote en bloc dont vous parliez, quand vient le moment de voter sur des questions cruciales, nous sommes capables de bâtir des coalitions qui nous permettent de progresser. Cela ne revient pas à dire qu'il n'y a pas raison de s'inquiéter dans le cas particulier qui nous préoccupe — parce que je vais utiliser un exemple précis pour répondre à votre question, préoccupation qui tient à ce que les Africains voteraient en bloc et que les pays du CARICOM voteraient aussi en bloc.

    Voilà un problème auquel, nous l'espérons, le Groupe va s'attaquer. Il y a un problème fondamental qui tient à une certaine mentale de l'ONU et qui est un peu différente de celle qu'on retrouve ailleurs dans le monde. À cause de cela, les pays membres du G-77 se trouvent opposés à ce que l'on appelle « le reste du monde » soit les pays du Nord. Voilà pourquoi, dans ce contexte de réforme en profondeur, le Groupe de haut niveau n'est pas le seul concerné, parce que comme je le disais, celui-ci cherche beaucoup plus à répondre aux besoins du Nord — étant donné que les questions de sécurité constituent notre souci premier — même si le groupe est tout à fait conscient que la pauvreté est un élément fondamental de la sécurité dans notre lutte contre le terrorisme.

    Comme vous le savez, plusieurs rapports ont précédé le 60e anniversaire et le Sommet de l'ONU, en septembre 2005. L'un d'eux, signé par Jeffrey Sachs, précise les exigences pour le Sud : quid de l'assistance au développement? À quel niveau cette assistance doit-elle se situer? Nous essayons de répondre à ces besoins fondamentaux pour casser la mentalité onusienne dont je parlais et qui consiste à opposer les pays du G-77 aux autres.

    Marie vous parlera sans doute de ce que nous essayons de faire pour sortir de l'impasse qui nous empêche de régler certaines violations des droits de la personne et de régler le cas des pays parias ou moribonds. Elle ajoutera peut-être quelque chose à cela. Si vous me le permettez, M. Patry, je reprendrai ensuite la parole pour conclure sur cette question.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Nous allons donc entendre Mme Gervais-Vidricaire.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Merci. Très bonne question, mais également très vaste. Vous savez sans doute que, s'il a mis sur pied le groupe de haut niveau, c'est que le Secrétaire général était conscient, comme les autres membres, de la nécessité de réformer l'ONU parce que la pertinence ou plutôt le manque de pertinence de l'Organisation a fait l'objet de nombreuses critiques.

    D'un autre côté, quand on pense au débat sur l'Irak, qui n'a pas été facile pour le Conseil de sécurité, même les États-Unis se sont senti obligés de s'adresser au Conseil. Finalement, les Américains ont décidé d'aller en Irak sans avoir obtenu la bénédiction du Conseil de sécurité. Cependant, ils se sont d'abord adressés au Conseil et il n'y a pas eu d'accord. Cela montre bien l'importance que revêt le Conseil même pour une grande puissance comme les États-Unis.

    Pour ce qui est du recours au veto, qui a toujours été très délicat, vous avez mentionné vous-même le Rwanda. Je crois que le Rwanda a été un événement particulièrement traumatique pour tout le monde, pour l'ensemble des membres du Conseil et pour tous les membres de l'Assemblée générale. Les gens se disent que cela ne devrait plus jamais se produire. En revanche, que faire pour éviter un autre Rwanda? Pour vous dire la vérité, les choses ne semblent pas aller très bien au Darfour pour le moment.

    Nous travaillons très fort pour amener tous les membres de l'ONU à se ranger à l'idée qu'en cas de catastrophe humanitaire d'envergure — et c'est bien ce que sous-entend la responsabilité de protéger qui ne s'applique pas uniquement aux violations des doits droits de la personne, mais aussi aux catastrophes humanitaires qui font énormément de victimes — le Conseil de sécurité doit agir vite et personne ne doit appliquer son veto. D'ailleurs, le grand problème dans le cas du Rwanda n'a pas vraiment été l'application d'un veto, mais l'absence de volonté politique de la part des grands pays qui ne trouvaient aucun intérêt stratégique dans cette région et qui n'avaient pas de raison d'intervenir. Quand on s'est rendu compte qu'il s'agissait d'une véritable tragédie humaine, il était déjà trop tard.

    Enfin, pour ce qui est de la question des droits de la personne, Ferry vous a parlé de la résolution adoptée par l'Assemblée générale et je peux vous garantir que celle-ci n'a pas été facile à arracher, parce qu'elle a exigé beaucoup de travail. Nous sommes satisfaits des résultats et nous nous réjouissons que la résolution ait été adoptée. Toutefois, le fait que...

º  +-(1605)  

+-

    M. Stockwell Day: Excusez-moi, de quelle résolution parlez-vous?

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: De celle de l'Iran. La résolution que le Canada a présenté vient juste d'être adoptée aujourd'hui.

+-

    M. Stockwell Day: Je tiens à ce qu'il soit mentionné au procès-verbal, monsieur le président, que je félicite le ministre des Affaires étrangères à ce sujet. Nous l'avions pressé dans ce sens.

+-

    Le président: Devons-nous en faire un rapport à la Chambre des communes?

    Des voix: Ah, ah!

+-

    M. Stockwell Day: Non, je voulais juste vous le faire savoir.

    Merci.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Je conclurai en vous faisant remarquer que la Commission sur les droits de l'homme comporte, comme vous le savez, un nombre limité de membres, ce qui fait problème. On ne dénombre en effet que 53 membres à cette commission et les pays qui se sentent vulnérables essaient d'y faire élire un représentant parce qu'il y a des listes qui sont convenues d'avance pour les différents groupes régionaux dans le monde, c'est ce qui se fait dans la plupart des cas, mais pas systématiquement, et l'on se retrouve avec des pays comme...

    Une voix: Comme on sait qui.

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: ... effectivement, il y en a que l'on connaît, qui siègent à la Commission et qui y ont un droit de vote. Nous devons donc travailler sur ce plan. De toute évidence, une réforme s'impose de ce côté également.

+-

    M. Stockwell Day: Fort bien. Merci!

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Desrochers, s'il vous plaît.

+-

    M. Odina Desrochers (Lotbinière—Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, monsieur le président.

    Nous vous souhaitons la bienvenue à cette séance importante qui porte sur la réforme des Nations Unies. Monsieur de Kerckhove, mon attention a été retenue par la dernière ligne de votre exposé, où vous dites: « Ou bien les États membres de l'ONU puisent en eux le courage de contribuer à la réforme de l'institution, ou bien cette dernière risque de tomber dans une désuétude qui minera notre capacité collective d'action multilatérale. »

    Depuis quelque temps, il me semble que lorsque les choses sont traduites devant les Nations Unies, il n'y a pas grand-chose qui se règle. Il y a des joueurs importants qui sont autour de la table du Conseil de sécurité. Il ne semble pas y avoir maintenant, au sein des Nations Unies, un leadership responsable face à l'évolution de notre société.

    De quelle façon le gouvernement canadien décrit-il  le courage dont vous parlez, et quelle est selon vous l'approche qui pourrait vraiment donner du leadership aux Nations Unies? M. Martin est allé parler du Darfour le 22 septembre 2004, mais il ne s'est pas passé grand-chose depuis, même si de nombreuses interventions ont été faites. Il ne semble plus y avoir d'intérêt lorsque les Nations Unies parlent. On écoute beaucoup plus les acteurs majeurs.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Merci.

    Je commencerai par rappeler que les Nations Unies, en fait, ce sont les États membres. Les Nations Unies sont une organisation mais, comme on dit, l'organisation ne peut être meilleure que ce que les États membres sont prêts à lui concéder.

    À mon avis, il y a effectivement eu une crise presque existentielle des Nations Unies, notamment avec la question irakienne, ainsi qu'au Rwanda et ailleurs. Le secrétaire général s'est penché sur ce problème et a décidé de donner un véritable coup de barre pour essayer de redresser la situation. Cependant, n'oubliez pas qu'il y a 193 membres, ce qui représente un groupe extrêmement difficile à gérer et à mener à un consensus.

    Cela dit, comme le mentionnait Marie Gervais-Vidricaire, même la crise irakienne, en dépit de son unilatéralisme flagrant et démoralisant, a démontré qu'au fond, à long terme, il n'existe plus une seule puissance au monde capable de régler dans l'isolement les problèmes qui se posent à elle. Donc, le retour des Nations Unies comme organisme indispensable existe, ce qui ne veut pas forcément dire qu'on réussisse à tous les coups.

    Prenez, par exemple, la récente crise en Côte d'Ivoire. Le Conseil de sécurité vient d'adopter à l'unanimité une résolution par laquelle des sanctions très précises sont posées. Permettez-moi de vous dire que je suis absolument convaincu que, grâce aux Nations Unies, il y aura une évolution positive du dossier de la Côte d'Ivoire, ce qui ne veut pas dire que tous les problèmes seront réglés pour autant, puisque c'est à la Côte d'Ivoire de résoudre ses problèmes. C'est le président Gbagbo qui doit finalement mettre en oeuvre les résolutions adoptées à Marcoussis et celles d'Accra III. Il y a donc un processus. Lorsque ce blocage est arrivé, c'est aux Nations Unies qu'il s'est dégagé. Donc, il y a une volonté politique.

    Cela dit, il y a des volontés politiques à géométrie variable. Il y en a certaines qui s'expriment de façon beaucoup plus efficace, beaucoup plus rapide. Pour ce qui est de la crise du Darfour elle-même, je ne vous donne absolument pas tort. Le premier ministre l'a soulevée et a suscité un débat par son intervention, notamment par son offre de 20 millions de dollars pour commencer à habiliter l'Union africaine à faire son travail, qui est au départ un travail d'observation. Par conséquent, il y a quand même, à l'intérieur des Nations Unies, une véritable tentative de responsabiliser les États. Je crois que le courant de réforme est là.

    Cependant, j'ai parlé de courage, et je le réaffirme. En effet, si les États eux-mêmes ne se prennent pas en charge et ne sont pas prêts à adopter des mesures de réforme dans leurs propres façons de gérer leurs crises, d'où la responsabilité de protéger, ainsi qu'à donner à l'Organisation des Nations Unies les moyens de son action, le multilatéralisme risque de subir un choc.

º  +-(1610)  

+-

    M. Odina Desrochers: Je vous comprends. C'était là un très bel exposé, mais de quelle façon le gouvernement canadien va-il imposer son leadership dans le cadre de la réforme des Nations Unies?

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Je vous dirai d'abord que, le premier point sur la responsabilité de protéger ayant été admirablement exposé par ma collègue, je ne vais pas y revenir. C'est une initiative canadienne. Vue d'Ottawa, la responsabilité de protéger semble un concept très mignon. Tout le monde est d'accord; on l'est tous aussi autour de cette table. Mais si vous pensez que les pays auxquels nous sommes confrontés le prennent de la même façon, je dois vous dire que ce n'est absolument pas le cas. Un nombre considérable de pays sont très hostiles face à cette démarche courageuse: pour eux, cela implique un droit d'intervention dans leurs affaires intérieures.

    Quand on a lancé cette initiative, après l'affaire irakienne, nombre de pays ont pris plus de recul encore. Pourquoi? Parce qu'ils ont eu l'impression que cela équivalait à une licence to intervene, alors que le premier ministre avait bien dit que ce n'était pas le cas. Non, ce n'est absolument pas le cas, mais lancer une initiative qui remet en cause le fondement du droit souverain des États à gérer leurs affaires intérieures demande beaucoup de courage.

    Notre point de départ est évidemment très clair, puisqu'il s'agit de la responsabilité de protéger nos populations. C'est la première preuve de courage. La seconde--et j'imagine qu'il y aura d'autres questions à ce sujet--est l'initiative du premier ministre concernant le G-20. Je crois savoir que lorsqu'il est allé aux Nations Unies discuter avec le secrétaire général, il a convenu que son initiative concernant le G-20 pourrait servir à mobiliser des appuis à l'égard du courant de réforme. Si G-20 il y a, il ne serait pas étonnant qu'on tente, dans le cadre de ce travail de groupe, de se faire les champions de la réforme des Nations Unies. Je ne parle pas d'un substitut ou d'une alternative mais simplement d'un groupe de pays du Nord et du Sud, importants à l'échelle planétaire, qui se rendent compte--comme le disait M. Day et comme vous le dites vous-même--de l'état de crise au sein du système international et du nombre d'États en déliquescence, et qui veulent renforcer la capacité des institutions des Nations Unies.

+-

    Le président: Merci. Nous allons maintenant passer à M. Martin.

[Traduction]

+-

    L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.): Merci beaucoup, monsieur Patry.

    Merci à nos deux témoins de s'être rendus à notre invitation. J'aurais personnellement souhaité de siéger à ce comité.

    Quant à moi, on ne manque ni de solutions ni d'idées à l'échelle internationale. Vous avez parlé du Darfour, mais nous pourrions également parler du Congo occidental, de la province septentrionale d'Acholi en Ouganda et ainsi de suite.

    Je vous rappelle, par ailleurs, que le un cadre judiciaire est dépourvu de mécanismes d'application. Je pense que le principal problème auquel nous sommes confrontés c'est qu'il n'existe pas d'obligation d'appliquer les résolutions.

    J'estime aussi qu'il ne servira à rien d'argumenter sur la base de motifs humanitaires, parce que cet argument est invoqué avec passion par beaucoup et depuis nombre de décennies.

    Personnellement, j'estime qu'une façon de parvenir à nos fins serait d'adopter un raisonnement économique, parce que si nous n'intervenons pas et si nous n'empêchons pas l'éclatement de conflits mortels, les conséquences peuvent s'étendre à des régions entières et il peut y avoir des retombées négatives non seulement sur le plan de l'aide internationale mais aussi sur celui du commerce et de l'économie internationale. D'ailleurs, comme vous l'avez vous-même mentionné, l'Organisation des Nations Unies est en train de ressentir le poids économique de ces conflits à cause de l'obligation dont elle est investie d'instaurer et de maintenir la paix.

    Ce faisant, monsieur, comme vous l'avez mentionné, il va falloir commencer par modifier la composition du Conseil de sécurité et c'est d'ailleurs ce qui ressortira de l'étude sur la réforme de l'ONU.

    Comment réagissent les cinq membres du Conseil de sécurité à la responsabilité de protéger et à l'obligation des dirigeants d'adhérer à des normes communes quant à ce qu'il convient de faire?

    Deuxièmement, pensez-vous que le L-20, le groupe des 20 leaders, proposée par le premier ministre soit suffisant pour que les plans, ces plans merveilleux qui se dégageront de l'étude que l'on mène là-bas, soient assortis des ressources nécessaires et de l'obligation d'appliquer les résolutions? Autrement dit, pourrons-nous recourir au L-20 pour nous acquitter de notre obligation de protéger les innocents, d'éviter les conflits et d'assurer la protection des populations de même que la reconstruction d'après les conflits?

º  +-(1615)  

[Français]

+-

    Le président: Madame Gervais-Vidricaire.

[Traduction]

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Merci.

    Je répondrai à votre première question et mon collègue répondra à la seconde.

    Pour ce qui est de l'attitude des membres du Conseil de sécurité à l'égard de la responsabilité de protéger, je pense pouvoir dire que le Royaume-Uni est tout à fait en faveur de cela puisque, tout récemment, le premier ministre Blair s'est exprimé de façon très positive sur la responsabilité de protéger estimant qu'il s'agit d'une priorité dans le contexte de la réforme envisagée.

    La France y est également très favorable. Les États-Unis ne se sont pas prononcés ouvertement sur ce concept, à ce que je sache. Nous sommes bien sûr en contact avec nos homologues américains qui nous disent y voir là un concept intéressant. Quand nous siégions au Conseil de sécurité, à la fin des années 90, nous avons réussi à faire adopter des résolutions sur la protection des populations civiles. Ces résolutions ont été adoptées à l'unanimité avec l'appui des États-Unis.

    On ne s'étonnera pas que la Russie et la Chine soient les deux pays les plus réticents au Conseil de sécurité, pour des raisons évidentes. Comme Ferry vous l'a mentionné plus tôt, plusieurs pays voient dans la responsabilité de protéger un droit d'intervenir sans réserve, ce qui les inquiète et les rend nerveux. En outre, la question irakienne n'a rien fait pour arranger les choses.

    Quand on nous questionne au sujet de l'application de la responsabilité à l'Irak, nous répondons généralement que ce n'est pas ce dont le rapport traite, que ce n'est pas le genre de situation dont il est question dans le rapport, puisqu'il est davantage question de situations occasionnant des pertes de vie massives. Le rapport traite de situations différentes.

    Je suis plutôt d'accord avec vous quant à la quasi impossibilité d'obtenir un accord sur la base de motifs humanitaires. Personnellement, je crois que la communauté internationale a évolué depuis le Rwanda et, comme je le disais, on le doit en partie au poids de l'opinion publique, surtout dans les pays développés, mais pas uniquement. Je vous garantis que les Africains ont été traumatisés par ce qui s'est produit au Rwanda, par exemple. Les Africains ne sont pas opposés à la notion de responsabilité de protéger et, dans certains cas, ils l'ont même intégrée dans les règlements de leurs organisations régionales. En revanche, je crois que les choses sont beaucoup plus délicates dans le cas de l'Asie.

+-

    L'hon. Keith Martin: Mais cela ne fonctionnera pas à moins que la Russie, la Chine, les États-Unis et tous les membres du Conseil de sécurité ne donnent leur aval.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Permettez-moi de répondre. Je pense qu'il sera intéressant de voir ce que va donner le rapport du groupe de haut niveau. Je crois deviner que le Secrétaire général va faire beaucoup pour que ce rapport débouche sur quelque chose de pratique. Nous croyons savoir qu'il sera question de la responsabilité de protéger dans les recommandations.

    Nous estimons que, si la responsabilité de protéger fait partie d'un ensemble de recommandations émanant du Secrétaire général, les membres des Nations Unies estimeront peut-être que cela va dans le sens de nos intérêts collectifs. Toutefois, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile et l'on n'y parviendra pas d'un simple coup de baguette magique. Cela fait quatre ans que nous travaillons sur ce dossier. Le rapport a été commandé il y a quatre ans déjà et il exige beaucoup de persistance, mais nous savons être persistants.

+-

    Le président: Monsieur de Kerckhove.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Merci.

    J'aurais juste deux ou trois choses à ajouter.

    Vous avez fait une remarque très importante, monsieur Martin, au sujet des retombées économiques et commerciales de toute cette question. D'ailleurs, comme je pense l'avoir bien souligné dans mes remarques liminaires, le Groupe de haut niveau se concentre surtout sur la dimension sécurité, mais il a également indiqué que la pauvreté est une menace tout aussi grave que le terrorisme, les armes de destruction massive et le reste. C'est du moins ce qui semble se dégager du rapport. Il faut, je pense, appréhender la réforme proposée comme un bloc. Le Groupe de haut niveau reprendra sans doute ce thème en sous-oeuvre, mais il ne le fera pas de son propre chef.

    J'ai parlé de Jeffrey Sachs, mais j'ai également fait allusion à la poursuite du round ou de la série de Doha, si vous voulez l'appeler ainsi. Vous avez également beaucoup critiqué le consensus de Monterrey dans le cadre duquel le Nord et le Sud ont pourtant reconnu que si les pays donateurs ont une responsabilité, les pays récipiendaires de l'aide au développement ont aussi une responsabilité fondamentale. À Monterrey, il a été question d'accroître l'aide et d'en améliorer l'efficacité, et les pays en développement, de leur côté, se sont engagés à instaurer un cadre pour que l'aide au développement soit plus efficace et qu'elle porte effectivement fruit.

    Il y a aussi l'engagement de Johannesburg en matière d'environnement qui vient se greffer sur tout cela. Bien sûr, en septembre 2005, nous verrons si nous avons atteint les objectifs du millénaire pour le développement plus cinq. Il s'agira du test ultime de la façon dont l'architecture globale de l'humanité, pour ainsi dire, a répondu aux principaux objectifs du millénaire en vue de parvenir à un meilleur développement et à des progrès plus solides.

    Cela étant, quand on envisage la situation dans son ensemble, on se rend compte que dans la situation actuelle — je ne m'occupe pas directement de cela, mais j'ai suivi cette question de très près — le L-20 pourrait jouer un rôle de premier plan, comme je le disais, en tant que champion de la réforme parce qu'il permettrait de réunir tous les pays mais surtout un groupe de pays qui dirigent leurs régions et sont des chefs de file en matière de développement.

    Vous avez, par exemple, parlé de la difficulté de convaincre la Chine et la Russie d'adhérer à la notion de responsabilité de protéger mais, d'un autre côté, la Chine est tout à fait disposée et même désireuse d'emboîter le pas du L-20. Ce faisant, si ce groupe est effectivement créé, il devrait devenir le champion de la réforme. Ce n'est pas certainement pas la seule question dont il sera chargé, mais ce sera sans doute un élément fondamental de son action.

    Je suis un peu plus optimiste qu'elle, mais je suis essentiellement d'accord avec Marie Gervais-Vidricaire pour dire que cela va prendre du temps. Il faudra du temps pour parvenir au résultat, mais le Canada est en tête du mouvement et je pense que nous avons de quoi nous enorgueillir du courage dont nous avons fait preuve.

    Merci.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci de votre présence.

    Oh, nous avons sauté Mme McDonough. Excusez-moi.

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup de vous être rendus à l'invitation de ce comité cet après-midi.

    J'ai trois questions à vous poser et je vais essayer d'être brève pour vous laisser le plus de temps possible pour y répondre.

    Dans votre exposé vous dites que les États membres n'ont pas vraiment été consultés ni invités à faire part de leur point de vue au Groupe de haut niveau. S'agissant des représentations faites par le Canada, je me demande si Ottawa a, de son côté, consulté les ONG, le milieu universitaire et tout le réseau des organisations de la société civile qui sont bien informées et engagées, afin de dégager le point de vue du Canada. Pourriez-vous nous décrire le processus qui a été suivi? Deuxièmement, quand le Groupe produira son rapport, enclenchera-t-il un autre processus de consultation pour bénéficier de cet apport important?

    Nous savons tous que, quand le Secrétaire général a annoncé la mise sur pied du Groupe de haut niveau, il s'est engagé à ce que celui-ci formule des propositions hardies, visionnaires. Il y a une chose qui m'inquiète : j'ai l'impression que le Canada se retrouve dans une position où il n'est pas un partenaire complètement loyal, où il est un peu hésitant, ce qui va de plus en plus le... Je sais que le premier ministre a défendu cela. En l'espèce, le G-20, phénomène relativement nouveau, va revêtir une très grande importance. Il pourrait édulcorer l'engagement du Canada envers l'Organisation des Nations Unies en tant qu'institution multilatérale dont nous avons pourtant besoin pour assurer la paix, la sécurité et la justice dans le monde.

    Vous avez également dit qu'il ne fallait pas se perdre en conjectures à propos de ce que le Groupe de haut niveau allait faire, ni réagir a priori. Le Canada a-t-il exprimé une quelconque position au sujet de la réforme structurelle?

    Autrement dit, vous dite qu'il est proposé d'élargir la composition de l'Organisation, en lui ajoutant plus précisément une strate de nations non membres. Le Canada a-t-il formulé des propositions de réforme structurelle dont l'application semble difficile mais sur lesquelles il serait peut-être important que nous réfléchissions?

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Ferry de Kerckhove.

[Traduction]

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Merci beaucoup pour vos questions.

    Je crois effectivement que la Commission est tellement indépendante qu'elle ne tenait certes pas à consulter les États membres à titre officiel, mais je puis vous assurer que beaucoup de personnes ont rendu visite aux membres de la Commission. Le fait que notre premier ministre et notre ministre aient rencontré les gens de la Commission montre bien...

    Je suis allé voir le groupe de rédacteurs et d'autres, parce qu'il se trouve que nous avons un grand intérêt dans tout cela. Voilà pourquoi, même si on ne nous a pas demandé de contribuer à quoi que ce soit, nous avons remis nos deux documents; c'est parce que nous nous sentions particulièrement investis de la responsabilité de protéger, mais aussi parce que, s'agissant de l'administration générale de l'ONU, nous avions une contribution très importante à faire étant donné tout ce que nous avons fait pour l'Organisation dans le passé.

    S'agissant de consultations — et quand j'aurai fini, Marie pourra peut-être vous apporter plus de détails sur la façon dont les consultations ont été tenues au sujet de la responsabilité de protéger — je dois dire que notre contribution s'inscrit en prolongement du dialogue instauré par M. Graham qui nous a amené à tenir des consultations poussées dont nous avons beaucoup tenu compte dans notre document de position relatif à notre engagement soutenu envers le multiculturalisme.

    Vous vouliez également savoir ce qui va se passer après le Groupe de haut niveau et le processus de consolidation. Je vous répondrai très rapidement à cet égard — et je serai très franc avec vous — que deux choses nous gênent. D'abord, il y a l'insistance démesurée placée sur la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU qui pourrait éclipser la réforme beaucoup plus vaste qui concerne l'ONU et qui va au-delà de celle du Conseil de sécurité. J'ai cru comprendre que le Groupe va demander aux pays membres et au Secrétaire général d'envisager ces deux questions séparément pour que l'on ne passe pas à côté de la réforme globale.

    Deuxièmement, ce qui m'inquiète c'est qu'entre le moment où le Groupe de haut niveau aura déposé son rapport, c'est-à-dire au début décembre, et la tenue du Sommet en septembre 2005, beaucoup de temps se sera écoulé. Le Secrétaire général fera rapport sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement au mois de mars.

    Tout cela se fera donc en deux temps : d'abord le dépôt du rapport du Groupe de haut niveau et du rapport Sachs, qui suivra en janvier, puis le rapport du Secrétaire général en mars qui devrait lier le tout. En soi, il s'agit déjà là d'un énorme travail destiné à convaincre les États membres. Et puis, il y aura la période de mars à septembre 2005 où il faudra également beaucoup travailler pour faire approuver la formule de réforme par les États membres à l'occasion du 60e anniversaire.

    C'est cela que j'entends par processus de consolidation.

    J'espère très sincèrement... Personnellement, je crois que le Canada sera en mesure d'appuyer la réforme globale qui se dégagera de cet exercice et qu'il s'affichera en chef de file pour aller chercher l'appui des autres pays. On peut toujours entretenir quelques hésitations ici et là à propos des détails du rapport, mais cela est sans importance, parce que pour garantir la mise en oeuvre de la réforme envisagée, il faudra d'abord obtenir l'assentiment de tout le monde.

    D'après ce que j'ai constaté personnellement, je peux vous dire que le rapport du Groupe de haut niveau sera effectivement hardi et visionnaire. Nous avons toutes les raisons de croire que nous y retrouverons la question de la responsabilité de protéger, par exemple.

    Le Canada demeurera très fidèle à sa position, parce que le G-20 ne remplace certainement pas le Conseil de sécurité. Il ne remplace pas non plus le G-8. Il s'agit essentiellement du prolongement d'un concept antérieur et très efficace formulé par le premier ministre quand il était ministre des Finances, afin de permettre la résolution de crises, comme la crise financière en Asie, comme la réforme de la Banque mondiale et du FMI. Il avait constaté qu'il était très efficace de rassembler des pays concernés autour d'une table pour travailler sur des questions spécifiques, et il a essentiellement voulu reproduire la même chose dans un autre contexte. Ce faisant, je n'y vois pas un affaiblissement de notre engagement envers l'ONU. Ce n'est pas parce que nous sommes au G-8 que nous sommes moins engagés envers l'ONU. Bien au contraire. Nous espérons pouvoir inciter les pays du G8 à appuyer la réforme de l'ONU et ainsi profiter du poids qu'ils mettront dans la balance.

º  +-(1630)  

En troisième lieu, vous avez parlé de la réforme de la structure. Nous n'avons effectivement pas proposé de structure particulière pour le Conseil de sécurité de l'ONU, parce que cette question ne s'est pas posée. Dans les années 90, il y a eu la proposition Razali. C'est un sujet très délicat, mais comme nous défendons une position de principe, nous n'allons pas commencer à faire des contre-propositions. Comme je le disais en ouverture, nous ne pensons pas que le fait d'ajouter un certain nombre de membres permanents permette au Conseil de sécurité d'être plus efficace. J'ai également dit que nous ne sommes pas favorables à la distribution d'autres vétos et que, si l'on pouvait même complètement se débarrasser des vétos ce serait une bonne chose.

    Comme je le disais, le Canada veut aussi pouvoir siéger au Conseil de sécurité de façon régulière. Dans le passé, nous avons été au Conseil de sécurité à peu près une fois tous les 10 ans. Quelle que soit la réforme retenue, nous voulons être certains de conserver la possibilité de siéger au Conseil de sécurité.

    Je pense que je vais m'arrêter là.

+-

    Le président: Vous avez une minute, madame. Allez-y.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Très vite, au sujet de la consultation des ONG sur la responsabilité de protéger, par exemple. Je vous dirais simplement que, quand la Commission a préparé son rapport, elle a consulté très largement différents intervenants dans le monde, notamment la société civile, les ONG et bien d'autres.

    Nous avons instauré un réseau d'ONG sous la gouverne de l'Association mondiale des fédéralistes mondiaux et nous sommes régulièrement en contact avec les ONG. Je tiens à mentionner qu'il y a deux semaines, nous avons organisé une réunion sur la responsabilité de protéger au Darfour, réunion à laquelle ont participé des organisations comme Projet Ploughshares, CARE, Oxfam et MSF Canada.

    Il s'agit donc d'un processus continu. Nous pouvons donc compter sur la société civile et c'est une façon de faire avancer ces questions complexes. C'est ce que nous avons fait, par exemple, dans le dossier des mines terrestres de même que pour le Tribunal pénal international. Tout cela fait donc partie du plan.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à M. Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson: Je voulais consigner une des remarques formulées par monsieur, au début de sa dernière intervention, parce que je la juge importante. Mais avant d'y venir, notre comité se réunit parce qu'il veut discuter de la réforme des Nations Unies. Pour certains d'entre nous, c'est l'occasion d'en apprendre plus sur l'ONU et sur la façon dont elle est structurée, sur son mandat et peut-être également sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas réagi dans certains cas comme le monde aurait peut-être aimé qu'elle le fasse.

    Selon certains, l'ONU joue un rôle moins important qu'auparavant. Nous avons vu ce qui s'est passé dans l'histoire avec la Société des nations quand il était simplement question de débattre des grands enjeux de l'heure sans agir. Ce qui en inquiète beaucoup aujourd'hui, c'est que si les Nations Unies ne font pas plus sentir leur présence, elles vont subir le même sort que la SDN. Nous avons vu ce qui s'est passé au Rwanda et nous avons vu ce qui se passe aujourd'hui au Soudan et au Darfour. Nous ne manquons d'exemples où il aurait été mieux de compter sur un organisme fort et décidé.

    En 2003, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a été présidée par la Libye. Je pense, personnellement, que c'est peut-être des raisons pour lesquelles les gens n'attendent plus autant de l'Organisation des Nations Unies. Il y a le programme nourriture contre pétrole grâce auquel, d'après le journal d'aujourd'hui, Saddam Hussein aurait empoché 21 milliards de dollars. Tout cela, ce sont des programmes que les Nations Unies brandissaient comme d'excellents instruments, tandis qu'aujourd'hui on enchaîne les comités de révision de ces programmes.

    Notre premier ministre — et Mme McDonough en a parlé — a colporté l'idée d'un G-20 rassemblant l'élite de l'élite, bien que je n'aime pas ce mot, pour discuter des problèmes du monde. Et ça non plus, ça ne diminue pas le rôle des Nations Unies?

    Comment le Canada pourra-t-il jouer un rôle? Comment le Canada pourra-t-il jouer un rôle important dans la réforme? Vous avez fait quelques recommandations mineures — je n'aime pas dire qu'elles sont mineures — relativement à ce qui pourrait être fait dans le cas du Conseil de sécurité, mais comment pourrait-on jouer un véritable rôle dans la réforme des Nations Unies?

    À la fin de votre dernière intervention, vous avez dit que le Canada tient à siéger de nouveau au Conseil de sécurité, ce qu'il fait à peu près une fois tous les dix ans, qu'il tient absolument à conserver la possibilité de continuer à participer au Conseil de sécurité. Eh bien, personnellement j'estime que le Canada s'est lui-même privé d,une partie de sa capacité de participer au Conseil de sécurité parce que, même quand notre premier ministre reconnaît qu'il faudra environ 5 000 soldats au Soudan dont un millier viendrait du continent africain, il se trouve que notre pays n'a pas les ressources voulues pour envoyer un contingent là-bas.

    Si nous voulons jouer un rôle dans ce qui se passe au Darfour, il faut se poser la question de savoir si nous faisons suffisamment, ici, pour nous placer dans une position où nous pourrions faire une différence.

º  +-(1635)  

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Vous venez de poser une autre série de questions très intéressantes. Je me propose de commencer par la fin : Aurons-nous les moyens de jouer un rôle?

    Comme vous le savez, on peut jouer un rôle de multiples façons. On peut jouer un rôle diplomatique, on peut envoyer des troupes, on peut envoyer des forces policières et ainsi de suite. Dans le cas du Darfour, par exemple, le premier ministre a annoncé qu'il débloquerait 20 millions de dollars pour renforcer la mission de l'Union africaine. Nous avons deux ou trois planificateurs des Forces canadiennes sur place. Ce n'est pas beaucoup, mais cela compte, parce que ce genre de capacité manquait vraiment à la mission de l'Union africaine et qu'il est important de faire de la planification. Il n'est pas toujours nécessaire d'être en mesure d'envoyer des milliers de soldats, mais il faut se montrer stratégique dans ses contributions. En outre, nous faisons la différence dans l'aide humanitaire que nous apportons.

    Certes, sûr, quand on dispose de plus de ressources, on peut faire davantage. Mais il ne faudrait pas pour autant diminuer l'importance du rôle diplomatique que nous jouons aux Nations Unies. Je crois pouvoir dire que peu de pays ont la même crédibilité que le Canada et je dois ajouter que nous participons à toutes les discussions importantes.

    Vous avez mentionné que la Libye a présidé la Commission des droits de l'homme. Vous vous souviendrez sans doute que le Canada s'était prononcé contre cette présidence, il y a quelques années, et que nous n'étions alors que deux ou trois pays à l'avoir fait. Quand je parle de courage, il est bien question de défendre nos principes et je crois que cette question en est un bon exemple. Il est évident qu'il y a des problèmes, mais je crois que nous pouvons jouer et que nous jouons d'ailleurs un rôle important.

+-

    Le président: Monsieur de Kerckhove.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: J'ai deux ou trois choses à rajouter, mais j'irai très vite cette fois-ci.

    Je pense avoir répondu au sujet de la question du G-20 en vous disant que ce groupe appuierait l'ONU mais qu'il ne s'y substituerait pas.

    Vous avez aussi parlé du programme nourriture contre pétrole et je reconnais avec vous que c'est un cas sans précédent.

+-

    M. Kevin Sorenson: Vraiment?

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Tout à fait. Une enquête est en cours. Et je peux vous dire, a priori, que c'est un cas sans précédent. Je pourrais vous parler en long et en large du programme nourriture contre pétrole, si vous le vouliez, mais pour l'instant je me contenterais de dire que nous ne doutons pas que l'ONU et l'équipe d'enquête vont aller au fond des choses et que nous trouverons les remèdes qui s'imposent. Et puis, il ne manque pas de mécanismes mais, dans une affaire de cette ampleur, il faut prendre le temps de faire le travail.

    Je voulais vous parler du dossier de Haïti, auquel nous avons beaucoup contribué. Là-bas, des soldats argentins et brésiliens et des policiers canadiens travaillent côte à côte sous les auspices de l'ONU. Il ne faut pas minimiser la qualité de ce qui se fait là-bas.

    Je pense que je vais m'arrêter ici.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à M. Boudria.

[Français]

+-

    L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell): D'abord, je ne suis pas sûr de partager l'avis de mon collègue Sorenson, selon qui les Nations Unies sont en train de perdre de leur influence. À l'heure actuelle, combien y a-t-il de Casques bleus un peu partout dans le monde?

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Il y en a 100 000.

+-

    L'hon. Don Boudria: Est-il vrai que nous sommes le seul pays au monde à avoir participé à toutes les missions de paix de l'ONU jusqu'à présent, ou en avons-nous manqué une?

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Nous en avons manqué quelques-unes.

º  +-(1645)  

+-

    L'hon. Don Boudria: Mais ce n'est pas si mal.

    Je ne suis pas de l'avis que le rôle des Nations Unies diminue. Dimanche, je suis allé avec certains collègues en Haïti. J'ai vu le travail que les forces policières canadiennes font là-bas. Nous avons eu une rencontre avec elles et nous avons vu leur travail dans la rue. Nous avons aussi rencontré la MINUSTAH, sous le leadership du Brésil en matière militaire, et nous avons également eu une rencontre très longue avec l'autorité chilienne, qui est présente là-bas également. À mon avis, et à l'avis de tous les Haïtiens, je pense, il ne fait pas de doute que cette présence fait une différence entre ce qu'on pourrait appeler un

[Traduction]

état de nature hobbésienne caractérisé par une vie brève et brutale.

[Français]

et un semblant d'ordre, malgré toutes les imperfections qui existent aujourd'hui, pour ne donner qu'un exemple.

    Ce qui me préoccupe, toutefois, c'est que la population en général devient sensible ou agitée vis-à-vis d'un désastre quand CNN nous dit qu'il y en a un. Si CNN ne nous dit pas qu'il y en a un, cela n'a pas eu lieu. Et cela devient de plus en plus vrai avec les années de par l'omniprésence de cet organe. Il y en a un ou deux autres qui sont semblables, mais pas aussi mauvais que celui-là.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Comme FOX.

+-

    L'hon. Don Boudria: Pas tout à fait, parce que je ne sais même pas s'ils prétendent présenter des nouvelles.

    Dans ce cas, par exemple, on nous parle du Darfour, mais on ne nous parle jamais des millions de réfugiés qui sont dans tous les pays en périphérie de la Sierra Leone. C'est comme s'ils n'existaient pas, comme s'il n'y en avait jamais eu ou comme s'ils avaient été rapatriés au lendemain des déboires dans ce pays. Rien de cela n'est vrai. Ces gens sont toujours là, mais on n'entend pas parler d'eux.

    C'est comme ça un peu partout dans le monde. S'il y a eu cette présence médiatique, on réagit auprès de nos décideurs, on en parle davantage aux Nations Unies ou, du moins, les médias sont sensibles à la situation et lui donnent beaucoup de couverture, et on intervient. Pouvez-vous réagir à ce que je viens de dire? Comment fait-on pour contrer cela, pour ne pas toujours dire que ça va uniquement mal en Afrique? Ça va mal, mais il y a des endroits où ça ne va pas mal, et on n'en entend pas parler non plus. Quant aux endroits où ça va mal, il faudrait qu'on en entende parler de façon moins sélective qu'à l'heure actuelle.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Je pense que tous les points que vous soulevez, monsieur Boudria, sont tout à fait valables. Je vais vous donner un exemple qui ne fera que confirmer la réalité de ce que vous venez de dire. Vous avez tous entendu parler, ou vous devriez tous avoir entendu parler, de l'invasion des criquets pèlerins, des locustes, en Afrique. Eh bien, si on était intervenu--« on » représentant la majesté de l'ensemble de l'humanité capable d'intervenir--dans les trois premières semaines, cela nous aurait coûté environ deux ou trois millions de dollars. Aujourd'hui, la facture est autour de 100 millions de dollars.

    Savez-vous quoi? Nous sommes des êtres humains sur une planète qui est loin d'être parfaite, et je crois qu'il faut le reconnaître. Nous devons travailler collectivement à l'améliorer, et c'est certainement ce que le Canada essaie de faire. Pour ce qui est de notre présence actuelle, je peux vous donner les chiffres si vous le voulez. Nous avons dans le monde 113 policiers civils, 15 observateurs militaires et 195 troupes comme telles. Il y en avait donc 323 le 31 octobre 2004, si vous comptez la MINUSTAH et la MINUC, donc en Haïti, au Congo, en Afghanistan, en Sierra Leone, en Syrie, à Chypre--encore une personne--, en Côte d'Ivoire et au Moyen-Orient. Ce sont les contributions canadiennes aux missions des Nations Unies en date du 31 octobre. Cela nous place à l'heure actuelle au 33e rang des pays.

    Cela dit, comme le disait ma collègue Marie Gervais-Vidricaire, c'est très souvent la qualité de ce que nous apportons qui compte bien plus que le nombre. Je crois que c'est une dimension que nous n'essaierons pas de mettre de l'avant, que nous n'essaierons pas de calculer, parce que cela ne se calcule pas. Cependant, notre contribution reste énorme.

    Cela dit, le facteur CNN est indéniable. Cependant, en tant qu'opérateurs, en tant qu'intervenants à l'échelle du fonctionnariat, nous ne sommes pas influencés par le facteur CNN. Quand il y a crise, nous essayons d'y travailler.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Je voudrais simplement ajouter que les pays donateurs s'emploient à mieux coordonner leurs efforts en matière humanitaire. Il y a un an, la Suède a lancé une initiative appelée le Good Humanitarian Donorship. On a tenu une importante conférence au cours de laquelle on s'est entendu sur une série de principes que les pays donateurs devaient mettre en oeuvre. En outre, il y a un mois environ, le Canada a organisé une conférence de suivi ici, à Ottawa.

    Un des principes importants consiste à accorder des fonds en fonction des besoins et non pas uniquement en fonction de l'effet CNN. Comme vous l'avez très bien dit, il y a malheureusement un très grand nombre de crises qui durent depuis longtemps; en outre, il y a des besoins énormes auxquels on doit faire face, et pas seulement dans les pays qu'on peut voir à la télévision tous les soirs.

    À mon avis, on a compris qu'il était vraiment nécessaire de se concerter à ce sujet pour éviter que tous les pays donateurs mettent l'accent sur les mêmes pays, oubliant par le fait même la moitié de ceux qui ont des besoins.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Bellavance, s'il vous plaît.

+-

    M. André Bellavance (Richmond—Arthabaska, BQ): Merci, monsieur le président. Merci de vos témoignages.

    J'ai une préoccupation toute particulière, et vous l'avez effleurée plus tôt, monsieur de Kerckhove, en répondant à une question de ma collègue du NPD: il s'agit de la réforme des autres organisations internationales. Vous avez mentionné le FMI et la Banque mondiale. Je voulais savoir si l'approche du ministère face à la réforme des Nations Unies était liée à celle de ces autres organisations internationales.

    Je me préoccupe de cette question parce que dans une autre vie, j'ai été l'adjoint parlementaire du député de Joliette, Pierre Paquette, qui est membre permanent de ce comité. En toute modestie, je mentionne que j'ai un peu contribué à la rédaction d'une motion--et je vous épargne les détails--qui se lit comme suit:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement, par l'entremise de son ministre des Finances, devrait entreprendre des consultations avec les partenaires signataires des accords visés par la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes afin que ces accords soient modifiés de façon à inclure le respect des droits humains comme faisant partie intégrante du mandat du Fonds monétaire international et de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement afin que l'élaboration des politiques de ces organismes tienne compte des effets de celles-ci sur les progrès ou les régressions du respect des droits humains.

    Nous avions travaillé à cela, mais il y a eu des élections depuis. À moins que vous trouviez cela embarrassant, j'aimerais d'abord savoir ce que le ministère en pense, et ensuite, si votre approche est liée à la réforme des autres organisations.

+-

    Le président: Merci. Monsieur de Kerckhove, pour la deuxième partie, ne répondez au nom ni du gouvernement ni du ministère, s'il vous plaît. Vous pouvez quand même donner des détails sur la première partie de la question, quitte à englober la deuxième partie. Merci.

+-

    M. Ferry de Kerckhove: C'est une question de confiance, monsieur le président.

    Comme je crois l'avoir dit au début, le rapport du groupe de haut niveau n'est qu'un des éléments d'un courant général de réforme. Le rapport de Jeffrey Sachs, qui est commandité par le secrétaire général des Nations Unies et qui devrait être disponible dès janvier ou au milieu de janvier, va traiter d'une dimension très importante. Il va porter sur la relation entre le Programme des Nations Unies pour le développement et les institutions financières internationales de Bretton Woods. Il y aura donc là une tentative de déterminer qui fait quoi et à l'appui de qui.

    À deux reprises, j'ai été chef de mission à l'étranger. J'ai donc eu l'occasion de voir la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les organismes des Nations Unies travailler ensemble. Généralement, il y a une solide concertation. Toutefois, il arrive souvent qu'on se demande pourquoi une telle institution fait ceci alors que l'autre fait cela. À cet égard, comme le font d'ailleurs nombre de pays, nous demandons que les agences spécialisées des Nations Unies travaillent de façon plus organisée sur le terrain. Nous voulons un peu plus de cohérence. Cette dernière doit d'abord découler d'une concertation entre les agences et les institutions financières internationales, ainsi que d'une meilleure concertation--et c'est là que tous ces éléments interviennent--entre le pays en développement récipiendaire et les organismes internationaux qui s'y trouvent.

    Concernant les droits de la personne, je vais me permettre de rappeler, à titre plutôt personnel, que lorsque j'étais directeur des relations économiques auprès des pays en voie de développement, les événements de la place Tiananmen, en Chine, avaient eu lieu. Une des grandes questions qui se posaient alors était de savoir si la Banque mondiale reviendrait en Chine, compte tenu des violations des droits de la personne qui s'y étaient perpétrées.

    Ce n'est pas comme si on avait ignoré ces événements. Cependant, le critère qu'on utilisait à l'époque, et qui est d'ailleurs vraiment devenu un acte de foi, était celui des besoins humains de base. Autrement dit, si un projet répondait aux besoins profonds et immédiats de la population, la Banque mondiale pouvait continuer à faire des prêts. Cela dit, la Banque mondiale a mis plus d'un an et demi avant de retourner en Chine.

    Bref, il est clair que dans les délibérations du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, les droits de la personne sont une considération qui joue un rôle certain.

º  +-(1650)  

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Cela fait partie des efforts du Canada que d'essayer de s'assurer que les questions de droits de la personne soient prises en considération dans à peu près tous les contextes. On parle de mainstreaming. Quand on aborde ces questions d'institutions financières internationales, c'est l'approche que l'on adopte.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci

    Il nous reste une dizaine de minutes et nous allons passer sans plus attendre aux questions de M. Martin, de M. Day, puis de Mme McDonough.

    Monsieur Martin.

+-

    L'hon. Keith Martin: Ma question est simple : qu'a-t-on fait pour mieux intégrer les activités des institutions de Bretton Woods, surtout quant à la façon dont elles sont coordonnées et au rôle qu'elles sont appelées à jouer, principalement la Banque mondiale qui, je crois, a nettement changé l'orientation de sa mission?

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Voilà une question intéressante. Je ne pense pas qu'elle touche directement au mandat de réformer l'ONU, mais je peux vous dire qu'il en est question dans le contexte du rapport de Jeffrey Sachs et que les discussions vont dans le même sens. En effet, je me suis entretenu avec l'administrateur adjoint du PNUD qui aborde la question de façon différente de ce que vous l'avez fait, mais qui vous rejoint. Il a dit : Il est grand temps que les États nations nous disent ce qu'ils attendent de nous, sur quel sujet ils veulent que nous travaillions et s'ils veulent que nous nous rendions effectivement dans certains endroits.

    Sa question était une sorte de provocation parce que, en sa qualité d'administrateur adjoint du PNUD, il se savait bien sûr critique. Ce qu'il voulait dire, c'est qu'en l'absence d'un mandat clair, les changements d'orientation de mission sont inévitables. Je crois que c'est ce qu'on va finalement retenir du rapport de Jeffrey Sachs.

    On se rend bien compte quand on siège à certaines tables, comme à celle du groupe consultatif sur le Forum de développement de l'Indonésie et du Pakistan, où je représentais le Canada, que la Banque mondiale a d'énormes intérêts en jeu. Elle est appelée à remplir un rôle très important et il y a de plus en plus de pays donateurs, comme la Hollande, qui travaillent directement sur certains projets de la Banque mondiale et qui y contribue aussi directement. On a l'impression que les moyens ne manquent pas et le premier ministre, quand il était ministre des Finances, a fait partie de ceux qui ont dit : « Effectivement, mais il y a eu des problèmes importants là-bas et il faut aussi revoir tout cela ». Je crois que nous marchons dans la bonne direction.

º  +-(1655)  

+-

    Le président: Avez-vous une question brève à poser, monsieur Day?

+-

    M. Stockwell Day: Oui monsieur le président.

    J'aimerais savoir une chose. Nous ne sommes pas ici pour parler de questions de politique avec vous, mais pouvez-vous nous dire quel est le processus appliqué par le Canada à l'ONU pour désigner ceux ou celles qui nous y représentent et votent pour nous à cette organisation?

    Je veux parler de nos délégués à l'Organisation des Nations Unies. On parle d'un vote à l'ONU, mais combien de personnes reçoivent les consignes d'Ottawa sur la façon de voter?

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Notre délégation de New York, c'est-à-dire l'ambassadeur ou le premier secrétaire, votent suivant les consignes d'Ottawa qui émanent du ministère des Affaires étrangères. Si la question à l'étude concerne plus d'un ministère, il y a d'abord des consultations interministérielles qui permettent de dégager la position du Canada, mais notre délégation de New York reçoit toujours des consignes précises parce que nous sommes au courant des résolutions qui doivent être présentées. Nous avons le temps de les examiner et de décider de la position que nous adopterons à leur sujet, position qui est transmise à la délégation.

+-

    M. Stockwell Day: Monsieur le président, j'ai une autre question pour information. Je ne suis peut-être pas au courant, mais je ne vois pas régulièrement passer les préavis de vote. Je ne prétends pas qu'on nous cache quoi que ce soit, mais je ne vois jamais les préavis de vote. Pourrait-on être tenu au courant ou s'agit-il d'un processus extraordinaire?

+-

    Le président: Ces préavis sont-ils sur le site Internet?

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Je crois que vous trouverez certains projets de résolution sur Internet.

    Normalement, les projets de résolution sont d'abord distribués. Ils sont négociés et font l'objet de consultations ouvertes auxquelles participent les membres qui recommandent des changements et, dans le cas des Nations Unies à New York, il y a un vote en comité suivi, quelques semaines plus tard, d'un vote en réunion plénière de l'Assemblée générale. Il suffit d'examiner le programme des divers comités pour savoir quand aura lieu le vote pour les points 1, 2 ou 3 et à quelle date. Tout cela est donc connu d'avance. Nous savions, par exemple, que la résolution sur l'Iran serait sans doute mise aux voies aujourd'hui.

    Une voix: Le site Internet est très complexe.

[Français]

+-

    Le président: Merci.

[Traduction]

+-

    M. Stockwell Day: Parlons de fonctionnement. Serait-il trop coûteux que nous soyons...? Plutôt que de nous inviter à vérifier ce qui est affiché sur le site Internet, comme vous-même et le reste du ministère êtes au courant des votes à venir, ne pourriez-vous pas nous informer de ce qui s'annonce?

+-

    M. Ferry de Kerckhove: Pourrait-on prendre cette question en délibéré pour voir quels mécanismes appliquer? Certes, nous voulons tout faire pour aider les parlementaires à être mieux renseignés sur les questions concernant l'ONU et nous serions ravis de vous informer de cette façon, mais je me dois de prendre la chose en délibéré, parce que je veux savoir comment nous pourrons nous y prendre techniquement. Je veux aussi m'entretenir avec les personnes qui s'occupent des relations avec les parlementaires... Nous allons nous y intéresser.

+-

    Le président: Je comprends votre question, monsieur Day, mais je vais demander à notre greffier s'il y a une façon de tenir les membres du comité au courant des votes futurs et leur communiquer la date, que ce soit grâce à un mécanisme de liaison avec les Nations Unies ou avec notre ambassade à New York.

+-

    M. Stockwell Day: Ce serait vraiment bien.

+-

    Le président: Madame McDonough, pour une petite question... en fait une moitié de question.

+-

    Mme Alexa McDonough: Nous ne sommes pas forcément d'accord sur tout, mais nous sommes absolument d'accord sur les horreurs épouvantables du génocide rwandais et sur les leçons qu'il convient d'en tirer. Le Canada a beau se vanter d'être un pays multilatéraliste, d'être le défenseur indéfectible des Nations Unies et du rôle confié à cette organisation, mais force est de constater qu'il n'a rien fait d'important pour marquer le dixième anniversaire du génocide rwandais, qu'il n'a pas mobilisé les Canadiens, qu'il n'a pas attiré leur attention et qu'il n'a pas fourbi ses arguments pour expliquer que nous devrions être beaucoup mieux préparés dans l'avenir afin de faire éventuellement face à de tels événements. Pourriez-vous réagir à cela?

    Deuxièmement...

+-

    Le président: Je ne veux pas vous presser, mais il est déjà 17 heures.

    Madame Marie Gervais-Vidricaire, je vous en prie.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Bien. Nous avons organisé un événement important à New York pour commémorer le dixième...

+-

    Mme Alexa McDonough: Je parle du Canada.

+-

    Le président: Sur la Colline parlementaire.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: Effectivement, nous avons eu un événement au Parlement, mais je crois important de mentionner aussi que nous avons organisé quelque chose à l'échelle internationale parce que Bill Graham, qui était le ministre responsable à l'époque, a coprésidé une séance à laquelle a participé le premier ministre du Rwanda à New York. Le Secrétaire général était là de même que le général Dallaire. Nous avons fait salle pleine. L'événement a été très impressionnant. Un ancien de l'ONU a déclaré que c'était la meilleure séance à laquelle il lui a été donné d'assister en 10 ans à l'ONU. Nous avons aussi accueilli des survivants du génocide...

»  -(1700)  

+-

    Mme Alexa McDonough: Oui, mais ce n'était pas au Canada.

+-

    Mme Marie Gervais-Vidricaire: C'était télévisé. Personnellement, je pense que c'était un événement majeur. Je sais que plusieurs événements ont eu lieu, même s'ils n'étaient pas nécessairement organisés par le gouvernement, mais...

-

    Le président: Je remercie nos deux témoins.

[Français]

    Merci beaucoup à nos deux témoins. Nous allons suspendre la séance pour deux ou trois minutes.

[Traduction]

    [La séance se poursuit à huis clos]